1. Introduction
et dispositions réglementaires pertinentes
1. Lors de la séance de l’Assemblée
du 22 janvier 2018, Mme Maryvonne Blondin
(France, SOC) et plusieurs membres de l’Assemblée ont contesté les
pouvoirs non encore ratifiés de la délégation nationale de l’Andorre
auprès de l’Assemblée parlementaire pour des raisons formelles,
conformément à l’article 7.1.b du Règlement,
au motif que ladite délégation ne comportait aucune femme en qualité
de représentante, en méconnaissance de l’article 6.2.a. Elle a souligné que, si la délégation
andorrane présentait bien une parité parfaite – deux hommes, deux
femmes –, en revanche les deux membres féminins ne sont que suppléantes.
2. La
Résolution 1781
(2010) «30% au moins de représentants de chaque sexe au sein
des délégations nationales de l’Assemblée» a modifié les articles
6.2.
a et 7.1.
b du Règlement, et a fixé de nouvelles
conditions relatives à la représentation des sexes, en renforçant
les dispositions existantes visant à promouvoir une participation
plus équilibrée des femmes et des hommes.
3. L’article 6.2.
a, deuxième
phrase, dispose que:
«Les délégations
nationales doivent comprendre un pourcentage de membres du sexe
sous-représenté au moins égal à celui que compte actuellement leur
parlement et, au minimum, un membre
du sexe sous-représenté désigné en qualité de représentant.»
4. L'absence de l'inclusion d'au moins un membre du sexe sous-représenté
en qualité de représentant dans une délégation nationale est expressément
reconnue par l'article 7.1.
b du
Règlement comme un motif qui justifie la contestation des pouvoirs
de cette délégation:
«Les pouvoirs
peuvent être contestés par au moins dix membres de l’Assemblée présents
dans la salle des séances, appartenant à cinq délégations nationales
au moins, se fondant sur des raisons formelles basées sur (...)
les principes énoncés dans l’article 6.2 selon lesquels les délégations
parlementaires nationales doivent être composées de façon à assurer
une représentation équitable des partis ou groupes politiques existants
dans leurs parlements et comprendre, en
tout état de cause, un membre du sexe sous-représenté désigné en
qualité de représentant.»
5. La commission du Règlement, des immunités et des affaires
institutionnelles doit donc examiner si la composition de la délégation
andorrane a méconnu les principes établis par l’article 6.2.a du Règlement de l’Assemblée.
6. Enfin, aux termes de l’article 7.2, «[s]i la commission conclut
à la ratification des pouvoirs, elle peut transmettre au Président
de l’Assemblée un simple avis dont il donnera lecture en Assemblée
plénière ou en Commission permanente, sans que celles-ci en débattent.
Si la commission conclut à la non-ratification des pouvoirs ou à
leur ratification assortie de la privation ou de la suspension de
certains des droits de participation ou de représentation, le rapport
de la commission est inscrit à l’ordre du jour pour débat dans les
délais prescrits».
2. Conformité de la composition
de la délégation parlementaire andorrane avec l’article 6.2 du Règlement
de l’Assemblée
7. Le Parlement de l’Andorre –
le Consell General – a présenté
les pouvoirs de sa délégation pour la session 2018 de l’Assemblée.
Il ressort de ces pouvoirs que la délégation andorrane ne comporte
aucune femme en qualité de représentante.
2.1. Pouvoirs des membres de
la délégation andorrane transmis le 18 janvier 2018
8. La délégation parlementaire
andorrane se compose, en application des articles 25 et 26 du Statut
du Conseil de l'Europe (STE no 1), de
deux représentants et deux suppléants. Le rapport du Président de l’Assemblée
sur la vérification des pouvoirs des représentants et des suppléants
pour la première partie de la session ordinaire de 2018 de l'Assemblée
(
Doc. 14472) mentionne que la composition de la délégation parlementaire
andorrane s’établit de la manière suivante:
Représentants
- M. Carles JORDANA (Groupe
Démocrate)
- M. Víctor NAUDI ZAMORA (Groupe Mixte)
Suppléantes
- Ms Judith PALLARÉS (Groupe
Libéral)
- Mme Patrícia RIBERAYGUA (Groupe
Démocrate)
9. Les pouvoirs de la délégation
andorrane ont été transmis par courrier adressé au Président de l’Assemblée,
daté du 18 janvier 2018
. Après réception de ces pouvoirs,
le Service de la Séance de l’Assemblée s’est mis en relation avec
le secrétariat de la délégation. Le 19 janvier, un courrier de M. Vicenç Mateu
Zamora,
Síndic General (Président
du Parlement andorran), adressé au Secrétaire général de l’Assemblée
parlementaire, indiquait que la composition actuelle de la délégation
andorrane approuvée «suite à une élection extraordinaire [le 18
janvier]», résulte d’«une restructuration interne de deux groupes parlementaires»
et donnait l’assurance que le
Consell
General prendrait «au plus tôt, les mesures nécessaires, afin
de procéder à une rectification de la composition de la délégation nationale».
10. Rappelons que la mention des dispositions réglementaires de
l’article 6 figure expressément dans le courrier adressé chaque
année par le Secrétaire Général de l’Assemblée parlementaire aux
présidents des parlements des États membres, au début du mois précédant
l’ouverture de la nouvelle session, afin que ceux-ci en tiennent
compte dans la désignation de leurs délégations.
2.2. Évaluation
11. La contestation des pouvoirs
de la délégation andorrane se fonde sur une méconnaissance de la disposition
concernant la désignation, en qualité de représentant, au sein d’une
délégation d’au minimum un membre du sexe sous-représenté (article
6.2.
a du Règlement). Au vu
de la composition de la délégation figurant ci-dessus, ainsi que
du tableau de la représentation des hommes et des femmes au sein
du Parlement andorran
,
il apparaît clairement que les femmes constituent la catégorie du
sexe sous-représenté.
12. La délégation visée par la contestation des pouvoirs ne remplit
pas, à l’évidence, la condition fixée à l’article 6.2.a d’avoir au sein d’une délégation
nationale au moins un membre du sexe sous-représenté en qualité
de représentant.
13. Il convient de rappeler la position de principe de l’Assemblée
réaffirmée dans sa
Résolution
1585 (2007) relative au principe d’égalité des sexes à l’Assemblée
parlementaire suivant lequel les parlements nationaux doivent s’assurer
que les délégations nationales à l’Assemblée comprennent un pourcentage
de femmes au moins égal à celui que compte leurs parlements nationaux
«en se fixant comme objectif une proportion de 30 % au minimum,
tout en gardant à l’esprit que le seuil devrait être de 40 %».
2.3. Précédents
14. C’est en 2004 que, pour la
première fois, l’Assemblée examinait une contestation des pouvoirs
portant sur l’absence de représentation équilibrée des sexes: les
délégations de l’Irlande et de Malte ne comportaient aucune femme
parmi leurs membres (comprendre au moins un membre du sexe sous-représenté
constituait une obligation réglementaire à l’époque des faits).
L’Assemblée avait alors décidé de ratifier les pouvoirs des délégations
irlandaise et maltaise en assortissant, toutefois, la ratification
d’une suspension du droit de vote des membres des délégations concernées
à l’Assemblée et dans ses organes jusqu’à ce que les compositions de
ces délégations soient conformes au Règlement
.
15. Dans l’exposé des motifs figurant dans le rapport, la commission
du Règlement avait considéré qu’il était «excessif de déclarer que
l’ensemble de la délégation nationale n’est pas en conformité avec
le Règlement et de refuser l’accréditation des pouvoirs de tous
les membres», et que «l’Assemblée ne peut sélectionner elle-même
lequel des sièges alloués à une délégation parlementaire nationale
n’est pas correctement pourvu et ne peut arbitrairement déclarer
que les pouvoirs de tel ou tel membre de la délégation concernée
ne sont pas ratifiés».
16. Un second précédent est intervenu en janvier 2011, lorsque
l’Assemblée avait examiné une contestation, pour des raisons formelles,
des pouvoirs non encore ratifiés des délégations parlementaires
du Monténégro, de Saint-Marin et de la Serbie, reposant sur le même
motif, à savoir qu’elles ne comprenaient aucune femme en qualité
de représentante. L’Assemblée avait alors décidé de ratifier les
pouvoirs des délégations parlementaires concernées mais de suspendre
leurs membres de leur droit de vote à l’Assemblée et dans ses organes
à compter du début de la partie de session suivante et jusqu’à ce
que la composition de ces délégations soit conforme au Règlement
.
17. La commission du Règlement avait alors relevé, dans son rapport
, que, «pour des
parlements de petite taille, il peut être difficile de composer
des délégations parlementaires qui respectent tous les critères
fixés par la Règlement – représentation équitable des partis ou
groupes politiques, et représentation des sexes. (…) La commission
admet également que les procédures dans certains parlements ne leur
permettent pas de modifier la composition de leurs délégations parlementaires
aisément, dès lors que ces procédures prévoient la désignation des
délégations pour la durée d’une législature, la consultation ou
la décision des groupes politiques, ou la nécessaire ratification
de la composition en séance plénière».
18. En juin 2013, l’Assemblée a examiné la contestation des pouvoirs
de la délégation parlementaire islandaise, qui ne comprenait aucune
femme en qualité de représentante. L’Assemblée décidait de maintenir la
même position que celle qui avait prévalu en 2011, en ratifiant
les pouvoirs de la délégation islandaise sous la réserve d’une suspension
du droit de vote de ses membres à compter du début de la partie
de session suivante si la composition de la délégation n’était pas
mise en conformité avec le Règlement
.
19. Enfin, en janvier 2017, l’Assemblée appliquait la même «jurisprudence»
à propos de la contestation des pouvoirs de la délégation parlementaire
slovaque, pour le même motif – l’absence de femme en qualité de représentante
– et décidait de ratifier les pouvoirs de la délégation, mais de
suspendre le droit de vote de ses membres à l’Assemblée et dans
ses organes à compter du début de la partie de session suivante,
si la composition de la délégation n’avait pas été mise en conformité
avec le Règlement entretemps
.
3. Conclusions
20. La commission du Règlement,
des immunités et des affaires institutionnelles considère que les
pouvoirs de la délégation parlementaire andorrane ont été valablement
contestés au motif que la délégation ne comportait pas au moins
une femme en qualité de représentante et ce, en méconnaissance de
l’article 6.2.a du Règlement.
21. Lors de sa réunion du 23 janvier 2018, la commission du Règlement
a entendu les observations de M. Jordana, président de la délégation
andorrane. Celui-ci a souligné l’attachement du Parlement andorran
à promouvoir la représentation équilibrée des sexes, comme l’illustre
la composition paritaire de la délégation. Il a également rappelé
la difficulté pour les petites délégations de satisfaire dans leur
composition aux critères de représentation équitable des partis
ou groupes politiques et de représentation équilibrée des sexes.
22. La commission du Règlement a considéré que, dans le cas dont
elle est saisie, il convenait d’adopter à l’égard de la délégation
andorrane la même position que celle qui a prévalu dans des cas
identiques en 2011, 2013 et 2017.
23. En conséquence, conformément à l’article 10.1 du Règlement
,
et compte tenu des assurances fournies par le Parlement andorran,
la commission a décidé de proposer à l’Assemblée de ratifier les
pouvoirs de la délégation parlementaire, mais de prévoir la suspension
automatique du droit de vote de ses membres à l’Assemblée et dans
ses organes, conformément à l’article 10.1.
c du
Règlement, à compter de la partie de session d’avril 2018 si la
composition de la délégation n’a pas été mise en conformité avec
l’article 6.2.
a du Règlement
à cette date, et jusqu’à ce qu’elle le soit.