1. Origine
et finalités du rapport
Trop
peu d'argent nuit au football, trop d’argent tue le football. Il
faut éviter que le football ne s’autodetruise.
1. Le football est victime, depuis
plusieurs années, d’une suite presque continue de scandales, tant
au niveau national, notamment avec les affaires de trucage de matchs,
qu’au niveau international, notamment en ce qui concerne les procédures
d’attribution de l’organisation de la Coupe du Monde par la Fédération internationale
de football association (FIFA), mais aussi divers cas de malversations
financières.
2. Suite à l’inculpation, basée sur des enquêtes menées par la
division du crime organisé du FBI pour l’Eurasie, par le parquet
du District Est de New York, de 27 dirigeants ou ex-dirigeants de
la FIFA et des deux confédérations américaines
pour des «faits de racket, fraude,
corruption, escroquerie et blanchiment d’argent», et après une déclaration
faite le 3 décembre 2015 par Loretta Lynch, ministre de la Justice américaine,
la FIFA a reproché à l’Afrique du Sud d’avoir acheté l’organisation
de la Coupe du Monde 2010 et, en mars 2016, s’est posée en victime
devant l’instance américaine, réclamant 38 millions de dollars de dommages
. Cette démarche est une première et
reste pour l’instant unique.
3. De graves soupçons pèsent sur l’attribution de l’organisation
de la Coupe du Monde 2006 à l’Allemagne
. L’Assemblée parlementaire, dans
sa
Résolution 2053 (2015) sur la réforme de la gouvernance du football, a considéré
que la décision d’attribuer l’organisation de la Coupe du Monde
2022 au Qatar a été «radicalement viciée» et a demandé à la FIFA
d’ouvrir une nouvelle procédure pour l’attribution de la Coupe du
monde 2022
, demande qui n’a pas eu de suite.
4. Cette procédure d’attribution fait l’objet d’enquêtes en cours
en Suisse et aux Etats-Unis; et en 2016, le parquet national financier
français a ouvert une enquête préliminaire pour «corruption privée»,
«association de malfaiteurs», «trafic d'influence et recel de trafic
d'influence» sur des soupçons de corruption à la FIFA, en lien avec
l'attribution de ces deux Coupes du monde.
5. La récente publication par la FIFA du «Rapport Garcia» permet
désormais de connaître l’ampleur des irrégularités, commises au
cours de cette procédure, ainsi que des failles systémiques que
l’enquête menée par M. Michael Garcia avait permis de détecter.
Au-delà des questions purement juridiques – et en particulier de
la question de savoir si oui ou non les agissements de M. Bin Hammam
(auxquels s’ajoutent ceux de l’académie qatari «Aspire») ont influencé
de manière substantielle le vote en faveur du Qatar par les représentants
de la Confédération africaine de football (CAF). Ce rapport montre
bien que la culture prédominante à la FIFA était celle où le pouvoir
devient source d’enrichissement personnel et d’impunité pour ceux
qui le détiennent.
6. Les malversations financières internes à la FIFA, liées à
un manque de transparence que l’Assemblée dénonce depuis plusieurs
années, sont symptomatiques de cette culture, dont le football mondial
est la victime. A cet égard, les sanctions prononcées par le Tribunal
arbitral du sport (TAS) contre M. Sepp Blatter, ancien Président
de la FIFA, et M. Michel Platini, ancien Président de l’Union des
associations européennes de football (UEFA) et ancien Vice-président
de la FIFA, démontrent la gravité de ces agissements
.
7. Dans une autre affaire sont impliqués à la fois M. Sepp Blatter,
M. Jérôme Valcke, Secrétaire général de la FIFA de 2007 à 2015 et
M. Markus Kattner, à l’époque Directeur financier de la FIFA. Suite
à l’élection de M. Gianni Infantino à la présidence de la FIFA,
une enquête interne a révélé que ces trois hauts dirigeants s’étaient
accordés des bénéfices financiers de 80 millions de dollars (72
millions d’euros) entre 2011 et 2015 via des augmentations de leur
salaire annuel, des bonus liés aux résultats financiers de la Coupe
du Monde de football et d’autres avantages
.
8. En dehors de la situation interne de la FIFA, des personnalités
remplissant de hautes fonctions aux niveaux national et international
du football continuent d’être impliquées dans des affaires judiciaires.
En avril 2017, le cheikh Ahmad Al-Fahad Al-Sabah, membre de la famille
royale koweïtienne – membre actif du Comité international olympique
(CIO) et président du Conseil olympique asiatique (OCA) – a démissionné
du conseil de la FIFA, après avoir été mis (implicitement) en cause
pour un paiement supposé illégal à Richard Lai, président de la
Fédération de Guam, qui a plaidé coupable devant la justice new-yorkaise
du chef d’accusation de corruption et de dissimulation de comptes
bancaires à l’étranger
.
9. The Mail on Sunday a
révélé que les 23 joueurs de l’équipe nationale russe ayant participé
à la Coupe du monde 2014 au Brésil seraient sous le coup d'une enquête
de la FIFA pour dopage. En effet, ils figurent dans la liste du
millier de sportifs russes qui, selon le rapport publiée par l’Agence
mondiale antidopage (AMA) en deux volets en juillet et décembre
2016 suite aux investigations de l’équipe dirigée par le professeur
Richard McLaren, «semblent avoir été impliqués ou avoir bénéficié
d’une manipulation et d’une dissimulation systématiques et organisées
du processus de contrôles antidopage»
. Faute
de preuves, il est improbable que la procédure disciplinaire puisse
aboutir à une sanction
.
10. En juillet 2017, la presse espagnole et internationale ont
fait état de l’arrestation de M. Ángel María Villar, président de
la Fédération espagnole de football depuis 1988, président par intérim
de l’UEFA en 2015 (à la suite de la suspension de M. Michel Platini),
dans le cadre d’une enquête judiciaire. M. Villar est soupçonné d’avoir
profité de sa fonction pour commettre des malversations financières
(abus de confiance et détournements) et des actes de corruption
privée; il serait au centre d’une véritable machination économique impliquant
aussi plusieurs fédérations territoriales, dont il aurait «acheté»
le soutien pour ses réélections. Des auditeurs ont fait état d’irrégularités
dans les comptes de la fédération espagnole pour plus de 50 millions d’euros
pour les années 2013-2014.
11. Toujours en juillet 2017, la presse italienne a fait état
d’une double enquête menée par le parquet de Prato (une ville en
Toscane, Italie) pour immigration illégale et fraude sportive, dans
laquelle sont impliqués, entre autres, le président de l’«A.C. Prato»
(club de troisième division) et le président de la «Sestese» (un
club de Florence qui joue en cinquième division). L’enquête pour
fraude sportive concerne la manipulation des résultats de 11 matchs
de football; l’autre chef d’inculpation concerne la mise en place
d’un système visant à faire rentrer illégalement en Italie des jeunes
joueurs du football de Côte d’Ivoire et du Sénégal.
12. Le 25 septembre 2017, M. Andrea Agnelli, président de la Juventus
et trois autres dirigeants du club ont été condamnés par la Fédération
italienne de football (FIGC) à un an de suspension et €20 000 d’amende
pour une affaire de vente, pendant cinq saisons, de quantités significatives
de blocs de billets à des groupes ultras, alors qu’il n’est pas
permis de vendre plus de quatre unités par personne. Le procureur
du tribunal sportif avait requis deux ans et demi de suspension
et l’extension de la sanction au niveau européen contre M. Agnelli,
qui vient d’être élu à la présidence de l’Association européenne
des clubs. La société Juventus Football Club a été sanctionnée d’une
amende de €300 000.
13. Les révélations connues sous le nom de «Panama papers» ont
été suivies d’une série d’enquêtes fiscales concernant plusieurs
grands noms du football, y compris ceux de M. Lionel Messi et M. Cristiano Ronaldo,
ainsi que de M. José Mourinho, l’un des entraîneurs les plus médiatisés,
et M. Jorge Mendes, l’un des plus importants agents dans le marché
mondial du football. En somme, la gangrène est partout: la soif
de pouvoir et d’argent corrode de l’intérieur ce qu’on appelle «le
plus beau sport du monde». Ces affaires d’évasion fiscale sont décrites
en détail dans le livre «
Football Leaks»
.
14. Ce rappel de faits récents étaye les raisons que j’avais en
présentant une nouvelle proposition sur «la bonne gouvernance du
football»
après l’adoption par notre Assemblée
de la
Résolution 2053
(2015). D’une part, il me semble indispensable que nous puissions
continuer à suivre les processus de réforme de la gouvernance au
sein de la FIFA et de l’UEFA, pour vérifier si les réformes se poursuivent
en tenant compte des demandes formulées par notre commission et
par l’Assemblée dans la
Résolution
2053 (2015), mais également pour mettre en valeur et appuyer tout
effort de promouvoir dans ces deux organisations une culture de
la transparence et de faire de leur gouvernance un modèle, aussi
dans le but d’inciter des amélioration au sein de leurs associations
membres.
15. Ce nouveau rapport veut porter l’attention sur la gouvernance
du football en Europe et renforcer la collaboration existante avec
l’UEFA et d’autres partenaires, y compris les organisations représentatives
des ligues professionnelles de football (EPFL), des clubs (ECA)
et des footballeurs professionnels (FIFPro), pour réfléchir sur
comment améliorer ensemble la gouvernance du football en Europe,
au niveau national et au niveau des clubs, et pour faire du football
européen une vitrine pour la promotion de nos valeurs fondamentales.
16. Dès lors, ce rapport se penche aussi sur le rôle que ces divers
partenaires jouent ou peuvent jouer pour promouvoir les droits de
l’homme et plus particulièrement pour: combattre les discriminations,
sauvegarder les droits des mineurs, renforcer la solidarité, la
cohésion sociale et le respect de la dignité humaine.
2. Poursuivre les réformes de la gouvernance
à la FIFA et à l’UEFA
17. Deux documents d’information
[
AS/Cult/Inf
(2017) 15 rév et
AS/Cult/Inf
(2017) 16 rév] et les tableaux synoptiques qui y sont
joints présentent en détail les éléments qui m’ont semblé les plus
significatifs sur l’état des réformes de gouvernance à la FIFA et
à l’UEFA et sur la mise en œuvre de nos recommandations spécifiques.
Je ne reprendrai ici que certains de ces éléments. Mon intention
n’est pas nécessairement d’insister sur toutes les recommandations
qui n’ont pas encore été mises en œuvre; même si un appel général à
la FIFA et à l’UEFA pour qu’elles mettent en œuvre ces recommandations
est indispensable, je suggère que nous nous concentrions sur certains
éléments qui présentent, à mon avis, un intérêt majeur. Ces éléments concernent
essentiellement la question de la séparation des pouvoirs, les mécanismes
de contrôle et le système des freins et contrepoids.
18. Même si, dans cette section, l’analyse vise à souligner des
questions problématiques, il serait injuste de ne pas reconnaître
d’emblée, que des améliorations sont intervenues, tant à la FIFA
qu’à l’UEFA, notamment en terme de transparence financière, de réduction
de certaines dépenses, de contrôle des flux financiers pour prévenir
les malversations, de gouvernance participative. Nous pouvons nous
en réjouir; notre insistance sur certains points n’a pas été inutile.
Pour des raisons pratiques, je renvoie aux documents d’information susmentionnés
pour de plus amples indications sur ces aspects. La section de ce
rapport dédiée aux questions sur la protection des droits de l’homme
fait état d’avancées significatives de la part des deux organisations dans
ce domaine.
2.1. Séparation
des pouvoirs, mécanismes de contrôle et système de freins et contrepoids
à la FIFA
19. La forte concentration des
pouvoirs et l’absence de freins et contrepoids effectifs sont deux
éléments problématiques de la gouvernance des institutions sportives
en général y compris les institutions du football. A cet égard,
je salue le fait que les nouveaux Statuts de la FIFA prévoient aujourd’hui
une séparation claire entre la fonction stratégique – assurée par
le Conseil de la FIFA (précédemment le Comité exécutif) – et la fonction
exécutive/de management, assurée par le Secrétariat général sous
l’autorité du Secrétaire général. Par exemple, le Secretariat général
de la FIFA a la responsabilité de négocier, exécuter et mettre en
œuvre l’ensemble des contrats commerciaux, conformément aux normes,
politiques et procédures mises en place par le Conseil.
20. Toutefois, le contrôle exercé par le Président sur l’ensemble
des activités de la FIFA, y compris les fonctions de management,
semble au moins aussi fort que sous le leadership précédent. Bien
sûr, l’administration doit exécuter les décisions stratégiques prises
par les «organes décisionnels» et en particulier par le Président
et le Conseil. Ce qui soulève des questions est le pouvoir que,
me semble-t-il, le Président conserve en pratique dans les décisions
concernant, par exemple, la nomination et la révocation de personnes à
des postes clés.
21. Le 16 octobre 2017, lors de la réunion que je eue à la FIFA
avec M. Infantino, Mme Fatma Samoura, Secrétaire
Générale de la FIFA, et de hauts fonctionnaires de la FIFA, M. Infantino
a affirmé que l’idée qu’il garde le contrôle sur les questions de
management est fausse et ne s’appuie sur aucun fait concret. A cet égard,
je souhaite préciser, tout d’abord, que cette opinion n’est pas
en soi une «critique»; il s’agit pour moi simplement d’exposer ce
qui me semble pertinent pour comprendre les dynamiques internes
à la FIFA. Je constate que certains choix avaient été faits avant
même l’arrivée de Mme Samoura; il est
un fait qu’elle, n’étant pas issue du milieu du football, est moins
bien armée que M. Infantino – un gestionnaire hors pair dans le monde
du football – lorsqu’il s’agit de sélectionner les cadres dirigeants
d’une organisation spécialisée comme la FIFA; il est un fait aussi
que, pendant trois heures de réunion, c’est bien M. Infantino qui
a piloté l’exercice; il m’est donc impossible de croire qu’il ne
soit pas aux commandes en ce qui concerne aussi bien le macro- que
le micro-management.
22. Le nombre élevé de personnes démis de leurs fonctions depuis
l’élection de M. Infantino pourrait s’expliquer, au moins en partie,
par la volonté d’écarter les personnes trop proches de la direction
précédente – à l’exception de M. Marco Villiger
– et peut-être aussi par une
certaine volonté de renouveau. La manière avec laquelle ces changements
ont été opérés paraît, néanmoins, quelque peu «brutale» pour reprendre
les termes de certaines des personnes avec lesquelles je me suis
entretenue. Pour éviter tout malentendu: je ne mets nullement en
doute les compétences et les aptitudes des hauts fonctionnaires
de la FIFA qui sont maintenant en fonction.
23. Je crois que la position prééminente du Président et son emprise
sur les questions (notamment) de management restent une des composantes
clés de la culture de gouvernance de la FIFA. Il en est ainsi depuis des
dizaines d’années et il serait naïf de croire que cela pourrait
changer à cause d’une nouvelle disposition proclamant un modus operandi différent. Il faut
reconnaître que le Président de la FIFA, M. Infantino, a une longue
et riche expérience, ainsi qu’une vaste et profonde connaissance
du fonctionnement des institutions du football. La Secrétaire générale,
Mme Samoura, est une nouvelle venue dans
ce monde, ce qui est à bien d’égards une excellente chose; néanmoins,
la conséquence est qu’elle a besoin de temps pour asseoir sa position.
C’est une personne déterminée et compétente, rompue à la gestion
de dossiers complexes et profondément attachée à la sauvegarde des
droits de l’homme; j’espère qu’elle parviendra à consolider progressivement
sa fonction et à instaurer une véritable séparation des rôles, prescrite
par les règles mais qui n’existe pas à l’heure actuelle.
24. L’élément qui suscite mes plus fortes réserves sur les évolutions
récentes à la FIFA est celui d’une perte d’indépendance réelle de
la part des organes dits indépendants. Le Président et le Conseil
de la FIFA ont un pouvoir discrétionnaire étendu en matière de nomination
et de révocation des membres des commissions permanentes de la FIFA.
En soi, ce principe ne pose pas de problème: il est tout à fait
normal que les positions clés dans les commissions permanentes,
dont le rôle est de conseiller et d’assister le Conseil dans l’élaboration
des politiques stratégiques, soient aux mains du Conseil de la FIFA.
25. Cependant l’axe central de la réforme entreprise par la Commission
indépendante de gouvernance de la FIFA (CIG), présidée par le professeur
Mark Pieth, était de garantir l’indépendance des organes chargés
des principales fonctions de contrôle et responsables de la prévention,
de la détection et de la répression des abus et malversations, à
savoir: la Commission d’Audit et de Conformité, la Commission d’Éthique,
dans ses deux structures (la Chambre d’instruction et la Chambre
de jugement) et la Commission de Gouvernance. L’indépendance réelle
de leurs présidents a été considérée d’emblée comme une condition
nécessaire au bon fonctionnement de ces organes.
26. Dans la structure actuelle de la FIFA, quatre organes sont
qualifiés d’indépendants: la Commission d’Audit et de Conformité
(y compris la Sous-commission de Rémunération) et les trois organes
juridictionnels, à savoir la Commission de Recours, la Commission
de Discipline et la Commission d’Éthique. Par conséquent, leurs
membres, y compris leurs présidents et vice-présidents, ne sont
pas nommés par le Conseil: ils sont élus par le Congrès et ne peuvent
être révoqués que par ce dernier. De plus, ils ne peuvent pas être
membres d’autres organes de la FIFA.
27. Bien qu’elle figure dans la liste des commissions permanentes,
la «Commission de Gouvernance» est considérée comme un organe indépendant
ou est tout du moins assimilée à ces derniers. Ainsi, le président, le
vice-président et les membres de la Commission de Gouvernance sont
élus par le Congrès sur proposition du Conseil, ils ne peuvent pas
faire partie de ce dernier et ils doivent remplir les critères d’indépendance
établis par le Règlement de Gouvernance de la FIFA.
28. Tout cela semble parfait, en théorie du moins. Cependant,
l’indépendance ne peut être purement formelle: au-delà de sa consécration
dans les Statuts, elle doit être confirmée sur le fond et appliquée
en pratique. C’est pourquoi un changement majeur introduit sur proposition
de la Commission Indépendante de Gouvernance était que l’indépendance
réelle des présidents (et vice-présidents) de ces organes soit garantie aussi
à travers une procédure transparente et indépendante d’identification
et de sélection de candidats qui soient à la hauteur.
29. Des propositions pour la première présidence des deux chambres
de la Commission d’Éthique et de la Commission d’Audit et de Conformité
ont été faites par la Commission Indépendante de Gouvernance elle-même
et les personnes qui ont effectivement été nommées avaient l’agrément
de cette commission. Il s’agissait de:
- Domenico Scala, élu à la présidence de la Commission d’Audit
et de Conformité (sur proposition de la CIG);
- Hans-Joachim Eckert, élu à la présidence de la Chambre
de jugement de la Commission d’Éthique (sur proposition du professeur
Pieth, président de la CIG);
- Michael Garcia, élu à la présidence de la Chambre d’instruction
de la Commission d’Éthique (sur proposition d’Interpol).
30. Malgré la reconnaissance formelle de «l’indépendance», aujourd’hui
ancrée dans les Statuts, la situation concrète paraît aujourd’hui
très différente de celle que la Commission indépendante de gouvernance du
professeur Pieth avait souhaitée.
31. Suite à la décision du 66ème Congrès
de la FIFA (réuni dans la ville de Mexico le 13 mai 2016) d’autoriser
le Conseil de la FIFA à nommer les titulaires de postes des fonctions
encore vacantes des commissions indépendantes et de la Commission
de Gouvernance et à révoquer tout titulaire de poste de ces commissions
jusqu’à la tenue du 67e Congrès de la
FIFA, M. Scala a immédiatement démissionné de ses fonctions. Il
a considéré que cette décision constituait une réelle menace pour
l’indépendance des organes concernés, le Conseil pouvant faire usage
de ce pouvoir pour empêcher des enquêtes en révoquant les membres
concernés des commissions ou en s’assurant de leur acquiescement
par crainte d’une révocation.
32. La FIFA a déclaré que M. Scala avait mal interprété le but
de cette décision et expliqué qu’elle avait été prise pour permettre
au Conseil de nommer des membres à titre provisoire sur des fonctions
vacantes dans les nouvelles commissions de manière à ce que celles-ci
puissent remplir leur rôle. Cette explication n’est cependant pas
convaincante, car le principal problème ne tient pas au pouvoir
de nomination, mais au pouvoir de révocation. A cet égard, M. Infantino,
lors de notre rencontre du 16 octobre 2017, m’a donné une explication,
à savoir la nécessité de pouvoir intervenir rapidement par rapport
à un membre de commission fautif d’avoir failli à ses obligations.
C’est là une raison valable pour un pouvoir exceptionnel et temporaire,
mais je me demande pourquoi la disposition en question (qui, semble-t-il,
n’a finalement pas été utilisée) ne fut pas rédigée plus clairement
dans ce sens. M. Scala a été remplacé par M. Tomaž Vesel, un expert
international en audit, qui a été, depuis, élu pour un mandat de
quatre ans par le Congrès de la FIFA qui s’est tenu à Bahrain les
11 et 12 mai 2017.
33. Le Congrès de Bahrain, sur proposition du Conseil
, a décidé, à la surprise générale,
de ne pas renouveler le mandat de M. Borbély (qui avait remplacé
M. Garcia à la présidence de la Chambre d’instruction de la Commission
d’Éthique en décembre 2014) et de M. Eckert et a élu Mme Maria
Claudia Rojas (ancienne présidente du Conseil d’État de Colombie)
et M. Vassilios Skouris (juge grec, ancien Président de la Cour
de Justice européenne) respectivement à la présidence de la Chambre
d’instruction et à la présidence de la Chambre de jugement de la
Commission d’Éthique. Avec eux, la totalité des membres des deux
chambres, sauf deux, ont été remplacés.
34. M. Luís Miguel Maduro, ancien avocat général auprès de la
Cour de justice européenne, qui présidait la Commission de Gouvernance
et la Commission de Contrôle (chargée, entre autres, des contrôles
d’éligibilité et des contrôles d’indépendance
)
depuis seulement huit mois, a aussi été remplacé par son ancien
adjoint, M. Mukul Mudgal (ancien juge principal de la Haute Cour
indienne).
35. Concernant MM. Borbély et Eckert, je note que l’action de
ces deux présidents, épaulée aussi par celle de M. Scala au niveau
des vérifications sur la régularité comptable de certaines opérations,
a conduit à des sanctions lourdes pour 70 personnalités officielles,
y compris MM. Blatter et Platini.
36. M. Infantino considère que le véritable élément déclencheur
des poursuites et des sanctions en question a été plutôt l’action
du FBI et des autorités américaines. Il a sans doute raison, dans
le sens que la possibilité pour la Commission d’éthique de la FIFA
d’utiliser les éléments de preuves acquis par les enquêteurs américains
a accéléré plusieurs procédures et a été probablement déterminante
sur le fond; en effet, la Commission d’éthique de la FIFA n’a pas
les pouvoirs d’enquête des autorités judiciaires nationales. Même
si je n’ai pas la possibilité de me prononcer sur d’autres affaires
en connaissance de cause, celle concernant MM. Blatter et Platini
n’a rien à voir, me semble-t-il, avec les enquêtes du FBI.
37. Ce n’est pas mon rôle, ici, d’établir si M. Borbély et M. Eckert
auraient pu mieux faire. Néanmoins, j’estime que les résultats qu’ils
ont obtenus n’auraient jamais pu être atteints sans une réelle indépendance d’action.
Cette indépendance requiert des standards normatifs adéquats, une
pratique de l’organisation cohérente avec ces standards (qui n’est
jamais acquise une fois pour toutes) et aussi des qualités professionnelles
et une probité avérée des personnes qui finalement occupent ces
postes; mais cette indépendance demande aussi des procédures ouvertes,
transparentes et objectives de sélection des candidats à ces fonctions,
une limitation du rôle des organes de direction dans les procédures
de nomination et de révocation, ainsi que d’autres précautions comme
une durée limitée des mandats et le principe d’un renouvellement
partiel, pour assurer la continuité des travaux de ces organes.
38. Le remplacement de MM. Borbély et Eckert a soulevé beaucoup
de questions. Hormis le fait que la procédure normale aurait exigé
qu’ils soient informés plus tôt, alors que les intentions du Conseil
leur ont été communiquées seulement deux jours avant le Congrès,
les deux anciens présidents ont publiquement déclaré que la décision
de ne pas renouveler leur mandat répondait à «des motivations politiques»,
qu’elle faisait obstruction à la poursuite de centaines d’investigations
en cours et qu’elle mettait un terme aux efforts de réforme de la
FIFA. La FIFA a répliqué que les nouveaux présidents, Mme Rojas
et M. Skouris, étaient des personnes reconnues, hautement spécialisées
dans leurs domaines respectifs et que leur élection avait aussi pour
but de mieux refléter la diversité de genre et géographique au sein
des organes de la FIFA. Cette explication est également celle qui
a été donnée par les représentants de la FIFA à notre commission
lors de l’audition du 22 mai 2017 et qui m’a été donnée par Mme Samoura
lors de ma première visite à la FIFA le 29 mai 2017, ainsi que par
M. Infantino lors de la visite du 16 octobre 2017.
39. Quelle que soit la qualité des présidents en exercice et de
leur travail, je considère qu’il est sage de prévoir leur remplacement
à un moment ou à un autre. À ce sujet, notre position a toujours
été, et reste, qu’une date limite doit être fixée pour les postes
clés; je me réjouis du fait que la FIFA ait suivi cette recommandation y
compris pour les présidents de la Commission d’Éthique.
40. Cependant, je pense que la bonne manière de faire n’était
ni de manœuvrer dans l’ombre, en ne donnant pratiquement aucune
information aux intéressés, ni de remplacer 13 membres sur 15 de
la Commission d’Éthique alors que la qualité de leur travail était
jugée (du moins dans le discours officiel) excellente. Lors de leur
audition devant notre commission en date du 22 septembre 2017, MM. Borbély
et Eckert ont insisté sur l’impact que leur remplacement a déjà
eu sur la poursuite des enquêtes et procédures en cours, constatant
que presqu’aucune décision n’avait encore été prise par la Commission
d’Éthique après leur départ.
41. Les qualités des nouveaux présidents élus par le Congrès de
la FIFA ne peuvent guère être mises en doute: M. Skouris a été Président
de la Cour de justice européenne pendant 12 ans et Mme Rojas
a été Présidente du Conseil d’État et juge à la Cour constitutionnelle
de son pays, la Colombie. J’ai eu l’occasion de les rencontrer lors
de ma visite à la FIFA du 16 octobre 2017; j’en ai retenu une excellente
impression. Il s’agit de deux professionnels du plus haut niveau
et de la plus haute probité.
42. Cependant, alors que le profil de M. Skouris et son expérience
professionnelle sont parfaitement cohérents avec les fonctions qu’il
doit assumer, la charge de Présidente de la Chambre d’instruction
de la Commission d’éthique demande une expérience dans le domaine
des investigations criminelles et notamment financières, que Mme Rojas
n’a pas; elle n’a pas le profil de «procureur», ce qui était clairement
le cas des deux prédécesseurs, MM. Garcia et Borbély. L’absence
de connaissances des langues française et anglaise constitue également
un handicap majeur, alors que presque tous les documents sont rédigés
dans une des deux langues. Il ne s’agit pas seulement d’un facteur
qui risque de ralentir Mme Rojas dans
l’étude des dossiers, même si elle fait preuve de la disponibilité
nécessaire pour accomplir ses fonctions; il s’agit aussi – et c’est
bien plus problématique – d’une dépendance accrue qu’elle a par
rapport au secrétariat qui l’assiste et d’une difficulté objective
à entrer en contact de manière confidentielle avec des témoins ou
experts.
43. J’ai été surprise d’apprendre qu’aucune rencontre n’a eu lieu
entre les anciens et les nouveaux présidents. Cela n’est pas bien
grave pour les dossiers devant la Chambre de jugement, mais c’est
peu efficace en ce qui concerne la gestion des dossiers d’investigations.
Mme Rojas a déclaré à la presse qu’il
n’y avait pas d’enquêtes en cours concernant M. Infantino avant
d’avoir pris connaissance de tous les dossiers, y compris ceux –
plus sensibles – que son prédécesseur, M. Borbély, avait encore
en sa possession au moment de cette déclaration et qu’il n’avait
pas eu la possibilité de lui communiquer.
44. Selon le quotidien
The Guardian (information reprise par d’autres
médias) M. Infantino faisait bien l’objet de deux instructions préliminaires:
- l’une concernant une fausse
déclaration concernant les frais de sa campagne électorale pour
l’élection à la présidence de la FIFA (sa déclaration fait état
d’un budget de € 500 000, alors que l’UEFA lui avait accordé un
budget d’environ 1 million d’euros);
- l’autre suite à des plaintes affirmant que M. Infantino
et Mme Samoura auraient cherché à influencer
de manière illicite l'élection de M. Ahmad Ahmad (Madagascar) à
la présidence de la Confédération africaine de football (CAF) en
assurant à plusieurs dirigeants de fédérations africaines, au cours d'entretiens
privés, un versement plus rapide des fonds de développement à leurs
fédérations respectives s'ils votaient pour M. Ahmad.
Cela
ne veut pas dire que M. Infantino soit responsable mais simplement
que la déclaration de Mme Rojas n’a peut-être
pas été faite en pleine connaissance de cause.
45. M. Maduro, en date du 14 septembre 2017, a déclaré publiquement
devant la Commission de la culture des médias et du sport (select committee for culture, media and sport)
de la Chambre des communes (House of
Commons) du Parlement du Royaume-Uni qu’il a été évincé
de son mandat à la tête de la Commission de gouvernance de la FIFA
suite à son refus de céder aux pressions exercées sur lui par M. Infantino,
ainsi que (à la demande de ce dernier) par Mme Samoura
et par M. Vesel, afin que la Commission de gouvernance revienne
sur sa décision concernant l’inéligibilité de M. Vitaly Moutko,
Vice-Premier ministre russe, au Conseil de la FIFA. Cette interférence
a été confirmée par Mme Navi Pillay,
ancienne juge à la Cour Pénale Internationale et ancienne Haut-commissaire
des Nations Unies pour les droits de l’homme, dans une lettre de démission
des fonctions de membre de la Commission de gouvernance de la FIFA.
Le Professeur Joseph Weiler, ancien membre de la Commission de gouvernance,
a déposé une plainte contre Monsieur Infantino et d’autres responsables
pour tentative de blocage des enquêtes à l’encontre de dirigeants
du football.
46. M. Borbély et M. Eckert, à qui j’ai posé une question directe
à ce sujet, m’ont indiqué que si des ingérences de ce type étaient
établies, le Code d’éthique de la FIFA serait, pour eux, d’application.
Je souhaite reprendre ici également la version des faits que M. Infantino
m’a donnée le 16 octobre 2017 à propos des allégations de M. Maduro:
il a confirmé qu’il avait abordé avec M. Maduro la question de l’inéligibilité
de M. Moutko et qu’il lui avait fait part de ses doutes quant à
l’approche de la Commission de Gouvernance, car pour M. Infantino
cette inéligibilité n’était pas prévue dans les textes en vigueur.
M. Infantino a estimé qu’il était de son devoir de faire part à
M. Maduro de son opinion à cet égard, vu les conséquences potentielles
sur l’organisation de la Coupe du Monde 2018 en Russie. Il ne voit
aucune ingérence indue (de sa part ou de celle de Mme Samoura)
et considère qu’il s’agissait là d’un échange institutionnel normal,
dans le respect des compétences et responsabilités de chacun. Par
ailleurs, une fois la décision prise par la Commission de Gouvernance,
la décision a été appliquée sans problèmes. Pour ma part, je considère
qu’il n’est pas notre rôle de prendre parti dans une affaire où
tout est dans les nuances. L’organe compétent à se prononcer sur
cette affaire est la Commission d’éthique de la FIFA et je respecte
son rôle. Je ne puis cependant pas m’empêcher de suggérer que, pour
éviter toute méprise, la forme du dialogue institutionnel avec un
organe de contrôle indépendant devrait être différente de celle
d’un aparté: peut-être, aurait-il été préférable d’avoir une intervention
transparente de M. Infantino devant la Commission de Gouvernance.
47. Enfin, je constate que les présidents des quatre principaux
organes de contrôle de la FIFA ont été remplacés en moins d’un an.
Je trouve cela regrettable et j’y vois un mauvais signal. La façon
de procéder ne peut pas être raisonnablement considérée comme une
rotation normale aux postes clés et le sentiment général est, malheureusement,
que le Conseil de la FIFA, et M. Infantino en particulier, voulaient
se débarrasser des personnes qui risquaient de les gêner.
48. Loin de moi de dénigrer la FIFA ou de faire du «FIFA bashing» (comme s’est exprimé M. Infantino).
Je reviendrai plus loin sur plusieurs avancées importantes réalisées
par la FIFA. Toutefois, en ce qui concerne l’équilibre des pouvoirs,
le Président et le Conseil ont clairement montré que ce sont eux
qui sont aux commandes; ceux qui ne sont pas avec eux sont contre
eux et doivent s’en aller. L'indépendance des organes de contrôle
de la FIFA ne semble pas assurée. C’est également la conclusion
de tous les experts extérieurs à la FIFA que j’ai rencontrés.
49. Il n’y a pas de solution toute faite pour remédier à cette
situation. Certains garde-fous formels, comme l’adoption de mandats
échelonnés dans le temps pour les différents membres des organes
tels que la Commission d’Éthique, pourraient être utiles. Nous l’avons
déjà demandé et réitérons notre demande. Mais l’essentiel reste
de savoir qui propose et choisit les membres des «organes indépendants»
(et les membres indépendants des autres commissions permanentes).
Si les décideurs de la FIFA acceptent réellement que des personnalités
indépendantes, c’est-à-dire des personnalités sur lesquelles ils
n’ont aucun contrôle, surveillent leurs activités, ils doivent aussi
accepter de ne pas jouer un rôle déterminant dans leur nomination et
leur révocation. Il conviendrait de mettre en place un système par
lequel les candidats (et le renouvellement de leur mandat) seraient
proposés par des instances externes à la FIFA, en s’inspirant du
modèle de la première Commission indépendante de gouvernance. Je
crois qu’il serait également utile que le Congrès n’ait pas pour
seule possibilité d’accepter ou de rejeter un candidat, mais qu’il
puisse élire les présidents et leurs adjoints parmi des listes restreintes
de candidats présentant des profils de haut niveau comparables.
50. L’efficacité de nombreuses avancées importantes réalisées
par les réformes de gouvernance de la FIFA dépend largement de la
marge de manœuvre effective des commissions indépendantes, y compris
la Commission de gouvernance, à travailler en toute indépendance.
Si cette indépendance, proclamée et formellement protégée par de
nombreuses dispositions, devait être mise à mal par les pratiques
du Conseil ou de son président, toute tentative d’instaurer une
nouvelle culture de la gouvernance à la FIFA serait vouée à l’échec.
51. Je souhaiterais cependant conclure cette partie sur une note
positive et saluer le fait que les nouveaux Statuts de la FIFA fixent
des limites à la durée des mandats, en n’autorisant pas plus de
trois mandats de quatre ans, soit 12 ans au total, pour les fonctions
suivantes:
- Président de la
FIFA et membres du Conseil (articles 33.2 et 33.3 des Statuts);
- membres des organes juridictionnels de la FIFA (articles
52.5 et 52.6 des Statuts);
- membres de la Commission d’Audit et de Conformité (articles
51.3 et 51.4 des Statuts).
2.2. Séparation
des pouvoirs et système de freins et contrepoids à l’UEFA
52. En analysant les règles statutaires,
l’UEFA ne semble pas respecter entièrement le principe de séparation
entre la fonction stratégique et la fonction de gestion, cette dernière
étant confiée explicitement au Comité exécutif qui «gère les affaires
de l'UEFA». Cependant cet élément doit être replacé dans son contexte et
analysé conjointement à deux autres éléments.
53. D’une part, l’UEFA a créé l’«UEFA Events S.A.», une société
anonyme que l’UEFA détient à 100 %, chargée de gérer ses opérations
commerciales et événementielles. Ainsi, de fait, la gestion des
opérations commerciales est soustraite au Comité exécutif. D’autre
part les Statuts confient explicitement la gestion et la direction
de l’Administration au Secrétaire général et l’article 30 mentionne
parmi ses attributions: la nomination et révocation des directeurs,
après consultation du président; l’engagement et licenciement des
employés de l’Administration; la présentation d’un plan d’activités
annuel; l’établissement d’un budget concernant les recettes et les
dépenses; l’approbation des dépenses dans le cadre du budget. Dès
lors, on peut considérer que la séparation entre la fonction stratégique
et la fonction de gestion est réalisée; et en effet, en listant
les attributions intransmissibles du Comité exécutif, les Statuts
parlent de «haute direction de l’UEFA» et de «haute surveillance
sur l’Administration», donc un rôle plus stratégique que de management.
54. Quant à la position du Président de l’UEFA, malgré l’importance
et le prestige de son rôle institutionnel et l’influence réelle
qu’il peut avoir dans le processus décisionnel, ses pouvoirs sont
bien encadrés et on est loin d’une figure toute puissante qui peut
décider de tout: l’institution du Comité d’urgence est en soi un
signe de la volonté d’un exercice collégial des fonctions stratégiques
renforcé par la disposition que le Président, dans l’exercice de
ses responsabilités, «consulte le Comité exécutif» (article 29,
in fine, des Statuts). Par ailleurs, le Président est responsable
de la mise en œuvre des décisions du Congrès et du Comité exécutif «par
l’Administration», ce qui confirme le rôle de cette dernière. Ainsi,
globalement, la situation de l’UEFA par rapport aux équilibres des
pouvoirs ne me semble pas soulever des questions.
55. Je note également que, par rapport à la situation analysée
par notre Commission à l’occasion du rapport sur «La réforme de
la gouvernance du football», une amélioration majeure a eu lieu.
Nous avions suggéré à l’UEFA de limiter la durée des mandats du
président et des autres cadres élus, y compris le Comité exécutif; l’UEFA
a donné suite à cette recommandation.
56. L’article 22.1 des nouveaux Statuts de l’UEFA dispose que
«[p]ersonne ne peut exercer plus de trois mandats (consécutifs ou
non) comme président ou membre du Comité exécutif. Tout mandat partiel
compte comme un mandat plein». L’article 22.2 garde la limite d’âge
déjà existante: «Une élection ou une réélection n’est pas possible
après 70 ans révolus.»
57. Par ailleurs, l’article 21.3 prévoit que les candidats aux
fonctions de membre du Comité exécutif, à l’exception du président,
«doivent exercer une fonction active dans leur association». L’idée
est de promouvoir la création de liens plus étroits entre le Comité
exécutif de l’UEFA et les associations nationales et d’éviter des «parachutages
politiques». Enfin, il est désormais prévu (article 22.1) que tous
les deux ans ait lieu l’élection (ou réélection) de 50 % du Comité
exécutif, en appliquant ainsi le principe d’un renouvellement échelonné
des mandats dans cet organe.
58. Concernant les autres organes, l’exigence d’indépendance –
qui est également soutenue par des dispositions détaillées visant
la prévention des conflits d’intérêt – est soulignée de manière
spécifique pour les membres des organes juridictionnels. A cet égard,
l’article 32.1 des Statuts dispose qu’ils «(…) sont indépendants
et ne peuvent appartenir à aucun autre organe ni commission de l’UEFA.
Ils ne doivent prendre aucune mesure ni exercer aucune influence
en relation avec une affaire où il existe, ou dans laquelle est
perçu, un quelconque conflit d’intérêts. Ils sont tenus d’observer
exclusivement les Statuts, règles et règlements de l’UEFA et la
législation applicable.»
59. Ces dispositions sont appropriées; j’ai néanmoins quelques
remarques et propositions d’amélioration:
- Les contrôles d’éligibilité et d’indépendance préalables
aux nominations semblent être absents, ou du moins ils ne sont pas
codifiés. Il faudrait réfléchir à l’introduction de dispositions
statutaires spécifiques à cet égard.
- L’article 32.2 prévoit que «[l]es membres de l’Instance
de contrôle, d’éthique et de discipline et de l’Instance d’appel
ainsi que les inspecteurs d’éthique et de discipline sont élus par
le Comité exécutif (parmi les candidats proposés par les associations
membres) pour un mandat de quatre ans. Les membres de l’Instance
de contrôle financier des clubs sont élus par le Comité exécutif
pour un mandat de quatre ans. Les membres élus des organes de juridiction
de l’UEFA doivent être présentés au Congrès pour ratification».
Cela veut dire que le Comité exécutif de l’UEFA a un rôle déterminant
dans le choix des membres. Cela peut jouer contre leur indépendance
effective, d’autant plus que leur mandat (de quatre ans) est renouvelable
sans limite. En conséquence, même s’il faut noter qu’en pratique
il ne semble pas y avoir de problèmes d’ingérence dans le fonctionnement
des organes de juridiction, il faudrait envisager que le président
de l’Instance de contrôle, d’éthique et de discipline et l’Inspecteur d'éthique
et de discipline en chef soient sélectionnés selon des procédures
transparentes, que les candidatures puissent venir non seulement
des associations membres mais également d’autres parties prenantes
et que les personnes concernées soient élues (et éventuellement
révoquées) par le Congrès sur la base d’une liste présélectionnée
(d’au moins trois membres) et de propositions motivées du Comité
exécutif.
- Il faudrait introduire une limite à la durée des mandats
et décaler les débuts et fins des mandats des membres des instances
disciplinaires pour assurer que tous ne viennent à échéance au même
moment, afin de mieux assurer la continuité des travaux. Les règles
applicables aux membres du Comité exécutif pourraient servir de
modèle.
3. La
gouvernance du football et les droits de l’homme
3.1. Mise
en œuvre des recommandations faites par l’Assemblée parlementaire
concernant l’inclusion des droits de l’homme dans le système de
gouvernance
60. La
Résolution 2053 (2015) de l’Assemblée sur la réforme de la gouvernance du football
appelait la FIFA à demander aux autorités du Qatar de prendre toutes
les mesures nécessaires pour garantir le respect des droits fondamentaux
de tous les travailleurs immigrés employés dans leur pays et de
coopérer avec l’Organisation internationale du travail (OIT) pour
contrôler le respect effectif de ces droits par les entreprises publiques
ou privées qui opèrent au Qatar. Je prends acte avec satisfaction
des initiatives concrètes prises par la FIFA à ce sujet et les salue
sincèrement. Je souhaiterais en particulier mentionner la mise en
place de systèmes de contrôle des conditions de travail en Russie
et au Qatar pour les Coupes du monde 2018 et 2022 de la FIFA.
61. Le premier rapport du Conseil consultatif des droits de l’homme
de la FIFA (voir ci-après, paragraphe 65) indique que, selon la
FIFA et l’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois
(IBB), le système de contrôle a porté à des améliorations. Néanmoins,
le Conseil consultatif note qu’il n’y pas de données publiques disponibles
sur l’efficacité globale du système et qu’il n’y pas de consensus
sur la question de savoir si le système traite dûment les causes
à l’origine des accidents.
62. Au Qatar, la FIFA s’est engagée à côté de l’OIT, d’Amnesty
International, de Human Rights Watch, de l’IBB, ainsi que des autorités
qataries pour améliorer les conditions de travail sur les sites
de construction. Des normes de bien-être des travailleurs, conformes
aux bonnes pratiques internationales, font maintenant partie intégrante
des appels d’offres et s’imposent contractuellement à toutes les
entreprises qui opèrent dans les chantiers liés à la Coupe du monde
de la FIFA™. La mise en œuvre de ces normes est suivie avec un système de
contrôle à quatre niveaux, qui comprend des auto-évaluations, des
audits par le Comité suprême, des audits par une partie tierce indépendante
(la compagnie anglaise Impactt Ltd) et des audits par le ministère
du Travail du Qatar. En avril 2017, Impactt Ltd a publié son premier
rapport public; il en résulte que sur les chantiers en question
la situation s’était considérablement améliorée, ce qui montre que
les mécanismes mis en place produisent des résultats concrets. Néanmoins,
la situation au Qatar suscite toujours de sérieuses inquiétudes.
Human Rights Watch, dans un communiqué publié sur son site
,
souligne la nécessité d’adopter d’urgence des actions pour améliorer
la situation de tous les travailleurs du bâtiment et non seulement
de ceux qui sont employés sur les chantiers de la Coupe du monde.
63. Dans la
Résolution
2053 (2015), notre Assemblée a demandé à l’ensemble des organisations
sportives internationales et nommément la FIFA et l’UEFA:
- «à assurer que tout pays candidat
à l’organisation d’événements sportifs majeurs s’engage à respecter, dans
toutes les activités liées à l’organisation de l’événement et à
son déroulement, les standards internationaux en matière de droits
fondamentaux, y compris les normes de l’OIT»;
- «à renforcer la coopération avec les organisations intergouvernementales
pertinentes afin de promouvoir les droits de l’homme à travers le
sport et d’encourager leur protection effective, en particulier
à travers leurs programmes de développement».
– FIFA et les droits de l’homme
64. Je note avec satisfaction que
les mesures adoptées par la FIFA vont au-delà de nos demandes et peuvent
réellement servir de modèle à d’autres organisations internationales.
Le document AS/Cult/Inf (2017) 15 rév et les tableaux y annexés
contiennent une présentation des actions concrètes entreprises par
la FIFA pour intégrer la prise en compte des droits de l’homme dans
son système de gouvernance; je renvoie aussi à deux documents fondamentaux
publiées par la FIFA en mai 2017 concernant sa politique en matière
des droits de l’homme et sa mise en œuvre
.
Je me limiterai ici à souligner seulement quelques éléments particulièrement
significatifs.
65. La FIFA a inscrit son engagement pour la promotion des droits
de l’homme dans le nouvel article 3 de ses Statuts: «la FIFA s’engage
à respecter tous les droits de l’homme internationalement reconnus
et elle mettra tout en œuvre pour promouvoir la protection de ces
droits». La FIFA a créé un Conseil consultatif des droits de l’homme,
qui devra la conseiller dans ses efforts pour mettre en œuvre l’article 3
de ses Statuts
. Cette initiative est prometteuse
et nous pourrions explorer les possibilités de collaboration avec
ce Conseil sur des questions telles que la protection des mineurs
ou la lutte contre le racisme et la discrimination.
66. En mai 2017, le Conseil de la FIFA a décidé d’intégrer les
droits de l’homme dans le processus d’appel d’offres pour la Coupe
du Monde 2026 de la FIFA. Le nouveau guide de la procédure de candidature
vient d’être publié. Le modèle d’Inscription des candidatures («Bidding Registration»), qui figure
en annexe du «Règlement de la FIFA sur la procédure de sélection
de l’hôte de la compétition finale de la Coupe du Monde de la FIFA
2026», prévoit dans son article 8.2 que «[l]a ou les associations
membres doivent respecter les droits de l’homme internationalement
reconnus, y compris les droits des travailleurs, dans tous les aspects
de leurs activités en rapport avec la procédure de candidature,
conformément aux Principes directeurs des Nations Unies [relatifs
aux entreprises et aux droits de l’homme]». Il sera exigé des soumissionnaires
et du ou des pays hôtes sélectionnés qu’ils s’engagent publiquement
à respecter les droits de l’homme internationalement reconnus conformément
auxdits Principes directeurs des Nations Unies dans tous les aspects
de leurs activités relatives à l’accueil et à l’organisation de
la compétition et à présenter une stratégie en matière de droits
de l’homme et un schéma comportant une évaluation détaillée des
risques et un ensemble de mesures pour remédier aux incidences potentiellement
négatives sur les droits de l’homme. Une évaluation initiale et
une proposition de stratégie devront être remises par les soumissionnaires
dans le cadre du processus d’appel d’offres. Les critères de droits
de l’homme et les informations présentées par les soumissionnaires
feront ensuite partie intégrante de l’évaluation de l’offre par
l’administration de la FIFA.
67. En outre, la FIFA a commencé à intégrer des considérations
de droits de l’homme dans les critères des appels d’offres pour
ses autres tournois. De même, dans le cadre de ses relations commerciales,
la FIFA inclut de façon systématique des conditions concernant les
droits de l’homme dans les procédures d’appel d’offres.
68. Le premier objectif énuméré à l’article 2 des Statuts de la
FIFA est «d’améliorer constamment le football et de le diffuser
dans le monde en tenant compte de son impact universel, éducatif,
culturel et humanitaire, et ce en mettant en œuvre des programmes
de jeunes et de développement». Dans cet esprit, la FIFA prévoit d’investir
$US 4 milliards ces dix prochaines années dans le développement
du football (y compris le football féminin) par l’intermédiaire
de ses 211 associations membres dans le cadre de son nouveau programme Forward
et d’autres initiatives de financement. Je souhaite souligner que
la FIFA a maintenant inclus des considérations concernant les droits
de l’homme dans les règles du nouveau programme Forward. De plus, dans
le cadre du programme «Football for Hope», la FIFA soutient un large
éventail d’organisations non gouvernementales (ONG) s’attaquant
aux problèmes sociaux de leurs communautés via le football et contribuant
à la protection et à la promotion des droits de l’homme.
UEFA et les droits de l’homme
69. Je salue aussi les efforts
de l’UEFA pour la promotion des droits de l’homme, dont le document
AS/Cult/Inf (2017) 16 rév donne un aperçu. Je ne reprendrai ici
que quelques exemples marquants.
70. L’UEFA a prévu l’obligation pour tout pays candidat à l’organisation
d’événements sportifs majeurs de respecter les standards internationaux
en matière de droits fondamentaux, dans toutes les activités liées
à l’organisation de l’événement et à son déroulement. Concernant
l’organisation de l’EURO, selon l’article 3.3 des «Exigences relatives
au tournoi de l’EURO 2024»: «Les candidats ont l’obligation de respecter,
de protéger et de mettre en œuvre les droits et les libertés fondamentales
de l’être humain, et particulièrement les droits des enfants et
des travailleurs, au cours de la procédure de candidature et, s’ils
sont sélectionnés, jusqu’au démontage des installations de l’UEFA
EURO 2024. (…) Afin de respecter au mieux les droits de l’homme,
les candidats doivent viser à intégrer les droits de l’homme sur
un plan culturel; anticiper les risques de violations des droits
de l’homme; s’associer aux parties intéressées et mettre en œuvre
des mesures de rapport et de responsabilisation.» En outre, le «Contrat
d’organisation» prévoit le devoir pour l’association organisatrice
d’encourager et de garantir le respect des droits de l’homme internationalement
reconnus, et en particulier des droits de l’enfant, et de veiller
à ne pas se rendre complice de violations desdits droits.
71. Dans le cadre de son programme de responsabilité sociale,
l’UEFA soutient des activités qui traitent des problèmes sociaux
à travers le football et a mis en place des partenariats avec des
organisations qui contribuent par leur action à promouvoir les droits
de l’homme, comme le réseau Football
against racism in Europe (FARE). L’UEFA fait passer son
message de tolérance zéro pour toute forme de racisme et de discrimination
et pour plus de respect pour la diversité aussi par l’entremise
de ses grandes compétitions: la Champions League, l’Europa League
et l’UEFA EURO. L’initiative «#EqualGame» lancée
en août 2017 dans le contexte de la campagne «Respect»
est à saluer.
72. La lutte contre le racisme, l’intolérance et la discrimination
sont au cœur de l’action du Conseil de l’Europe et de notre Assemblée;
ainsi, j’aimerais que nous puissions réfléchir avec l’UEFA sur comment travailler
ensemble dans ce domaine; j’espère que l’accord de coopération entre
l’UEFA et le Conseil de l’Europe qui est à l’étude pourra donner
aussi un cadre approprié pour une collaboration plus suivie entre l’UEFA
et l’Assemblée parlementaire.
73. Je mentionnerai aussi le soutien de l’UEFA à des projets visant
les enfants et à d’autres initiatives pour favoriser à travers le
football la paix et la réconciliation, l’accès au football des personnes
handicapées, l’intégration sociale et la réhabilitation des personnes
sans-abri. Les montants affectés à ce type d’actions de «responsabilité
sociale» sont (par rapport au budget de l’organisation) assez limités;
le rapport financier indique un total de 4,8 millions d’euros pour
2015-2016. J’estime qu’il serait possible de faire un effort supplémentaire
pour soutenir ces activités.
74. Néanmoins, il convient d’indiquer que l’effort financier de
l’UEFA au titre de la responsabilité sociale comprend également
les actions de sensibilisation, comme la production du spot «Equal Game» ou les panneaux autour
des terrains de football («Respect»,
«No to Racism», «EqualGame», «UEFA
Foundation»), soit l’utilisation à des fins éducatives
d’espaces publicitaires (panneaux publicitaires et spots TV de 30 secondes
diffusés à la mi-temps des rencontres) dont la valeur marchande
serait d’environ 290 à 340 millions d’euros sur un cycle de quatre années.
3.2. La
promotion de l’égalité des genres: les femmes dans le football et
le développement du football féminin
75. Le rôle des femmes dans le
monde du football est un thème auquel j’attache beaucoup d’importance, car
dans ce domaine le football peut devenir un moteur des politiques
d’égalité des chances et un puissant facteur du changement de mentalités,
qui est nécessaire également en Europe.
76. Dans son rapport sur «La réforme de la gouvernance du football»,
notre commission a demandé à l’UEFA et à la FIFA d’encourager les
candidatures féminines aux postes clés et de rechercher un effet d’entraînement
sur les politiques d’égalité des genres dans les associations nationales
(et dans le cas de la FIFA, dans les fédérations de football aussi).
Là aussi, je me réjouis des efforts faits par les deux organisations.
– FIFA et la promotion de l’égalité
des genres
77. Sur le plan interne, les nouveaux
Statuts de la FIFA contiennent des dispositions qui visent directement la
question de l’égalité des genres. Remarquablement, l’article 2.f fixe un nouvel objectif: «promouvoir
le développement du football féminin et la pleine participation
des femmes à tous les niveaux de la gouvernance du football». L’article
4 interdit toute discrimination fondée (entre autres) sur le genre
et punit cette discrimination de suspension ou d’expulsion.
78. Un problème très concret que notre commission a identifié
est celui de la faible représentation des femmes au sein des principaux
organes de la FIFA, qui est le reflet d’une domination des hommes
dans les structures tant des confédérations que des associations
nationales. A cet égard, les Statuts de la FIFA demandent à chaque
confédération d’élire au moins une femme au Conseil (article 33.5).
Si une confédération ne respecte pas cette obligation, le siège
reste vacant jusqu’à la prochaine élection des membres du Conseil
. Le
Conseil est chargé d’assurer une représentation correcte des femmes
dans les commissions permanentes (article 39.4) et doit veiller
à ce qu’elles soient correctement représentées dans les candidatures
proposées au Congrès pour la présidence, les vice-présidences et
les autres sièges des organes juridictionnels (article 52.2).
79. Le document «FIFA 2.0: une vision pour l’avenir du football»
fixe comme objectif le doublement du nombre de joueuses de football
à l’échelle mondiale, qui devrait donc passer à 60 millions d’ici
2026, grâce à l’élaboration et à l’application d’une stratégie de
généralisation du football féminin. Un programme ciblé
a été conçu afin de repérer des
femmes susceptibles de devenir de grandes dirigeantes dans le monde
du football, de les soutenir et de leur permettre d’évoluer, tout
en préconisant l’accès de femmes à des postes décisionnels de haut
niveau dans le monde entier. Au sein des structures de la FIFA,
une Division du football féminin a été créée afin d’élaborer et
d’appliquer une stratégie commerciale et de développement du jeu
féminin.
– UEFA et la promotion de l’égalité
des genres
80. Les Statuts de l’UEFA ne contiennent
pas de disposition de principe qui fixe l’objectif de promouvoir
le football féminin et l’égalité des genres. L’égalité de genres
est néanmoins l’une des priorités affichées par le nouveau Président
de l’UEFA et son équipe.
81. Je voudrais insister sur la nécessité de garantir une représentation
plus équilibrée du point de vue des genres au sein des différents
organes collégiaux de l’UEFA. L’article 19 des Statuts dispose qu’au
moins un membre du Comité exécutif et au moins l’un des membres
européens du Conseil de la FIFA (tous élus par l’UEFA) soit une
femme. En effet, à l’heure actuelle il n’y a qu’une seule femme
dans le Comité exécutif et une seule femme désignée comme membre
du Conseil de la FIFA. Je ne dispose pas d’indications sur la composition
actuelle d’autres commissions de l’UEFA, mais sur les 19, seulement
deux sont présidées par une femme; j’estime qu’on peut mieux faire.
82. L’UEFA doit également continuer de promouvoir un changement
de culture dans l’ensemble des associations nationales de football
d’Europe. A cet égard, il est important de souligner que l’UEFA
a lancé un programme spécifique à long terme pour la promotion des
femmes aux postes de direction du football européen: le «Women in Football Leadership Programme».
Ce programme vise à identifier les femmes ayant le potentiel pour
assumer des fonctions dirigeantes et à les aider à développer leurs
compétences, pour leur permettre de se rapprocher des postes de
direction. En outre, les femmes occupant déjà des postes à responsabilités
se verront offrir plus de soutien dans leur fonction.
83. L’UEFA perçoit le développement du football féminin comme
un enjeu stratégique pour le développement du football et vise à
le promouvoir aussi en tant que facteur d’évolution sociale. Une
nouvelle initiative, la campagne «Together
#WePlayStrong», qui vise principalement les filles entre
13 et 17 ans, a pour but de transformer la perception du football
féminin et d'encourager la pratique de ce sport par les jeunes filles, afin
que le football devienne le sport féminin numéro un en Europe d’ici
l’année 2020.
84. Au niveau national, la stratégie de l’UEFA repose sur la mise
en œuvre de programmes de participation locale par l’ensemble des
55 fédérations membres (que l’UEFA soutiendra dans leurs efforts)
et vise à atteindre le public des jeunes filles et leur proposer
des contenus adaptés à travers de nouveau canaux médiatiques, car
elles ne consultent pas les médias utilisés habituellement pour
la promotion du football masculin. Par ailleurs, l’UEFA collaborera
avec un réseau de partenaires sponsors, afin de toucher un public encore
plus large.
85. Ces initiatives sont à saluer; mais la croissance budgétaire
exponentielle de l’UEFA devrait permettre d’utiliser un pourcentage
plus élevé de ressources pour promouvoir le football féminin, notamment
dans les pays dont les associations sont moins riches.
3.3. La
protection des joueurs mineurs
86. La question de la protection
des joueurs mineurs se pose principalement dans le cadre des transferts internationaux
qui, outre le risque d’une véritable traite d’enfants, engendrent
le déracinement des jeunes joueurs de leur pays et culture d’origine;
mais cette question se pose aussi par rapport à la destinée incertaine de
ces jeunes joueurs expatriés – et plus en général de tous les jeunes
joueurs dont le rêve se brise – lorsqu’ils ne répondent pas aux
attentes de leurs clubs, car tous ne deviennent pas des Lionel Messi
ou des Cristiano Ronaldo.
87. Suite à un accord signé par la Commission européenne (aujourd’hui
l’Union européenne), la FIFA et l’UEFA sur la révision du système
des transferts internationaux de joueurs de football
,
concernant aussi la question de la protection des mineurs, la FIFA
a modifié la réglementation sur les transferts des joueurs et a renforcé
la protection des mineurs à travers des amendements apportés en
2005 et 2009.
88. En particulier, le Règlement du statut et du transfert des
joueurs de la FIFA établit, à l’article 19, que «en principe, le
transfert international d’un joueur n’est autorisé que si le joueur
est âgé d’au moins 18 ans». Il prévoit néanmoins quatre exceptions,
dans les cas suivants:
- les
parents du joueur mineur s’installent dans le pays du nouveau club
pour des raisons étrangères au football;
- le cas des mineurs transfrontaliers; le nouveau club dans
l’association voisine se trouve à une distance de 50 km maximum
de la frontière et le domicile du joueurs est au plus à 50 km de
la frontière nationale et à 100 km du nouveau club; les associations
concernées doivent donner leur accord explicite;
- le transfert à l’intérieur de l’Union européenne ou au
sein de l’Espace économique européen (EEE), pour les joueurs âgés
de 16 à 18 ans. Dans ce cas, le club d’accueil assume une série
d’obligations impliquant, en substance, la mise en place d’un projet
pour la formation sportive, l’éducation (scolaire, académique) et/ou
la formation professionnelle et l’encadrement du mineur ;
le club doit fournir à son association les preuves qu’il est à même
de respecter ces obligations;
- le joueur a vécu de façon continue dans le pays où le
premier enregistrement est demandé pendant au moins les derniers
cinq ans précédant l’introduction de la demande.
89. Sous réserve du respect de certaines conditions strictes,
les transferts internationaux de joueurs réfugiés ou d’étudiants
en échange scolaire peuvent être autorisés à titre exceptionnel.
90. Les dispositions de l’article 19 s’appliquent également au
premier enregistrement d’un joueur mineur qui n’a pas la nationalité
du pays dans lequel il demande l’enregistrement. Chaque transfert
international et chaque premier enregistrement d’un joueur mineur
«doivent être approuvés par la sous-commission créée à cet effet par
la Commission du Statut du Joueur» (article 19.4). L’annexe 2 du
Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs précise la procédure
de demande auprès de la sous-commission.
91. L’article 19bis du même
Règlement a introduit des dispositions visant à garantir que tous
les académies ou centres de formation – en relation avec un club
ou autonomes – signalent à l’association nationale concernée tous
les joueurs mineurs qui participent à leurs activités. Chaque association
nationale doit tenir un registre où sont consignées toutes les déclarations
émanant des clubs ou des académies, avec les noms et dates de naissance
des mineurs. L’article 19 bis prévoit, à l’alinéa 6, que «[l]’art.
19 s’applique également aux déclarations des joueurs mineurs qui
ne sont pas ressortissants du pays dans lequel ils souhaitent être déclarés».
92. L’article 7.8 du Règlement sur la collaboration avec les intermédiaires
renforce la protection des mineurs, en interdisant aux joueurs et
aux clubs de rémunérer un intermédiaire dont les services sont sollicités pour
un joueur mineur: «Les joueurs et/ou les clubs qui ont recours aux
services d’un intermédiaire dans le cadre de la négociation d’un
contrat de travail et/ou d’un accord de transfert ne peuvent effectuer
de paiement en faveur dudit intermédiaire si le joueur concerné
est mineur (…)»
93. En 2015, le Comité Exécutif de la FIFA a décidé de réduire
de 12 à 10 ans la limite d’âge à partir de laquelle un certificat
international de transfert – obtenu en en faisant la demande via
le système de régulation des transferts internationaux (Transfer Matching System – TMS)
– est obligatoire. Cette décision a été prise pour renforcer la
protection des mineurs, vue l’augmentation du nombre de transferts
internationaux impliquant des joueurs âgés de moins de 12 ans.
94. La FIFA surveille les transferts internationaux grâce à son
TMS, un outil en ligne mis en place pour encourager et conserver
la transparence du marché des transferts internationaux. Depuis
2009, l’utilisation du TMS est obligatoire pour toutes les demandes
de transfert international de joueur mineur ou pour le premier enregistrement
d’un mineur dans un pays autre que le sien. Une filiale de la FIFA,
FIFA TMS GmbH, enquête sur les violations potentielles de la réglementation
de la FIFA et porte certains cas devant la Commission de Discipline
de la FIFA. Cette dernière a sanctionné, en avril 2014, la Real
Federación Española de Fútbol (RFEF) et le club espagnol du FC Barcelone
pour des infractions relatives au transfert international et à l’enregistrement
de joueurs âgés de moins de 18 ans.
95. Pour la Commission de Discipline de la FIFA, la protection
des mineurs dans le contexte des transferts internationaux est une
question sociale et juridique importante qui concerne tous les acteurs
du football et l’intérêt de la protection du développement sain
et approprié d’un mineur dans son ensemble doit prévaloir sur les
intérêts purement sportifs.
96. C’est justement au nom de la primauté de l’intérêt des mineurs
qu’il convient de réfléchir sur comment continuer à améliorer le
système de protection. A ce stade, au lieu de fixer de nouvelles
normes au niveau global, il me semble plus important, d’une part,
d’assurer le respect de celles qui existent et, d’autre part, de les
compléter par des mesures au niveau national visant surtout l’accueil
et l’accompagnement des joueurs mineurs. Il y a à cet égard – me
semble-t-il – une responsabilité qui incombe directement aux clubs,
aux associations nationales et aux confédérations, selon les compétences
respectives.
4. La
gouvernance du football et l’éthique: les affaires ou les valeurs?
97. Sans argent le sport ne saurait
se développer et remplir sa fonction sociale; en conséquence, il
faut se réjouir que l’économie du football soit prospère. Néanmoins,
trop d’argent tue le sport et il me semble que le football soit
à cet égard le sport le plus à risque.
98. Lors de l’audition que notre commission a tenue le 22 mai
2017, nous avons évoqué plusieurs questions, en partie interconnectées,
y compris:
- la transparence
des flux financiers (par exemple, des montants versés au titre des
programmes de développement) et le suivi de leur utilisation;
- la propriété des joueurs, question qui est liée à celle
des transferts et qui, nonobstant les nouvelles normes adoptées
par la FIFA ne semble pas résolue en pratique; à cet égard, le président
de la FIFA, M. Infantino, a déclaré au Congrès extraordinaire de
l’UEFA réuni à Genève le 20 septembre 2017 que s’occuper du système
de transferts – qui pour lui engendre aujourd’hui une «course folle»
(rat race) –pour faire face à l’escalade des dépenses et rendre
le système plus transparent est une responsabilité commune;
- le fair-play financier est un autre sujet lié aux transferts,
qui redevient d’actualité après les nouveaux records établis par
le marché des transferts de l’été 2017 (près de 65 000 transactions
dans le monde, pour un montant total de dépenses s’élevant à près
de 5 milliards d’euros) et les prix astronomiques payés pour les
transferts de trois joueurs: Neymar (passé du FC Barcelone au Paris
Saint Germain pour 222 millions d’euros) Kylian Mbappé (passé de
Monaco au Paris Saint Germain pour 180 millions d’euros) et Ousmane
Dembélé (passé du Borussia Dortmund au FC Barcelone pour 150 millions
d’euros);
- les écarts croissants entre le niveau des diverses ligues
et (surtout) entre grands et petits clubs;
- la solidarité entre football professionnel et amateur;
- les agents et intermédiaires, soit la question de savoir
s’il conviendrait de les soumettre à un statut spécifique, pour
un meilleur encadrement professionnel (y compris concernant le niveau
des rémunérations et leurs responsabilités).
99. Une autre question, à laquelle les partenaires de la FIFPro
attachent beaucoup d’importance, est celle du statut et de la protection
des droits des joueurs; tous ne sont pas millionnaires et, bien
au contraire, loin des feux des projecteurs et inaperçus par les
médias et le grand public, nombreux sont ceux qui vivent dans des situations
de précarité. Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue deux problèmes
épineux: le trucage des matchs et le dopage. Nous avons abordé ces
questions dans deux rapports distincts, mais il y a encore beaucoup
à faire et on pourrait songer à les reprendre.
100. J’ajouterai trois autres questions sensibles:
- la première concerne le rôle
que les clubs, les associations nationales et l’UEFA peuvent et
doivent jouer pour lutter – à côté des autorités publiques – contre
le phénomène de l’évasion fiscale dans le monde du football, que
les «Panama papers» et le livre «Football Leaks» ont mis en évidence;
- la deuxième porte sur les accords passés entre les organisations
sportives – y compris la FIFA et l’UEFA – et les États hôtes des
événements sportifs majeurs; ces accords introduisent des clauses
d’exception par rapport au droit commun notamment, mais pas seulement,
en prévoyant des exemptions fiscales. La Cour des comptes française,
dans son rapport sur l’organisation de L’EURO 2016, est très critique et
parle d’«accords exorbitants du droit national» ;
- enfin, une question clé transversale est celle des interconnections
entre le sport, la politique, l’économie et les média. L’ignorance
ou la mauvaise compréhension des influences réciproques entre ces
quatre dimensions est un obstacle à la recherche efficace de solutions.
101. Une analyse de toutes ces questions déborderait le cadre du
présent rapport. Mais ces thèmes sont d’une importance majeure et,
pour cette raison, mon intention est de présenter tout de suite
une nouvelle proposition de résolution, afin que notre commission
puisse continuer son travail en collaboration avec la FIFA, l’UEFA,
l’EPFL, l’ECA et la FIFPro. A cet égard, j’ai également inséré dans
le projet de résolution un appel à la FIFA et à l’UEFA, afin que
ces organisations prennent l’initiative d’établir une table de travail
pour discuter de ces questions parmi d’autres. L’Assemblée pourrait,
je l’espère, y être associée.
5. Conclusions
102. Le football est bien plus que
de marquer des buts, remporter des victoires et des titres. Le sport
en général et le football en particulier, comme sport le plus populaire
et le plus universel, doit se baser sur des valeurs comme le fair-play,
le respect et la tolérance entre autres. Pour transmettre ces valeurs
aux sportifs et aux supporters, il faut que les instances dirigeantes,
aux niveaux local, national et international donnent le bon exemple
et fassent preuve d’un comportement irréprochable, ce qui malheureusement
est loin d’être le cas.
103. Manipulations, prises d’influence, corruption, blanchiment
d’argent entre autres sont à l’ordre du jour. Souvent des considérations
d’ordre géopolitique influencent des prises de décision. Malgré
les efforts louables qui ont été menés pour adapter les procédures,
il faut constater que souvent, en pratique, elles restent lettre morte.
Ainsi l’indépendance des organes de contrôle, un facteur indispensable
de bonne gouvernance, est gravement menacée.
104. Le football n’appartient à personne, il appartient à tout
le monde. Partant de ce constat il est inéluctable que les autorités
publiques prennent leurs responsabilités pour mettre un terme aux
dérives et ceci dans l’intérêt du football. Le football ne peut
pas être une zone de non droit. Il faut mettre un terme à la tendance
de cacher, d’ignorer, de minimiser, de bagatelliser les dérives
et la démesure. Toutes les parties concernées, à savoir les autorités
publiques, le monde du football, les sponsors et la presse sportive
doivent coopérer pour arriver à un changement de culture afin de
vaincre les résistances et d’éviter ainsi que le football ne s’autodétruise.
Notre Assemblée doit prôner ce changement de culture.
5.1. L’influence
du politique sur le sport et l’indépendance des organes de contrôle
105. Un premier pas nécessaire est
d’éviter une influence politique indue sur les décisions des organisations sportives.
La relation entre la politique et le sport mérite d’être reprise
et approfondie dans le cadre d’un rapport futur. Néanmoins, il me
semble nécessaire d’insister déjà dans ce rapport sur la nécessité
d’inclure dans les Statuts de la FIFA et de l’UEFA une règle explicite
interdisant à un membre d’un gouvernement de siéger au sein de leurs
organes décisionnels. La même situation existe ou peut exister dans
d’autres organisations, y compris le CIO. Les Statuts des organisations
sportives internationales doivent prévoir qu’aucun membre de gouvernement
(voire aucune personne ayant une charge au sein des structures gouvernementales)
ne puisse siéger dans leurs organes décisionnels.
106. Une deuxième question, que je considère cruciale pour soutenir
durablement la bonne gouvernance des organisations sportives, est
celle de l’indépendance des organes de contrôle. Au nom de l’autonomie,
le sport devrait s’autoréguler et s’autocontrôler tout en respectant
le droit commun. Or force est de constater que certaines fédérations
sont dans l’incapacité de s’autoréguler. La présence au sein de
ces organisations d’organes de contrôle indépendants peut être une
réponse, mais seulement à condition que cette indépendance soit
réelle.
107. Pour éviter des malentendus, je précise tout de suite qu’il
ne s’agit pas de contrôler si les règles du jeu sont appropriées.
Je considère que cela doit rester dans le champ de l’autonomie sportive.
Je me pose, par contre, la question de savoir s’il est acceptable
que les dirigeants des grandes organisations sportives puissent décider
à loisir des montants des salaires, des indemnités, des bénéfices
économiques qu’ils s’octroient, distribuer l’argent du sport sans
un contrôle efficace de son utilisation, nommer ceux qu’ils veulent
aux places stratégiques, y compris à la tête des organes qui sont
chargés de les contrôler.
108. Le cœur du problème est, me semble-t-il, de savoir qui propose
et choisit les membres des organes «indépendants». Il va de soi
que, si l’organe se veut «indépendant», les membres de ces organes
doivent être des personnalités indépendantes, c’est-à-dire des personnalités
sur lesquelles les décideurs des organisations sportives n’ont aucune
espèce de contrôle; en conséquence les organes de direction ne peuvent
pas jouer un rôle aussi important dans leur nomination et leur révocation.
109. La question des contrôles indépendants est une question sensible
qui touche tout le monde sportif; ainsi, elle est aussi traitée
dans le cadre du rapport de notre collègue M. Mogens Jensen «Vers
un cadre pour une gouvernance sportive moderne»
. Je propose que l’Assemblée demande
aux instances de l’Union européenne de créer un observatoire international
indépendant afin de mettre en place des mécanismes de contrôle portant
sur des aspects de gouvernance des organismes de football ainsi
que d’autres organisations sportives en mettant l’accent entre autres
sur l’éthique et l’intégrité des élections. Ceci ne conférera pas
le pouvoir à cet observatoire de gouverner le sport, mais de veiller
à ce que les principes de bonne gouvernance soient effectivement
appliqués.
5.2. Le
football et les droits de l’homme, la protection des mineurs et
l’égalité
110. La FIFA et l’UEFA ont fait
dans ce domaine des progrès qu’il convient de saluer. Si dûment
mises en œuvre, les mesures que ces deux organisations ont adoptées
sont de nature à les placer à l’avant-garde en ce qui concerne la
prise en compte de la dimension «droits de l’homme» dans l’ensemble
des activités sportives et commerciales d’une organisation sportive
internationale. Maintenant, il faudra assurer la mise en œuvre de
ces nouvelles mesures et notamment instaurer un contrôle efficace
du respect des obligations que les pays candidats à l’organisation
des grandes compétitions de football devront assumer.
111. Il est indispensable que la protection des droits de l’homme
soit assurée non seulement à l’égard de ceux qui travaillent pour
construire les infrastructures de la Coupe du Monde ou contribuent
autrement à son organisation, mais à tous les citoyens d’un pays
candidat. Ainsi je propose de demander à la FIFA qu’elle incite les
autorités qataries à assurer que les normes de bien-être des travailleurs
s’appliquent à tous les travailleurs du bâtiment et non seulement
à ceux qui sont employés sur les chantiers des stades pour la Coupe
du monde.
112. Je propose de demander à la FIFA et à l’UEFA:
- d’insister auprès des gouvernements
des pays hôtes sur la nécessité de sauvegarder les droits civils
et politiques fondamentaux, et en particulier la liberté d’expression
– y compris la liberté des médias – et la liberté de réunion pacifique,
et cela non seulement en relation avec leurs compétitions mais au-delà;
- d’assurer que tous les cas de manquements graves aux droits
de l’homme, y compris les droits des travailleurs, par des sociétés
privées impliquées dans l’organisation de leurs compétitions, à
commencer par celles qui construisent les stades et les infrastructures,
soient rendus publics et que des sanctions effectives soient appliquées
lorsque les mesures de suivi recommandées par les organes de contrôle ne
sont pas mises en œuvre; les gouvernements des pays hôtes doivent
assumer cette responsabilité.
113. Nonobstant l’attention portée par la FIFA à la question des
transferts des joueurs mineurs et les règles et procédures existant
à cet égard, le risque est que pour des adolescents, voire pour
des enfants, le rêve du football puisse se transformer en cauchemar.
Pour cette raison, je propose à la FIFA et l’UEFA de réfléchir en collaboration
avec le Groupe d'experts du Conseil de l’Europe sur la lutte contre
la traite des êtres humains (GRETA), sur des mécanismes et mesures
nécessaires pour stopper la chaîne de «transferts forcés» de joueurs
mineurs, qui relève de la traite des êtres humains.
114. Il faut, d’une part, assurer le respect des normes qui existent
pour prévenir un véritable commerce d’enfants et, d’autre part,
compléter ces normes par des mesures au niveau national visant surtout
l’accueil et l’accompagnement des joueurs mineurs. Cette responsabilité
incombe non seulement à la FIFA mais aussi directement aux clubs,
aux associations nationales et aux confédérations, selon leurs compétences respectives.
116. Je voudrais proposer également que les programmes de soutien
– comme le programme Forward de la FIFA – soient conçus de manière
à soutenir non seulement le développement du football en soi, mais
aussi le développement humain des joueurs, ce qui les aiderait à
améliorer leurs compétences et aptitudes générales dans la vie,
tout en renforçant leurs capacités sportives. Je voudrais en particulier
encourager les efforts d’éducation et de formation professionnelle
des joueurs. Il faut que les jeunes footballeurs reçoivent non seulement
une formation sportive mais également une éducation et une formation
professionnelle leur permettant de s’insérer dans le monde du travail
après leur carrière de footballeurs.
117. A cet égard, j’estime que la responsabilité principale devrait
être assumée par les clubs et des règles plus détaillées pourraient
être prévues à cet égard par les associations nationales; mais il
y a sans doute un rôle de promotion et peut-être de définition de
standards minima que la FIFA au niveau global et l’UEFA au niveau
européen devraient jouer, en agissant en concertation avec la FIFPro
et l’ECA. FIFA et UEFA pourraient initier un processus de réflexion
sur cette question.
118. Par ailleurs, l’UEFA devrait avoir pour objectif accroître
progressivement les montants destinées à soutenir des projets éducatifs
mis en œuvre au niveau national. A ce sujet, les programmes de solidarité
de l’UEFA entrent en ligne de compte.
L’UEFA pourrait affecter des pourcentages
plus élevés de ressources à la promotion:
- du football des jeunes en général;
- du football féminin en particulier (actuellement les paiements
incitatifs annuels au titre de la mise en œuvre du UEFA Women Development
Programme sont au maximum de € 100 000 par association, sur un total
maximum de € 1 025 000;
- de la bonne gouvernance des associations nationales (actuellement
les paiements incitatifs annuels au titre de la mise en œuvre du
UEFA Good Governance Programme sont au maximum de € 100 000 par association,
sur un total maximum de € 1 025 000);
- du programme leadership pour les femmes au niveau national.
119. Par ailleurs, grâce à l’augmentation significative des recettes
des deux compétitions interclub (soit plus de 2 160 millions d’euros
net déduction faite des coûts directs d’organisation des compétitions)
l’UEFA a pu dégager un montant de 198,7 millions d’euros (qui est
part du résultat net de l’exercice) que l’UEFA destine spécifiquement
au «football européen», ce qui comprend, entre autres, le financement
d’activités de développement du football et d’éducation. Il résulte
du rapport financier que la «contribution au football européen»
représente le 8,2 % des recettes des compétitions interclubs. L’UEFA
pourrait augmenter cette contribution à 10 % et réserver l’augmentation
au soutien des projets éducatifs lancés au niveau national.
120. Concernant la promotion de l’égalité des genres au sein des
institutions sportives, je souhaite faire un appel pour accroître
les efforts afin de corriger les déséquilibres. Même si cela est
évidemment un problème général, j’estime que le football peut et
doit jouer dans ce domaine un rôle de modèle.
121. Je ne suis pas une partisane des quotas pour les femmes, car
j’estime que cela donne parfois l’impression d’un déni des compétences
et des qualités professionnelles que les femmes ont et dont elles
font preuve lorsqu’on leur donne la possibilité d’accéder à des
postes à responsabilité. Néanmoins, il faut promouvoir le changement
de culture et de mentalité et il faut accélérer le processus de
résorption du retard existant dans un milieu – celui du football
et de ses dirigeants – traditionnellement monopole des hommes.
122. Je souhaite donc reprendre une suggestion que notre Commission
a formulé dans son rapport précédent et demander à la FIFA et à
l’UEFA de promouvoir l’adoption par toutes les fédérations sportives nationales
des règles statutaires afin d’assurer, dans leurs comités exécutifs
et commissions permanentes, une représentation féminine au moins
proportionnelle au nombre de licenciées, avec un nombre minimum
de places réservées aux femmes dans tous les cas. L’efficacité d’une
telle approche est liée à un processus de développement du football
féminin. Dès lors, la FIFA et l’UEFA, devraient utiliser un pourcentage
plus élevé de leurs ressources pour promouvoir le football féminin,
notamment dans les pays dont les associations sont moins riches.
Dans le cadre européen, il serait intéressant d’étudier à cet égard
des formes de collaboration entre l’UEFA les associations nationales.
5.3. Œuvrer
ensemble pour une meilleure gouvernance du football
123. Dernière question mais non
la moindre: pour être plus efficaces, les institutions du football
devraient travailler ensemble et nous devrions travailler avec eux.
A cet égard, j’ai formulé trois propositions, à savoir que notre
Assemblée:
- invite la FIFA et
l’UEFA à prendre l’initiative d’établir une table de travail pour
discuter de ces questions et d’autres en indiquant qu’elle est prête
à y participer et en demandant d’y associer la Commission européenne;
- demande aux instances de l’Union européenne de créer un
observatoire international indépendant afin de mettre en place des
mécanismes de contrôle portant sur des aspects de gouvernance des organismes
de football ainsi que d’autres organisations sportives en mettant
l’accent entre autres sur l’éthique et l’intégrité des élections;
ceci ne conférera pas le pouvoir à cet observatoire de gouverner
le sport, mais de veiller à ce que les principes de bonne gouvernance
soient effectivement appliqués;
- demande aux autorités publiques de se concerter avec les
organismes sportifs internationaux et plus particulièrement avec
la FIFA et l’UEFA afin de veiller à ce que le droit commun soit
appliqué également en ce qui concerne les questions financières
et fiscales.
5.4. Remerciements
124. Je tiens à remercier les interlocuteurs
qui m’ont aidée à mieux comprendre le fonctionnement et les dysfonctionnements
des instances du football: les dirigeants de la FIFA, de l’UEFA,
de l’EPFL, de l’ECA et de la FIFPro, ainsi que de nombreux experts
indépendants et journalistes.
125. Pour terminer, je voudrais citer une phrase de Rafael Buschmann
– journaliste au magazine allemand Der
Spiegel et auteur de nombreux livres liés au sport –
qui décrit bien l’impact du football: «Le football est un cinéma
d’émotion, ce qui est parfois difficile à comprendre. On y pardonne,
hait et pardonne à nouveau, plus vite que dans la vie normale. Une
victoire, une défaite, un but peut tout changer.»