1. Introduction
1. Le présent rapport fait suite
à une proposition de résolution déposée par M. Crutchen et d’autres membres
de l’Assemblée le 14 octobre 2016. Cette proposition se réfère à
certaines normes européennes existant dans le domaine concerné,
notamment à la Convention européenne des droits de l’homme (STE
no 5, «la Convention») et à la Déclaration
du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe de 2014 sur les entreprises
et les droits de l’homme, ainsi qu’au vote de 2016 au Parlement
européen en faveur du renforcement du Règlement (CE) no 1236/2005
de l’Union européenne, déjà en vigueur, relatif au commerce du matériel
de sécurité. Le texte de la proposition ajoute que «certains vides
juridiques n’ont toujours pas été comblés, en particulier en ce
qui concerne la fourniture d’une assistance et d’une formation techniques»
et que des rapports de la société civile signalent que «[du] matériel
de sécurité qui n’a aucune autre utilisation pratique que celle
d’infliger la torture et la peine capitale continue d’être fabriqué,
commercialisé et vendu dans certains États membres du Conseil de
l’Europe».
2. À partir de ce constat, la proposition demande que l’Assemblée
parlementaire «enquête et fasse rapport sur le commerce du matériel
de sécurité dans les États membres du Conseil de l’Europe et élabore
ensuite des dispositions appropriées pour prévenir le commerce ou
le courtage de matériel susceptible de faciliter la torture et l’application
de la peine de mort».
3. La commission des questions juridiques et des droits de l’homme
m’a nommé rapporteur lors de sa réunion du 7 mars 2017. Au cours
de l’établissement du rapport, la commission a procédé à l’audition
de M. Michael Crowley, chercheur associé à l’Omega Research Foundation,
et de M. Albert Straver, administrateur en charge des instruments
réglementaires relatifs à la politique étrangère, Service des instruments
de politique étrangère, Commission européenne, lors de sa réunion
à Belgrade le 18 mai 2017. J’ai également adressé un questionnaire
aux parlements des États membres et observateurs pour obtenir des informations
sur la situation nationale du commerce des biens utilisés pour la
torture et la peine de mort et de la réglementation de ce commerce;
j’ai reçu 12 réponses, communiquées par l’Allemagne, Andorre, l’Azerbaïdjan,
Chypre, l’Espagne, la France, le Luxembourg, la Norvège, la Pologne,
la Suède, la Suisse et la République tchèque.
2. Les initiatives internationales antérieures
et les normes internationales existantes en matière de réglementation
du commerce des biens utilisés pour la torture et la peine de mort
4. L’interdiction absolue de la
torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants en
toutes circonstances représente une norme impérative du droit international,
insérée dans de nombreux traités, notamment à l’article 3 de la
Convention européenne des droits de l’homme, à l’article 7 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques et dans la
Convention des Nations Unies contre la torture. Cette interdiction est
si rigoureuse qu’elle impose aux États de tenir compte des conséquences
que leurs actes pourraient avoir dans d’autres pays, notamment en
prévenant le renvoi d’une personne vers un pays dans lequel elle
serait exposée à un risque réel de mauvais traitements suffisamment
graves.
5. La peine de mort est désormais illégale dans l’ensemble des
États membres du Conseil de l’Europe. Le Protocole no 6
à la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 114),
qui abolit la peine de mort en temps de paix, a été ratifié par
tous les États membres à l’exception de la Fédération de Russie,
dont la Cour constitutionnelle a cependant institué un moratoire;
quant au Protocole no 13 à la Convention
européenne des droits de l’homme (STE no 187),
qui abolit la peine de mort en toutes circonstances, il a été ratifié
par tous les États membres à l’exception de l’Arménie, de l’Azerbaïdjan
et de la Fédération de Russie. La Cour européenne des droits de
l’homme a reconnu et amplifié cette avancée en 2010, en concluant
que la peine de mort s’apparentait à un traitement inhumain ou dégradant
et entrait par conséquent dans le champ d’application de l’interdiction
fixée à l’article 3 de la Convention.
6. Dans sa Résolution 2001/62, la Commission des droits de l’homme
des Nations Unies demandait à tous les gouvernements «de prendre
des mesures effectives appropriées d’ordre législatif, administratif,
judiciaire ou autre pour prévenir et interdire la production, le
commerce, l’exportation et l’utilisation de matériel spécialement
conçu pour infliger des actes de torture ou d’autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants» et appelait «le Rapporteur spécial
à étudier la situation concernant le commerce et la production de
ce type de matériel ainsi que son origine, sa destination et les
formes qu’il revêt, en vue de trouver le meilleur moyen d’interdire
un tel commerce et une telle production et de combattre leur expansion,
et à faire rapport à la Commission sur ce sujet». Cet appel a été
renouvelé dans la Résolution 2002/38.
7. En réponse, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la
torture, M. Theo van Boven, a présenté, en 2003, à la Commission
des droits de l’homme des Nations Unies, une «Étude de la situation
concernant le commerce et la production de matériel spécialement
conçu pour infliger des tortures ou d’autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que son origine, sa destination
et les formes qu’il revêt»
. Cette étude indique que «le
droit international relatif aux droits de l’homme s’est jusqu’ici
intéressé essentiellement à la question des circonstances dans lesquelles
ce type de matériel peut être utilisé. (…) [L]e Rapporteur spécial
prend note avec satisfaction d’un certain nombre d’initiatives adoptées
aux niveaux national et régional pour empêcher le commerce et la
production de matériel spécialement conçu pour infliger des tortures
ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
(…) [L]e Rapporteur spécial rappelle à l’intention des États parties
à la Convention [des Nations Unies] contre la torture et autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants que son article 2
dispose que “tout État partie prend des mesures législatives, administratives,
judiciaires et autres mesures efficaces pour empêcher que des actes
de torture soient commis dans tout territoire sous sa juridiction”.
À son sens, l’adoption de mesures juridiques et autres destinées
à mettre fin à la production et au commerce de matériel spécialement
conçu pour infliger des tortures ou d’autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants relève de cette obligation générale d’empêcher
les actes de torture».
8. Je partage le point de vue du Rapporteur spécial et considère
que, sur la base de leurs obligations juridiques en vigueur, les
États membres du Conseil de l’Europe sont tenus de prendre des mesures
effectives pour prévenir sur leur territoire les activités qui pourraient
faciliter ou contribuer à la peine capitale, la torture et les peines
ou traitements inhumains ou dégradants dans d’autres pays, notamment
en réglementant de manière effective le commerce des biens susceptibles
d’être utilisés à ces fins. Il s’agit donc de déterminer comment
réaliser cet objectif le mieux possible.
9. Le rapport suivant du Rapporteur spécial à la Session 2005
de la Commission des droits de l’homme se concluait par les recommandations
suivantes aux États
:
- définir et interdire la fabrication, le transfert et l’utilisation
de certains types de matériel «spécialement conçu» pour torturer
ou «n’ayant aucune ou quasiment aucune utilisation pratique autre
qu’à des fins de torture», dont l’utilisation est par nature cruelle,
inhumaine et dégradante;
- instaurer des contrôles stricts à l’exportation des autres
équipements de sécurité et de maintien de l’ordre pour contribuer
à faire en sorte qu’ils ne soient pas utilisés pour infliger des
tortures ou des mauvais traitements;
- suspendre la fabrication, le transfert et l’utilisation
d’équipements dont les effets sanitaires ne sont pas pleinement
connus ou dont l’utilisation dans la pratique a montré un risque
important d’abus ou de blessures injustifiées, dans l’attente des
conclusions d’une enquête rigoureuse et indépendante sur leur utilisation;
- surveiller la recherche et le développement dans le domaine
des techniques de sécurité et de maintien de l’ordre;
- recueillir et diffuser des données sur la fabrication
et le commerce du matériel de sécurité et de maintien de l’ordre;
- envisager d’élaborer un mécanisme de réglementation international;
- faire en sorte que le transfert de savoir-faire à des
agents des forces militaires, de sécurité et de police d’un autre
pays et/ou la formation de ceux-ci ne supposent pas le transfert
de compétences, de connaissances ou de techniques susceptibles d’être
utilisées à des fins de torture dans le pays destinataire;
- adopter une législation pour contrôler et surveiller les
activités de prestataires privés de services dans les domaines militaire,
policier et sécuritaire afin qu’ils ne facilitent ni ne pratiquent
la torture.
10. Depuis, des progrès considérables ont été faits au niveau
de l’Union européenne pour réglementer efficacement le commerce
de biens utilisés pour la torture et la peine de mort. En 2005,
le Conseil européen a adopté le Règlement no 1236/2005
concernant le commerce de certains biens susceptibles d’être utilisés
en vue d’infliger la peine capitale, la torture ou d’autres peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. La Commission européenne
a actualisé et complété à deux reprises, en 2011 et 2014, les annexes
à ce règlement qui énumèrent les biens interdits et contrôlés (voir
plus loin). En 2016, le Conseil européen et le Parlement européen
ont modifié le règlement de 2005 de manière plus approfondie.
11. Le règlement de l’Union européenne établit une distinction
entre deux catégories de biens dont le commerce devrait être réglementé.
L’annexe II énumère les équipements et produits qui n’ont aucune
autre utilité pratique que celle d’infliger la peine capitale, la
torture ou d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants
et interdit le commerce de cette catégorie de biens, ainsi que toute
assistance technique les concernant. Cette annexe comprend actuellement
des listes détaillées de biens classés dans les rubriques suivantes:
- biens conçus pour l'exécution
d'êtres humains, et certains de leurs composants;
- biens qui ne sont pas appropriés à un usage par les services
répressifs pour immobiliser des êtres humains;
- dispositifs portatifs qui ne sont pas appropriés à un
usage par les services répressifs à des fins de lutte contre les
émeutes ou d'autoprotection;
- certains types de fouets.
12. L’annexe III énumère les biens conçus à d’autres fins (en
particulier répressives) mais susceptibles d’être utilisés en vue
d’infliger des tortures et d’autres mauvais traitements. Le commerce
des biens entrant dans cette catégorie est soumis à contrôle et
nécessite, au cas par cas, l’autorisation des autorités nationales. Cette
annexe comprend actuellement des listes détaillées de biens regroupés
sous les rubriques suivantes:
- biens
conçus pour immobiliser des êtres humains;
- armes et dispositifs conçus à des fins de lutte contre
les émeutes ou d'autoprotection;
- armes et équipements de projection d'agents chimiques
incapacitants ou irritants utilisés à des fins de lutte contre les
émeutes ou d'autoprotection et certains agents associés;
- produits susceptibles d'être utilisés pour l'exécution
d'êtres humains par injection létale;
- composants destinés aux biens conçus pour l'exécution
d'êtres humains.
Enfin, l’annexe III.a énumère
les produits susceptibles d’être utilisés pour l’exécution d’êtres
humains au moyen d’une injection létale.
13. Le Règlement impose aux États
membres de fixer des sanctions «efficaces, proportionnées et dissuasives»
en cas d’infraction au Règlement. Il impose aussi des obligations
d’information aux autorités compétentes, qui doivent notifier aux
autorités de tous les autres États membres leur refus de délivrer
une autorisation, ainsi qu’aux États membres, qui sont tenus de
publier un rapport annuel d’activité indiquant le nombre de demandes
reçues, les biens et les pays concernés et les décisions prises
au sujet de ces demandes.
14. La version révisée en 2016 du Règlement 1236/2005 a mis en
place plusieurs nouvelles dispositions importantes. Le transit des
biens énumérés à l’annexe II dans les États membres de l’Union européenne
est interdit; le transit des biens énumérés à l’annexe III est interdit
lorsque la partie qui exécute ce transit sait qu’une partie du fret
de ces biens est destinée à être utilisée à des fins de torture
ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
ou pour l’application de la peine capitale dans un pays tiers. Le courtage
des biens énumérés à l’annexe II est interdit, indépendamment de
l’origine des biens, et le courtage des biens visés à l’annexe III
est soumis à autorisation. La fourniture d’une assistance technique
pour les biens énumérés à l’annexe II à un client situé dans un
pays tiers est interdite, tout comme le fait d’accepter une assistance
technique dispensée pour ces biens par un fournisseur situé dans
un pays tiers. Il est interdit aux fournisseurs d’une assistance
technique et aux courtiers de dispenser ou de proposer une formation
à l’utilisation des biens énumérés à l’annexe II à des parties situées
dans des pays tiers. Il est interdit de présenter ou de proposer
à la vente des biens énumérés à l’annexe II dans un salon ou une
foire qui se tient dans l’Union européenne et les personnes physiques
ou morales établies au sein de l’Union européenne ont l’interdiction
de vendre ou d’acheter de la publicité imprimée ou diffusée sur
internet, à la télévision ou à la radio en faveur des biens énumérés
à l’annexe II. Le règlement établit également une procédure d’autorisation
de licence pour les biens visés à l’annexe III.a (plus précisément certains anesthésiants)
pour garantir qu’ils ne soient pas transférés pour être utilisés
en injection létale, sans écourter ni retarder leur transfert à
des fins médicales légitimes.
15. Le Règlement révisé établit également d’importants nouveaux
mécanismes d’information et de mise en œuvre. L’échange d’informations
entre les États membres de l’Union européenne est particulièrement important
pour la prise de décision au sujet des demandes d’autorisation d’exportation
des biens énumérés à l’annexe III, puisque les États ont depuis
l’introduction du règlement en 2005 eu l’obligation de tenir compte «notamment
de la question de savoir si une demande concernant une exportation
identique en substance a été rejetée par un autre État membre au
cours des trois années précédentes». Outre l’obligation déjà faite
aux États membres d’établir «un rapport d’activités annuel public»
sur les activités visées par le règlement, la Commission européenne
est désormais tenue d’établir son propre rapport annuel, sur la
base des rapports nationaux, et de le rendre public. La Commission
a également l’obligation d’examiner la mise en œuvre du règlement
au plus tard le 31 juillet 2020, puis tous les cinq ans, et de soumettre
«au Parlement européen et au Conseil un rapport complet sur son
application et ses effets, qui peut comporter des propositions en
vue de sa modification». Enfin, un nouveau «Groupe de coordination
contre la torture» est institué pour «examine[r] toute question
concernant l'application du présent règlement»; la Commission soumet
un rapport annuel écrit au Parlement européen sur les activités
du groupe.
16. Les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits
de l’homme, édictés en 2011 par les Nations Unies, comprennent des
dispositions pertinentes pour la réglementation du commerce des
biens utilisés pour la torture et la peine de mort. Le principe
no 2, en particulier, invite les États
à énoncer clairement qu’ils attendent de toutes les entreprises
domiciliées sur leur territoire et/ou sous leur juridiction qu’elles respectent
les droits de l’homme dans toutes leurs activités, tandis que le
principe no 3 appelle les États à appliquer
des lois imposant aux entreprises de respecter les droits de l’homme.
Partant du constat que le risque de violations des droits de l’homme
est plus élevé dans les zones touchées par des conflits, le principe no 7
invite les États à faire en sorte de garantir que les entreprises
opérant dans ces contextes ne prennent pas part à ces violations.
Le principe no 17, qui s’adresse directement
aux entreprises, leur recommande de faire preuve de «diligence raisonnable
en matière de droits de l’homme», ce qui recouvre l’évaluation des incidences
négatives sur les droits de l’homme qui peuvent découler directement
de leurs activités, produits ou services par leurs relations commerciales.
Le commentaire relatif à cette disposition indique qu’«il peut y avoir
complicité lorsque l’entreprise commerciale contribue (…) à des
incidences négatives sur les droits de l’homme causées par des tiers.
(…) la plupart des juridictions nationales interdisent que l’on
soit complice de la commission d’un délit et plusieurs confèrent
une responsabilité pénale à l’entreprise en pareil cas. (…) L’opinion
majoritaire qui se dégage de la jurisprudence pénale internationale
est que, pour qu’il y ait complicité, il faut apporter en connaissance
de cause une assistance pratique ou un encouragement qui a un effet
notoire sur la commission d’un délit».
17. La Recommandation de 2016 du Comité des Ministres du Conseil
de l’Europe aux États membres sur les droits de l’homme et les entreprises,
dont le but est de contribuer à l’application effective des Principes directeurs
des Nations Unies au niveau européen, contient des recommandations
détaillées en annexe
. Le paragraphe 24 indique que «les
États membres devraient veiller à ce que les entreprises domiciliées
dans leur juridiction ne fassent pas commerce de biens qui n’ont
pas d’autre utilisation pratique que de servir pour la peine capitale,
la torture ou autres traitements ou peines cruels, inhumains ou
dégradants». D’autres dispositions sont également intéressantes,
comme le paragraphe 27, aux termes duquel «les États membres devraient
être en mesure d’informer les entreprises (…) des effets potentiels
sur les droits de l’homme de la réalisation d’opérations dans [des]
secteurs ou zones à haut risque d’impact négatif sur les droits
de l’homme et (…) faciliter l’adhésion des entreprises à des normes
sectorielles spécifiques telles que (…) le Code de conduite international
des entreprises de sécurité privées». D’autres dispositions traitent
du rôle que doivent jouer les autorités pour veiller à ce que les
entreprises fassent preuve d’une diligence raisonnable en matière des
droits de l’homme, en particulier celles dont les exportations sont
soumises à une licence accordée par l’Etat (paragraphes 20, 22 et
28).
3. Le
commerce de matériel de sécurité dans les États membres du Conseil
de l’Europe
18. Comme indiqué plus haut, l’un
des objectifs de la proposition initiale est «[d’]enquêter et [de]
faire rapport sur le commerce du matériel de sécurité dans les États
membres du Conseil de l’Europe».
19. Le rapport 2005 du Rapporteur spécial des Nations Unies sur
la torture fournit des chiffres du commerce mondial, par région.
Il en ressort que, sur la période 2000-2004, les États d’Europe
orientale et «les États d’Europe occidentale et autres États»
étaient
les pays d’origine de 18 des 20 fabricants de fers à entraver que comptait
le monde, de 255 des 413 fabricants, courtiers et distributeurs
d’armes à décharge électrique et de 15 des 56 fabricants de ces
armes, ainsi que de 36 des 54 fabricants de produits chimiques irritants
et de dispositifs pour produits chimiques irritants.
20. Les rapports établis par l’Omega Research Foundation et Amnesty
International présentent des informations plus récentes, notamment
des précisions données par M. Michael Crowley, chercheur associé
à l’Omega Research Foundation, lors de son audition par la commission
le 18 mai 2017. Je suis déçu et préoccupé de constater que ces rapports
révèlent l’existence d’activités commerciales liées non seulement
à des biens visés à l’annexe III du règlement de l’Union européenne,
mais également à des biens interdits par l’annexe II de ce même
règlement.
21. Les poucettes sont énumérées à l’annexe II du règlement de
l’Union européenne depuis la modification des annexes en 2014. Leur
promotion a néanmoins été faite à l’occasion de salons professionnels
qui se sont tenus en France (Milipol, novembre 2015), notamment
pour des produits commercialisés par les entreprises françaises
Le Protecteur-Scorpion-ATAM et Welkit, et en Allemagne (IWA Outdoor
Classics Event, Nuremberg, mars 2015)
.
22. Les bâtons et boucliers munis de pointes sont tous deux énumérés
à l’annexe II du règlement de l’Union européenne depuis 2014. Une
fois de plus, ces articles ont été exposés à Milipol 2015 en France.
Une entreprise chinoise a même exposé sur son stand un exemplaire
de bouclier muni de pointes, alors que l’importation de ces articles
dans l’Union européenne est interdite
. Les observateurs d’Amnesty
International à Milipol 2017 ont constaté qu’une fois de plus une
société chinoise faisait la promotion de bâtons munis de pointe,
d’un protège-bras munis de pointe et de produits similaires
;
Amnesty ayant porté ce fait à la connaissance des organisateurs
de Milipol, le stand en question a été fermé
.
23. Les entraves lestées figurent également à l’annexe du règlement
de l’Union européenne depuis 2014. Là encore, des entreprises chinoises
ont présenté ces types de produit à Milipol 2015 et 2017. La société allemande
Clemen & Jung produit une paire de menottes d’un poids de 1
380g
.
Les menottes conçues pour être ancrées au mur, au sol ou au plafond
sont également énumérées à l’annexe II depuis 2014. Le site internet de
l’entreprise tchèque ALFA – PROJ spol. s.r.o. présente un article
qui peut être utilisé de la sorte, bien que la description de cet
instrument destiné «au confinement des personnes placées en détention»
ait été supprimée à la suite des enquêtes menées par l’Omega Research
Foundation et Amnesty International
. Clemen
& Jung produit également «des menottes lestées, munies d’un
ancrage», qui pèsent plus de 1 kg et sont apparemment conçues pour
être rivées à un objet fixe; la promotion de cet objet a été faite
au salon IWA Outdoor Classics Event 2015
.
Les deux modèles précités de menottes Clemen & Jung figurent
désormais sur le site internet de la société sous la qualification
de «menottes pour fantasmes», bien qu’elles semblent suffisamment
robustes pour être utilisées, y compris de façon abusive, par les
forces de police ou de sécurité. Une société russe a réalisé et
fait la promotion d’une menotte unique qui permet «d’enchaîner en
toute sécurité au mur» un détenu, ainsi que de menottes qui permettent
d’attacher jusqu’à cinq détenus à «un support fixe»
.
24. Les dispositifs à décharge électrique destinés à être portés
sur le corps (y compris les ceinturons, gilets et menottes) activés
par télécommande figurent à l’annexe II du règlement de l’Union
européenne depuis 2014. Le CPT «a fait clairement connaître son
opposition à l’utilisation de ce type d’équipements pour contrôler
les mouvements des personnes détenues, que ce soit à l’intérieur
ou à l’extérieur des lieux de privation de liberté. De l’avis du
Comité, de tels équipements sont, de par leur nature, dégradants
pour la personne à laquelle ils sont appliqués, et le risque d’une
utilisation abusive est particulièrement élevé. D’autres moyens
de garantir la sécurité lors des déplacements des personnes détenues
peuvent et doivent être trouvés»
.
Néanmoins, la société allemande PKI Electronic Intelligence GmBH
fait, sur son site internet, de la publicité pour des menottes incapacitantes
capables de délivrer une décharge électrique de 60 000 V à l’aide
d’une télécommande, à une distance qui peut aller jusqu’à 300 m
(avec le slogan «jamais vous ne verrez une personne qui s’évade
s’arrêter si vite!»). Dans sa correspondance avec l’Omega Research
Foundation et Amnesty International, PKI avait auparavant nié à
deux reprises qu’elle fabriquait ou vendait ce dispositif
. Les «manilles
électroniques» produites par une entreprise chinoise étaient présentées
à Milipol 2015 en France
.
25. Les lits-cages ou lits à filets sont interdits par le règlement
de l’Union européenne depuis 2014. Deux entreprises tchèques, Audy
s.r.o. et Laboratorni a zdravotnkická technika OPTING servis, continuaient
à commercialiser ces articles jusqu’au début de l’année 2015
.
Cet état de fait est particulièrement préoccupant car dans son rapport
de 2015 sur la République tchèque, le CPT rappelait qu’il avait
«fait part à plusieurs reprises de ses sérieuses réserves au sujet
de l’utilisation des lits à filets» dans ce pays.
26. Les matraques et boucliers à décharge électrique et les armes
d'étourdissement sont réglementés au titre de l’annexe III du règlement
de l’Union européenne depuis 2014. Le CPT a fait part de ses «sérieuses réserves»
au sujet de l’utilisation de ces armes de contact direct, qui engendrent
«une douleur localisée très intense, et des brûlures possibles de
la peau»
.
Elles sont ou ont été produites ou commercialisées par des entreprises
établies dans un certain nombre d’États membres du Conseil de l’Europe,
dont la Bosnie-Herzégovine
et la Pologne (Eltraf
Bis HPE Polska)
– cette dernière présente ses produits
lors d’une foire commerciale aux Émirats arabes unis –, la France
(Magforce International, GK Professional et Dépot SD Équipements)
, la
Russie (March Group, qui commercialise ses produits sur le territoire
national et à l’étranger, y compris en Iran, en Arabie Saoudite
et en Ouzbékistan)
, la République tchèque (Euro
Security Products), le Portugal (Inventarium Security, Research
and Development) et la Slovénie (GER d.o.o.)
.
27. Certains agents chimiques irritants figurent également à l’annexe
III depuis 2014. La Cour européenne des droits de l’homme a précisé
que «le recours injustifié au gaz lacrymogène par les agents des
forces de l’ordre n’est pas compatible avec l’interdiction des mauvais
traitements»
. Le CPT a indiqué au
sujet du gaz poivre, par exemple, que «cette substance potentiellement
dangereuse ne devrait pas être utilisée dans des espaces confinés.
En outre, si elle doit être utilisée à titre exceptionnel dans des
espaces ouverts, il importe que les garanties en place soient clairement
définies (…). Le gaz poivre ne devrait en aucun cas être utilisé contre
un détenu qui a déjà été maîtrisé. Par ailleurs, il importe qu’il
ne fasse pas partie de l’équipement standard d’un agent pénitentiaire»
. Des entreprises dans de nombreux
États membres du Conseil de l’Europe produisent ce type d’article:
par exemple, en France, SAE Alsetex produit toute une gamme d’articles, y
compris des grenades à agents chimiques irritants et des pulvérisateurs
portés sur le dos, dont l’usage est attesté dans des pays comme
la Côte d’Ivoire, la République démocratique du Congo et Bahreïn
;
une société turque produit des véhicules aériens télécommandés d’un
rayon de 5 km et d’une autonomie de 30 minutes, capables de lancer
jusqu’à neuf projectiles de gaz lacrymogène sur des groupes de personnes
situés en contrebas
.
28. Les dispositifs acoustiques ne sont pas réglementés, mais
sont préoccupants du point de vue des droits de l’homme en raison
de leurs effets et de leur éventuelle utilisation abusive, car ils
sont capables de générer des niveaux sonores supérieurs aux seuils
de douleur et de provoquer des lésions auditives. Les entreprises européennes
produisent et/ou font la promotion de ces articles, y compris Hugin
Group International & PKI Electronic Intelligence GmBH en Allemagne,
qui ont été présentés à l’occasion de foires commerciales européennes
(par exemple les articles produits par la société israélienne Tar
Ideal, au salon Eurosatory 2014 en France)
. Autre
technologie susceptible d’être source de préoccupation, les «armes
à ondes millimétriques», conçues pour émettre des radiations électromagnétiques
à des longueurs d’onde particulières pour provoquer une gêne ou
une douleur sur leur cible en chauffant la peau, mais qui peuvent
entraîner de graves brûlures en cas de surexposition. Elles ont
été commercialisées par le passé par la société finlandaise AT-Marine
Oy
.
29. Les cagoules, y compris les cagoules anticrachats et celles
qui peuvent être reliées à des menottes, figurent à l’annexe III
du règlement de l’Union européenne depuis 2014. La Cour européenne
des droits de l’homme a conclu que le fait de bander les yeux d’un
détenu peut constituer un traitement cruel ou inhumain lorsqu’il
est associé à certaines autres techniques d’interrogatoire
, voire à de la torture
lorsqu’il est utilisé avec certaines autres techniques
; le CPT
indique que le fait de bander les yeux «s’apparente fréquemment à
des mauvais traitements psychologiques» et devrait être aboli
;
il a appelé à interdire le fait de bander les yeux ou de mettre
une cagoule aux personnes placées en garde à vue, y compris lors
des interrogatoires
. Bien
que cette situation préoccupe depuis longtemps la Cour et le CPT,
une entreprise chinoise présentait encore en 2011 une cagoule opaque
reliée à des menottes lors du salon Milipol 2011 en France
.
30. Le règlement de l’Union européenne traite également de la
fourniture d’une assistance technique, y compris d’une formation,
bien que celle-ci soit réglementée et interdite uniquement pour
les biens visés à l’annexe II. Selon moi, les sociétés européennes
devraient également être soumises à réglementation pour le type
de formation qu’elles proposent aux forces de sécurité et de police
dans les pays tiers. Ainsi, l’entreprise tchèque Euro Security Products,
qui commercialise entre autres des dispositifs à décharge électrique,
du gaz poivre, des moyens de contention et des matraques, forme
les forces de police et de sécurité à leur utilisation. Le site
internet de l’entreprise comporte des photographies de formations
précédentes dispensées dans des pays peu respectueux des droits
de l’homme, comme la Chine, la République démocratique du Congo,
l’Inde, l’Ouganda et le Togo, à l’utilisation de techniques telles
que le maintien d’une personne pieds et poings liés par une entrave
(c’est-à-dire une contention dans une position d’hyper-étirement)
et l’emploi de matraques pour immobiliser une personne en la maintenant
à hauteur du cou
.
31. Comme nous l’avons indiqué plus haut, le règlement de l’Union
européenne impose aux États membres d’établir «un rapport d’activités
annuel public dans lequel ils fournissent des informations concernant
le nombre de demandes reçues, les biens et pays concernés par ces
demandes, ainsi que les décisions qu’ils ont prises à l’égard de
celles-ci». D’après l’étude réalisée par l’université de Liège,
«aucun rapport de ce type n’a été publié jusqu’ici (…) bien que
plusieurs États membres publient leurs statistiques sur les transactions
[visées par le règlement]»
.
Le rapport de l’université de Liège mentionne la publication de
statistiques par le Royaume-Uni. D’après mes propres recherches
et des informations reçues de la part de l’Omega Research Foundation,
l’Allemagne, la Bulgarie, l’Espagne, la Hongrie, l’Irlande, la Lituanie,
la Roumanie, la Slovénie, la Suède et la République tchèque ont
également publié, dans une mesure variable, une sorte de rapport,
ou tout au moins des statistiques, bien qu’ils l’aient rarement
fait pleinement et systématiquement. Compte tenu du nombre d’États
membres de l’Union européenne qui prennent part à la production
ou à la promotion des biens énumérés à l’annexe III, cette situation
est préoccupante et compromet la transparence que le règlement est censé
assurer. Le premier rapport annuel de compilation que la Commission
européenne est tenue d’établir depuis la révision du texte en 2016
devrait être publié l’an prochain.
4. Élaborer
des règles adaptées pour prévenir le commerce ou le courtage de
matériel susceptible de faciliter la torture et l’application de
la peine de mort
32. Le problème le plus manifeste
qui se pose au niveau de la réglementation est que les règlements
de l’Union européenne ne s’appliquent qu’à ses seuls États membres.
Comme on peut le constater au vu de ce qui précède, les États membres
du Conseil de l’Europe ne sont pas les seuls à être, d’une manière
ou d’une autre, impliqués dans ce commerce. Les normes réglementaires
les plus pertinentes applicables à l’ensemble des États membres
du Conseil de l’Europe n’ont pas de caractère contraignant et sont
inadaptées quant au fond: il s’agit des Principes directeurs des
Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme,
qui ne traitent pas spécifiquement de ce problème, et de la seule
disposition spécifique de la Recommandation du Comité des Ministres
sur les droits de l’homme et les entreprises, qui couvre seulement
les biens susceptibles d’être utilisés à des fins prohibées, mais
pas ceux dont l’usage pourrait être détourné à de telles fins.
33. La réglementation effective du commerce, par les États membres
du Conseil de l’Europe qui ne font pas partie de l’Union européenne,
de biens utilisés pour la torture et la peine de mort dépend donc
de dispositions nationales qui ne sont pas vraiment encadrées par
des normes internationales détaillées.
34. En outre, le Règlement de l’Union européenne, bien qu’il soit
le plus avancé en la matière, pourra toujours être amélioré, que
ce soit par une mise à jour au vu de nouvelles évolutions, comme
de nouvelles formes de biens ou de commerce, ou par le comblement
d’éventuelles lacunes, comme la fourniture d’une assistance technique
et d’une formation pour les biens énumérés à l’annexe III dans certaines
circonstances.
5. L’Alliance
mondiale pour mettre fin au commerce de biens utilisés pour infliger
la peine capitale et la torture
35. Le 18 septembre 2017, l’Union
européenne, l’Argentine et la Mongolie ont lancé l’Alliance mondiale
pour mettre fin au commerce de biens utilisés pour infliger la peine
capitale et la torture à l’occasion d’un événement spécial organisé
lors de l’Assemblée générale des Nations Unies à New York. Les 58
participants de l’Alliance, dont 41 États membres du Conseil de
l’Europe, ont adopté une déclaration politique pour ce lancement. Considérant
que «la mise à disposition des biens utilisés pour la peine capitale,
la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants permet ces pratiques», les signataires de cette déclaration
ont résolu «d’agir de concert pour continuer à prévenir, restreindre
et mettre fin au commerce» de ces biens, de «prendre des mesures
effectives, notamment par une législation et une répression efficace
si besoin est, en vue de restreindre ce commerce», de «renforcer
la coopération dans ce domaine et de constituer un réseau mondial
de correspondants pour l’échange d’informations et de bonnes pratiques»
et «de mettre une assistance technique à disposition pour la conception
et la mise en œuvre de la législation pertinente».
36. Je ne peux que me féliciter de cette initiative, à laquelle
ont souscrit l’immense majorité des États membres du Conseil de
l’Europe et se sont associés 16 autres États, dont le Canada et
le Mexique, États observateurs du Conseil d’Europe. J’encourage
vivement tous les autres États membres et observateurs du Conseil
de l’Europe, ainsi que les États dont les parlements jouissent du
statut de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire,
de signer la déclaration de l’Alliance mondiale et d’en appliquer
pleinement les dispositions en compagnie des signataires actuels.
6. Conclusions
et recommandations
37. D’importants progrès ont été
réalisés en Europe sur les sujets de préoccupation soulevés par
la Commission des droits de l’homme des Nations Unies et le Rapporteur
spécial sur la torture au cours des premières années de ce millénaire.
Cependant, il est clair qu’il reste beaucoup à faire, notamment
pour préciser la situation globale au niveau du Conseil de l’Europe.
L’Alliance mondiale, dont la déclaration a été adoptée par la plupart
des États membres du Conseil de l’Europe, est certes une initiative
politique importante, mais elle exigera la prise de mesures techniques
détaillées au niveau national pour avoir un véritable effet concret:
les dispositions relatives à la législation, aux mécanismes de contrôle,
à la coopération internationale et à l’entraide technique sont essentielles
pour ce faire.
38. Pour les États membres de l’Union européenne déjà liés par
cet «étalon or» du Règlement 1236/2005, il est préoccupant de constater
que les activités de production, de commercialisation et de promotion
des biens réglementés par l’annexe III, voire interdits par l’annexe
II, se sont poursuivies, même lorsque la portée du règlement a été
étendue en 2014 et ses dispositions ont été révisées en 2016. Le
manque d’information est évident, aussi bien à l’échelon national,
comme le montre les réponses de la République tchèque et de la Pologne
au questionnaire, qui témoigne d’une apparente ignorance des activités
de certaines sociétés situées dans ces pays, qu’au niveau européen,
compte tenu de l’apparent manquement de la plupart des États membres
de l’Union européenne à publier les rapports exigés par l’article
13 du Règlement. «L’étalon or» du régime réglementaire de l’Union
européenne ne donnera pas la pleine mesure de son potentiel tant
que les autorités nationales ne seront pas totalement informées
des activités des entreprises qui relèvent de leur compétence et
que la Commission européenne ne sera pas pleinement informée des
activités réglementaires des autorités nationales.
39. La situation des États membres du Conseil de l’Europe qui
ne sont pas membres de l’Union européenne risque bien entendu d’être
largement plus préoccupante. Parmi les réponses au questionnaire
que j’ai obtenues d’États membres qui ne font pas partie de l’Union
européenne, l’Azerbaïdjan et la Norvège ont tous deux indiqué que
leur législation nationale ne réglementait pas directement le commerce
des biens utilisés pour la peine de mort ou la torture (ni l’Andorre
ni la Suisse n’ont répondu à cette question). Cela signifie malheureusement
que je ne suis pas en mesure de commenter l’existence ou la qualité
de la réglementation d’autres pays. Je ne vois cependant pas pourquoi
tous ces autres États ne devraient pas suivre la voie tracée par
le règlement de l’Union européenne, que ce soit en adoptant une
nouvelle législation ou en modifiant celle qui est déjà en vigueur,
le cas échéant. Comme l’échange d’informations et la coopération
technique, qui sont autant d’éléments essentiels d’un mécanisme
réglementaire international, dépendent de la compatibilité des diverses
normes et procédures, il importe d’harmoniser tous les systèmes
réglementaires des États membres du Conseil de l’Europe. Cette démarche
pourrait être facilitée par les États qui adhèrent à l’Alliance
mondiale et font pleinement usage des mécanismes de coopération
et d’assistance prévus dans sa déclaration.
40. Je considère que le Conseil de l’Europe, qui a été le pionnier
mondial de l’abolition de la peine de mort et du respect de l’interdiction
de la torture, devrait agir dans son ensemble pour jouer dans ce
domaine un rôle majeur, tant sur le plan politique que sur le plan
technique. Cette action pourrait être menée en soutenant l’Alliance
mondiale, en coopérant avec l’Union européenne à sa mise en œuvre
dans les États membres du Conseil de l’Europe et en dispensant une
assistance technique aux États membres qui le souhaitent. Idéalement,
cette assistance technique devrait se fonder sur une recommandation
du Comité des Ministres aux États membres, qui définisse des éléments
d’orientation sur la manière d’établir et de mettre en œuvre un régime
réglementaire efficace ayant pour effet d’étendre la portée de l’approche
adoptée par le Règlement 1236/2005, grâce à une harmonisation des
systèmes nationaux des États membres qui ne font pas partie de l’Union
européenne.
41. Les propositions détaillées que je présente à cette fin figurent
dans le projet de recommandation.