1. Introduction
1. Le Haut-Commissariat des Nations
Unies pour les réfugiés (HCR) a décrit 2016 comme l’année où les déplacements
forcés de populations à travers le monde ont atteint des niveaux
record
. Si le nombre de réfugiés
arrivant en Europe sont repartis à la baisse en 2017, on peut considérer
que les chiffres restent excessivement élevés à l’échelle internationale.
Le HCR a comptabilisé 172 301 personnes arrivées par bateau en Europe
et fait état de 3 139 personnes mortes ou portées disparues
. Face à une tragédie
humaine d’une telle ampleur, souvent orchestrée par des trafiquants
sans scrupules, l’Europe doit offrir des solutions alternatives
sûres afin que les demandeurs d’asile puissent solliciter une protection
internationale sans risquer leur vie dans des embarcations ou véhicules
surpeuplés. L’une d’elles consiste à traiter les demandes d’asile dans
les pays d’origine ou de transit.
2. Au paragraphe 9.4 de sa
Résolution 2000 (2014) sur l’arrivée massive de flux migratoires mixtes sur
les côtes italiennes, l’Assemblée parlementaire invitait les États
membres «à répondre positivement à la suggestion du ministre italien
de l’Intérieur et d’autres d’installer des camps dans les pays d’Afrique
du Nord afin de traiter les demandes d’asile et de protection internationale,
dans le but d’intercepter les migrants avant qu’ils ne prennent
la mer; une réflexion devrait être menée sur la possibilité d’établir
des centres auxquels le Haut-Commissariat des Nations Unies pour
les réfugiés aurait accès afin de protéger les droits de l’homme». La
Résolution 2147 (2017) sur la nécessité de réformer les politiques migratoires
européennes appelait l’Union européenne à étudier les possibilités
de créer des «hotspots» hors d’Europe.
3. Le prix Raoul Wallenberg, décerné tous les deux ans par le
Conseil de l’Europe, récompense des avancées importantes dans le
domaine humanitaire, perpétuant ainsi la mémoire de ce grand diplomate suédois
qui, entre juillet et décembre 1944, sauva près de 10 000 Juifs
à Budapest en leur délivrant des «passeports de protection» et en
leur donnant refuge dans des locaux diplomatiques. Des mesures du
même ordre avaient été prises par Mgr Angelo Rotta,
nonce à Budapest, qui établit plus de 15 000 «certificats de protection»,
par le vice-consul suisse Carl Lutz, qui rédigea quelque 8 000 «lettres
de protection», par l’ambassade espagnole, qui délivra 5 200 «passeports
de protection», et par l’ambassade portugaise, qui fournit près
d’un millier de sauf-conduits à des Juifs ayant de la famille au
Portugal, au Brésil ou dans les colonies portugaises. En outre,
la Turquie a délivré de nombreux visas de transit et admis de nombreux réfugiés
juifs. Ces initiatives exceptionnelles prises par les missions diplomatiques
durant la seconde guerre mondiale pourraient servir d’exemple pour
délivrer des visas humanitaires aux personnes qui sont aujourd’hui persécutées
en proposant un traitement extraterritorial de leurs demandes par
les services consulaires.
4. Le «traitement extraterritorial» désigne le fait pour un État
d’examiner une demande d’asile en dehors de son territoire, mais
dans l’exercice de ses compétences. Sont concernés les missions
diplomatiques, les ambassades et les consulats en territoire étranger,
ainsi que les navires dans les eaux internationales. Ceci vaut également
pour les missions des organisations internationales, comme la Mission
d’appui des Nations Unies en Libye
, la Mission d’assistance
des Nations Unies pour l’Irak
et la Mission d’assistance
des Nations Unies pour l’Afghanistan
, ainsi que le Bureau
du représentant du HCR en Syrie
. L’Union européenne maintient
aussi des missions extraterritoriales, comme la Mission de l’Union
européenne d’assistance aux frontières en Libye
et les délégations de l’Union européenne
en Afghanistan
, en Irak
et en Syrie
.
5. Ayant déposé une proposition de résolution en la matière
, je souhaite contribuer par le présent
rapport aux débats parlementaires que la question suscite partout
en Europe et à la définition d’approches communes concernant les
aspects juridiques et pratiques du traitement extraterritorial des
demandes d’asile. Je tiens à remercier les membres des commissions
et les experts internationaux qui ont activement participé à l’élaboration
du présent rapport, tout particulièrement Mme Carol Batchelor,
directrice de la Division des services de la protection internationale
du HCR à Genève, M. Othman Belbeisi, chef de la mission de l’Organisation
internationale pour les migrations (OIM) en Libye, et M. Leonello Gabrici,
chef de la Division «Migration et sécurité humaine» au sein du Service
européen pour l’action extérieure de la Commission européenne à
Bruxelles.
2. Normes internationales applicables
aux demandes d’asile
6. Tout traitement extraterritorial
des demandes d’asile doit être effectué dans le respect des normes juridiques
applicables en droit international et des obligations juridiques
européennes. En conséquence, il importe de rappeler ces normes.
2.1. Conseil de l’Europe
7. La Convention européenne des
droits de l’homme (STE no 5, «la Convention»)
s’applique aussi aux affaires d’asile
, bien qu’elle ne contienne pas de
dispositions relatives au droit d’asile. Elle garantit cependant des
droits fondamentaux s’y rapportant
, tels que l’interdiction de la torture
et des traitements inhumains ou dégradants (article 3), le droit
à la liberté et à la sûreté (article 5), le droit à un recours effectif
(article 13) et l’interdiction des expulsions collectives d’étrangers
(article 4 du Protocole no 4 à la Convention
(STE no 46)). La Convention peut aussi
être applicable en dehors du territoire des États membres
.
8. La Cour européenne des droits de l’homme a établi une jurisprudence
en la matière. Par exemple, dans des affaires ayant pour objet l’expulsion
de migrants, la Cour a conclu indirectement à la violation de l’obligation de
non-refoulement en vertu du droit international, estimant que les
requérants risquaient d’être soumis à la torture ou de subir d’autres
violations graves des droits de l’homme
. À ce sujet, le Comité des Ministres
a adopté la Recommandation no R (98)
13 sur le droit de recours effectif des demandeurs d’asile déboutés
à l’encontre des décisions d’expulsion dans le contexte de l’article
3 de la Convention européenne des droits de l’homme
.
9. Le Comité des Ministres a aussi traité des normes en matière
d’asile par le biais de sa Résolution (67) 14 sur l’asile en faveur
des personnes menacées de persécution
et de sa Recommandation no R
(81) 6 sur l’harmonisation des procédures nationales en matière
d’asile
. Dans sa Recommandation no R
(97) 22, il a énoncé des lignes directrices sur l’application de
la notion de pays tiers sûr
. Il a en outre adopté,
le 1er juillet 2009, des lignes directrices
sur la protection des droits de l’homme dans le contexte des procédures
d’asile accélérées
.
10. La détention des demandeurs d’asile est spécifiquement abordée
dans la Recommandation Rec(2003) 5 du Comité des Ministres
. S’agissant des migrants, leur détention
n’est admissible, conformément à l’article 5.1.
f de la Convention européenne des
droits de l’homme, que «s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention
régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement
dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion
ou d’extradition est en cours».
11. L’Assemblée s’est fréquemment penchée sur la question de l’asile
et des réfugiés. Dans le présent rapport, je me limiterai à mentionner
la
Recommandation 434 (1965) relative à l’application du droit d’asile aux réfugiés
européens, la
Recommandation 1088 (1988) relative au droit d’asile territorial, la
Résolution 1471 (2005) sur les procédures d’asile accélérées dans les États
membres du Conseil de l’Europe, la
Résolution 1707 (2010) sur la rétention administrative des demandeurs d’asile
et des migrants en situation irrégulière en Europe, et la
Résolution 1918 (2013) «Migration et asile: montée des tensions en Méditerranée orientale».
12. Enfin, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de
l’Europe s’est lui aussi intéressé à la question des droits de l’homme
des immigrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile
. Le Secrétaire Général du Conseil
de l’Europe a par ailleurs nommé un représentant spécial sur les
migrations et les réfugiés.
2.2. Union européenne
13. L’Union européenne elle-même
n’a pas compétence pour délivrer des visas ou accorder l’asile. Cependant,
aux termes de l’article 18 de la Charte des droits fondamentaux
de l’Union européenne, «le droit d'asile est garanti dans le respect
des règles de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole
du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés et conformément
au traité sur l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement
de l’Union européenne».
14. Le droit de l’Union européenne réglemente ce sujet avec la
Directive 2013/32/UE relative aux procédures d’asile, la Directive 2013/33/UE
relative aux conditions d’accueil, la Directive 2011/95/UE relative aux
conditions à remplir, le Règlement Dublin III no 604/2013
et le Règlement EURODAC no 603/2013 pour
la comparaison des empreintes digitales à des fins répressives.
En outre, l’article 19 de la Charte des droits fondamentaux interdit
le refoulement, à savoir que nul ne peut être éloigné, expulsé ou
extradé vers un État où il existe un risque sérieux qu'il soit soumis
à la peine de mort, à la torture ou à d’autres peines ou traitements inhumains
ou dégradants.
15. La Cour de justice de l’Union européenne a précisé dans l’arrêt
rendu en l’affaire
X et X c. État belge (C‑638/16),
qui concernait des Syriens ayant demandé l’asile auprès de l’ambassade
de Belgique à Beyrouth, que les États membres n’étaient pas tenus,
en vertu du droit de l’Union, d’accorder un visa humanitaire aux personnes
souhaitant se rendre sur leur territoire dans l’intention de demander
l’asile, mais qu’ils demeuraient libres de le faire sur la base
de leur droit national
.
16. La notion de premier pays d’asile a été incorporée dans le
droit de l’Union européenne
. Elle est utilisée avec
le concept de pays d’origine sûr
pour déterminer si
une personne peut demander asile dans un autre pays. Plusieurs États
membres de l’Union européenne ont dressé une liste de pays d’origine
sûrs
et l’Union européenne a proposé une
harmonisation de ces listes à l’échelle européenne
. Cependant, l’initiative d’une liste
commune des pays d’origine sûrs a été malheureusement suspendue
par le Conseil de l’Union européenne en 2017
.
17. Le droit de l’Union européenne influence aussi les pays non
membres de l’Union. Bien qu’elle n’en soit pas membre, la Suisse
applique par exemple le règlement Dublin III de l’Union européenne
.
18. Se fondant sur l’expérience des «hotspots» en Grèce et en
Italie
, approche dont la Cour des comptes européenne
a récemment pointé les insuffisances
, l’Union européenne discute depuis
2015 de la possibilité de mettre en place des centres de réfugiés
à l’extérieur de l’Union européenne. La Commission européenne prépare
actuellement un nouvel ensemble de propositions concernant le renvoi
des migrants en situation irrégulière, la solidarité avec l’Afrique
et l’ouverture de voies de migration légales vers l’Union européenne
.
2.3. Nations Unies
19. La Convention des Nations Unies
de 1951 relative au statut des réfugiés est le fondement du droit international
en matière d’asile et de procédures d’asile. Elle compte 145 États
Parties et 146 États ont adhéré à son protocole de 1967. Cependant,
elle ne prévoit aucune obligation spécifique concernant la procédure d’octroi
de la protection aux réfugiés, hormis l’interdiction du refoulement
énoncée à l’article 33.
20. Le HCR a publié un guide à l’usage des parlementaires nationaux
qui effectue un tour d’horizon de l’asile en droit international
et régional
.
21. Le HCR a également publié des principes pour les demandeurs
d’asile et les réfugiés secourus en mer, qui incluent les principes
d’accès aux procédures d’asile
.
3. Délivrance de visas au titre de l’asile
à l’étranger: exemples nationaux
22. À l’initiative du Président
français Emmanuel Macron, les chefs d’État et de gouvernement d’Allemagne, d’Espagne,
de France et d’Italie, ainsi que la Haute représentante de l’Union
européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité,
se sont réunis à Paris le 28 août 2017 et ont adopté une déclaration conjointe
avec les chefs d’État et de gouvernement du Niger et du Tchad et
le Président du Conseil présidentiel libyen
. Le texte comporte une annexe dans
laquelle ils se déclarent favorables à la mise en place d’un dispositif
juridique pour les personnes originaires des pays du Sahel qui ont
besoin d’une protection internationale. Le dispositif envisagé prévoit
le dépôt des demandes d’asile par l’intermédiaire de «missions de protection»,
en lien avec le HCR, après leur enregistrement dans le pays de premier
accueil.
23. Le Gouvernement français a ensuite annoncé sa volonté d’accueillir,
d’ici un an, 3000 réfugiés en provenance du Tchad et du Niger à
l’issue de missions lancées dans ces deux pays pour identifier des personnes
pouvant bénéficier du droit d’asile et organiser leur transfert.
24. Le HCR s’est félicité de la déclaration de Paris du 28 août 2017
, mais certaines organisations non gouvernementales
(ONG) internationales ont émis des critiques à propos de cette approche
.
25. Le HCR a participé activement aux procédures de détermination
individuelle du statut de réfugié, mais cette action a malheureusement
été suspendue
. Bien que la responsabilité première
de cet examen revienne aux États, le HCR s’en est chargé dans le
cadre de son programme de détermination du statut de réfugié lorsqu’ils
ne le pouvaient pas. En 2013, il a ainsi enregistré 203 200 demandes
d’asile individuelles. Les retards de traitement s’accumulent néanmoins:
252 800 dossiers sont en attente d’une décision du fait de l’augmentation
considérable des demandes en 2013.
26. Les législations nationales sont très différentes. Par exemple,
en ce qui concerne l’Allemagne, en vertu de l’article 22 de la loi
fédérale relative au séjour, à l’emploi et à l’intégration des étrangers
(
Aufenthaltsgesetz), des demandes
de visas humanitaires peuvent être déposées, à titre exceptionnel,
auprès des missions diplomatiques à l’étranger
. La Norvège a également
défini des règles relatives au traitement des demandes d’asile par
ses ambassades à l’étranger
.
27. Le Centre européen de recherche et de documentation parlementaires
(CERDP) s’est aussi employé à rassembler d’autres informations sur
les législations nationales
. Je suis très reconnaissant à la
majorité des membres du CERDP qui ont fourni des réponses souvent
substantielles, lesquelles ont montré que seuls quelques États sont
dotés d’une législation permettant l’octroi extraterritorial de
visas humanitaires ou du statut de réfugié, tandis que d’autres
législations et pratiques nationales ouvrent la voie à des procédures exceptionnelles
par le biais des missions diplomatiques ou consulaires:
PAYS
|
DÉLIVRANCE
EXTRATERRITORIALE
DE
VISAS HUMANITAIRES
|
DÉTERMINATION
EXTRATERRITORIALE
DU
STATUT DE RÉFUGIÉ
|
Albanie
|
NON
|
NON
|
Allemagne
|
OUI
|
NON
|
Andorre
|
NON
|
NON
|
Autriche
|
NON. Toutefois, en cas
de regroupement familial, un membre de la famille d’une personne
ayant obtenu le statut de réfugié ou bénéficiant d’une protection
subsidiaire peut déposer une demande de visa d’entrée en vue de
chercher à obtenir une protection internationale une fois dans le
pays.
|
NON
|
Belgique
|
OUI. Les demandes de
visas pour raisons humanitaires ne sont pas prévues par la loi mais dans
la pratique entrent dans le champ d’application de l’une des deux
catégories de visas, à savoir les visas de longue durée ou les visas
de courte durée.
|
NON
|
Canada
|
OUI. Le Canada permet
la réinstallation des personnes qui se trouvent dans une situation analogue
à celle des réfugiés. Les demandeurs peuvent être admis au Canada
en tant que résidents permanents pour des raisons humanitaires pour
peu qu’ils répondent à la définition prévue par la Catégorie de
personnes de pays d’accueil qui concerne les personnes dans une
situation analogue à celles des réfugiés qui ne sont pas éligibles
au statut de réfugié en vertu de la Convention. Les fonctionnaires
des services de la citoyenneté et de l’immigration du Canada qui travaillent
à l’étranger identifient les individus qui ont besoin de l’aide
du Canada et qui semblent pouvoir réussir leur installation au Canada.
|
OUI. Le demandeur doit
remplir les critères de la définition prévue par la Catégorie des
réfugiés au sens de la Convention outre-frontières. Les bureaux des
visas n’examineront que les demandes qui leur auront été transmises
par les organisations d’orientation des réfugiés tel que le HCR
ou celles qui seront accompagnées par un parrainage privé.
|
Croatie
|
NON
|
NON
|
Espagne
|
NON. Les services consulaires
espagnols peuvent toutefois délivrer un visa pour l’Espagne en vue d’une
demande d’asile (visa pour raisons humanitaires) mais cette possibilité
est à la discrétion du consul.
|
NON
|
Estonie
|
NON
|
NON
|
Finlande
|
NON
|
NON
|
France
|
OUI. Les services consulaires
français ont compétence pour délivrer des visas de longue durée
en vue d’une demande d’asile dès l’arrivée (visa pour raisons humanitaires).
Cette pratique n’est pas prévue par la loi; les autorités ont un pouvoir
discrétionnaire pour décider de délivrer ce type de visa.
|
NON. Toutefois, le Président
français a adopté une déclaration conjointe avec les chefs d’État
et de gouvernement du Niger et du Tchad et le Président du Conseil
présidentiel libyen. Par ce texte, ils se déclarent favorables à
la mise en place d’un dispositif juridique pour les personnes originaires des
pays du Sahel qui ont besoin d’une protection internationale. Le
dispositif envisagé prévoit le dépôt des demandes d’asile par l’intermédiaire
de «missions de protection», en lien avec le HCR, après leur enregistrement
dans le pays de premier accueil.
|
Hongrie
|
NON
|
NON
|
Islande
|
NON
|
NON
|
Irlande
|
NON
|
NON
|
Israël
|
OUI. Les services diplomatiques/consulaires
à l’étranger peuvent délivrer des visas pour raisons humanitaires.
Le ministère de l’Intérieur peut aussi octroyer un visa pour une
raison spéciale (qui n’est pas définie).
|
NON
|
Lettonie
|
NON
|
NON
|
Lituanie
|
NON
|
NON
|
Luxembourg
|
NON
|
NON
|
Monténégro
|
OUI. Les services consulaires/diplomatiques
du Monténégro traitent les demandes de visas, et peuvent ensuite
prolonger la durée des visas pour raisons humanitaires.
|
NON
|
Pays-Bas
|
OUI. Les services consulaires
ou diplomatiques à étranger peuvent délivrer des visas de courte
durée pour des raisons humanitaires. Ces services peuvent aussi
octroyer des visas permettant de demander l’asile dès l’arrivée
dans le pays.
|
OUI. Des visas de longue
durée sont délivrés à des personnes dont le statut de réfugié a
déjà été déterminé dans le cadre d’une réinstallation (individus
proposés par le HCR puis sélectionnés par les agents néerlandais).
|
Norvège
|
NON
|
NON
|
Pologne
|
OUI
|
NON. Toutefois, un étranger
peut demander l’asile tandis qu’il séjourne à l’étranger puis se
rendre en Pologne sur la base d’un visa national octroyé par les
services diplomatiques ou consulaires polonais, afin de prendre
part à la procédure d’asile.
|
Portugal
|
NON
|
NON
|
Royaume-Uni
|
NON
|
NON
|
Saint-Marin
|
OUI. Des permis de séjour
extraordinaires peuvent être accordés à des étrangers pour des raisons humanitaires
spécifiques.
|
NON
|
Serbie
|
NON
|
NON
|
République slovaque
|
NON
|
NON
|
Slovénie
|
NON
|
NON
|
Suède
|
NON
|
NON. Il est possible
de déposer une demande d’asile dans un service consulaire ou diplomatique suédois
à l’étranger. Elle sera ensuite transmise à l’Office suédois des
migrations. Elle ne pourra toutefois pas être traitée, car le demandeur
n’est pas présent en Suède.
|
République tchèque
|
NON
|
NON
|
Turquie
|
NON. La Turquie délivre
des permis de séjour humanitaires pour les victimes identifiées
en Turquie seulement. Selon le Programme d'aide aux victimes, des
permis de séjour de courte durée (6 mois) sont accordés aux victimes
de la traite d’êtres humains au cours de leur traitement, de leurs
soins de santé et de leurs procédures judiciaires
|
NON
|
Ukraine
|
NON
|
NON
|
28. Par ailleurs, dans plusieurs
pays, les autorités ont mis en place un site web offrant des informations
en langues étrangères relatives aux conditions à remplir pour obtenir
l’asile et indiquant les chances de voir la demande aboutir. Ces
informations ne préjugent en rien de la décision qui sera prise
après le traitement du dossier en bonne et due forme, mais peuvent
néanmoins être utiles aux demandeurs d’asile potentiels se trouvant
à l’étranger.
29. L’asile extraterritorial ou les visas humanitaires délivrés
de manière extraterritoriale sont à distinguer des procédures de
contrôle des passagers avant embarquement mises en place par exemple
par le Royaume-Uni, le Canada ou les États-Unis dans les aéroports
étrangers. Ces contrôles en amont visent à identifier les personnes
non autorisées à entrer dans le pays, avant même qu’elles ne quittent
le territoire étranger. Lorsque ces procédures sont appliquées dans
le but d’empêcher les membres d’un groupe ethnique particulier de demander
l’asile, un tel profilage peut constituer une violation des obligations
de lutte contre la discrimination, comme l’a affirmé la Chambre
des Lords britannique dans l’arrêt rendu le 9 décembre 2004 dans
l’affaire
Regina v. Immigration Officer
at Prague Airport and Another (Respondents)
ex parte European Roma Rights Centre and Others (Appellants)
.
4. Critiques relatives à l’externalisation
du traitement des demandes d’asile
30. Le traitement extraterritorial
des demandes d’asile fait l’objet de recherches juridiques depuis
de nombreuses années
. Cependant, la création de centres
de réfugiés hors d’Europe a aussi donné lieu à des critiques
.
31. Les initiatives européennes devraient par ailleurs éviter
les écueils constatés dans le cadre de la solution imaginée par
l’Australie. Au cours des vingt dernières années, environ 60 000 personnes
sont arrivées en Australie par la mer. De 2001 à 2007, l’Australie
a transféré les demandeurs d’asile vers des centres de rétention
aménagés sur des îles du Pacifique, mais a abandonné cette pratique
en 2008 puis fermé ces installations par la suite, comme le centre
de traitement régional de Manus en Papouasie-Nouvelle-Guinée, fermé
le 31 octobre 2017
. Le sort des demandeurs d’asile dans
ces centres fermés reste une grave source de préoccupation.
5. Aspects pratiques de la délivrance
à l’étranger de visas au titre de l’asile
5.1. Types de visas régis par le droit
interne
32. Une personne peut solliciter
l’asile ou demander à bénéficier d’autres formes de protection internationale,
comme la protection subsidiaire en vertu du droit de l’Union européenne,
ou la protection temporaire accordée par certaines lois nationales.
Les demandeurs pourront avoir besoin d’un conseil juridique sur
les différents types de visas existants, afin de faire le bon choix.
33. En outre, le droit interne peut prévoir la délivrance de visas
humanitaires dans des circonstances exceptionnelles. Étant donné
la nature exceptionnelle de tels visas, des procédures d’exception,
comme la délivrance extraterritoriale de ces visas, apparaissent
moins problématiques.
34. Enfin, il est possible de demander des visas en vue d’un regroupement
familial. Pour cette catégorie de visas, différentes formalités
sont requises, et notamment apporter la preuve de l’existence de
liens familiaux. Le traitement extraterritorial de ce type de visas
pourrait empêcher les membres de la famille d’entrer dans un pays
sans visa.
5.2. Exigences procédurales
35. Pendant l’instruction de leur
dossier, les demandeurs d’asile pourront avoir besoin d’un hébergement, d’un
accompagnement et d’une aide (nourriture et habillement, accès aux
soins et assistance juridique) pendant toute la durée de la procédure.
À cet égard, la Directive 2013/33/UE relative aux conditions d’accueil établit
les normes applicables au sein de l’Union européenne.
36. Les directives européennes pourraient ne pas être applicables
aux procédures se déroulant en dehors du territoire de l’Union.
Quant à la Convention relative au statut des réfugiés, elle ne contient
pas de règles régissant spécifiquement le traitement des demandes
d’asile. Le HCR a néanmoins publié des lignes directrices visant
à garantir des procédures d’asile équitables et efficaces, qui pourraient
guider les autorités nationales pour le traitement des demandes
à l’étranger
.
37. Dans ce contexte, le rapport de décembre 2010 du comité consultatif
sur les questions migratoires du Gouvernement néerlandais
ne se contente pas de rendre compte
des débats et de présenter une description détaillée de certaines
approches nationales. Il souligne aussi que les demandeurs déboutés
à l’issue d’une procédure extraterritoriale doivent avoir la possibilité
de demander un réexamen de la décision par les instances nationales.
Celles-ci pourraient exiger des procédures spéciales accessibles
aux demandeurs à l’étranger.
38. Il ressort des derniers chiffres publiés par Eurostat, l’Office
statistique de l’Union européenne, que 46 % des demandeurs d’asile
se sont vu octroyer l’asile ou une protection subsidiaire par des
États membres de l’Union européenne
.
39. L’examen d’un nombre élevé de demandes d’asile constitue néanmoins
un fardeau pour les autorités nationales. En Allemagne, par exemple,
le
Bundesamt für Migration und Flüchtlinge (office
fédéral des migrations et des réfugiés dont le siège est à Nuremberg)
a rendu près de 500 000 décisions en 2017 et dépensé 20 millions d’euros
en frais de justice du fait des plus de 200 000 recours formés à
l’encontre de ces décisions
.
40. Par ailleurs, le comité consultatif néerlandais a conclu que
l’interdiction du refoulement énoncée à l’article 33 de la Convention
relative au statut des réfugiés pourrait ne pas être applicable
aux actes accomplis en dehors du territoire d’un État, alors que
les obligations découlant de l’article 3 de la Convention européenne des
droits de l’homme seraient également applicables dans un contexte
extraterritorial
.
5.3. Transfert des personnes ayant reçu
une réponse favorable
41. En cas de décision positive,
le demandeur d’asile doit évidemment être transféré vers le pays
qui a accordé l’asile.
42. Selon les estimations de l’Organisation de coopération et
de développement économiques (OCDE), le coût du traitement des dossiers
et de l’hébergement des demandeurs d’asile s’élèverait à près 10 000 euros par
demande la première année
. En 2015 par exemple, au plus fort
de la crise migratoire en Europe, l’Allemagne a dépensé 16 milliards d’euros
pour 900 000 demandeurs d’asile en Allemagne et la Suède six milliards d’euros
pour 163 000 demandeurs d’asile en Suède.
43. Les demandeurs pourraient exprimer une préférence pour certains
pays européens plutôt que d’autres, suivant les possibilités légales
d’obtenir une protection internationale ainsi que les conditions
de vie en général. Par conséquent, pour être viable, le traitement
extraterritorial des demandes d’asile devrait s’inscrire dans le cadre
d’une approche européenne commune. Cependant, les demandeurs ayant
reçu une réponse favorable à l’issue des procédures extraterritoriales
auraient probablement du mal à obtenir une relocalisation dans des États
membres de l’Union européenne, dans la mesure où cela nécessiterait
une décision des États membres de l’Union européenne
.
44. Un dispositif spécifique d’appui aux pays accueillant des
réfugiés pourrait s’avérer indispensable. L’Union européenne soutient
financièrement ses États membres et d’autres États par le biais
de divers programmes. À noter en particulier le Fonds Asile, Migration
et Intégration, doté d’un budget de 3,137 milliards d’euros pour
la période 2014-2020
, ainsi que la facilité de l’Union
européenne en faveur des réfugiés en Turquie, dotée d’un budget
de 3 milliards d’euros pour la période 2016-2017
. Face à l’afflux sans précédent de
réfugiés en provenance de Syrie, l’Union européenne et ses États
membres ont recours à différentes modalités de financement de l’aide.
Plus de 10,4 milliards d’euros ont été mobilisés depuis le début de
la crise en 2011
.
5.4. Assistance aux demandeurs d’asile
dont la requête a été rejetée
45. Beaucoup des demandeurs d’asile
déboutés pourraient ne pas vouloir retourner dans leur pays d’origine.
Il est par conséquent essentiel d’apporter un soutien à ces personnes,
de même qu’au pays sur le territoire duquel elles sont physiquement
présentes.
6. Conclusions
46. Il existe très peu d’exemples
– d’autant plus louables qu’ils sont rares – de cas où des visas
ont été délivrés à l’étranger au titre de l’asile pour raisons humanitaires.
Le droit interne de certains États membres permet en principe la
délivrance de visas humanitaires ou de visas en vue d’une demande
d’asile par l’intermédiaire de leurs services diplomatiques ou consulaires
à l’étranger.
47. L’Union européenne n’a pas compétence pour délivrer des visas
au titre de l’asile ni aucun autre type de visa pour le territoire
des États membres, mais les États peuvent s’entendre au niveau européen
sur des questions telles que les procédures d’asile, les conditions
d’accueil des demandeurs et la réinstallation des personnes sous
protection internationale. L’Union européenne peut en outre apporter
un soutien financier ou aider par le biais de la coopération technique
les États membres qui acceptent des personnes bénéficiant de la
protection internationale ou pour des motifs purement humanitaires.
48. En vertu du droit international, les intéressés doivent demander
l’asile ou un visa humanitaire dans le premier pays où ils arrivent
après avoir fui leur propre pays. Cependant, certains de ces pays
de première arrivée pourraient ne pas être à même de fournir des
conditions d’accueil appropriées à toutes les personnes recherchant
la protection internationale.
49. Les Nations Unies sont généralement présentes dans les pays
de première arrivée des demandeurs d’asile par l’intermédiaire du
HCR et d’autres institutions et organes des Nations Unies, qui fournissent
une assistance aux personnes en quête de protection internationale
ainsi qu’aux autorités nationales chargées d’examiner les demandes
d’asile. Les Nations Unies peuvent aussi aider à la relocalisation
et à la réinstallation des personnes sous protection internationale
ou au retour des personnes qui n’ont pas réussi à obtenir une protection
internationale.
50. Des États tiers doivent délivrer des visas au titre de l’asile
ou des visas humanitaires lorsque les conditions dans les pays de
première arrivée sont inappropriées, par exemple en raison d’un
afflux massif de réfugiés ou au motif que les normes en matière
de droits de l’homme ne sont pas respectées dans le pays concerné.
Les Nations Unies peuvent contribuer à apprécier la situation concrète
des intéressés et apporter une assistance aux services diplomatiques
ou consulaires des États pour le traitement extraterritorial des demandes
d’asile.
51. Les personnes secourues par des bateaux dans les eaux internationales
doivent pouvoir demander l’asile dans le premier port sûr, conformément
au droit international. Aux termes de l’annexe à la Convention internationale
de 1979 sur la recherche et le sauvetage maritimes, lorsqu’une phase
de détresse est déclarée, il faut en aviser «les autorités consulaires
ou diplomatiques intéressées et, si l’événement concerne un réfugié ou
un expatrié, le siège de l’organisation internationale compétente».