1. Introduction
1. La raison d’être du Conseil
de l’Europe est «de réaliser une union plus étroite entre ses Membres
afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes
qui sont leur patrimoine commun et de favoriser leur progrès économique
et social» (article 1 du Statut du Conseil de l’Europe (STE no 1)
de 1949). Pour atteindre ce but, le Statut instaure le principe
d’une coopération intergouvernementale, qui est depuis au cœur du
fonctionnement de l’Organisation. Cette coopération entre les États
membres est centrée sur l’élaboration de normes communes dans les
conventions et leur mise en œuvre effective dans les États membres,
afin de garantir la continuité dans la réalisation de l’objectif
statutaire.
2. Depuis près de 70 ans, les conventions ont fortement contribué
à améliorer le fonctionnement des institutions démocratiques en
Europe, à développer l’État de droit, et à protéger et promouvoir
les droits des citoyens européens vivant dans les États membres
du Conseil de l’Europe. Ces conventions, qui sont des traités multilatéraux,
constituent collectivement la principale source de l’acquis du Conseil
de l’Europe et ont fortement contribué au développement du cadre
juridique des 47 États membres. Dans la
Résolution 1732 (2010) «Renforcer l’efficacité du droit des traités du Conseil
de l’Europe», l’Assemblée parlementaire se félicitait du fait que
le Conseil de l’Europe ait mis en place les fondements d’un corpus normatif
européen innovant et cohérent, notamment dans ses domaines d’excellence
que sont la protection des droits de l’homme, la démocratie et l’État
de droit. Elle notait que ce corpus conventionnel, qui couvre l’ensemble
du continent, constitue les fondations d’une Europe sans clivages.
Dans sa réponse à la
Recommandation 1920 (2010) de l’Assemblée, le Comité des Ministres notait que les
conventions du Conseil de l’Europe constituent un système unique
intégré de normes juridiques, définies collectivement au sein de l’Organisation
et approuvées par les États membres.
3. Lors de la préparation du présent rapport sur la nécessité
de défendre cet acquis de la coopération intergouvernementale au
sein du Conseil de l’Europe, le rapporteur a pu échanger des informations
sur le passé et l’avenir du système conventionnel avec plusieurs
experts juridiques. Il a effectué des visites d’information en Ukraine
et en Espagne, pays qui ont eu accès à l’acquis du Conseil de l’Europe
après avoir réussi à remplacer un système de pouvoir autoritaire
par la démocratie pluraliste. En outre, deux auditions spécifiques
ont été organisées à Strasbourg et à Paris sur la question du système
conventionnel du Conseil de l’Europe. Le rapporteur remercie toutes
les personnes qui l’ont aidé à rassembler les informations et les propositions
qui suivent au sujet du système conventionnel unique du Conseil
de l’Europe
.
4. L’Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres jouent
un rôle particulièrement pertinent dans le développement et le suivi
du système conventionnel de l’Organisation.
5. L’article 15.a du Statut
de 1949 dispose que le Comité des Ministres examine, sur recommandation
de l’Assemblée ou de sa propre initiative, les conventions ou les
accords. Un grand nombre de ces traités ont été élaborés à l’instigation
de l’Assemblée, souvent décrite comme le moteur politique du Conseil
de l’Europe.
6. Toute initiative en vue de l’élaboration d’un nouveau traité
doit être approuvée formellement par le Comité des Ministres, l’organe
exécutif du Conseil de l’Europe. Le Comité des Ministres peut solliciter
l’avis de l’Assemblée sur tout projet de traité (article 23.
a du Statut). Depuis 1998, il consulte
effectivement l’Assemblée sur tous les projets de traités
.
7. L’Assemblée et le Comité des Ministres portent donc – conjointement
avec les États membres – la responsabilité de la création, de la
protection et de la poursuite du développement du système conventionnel en
Europe.
8. Au nombre des premières conventions du Conseil de l’Europe
figurent la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5)
et la Charte sociale européenne (STE no 35),
mais également, notamment, le Code européen de sécurité sociale
(STE no 48), la Convention européenne
d’assistance sociale et médicale (STE no 14),
la Convention culturelle européenne (STE no 18),
la Convention européenne d’extradition (STE no 24)
et la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale
(STE no 30).
9. Pendant près de quatre décennies, du fait de la division de
l’Europe suite à la guerre mondiale, les conventions du Conseil
de l’Europe ne pouvaient s’appliquer qu’aux citoyens d’une partie
de l’Europe. Les États d’Europe centrale et orientale ne faisaient
pas partie du Conseil de l’Europe. En Europe du Sud, la Grèce, le
Portugal et l’Espagne n’ont commencé à participer au système conventionnel
qu’après la chute des régimes fascistes au milieu des années 1970.
10. Bien que la plupart des conventions du Conseil de l’Europe
aient été créées entre 1949 et 1989, depuis la chute du mur de Berlin
en 1989, le système conventionnel du Conseil de l’Europe a vu son
importance s’accroître énormément. Le Conseil de l’Europe a été
la première organisation internationale à rassembler l’ensemble
des pays européens
. Depuis
1989, le nombre de ses membres a plus que doublé: il est aujourd’hui de
47 États, qui regroupent plus de 835 millions de citoyens. Depuis
cette date également, la Convention européenne des droits de l’homme
est entrée en vigueur dans les 47 États membres et de nombreuses
autres conventions du Conseil de l’Europe ont été signées et ratifiées
par les États membres et sont entrées en vigueur, en contribuant
dans une large mesure à la standardisation effective des normes
au niveau paneuropéen sur la base de valeurs communes.
2. Évaluations du système conventionnel
11. À trois reprises, en 1993,
1997 et 2005, les chefs d’État et de gouvernement des États membres
du Conseil de l’Europe ont évalué les buts, les réalisations et
les besoins futurs de l’Organisation, y compris en ce qui concerne
son système conventionnel.
12. Le Premier Sommet des chefs d’État et de gouvernement du Conseil
de l’Europe, qui a eu lieu à Vienne en 1993, a déclaré qu’avec la
fin de la division de l’Europe s’offrait une opportunité historique
de consolider la paix et la stabilité sur le continent et de faire
de l’Europe un vaste espace de sécurité démocratique. L’adhésion au
Conseil de l’Europe des nouvelles démocraties créées après la chute
du communisme était alors considérée comme un élément essentiel
du processus de construction européenne fondé sur les valeurs de l’Organisation.
Les chefs d’État et de gouvernement ont décidé de créer une Cour
européenne unique des droits de l’homme. Le Sommet a également souligné
la nécessité d’aborder les questions relatives aux minorités nationales,
qui n’ont effectivement cessé de gagner en importance après l’implosion
d’États plurinationaux comme l’Union soviétique et la Yougoslavie.
C’est ce qu’ont cherché à faire pour une part la Charte européenne
des langues régionales ou minoritaires (STE no 148),
la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales
(STE no 157) et la Convention européenne
sur la nationalité (STE no 166). Pour
s’attaquer à d’autres enjeux pressants de la nouvelle Europe alors
en voie de constitution, le Premier Sommet a également créé la Commission
européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI).
13. Le Deuxième Sommet des chefs d’État et de gouvernement du
Conseil de l’Europe, organisé à Strasbourg en 1997 sur l’initiative
du Président de l’Assemblée parlementaire, a mis l’accent sur le
rôle normatif essentiel du Conseil de l’Europe dans le domaine des
droits de l’homme et sa contribution au développement du droit international
par le biais des conventions européennes. Ce sommet a approuvé la
ratification par tous les États membres du Protocole no 11
à la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 155) permettant
la mise en place d’une nouvelle Cour européenne unique des droits
de l’homme à partir de 1998. Il a également approuvé la proposition
de créer un Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l'Europe, en
tant que lien dynamique entre le Comité des Ministres et l’Assemblée
et les diverses institutions pertinentes à l’échelon national et
international. Le Deuxième Sommet a réitéré l’importance du principe
du respect des engagements contractés par les États membres, énoncé
par l’Assemblée en 1993 lors de l’adhésion des pays d’Europe centrale
et orientale. Il a également souligné le besoin de promouvoir les
normes sociales inscrites dans la Charte sociale européenne et d’autres
instruments du Conseil de l’Europe, et appelé au respect le plus large
possible de ces instruments. En outre, ce sommet a appelé à l’adoption
de nouvelles mesures pour prévenir et combattre le terrorisme, la
corruption et le crime organisé. Il a appelé instamment à achever rapidement
l’élaboration d’instruments juridiques internationaux, conformément
au Programme d’action du Conseil de l’Europe contre la corruption,
et décidé d’établir un mécanisme approprié et efficace pour le suivi du
respect des principes directeurs et de la mise en œuvre desdits
instruments internationaux.
14. Lors du Troisième Sommet, en 2005 à Varsovie, les chefs d’État
et de gouvernement ont convenu que tous les États membres s’efforceront
d’assurer l’efficacité de la Convention européenne des droits de
l’homme par tous les moyens appropriés. À cette fin, la Cour européenne
des droits de l’homme recevra le soutien nécessaire et les mesures
de réforme adoptées seront mises en œuvre.
15. À l’échelon national devra être assurée l’existence dans tous
les États membres de mécanismes efficaces et adéquats pour vérifier
la conformité de la législation et des pratiques administratives
avec la Convention; toute personne pouvant arguer d’une violation
de la Convention devra avoir accès à des voies de recours interne
efficaces; et une formation adéquate aux normes de la Convention
devra être pleinement intégrée à l’enseignement universitaire et
à la formation professionnelle.
16. Le Sommet de Varsovie a insisté sur la nécessité pour tous
les États membres d’accélérer la pleine exécution des arrêts de
la Cour; le Comité des Ministres a été invité à élaborer et mettre
en œuvre toutes les mesures nécessaires à cette fin, notamment pour
assurer l’exécution des arrêts signalant l’existence de problèmes
structurels, en particulier les problèmes à caractère répétitif.
17. Le Troisième Sommet a également souligné qu’en tant que principal
forum pour la protection et la promotion des droits de l’homme en
Europe, le Conseil de l’Europe devrait – via ses divers mécanismes
et institutions – jouer un rôle dynamique dans la protection des
droits des individus et promouvoir l’engagement inestimable des
organisations non gouvernementales dans la défense active des droits
de l’homme. L’institution du Commissaire aux droits de l’homme serait
renforcée et le soutien apporté au Comité européen pour la prévention
de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants
(CPT) serait poursuivi. Les chefs d’État et de gouvernement ont
encouragé le Conseil de l’Europe à poursuivre ses activités dans
le domaine de la protection des minorités nationales, en particulier
au moyen de la Convention‑cadre pour la protection des minorités
nationales, et de la protection des langues régionales grâce à la
Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Ils ont
également invité le Conseil de l’Europe à intensifier ses activités dans
le domaine des politiques sociales sur la base de la Charte sociale
européenne et d’autres instruments pertinents. Ils ont invité le
Comité des Ministres à réexaminer la stratégie du Conseil de l’Europe
visant à promouvoir la cohésion sociale au XXIe siècle.
L’importance de l’application effective de la Convention antidopage
(STE no 135) et de la Convention européenne
sur la violence et les débordements de spectateurs lors de manifestations
sportives et notamment de matches de football (STE no 120)
a été soulignée. Enfin, le Conseil de l’Europe devrait contribuer,
en coopération avec l’Union européenne, à une gestion plus équilibrée des
migrations dans toute l’Europe.
18. Les États membres devraient s’efforcer, via le Conseil de
l’Europe, de réaliser l’objectif commun de promotion de la démocratie
et d’une gouvernance de haute qualité au niveau national, régional
et local pour tous les citoyens. Ils sont appelés à s’appuyer pleinement
sur les avis et l’assistance de la Commission européenne pour la
démocratie par le droit (Commission de Venise), afin de poursuivre
le développement des normes européennes. Les États membres devraient
mettre pleinement à profit le potentiel normatif du Conseil de l’Europe
et promouvoir la mise en œuvre et la poursuite du développement
des instruments juridiques et des mécanismes de coopération juridique
de l’Organisation. Les participants au Sommet ont appelé instamment
les États membres à continuer leurs efforts communs en vue d’assurer
le plein respect de leurs engagements à l’égard des normes communes
auxquelles ils ont souscrit. Les activités normatives dans le domaine
de la justice et d’autres domaines pertinents du droit, ainsi que
les processus de suivi des mesures antidiscrimination, devront être
poursuivis afin d’aider les États membres à traiter les problèmes
existants et à développer leurs systèmes légaux. Le suivi devra,
si nécessaire, s’accompagner d’une aide et d’un soutien technique
du Conseil de l’Europe.
19. Les conventions élaborées depuis comprennent: la Convention
du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à
la saisie et à la confiscation des produits du crime et du financement
du terrorisme (STCE no 198), le Protocole
additionnel à la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention
du terrorisme (STCE no 217), la Convention
du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation
et les abus sexuels (STCE no 201), la
Convention européenne en matière d’adoption des enfants (révisée)
(STCE no 202), le Protocole d’amendement
à la Convention concernant l’assistance administrative mutuelle
en matière fiscale (STCE no 208), les
Troisième et Quatrième Protocoles additionnels à la Convention européenne
d’extradition (STCE nos 209 et 212),
la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte
contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique
(STCE no 210), et la Convention du Conseil
de l'Europe sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions
similaires menaçant la santé publique (STCE no 211).
Plusieurs protocoles à la Convention européenne des droits de l’homme
ont aussi été élaborés. Les nouvelles conventions ouvertes à la
signature mais non encore entrées en vigueur incluent: la Convention
du Conseil de l'Europe sur la manipulation de compétitions sportives
(STCE no 215), la Convention du Conseil
de l'Europe contre le trafic d’organes humains (STCE no 216)
et la Convention du Conseil de l'Europe sur une approche intégrée
de la sécurité, de la sûreté et des services lors des matches de
football et autres manifestations sportives (STCE no 218).
20. En 2012, le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe a présenté
un rapport sur le passage en revue des conventions du Conseil de
l’Europe
dans
lequel il énumère les conventions clés aptes à fournir une plateforme
juridique commune à tous les États dans le domaine des droits de
l’homme, de l’État de droit et de la démocratie
.
Il identifie également les conventions obsolètes, non en vigueur
ou d’application limitée, ainsi que les conventions qui demandent
à être actualisées afin de maintenir ou de renforcer leur pertinence.
Le Secrétaire Général signale en outre les moyens de promouvoir
l’adhésion des États non‑membres aux conventions pertinentes pour
renforcer le rôle dirigeant du Conseil de l’Europe dans ses domaines
d’action prioritaires, ainsi que les moyens de faciliter l’adhésion
de l’Union européenne aux conventions actuelles et futures du Conseil
de l’Europe afin d’éviter, dans la mesure du possible, la duplication
des efforts dans le domaine des droits de l’homme, de l’État de
droit et de la démocratie.
21. Le Quatrième Sommet des chefs d’État et de gouvernement est
aujourd’hui en préparation
et l’Assemblée
devrait proposer au Comité des Ministres d’inscrire à l’ordre du
jour de ce Sommet une nouvelle évaluation approfondie du système
conventionnel du Conseil de l’Europe, en prenant en compte le rapport d’évaluation
du Secrétaire Général de 2012 et ses propositions pour la promotion
des conventions au niveau national et international, ainsi qu’à
celui de l’Union européenne et des États non‑membres. Lors de la discussion
de l’avenir du Conseil de l’Europe, le patrimoine commun unique
que constitue le système conventionnel devrait être reconnu, affirmé,
défendu et, si nécessaire, développé, dans l’intérêt de tous les citoyens
et habitants de l’Europe – et des autres personnes à qui les conventions
s’appliquent ou pourraient s’appliquer.
3. Étendue
et impact des conventions
22. L’article 3 du Statut reconnaît
le «principe de la prééminence du droit et le respect des droits
de l’homme et des libertés fondamentales qui doit s’appliquer à
toute personne placée sous sa juridiction» et établit le principe
d’une coopération intergouvernementale
,
qui est au cœur du fonctionnement du Conseil de l’Europe.
23. Dès l’origine du Conseil de l’Europe, il est apparu clairement
qu’étant donné la nature intergouvernementale de l’Organisation,
le meilleur moyen de réaliser et de consolider l’objectif d’une
union étroite entre les États membres était de promouvoir des procédés
de droit international public, tels que les traités et les accords,
conçus autour du principe du libre engagement des États. Les traités
du Conseil de l’Europe ne sont pas, en tant que tels, des instruments
juridiques de l’Organisation; ils doivent leur existence au consentement
des États et des organisations internationales qui les signent et
les ratifient
24. L’élaboration de conventions et d’accords a été l’une des
activités essentielles du Conseil de l’Europe. La force de ces traités
tient à leur caractère formel et au fait qu’ils sont juridiquement
contraignants pour les États qui les ont acceptés. La faiblesse
potentielle des traités du Conseil de l’Europe – comme de tous les traités
internationaux – est la lenteur du processus de ratification et
l’absence pour les États d’obligation de les ratifier après avoir
voté en leur faveur au sein du Comité des Ministres. Néanmoins,
comparé à d’autres traités internationaux, le bilan des ratifications
des traités du Conseil de l’Europe est plus positif.
25. Ces traités – 221 à ce jour – couvrent un large éventail de
sujets. Le Statut nomme en particulier les droits de l’homme et
les libertés fondamentales, et les domaines économique, social,
culturel, scientifique, juridique et administratif (article 1.b). Nombre de ces traités ont un
impact immédiat sur la vie des citoyens européens. Cela est particulièrement
évident dans le cas de la Convention européenne des droits de l’homme et
de ses Protocoles. Ensemble, ces instruments affirment les droits
et libertés inaliénables de chaque individu dans tous les États
membres et obligent les États membres à garantir les droits et libertés
de toute personne placée sous leur juridiction.
26. La sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
a été étendue par de nombreuses autres conventions telles que la
Charte sociale européenne, qui protège les droits sociaux fondamentaux,
et la Convention‑cadre pour la protection des minorités nationales.
D’autres conventions importantes aident les États membres dans la
lutte contre la criminalité, y compris la cybercriminalité, et promeuvent
la coopération entre autorités judiciaires dans toute l’Europe.
Elles portent notamment sur l’extradition et l’entraide judiciaire en
matière pénale, ainsi que la lutte contre le blanchiment de capitaux
et la confiscation des produits du crime. D’importantes conventions
ont été créées et actualisées, notamment au sujet de la lutte contre
le terrorisme, la protection des femmes et des enfants, la lutte
contre la traite des êtres humains, la coordination des systèmes
de sécurité sociale et la suppression de la discrimination dans
le domaine de l’aide sociale et médicale.
27. En tant que traités conclus selon les règles du droit international,
les conventions du Conseil de l’Europe ont, au moins du point de
vue du droit international, la précédence sur toute législation
nationale. Peu de traités du Conseil de l’Europe contiennent des
dispositions explicites sur la mise en œuvre de leurs dispositions
dans le droit interne des États. Dans certains États membres
, un traité
acquiert le statut de loi nationale dès sa ratification. Dans d’autres
États membres
, un traité
ratifié ne jouit pas automatiquement du statut de loi nationale.
Un texte législatif distinct est requis à cet égard. Un système
«mixte» existe aussi dans plusieurs États
. Néanmoins,
dans tous les États ratifiants, les dispositions des conventions
du Conseil de l’Europe deviennent un élément du cadre juridique
national et jouent par conséquent un rôle important dans la vie
des citoyens européens.
28. Le Conseil de l’Europe demeure aujourd’hui l’un des très rares
forums multilatéraux capables d’élaborer rapidement des instruments
internationaux de type classique (comme les conventions) sur une
gamme étendue de sujets. La Convention du Conseil de l’Europe sur
la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes
et la violence domestique, par exemple, a été élaborée pour répondre
de façon urgente au problème de la violence domestique. Conçue pendant
une période d’un an avec la participation active des représentants
des États membres, elle a été ouverte à la ratification en 2011
et est entrée en vigueur en 2014. En 2010, dans le cadre de la lutte
contre la fraude fiscale, l’Organisation de coopération et de développement économiques
(OCDE) s’est tournée vers le Conseil de l’Europe pour actualiser
et rendre plus maniable la Convention concernant l’assistance administrative
mutuelle en matière fiscale, le seul instrument traitant conjointement
des mesures fiscales et du respect des droits de l’homme. Un Protocole
additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention
du terrorisme a été ouvert à la ratification en 2015 et est entré
en vigueur en juillet 2017.
4. Impact
de l’accès à l’acquis du Conseil de l’Europe. Quatre études de cas:
Ukraine, Espagne, Russie et Union européenne
29. Pour évaluer les effets de
l’adhésion au Conseil de l’Europe sur les cadres juridiques nationaux,
et donc à l’acquis de la coopération intergouvernementale, le rapporteur
a effectué des visites d’information en Ukraine et en Espagne. Ces
deux pays ont rejoint le système conventionnel après une longue
période de régime autoritaire: le communisme en Ukraine et le fascisme
en Espagne. Le rapporteur a aussi accordé une attention particulière
à l’impact de l’adhésion au Conseil de l’Europe en Fédération de
Russie, plus grand État membre de l’Organisation, après 70 ans de
pouvoir communiste. Par ailleurs, le rapporteur a examiné la relation
entre le Conseil de l’Europe et ses conventions et l’Union européenne,
dont tous les membres sont également membres du Conseil de l’Europe.
4.1. Ukraine
30. Selon les interlocuteurs rencontrés
à Kiev par le rapporteur entre les 10 et 12 janvier 2017, après l’émergence
de l’État ukrainien en 1991, le pays s’est trouvé confronté au défi
de la construction d’un nouveau système de gouvernance et de la
réforme de son système juridique. La structure datant de l’ère soviétique
n’a alors été que partiellement remplacée, un nombre très important
de dogmes de la jurisprudence héritée de l’ex‑URSS restant intouchés.
Un exemple manifeste de cette situation, mentionné par les interlocuteurs ukrainiens,
était l’absence dans le Code pénal d’infractions graves en matière
de corruption ou de traite des êtres humains. En violation du principe
de la primauté du droit, le système judiciaire se caractérisait
par l’existence d’une procédure de «contrôle juridictionnel» permettant
d’annuler des décisions de justice ayant acquis l’autorité de chose
jugée. Ces défauts institutionnels ont persisté en Ukraine après
son adhésion au Conseil de l’Europe en 1995.
31. La coopération en matière de droit pénal et de droit civil,
qui reposait auparavant sur les accords conclus dans le cadre de
la Communauté des États indépendants, a été graduellement remplacée
par la coopération basée sur les conventions du Conseil de l’Europe.
C’est ainsi que l’enquête menée en 2006 sur l’accident aérien impliquant
un avion de la compagnie russe Pulkovo, qui s’est écrasé près de
Donetsk, a été rendue possible grâce à la Convention européenne
d’entraide judiciaire en matière pénale.
32. L’Ukraine a ratifié à ce jour 87 conventions et signé – mais
non encore ratifié – 24 conventions. Certaines de ces conventions
ne seront jamais ratifiées car elles sont devenues obsolètes ou
seront remplacées par de nouvelles conventions. La ratification
de plusieurs conventions demande du temps, soit parce qu’il est nécessaire
d’identifier le type d’activités nationales auxquelles elles s’appliquent,
soit parce qu’il faut d’abord obtenir les moyens financiers requis
pour assurer leur mise en œuvre. La Convention européenne des droits de
l’homme a été et demeure le principal instrument juridique pour
l’introduction de changements institutionnels et juridiques dans
tous les domaines de la vie publique en Ukraine. D’importantes réformes intérieures
ont aussi été déclenchées par la Convention pour la prévention de
la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants
et par les conclusions du CPT, qui peuvent être considérées comme
un second ensemble de normes précieuses et irréfutables. Les avis
de la Commission de Venise sur les projets de loi sont également
perçus comme un outil indispensable sur les questions constitutionnelles
et juridiques. Bien qu’ils ne soient pas contraignants, ces avis
sont source de crédibilité aux yeux du public pour les nouveaux
textes de loi et ils servent de documents de référence au Comité
des Ministres lors de l’examen de la conformité de la nouvelle législation
avec les critères établis dans les arrêts de la Cour européenne
des droits de l’homme.
33. Pour les autorités publiques, le Conseil de l’Europe joue
un rôle de facilitateur au regard de la satisfaction des besoins
du pays. Cependant, dans bien des cas, le Conseil de l’Europe continue
à être perçu comme une instance de «normalisation», ce qui montre
combien il importe que des représentants ukrainiens participent
pleinement et de façon continue au processus d’élaboration des normes
à Strasbourg. La présence de représentants nationaux permet d’éviter
les conflits potentiels avec les normes nationales, en leur permettant
de mieux s’approprier les futurs traités à la création desquels
ils ont participé. Cela suppose que le Conseil de l’Europe soit
en mesure de garantir la présence continue de représentants ukrainiens
au sein des comités directeurs, ainsi que l’allocation des ressources
nécessaires pour leur permettre d’assister aux réunions à Strasbourg.
Le processus de négociation d’un traité à Strasbourg doit être accompagné
d’une campagne nationale de sensibilisation, afin d’ouvrir la voie
à la ratification et à la mise en œuvre ultérieure de l’instrument
en facilitant son acceptation par la société.
34. Les autorités nationales ont des difficultés à donner suite
aux obligations contractées par différentes entités gouvernementales,
principalement à cause du changement fréquent du personnel de ces
organes. D’autres pays d’Europe centrale et orientale seraient confrontés
à des problèmes similaires. C’est pourquoi, au fur et à mesure qu’il
est remédié à certaines insuffisances structurelles, le Conseil
de l’Europe devrait examiner la possibilité de créer des programmes
ou d’établir des pratiques de travail permettant d’envoyer des experts
du Conseil de l’Europe auprès des ministères nationaux pour faciliter
l’exécution des arrêts de la Cour ou pour répondre aux demandes
spontanées en vue de l’exécution et de la mise en œuvre des engagements et
obligations contractés par les États membres.
35. Le Conseil de l’Europe a aidé à la conception d’un programme
de réforme et à la définition des étapes de sa mise en œuvre en
Ukraine. S’agissant de la situation actuelle, d’après de nombreux
interlocuteurs, dans un certain nombre de domaines, les réformes
devraient privilégier la mise en œuvre des normes existantes plutôt
que l’introduction de normes nouvelles. La mise en œuvre et le suivi
effectifs des conventions auxquelles l’Ukraine a adhéré sont considérés
comme les aspects les plus sensibles du processus.
36. Plusieurs interlocuteurs ont relevé certains obstacles à une
coopération juridique efficace, principalement l’insuffisance des
ressources allouées dans le budget du Conseil de l’Europe à la participation d’experts
nationaux aux groupes de travail et aux comités directeurs. Le Comité
européen pour les problèmes criminels (CDPC), par exemple, traite
de questions et élabore des normes relevant des compétences de deux autorités
ukrainiennes différentes: le ministère de la Justice et le procureur
général. La participation d’un seul expert étant prévue au budget
du Conseil de l’Europe, les experts nationaux qui représentent ces
institutions participent au travail du comité à tour de rôle, ce
qui nuit à la continuité du suivi. La participation au Groupe de suivi
de la Convention contre le dopage (T-DO) et au Comité permanent
de la Convention européenne sur la violence et les débordements
de spectateurs lors de manifestations sportives et notamment les
matches de football (T-RV), qui sont tous deux des forums importants
pour l’échange de bonnes pratiques, n’est aucunement couverte par
le budget du Conseil de l’Europe, ce qui empêche les représentants
ukrainiens d’assister aux réunions de ces comités. Pendant la préparation
de la Convention pénale, adoptée récemment, sur la lutte contre
le trafic illicite de biens culturels par le Comité sur les infractions
visant les biens culturels (PC-IBC), la participation d’un seul
expert par pays était prévue au budget du Conseil de l’Europe, alors
que les observations des deux autorités ukrainiennes compétentes,
à savoir le ministère de la Justice et le ministère de la Culture,
étaient nécessaires pour éviter de futurs conflits potentiels avec
les normes nationales et pour renforcer le sentiment d’appropriation
du traité en cours d’élaboration.
37. Les plans d’action élaborés par le Comité des Ministres sur
la mise en œuvre des droits fondamentaux, l’exécution des arrêts
et des décisions et des engagements à l’égard du Conseil de l’Europe
aident à promouvoir la ratification des conventions et à identifier
les besoins de nouvelles conventions. Cependant, le fait que 5 %
du PIB est aujourd’hui consacré aux dépenses militaires nuit gravement
à la mise en œuvre des réformes concernant l’agenda social qui,
en outre, ne sont souvent pas considérées comme prioritaires dans le
plan d’action. Certains interlocuteurs ont souligné à cet égard
le besoin de mécanismes plus efficients et plus souples du Conseil
de l’Europe pour répondre aux nouveaux défis. Les conventions offrent
une base solide et durable pour l’unité juridique entre les États
membres. Cependant, le Comité des Ministres doit aussi élaborer
activement des recommandations en vue d’adapter les normes communes
à l’évolution constante du contexte sociétal.
38. Enfin, la ratification et la mise en œuvre d’un certain nombre
de traités du Conseil de l’Europe sont la conséquence directe de
plusieurs accords entre l’Ukraine et l’Union européenne. L’Accord
d’association Union européenne‑Ukraine de 2014, par exemple, mentionne
explicitement l’adoption des traités et recommandations du Conseil
de l’Europe et le contrôle de la mise en œuvre des normes déjà adoptées
dans les domaines des droits des minorités nationales, de la réforme
de la police et de la justice, de la lutte contre la corruption,
de la coopération judiciaire en matière pénale, et de la lutte contre
les drogues illicites et le blanchiment de capitaux. L’influence
de l’Union européenne, en particulier dans le cadre des pourparlers
en vue de la libéralisation des visas, ainsi que les fonds importants
dégagés à l’appui des programmes de l’Union européenne (11 milliards
d’euros de 2014 à 2020), ont accéléré l’adoption et la mise en œuvre
des normes du Conseil de l’Europe désignées par l’Union européenne
comme faisant partie de son acquis.
4.2. Espagne
39. Selon les interlocuteurs rencontrés
par le rapporteur en Espagne lors de sa visite du 8 mars 2017, la célébration
du 40ème anniversaire de l’adhésion de l’Espagne au Conseil de l’Europe
a fourni l’occasion de réitérer le plein engagement du pays en faveur
du système de protection des droits de l’homme établi par l’Organisation.
L’adhésion rapide de l’Espagne au Conseil de l’Europe, après 40
ans de dictature franquiste, offre un «modèle» intéressant de transition
démocratique rapide.
40. En août 1950, l’Assemblée est devenue la première institution
européenne à faire de la démocratisation de l’Espagne une condition
préalable à l’adhésion, en exprimant l’espoir que «dans un avenir
proche, le peuple espagnol pourra tenir des élections libres et
mettre sur pied un régime constitutionnel dont les membres pourront
servir de représentants au sein de l’Assemblée». En 1974, dans une
résolution «sur la situation en Espagne», l’Assemblée notait que
l'Espagne était «encore loin de remplir les conditions nécessaires
pour pouvoir adhérer comme membre de plein droit au Conseil de l'Europe,
étant donné qu'elle n'est pas dotée d'institutions démocratiques
et représentatives». Le rapporteur, M. Reale, après s’être rendu
en Espagne, soulignait l’absence de libertés individuelles, la censure,
la répression brutale des opposants politiques et l’absence d’élections
démocratiques. Il remarquait en outre que la majorité des Espagnols
étaient convaincus que toute modification des structures institutionnelles
devait se faire sans révolution. La possibilité d’une adhésion future
de l’Espagne aux institutions européennes, écrivait‑il, fournirait
des garanties et des assurances aux personnes qui envisagent avec
appréhension un avenir post‑autoritaire, en particulier celles qui
craignent que la mort de Franco n’entraîne un renversement violent
de l’ordre socioéconomique en place.
41. En 1977, l’Espagne est effectivement devenue membre du Conseil
de l’Europe, avant même l’adoption de la nouvelle constitution de
1978. Cela a permis que les droits fondamentaux, tels que définis
dans la Convention européenne des droits de l’homme, soient inscrits
dans la nouvelle Constitution, dont l’article 10.2 précise que désormais
les «dispositions relatives aux droits fondamentaux et libertés
reconnues par la Constitution doivent être interprétées conformément
aux (...) traités et accords internationaux ratifiés à ce sujet par
l’Espagne».
42. Depuis la fin du régime franquiste, l’Espagne a entrepris
la tâche difficile de créer un nouvel ordre juridique respectueux
des droits de l’homme. Une nouvelle procédure judiciaire a été établie
dans le but d’interpréter les droits fondamentaux inscrits dans
la constitution et précisés par la Cour européenne des droits de
l’homme, afin de les transposer rapidement dans la jurisprudence
des tribunaux espagnols. L’ancien système institutionnel s’est fondu
dans le nouveau, qui se caractérise par des pratiques respectueuses
des droits de l’homme. Les droits fondamentaux sont devenus contraignants
pour les autorités publiques et peuvent donner lieu à une procédure
dite amparo devant le Tribunal constitutionnel, qui constitue le
dernier recours en cas de litige relatif aux droits de l’homme,
y compris en vue d’un examen sur le fond. Ce système envoie un message
fort quant à l’importance des droits de l’homme. Le Parlement espagnol
a pris sur lui la tâche de traduire les arrêts rendus par la Cour
européenne des droits de l’homme à l’encontre de l’Espagne et de
les mettre à la disposition des juges dans une base de données juridique.
La traduction de la jurisprudence de la Cour est maintenant incluse
dans le programme de la dernière année d’études universitaires en
droit et linguistique. Cela permet à la fois de former de jeunes
professionnels et d’alimenter l’interface espagnole de la base de
données avec la jurisprudence de la Cour. Des exemples d’affaires
ont été discutés pour montrer que la mise en œuvre des arrêts de
la Cour demande parfois du temps pour adapter la législation nationale, résoudre
les problèmes techniques ou communiquer l’affaire au gouvernement.
43. Trente ans après la création du système, l’essentiel des droits
affirmés dans la Convention européenne des droits de l’homme, tels
qu’interprétés par la Cour de Strasbourg, a été intégré au système
judiciaire espagnol et est entré dans les habitudes juridiques.
La construction progressive d’une nouvelle culture juridique a eu
lieu dans le plein respect du principe de subsidiarité. Elle a permis
d’aborder des questions sensibles du point de vue des droits de
l’homme, comme la lutte contre le terrorisme dans le cadre de la législation
ordinaire. Cela étant dit, la jurisprudence la plus récente de la
Cour sur certaines questions nouvelles, comme la maternité de substitution,
devrait être plus cohérente et basée sur des normes communes.
44. Si la Convention européenne des droits de l’homme et la jurisprudence
correspondante ont joué un rôle essentiel et permis d’éviter certains
écueils, de nombreuses autres conventions du Conseil de l’Europe,
ainsi que les résolutions de l’Assemblée, ont guidé les autorités
espagnoles dans l’élaboration de nouveaux textes de loi. La Convention
pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé
des données à caractère personnel (STE no 108)
a, par exemple, constitué une source d’inspiration importante dans
le développement d’un système de protection des données. La Convention
sur l’accès aux documents publics (STCE no 205)
a également inspiré la nouvelle loi sur un sujet apparenté, bien
que l’Espagne n’ait pas encore ratifié cette convention. Les normes
du Conseil de l’Europe continuent à servir de «clearing house» pour
les nouveaux projets de loi. Tout nouveau projet de loi préparé
par le gouvernement doit être communiqué au Conseil d’État, qui
évalue sa compatibilité avec les normes du Conseil de l’Europe.
Nos interlocuteurs espagnols ont loué la Convention contre le trafic
d’organes, qui a été adoptée rapidement lorsque le besoin d’une
telle convention se faisait sentir et grâce à laquelle l’Espagne
est aujourd’hui – toujours selon nos interlocuteurs – le pays le
plus avancé du monde dans le domaine de la transplantation d’organes.
45. En outre, nos interlocuteurs ont noté que les nombreux comités
directeurs du Conseil de l’Europe travaillent à identifier à la
fois les nouvelles pratiques et les nouveaux enjeux éventuels se
rapportant aux droits de l’homme. Ils aident aussi à maintenir à
l’ordre du jour les droits de l’homme, qui risquent facilement d’être négligés
en période de crise économique. Le Comité directeur pour les droits
de l’homme aborde, en particulier, les questions relatives aux droits
de l’homme et aux crises économiques, aux droits de l’homme et aux
entreprises, à la mutilation des femmes et aux pratiques de transplantation
rémunérée d’organes.
46. Nos interlocuteurs à Madrid sont d’avis que, dans ses activités
normatives, le Conseil de l’Europe devrait continuer à aborder des
questions ayant besoin d’être réglementées au niveau international.
Cependant, l’élaboration de conventions est un processus complexe
et soumis à des contraintes budgétaires. C’est pourquoi il est nécessaire
d’allouer des ressources pour identifier les bonnes pratiques de
mise en œuvre des normes existantes, afin de mettre pleinement à
profit les conventions existantes. L’aide technique du Conseil de
l’Europe est également jugée particulièrement utile par nos interlocuteurs
espagnols.
4.3. Fédération
de Russie
47. Le 6 juillet 1989, Mikhaïl
Gorbatchev, alors Premier Secrétaire du Parti communiste de l’Union soviétique,
a prononcé devant l’Assemblée à Strasbourg un discours demeuré célèbre
dans lequel il a plaidé pour une «maison commune européenne»
, en ouvrant ainsi la voie, après
des années de division et de confrontation, à une unification de
l’Europe et à la possibilité de créer un espace juridique paneuropéen.
Pour montrer sa volonté de surmonter la division de l’Europe en
s’appuyant sur le système conventionnel du Conseil de l’Europe,
Gorbatchev a proposé que l’Union soviétique adhère à certaines des
conventions du Conseil de l’Europe ouvertes à d’autres États.
48. Quatre mois plus tard, le mur de Berlin s’est effondré et,
deux ans plus tard, l’Union soviétique s’est dissoute en plusieurs
États indépendants. Cinq ans après cette dissolution, précédant
ou suivant les autres États de l’ex‑Union soviétique, la Fédération
de Russie a adhéré au Conseil de l’Europe et l’idée d’un espace juridique
paneuropéen, telle que proposée par Gorbatchev en 1989 dans son
discours devant l’Assemblée, a commencé à se concrétiser.
49. Deux ans après son adhésion, la Fédération de Russie a ratifié
la Convention européenne des droits de l’homme, plaçant ainsi l’ensemble
des citoyens russes sous la protection de la Convention. Deux décennies après
son adhésion, la Fédération de Russie a ratifié un grand nombre
de conventions majeures. La Constitution russe déclare que la Convention
européenne des droits de l’homme fait partie du système juridique
russe et l’emporte sur la législation nationale. La loi fédérale
de ratification de la Convention et de ses protocoles reconnaît
comme contraignante la juridiction de la Cour européenne des droits
de l’homme en matière d’interprétation et d’application de la Convention.
Surtout depuis les premières années du XXIe siècle, l’adhésion de
la Russie a, d’après le professeur Entin lors de la table ronde
du 2 décembre 2016, entraîné des changements institutionnels et
juridiques fondamentaux, en particulier en termes de réforme judiciaire
et d’amendement des principaux codes juridiques.
50. L’impact des normes du Conseil de l’Europe se fait aujourd’hui
sentir dans tous les domaines du droit national, qu’il s’agisse
du droit constitutionnel, du droit pénal ou autre. La Fédération
de Russie a, par exemple, ratifié la Charte européenne de l’autonomie
locale (STE no 122) en avril 1998. La
Charte demeure l’un des documents internationaux les plus importants
définissant les principes essentiels de la formation et du fonctionnement
des institutions de l’autonomie locale en Russie. Pratiquement toutes
les dispositions clés du préambule de la Charte ont été transposées
dans des articles de la constitution et de la loi fédérale sur les principes
généraux d’organisation de l’autonomie locale. Suite à la ratification
d’un certain nombre de conventions du Conseil de l’Europe, de nouveaux
principes et de nouvelles infractions ont été introduits dans le
droit pénal national. On peut mentionner à cet égard la Convention
sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus
sexuels et la Convention pénale sur la corruption (STE no 173).
Les principes et normes généralement reconnus qui découlent du droit
international et des traités internationaux font maintenant partie
de la procédure pénale en Russie, à laquelle se rattachent aussi
plusieurs instruments sur la coopération judiciaire internationale.
La Convention d’entraide judiciaire en matière pénale, la Convention sur
le transfèrement des personnes condamnées (STE no 112)
et la Convention sur la transmission des procédures répressives
(STE no 73) ont déjà été largement utilisées
par les autorités nationales. En ce qui concerne la procédure civile,
le Code civil a été réformé à plusieurs reprises en tenant compte
de la jurisprudence de la Cour et des normes du Conseil de l’Europe.
La mise en œuvre des normes du Conseil de l’Europe est effectuée,
soit directement par transposition des principes des traités dans
la législation nationale, soit par le biais des décisions de la
Cour constitutionnelle de Russie s’inspirant des normes du Conseil
de l’Europe et, en particulier, de la jurisprudence de la Cour européenne
des droits de l’homme. Selon les statistiques, en 2005, la Cour
constitutionnelle de Russie a mentionné la Convention européenne
des droits de l'homme dans 90 affaires et ce chiffre a augmenté
depuis.
51. À la fin 2016, le Président Poutine, lors de sa rencontre
avec le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe, M. Thorbjørn
Jagland, à Moscou, a rappelé que son pays était membre du Conseil
de l’Europe depuis déjà vingt ans et avait, à cette date, adhéré
à 60 traités et protocoles. Selon le ministère des Affaires étrangères,
la Russie a parcouru, pendant ses deux décennies d’appartenance
au Conseil de l'Europe, un long chemin sur la voie de l’État de
droit et de la démocratie pluraliste fondée sur le respect des droits
de l’homme. Elle a mis en œuvre des réformes de grande envergure
dans tous les domaines sociaux. La Russie est signataire des conventions
et traités du Conseil de l'Europe et participe également à l’élaboration
des nouvelles conventions du Conseil de l'Europe en tant que membre
contribuant à part entière à la création d’un espace juridique européen
commun. La Russie a ratifié 61 des 221 conventions juridiquement
contraignantes du Conseil de l'Europe, y compris le Statut de l‘Organisation
et la Convention européenne des droits de l’homme, et signé mais
non encore ratifié 19 conventions. Certaines des conventions non
encore ratifiées, comme la Convention sur la contrefaçon des produits
médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique
(Convention Médicrime), ouverte à la négociation pendant la Présidence
russe du Conseil de l’Europe en 2006 et ouverte à la signature à
Moscou en 2011, ont déjà entraîné des changements de fond dans la législation
nationale. La Russie a été l’un des premiers États à signer la Convention
sur la manipulation de compétitions sportives en septembre 2014.
La Russie a signé la Convention contre le trafic d’organes humains en
septembre 2015, la Convention européenne relative à la suppression
de la légalisation des actes établis par des agents diplomatiques
ou consulaires (STE no 63) en janvier
2016 et la Convention sur une approche intégrée de la sécurité,
de la sûreté et des services lors des matches de football et autres
manifestations sportives en juillet 2016.
52. Lors de sa visite en Russie en décembre 2016, le Secrétaire
Général, M. Jagland, a décrit la Russie comme un membre important,
essentiel même, du Conseil de l’Europe. Il a rappelé les effets
notables de l’adhésion de la Russie au Conseil de l’Europe et à
ses conventions, et le fait que l’Organisation avait soutenu des
réformes importantes de la législation russe, en particulier celles
des codes civil et pénal. Elle a apporté son aide à la création
de la Cour d’appel de la Fédération de Russie et au développement
d’une institution importante: celle du médiateur fédéral et des
médiateurs régionaux. Beaucoup a été fait pour transposer les normes
européennes dans le droit russe, via la ratification de la Convention
européenne des droits de l’homme et de 60 autres traités.
53. En 2016, la Cour européenne des droits de l’homme a traité
7 010 requêtes concernant la Fédération de Russie, dont 6 365 ont
été déclarées irrecevables ou rayées du rôle. La Cour a rendu 228 arrêts
concernant 645 requêtes, dont 222 concluent à au moins une violation
de la Convention européenne des droits de l’homme.
54. Récemment, la Russie a adopté une loi conférant la précédence
à la législation nationale sur les décisions de justice internationales,
bien que la constitution et la législation reconnaissent de manière
répétée le caractère contraignant du droit international et des
organisations créées par les traités internationaux. Ce développement
est source de grandes inquiétudes et le Secrétaire Général du Conseil
de l’Europe a engagé divers efforts pour convaincre la Russie de
revenir sur cette décision. Il en va de même de la loi «sur les
agents étrangers», qui vise les ONG recevant un financement de l’étranger
et menant des «activités politiques». Le Secrétaire Général considère
que cette loi est discriminatoire, qu’elle constitue une régression
et qu’elle aura un effet d’intimidation sur l’ensemble de la société
civile, en portant atteinte à la réputation internationale de la Russie.
55. Bien que le pays soit encore membre à part entière du Comité
des Ministres, il n’a pas envoyé de délégation parlementaire à l’Assemblée
en 2017 et, par conséquent, les parlementaires russes ne peuvent participer
aux décisions importantes de l’Assemblée et notamment à l’élection
des juges de la Cour. Si cette absence persiste, le Parlement russe
n’aura pas son mot à dire lors de l’élection du nouveau Commissaire
aux droits de l’homme et des nouveaux Secrétaire Général et Secrétaire
Général adjoint du Conseil de l’Europe. Cela nuirait évidemment
à l’impact des décisions de la Cour en Russie et à la volonté du
pays de travailler avec les différents mécanismes de suivi du Conseil
de l’Europe, en premier lieu les instruments créés par l’Assemblée
parlementaire. La décision unilatérale récente prise par le Gouvernement
russe de suspendre le paiement d’une partie substantielle de sa
contribution annuelle au budget du Conseil de l'Europe, en raison
de l’absence d’une délégation russe à l’Assemblée, n’est pas conforme
à ses obligations envers l’Organisation, et ne peut qu’être pleinement
déplorée. Il est souhaitable que le Parlement russe présente une
nouvelle délégation à l’Assemblée lors de sa partie de session de
janvier 2018.
4.4. Union
européenne
56. L’adhésion à la plupart des
traités du Conseil de l’Europe n’est pas exclusivement réservée
aux États membres du Conseil de l’Europe, ni pertinente pour les
seuls citoyens européens. Les États non‑membres, y compris les États
extérieurs à l’Europe, peuvent adhérer aux traités dits «ouverts»,
à condition d’avoir été formellement invités à le faire par le Comité
des Ministres. Aujourd’hui, plus de 160 conventions sont ouvertes aux
États non‑membres, dont certains ont effectivement adhéré à quelques‑unes
d’entre elles. Cependant, la participation effective des États non‑membres
du Conseil de l'Europe aux conventions ouvertes demeure assez faible
.
57. Néanmoins, plusieurs de ces conventions pourraient devenir
des conventions internationales. La Convention pour la protection
des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel
(STE no 108), qui est entrée en vigueur
il y a trois décennies, demeure aujourd’hui le seul instrument juridique
international contraignant dans ce domaine, et son champ d’application
est potentiellement mondial. La Convention sur la cybercriminalité
(STE no 185), qui a pour but de protéger
les sociétés contre la cybercriminalité au niveau mondial, est aussi
le premier traité international sur les infractions commises via l’internet
et d’autres réseaux informatisés, en particulier les atteintes au
droit d’auteur, la fraude informatique, la pédopornographie et les
atteintes à la sécurité des réseaux. Plusieurs pays non européens
comme l’Australie, la République dominicaine, Israël, le Japon,
Maurice, Panama, le Sri Lanka et les États‑Unis ont signé et ratifié
cette convention.
58. Au cours des dernières années, les Nations Unies n’ont pas
manifesté les capacités adéquates pour la création, la mise en œuvre
et le suivi des traités internationaux, tandis que le Conseil de
l’Europe a montré que, via ses conventions ouvertes et des mécanismes
ouverts, comme la Commission de Venise, il est capable d’agir plus
efficacement à des fins normatives au niveau international. Une
plus large ratification des conventions existantes qui portent sur
des besoins actuels devrait donc être encouragée, à la fois parmi
les États membres et dans d’autres régions du monde. La protection
des données, la lutte contre la cybercriminalité, le blanchiment
de capitaux, la lutte contre le terrorisme, le dopage ou le trucage
de compétitions sportives: autant de domaines, pour ne citer que
ceux‑là, dans lesquels les conventions du Conseil de l'Europe sont
opérationnelles et pourraient devenir des instruments normatifs
à l’échelle mondiale. Le Conseil de l’Europe pourrait aussi développer
de nouvelles conventions ouvertes pour répondre à de nouveaux défis,
par exemple dans le domaine très étendu des technologies émergentes,
et l’Assemblée pourrait de nouveau, comme elle l’a fait dans le
passé, jouer un rôle moteur à cet égard. Toutefois, pour ce faire,
il sera nécessaire, selon le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe,
de réexaminer les conditions d’adhésion à ces conventions
.
59. L’Union européenne est l’une des organisations internationales
pouvant adhérer aux conventions ouvertes du Conseil de l’Europe.
Parmi les 47 États membres qui participent au système conventionnel
du Conseil de l’Europe, 28 sont également membres de l’Union européenne.
Le Conseil de l'Europe et l’Union européenne sont tous deux originellement
des organisations internationales mais l’Union présente de plus
en plus des caractères constitutionnels très marqués et combine
les traits d’une organisation internationale et d’un État
.
60. La coopération politique existe de longue date entre les deux
institutions. Après un accord initial signé entre elles en 1959,
un Bureau de liaison du Conseil de l’Europe
, chargé de
faciliter les contacts et l’échange d’information entre l’Organisation
et les Communautés européennes, a été créé en 1974 à Bruxelles. L’Arrangement
de 1959 a été remplacé en 1987 par un nouvel Arrangement entre les
deux institutions, complété en 1996 par un échange de lettres entre
le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe et le Président de
la Commission européenne, puis, en 2001, par une déclaration conjointe
sur la coopération et le partenariat entre les deux institutions
et, en 2007, par un Mémorandum d’accord. Enfin, le 1er avril
2014, la Commission et le Conseil de l’Europe ont signé une Déclaration
d’intention mettant en place un nouveau cadre de coopération pour
les régions concernées par le processus d’élargissement et la politique
de voisinage de l’Union européenne pendant la période 2014-2020.
61. Dès 1985, le Comité des Ministres s’était déclaré déterminé
à promouvoir la solidarité européenne en renforçant et en consolidant
les liens institutionnels entre le Conseil de l’Europe et la Communauté européenne,
dans le plein respect des différences intrinsèques et des procédures
propres à chaque organisation. Le Comité des Ministres notait alors
que le Conseil de l’Europe et la Communauté européenne étaient des
organes essentiels de la construction européenne et jugeait souhaitable
la mise en place d’un cadre de coopération souple entre les deux
organisations. Créées par des traités européens, elles ont en effet toutes
deux pour but de promouvoir une plus grande unité entre leurs membres.
62. Dix ans plus tard, le Conseil de l’Union européenne reconnaissait
que le Conseil de l’Europe avait un rôle essentiel à jouer dans
le maintien des normes des droits de l’homme et le soutien de la
démocratie pluraliste. S’agissant du processus d’adhésion de nouveaux
pays à l’Union européenne, il est largement admis que l’appartenance
au Conseil de l’Europe et la ratification de la Convention européenne
des droits de l’homme constituent des éléments pertinents en vue
de l’adhésion. Depuis l’entrée en vigueur du Traité sur l’Union européenne,
la coopération entre l’Union et le Conseil de l'Europe s’est intensifiée,
notamment dans le domaine de la justice et des affaires intérieures.
L’Union européenne reconnaît que les rapports établis au sein du
Conseil de l’Europe sur la mise en œuvre de ses conventions, ainsi
que ses recommandations, doivent être pris en compte dans l’évaluation
de l’adoption, l’application et la mise en œuvre effective par les
pays candidats à l’adhésion des acquis de l’Union européenne dans
le domaine de la justice et des affaires intérieures
.
63. Lors du Troisième Sommet en 2005 à Varsovie, les chefs d’État
et de gouvernement des Etats membres du Conseil de l'Europe ont
convenu de renforcer la coopération du Conseil de l’Europe avec
l’Union européenne, afin d’assurer le cas échéant que leurs réalisations
et leurs futures activités normatives respectives soient prises
en compte dans le travail des deux organisations, en particulier
dans le domaine des droits de l’homme et des libertés fondamentales,
de la promotion de la démocratie pluraliste et de l’État de droit.
Les chefs d’État et de gouvernement ont également décidé d’élaborer
un Mémorandum d’accord
entre le Conseil de l’Europe et
l’Union européenne pour créer un nouveau cadre de coopération et
de dialogue politique renforcés. L’accent devait être mis en particulier
sur la manière dont l’Union européenne et ses États membres pourraient
mieux mettre à profit les institutions et instruments existants
du Conseil de l’Europe, et sur la manière dont les membres du Conseil
de l’Europe pourraient bénéficier d’un resserrement des liens avec l’Union
européenne. Le Mémorandum d’accord stipule que «le Conseil de l’Europe
restera la référence en matière de droits de l’homme, de primauté
du droit et de démocratie en Europe».
64. L’Union européenne a la possibilité d’adhérer à plusieurs
conventions ouvertes du Conseil de l'Europe
. Cependant, le niveau global de participation
de l’Union européenne à ces conventions demeure assez faible. Parmi
les 54 conventions qui lui sont ouvertes, l’Union n’en a ratifié
que 11, la plupart avant 2005. Elle a également signé, mais non
encore ratifié, six autres conventions. L’Union européenne a notamment ratifié
la Convention relative à l’élaboration d’une Pharmacopée européenne
(STE no 50) et plusieurs conventions
relatives aux animaux. Elle a aussi signé la Convention du Conseil
de l’Europe sur la prévention du terrorisme et son Protocole additionnel
et, en 2017, la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et
la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence
domestique. Elle pourrait adhérer à la Convention du Conseil de
l’Europe sur la protection des données mais les négociations semblent
assez difficiles.
65. En vertu du Traité de Lisbonne, l’Union européenne est tenue
d’adhérer à la Convention européenne des droits de l’homme. Cette
adhésion représenterait un pas en avant très important en vue d’un
système plus solide et plus cohérent de protection des droits fondamentaux.
Elle améliorerait la cohérence dans l’application des droits de
l’homme et favoriserait le développement harmonieux de la jurisprudence
pertinente de la Cour européenne des droits de l’homme et de la
Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Cependant, bien que
la Charte de l’Union européenne ait pris légalement effet immédiatement
après l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne (1er décembre
2009), l’Union européenne n’a pas encore adhéré à la Convention européenne
des droits de l'homme. Un projet d’accord d’adhésion a été présenté
le 5 avril 2013. Ce projet prévoit un «mécanisme de co‑défendeur»,
y compris l’implication préalable de la CJUE, qui est nécessaire
car les systèmes légaux de l’Union européenne et de ses États membres
non seulement ne se recoupent pas mais sont intimement imbriqués.
L’Union européenne constitue un ordre juridique propre s’appliquant
sur un certain territoire et s’appuyant sur des pouvoirs législatifs
étendus et une capacité étendue à conclure des traités, qui résultent
du transfert de compétences des États membres au profit de l’Union
européenne
. Depuis
l’avis rendu par la CJUE le 18 décembre 2014 (Avis 2/13) estimant
que l’accord d’adhésion était incompatible avec les traités, on
ignore actuellement si l’Union européenne va effectivement adhérer
à la Convention européenne des droits de l'homme et à quel moment
.
66. L’Union européenne se sert des conventions du Conseil de l’Europe
pour établir ses propres normes. Par exemple, la Convention de 2007
du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et
les abus sexuels a directement inspiré l’adoption de la Directive 2011/95/UE.
De la même façon, certaines directives de la Commission européenne
ont influencé certains instruments du Conseil de l’Europe; par exemple,
le Protocole additionnel de 2001 à la Convention pour la protection
des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère
personnel a été influencé par la Directive 94/46/CE. Dans certains
cas, cependant, l’Union européenne conseille à ses États membres
de ne pas ratifier des conventions du Conseil de l’Europe qui ont
été signées par de nombreuses Parties. C’est ainsi que la Convention européenne
de 2001 sur la protection juridique des services à l’accès conditionnel
et des services d’accès conditionnel (STE no 178),
qui avait été ratifiée par sept membres de l’Union européenne, a
été dénoncée par quatre d’entre eux, l’Union européenne ayant recommandé
à ses États membres d’interrompre le processus d’adhésion à cette
convention. Le «devoir d’abstention» est invoqué par l’Union européenne
lorsqu’elle dispose de compétences réglementaires étendues dans
le même domaine. C’est ce qui s’est passé, par exemple, pour le
Protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe sur
la prévention du terrorisme, qui avait été signé par un certain
nombre d’États de l’Union européenne et par l’Union elle‑même, jusqu’à
ce que la Commission européenne décide d’élaborer une directive
spécifique sur le même sujet. Cette décision contre‑productive est
d’autant plus regrettable que le Conseil de l’Europe occupe une
position unique en ce domaine, vu le nombre de ses États membres
qui sont concernés par le problème des combattants terroristes étrangers.
La Convention de Macolin de 2014 (Convention du Conseil de l’Europe
sur la manipulation de compétitions sportives) fournit un autre
exemple de comportement contre‑productif de la part de l’Union européenne;
en effet, cette convention qui a été signée par 19 États membres
de l’Union européenne n’a été ratifiée que par un seul d’entre eux,
ce qui bloque sa mise en œuvre non seulement dans les États membres de
l’Union européenne mais aussi dans le reste de l’Europe
.
67. Étant donné l’intérêt que présentent les conventions du Conseil
de l’Europe pour les États non membres du Conseil de l'Europe, et
compte tenu de certaines difficultés rencontrées dans la coopération
avec l’Union européenne, l’Assemblée devrait proposer au Comité
des Ministres de clarifier les règles s’appliquant à l’ensemble
du processus d’élaboration ou de révision des conventions, afin
de mieux prendre en compte, par exemple, les besoins des États non‑membres
et les exigences des pouvoirs exécutifs de l’Union européenne, et
d’éviter ainsi toute interruption du processus de préparation et
de ratification des conventions.
68. Certaines structures créées par l’Union européenne, comme
l’Agence des droits fondamentaux et le Socle européen des droits
sociaux de l’Union européenne risquent de faire double emploi avec
des activités spécifiques du Conseil de l’Europe reposant sur des
conventions
.
Ce risque devrait inciter les deux organisations à coopérer étroitement
afin d’éviter la duplication des efforts et de promouvoir les synergies
entre leurs activités respectives, comme cela était convenu dans
le Mémorandum d’accord de 2007: «La coopération tiendra dûment compte
des avantages comparatifs, des compétences et de l’expertise respectives
du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne – en évitant les
doubles emplois et en favorisant la synergie –, recherchera la valeur
ajoutée et procédera à une meilleure utilisation des ressources
existantes. Le Conseil de l’Europe et l’Union européenne tiendront
compte, de manière appropriée, de leur expérience et travail normatif dans
leurs activités respectives»
.
5. Etablissement
de normes, suivi et assistance
69. L’efficacité du système conventionnel
du Conseil de l’Europe repose sur un lien étroit entre l’établissement
de normes au moyen des conventions, les mécanismes de suivi, qui
visent à assurer la conformité avec les engagements souscrits par
les États membres lors de leur adhésion aux conventions, et la coopération
et l’assistance techniques sur le terrain pour aider les États membres
à intégrer et mettre en pratique les normes établies par le Conseil
de l’Europe.
70. Bien que le Statut du Conseil de l’Europe ne contienne pas
de disposition à caractère général conférant au Comité des Ministres
ou à tout autre organe la tâche de suivre la mise en œuvre des traités,
il est apparu que la seule existence de normes communes n’était
pas suffisante pour parvenir à l’unité en pratique. Une surveillance
active de la conformité aux normes est nécessaire.
71. Le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire ont tous
deux établi des procédures de suivi de la conformité des États membres
à l’égard de leurs engagements, y compris les conventions. L’Assemblée dispose
d’une procédure générale de suivi applicable à tous les États qui
ne sont pas soumis au sens strict à surveillance et de procédures
spécifiques de suivi et post‑suivi pour certains États membres,
qu’elle applique en coopération avec les délégations parlementaires
des États concernés. Alors que les procédures du Comité des Ministres
sont confidentielles et reposent principalement sur la persuasion,
l’influence des pairs et la négociation diplomatique, le travail
de l’Assemblée, qui prend la forme de débats parlementaires et de l’adoption
de rapports par un vote à la majorité à la suite de visites d’enquête,
complète de manière significative le système de vérification et
d’évaluation du respect des obligations et engagements spécifiques
des États membres.
72. Promouvoir l’application efficiente et efficace des normes
du Conseil de l’Europe a aussi exigé la création d’organes de coopération
intergouvernementaux, afin d’assurer la continuité du travail pour
la réalisation des objectifs définis dans le Statut, à savoir: établir
des normes, veiller à leur incorporation dans le droit interne des
États et, lorsque le mécanisme concerné l’exige, mener à bien des
activités de suivi.
73. Le suivi des normes européennes est assuré par plusieurs mécanismes
spécialisés, qui permettent au Conseil de l’Europe de surveiller
la mise en œuvre de ses normes, d’identifier les cas de non-conformité
et de proposer des solutions ou d’adresser des recommandations à
chacun de ses États membres
.
74. Plusieurs comités intergouvernementaux surveillent aussi l’application
de nombreux traités européens. Ces «comités directeurs» (régis par
l’article 17 du Statut) sont chargés d’examiner le fonctionnement
et la mise en œuvre des traités européens
. Ils regroupent des représentants
des États membres et, éventuellement, d’organisations, de pays non-membres
et d’États ayant le statut d’observateur, et fonctionnent sur la
base de règles spécifiques et d’un mandat établi par le Comité des
Ministres. Dans certains cas, ces activités sont menées par des
mécanismes indépendants créés par les États à seule fin de surveiller
le fonctionnement, l’application et la mise en œuvre des instruments
internationaux ou par des Accords partiels, qui constituent une
forme particulière de coopération intergouvernementale à l’intérieur
de l’Organisation permettant à certains États membres de ne pas
participer à certaines activités que d’autres États souhaitent maintenir. Plusieurs
autres comités ont été créés directement par un traité et ne sont
donc pas régis par l’article 17 du Statut
.
75. Dans le passé, l’Assemblée parlementaire a tenté à plusieurs
reprises de créer un organe judiciaire doté d’une compétence générale
pour l’interprétation des traités du Conseil de l’Europe. Le Comité
des Ministres n’a donné suite à aucune de ces propositions mais
le Comité des sages, créé après le Deuxième Sommet en 1997, a jugé
qu’il serait utile que les futures conventions du Conseil de l'Europe
incluent des dispositions spécifiques au sujet de leur interprétation.
Il a mentionné à cet égard la possibilité de demander à la Commission
de Venise, un organe consultatif au sein du Conseil de l’Europe,
de fournir des avis non contraignants sur l’interprétation des traités
existants pour lesquels aucun mécanisme d’interprétation n’a été mis
en place.
5.1. Mécanismes
de suivi spécifique
5.1.1. Cour
européenne des droits de l’homme
76. La Convention européenne des
droits de l’homme, le principal traité de l’Organisation, établit
un mécanisme international pour l’application des droits de l’homme: la
Cour européenne des droits de l’homme, créée à Strasbourg pour assurer
le respect des engagements souscrits par les États membres. Cette
Cour, considérée comme le mécanisme international de contrôle des
droits de l’homme le plus efficace existant aujourd’hui, statue
sur les requêtes individuelles et les requêtes interétatiques. Elle
peut aussi, à la demande du Comité des Ministres, fournir des avis
consultatifs au sujet de l’interprétation de la Convention et de
ses protocoles. Le Comité des Ministres peut aussi demander à la
Cour l’interprétation d’un arrêt. Les parties à une affaire doivent
respecter les arrêts de la Cour et prendre toutes les mesures requises
pour en assurer l’application. Le Comité des Ministres supervise
l’exécution des arrêts ayant un caractère contraignant pour les États
Parties. Le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe peut demander
aux Parties de lui fournir des explications sur la manière dont
leur législation interne assure la mise en œuvre effective de la
Convention.
77. Les États jouissent d’une certaine discrétion quant aux moyens
de donner effet aux arrêts de la Cour, notamment en introduisant
des mesures correctives, qui peuvent inclure des amendements constitutionnels
et législatifs, une réforme organisationnelle et administrative
ou une adaptation de la jurisprudence des plus hauts organes judiciaires.
Les normes de la Convention, enrichies par la jurisprudence de la
Cour, constituent un corpus juridique dynamique, en évolution constante,
qui reflète les «normes européennes communes».
78. L’acceptation générale de la Convention et de son mécanisme
de surveillance obligatoire par tous les États membres dans les
années 1990 a fortement contribué au développement de la confiance
dans les relations européennes grâce au développement de normes
véritablement communes de gouvernance, basées sur la démocratie,
l’État de droit et le respect des droits de l’homme, dans toute
l’Europe
.
L’évolution de l’interprétation de la Convention par la Cour et
la supervision effective de l’exécution de ses arrêts assurent l’amélioration
constante des systèmes juridiques des États membres
. Cependant, plusieurs pays – notamment
l’Azerbaïdjan, l’Italie et le Royaume-Uni – ont remis ou remettent
en cause l’autorité de la Cour en invoquant des décisions de leurs
cours constitutionnelles. Récemment, la Russie a adopté une loi
affirmant la précédence de la législation nationale sur les arrêts
des tribunaux internationaux, alors que la constitution et la législation
russes reconnaissent de manière répétée le caractère contraignant
du droit international et des organisations créées par les traités
internationaux. Réussir à surmonter ces avis divergents sur le caractère contraignant
des arrêts de la Cour devrait être l’une des priorités du Conseil
de l’Europe.
5.1.2. Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe
79. Le Commissaire aux droits de
l’homme est une institution non judiciaire indépendante et impartiale, créée
à l’intérieur du Conseil de l’Europe, qui a pour mandat de promouvoir
la sensibilisation aux droits de l’homme et le respect de ces droits
dans les 47 États membres. Les activités du Commissaire comprennent trois
aspects, étroitement liés entre eux: les visites par pays et le
dialogue avec les autorités nationales et la société civile; la
production de rapports thématiques et la fourniture d’avis sur la
mise en œuvre systématique des droits de l’homme; et les activités
de sensibilisation
.
Le Commissaire effectue des visites dans les États membres afin
de suivre et d’évaluer la situation des droits de l’homme. Il y
rencontre non seulement les plus hauts représentants du gouvernement,
du parlement et du système judiciaire mais aussi des gens ordinaires dans
les prisons, les centres de demandeurs d’asile, les écoles, les
orphelinats et les quartiers habités par des groupes vulnérables.
Le Commissaire a le droit d’intervenir
ex
officio comme tierce partie dans les procédures engagées
devant la Cour européenne des droits de l’homme.
5.1.3. Comité
européen des Droits sociaux
80. La Charte sociale européenne,
qui est le pendant de la Convention européenne des droits de l’homme dans
le domaine des droits économiques et sociaux, a établi un système
international de surveillance de son application par les Parties
sur la base de rapports nationaux. Chaque année, les Parties soumettent
un rapport au sujet de certaines des dispositions de la Charte qu’ils
ont acceptées, en indiquant comment elles mettent en œuvre la Charte
en fait et en droit. Le Comité européen des droits sociaux, un organe
quasi‑judiciaire indépendant, examine les rapports, détermine si
la situation dans les pays concernés est ou non en conformité avec
la Charte et adopte des conclusions. Le Comité adopte aussi des
décisions au sujet des réclamations collectives concernant des violations.
Si, suite à une décision de non‑conformité du Comité européen des droits
sociaux, une Partie ne prend aucune mesure pour remédier à la situation,
le Comité des Ministres peut adresser une recommandation à cet État
membre, en lui demandant de modifier la situation en fait et en
droit. En 2014, le Secrétaire Général a lancé le Processus de Turin,
qui vise à renforcer le système normatif de la Charte à l’intérieur
de l’Organisation et en relation avec le droit de l’Union européenne.
Pour atteindre son objectif, à savoir celui d’améliorer la mise
en œuvre des droits sociaux à l’échelon national, la Charte sociale européenne
devait devenir le pilier central du Socle européen des droits sociaux
adopté récemment, la procédure de réclamation collective prévue
dans le Protocole additionnel à la Charte chapeautant l’ensemble.
5.1.4. CPT
81. La Convention pour la prévention
de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants prévoit
la création d’un comité international habilité à se rendre dans
tous les lieux où des personnes sont privées de leur liberté sur
décision d’une autorité publique. Ce comité d’experts indépendants
peut formuler des recommandations et suggérer des améliorations
afin de renforcer, si nécessaire, la protection des personnes auxquelles
il a rendu visite à l’égard de la torture et des peines ou traitements
inhumains ou dégradants. Ce mécanisme préventif non judiciaire est
un ajout important au système de protection existant déjà au titre
de la Convention européenne des droits de l'homme.
5.1.5. Autres
mécanismes de suivi
82. L’ECRI (Commission européenne
contre le racisme et l’intolérance) est l’organe de suivi du Conseil
de l’Europe spécialisé dans les questions de lutte contre le racisme,
la discrimination, la xénophobie, l’antisémitisme et l’intolérance.
Elle mène des activités de suivi dans tous les pays, par cycles
de cinq ans, de neuf à dix pays étant couverts chaque année. Avant
la publication d’un rapport par pays, la commission engage un dialogue
confidentiel avec les autorités nationales.
83. Le GRECO (Groupe d’États contre la corruption) a été créé
par le Conseil de l’Europe pour surveiller la conformité des États
membres avec les normes anticorruption de l’Organisation. Il comprend
actuellement 49 États membres (48 pays européens et les États‑Unis).
Son objectif est d’améliorer la capacité de ses membres à combattre
la corruption en vérifiant leur conformité avec les instruments
anticorruption du Conseil de l’Europe, notamment les conventions
civile et pénale sur la corruption.
84. Le GRETA (Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des
êtres humains) est chargé de suivre la mise en œuvre de la Convention
du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains.
Les États membres qui ne respectent pas pleinement les mesures contenues
dans la convention sont tenus d’intensifier les mesures à cette
fin.
85. MONEYVAL (Comité d’experts sur l’évaluation des mesures de
lutte contre le blanchiment de capitaux) est un mécanisme d’évaluation
par les pairs créé par le Conseil de l’Europe. Il a pour objectif
d’améliorer la capacité des États, de la communauté internationale
et du système financier mondial à se défendre contre les menaces
liées au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme
au moyen de cycles rigoureux d’évaluations mutuelles et de processus
réguliers de suivi par pays eu égard aux insuffisances identifiées
dans ses rapports.
86. Le GREVIO, Le Groupe d’experts sur la lutte contre la violence
à l’égard des femmes et la violence domestique, est l’organe spécialisé
indépendant qui est chargé, conjointement avec le Comité des Parties
– instance politique composée des représentants des Parties à la
Convention d’Istanbul et également responsable de l’élection des
membres du GREVIO – veille à la mise en œuvre de la Convention.
La convention d’Istanbul établit deux types de suivi: une procédure
d’évaluation pays par pays et une procédure spéciale d’enquête.
87. Le Comité consultatif de la Convention‑cadre pour la protection
des minorités nationales est le mécanisme de suivi dynamique associé
à cette convention. Ce comité, qui se compose d’experts indépendants,
réalise des visites par pays et rend des avis spécifiques par pays.
88. Le Comité d’experts de la Charte européenne des langues régionales
et minoritaires surveille l’application de la Charte, qui prévoit
l’évaluation tous les trois ans par un mécanisme de suivi de l’application de
ce traité dans les États membres. La Charte a maintenant été ratifiée
par 25 États et signée par huit; six États se sont engagés à la
ratifier mais ne l’ont pas encore fait
.
5.2. Programmes
et plans d’action
89. Au fil des ans, le Conseil
de l’Europe a progressivement créé un grand nombre de programmes
et de plans d’action intergouvernementaux
couvrant
des domaines aussi divers que le fonctionnement des institutions
démocratiques, l’efficience et l’indépendance des systèmes judiciaires,
les droits sociaux, la santé, la culture, l’éducation, la jeunesse
et le sport. Ces programmes ont pour but de soutenir la mise en
œuvre des conventions ratifiées par les pays concernés et de renforcer
la capacité des institutions nationales à établir des pratiques
conformes aux normes du Conseil de l’Europe. Ces plans d’action
s’efforcent de refléter les priorités définies conjointement par
un État membre et le Secrétariat du Conseil de l’Europe, comme par
exemple dans le cas du Plan d’Action pour l’Ukraine 2015-2017 ou
le Plan d’Action pour l’Azerbaïdjan 2014-2016.
90. Des plans d’action nationaux devraient être établis pour remédier
aux insuffisances identifiées dans les États membres concernés par
les divers mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe et ses organes politiques:
l’Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres. Pour améliorer
ce processus, des consultations plus étroites sont nécessaires entre
les départements du Secrétariat en vue d’identifier les problèmes
clés à résoudre et d’élaborer des programmes de coopération ciblés,
en tenant compte également de l’information fournie par les parlements
nationaux (et les délégations nationales au sein de l’Assemblée)
et la société civile. D’une manière générale, les résultats des
plans d’action nationaux concrets devraient contribuer plus fortement
à la préparation de plans d’action stratégiques pour tous les États
membres.
91. Compte tenu des problèmes endémiques existant dans de nombreux
États membres, en particulier la corruption, on pourrait envisager
de développer des plans d’action communs, ouverts à tous les États membres
engagés dans la lutte contre la corruption, en tant que nécessité
absolue pour construire une société durable reposant sur la primauté
du droit. Le développement de tels plans d’action permettrait aussi
de montrer que de nombreux problèmes ne sont pas limités à un seul
ou quelques États membres et requièrent, par conséquent, l’attention
de tous les États membres. Ces plans d’action ne devraient pas être
réservés à un petit nombre de pays mais au contraire être développés
de manière systématique.
92. Pour être efficaces, ces plans d’action auront besoin d’un
financement effectif suffisant. Il est donc nécessaire de trouver
des moyens innovants d’attirer un nombre suffisant de partenaires
intéressés et capables de mettre à disposition les fonds nécessaires,
tout en évitant que des intérêts particuliers n’entraînent un déséquilibrage
des plans d’action.
93. Depuis les années 1990, le Conseil de l’Europe reçoit une
aide de la Commission européenne pour ces programmes. Depuis le
Sommet de Varsovie de 2005 et le Mémorandum d’accord entre les deux organisations,
l’Union européenne contribue à un grand nombre de programmes spécifiques
du Conseil de l’Europe. Cependant, des contradictions apparaissent
parfois entre les moyens que le Conseil de l’Europe juge les mieux
adaptés pour aider les États membres à mettre en œuvre leurs obligations
découlant des conventions et les priorités de l’Union européenne
ou, plus exactement, de la Commission européenne à l’égard de ces
pays. Grâce à la Commission européenne, un financement substantiel
a été mis à la disposition des programmes et plans d’action concernant
des États membres visés par la politique de voisinage de l’Union européenne
ou
d’autres priorités de l’Union
. Pour d’autres États membres
qui ne constituent pas de ce point
de vue une priorité pour la Commission européenne, le financement
des programmes et plans d’action n’est pas aussi facile à obtenir.
6. Conclusions
et propositions
94. Le système conventionnel de
garanties collectives du Conseil de l’Europe a permis d’améliorer substantiellement
le fonctionnement des institutions démocratiques, de développer
l’État de droit, de protéger et promouvoir les droits de l’homme,
conformément au Statut de l’Organisation. En conséquence, des solutions
communes ont été trouvées à de nombreux défis et problèmes communs.
Le Conseil de l'Europe a été un acteur clé dans les efforts pour
maintenir et développer la sécurité démocratique et la stabilité
de notre continent. Néanmoins, un écart énorme subsiste entre les
textes adoptés et la réalité de nos sociétés, en particulier s’agissant
des droits de l’homme reconnus dans les conventions phares du Conseil
de l'Europe et leur réalisation en pratique.
95. Du fait de cet écart, dû en particulier au fait que ces droits
ne sont pas mis en œuvre de manière effective au niveau national,
ceux qui sont placés sous la juridiction des Etats Parties à la
Convention déposent chaque année par milliers une requête auprès
de la Cour européenne des droits de l’homme – une procédure très longue
avant que justice soit rendue. Davantage de moyens et de compétences
pourraient également bénéficier à d’autres organes de suivi, comme
le Comité européen des Droits sociaux, le CPT et les différents comités
directeurs. En conséquence, un appui supplémentaire des Etats membres
serait appréciable afin de soutenir les réformes entreprises récemment
par le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe visant à allouer les
ressources là où elles sont le plus nécessaires.
96. Plusieurs réformes de la Cour ont été décidées par les États
membres mais, en l’absence d’améliorations suffisantes des procédures
à tous les niveaux, y compris dans les États membres afin d’assurer
le respect rapide des arrêts de la Cour et le renforcement du contrôle
du Comité des Ministres pour vérifier que les Etats s’y plient,
l’écart entre la formulation et la garantie des droits ne pourra
que subsister. Cela sapera inévitablement les garanties fondamentales
fournies par le système conventionnel du Conseil de l'Europe. Des
ressources supplémentaires devraient être accordées au développement
de programmes de coopération concrets pour aider les États membres
à mettre en œuvre les arrêts de la Cour au niveau national, tels
que le Programme européen de formation aux droits de l’homme pour
les professionnels du droit (HELP), des projets à grande échelle
individualisés en accord avec des pays particuliers, ou des activités
spécifiques visant directement à faciliter la mise en œuvre d’arrêts
complexes. Les projets de coopération ont montré leur efficacité
en tant que plateforme d’échange de bonnes pratiques en matière
de mise en œuvre des normes du Conseil de l'Europe, ce qui doit
être encouragé. Le Comité des Ministres doit également améliorer
l’efficacité de son soutien à travers le contrôle de l’exécution.
Des efforts récents à cet égard, notamment l’amélioration de la
coordination avec les autres organes du Conseil de l'Europe, une
meilleure visibilité des résultats positifs obtenus et de meilleurs
échanges de bonnes pratiques (débats thématiques), sont des évolutions
bienvenues.
97. Les efforts engagés pour étendre les pouvoirs d’autres comités
créés pour garantir le respect des droits de l’homme, comme le Comité
européen des Droits sociaux et le CPT, n’ont pas encore abouti.
Du fait de contraintes financières et organisationnelles, les comités
directeurs intergouvernementaux, qui doivent examiner les mesures
prises pour remédier aux insuffisances identifiées par les mécanismes
de suivi, sont moins actifs et efficaces qu’il le faudrait pour
optimiser le système conventionnel
.
98. Le tableau de l’acquis du Conseil de l’Europe après sept décennies
de coopération intergouvernementale via le système conventionnel
n’est donc pas tout à fait sans ombre. Il est vrai que de nombreuses
conventions importantes ont été élaborées mais formuler des droits
sans garantir leur application alimente le cynisme des citoyens
et encourage le manque de confiance à l’égard des autorités nationales
et de la valeur des garanties collectives mises en place par le
Conseil de l'Europe et d’autres organisations internationales.
99. Pour assurer à l’avenir la poursuite et le renforcement effectifs
du système conventionnel, les États membres devront mettre à la
disposition du Conseil de l’Europe des ressources supplémentaires.
En échange de ce financement, les États membres pourront exiger
du Conseil de l’Europe des résultats plus clairs, y compris de ses
instruments et de ses mécanismes de suivi. Cela étant, il n’en reste
pas moins que garantir la protection des droits est une responsabilité
essentielle qui relève des autorités nationales. Un renforcement des
ressources du Conseil de l'Europe ne saurait en aucun cas dispenser
de la nécessité de fournir au niveau national les ressources indispensables
à une mise en œuvre effective de ces droits.
100. L’Assemblée et le Comité des Ministres portent – conjointement
avec les États membres – la responsabilité du système conventionnel
en Europe, comme indiqué à l’article 15.
a du
Statut de 1949. Ces deux organes statutaires du Conseil de l’Europe
devraient donc proposer que le prochain Sommet des chefs d’État
et de gouvernement, actuellement en préparation
,
discute de l’avenir du système conventionnel du Conseil de l’Europe,
sur la base d’une évaluation approfondie.
101. Entre-temps, l’Assemblée devrait renforcer son rôle de moteur
politique du Conseil de l’Europe et évaluer le besoin de nouvelles
conventions visant à répondre à de nouveaux défis, tels que dans
le domaine des technologies émergentes et leur convergence, et s’efforcer
de faciliter les processus de ratification et de mise en œuvre.
Dans ses relations avec le Comité des Ministres, l’autre organe
statutaire de l’Organisation, l’Assemblée devrait aussi chercher
à développer les synergies, tant au niveau des idées qu’à celui
de l’action (comme cela s’est produit à l’occasion de la campagne
«Un sur cinq» contre la violence sexuelle à l’égard des enfants
visant à promouvoir la Convention de Lanzarote). L’Assemblée devrait
en outre passer en revue ses méthodes de travail et ses mécanismes
de suivi afin d’accroître son efficacité, ainsi que sa crédibilité
et sa visibilité, en tant que plateforme paneuropéenne pour le dialogue
parlementaire.
102. L’Assemblée devrait par conséquent inviter le Comité des Ministres
et le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe:
- à inscrire la question de l’avenir
du système conventionnel du Conseil de l’Europe à l’ordre du jour
du prochain Sommet des chefs d’État et de gouvernement;
- à préparer de façon adéquate en temps voulu avant le Sommet:
a. une évaluation approfondie de l’efficacité
des conventions existantes et de leurs mécanismes de suivi, et des
propositions visant à renforcer substantiellement le système conventionnel, conformément
au but énoncé à l’article 1 du Statut du Conseil de l’Europe;
b. une évaluation de l’efficacité des programmes d’aide à
la mise en œuvre des normes définies dans les conventions et une
analyse des améliorations requises;
c. des propositions sur les moyens de renforcer l’efficacité
de la Cour européenne des droits de l’homme, en améliorant les procédures
judiciaires nationales pour permettre aux citoyens d’obtenir justice,
en promouvant la mise en œuvre efficace dans tous les États membres
des arrêts de la Cour et en assurant le financement adéquat de la
Cour, conformément aux décisions du Troisième Sommet de Varsovie;
d. des propositions sur les moyens d’étendre le champ d’application
de la Charte sociale européenne à tous les États membres, en faisant
en sorte qu’ils ratifient la Charte dès que possible, d’étendre
son mécanisme de suivi intégré (système de réclamations collectives)
à tous les États membres et de faire de la Charte sociale européenne
la référence principale et la norme commune des droits sociaux pour
le socle européen des droits sociaux de l’Union européenne;
e. une évaluation générale des relations entre le Conseil
de l’Europe et les autres principales organisations européennes
(Union européenne, Union économique eurasiatique, Conseil nordique,
Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE),
Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE))
eu égard au système conventionnel;
f. un examen de l’opportunité d’établir un mémorandum d’accord
entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe sur la participation
de l’Union européenne aux conventions du Conseil de l’Europe, de
nature à fournir une série de règles de fonctionnement générales
(tels que le droit de vote, le droit de parole, l’élaboration des
rapports et les arrangements financiers);
g. une feuille de route en vue de l’adhésion de l’Union européenne
à la Convention européenne des droits de l’homme, conformément à
l’obligation formulée dans le Traité de Lisbonne;
- à garantir que les activités
conventionnelles et intergouvernementales, auxquelles tous les Etats membres
doivent pouvoir participer sur un pied d’égalité, soient dotées
des ressources financières et humaines suffisantes;
- à faire participer l’Assemblée parlementaire aux activités
préparatoires en vue de ces évaluations et examens ou réexamens,
conformément à l’article 15a du Statut;
- à assurer la participation, sous une forme adéquate, de
l’Assemblée parlementaire au prochain Sommet des chefs d’État et
de gouvernement;
- à inviter les chefs d’État et de gouvernement, lors du
prochain Sommet, à reconnaître, affirmer, défendre et, le cas échéant,
développer encore et soutenir financièrement de manière adéquate
le système conventionnel du Conseil de l’Europe, dans l’intérêt
de tous les citoyens et habitants de l’Europe – et de toutes les
autres personnes à qui les conventions s’appliquent ou pourraient
s’appliquer.