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Rapport | Doc. 14539 | 24 avril 2018

Déclaration de Copenhague: évaluation et suivi

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteure : Mme Thorhildur Sunna ÆVARSDÓTTIR, Islande, SOC

Origine - Renvoi en commission: Décision du Bureau. Renvoi 4373 du 23 avril 2018. 2018 - Deuxième partie de session

Résumé

La Déclaration de Copenhague, qui concerne la réforme du système de la Convention européenne des droits de l'homme, a été adoptée lors d’une conférence ministérielle organisée par la présidence danoise du Comité des Ministres les 12 et 13 avril 2018.

La Déclaration mérite d’être saluée car les États Parties y réaffirment leur attachement à la Convention et leur conviction selon laquelle la Convention a apporté une immense contribution à la démocratie, aux droits de l'homme et à l’État de droit en Europe. La Déclaration constate avec raison que l’ineffectivité de la mise en œuvre de la Convention au niveau national et la charge de travail de la Cour européenne des droits de l'homme restent les principaux défis au système.

Certains aspects de la Déclaration sont cependant plus contestables. En effet, elle ne propose pas de solutions concrètes aux problèmes du système et contient des idées de dialogue qui pourraient être incompatibles avec l’indépendance de la Cour.

L’Assemblée parlementaire devrait continuer à jouer un rôle important dans la promotion d’une mise en œuvre effective de la Convention.

A. Projet de recommandation 
			(1) 
			Projet
de recommandation adopté à l’unanimité par la commission le 23 avril
2018.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire prend note de la Déclaration adoptée à la conférence sur le système européen des droits de l’homme dans l’Europe de demain, organisée à Copenhague les 12 et 13 avril 2018 par la Présidence danoise du Comité des Ministres.
2. L’Assemblée rappelle ses propres travaux antérieurs consacrés au renforcement et à la réforme du système de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5, «la Convention»), notamment la Résolution 1726 (2010) «Mise en œuvre effective de la Convention européenne des droits de l’homme: le processus d’Interlaken», la Résolution 1856 (2012) «Garantir l’autorité et l’efficacité de la Convention européenne des droits de l’homme» et la Résolution 2055 (2015) «L’efficacité de la Convention européenne des droits de l’homme: la Déclaration de Brighton et au-delà».
3. L’Assemblée se félicite que les États Parties réaffirment, dans la Déclaration de Copenhague, leur attachement à la Convention, leur volonté de respecter les obligations qui leur incombent en vertu de cette dernière et le droit au recours individuel en tant que pierre angulaire du système. Elle partage leur conviction selon laquelle la Convention a apporté une immense contribution à la protection et au développement des droits de l’homme et de l’État de droit en Europe et qu’elle continue de jouer un rôle central dans le maintien de la sécurité démocratique et l’amélioration de la bonne gouvernance.
4. L’Assemblée salue également le fait que la Déclaration de Copenhague, telle qu’elle a été adoptée, reprenne largement l’approche défendue par l’Assemblée dans sa déclaration adoptée le 16 mars 2018 par la Commission permanente. En particulier, elle partage pleinement le constat que l’ineffectivité de la mise en œuvre de la Convention au niveau national «demeure le principal défi auquel se heurte le système de la Convention» et que la charge de travail de la Cour européenne des droits de l’homme («la Cour») «reste une cause de préoccupation sérieuse». En outre, l’Assemblée se félicite de la réaffirmation de «l’engagement fort des États Parties à exécuter les arrêts de manière pleine, effective et rapide».
5. L’Assemblée est néanmoins profondément préoccupée par le fait qu’un pays fondateur du Conseil de l’Europe ait jugé utile de soumettre un projet de déclaration qui aurait remis en question certains des principes fondamentaux dont dépend le système de la Convention, ce qui est d’autant plus décevant que ce projet était apparemment motivé par des considérations purement internes, au mépris des conséquences pour le mécanisme central de protection des droits de l’homme en Europe. L’Assemblée ose espérer que les futures présidences du Comité des Ministres adopteront une approche plus constructive et plus solidaire à l’égard de la Convention et de la Cour.
6. Malgré les progrès importants accomplis lors de l’optimisation du projet de texte initial jusqu’à la version finale adoptée, l’Assemblée reste préoccupée par certains éléments de la Déclaration de Copenhague, en particulier par les points suivants:
6.1. tout en reconnaissant que l’ineffectivité de la mise en œuvre nationale de la Convention et l’exécution insuffisante des arrêts de la Cour demeurent les principaux problèmes auxquels se heurte le système de la Convention, la Déclaration ne propose guère de solutions nouvelles;
6.2. la Déclaration contient encore de vagues idées, problématiques d’un point de vue conceptuel, sur le «dialogue» entre les États Parties et la Cour, y compris au sujet de l’interprétation des droits énoncés dans la Convention, qui pourraient être développées de manière à menacer l’indépendance de la Cour;
6.3. la Déclaration omet d’encourager et de reconnaître à leur juste valeur le rôle et les contributions d’autres parties prenantes et acteurs, y compris l’Assemblée, les parlements nationaux, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et la société civile.
7. En conséquence, l’Assemblée appelle le Comité des Ministres:
7.1. à prendre des mesures concertées et effectives pour s’attaquer aux problèmes de l’ineffectivité de la mise en œuvre nationale de la Convention, y compris l’exécution insuffisante des arrêts de la Cour, notamment sur la base des recommandations contenues dans les Résolutions 1726 (2010), 1856 (2012) et 2055 (2015), ainsi que les Recommandations 1991 (2012) et 2070 (2015) de l’Assemblée et dans les rapports d’experts intergouvernementaux élaborés au cours du processus de réforme d’Interlaken;
7.2. à éviter toute déclaration ou action risquant d’entamer l’indépendance de la Cour dans l’exercice de sa compétence en vertu de l’article 32 de la Convention, et appelle les États Parties à ne chercher à influencer l’interprétation de la Convention par la Cour, y compris au moyen de tierces interventions, que dans le cadre des procédures judiciaires;
7.3. à associer pleinement toutes les parties prenantes du système de la Convention, y compris l’Assemblée, au processus de réforme et à faire en sorte que leurs rôles et leurs contributions soient reconnus et encouragés comme faisant partie intégrante d’un ensemble de mesures visant à renforcer le système de la Convention.
8. L’Assemblée décide de continuer à suivre le processus de réforme du système de la Convention afin de protéger ses principes fondamentaux, en particulier l’indépendance de la Cour, de renforcer le rôle des parlements nationaux et de contraindre les États Parties à rendre des comptes sur le respect de leurs obligations.

B. Exposé des motifs, par Mme Thorhildur Sunna Æversdóttir, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. La présidence danoise du Comité des Ministres a organisé une «réunion des ministres de la Justice sur le système européen des droits de l’homme dans l’Europe de demain», qui s’est tenue les 12 et 13 avril 2018 à Copenhague et s’est conclue par l’adoption de la Déclaration de Copenhague. Cette conférence était la cinquième d’une série qui a débuté à Interlaken (Suisse) en 2010 et s’est poursuivie à Izmir (Turquie) en 2011, à Brighton (Royaume-Uni) en 2012, et puis à Bruxelles (Belgique) en 2015. Le processus dit d’Interlaken, lancé à la suite du rapport du Groupe des Sages qui avait été commandé après l’adoption du Protocole no 14 à la Convention européenne des droits de l’homme (STCE no 194) en 2004 et en réponse au retard préoccupant pris par l’entrée en vigueur de ce texte, a abouti à l’entrée en vigueur du Protocole no 14 et à sa mise en œuvre vigoureuse et novatrice par la Cour européenne des droits de l’homme («la Cour»). Il a également produit deux autres protocoles, le no 15 (STCE no 213) et le no 16 (STCE no 214) (qui entrera en vigueur le 1er août), plusieurs instruments non contraignants du Comité des Ministres et de nombreux rapports d’experts contenant des recommandations sur tous les aspects du système de la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5, «la Convention»).
2. À la réunion de sa Commission permanente du 16 mars 2018, l’Assemblée parlementaire a adopté une déclaration sur le premier projet de la Déclaration de Copenhague, tel qu’il avait été publié par les autorités danoises le 5 février 
			(2) 
			AS/Per (2018) 03, 16
mars 2018.. Dans sa déclaration, l’Assemblée rappelait que l’efficacité du système de la Convention était tributaire du bon fonctionnement de chacun de ses éléments constitutifs, lequel dépend en premier lieu de l’attitude et du comportement des États Parties. Elle était très inquiète que le projet de déclaration de Copenhague ne remette en question certains principes fondamentaux du système de la Convention, en particulier l’universalité des droits protégés par la Convention, l’indépendance de la Cour, le champ d’application de la compétence de la Cour en matière d’interprétation et d’application de la Convention, ainsi que l’obligation des États Parties de mettre en œuvre les arrêts de la Cour. Elle concluait en appelant les États Parties à continuer de se concentrer sur la charge de travail excessive de la Cour et sa première cause, la mise en œuvre inadéquate de la Convention dans de nombreux États, dans le cadre des travaux intergouvernementaux. Elle exhortait également les États Parties à veiller à ce que la Cour soit dotée de ressources suffisantes pour remplir sa fonction, notamment grâce à un apport de fonds exceptionnel pour lui permettre de résorber son arriéré de requêtes.

2. La version adoptée de la Déclaration de Copenhague

3. Dans la version finalement adoptée au terme de deux mois d’intenses négociations entre les États Parties, la Déclaration de Copenhague était débarrassée d’un grand nombre des dispositions initiales qui avaient tant préoccupé l’Assemblée mais aussi beaucoup d’autres acteurs et parties intéressées de la société civile, notamment la Conférence des organisations internationales non gouvernementales du Conseil de l'Europe, et les milieux universitaires. Le texte, qui faisait planer une grave menace et présentait un potentiel préjudiciable pour les principes fondamentaux du système de la Convention, a pris une tournure plus favorable et constructive, même s’il conserve certains éléments problématiques.
4. L’attachement et l’appréciation exprimés dans le préambule de la Déclaration sont aujourd’hui énoncés en des termes forts et sans équivoque. Les références précédemment ambiguës à l’amélioration de l’«équilibre» du système de la Convention ont été clarifiées et la question de la mise en œuvre par les États a toute l’importance qu’elle mérite. Le préambule place également la Déclaration dans le contexte plus large du processus d’Interlaken, dont la prochaine étape, attendue avant fin 2019, consistera à faire le bilan des mesures prises jusque-là, puis le Comité des Ministres décidera «s’il y a lieu d’envisager des changements plus profonds».
5. La Déclaration aborde ensuite la question de la «responsabilité partagée», c’est-à-dire «le lien entre le rôle de la Cour et celui des États Parties», qui «vise à atteindre un équilibre entre les niveaux national et européen du système de la Convention et une meilleure protection des droits, avec une meilleure prévention et des recours effectifs disponibles au niveau national». Les implications découlant des précédents projets, selon lesquels la «responsabilité partagée» et l’«équilibre» supposaient voire exigeaient à tort que la Cour se montre déférente, ne sont plus d’actualité et les menaces qui en résultaient pour l’indépendance de la Cour se sont dissipées.
6. La partie suivante de la Déclaration traite de la «mise en œuvre nationale effective – la responsabilité des États». Il est symboliquement important que cette partie ait été déplacée plus haut dans le texte alors qu’elle se trouvait en moins bonne place dans les versions précédentes. La Déclaration admet que l’ineffectivité de la mise en œuvre de la Convention au niveau national «demeure le principal défi auquel se heurte le système de la Convention» et que «la situation générale des droits de l’homme en Europe dépend de l’action des États et de leur respect des exigences de la Convention», ce qui fait écho à la propre déclaration de l’Assemblée. Le rôle du parlement est reconnu, tout comme celui du gouvernement, des autorités administratives, du système judiciaire et de la société civile. L’une des recommandations politiques appelle les gouvernements à veiller, «en y impliquant les parlements nationaux selon des modalités appropriées», à ce que les politiques et les pratiques administratives soient conformes à la Convention.
7. En toute logique, la partie sur l’exécution des arrêts de la Cour vient après celle sur la mise en œuvre nationale. L’exécution des arrêts est qualifiée d’«obligation clé». Là encore, les ambiguïtés que l’on trouvait dans les précédents projets ont été supprimées, les États réitérant leur «engagement fort (…) à exécuter les arrêts de manière pleine, effective et rapide». Les États sont par ailleurs appelés à prendre des mesures supplémentaires pour renforcer leurs capacités à exécuter les arrêts effectivement et rapidement. Malheureusement, ni le rôle des parlements nationaux ni la contribution de l’Assemblée ne sont reconnus à leur juste valeur.
8. Le rôle de la Cour est examiné dans la partie suivante. Certains des éléments les plus inquiétants et contestables du projet initial de déclaration de Copenhague portaient sur ce point et il est rassurant de constater que la sagesse collective des États Parties a conduit à leur suppression. Les assertions complexes et répétées en faveur d’une interprétation exagérée du principe de subsidiarité ont disparu, notamment celle qui aurait eu pour effet de rendre l’application de la Convention tributaire des «traditions constitutionnelles [des États] et (…) des circonstances nationales». Si la Déclaration contient toujours une analyse relativement longue sur la subsidiarité et la marge d’appréciation, elle est beaucoup plus conforme au cadre juridique habituel et à la jurisprudence de la Cour. Elle reste toutefois critiquable étant donné qu’elle s’appuie sur des extraits d’arrêts de la Cour sortis de leur contexte, ce contre quoi la Cour elle-même avait mis en garde dans son avis sur le premier projet de la Déclaration 
			(3) 
			Avis
sur le projet de déclaration de Copenhague, Cour européenne des
droits de l'homme, 19 février 2018.. Il est aussi à noter que les dispositions des premières versions qui visaient à limiter le rôle de la Cour dans les affaires d’immigration et d’asile ont été complètement supprimées.
9. La partie suivante, «Interaction entre les niveaux national et européen – la nécessité d’un dialogue», est au cœur de ce qui posait problème dans de nombreuses autres parties des premières versions du projet. La plupart des passages qui appelaient la Cour à tenir compte de positions politiques exprimées par des acteurs mal définis, dans le contexte de différentes enceintes non judiciaires, sapant ainsi l’indépendance judiciaire et donc la crédibilité et l’autorité de la Cour, ont disparu. Toutefois, on en retrouve clairement la trace lorsqu’il est question d’«un dialogue constructif et continu entre les États Parties et la Cour sur leurs rôles respectifs dans la mise en œuvre et le développement du système de la Convention, y compris le développement, par la Cour, des droits et des obligations énoncés dans la Convention», sans que les incidences pratiques et juridiques ne soient précisées. L’Assemblée recommandera aux États d’agir avec la plus grande prudence et retenue s’ils envisagent d’approfondir cette idée, y compris au moyen de la «réunion informelle» dont la tenue est suggérée en vue d’examiner «les développements généraux de la jurisprudence de la Cour». C’est dans le contexte des procédures judiciaires que les États sont censés discuter de questions jurisprudentielles avec la Cour, y compris au moyen de tierces interventions comme il est mentionné dans la Déclaration.
10. Dans la partie suivante, il est constaté que la charge de travail de la Cour «reste une cause de préoccupation sérieuse», un défi essentiel consistant à réduire l’arriéré d’affaires de chambre (c’est-à-dire des affaires qui sont à première vue recevables et non répétitives, soulèvent potentiellement de graves questions en matière de droits de l’homme et exigent un examen judiciaire approfondi). La Déclaration mentionne également le problème persistant des affaires répétitives et la nécessité de résoudre les problèmes systémiques et structurels sous-jacents au niveau national. Malheureusement, il n’est fait aucune nouvelle proposition pour s’attaquer à ces problèmes; par exemple, l’idée d’infliger des pénalités financières aux États qui omettent durablement de résoudre des problèmes systémiques ou structurels ayant fait l’objet d’arrêts répétés de la Cour semble toujours inenvisageable, sauf si c’est ce qu’il faut entendre par l’appel «à réfléchir aux moyens les plus effectifs de traiter le défi». L’appel, adressé à la Cour, «à continuer d’explorer tous les moyens de gérer sa charge de travail (…), y compris à travers des procédures et techniques visant à traiter et juger les requêtes les plus simples selon une procédure simplifiée, tout en respectant dûment les droits de toutes les parties à la procédure», pourrait se révéler préoccupant. Les mots que j’ai mis en italiques sont essentiels: la Cour ne doit pas affaiblir les droits procéduraux des requérants (ni des États), ni atténuer la transparence de ses procédures dans ses efforts visant à réduire sa charge de travail. À cet égard, je rappelle qu’il a fallu cinq ans pour faire évoluer la pratique de la Cour consistant à ne pas motiver les décisions de non-recevabilité prises par un juge unique, malgré les critiques répétées de la part des requérants et de leurs représentants. Enfin, une disposition antérieure qui semblait proposer d’exclure de la juridiction de la Cour les affaires interétatiques et ayant trait à des situations de conflit a été rejetée; la version finale de la Déclaration appelle plutôt à explorer les moyens de traiter ces affaires de manière plus effective «sans limiter pour autant la juridiction de la Cour». Il aurait été préférable de préciser aussi que le droit de recours individuel dans les affaires liées à des conflits ne serait pas limité.
11. La partie suivante porte sur la sélection des candidats aux fonctions de juge à la Cour et leur élection. Ce point revêt un intérêt particulier pour l’Assemblée; en vertu de la Convention, l’élection des juges relève de la responsabilité de l’Assemblée, qui depuis de longues années veille à ce que les procédures nationales de sélection des candidats soient ouvertes, équitables et transparentes. La procédure d’élection au sein de l’Assemblée a également été renforcée au fil des années, notamment par la création d’une commission spéciale sur l’élection des juges à la Cour, dont les membres doivent obligatoirement avoir un profil juridique. Plus récemment, la commission sur l’élection des juges s’est concertée avec le panel consultatif, qui offre une assistance aux États pour que seuls soient sélectionnés des candidats répondant aux exigences de la Convention. Je ne doute pas que l’Assemblée demeure déterminée à chercher systématiquement à améliorer ses propres procédures et à encourager les États à améliorer les leurs; les États, quant à eux, doivent prendre soin de respecter les prérogatives conférées par la Convention à l’Assemblée. Celles-ci ont été délibérément établies pour protéger l’indépendance judiciaire de la Cour envers les États Parties.
12. Les deux parties qui suivent portent sur des questions diverses, notamment l’adhésion de l’Union européenne à la Convention et la ratification des Protocoles nos 15 et 16. Je soutiens totalement l’appel à l’adhésion de l’Union européenne formulé dans la Déclaration.
13. Les dispositions finales de la Déclaration de Copenhague appellent à entreprendre d’autres actions; l’Assemblée parlementaire, notamment, est invitée à «donner pleinement effet» à la Déclaration. À cet égard, je regrette que la Présidence danoise n’ait pas associé l’Assemblée à la rédaction de la Déclaration; l’Assemblée a pourtant mené la campagne de 1949 pour une convention sur les droits de l’homme et, en tant qu’organe conventionnel (élection des juges), elle joue un rôle politique important depuis des décennies en œuvrant à promouvoir la Convention et sa mise en œuvre effective par les États membres, notamment par la contribution des parlements nationaux. Le Président de l’Assemblée a été invité à s’exprimer à la Conférence de Copenhague, mais, à ce stade, le texte de la Déclaration avait déjà été finalisé. Si les États membres veulent réellement associer des acteurs tel que l’Assemblée, mais aussi, par exemple, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe (qui exerce lui aussi une fonction spécifique dans le cadre de la Convention) et la société civile (notamment les représentants des requérants), au processus de réforme, celui-ci doit être plus ouvert et plus inclusif dans toutes ses étapes, y compris lors de la rédaction de déclarations importantes. Cela dit, les États Parties peuvent être assurés que l’Assemblée continuera de soutenir et défendre le système de la Convention, d’améliorer sa propre contribution et d’encourager toutes les autorités nationales concernées à remplir leurs obligations.

3. Conclusions

14. La Déclaration de Copenhague, telle qu’elle a été adoptée, est très différente du premier projet proposé par la présidence danoise deux mois plus tôt. Une conclusion évidente à tirer de ce constat est que la plupart des États membres ne partagent pas les préoccupations du Gouvernement danois concernant le système de la Convention et la jurisprudence de la Cour – ou s’ils les partagent, ils reconnaissent que les avantages importants offerts par le système actuel pour les droits individuels et la sauvegarde des libertés, de la démocratie, de la paix et de la sécurité en Europe l’emportent sur les désagréments occasionnels liés à certains arrêts, ou encore ils n’étaient pas prêts à accepter les mesures radicales et potentiellement préjudiciables proposées en réponse à ces préoccupations (ou les deux). Quoi qu’il en soit, les États membres ont ainsi réaffirmé à un haut niveau leur attachement au système de la Convention, leur volonté d’honorer leurs obligations au titre de la Convention et leur reconnaissance du rôle de la Cour en tant qu’instance judiciaire indépendante qui interprète et applique les droits garantis dans la Convention. Il faut s’en réjouir, même si dans un monde idéal tout cela irait de soi.
15. La Déclaration n’est cependant pas parfaite, bien que ses défauts soient aujourd’hui relativement mineurs. Elle reconnaît certes que l’ineffectivité de la mise en œuvre de la Convention au niveau national et l’exécution insuffisante des arrêts de la Cour demeurent les principaux problèmes, mais n’offre guère de solutions nouvelles. Elle contient toujours de vagues idées, qui n’en sont pas moins problématiques d’un point de vue conceptuel, sur le «dialogue» entre les États Parties et la Cour, y compris sur l’interprétation des droits énoncés dans la Convention, qui pourraient être développées de manière à menacer l’indépendance de la Cour.
16. Plus généralement, il subsiste quelques traces du problème fondamental sous-jacent au projet initial, à savoir l’incapacité manifeste à apprécier la complexité, la subtilité et la finesse du système de la Convention. Les formules toutes faites sur l’indépendance de la Cour et le rôle des autres acteurs, notamment l’Assemblée et la société civile, ne masquent pas entièrement la genèse de la Déclaration, dont le texte initial visait à octroyer une influence prépondérante aux États Parties, ce qui aurait considérablement déséquilibré et réduit l’effectivité du système tout entier. Si, comme on l’a vu plus haut, les dommages les plus graves ont été évités, l’Assemblée et les autres parties prenantes doivent rester sur leurs gardes et veiller à ce que la Déclaration de Copenhague ne soit pas instrumentalisée à l’avenir pour justifier des positions ou des mesures incompatibles avec les principes essentiels du système de la Convention, au détriment de la protection des droits de l’homme en Europe.