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Rapport | Doc. 14463 | 05 janvier 2018

Les conséquences humanitaires de la guerre en Ukraine

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteur : M. Egidijus VAREIKIS, Lituanie, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 14006, Renvoi 4204 du 22 avril 2016. 2018 - Première partie de session

Résumé

Le présent rapport porte sur la situation humanitaire alarmante en Ukraine, où plus de 4 millions de personnes ont besoin d’une assistance humanitaire en raison de la guerre dans l’est de l’Ukraine et de l’annexion de la Crimée par la Fédération de Russie.

Il comprend une analyse de la mise en œuvre des recommandations formulées dans les trois rapports précédents adoptés par l’Assemblée parlementaire, qui couvrent différentes facettes de la situation humanitaire en Ukraine, notamment le sort des personnes déplacées à l’intérieur du pays et de celles qui ont été faites prisonnières.

Les recommandations sont adressées à toutes les parties belligérantes pour assurer la protection des civils et garantir leur plein accès aux services essentiels; pour faire libérer et échanger l’ensemble des prisonniers et des personnes capturées au cours du conflit; pour donner aux familles des personnes disparues les informations et l’assistance nécessaires; et pour prendre des mesures urgentes afin d’éliminer les munitions non explosées de la guerre.

Le rapport s’arrête tout particulièrement sur les besoins des personnes déplacées par la guerre et l’annexion de la Crimée. L’adoption d’une stratégie globale pour les personnes déplacées, visant à garantir leurs droits politiques et sociaux et leur intégration, devrait être une des priorités du Gouvernement ukrainien.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 8 décembre
2017.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire est alarmée par la situation humanitaire qui résulte de la guerre dans l’est de l’Ukraine et de l’annexion de la Crimée par la Fédération de Russie. Plus de 4 millions de personnes ont besoin d'aide humanitaire. Le conflit armé a coûté la vie à plus de 10 000 personnes. Le nombre des personnes blessées pendant la guerre a dépassé le chiffre de 24 000. En outre, plus de 1,6 million de personnes sont déplacées à l'intérieur du pays et près d'un demi-million demandent l'asile dans d'autres pays, la plupart d'entre elles en Fédération de Russie. L’Assemblée demande à tous les États membres de renforcer leur coopération dans le domaine politique pour mettre un terme à ce conflit et aux souffrances de la population civile.
2. L'Assemblée est particulièrement préoccupée par la situation humanitaire alarmante qui règne dans les territoires occupés dans les régions de Donetsk et de Lougansk et qui a été aggravée par les restrictions imposées par les groupes armés illégaux à la liberté de mouvement et à l'accès à l’aide humanitaire. La population concernée souffre de problèmes liés à l’insécurité, à l’approvisionnement en eau et en énergie ainsi qu’à l’accès aux prestations sociales et aux soins médicaux.
3. L'Assemblée prend note de la première lecture par le Parlement ukrainien d’un projet de loi sur les particularités de la politique de l'État visant à assurer la souveraineté de l'Ukraine sur les territoires temporairement occupés dans les régions de Donetsk et de Lougansk. Ce texte définit la politique de l'État visant à rétablir la souveraineté de l'Ukraine sur les territoires temporairement occupés, facilite la protection des droits et libertés des citoyens de l'Ukraine qui vivent dans ces territoires dans les régions de Donetsk et de Lougansk, y compris la satisfaction de leurs besoins sociaux, économiques et culturels, et protège les droits des citoyens ukrainiens sur leurs biens dans les territoires temporairement occupés.
4. L'Assemblée regrette qu'aucun progrès significatif n'ait été accompli depuis l'adoption de sa Résolution 2067 (2015) sur l'échange et la libération des personnes capturées pendant la guerre en Ukraine. Le processus d’échange de personnes capturées est très politisé et bloqué par les représentants des groupes armés illégaux des régions de Donetsk et de Lougansk au sein du groupe de travail sur les questions humanitaires du groupe de contact trilatéral sur l’Ukraine de Minsk. Aucun mécanisme n'assure le soutien aux personnes qui ont été libérées de la captivité, ni aux familles des personnes capturées. L’Assemblée se félicite des efforts des autorités ukrainiennes pour résoudre la question des personnes capturées par la libération unilatérale de quelques unes de ces personnes.
5. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) estime qu'environ 1 500 personnes ont disparu depuis le début de la guerre et que plus de 650 cas n'ont pas été résolus. L'Assemblée se félicite du projet de loi sur le statut des personnes portées disparues soumis au Parlement ukrainien et espère qu'il sera rapidement adopté. Il exprime également sa gratitude au CICR pour son assistance aux familles des personnes portées disparues, ainsi que pour le travail important accompli en matière de recherche, d'exhumation, d'identification des restes et de collecte d'informations médico-légales.
6. L'Assemblée condamne fermement la politique russe visant à modifier la composition démographique de la population de la Crimée illégalement annexée en contraignant la population pro-ukrainienne et, en particulier, les Tatars de Crimée à quitter leur patrie, tout en augmentant la migration de la population russe vers la péninsule, et appelle la Fédération de Russie à mettre fin à cette répression.
7. L'Assemblée considère que la situation des personnes déplacées à la suite de la guerre et de l'annexion de la Crimée par la Fédération de Russie reste un défi crucial pour le Gouvernement ukrainien. Elle estime également que l'adoption d'une stratégie globale visant à garantir les droits politiques et sociaux des personnes déplacées à l’intérieur du pays (PDI) ainsi que leur intégration devrait être une tâche prioritaire du gouvernement.
8. L'Assemblée appelle donc toutes les parties belligérantes:
8.1. à respecter le caractère civil des infrastructures et à garantir la protection des civils et leur plein accès aux services essentiels;
8.2. à libérer et échanger tous les prisonniers de guerre et les personnes capturées pendant la guerre, et échanger toutes les dépouilles mortelles;
8.3. à fournir aux familles des personnes portées disparues l'aide nécessaire pour trouver et, le cas échéant, identifier les restes de leurs proches, en étroite coopération avec le CICR;
8.4. à créer un groupe de travail conjoint pour traiter de la question des personnes portées disparues et veiller à son bon fonctionnement, qui inclurait des représentants de l’Ukraine, de la Fédération de Russie, du CICR et des forces armées illégales des régions de Donetsk et Lougansk;
8.5. à prendre d'urgence des mesures pour signaler toutes les zones contaminées par des restes explosifs de guerre et organiser des opérations spéciales en vue de leur enlèvement;
8.6. à ouvrir de nouveaux points de passage, en particulier un point de passage à Zolote dans la région de Lougansk.
9. L'Assemblée invite instamment les autorités russes:
9.1. à cesser tout soutien financier et militaire aux groupes armés illégaux dans les régions de Donetsk et de Lougansk;
9.2. à cesser de reconnaître les passeports et tout autre document, y inclus les décisions de tribunaux et les documents confirmant les droits de propriété, délivrés dans les territoires contrôlés par les groupes armés illégaux des régions de Donetsk et Lougansk;
9.3. à assurer le respect des droits de l'homme et la sécurité de toutes les personnes vivant en Crimée annexée;
9.4. à lever l’interdiction portant sur le Mejlis des Tatars de Crimée et l’interdiction d’entrée de ses dirigeants, le Mejlis étant l’organe légitime qui représente la communauté des Tatars de Crimée;
9.5. à libérer tous les prisonniers ukrainiens capturés et emprisonnés en Fédération de Russie et en Crimée annexée dans le contexte de la guerre, tout en respectant leurs droits et libertés, et, jusqu’à ce qu’ils soient libérés, faciliter le contrôle de leur état de santé et de leurs conditions de détention par des observateurs internationaux indépendants et des organisations internationales;
9.6. à assurer un accès sans entrave à la Crimée annexée aux organisations internationales, aux organes de suivi internationaux et aux organisations non gouvernementales de défense des droits de l'homme;
9.7. à user de leur influence sur les groupes armés contrôlant les territoires des oblasts de Donetsk et de Lougansk pour exiger la libération de toutes les personnes capturées;
9.8. à cesser la politique consistant à modifier la composition démographique de la population de la Crimée annexée en déplaçant sa propre population du territoire russe vers la péninsule;
9.9. à abandonner l’imposition de passeports russes aux citoyens ukrainiens résidant en Crimée annexée et cesser les déportations forcées de la Crimée annexée de citoyens ukrainiens qui n'ont pas de passeport russe;
9.10. à exécuter pleinement toutes les demandes contenues dans les Résolutions 2132 (2016) et 2133 (2016) de l’Assemblée pour faire cesser l’agression militaire contre l’Ukraine et restituer son intégrité territoriale.
10. L'Assemblée invite instamment les autorités ukrainiennes:
10.1. à mettre le Code pénal et le Code de procédure pénale de l'Ukraine en conformité avec les dispositions du droit international humanitaire et du droit pénal international;
10.2. à ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale dans les plus brefs délais, ce qui permettra de mener des enquêtes efficaces sur des cas concrets de violation du droit international humanitaire pendant la guerre en Ukraine;
10.3. à libérer tous les prisonniers russes et les personnes capturées par les groupes armés illégaux des régions de Donetsk et Lougansk et emprisonnés en Ukraine dans le contexte de la guerre, tout en respectant leurs droits et libertés, et, jusqu’à ce qu’ils soient libérés, faciliter le contrôle de leur état de santé et de leurs conditions de détention par des observateurs internationaux indépendants;
10.4. à adopter une législation sur les actions de déminage humanitaire;
10.5. à réviser la loi sur l'assistance humanitaire afin de faciliter la fourniture de cette assistance aux territoires touchés par la guerre;
10.6. à accorder les ressources financières nécessaires aux administrations locales chargées de l’assistance aux personnes déplacées et autres victimes de la guerre;
10.7. à adopter un programme gouvernemental d'assistance aux familles des personnes portées disparues et capturées pendant la guerre en Ukraine, ainsi qu'aux familles des personnes capturées et emprisonnées par les autorités russes en Crimée annexée et sur le territoire de la Fédération de Russie dans le contexte de la guerre;
10.8. à élaborer, adopter et financer le programme national d'assistance psychologique aux militaires et aux civils qui souffrent du syndrome de stress post-traumatique;
10.9. à développer un mécanisme national d'indemnisation des victimes civiles de la guerre qui ont été blessées ou dont les familles ont été tuées;
10.10. à prévoir des mécanismes garantissant le droit de vote des PDI dans toutes les élections, y compris au niveau local;
10.11. à mettre à la disposition des citoyens ukrainiens des informations sur les procédures de légalisation et de protection internationale des migrants et des demandeurs d'asile en Europe;
10.12. à garantir le droit à un logement décent et résoudre les problèmes de logement dans le cadre des solutions durables élaborées pour les PDI, y compris l'adoption d'un cadre juridique pour l'introduction et la mise en œuvre de différents types de programmes de logement;
10.13. à simplifier la procédure de versement des prestations sociales et des pensions de retraite en les déconnectant du processus d'enregistrement des PDI, notamment en modifiant les Résolutions nos 365, 505 et 637 du Conseil des ministres, ainsi que tous les autres actes normatifs pertinents;
10.14. à introduire des procédures administratives pour les citoyens ukrainiens vivant dans les territoires temporairement occupés en ce qui concerne la régularisation de leurs documents d’état-civil;
10.15. à élaborer un mécanisme garantissant les droits des personnes ayant quitté l'Ukraine après le déclenchement de la guerre en 2014 en veillant, en particulier, à ce qu'elles ne risquent pas l'apatridie.
11. L'Assemblée demande à la Banque de développement du Conseil de l'Europe de mettre en place des programmes de prêts abordables pouvant soutenir des projets de logement destinés aux personnes vulnérables en Ukraine, notamment des PDI ayant besoin de logements permanents, des projets de reconstruction, et des structures sanitaires et éducatives dans les zones les plus dévastées.
12. L'Assemblée encourage le Gouvernement ukrainien à envisager la possibilité de devenir membre de la Banque de développement du Conseil de l'Europe, et avant cela, à coopérer avec d'autres États membres de cette banque afin d’élaborer des projets d'assistance visant à répondre aux besoins en matière de logement des PDI en Ukraine.
13. L'Assemblée appelle les États membres du Conseil de l'Europe à assurer un examen équitable et non discriminatoire des demandes de protection internationale des ressortissants ukrainiens en Europe, en tenant compte de toutes les situations individuelles, en particulier les besoins spécifiques des personnes vulnérables fuyant la guerre ou la répression.
14. L'Assemblée appelle la communauté internationale à convoquer une conférence humanitaire internationale sur l’Ukraine afin de lever des fonds pour le plan d’aide humanitaire et de concevoir des stratégies de coordination de l’aide humanitaire.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet de recommandation
adopté à l’unanimité par la commission le 8 décembre 2017.

(open)
1. L'Assemblée parlementaire se réfère à sa Résolution … (2018) sur les conséquences humanitaires de la guerre en Ukraine.
2. L'Assemblée félicite le Comité des Ministres pour les activités de protection des droits des personnes déplacées à l’intérieur du pays menées dans le cadre du Plan d'action du Conseil de l'Europe pour 2015-2017 et l’encourage à poursuivre ses efforts pour aider l'Ukraine à résoudre les problèmes posés par ces personnes dans le cadre du Plan d'action 2018-2021, que le Comité des Ministres examine actuellement.

C. Exposé des motifs, par M. Egidijus Vareikis, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Alors que l’Europe est aux prises avec les difficultés engendrées par l’afflux de réfugiés et de migrants en provenance de pays extérieurs au continent, les conséquences humanitaires du conflit en cours en Ukraine ont été largement négligées.
2. Trois ans après le déclenchement de la guerre, la situation demeure extrêmement tendue et instable, avec une intensification des combats militaires durant les mois d’été. D’après le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), depuis avril 2014, 10 225 personnes ont été tuées en Ukraine, dont 2 505 civils, et 24 542 personnes ont été blessées 
			(3) 
			<a href='http://www.ohchr.org/Documents/Countries/UA/UAReport19th_EN.pdf'>Rapport
sur la situation des droits de l’homme en Ukraine, 16 mai-15 août
2017</a>, Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme,
p. 7.. Le nombre de personnes touchées par le conflit s’élève au total à 4,4 millions de personnes, dont 4 millions nécessiteraient une aide humanitaire 
			(4) 
			Union européenne, Protection
civile et opérations d’aide humanitaire européennes, Fiche-info
ECHO, Ukraine, juin 2017. .
3. La crise humanitaire et l’instabilité auxquelles les régions sud-orientales de Donetsk et de Lougansk sont en proie sont particulièrement inquiétantes car l’aide humanitaire ne parvient que très difficilement dans ces zones.
4. D’après le ministère ukrainien de la Politique sociale, le nombre de personnes déplacées à l’intérieur du pays (PDI) depuis le Donbass et la Crimée enregistré en Ukraine s’élevait à 1 592 430 personnes en septembre 2017 
			(5) 
			Aide
de l’OIM aux personnes touchées par le conflit en Ukraine, rapport
mensuel, septembre 2017.. Dans la réalité toutefois, les chiffres pourraient être encore plus élevés, toutes les personnes déplacées n’ayant pas été enregistrées. Près de 60 % des personnes déplacées sont des femmes; avec les enfants et les personnes âgées, elles représentent jusqu'à 70 % des personnes hébergées dans les centres collectifs pour personnes déplacées 
			(6) 
			Plan
d’aide humanitaire, examen à mi-parcours, août 2017, p. 11..
5. Les PDI continuent de faire face à d’énormes difficultés dans leur vie quotidienne en raison du manque de ressources financières et de la pénurie d’emplois et de logements – avec notamment une absence de programmes de logement ciblés.
6. Outre les PDI, de nombreux réfugiés ukrainiens ont sollicité une protection dans les pays voisins.
7. La guerre a eu de graves répercussions sur la situation économique de l’ensemble du pays et a en particulier fragilisé les conditions de vie dans les territoires occupés. Plus de 10 000 maisons ont besoin d’être réparées dans la région de Lougansk et de nombreuses propriétés privées ont été endommagées ou illégalement occupées et pillées.
8. Durant l’été, la chaleur et le climat d’insécurité ont généré des problèmes supplémentaires liés, notamment, à l’approvisionnement en eau des territoires occupés et des campements installés près de la «ligne de contact». L’hiver posera de nouvelles difficultés en matière de chauffage et d’accès à l’eau à près de 2 millions de personnes situées des deux côtés de la ligne de contact. L’accès aux soins de santé est un sujet de préoccupation majeur pour les personnes vivant à proximité de cette ligne et dans les territoires occupés.
9. Malheureusement, le Plan de réponse humanitaire de 204 millions de dollars US proposé par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) pour 2017 est resté largement sous-financé et n’a recueilli que 26 % des financements requis. Dans de telles circonstances, il est particulièrement important d’appeler tous les États membres du Conseil de l’Europe à répondre de toute urgence à la crise humanitaire imputable à la guerre dévastatrice que connaît l’Ukraine.

2. Travaux antérieurs de la commission et portée du rapport

10. Depuis le début de la guerre en Ukraine, la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées suit de près la situation humanitaire dans le pays. Le premier rapport sur ce sujet a été élaboré par notre ancien collègue, M. Jim Sheridan (Royaume-Uni, SOC). L’Assemblée a adopté la Résolution 2028 (2015) sur la situation humanitaire des réfugiés et des personnes déplacées ukrainiens, sur la base de ce rapport.
11. La commission s’est ensuite penchée sur deux problèmes différents mais interdépendants mis en lumière dans le rapport de M. Sheridan, à savoir les personnes portées disparues et les personnes capturées pendant la guerre en Ukraine (Résolutions 2067 (2015) et 2112 (2016)).
12. Pour donner suite au rapport de M. Sheridan, la commission a décidé de demander aux autorités ukrainiennes et russes de rendre compte de l’avancement de la mise en œuvre des parties pertinentes de la Résolution 2028 (2015). Les autorités ukrainiennes ont communiqué leur réponse à la commission, mais la décision ayant été prise juste avant celle de la Fédération de Russie de suspendre sa participation aux travaux de l’Assemblée, il n’y a eu aucun échange sur ce sujet.
13. Dans mon rapport, j’entends donner une vue d’ensemble des problèmes humanitaires actuels liés à la guerre en Ukraine et examiner la mise en œuvre des recommandations précédentes de l’Assemblée. Outre les problèmes déjà soulevés dans les autres rapports (la situation des PDI et des réfugiés et le cas des personnes capturées et portées disparues et de leurs familles), j’ai examiné également la situation de la population civile dans les territoires temporairement occupés et dans les zones situées le long de la dite «ligne de contact».
14. En coopération avec les organisations partenaires qui s’emploient à apporter une aide humanitaire en Ukraine, je me suis efforcé de recenser les mesures susceptibles de contribuer à l’amélioration de la situation actuelle dans ce domaine et j’invite les organisations concernées à les mettre en œuvre.
15. J’ai entamé l’élaboration de ce rapport en participant au Forum dit des villes solidaires, organisé par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) le 20 juillet 2016 dans la ville ukrainienne de Marioupol, qui a accueilli 106 000 personnes déplacées de la zone de guerre.
16. Dans le cadre de l’élaboration de mon rapport, j’ai effectué deux missions d’information, la première en Pologne, en mars 2017, pour examiner la situation des migrants et des réfugiés ukrainiens contraints d’émigrer en raison de la guerre, et la seconde en Ukraine, en avril 2017, où je me suis rendu à Kiev, à Sloviansk, à Bahmut, à Kramatorsk et au «point de contrôle» de Mayorsk, qui permet d’entrer dans les territoires temporairement occupés. Je tiens à remercier les délégations polonaise et ukrainienne, ainsi que leur secrétariat, pour leur aide précieuse dans l’organisation de ces missions.
17. La commission a également organisé plusieurs auditions sur le thème du présent rapport, invitant les représentants des autorités ukrainiennes, des organisations internationales et de la société civile.
18. Le présent rapport ne porte pas sur la situation humanitaire en Crimée, même si certaines parties fournissent des informations et des données relatives à l’occupation de la péninsule de Crimée par la Fédération de Russie. Certains aspects du rapport, en particulier la situation des PDI en Ukraine, seront également abordés dans le rapport intitulé «Répondre aux besoins humanitaires des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays: les enseignements à tirer et les futurs enjeux en Europe», en cours d’élaboration par M. Killion Munyama.

3. Personnes portées disparues

19. Concernant la situation des personnes portées disparues pendant la guerre en Ukraine, j’ai été informé par le Service de sécurité ukrainien qu’en date d’octobre 2017, 404 personnes étaient considérées comme portées disparues (112 militaires, 11 combattants appartenant à des unités volontaires et 281 civils, parmi lesquels 6 bénévoles et un journaliste).
20. Parallèlement, le bureau du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) en Ukraine a signalé que 645 cas de personnes portées disparues depuis le début de la guerre demeuraient non élucidés 
			(7) 
			CICR, «Activities Highlights,
Ukraine crisis», janvier-juin 2017.. La majorité des disparus sont des hommes et environ la moitié de tous les cas enregistrés concernent des civils disparus.
21. La situation des familles des personnes portées disparues est très précaire. La douleur constante de ne pas connaitre le sort de leurs proches est accentuée par de multiples problèmes, notamment l’insuffisance de ressources pour survivre, mais aussi des défis juridiques et administratifs.
22. De nombreux membres des familles de personnes portées disparues ont besoin d'une assistance psychologique urgente. Certains parents sont allés dans les territoires temporairement occupés pour rechercher leur famille disparue et ont vécu des événements traumatisants dus à la guerre. Les femmes et les enfants sont les plus vulnérables, car de nombreuses familles de disparus se sont retrouvées sans soutien principal. Les équipes du CICR, en coopération avec des unités locales de la Croix-Rouge, aident les familles des personnes portées disparues à déposer des demandes de recherche et à satisfaire leurs besoins matériels et psychologiques.
23. En outre, le CICR fournit des conseils, un soutien et une formation aux autorités locales et aux spécialistes en médecine légale en matière de recherche, de récupération, d’analyse, d'identification et de gestion d'un grand nombre de restes non identifiés de personnes portées disparues 
			(8) 
			ICRC
Ukraine, newsletter «No news, but I don’t believe...», 30 août 2017. . Il faudrait cependant un cadre juridique approprié pour introduire un statut de «personne disparue» dans la législation ukrainienne et répondre de manière efficace à tous les besoins des familles des personnes portées disparues.
24. Ainsi que Mme Iryna Gerashchenko, vice-présidente du Parlement ukrainien et représentante spéciale du Président pour le règlement pacifique du conflit dans les régions de Donetsk et de Lougansk, m’en a informé, le projet de loi sur le statut des personnes portées disparues est actuellement en cours de lecture au parlement 
			(9) 
			<a href='http://w1.c1.rada.gov.ua/pls/zweb2/webproc4_1?pf3511=60560'>http://w1.c1.rada.gov.ua/pls/zweb2/webproc4_1?pf3511=60560.</a>. D’autres initiatives législatives qui faciliteront les activités de la Croix-Rouge internationale ainsi que les activités antimines sont également en cours d’élaboration par le parlement.
25. Malheureusement, depuis ma visite en Ukraine, en avril 2017, cette loi très importante est toujours en cours et j’encourage le parlement à prendre des mesures immédiates pour y remédier, afin d’améliorer la vie des familles des personnes portées disparues.
26. Il importe également de dépolitiser le processus d’échange d’informations médico-légales entre le Gouvernement ukrainien et les services compétents dans les territoires temporairement occupés.

4. Personnes capturées

27. Comme indiqué par le Service de sécurité de l’Ukraine, 152 personnes ont été capturées par des groupes armés illégaux (70 militaires, 4 combattants des bataillons de volontaires et 78 civils, dont 3 bénévoles et un journaliste). Selon le Centre indépendant pour la libération des prisonniers et la recherche des personnes portées disparues, créé sous l’égide du Service de sécurité ukrainien, 3 140 personnes capturées ont été libérées depuis le début de la guerre, dont 1 534 civils et 1 606 militaires 
			(10) 
			Note d'information
du 12 octobre 2017 communiquée par le Centre indépendant pour la
libération des prisonniers et la recherche de personnes disparues,
créé sous les auspices du Service de sécurité de l'Ukraine. .
28. Aucun progrès significatif n’a été accompli depuis l’adoption en 2016 de la résolution de l’Assemblée sur «Les préoccupations humanitaires concernant les personnes capturées pendant la guerre en Ukraine». Le processus d’échange de prisonniers est fortement politisé et bloqué au niveau du groupe de travail sur les questions humanitaires du groupe de contact trilatéral sur l’Ukraine de Minsk. Les organisations internationales n’ont pas le droit de rendre visite aux prisonniers des groupes armés illégaux dans les territoires temporairement occupés. Les personnes libérées (notamment les civils) rencontrent maintes difficultés pour récupérer leurs papiers et bénéficier d’une aide juridique, sociale et médicale. Aucun mécanisme n’est en place pour garantir un soutien de l’État à ces personnes qui, jusqu’ici, ne bénéficient d’aucun statut juridique particulier dans la législation ukrainienne. L’assistance est principalement assurée par les organisations non gouvernementales. La question de la réadaptation médicale des prisonniers est cruciale, car les spécialistes qualifiés dans ce domaine sont peu nombreux en Ukraine.
29. Le Service de sécurité de l’Ukraine a recueilli les témoignages de plus de 1 500 militaires qui ont été capturés par des groupes armés illégaux. Selon ce service, la moitié d'entre eux ont témoigné avoir été torturés et forcés de coopérer par les services de sécurité russes. Quara nte-sept personnes capturées et libérées depuis ont déposé plainte auprès d'institutions internationales, notamment le HCDH.
30. Malgré de nombreuses demandes et discussions à Minsk, les organisations humanitaires et les ONG internationales qui apportent une aide humanitaire n’ont pas accès aux territoires temporairement occupés pour contrôler les conditions de détention des personnes capturées.
31. Il importe de souligner que l’échange et la libération des prisonniers devraient relever du seul domaine humanitaire. En dépit des précédentes recommandations de l’Assemblée, le statut des personnes capturées et des personnes portées disparues n’est toujours pas défini dans la législation ukrainienne. Il est donc essentiel de reconnaître que les combats militaires dans la région du Donbass constituent un «conflit militaire international» et d’appliquer les normes du droit humanitaire international énoncées dans les conventions de Genève.

5. Prisonniers en Fédération de Russie

32. Selon des informations provenant de la campagne internationale «LetMyPeopleGo», fin novembre 2017 au moins 56 citoyens ukrainiens avaient été poursuivis pour des motifs politiques par les forces de l'ordre russes. Ce nombre de prisonniers est en constante augmentation 
			(11) 
			<a href='http://letmypeoplego.org.ua/'>http://letmypeoplego.org.ua/</a>. tandis que la persécution de la population pro-ukrainienne continue.
33. En 2016, cinq prisonniers ukrainiens avaient été libérés des geôles russes, dont Mme Nadia Savtchenko, ancienne membre de l’Assemblée parlementaire. Le processus d’échange et de libération des prisonniers est excessivement politisé et en conséquence très lent. Le groupe de contact trilatéral de Minsk est la seule plateforme de négociation dans ce domaine. Le sort des personnes détenues en Fédération de Russie et sur le territoire de la Crimée n’est pas examiné à Minsk. Ce type de questions relatives au droit humanitaire international et au respect des droits des détenus, des civils et des militaires est bloqué par le processus de Minsk, très politisé. Par conséquent, je soutiens fermement l’idée avancée par plusieurs ONG ukrainiennes de créer, outre le groupe de travail sur les questions humanitaires, une nouvelle plateforme de négociation pour les questions humanitaires liées à la guerre en Ukraine.
34. Le 25 octobre 2017, deux dirigeants tatars de Crimée, M. Akhtem Chiygoz et M. Ilmi Umerov, qui avaient été condamnés en Crimée occupée à la suite de procès motivés par des raisons politiques, ont été libérés par les autorités russes suite aux négociations entre le président russe Poutine et le président turc Erdoğan. Je me félicite des efforts déployés par le président turc pour défendre les droits de la population tatare de Crimée en Crimée. La communauté internationale devrait continuer à mettre la pression sur les autorités russes pour faire libérer d'autres prisonniers ukrainiens poursuivis pour des raisons politiques dans la Fédération de Russie et en Crimée.

6. Situation des PDI

35. La situation des personnes déplacées à l’intérieur du pays du fait des combats militaires dans la région du Donbass et de l’occupation de la Crimée par la Fédération de Russie demeure un défi majeur pour le Gouvernement ukrainien. Malgré une certaine aide des organisations internationales, les ressources financières sont insuffisantes pour répondre aux besoins immédiats des PDI. L’aide sociale de l’État en leur faveur s’est élevée à UAH 1,9 milliard (600 millions d’euros) en 2017, mais ces fonds ne suffisent pas pour satisfaire aux besoins des PDI en matière de logement. L’information, le soutien psychologique, le logement, l’emploi et les soins de santé sont les principaux sujets de préoccupation cités par les représentants des PDI que j’ai rencontrés en Ukraine. Outre le logement, qui demeure un problème majeur à résoudre par le gouvernement, le niveau d’emploi des PDI est très bas, d’après la dernière enquête réalisée par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). Seuls 40 % des PDI sont parvenues à trouver un emploi, tandis que 38 % des PDI en âge de travailler sont considérées comme sans-emploi. Les personnes dénoncent l’absence d’emplois, les bas salaires et des postes qui ne correspondent pas à leurs qualifications.
36. L’absence de logements est un problème grave pour les personnes qui ont fui la guerre. D’après le rapport interservices sur la vulnérabilité dans les régions de Donetsk et de Lougansk, 70 % des PDI qui ne parviennent pas à trouver de solution en matière d’hébergement retournent dans les zones touchées par le conflit et les territoires temporairement occupés.
37. Contrairement à la loi ukrainienne sur les droits et les libertés des PDI, la plupart des PDI ne sont pas placées dans des logements temporaires. Beaucoup d’entre elles habitent là où elles ont été accueillies immédiatement après leur déplacement (sanatoriums, foyers) et refusent d’en partir. Les structures qui les ont prises en charge se retrouvent tenues de s’acquitter de leurs créances (électricité, gaz et autres factures d’approvisionnement).
38. Il n’existe toujours pas de procédure définie pour protéger les droits au logement et les droits de propriété des PDI, et aucune évaluation des besoins concernant le droit au logement des PDI, ni aucune évaluation des propriétés privées perdues ou endommagées, n’ont pas été effectuées (il n’existe aucun registre des propriétés privées perdues ou endommagées).
39. À ce jour, le gouvernement ne propose aucune stratégie adaptée pour régler la question de l’hébergement des PDI. Toutefois, le ministère des Territoires temporairement occupés et des PDI s’est attelé à la question à long terme de la restitution des biens endommagés ou détruits dans le cadre de sa stratégie nationale en matière de logement.
40. À titre de premier pas, la Verkhovna Rada ukrainienne a adopté la loi no 1954-VIII du 16 mars 2017 portant modification de l’article 4 de la loi ukrainienne visant à prévenir l’influence de la crise financière mondiale sur le développement du secteur de la construction et du bâtiment 
			(12) 
			<a href='http://zakon5.rada.gov.ua/laws/show/1954-19'>http://zakon5.rada.gov.ua/laws/show/1954-19</a>. (qui porte sur la mise en œuvre des programmes publics en matière de logement), qui envisage notamment une aide de l’État aux PDI à hauteur de 50 % de la valeur de la construction (de l’acquisition) de logements abordables et/ou des crédits immobiliers à taux préférentiels pour l’acquisition d’une résidence. Cela étant, aucun fonds n’a été affecté au budget de l’État ukrainien pour la mise en œuvre de ladite disposition.
41. De nombreuses PDI souffrent du syndrome de stress post-traumatique à la suite de leur expérience traumatisante de la guerre et ont besoin d’un traitement immédiat. Le long de la ligne de contact, où vivent de nombreuses PDI, les services médicaux qualifiés manquent. L’Ukraine ne possède pas suffisamment de psychologues qualifiés pour traiter les cas de stress post-traumatique; les organisations internationales et ONG telles que le Conseil de l’Europe, le CICR, l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), l’Unicef, l’OCHA, Médecins du Monde, USAID et Caritas s’efforcent de répondre aux besoins immédiats des groupes les plus vulnérables (personnes âgées, enfants, femmes). Toutefois, l’absence de coordination entre les diverses organisations qui assistent les PDI, en particulier au niveau local, est, selon les représentants des ONG et des organisations internationales, une source de préoccupation majeure et entraîne un chevauchement d’activités.
42. La vulnérabilité des PDI est en outre aggravée par leur accès limité aux pensions de retraite et aux prestations sociales. Les PDI qui ont droit à des prestations sociales ou à des pensions de retraite sont soumises à quatre niveaux de procédure d’identification par différentes institutions, ce qui est discriminatoire car ce sont les seules à faire l’objet d’une telle procédure. Qui plus est, si le ministère décide qu’il y a eu violation des règles sur l’aide ciblée, les PDI concernées sont contraintes de restituer la totalité de l’aide ciblée reçue au fil des ans. Les organisations internationales et non gouvernementales qui s’occupent des PDI ont invité le gouvernement à abroger la Résolution no 365 (relative à l’inspection des hébergements des PDI) et la Résolution no 167 (relative à l’identification physique à la Caisse d’épargne de l’Ukraine «Oschadbank»), qui font peser une charge disproportionnée sur les PDI, en particulier les catégories les plus vulnérables. L’abrogation de ces textes permettrait d’améliorer nettement la situation des PDI en Ukraine, ainsi que la situation humanitaire dans les régions orientales de l’Ukraine.
43. En réponse aux critiques incessantes de la communauté des PDI et des acteurs internationaux, le ministère de la Politique sociale s’est efforcé d’améliorer la procédure d’identification des PDI par l’adoption de la Résolution 964 du Conseil des ministres ukrainien du 14 décembre 2016, portant modification de certaines résolutions du Conseil des ministres ukrainien. La résolution prévoit notamment une procédure simplifiée d’enregistrement (notification par téléphone des changements du lieu de résidence au sein de la même unité territoriale administrative par exemple), la fourniture d’une assistance sociale gratuite et le paiement des retraites au lieu actuel de résidence, par l’intermédiaire du service de la Caisse d’épargne de l’Ukraine pour les personnes handicapées.
44. Cela étant, ces modifications réglementaires ne donnent pas effet aux recommandations formulées par l’Assemblée dans sa Résolution 2112 (2016) exhortant le Gouvernement ukrainien à améliorer, dans la mesure du possible, les conditions de vie des citoyens résidant dans les territoires non contrôlés et des personnes déplacées depuis ces régions en simplifiant les procédures administratives relatives à leur accès aux prestations sociales et au paiement des retraites. L’État a l’intention de verser ces retraites aux seuls citoyens des territoires temporairement occupés qui ont été déplacés vers des zones contrôlées par le gouvernement.
45. Le 14 septembre 2017, le Conseil des ministres a finalement adopté les modifications aux Résolutions nos 505, 365 et 637, améliorant ainsi nettement l’accès à l’aide sociale pour les PDI (le taux mensuel d’aide sociale a été augmenté, les procédures de vérification pour certaines catégories de PDI employées ont été supprimées et les obligations discriminatoires imposant aux PDI d’être servies uniquement dans une banque publique spécifique sans pouvoir choisir leur banque ont été supprimées, etc.).
46. Les PDI ont également été privées de leurs droits de vote, notamment pour les élections locales. La législation ukrainienne actuelle exige des électeurs qu’ils renseignent leur adresse d’habitation, ce qui, pour une PDI, entraîne la perte de son statut de PDI et des prestations correspondantes. L’élaboration, par des ONG de premier plan, d’un projet de loi sur l’accès aux droits de vote pour les PDI et d’autres groupes mobiles, en coopération avec le groupe de travail du le ministère des Territoires temporairement occupés et des PDI, constitue cependant une évolution positive. Ce projet de loi a été soumis au parlement 
			(13) 
			<a href='http://w1.c1.rada.gov.ua/pls/zweb2/webproc4_1?pf3511=61425'>http://w1.c1.rada.gov.ua/pls/zweb2/webproc4_1?pf3511=61425.</a>. Il est très important d'adopter cette loi dès que possible.
47. Il est également impératif que les PDI soient acceptées et bien intégrées dans leur communauté d’accueil, ce qui passe assurément par le travail et l’éducation.
48. Le parlement avait adopté des modifications de la législation afin de faciliter l’enseignement à distance pour les élèves des territoires temporairement occupés et le processus d’apprentissage dans les établissements d’enseignement supérieur évacués. Les modifications correspondantes dans les cadres réglementaires ont été élaborées en coopération avec le groupe de travail du le ministère des Territoires temporairement occupés et des PDI et adoptées par le ministère ukrainien de l’Éducation et des Sciences. Toutefois, le programme national d’aide aux PDI (2015-2017), adopté par le gouvernement en 2015, ne bénéficie d’aucun financement, ce qui signifie que les programmes d’hébergement, d’intégration et de réhabilitation de ces personnes n’ont pas été mis en œuvre avec l’appui du budget public. Le ministère est également largement sous-financé, ce qui ne lui permet pas d’exercer ses missions principales.
49. Lorsque je me suis rendu dans l’oblast de Donetsk, j’ai eu la forte impression que l’administration locale faisait beaucoup pour la réhabilitation des territoires libérés après l’occupation et pour les PDI. De nombreuses organisations non gouvernementales internationales sont présentes sur place et collaborent étroitement avec les autorités.
50. Ma visite en Ukraine m’a notamment permis de conclure – et c’est très important – qu’il manque malheureusement une stratégie claire du gouvernement en ce qui concerne les PDI et la manière de faire face aux conséquences de la guerre. De nombreuses PDI ont déclaré être victimes de discriminations et ne bénéficier d’aucune protection gouvernementale.

7. Situation le long de la ligne de contact

51. La population civile qui vit près de la ligne de contact et dans des zones qui ne sont contrôlées ni par une partie, ni par l’autre est systématiquement confrontée à des difficultés s’agissant d’accéder aux services essentiels tels que l’électricité, le chauffage, l’eau potable et les soins médicaux. En raison des combats militaires, l’infrastructure d’approvisionnement en eau est fréquemment endommagée par les bombardements et les personnes qui vivent dans les régions de Donetsk et de Lougansk souffrent d’un manque d’accès à l’eau potable. Selon l'Organisation mondiale de la santé 
			(14) 
			Plan
d’aide humanitaire, examen à mi-parcours, août 2017, p. 6., 160 établissements de santé ont été détruits depuis le début de la guerre et plus de 700 établissements scolaires ont été endommagés par les bombardements.
52. Tout autour de la ligne de contact, de vastes zones, et en particulier des terres agricoles, sont jonchées de mines, notamment des mines antipersonnel. On a enregistré une forte et alarmante augmentation du nombre de victimes d’engins explosifs depuis mars 2017 et le début de la saison de culture. Plus de 40 % des victimes civiles sont des enfants. La Mission spéciale d’observation de l’OSCE en Ukraine a souligné la nécessité urgente de déminer les lieux des deux côtés de la ligne, mais aucune mesure ou presque n’a été signalée dans ce sens. La présence de mines sur les terres agricoles fait courir des risques aux agriculteurs et aux autres personnes et pourrait limiter les sources de revenus de la population locale.
53. Au cours de la dernière année, le nombre de personnes franchissant la ligne de contact a considérablement augmenté et atteint un nombre record de 1,3 million de passages en juillet 2017. Une telle augmentation peut s'expliquer par la dégradation de la situation économique dans les territoires temporairement occupés, qui pousse les individus, malgré les risques pour leur sécurité, à franchir la ligne de contact pour accéder aux prestations sociales et aux pensions de retraite et à rechercher des provisions essentielles sur les territoires contrôlés par le gouvernement.
54. Les autorités ukrainiennes, soutenues par des partenaires humanitaires, en particulier le HCR, tentent d'améliorer la situation aux postes de contrôle en modernisant les postes de passage et en fournissant du personnel qualifié. Un nouveau point de passage à Zolote (oblast de Lougansk) devrait être ouvert prochainement, ce qui pourrait améliorer de manière significative la situation de la population de l'oblast de Lougansk qui n’a pu emprunter, jusqu'à présent, qu'un seul point de passage pour piétons.
55. La population vivant près de la ligne de contact est composée en majorité de personnes déplacées et de résidents locaux touchés par la guerre. Les possibilités d’emploi étant rares, beaucoup comptent sur l'aide humanitaire. Les services de santé sont très limités, car de nombreux professionnels de la santé ont quitté la région à cause des menaces pour la sécurité.
56. L'approvisionnement en eau est un gros problème dans les zones de contact car les installations sont constamment endommagées par les actions militaires. Les populations reçoivent de l'eau de façon irrégulière et l'approvisionnement en eau potable est discontinu. Il est indispensable de régler le problème de l'approvisionnement en eau, surtout pendant l'hiver, car les systèmes de chauffage central nécessitent une alimentation en eau 
			(15) 
			Rapport sur la situation
des droits de l'homme en Ukraine, 16 mai au 15 août 2017, HCDH,
p. 24. .

8. Situation des populations vivant dans les territoires temporairement occupés

57. La situation humanitaire dans les territoires temporairement occupés est alarmante et aggravée par les groupes armés illégaux qui empêchent les principales organisations humanitaires internationales d’y accéder. D’après les estimations du Programme alimentaire mondial, 620 000 personnes vivant dans les territoires temporairement occupés sont en situation d’insécurité alimentaire et 500 000 autres n’ont pas ou peu de moyens de subsistance 
			(16) 
			<a href='http://www1.wfp.org/countries/ukraine'>www1.wfp.org/countries/ukraine</a>, Situation Report No. 26, 25 mai 2017.. Trois millions de personnes ont été directement touchées par une interruption du système d’approvisionnement en eau en 2017.
58. Les populations sont aussi confrontées à des menaces pour leur sécurité quotidienne car les actions militaires sont concentrées dans des zones urbaines très peuplées. Les organisations internationales et les ONG enregistrées dans les territoires temporairement occupés signalent des violations constantes du droit international humanitaire, notamment des meurtres, des actes de harcèlement, des enlèvements et des tortures. En raison des bombardements, l'approvisionnement en eau et en électricité est souvent perturbé. De nombreuses personnes ont besoin d'un hébergement car leurs logements ont été détruits.
59. Le paiement des retraites aux personnes qui résident dans les territoires temporairement occupés est également extrêmement problématique. En août 2014, 1 278 200 retraités étaient enregistrés dans les régions de Donetsk et de Lougansk, qui ne sont pas contrôlées par le gouvernement. Au 1er janvier 2016, 956 000 PDI percevaient des pensions de retraite, soit 75 % des retraités vivant dans les territoires temporairement occupés. Ce chiffre suggère qu’une proportion importante de ces retraités a néanmoins été en mesure de se déplacer vers des zones contrôlées par le gouvernement pour toucher leurs pensions. En décembre 2016, le nombre de PDI percevant des pensions de retraite est tombé à 548 900, ce qui indique que 407 100 PDI (soit 43 %) ont cessé de toucher des retraites en 2016 sous l’effet des mesures de vérification 
			(17) 
			«Pensions for IDPs
and persons living in the areas not controlled by the Government
in the east of Ukraine», rapport élaboré conjointement par le bureau
du HCR en Ukraine et la mission d’observation des droits de l’homme
des Nations Unies en Ukraine..
60. De nombreuses personnes n’ont pas perçu leur pension de retraite parce qu’elles n’étaient pas enregistrées en tant que personnes déplacées, comme l’exige la procédure. Même celles qui l’étaient mais qui, pour d’autres raisons, n’ont pas pu achever la procédure de vérification ont été privées de retraite. Comme indiqué par le HCDH, il est contraire à la législation ukrainienne et au droit international de subordonner le paiement des retraites à l’enregistrement en tant que PDI et de suspendre ces retraites à la suite de procédures de vérification 
			(18) 
			Rapport
sur la situation des droits de l’homme en Ukraine, 16 février-15
mai 2017, HCDH, p. 29.. Cela étant, le groupe de travail du le ministère des Territoires temporairement occupés et des PDI, en coopération avec les principales organisations internationales et ONG, a proposé d’établir un mécanisme permettant aux personnes résidant dans les territoires temporairement occupés de toucher leur retraite sans qu’il soit nécessaire qu’elles s’enregistrent en tant que PDI, sous réserve qu’elles en fassent la demande à tout bureau de la Caisse des retraites dans le territoire contrôlé par le gouvernement. En coopération avec les organisations internationales, un mécanisme de paiement sera également mis en place pour les personnes handicapées et les personnes ayant des problèmes de mobilité.
61. Afin de réglementer le transfert des biens depuis et vers les zones non contrôlées par le gouvernement, le ministère des Territoires temporairement occupés et des PDI a adopté le décret no 39 du 24 mars 2017 
			(19) 
			<a href='http://sfs.gov.ua/diyalnist-/zakonodavstvo-pro-diyalnis/nakazi-pro-diyalnist/71880.html'>http://sfs.gov.ua/diyalnist-/zakonodavstvo-pro-diyalnis/nakazi-pro-diyalnist/71880.html.</a> réglementant la liste des biens et des objets pouvant être transportés par-delà la ligne de contact. Ce décret précise également l’ordre d’acheminement des convois humanitaires selon une procédure simplifiée.
62. La reconnaissance des documents civils et administratifs délivrés par les soi-disant «autorités» des territoires temporairement occupés à la population locale est également problématique, car ces actes de naissance, de décès et de mariage, ainsi que d’autres documents, n’ont aucune valeur juridique en Ukraine. La procédure de régularisation de ces actes civils en Ukraine est très complexe (et exige une décision de justice). Pour résoudre ce problème, il est urgent de mettre en place une procédure administrative simplifiée permettant d’enregistrer les informations contenues dans ces documents.
63. Je suis très heureux de noter que, le 6 octobre 2017, la Verkhovna Rada d'Ukraine a adopté une loi sur la réintégration du Donbass, officiellement intitulée «Sur les particularités de la politique de l'État pour assurer la souveraineté de l'Ukraine sur les territoires temporairement occupés dans les régions de Donetsk et Lougansk». Cet acte juridique a une importance vitale pour l'Ukraine et sa population, car il reconnaît que la Fédération de Russie est un État occupant et définit l'objectif de la politique de l'État pour rétablir l'état de la souveraineté de l'Ukraine sur les territoires temporairement occupés dans les régions de Donetsk et Lougansk. Il protège également les droits des citoyens ukrainiens à jouir de leurs biens dans les territoires temporairement occupés.
64. L’occupation de la Crimée par la Fédération de Russie a eu d’immenses répercussions sur la population locale. Les autorités russes ont commencé à mettre en œuvre une politique de transfert de la population civile depuis la Fédération de Russie vers la Crimée, tout en pratiquant une discrimination et en persécutant, pour des motifs politiques, la population pro-ukrainienne et en particulier les Tatars de Crimée. Dans le droit humanitaire international, les transferts de population depuis leur territoire vers un territoire occupé par une puissance occupante équivaut à un crime de guerre 
			(20) 
			Article 85 du Protocole
additionnel aux Conventions de Genève de 1949 relatif à la protection
des victimes des conflits armés internationaux.. L’étude réalisée par trois ONG ukrainiennes 
			(21) 
			«Crimea Beyond Rules,
Transfer by the Russian federation of parts of its own civilian
population into the occupied territory of Ukraine», Kiev, 2015. fournit des données factuelles et statistiques très claires sur cette pratique. Les autorités russes ont également expulsé de Crimée vers l’Ukraine plusieurs personnes qui n’avaient pas la nationalité russe, mais qui vivaient dans la péninsule.
65. Depuis l’occupation, en 2014, 44 Ukrainiens ont disparu en Crimée: 6 d’entre eux ont été retrouvés morts, 17 ont été libérés après avoir été détenus, 2 personnes ont été condamnées et 19 sont toujours portées disparues 
			(22) 
			Disparitions
forcées en Crimée occupée en date du 20 avril 2017, Crimea SOS. .
66. Le problème de la propriété privée en Crimée est devenu un problème très grave, en particulier pour les personnes qui ont acheté leur maison ou leur appartement avant l'occupation russe. À Sébastopol, environ 600 personnes ont vu leurs actes de vente annulés par décision judiciaire. Cette pratique est une violation flagrante du droit international humanitaire 
			(23) 
			Rapport
sur la situation des droits de l’homme en Ukraine (16 mai-15 août
2017), HCDH, p. 33..
67. Il est également important de noter que les organisations de la société civile qui fournissent une assistance humanitaire aux personnes vivant dans les territoires temporairement occupés ont de grandes difficultés à accéder à ces territoires.

9. Situation des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés déplacés par la guerre en Ukraine

68. Depuis le début de la guerre en 2014, plus de 480 000 Ukrainiens ont demandé l'asile dans d'autres pays d'Europe. Le HCR confirme que la majorité des réfugiés et des demandeurs d'asile fuyant la guerre en Ukraine ont demandé l'asile en Fédération de Russie (427 240). Toutefois (voir tableau en annexe), beaucoup d’autres ont sollicité une protection en Italie, en Allemagne, en Pologne et dans d’autres pays européens 
			(24) 
			Comité exécutif du
Programme du Haut-Commissaire, Mise à jour régionale – Europe, 22
septembre 2017, HCR, p. 1. .
69. Pendant ma mission d’information en Pologne, j’ai examiné tout particulièrement la situation des Ukrainiens ayant fui le conflit dans leur pays. Les organismes publics comme les organisations internationales ont confirmé que, depuis le début de l’année 2014, environ 5 300 Ukrainiens avaient sollicité une protection internationale en Pologne, ce qui représente une augmentation considérable par rapport au nombre de demandes déposées avant 2014, qui était de 100 environ. En outre, au cours de cette période, plus de 119 000 Ukrainiens ont demandé un permis de séjour temporaire et plus d’un million d’Ukrainiens sont entrés en Pologne au moyen de visas et d’un mécanisme simplifié de migration économique.
70. Depuis 2014, seules 146 personnes se sont vu octroyer une protection subsidiaire en Pologne et 37 ont obtenu le statut de réfugié. Dans leur majorité, les demandes ont été rejetées par les autorités polonaises au motif qu’il existait pour les demandeurs d’autres possibilités de réinstallation interne en Ukraine. Cela étant, les Principes directeurs du HCR sur la protection internationale 
			(25) 
			HCR(2003), Principes
directeurs sur la protection internationale: «La possibilité de
fuite ou de réinstallation interne» dans le cadre de l’application
de l’Article 1A(2) de la Convention de 1951 et/ou du Protocole de
1967 relatifs au statut des réfugiés; <a href='www.refworld.org/pdfid/3fb9f5344.pdf'>www.refworld.org/pdfid/3fb9f5344.pdf</a>. indiquent que «le concept de possibilité de fuite ou de réinstallation interne» n’est pas en soi un principe à part entière du droit des réfugiés et devrait être pris en compte dans l’examen global de la demande de protection, selon les circonstances individuelles 
			(26) 
			«Ukrainian
asylum seekers and a Polish immigration paradox», Marta Szczepanik
et Ewelina Tylec, Forced Migration Review, <a href='http://www.fmreview.org/destination-europe/szczepanik-tylec.html'>www.fmreview.org/destination-europe/szczepanik-tylec.html.</a>. Les associations de migrants que j'ai rencontrées en Pologne ont déclaré que l'utilisation de ces possibilités était un argument qui jouait un rôle clé dans le rejet des demandes de demandeurs d'asile ukrainiens.
71. Cependant, il devrait être clairement souligné que le Gouvernement polonais met en place un certain nombre de mécanismes juridiques pour permettre aux Ukrainiens de résider et de travailler légalement en Pologne. La majorité des demandes de régularisation de séjour introduites par les Ukrainiens sont acceptées. Ainsi, de nombreuses personnes ukrainiennes préfèrent faire usage de ces possibilités juridiques plutôt que solliciter une protection internationale, qui limiterait leur droit de travailler à une période de six mois après leur demande et, en cas de rejet, pourrait entraîner leur expulsion. Néanmoins, de nombreux Ukrainiens continuent de demander l’asile, car ils ne connaissent pas cette restriction. Par conséquent, il importe que les autorités ukrainiennes diffusent des informations en Ukraine sur les procédures de régularisation et de protection internationale pour les migrants et les demandeurs d’asile en Europe. Je recommanderais également que les autorités polonaises revoient, de manière périodique, l’application du principe de possibilité de fuite interne pour ce qui est des demandeurs d’asile ukrainiens, en prenant en considération leur vulnérabilité et leur difficulté à s’établir ailleurs en Ukraine.
72. Un autre problème important est lié à la situation des personnes qui ont quitté l'Ukraine après le déclenchement de la guerre en 2014 et qui n'ont pas pu revenir en raison de l’absence ou de la perte de documents. Le Service national des migrations de l'Ukraine n'a pas accès aux archives de l’état-civil en Crimée ou dans les territoires temporairement occupés et ne peut donc pas confirmer la nationalité ukrainienne des personnes concernées. Ces personnes risquent d'être apatrides et un mécanisme devrait être mis au point pour résoudre ce problème.

10. Réponses humanitaires internationales

73. Plusieurs organisations internationales ont uni leurs efforts en constituant des groupes d’action humanitaire et ont élaboré un Plan de réponse humanitaire coordonné par le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA). En coopération avec les organisations gouvernementales et non gouvernementales, elles s’efforcent de répondre aux besoins de protection des personnes touchées par le conflit, de leur apporter une assistance d’urgence et d’améliorer leur capacité de résistance face aux difficultés, afin de contribuer à prévenir toute dégradation de la situation humanitaire.
74. Toutefois, l’aide humanitaire internationale vers l’Ukraine dispose de financements très limités. Seuls 26 % ($US 36 millions) des $US 204 millions nécessaires ont été apportés en 2017 par les bailleurs de fonds internationaux, ce qui a sensiblement freiné la mise en œuvre du Plan de réponse humanitaire.
75. Depuis le début de la guerre, l'Union européenne a contribué à hauteur d’environ 399 millions d'euros à l'aide humanitaire et au redressement rapide dans les zones directement touchées par la guerre; cette aide concerne en particulier les PDI, les réfugiés et les rapatriés. L'Union européenne travaille en étroite coopération avec le CICR, l’OIM et les organisations non gouvernementales sur des projets axés sur l’aide alimentaire, le logement, l'eau, la protection et la santé, notamment l'assistance psychologique, l'éducation et les principaux moyens de subsistance 
			(27) 
			Protection civile et
opérations d’aide humanitaire européennes, Ukraine, <a href='http://ec.europa.eu/echo/where/europe/ukraine_fr'>http://ec.europa.eu/echo/where/europe/ukraine_fr</a>.. L'Union européenne a fourni une aide d'urgence de plus de 88,1 millions d'euros qui comprend une aide à la population vulnérable dans les territoires temporairement occupés.
76. L'OIM, financée par l'Union européenne et le Département du développement international du Royaume-Uni (DFID), offre des programmes ciblés d'aide à la reconstitution des moyens de subsistance des PID en leur donnant les moyens de retrouver une certaine indépendance financière. Plus de 10 000 personnes ont bénéficié de formations dans 24 oblasts d'Ukraine. L'OIM a également contribué à la rénovation des installations d'eau, d'assainissement et d'hygiène dans 20 établissements sociaux, notamment des hôpitaux, des centres d’accueil de PID et des centres territoriaux de services sociaux dans les territoires temporairement occupés de Donetsk.
77. Le HCR, qui a dirigé les activités des groupes «Protection» et «Abris» du Plan de réponse humanitaire, a fourni une assistance juridique, des conseils en matière de protection et une aide monétaire en espèces aux PDI dans les zones entourant la ligne de contact et les territoires temporairement occupés.
78. Le CICR a étendu ses activités en Ukraine et a apporté un soutien important aux personnes établies près de la ligne de contact, ainsi qu’aux PDI, aux familles de personnes portées disparues et à la population en général vivant dans les territoires temporairement occupés. Plus de 2 millions de personnes ont bénéficié des activités du CICR dans le domaine de l’eau et de l’habitat. Le Comité a également soutenu la collecte d'échantillons d'ADN et de données post-mortem et fourni une assistance technique pour l'analyse médico-légale des restes humains 
			(28) 
			<a href='https://www.icrc.org/fr/document/rapport-annuel-2015'>Rapport
annuel du CICR 2015</a>.. Dans l'est de l'Ukraine, le CICR a envoyé des fournitures aux hôpitaux et aux cliniques des deux côtés de la ligne de front, ainsi qu'aux banques de sang et pour l'hémodialyse en Ukraine, dans la région de Lougansk 
			(29) 
			<a href='https://www.icrc.org/fr/document/rapport-annuel-2016'>Rapport
annuel du CIRC 2016</a>. .
79. Dans le cadre du Plan d’action du Conseil de l’Europe pour l’Ukraine 2015-2017, le Conseil de l’Europe met en œuvre un projet visant à «Renforcer la protection des droits de l’homme des personnes déplacées à l’intérieur de l’Ukraine» en vue de soutenir les efforts déployés par le gouvernement pour améliorer la situation des PDI, en se concentrant sur les régions de Dnipro, de Kiev, de Lougansk et de Donetsk. Grâce à ce projet, une formation spéciale a été dispensée aux juges nationaux sur l’application des normes du Conseil de l’Europe dans les affaires de violation des droits des PDI. Les recommandations sur l’amélioration de la législation et des politiques nationales conformément aux normes du Conseil de l’Europe ont été largement diffusées et partiellement mises en œuvre (ainsi, en 2016, des procédures judiciaires de reconnaissance de la naissance et du décès des personnes dans les territoires temporairement occupés ont été inscrites dans le Code de procédure civile ukrainien). Conformément aux recommandations du Conseil de l’Europe et à la suite de sa campagne de sensibilisation, les PDI bénéficient désormais d’une aide juridique secondaire gratuite depuis que la loi sur l’aide juridique gratuite a été modifiée et est entrée en vigueur, le 5 janvier 2017. Le ministère des Territoires temporairement occupés et des PDI a créé un groupe de travail sur l’amélioration de la législation interne relative à la protection des droits fondamentaux des PDI, avec l’assistance technique et l’aide d’experts du projet. Plusieurs projets de législation sont déjà en cours d’élaboration par ce groupe de travail du le ministère des Territoires temporairement occupés et des PDI.
80. Les capacités des autorités locales (représentants des services de la protection sociale, caisses de retraite) ont été renforcées par une formation et des séminaires sur les normes du Conseil de l’Europe en matière de protection des droits fondamentaux des PDI et sur le droit des PDI à une protection sociale (plus de 150 personnes ont été formées). Une coopération intensive et productive a été mise en place avec le système d’aide juridique gratuite (plus de 400 professionnels du droit ont été formés, notamment des avocats des centres d’aide juridique gratuite, et les bureaux d’aide juridique ont augmenté leurs capacités en matière de conseil juridique aux PDI et de défense de leurs droits devant les tribunaux). Des pratiques et des politiques positives en matière d’intégration, visant à offrir des solutions durables aux PDI au niveau régional, ont été développées et diffusées dans l’ensemble des régions ciblées par le projet (au total, ces activités ont sollicité quelque 3 500 représentants des PDI). Au titre du projet, le Groupe de coopération en matière de lutte contre l’abus et le trafic illicite des stupéfiants (Groupe Pompidou) dispense des formations appropriées sur le syndrome de stress post-traumatique, en coopération avec le ministère ukrainien de la Santé, et il a l’intention de créer un «centre de résilience».

11. Conclusions et recommandations

81. Selon moi, le Gouvernement ukrainien devrait poursuivre l’objectif stratégique d’avancer dans la recherche de solutions aux problèmes graves auxquels les PDI sont confrontées en Ukraine. Tout d’abord, les PDI devraient recevoir un message clair sur l’avenir que le gouvernement envisage pour elles à court et à long terme. La garantie de leurs droits politiques devrait être une priorité, car les PDI n’ont jusqu’ici pas été en mesure de prendre part aux élections locales, ni de voter aux élections législatives ukrainiennes.
82. À court terme, les droits sociaux des PDI devraient être garantis: la procédure de versement des prestations sociales devrait être simplifiée et le paiement des retraites devrait être dissocié de l’enregistrement des PDI par une modification des Résolutions nos 365, 505 et 637 du Conseil des ministres et de tout autre acte normatif pertinent.
83. Il convient d’accorder une attention particulière à la garantie du droit à un logement adéquat et à résoudre les problèmes de logement, en tant qu’élément d’une solution durable pour les PDI. Les cadres juridiques régissant la mise en place et l’exécution de différents types de programmes de logement devraient être adoptés. Différentes formes de soutien devraient être prévues pour régler les questions de logement (notamment des prêts sans intérêt, la mise à disposition de logements sociaux et une aide financière publique partielle pour aider les PDI à acquérir des maisons, etc.) et pour veiller à la restitution et l’indemnisation des biens perdus.
84. Les PDI et les habitants des territoires temporairement occupés devraient avoir accès à une éducation préscolaire, scolaire, professionnelle et supérieure en Ukraine. En 2017, l’accès à l’enseignement supérieur pour les PDI et les élèves ayant réussi l’examen de sixième année été largement simplifié. L’accès des enfants des PDI aux jardins d’enfants et aux établissements d’enseignement secondaire devrait constituer une priorité. Dans l’intervalle, d’autres améliorations seraient bienvenues.
85. Les PDI devraient être dûment informées de leur droit à une aide juridique secondaire gratuite et notamment à une représentation devant les tribunaux pendant les audiences.
86. Il est essentiel d’ouvrir de nouveaux points de contrôle pour pouvoir accéder au territoire contrôlé par le gouvernement dans les régions de Lougansk et de Donetsk.
87. Il est urgent que les diverses parties prenantes au conflit respectent le caractère civil des infrastructures et garantissent la protection des civils et leur plein accès aux services essentiels.
88. Le Gouvernement ukrainien, et notamment le Comité d’État pour les migrations ainsi que les consulats de l’Ukraine en Europe, devraient diffuser des informations sur les procédures de régularisation et de protection internationale pour les migrants et les demandeurs d’asile en Europe. Les Ukrainiens qui entendent émigrer par des voies légales devraient avoir accès à des informations sur les conditions du marché du travail dans les divers pays européens.
89. Je pense également qu’il ne devrait y avoir aucune discrimination dans l’examen des demandes de protection internationale introduites par des ressortissants ukrainiens dans les pays européens. Toutes les demandes devraient être examinées au cas par cas, en tenant compte des circonstances individuelles et des besoins spécifiques des personnes vulnérables fuyant la guerre ou la répression.
90. En ce qui concerne la situation des Ukrainiens détenus pour des motifs politiques en Fédération de Russie, le Conseil de l’Europe pourrait faciliter l’organisation d’une visite de médecins indépendants chargés de contrôler leur état de santé et les conditions de leur détention dans les établissements pénitentiaires en Fédération de Russie et dans le territoire de Crimée.
91. Je suis également convaincu que la communauté internationale devrait convoquer une conférence humanitaire internationale sur l’Ukraine, à l’image de la Conférence internationale du Caire sur la Palestine, afin de lever des fonds pour le plan d’aide humanitaire et de concevoir des stratégies de coordination de l’aide humanitaire internationale. Les autorités ukrainiennes devraient en outre revoir leur réglementation dans ce domaine.

Annexe – Nombre de demandes d’asile déposées par des ressortissants ukrainiens depuis le 1er janvier 2014 (en date d’août 2017)

(open)

Pays

Total

Fédération de Russie

427 240 
			(30) 
			Tous ces chiffres proviennent
d’Eurostat, à l’exception du Bélarus, de la République de Moldova
et de la Fédération de Russie (HCR).

Italie

10 860

Allemagne

10 295

Espagne

8 090

Pologne

4 535

France

3 775

Suède

3 425

Bélarus

2 371

République tchèque

1 520

Autriche

1 440

Pays-Bas

1 365

Belgique

1 050

Royaume-Uni

780

Portugal

715

Suisse

550

Grèce

480

Finlande

440

Danemark

335

République de Moldova

301

Norvège

265

Malte

220

Chypre

200

Lituanie

170

Estonie

160

Bulgarie

130

Lettonie

125

Irlande

115

Luxembourg

95

Hongrie

85

Roumanie

80

République slovaque

50

Slovénie

25

Croatie

20

Liechtenstein

15

Islande

10

   

TOTAL

481 332