1. Introduction
1. Le droit au respect de la vie
privée et familiale est un droit fondamental, garanti par l’article 8
de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5,
«la Convention»). Bien que ce droit revête la même importance pour
tous, les progrès vers la réalisation de l’égalité, quelle que soit
l’orientation sexuelle, ont souvent été plus lents dans ce domaine
que dans d'autres.
2. Dans sa
Recommandation
1474 (2000) sur la situation des lesbiennes et des gays dans les
États membres du Conseil de l'Europe, l’Assemblée parlementaire
a invité les États membres à « adopter une législation prévoyant
le partenariat enregistré »
. Elle
a relevé à nouveau, dans sa
Résolution 1728 (2010) sur la discrimination sur la base de l’orientation sexuelle
et de l’identité de genre, la nécessité de remédier au déni des
droits des « familles LGBT » de fait dans de nombreux États membres.
L’Assemblée a par la suite abordé un certain nombre de questions
essentielles touchant à la vie privée et familiale des personnes
transgenres dans sa
Résolution
2048 (2015) sur la discrimination à l’encontre des personnes transgenres
en Europe (consacrée à la discrimination fondée sur l’identité de
genre), et à celle des personnes intersexes dans sa
Résolution 2191 (2017) «Promouvoir les droits humains et éliminer les discriminations
à l’égard des personnes intersexes» (consacrée à la discrimination
fondée sur les caractéristiques sexuelles). Elle ne s’est cependant pas
penchée depuis 2010 sur la discrimination dans le domaine de la
vie privée et familiale, fondée sur l’orientation sexuelle. Par
ailleurs, des problématiques nouvelles sont apparues depuis l’adoption
des résolutions susmentionnées.
3. Le Comité des Ministres a pour sa part adopté en 2010 la
Recommandation
CM/Rec(2010)5 sur des mesures visant à combattre la discrimination
fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. Les normes
énoncées dans cette recommandation concernant le respect de la vie
privée et familiale se basent pour la plupart sur la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l’homme («la Cour») telle qu’elle existait
à ce moment-là et recommandent pour l’essentiel aux États membres
de garantir l’application sans aucune discrimination de toute législation
en vigueur.
4. Depuis l’adoption de ces textes, la Cour a été appelée à statuer
sur un certain nombre d’affaires portant sur différents aspects
du droit au respect de la vie privée et familiale des personnes
lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes (LGBTI)
et de leurs enfants et sa jurisprudence a connu une évolution importante.
Dans le même temps, de nombreux États membres du Conseil de l’Europe
ont adopté une législation étendant le mariage aux couples de même
sexe ou leur accordant d’autres formes de reconnaissance juridique,
par exemple sous la forme de partenariats ou d’unions civils. D’autres
États ont élargi l’étendue des droits reconnus par la législation
nationale aux couples de même sexe. Les possibilités d’adoption
ou de co-adoption par des personnes de même sexe vivant en couple
ont également été élargies. Ces progrès importants sur la voie d’une
plus grande égalité des familles arc-en-ciel ont cependant parfois donné
lieu à de vives protestations de certaines parties de la société
et certains États membres ont modifié leur Constitution ou leurs
lois afin d’interdire le mariage de personnes de même sexe.
5. Parallèlement, d'autres pays dans le monde, ainsi que d'autres
instances régionales de protection des droits de l'homme (notamment
la Cour interaméricaine des droits de l'homme) et les Nations Unies, reconnaissent
de plus en plus la nécessité de garantir l’égalité effective des
familles arc-en-ciel et apportent des modifications à leur législation
ou adoptent de nouvelles normes à cette fin.
6. Ce rapport part du constat que les couples de même sexe tout
comme d’autres familles arc-en-ciel existent dans toute l’Europe
– que cela soit ou non prévu par la législation – et que la privation
de droits a des répercussions quotidiennes sur la vie de ces familles.
J’estime essentiel et urgent que nos systèmes juridiques reconnaissent
cette réalité et que nous nous employions à surmonter la discrimination
dont sont victimes des adultes et des enfants des familles arc-en-ciel.
Je tiens à mettre en avant les normes qui s'appliquent déjà clairement
aux États membres du Conseil de l'Europe, et qui devraient être
mises en œuvre par tous, et à explorer de nouvelles voies pour parvenir
à la pleine égalité dans le domaine de la vie privée et familiale, indépendamment
de l'orientation sexuelle.
7. Il convient de noter d’emblée que, si ce rapport est principalement
centré sur les familles arc-en-ciel composées de partenaires de
même sexe, ayant des enfants ou non, ou de célibataires lesbiennes
ou gays qui élèvent ou souhaitent élever des enfants, il existe
de nombreuses autres formes de familles arc-en-ciel. Rien dans le
présent rapport ne doit être interprété comme limitant la notion
de familles arc-en-ciel aux formes décrites ci-dessus. Par ailleurs,
j’ai employé dans ce rapport le terme «partenaires de même sexe»
et d’autres formulations similaires puisque ce sont des termes connus
de la plupart des lecteurs. Il faut toutefois reconnaître que l’expression
«partenaires de même genre» serait plus exacte. Ce terme n’est pas
encore très répandu, mais son emploi est à juste titre en train
de devenir plus courant.
2. Pourquoi la reconnaissance juridique
des familles arc-en-ciel est-elle importante?
8. Les familles arc-en-ciel ont
les mêmes besoins que toutes les autres familles. Or, les différences
de traitement entre ces familles et les familles arc-en-ciel demeurent
nombreuses. Par exemple, les partenariats ou les mariages entre
personnes de même sexe reconnus dans un pays ne le sont pas toujours
au-delà des frontières; des États entravent la reconnaissance de
partenariats de personnes de même sexe dans d’autres pays où cela
est prévu, en refusant de fournir les documents requis; les enfants
élevés au sein de familles homoparentales ne jouissent pas toujours
de liens juridiques égaux avec leurs deux parents; dans de nombreux
cas, ni l’adoption ni la co-adoption par des partenaires d’un couple
de même sexe ne sont prévues; la liberté de circulation est de fait
refusée à des familles dont un des parents est une personne transgenre
dont le genre n’est pas légalement reconnu.
9. En l’absence de reconnaissance des partenariats entre personnes
de même sexe, les couples sont privés de droits que les partenaires
de sexe différent tiennent pour acquis. En cas de décès d’un des partenaires,
le conjoint de même sexe peut ne pas avoir droit à une pension de
réversion ou de conserver la jouissance du logement partagé par
le couple, alors qu’un conjoint de sexe opposé aurait dans une telle situation
été habilité à rester dans les lieux. Les partenaires peuvent être
privés de droit de visite lorsque l’un des deux reçoit des soins
d’urgence – se trouvant ainsi privés du soutien et de l’aide dont
ils ont particulièrement besoin dans des périodes difficiles et
qui n’auraient pas été refusés à des partenaires de sexe différent.
Il se peut aussi que les partenaires homosexuels ne bénéficient
pas de l’accès à des allocations familiales ou à des règles plus
favorables en matière d’imposition. Quant aux enfants élevés par
des parents de même sexe, si l’un des partenaires meurt ou que le
couple se sépare, ils peuvent se voir privés de la garde de la personne
qu’ils ont toujours considérée comme leur parent. En outre, si le
couple lui-même n’est pas reconnu, il n’existe généralement aucun
cadre juridique pour réglementer les droits et les obligations mutuelles des
deux partenaires en cas de séparation
.
10. Ces différences posent non seulement des problèmes réels et
graves dans la vie quotidienne des citoyens, mais elles sont injustifiées
et constituent une discrimination manifeste. En tant que responsables politiques,
il nous incombe de mettre un terme à de telles violations des droits
de l’homme. Dans le même temps, nous devons lutter activement contre
les préjugés qui permettent à ces formes de discrimination de perdurer.
3. Les
couples de même sexe
11. Afin de dresser le bilan de
la situation actuelle des États membres et de l'état à ce jour de
la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme dans
ce domaine, je commencerai par examiner la manière dont sont régies
les relations entre couples de même sexe. Dans le chapitre suivant,
je me pencherai sur les droits des couples de même sexe et des célibataires
gays ou lesbiennes qui élèvent ou souhaitent élever des enfants.
3.1. La
reconnaissance juridique des partenariats entre personnes de même
sexe
3.1.1. La
reconnaissance juridique dans les États membres
12. Il y a 30 ans, les pays européens
n’étaient que quelques-uns à reconnaître des droits aux couples
de même sexe vivant sous le même toit; par exemple, en matière de
législation sur les migrations, les locations immobilières et les
droits de succession
. En 1989, le Danemark est devenu le premier
pays au monde à accorder une reconnaissance juridique aux couples
homosexuels sous forme de partenariats enregistrés. En 2001, les
Pays-Bas ont été les premiers à autoriser le mariage des couples
de même sexe. Depuis lors, la reconnaissance juridique des partenariats
entre personnes de même sexe en Europe a constamment progressé.
En 2010, six États membres du Conseil de l’Europe avaient accordé
aux couples homosexuels l’égalité d’accès au mariage, et 13 avaient
légiféré pour autoriser ces couples à enregistrer leurs partenariats. En
2015, ces chiffres étaient passés respectivement à 11 et à 18
.
13. À compter d’août 2018, 15 des États membres du Conseil de
l’Europe reconnaissent le mariage entre personnes de même sexe
et 22 prévoient des
formes de partenariats enregistrés
. Dix de ces 22 États autorisent
aussi le mariage de couples de même sexe; les 12 autres proposent
des partenariats enregistrés mais ne reconnaissent pas le mariage
entre personnes de même sexe. Sur ces 12 États, ils sont 10 à prévoir des
partenariats enregistrés (unions civiles) pour les couples de même
sexe ouvrant à des droits similaires à ceux accordés aux couples
mariés
. Les deux autres États prévoient
la reconnaissance juridique des partenariats entre personnes de
même sexe, mais avec des droits limités par rapport à ceux des couples mariés
. Au total, sur les 47 États membres
du Conseil de l’Europe, ils sont actuellement 27 à accorder une forme
de reconnaissance juridique aux partenariats homosexuels, dont 25
à prévoir soit la pleine égalité devant le mariage soit des droits
similaires à ceux des couples mariés.
14. Qui plus est, la tendance à une généralisation de la reconnaissance
juridique des couples homosexuels se poursuit; d’autres pays modifient
leur législation pour accorder une reconnaissance juridique là où
elle n’existait pas auparavant, ou pour accroître le niveau de reconnaissance.
En décembre 2017, la Cour constitutionnelle autrichienne a abrogé
les dispositions juridiques qui interdisaient le mariage des couples
de même sexe. La décision entrera en vigueur à compter du 31 décembre
2018 (sauf action du législateur pour abroger ou modifier les dispositions
contestées plus tôt), ce qui portera à 16 le nombre des États membres
du Conseil de l’Europe reconnaissant le mariage des couples homosexuels
.
15. Il est important de noter que l’impulsion en faveur de ces
changements est essentiellement venue du niveau interne, en réponse
à une demande de la société au sein des États membres. Dans certains
États, ce sont les gouvernements qui ont introduit une législation
pour assurer l’égalité devant le mariage ou pour autoriser les partenariats
enregistrés des couples de même sexe ; dans d’autres, c’est une
proposition de loi introduite par un seul député qui est à l’origine
de cette législation. Parfois, ce sont des décisions judiciaires relatives
à des cas individuels et concluant à une discrimination qui ont
poussé les États à agir. En Irlande, l’égalité devant le mariage
a été obtenue à l’issue d’un référendum, dont nous a parlé en détail
la ministre irlandaise de l’Enfance et de la Jeunesse, Katherine
Zappone, à l’occasion de la Conférence sur la vie privée et familiale
des personnes LGBTI, organisée à Copenhague le 2 mars 2018, sous
les auspices de la présidence danoise du Comité des Ministres
.
16. Dans le même temps, force est de reconnaître que ces changements
ne se sont pas faits du jour au lendemain ni sans débat, en particulier
s’agissant de l’égalité devant le mariage. En France en 2013, de
grands rassemblements ont vu le jour pour contester l’introduction
du mariage pour tous. Des manifestations de même nature ont eu lieu
en Italie en 2016, en opposition à l’introduction de l’union civile
pour les couples de même sexe. En Hongrie, les partenariats enregistrés
sont depuis 2009 ouverts aux couples homosexuels, mais la nouvelle
Constitution entrée en vigueur en 2012 a limité le mariage aux couples
hétérosexuels. En Croatie, les partenariats enregistrés pour les
couples de même sexe ont été introduits en 2014, mais seulement
après la tenue d’un référendum, en 2013, qui a eu pour effet de
modifier la Constitution aux fins de définir le mariage comme l’union
d’un homme et d’une femme
.
En Slovénie, où les partenariats entre personnes de même sexe jouissent
d’une reconnaissance juridique depuis 2005, l’Assemblée nationale
a voté en mars 2015 un projet de loi portant modification de la
loi sur le mariage et les relations familiales afin que le mariage
soit formulé en termes neutres au regard du genre. Toutefois, l’amendement
a été rejeté par référendum en décembre 2015 (avec seulement 36 %
de participation). Une forme plus inclusive d’union civile a cependant
été approuvée par le parlement et a pris effet en février 2017
.
Dans ces deux cas, le référendum visant à restreindre le mariage à
une union entre un homme et une femme a été organisé à la demande
de la société civile. En République slovaque, cependant, le même
genre d’initiative a échoué en février 2015 en raison d’une faible
participation électorale (21,4 %).
17. Dans d’autres pays, il n’existe aucune forme de reconnaissance
juridique des partenariats entre personnes de même sexe, et des
amendements constitutionnels ont été proposés ou apportés dans certains d’entre
eux dans le but de restreindre la définition du mariage aux (seules)
unions entre un homme et une femme. En Arménie, des amendements
de ce type ont été introduits dans le cadre d’un vaste train de
réformes constitutionnelles approuvé par référendum en décembre 2015
.
En Roumanie – parallèlement à la bataille juridique très médiatisée
d’un couple gay roumano-américain marié en Belgique et souhaitant
s’installer ensemble en Roumanie (voir la partie 3.2.1 ci-dessous)
– une initiative populaire de référendum visant à modifier la Constitution
et à définir le mariage en tant qu’union entre un homme et une femme
a recueilli 3 millions de signatures en 2016, et la tenue d’un référendum
le 7 octobre 2018 a été annoncée. Selon des informations récentes,
une issue affirmative du référendum pourrait avoir pour effet de
redéfinir la famille elle-même comme étant fondée sur le mariage
entre un homme et une femme, définition qui serait clairement en conflit
avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme
. En Géorgie, la définition constitutionnelle
du mariage a récemment été modifiée de manière à désigner «l’union
d’une femme et d’un homme dans le but de fonder une famille»; cette
modification s’inscrit dans le cadre d’une série d’amendements constitutionnels
apportés par le parlement qui entreront en vigueur après la prochaine
élection présidentielle de 2018
.
18. En Fédération de Russie où s’applique une législation interdisant
ladite «propagande homosexuelle», un couple gay marié au Danemark
et dont le mariage, légalement contracté à l’étranger, a été enregistré
à Moscou en janvier 2018, a été confronté à une vague de réactions
violentes, notamment à des propos haineux tenus par des responsables
politiques, des intimidations policières et des menaces de mort,
lorsque les médias ont diffusé son histoire. Craignant pour sa sécurité,
le couple a été contraint de quitter le pays. De surcroît, le fonctionnaire
qui avait enregistré le mariage a été limogé
.
19. Force est de reconnaître les positions contrastées entre les
États membres du Conseil de l'Europe qui prévalent actuellement
en ce qui concerne le niveau le plus élevé de reconnaissance juridique
des couples, à savoir l'égalité devant le mariage. Cependant, on
observe également une tendance nette à la reconnaissance croissante
des partenariats entre personnes de même sexe – tant en ce qui concerne
le statut juridique des partenariats proprement dits que l’accès
à d’autres droits que ces partenariats impliquent. Ces changements sociétaux
sont d’ailleurs intervenus très rapidement. En 2001, date à laquelle
les Pays-Bas ont introduit le mariage homosexuel, personne n’aurait
pu imaginer que tant d’autres pays emboîtent aussi vite le pas ou fassent
rapidement des progrès aussi importants dans cette voie.
3.1.2. La
jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme sur le
droit au respect de la vie privée et familiale et le besoin de reconnaissance
juridique et de protection des relations des couples de même sexe
20. Il est établi depuis plus de
40 ans que la vie sexuelle des personnes représente une part importante
de leur vie privée au sens de la Convention européenne des droits
de l’homme
. En 1981, la Cour
européenne des droits de l’homme a conclu que l’existence d’une
législation pénalisant les actes homosexuels entre adultes consentants
constituait, en soi, une atteinte au droit à la vie privée
. Ce type de législation
n’est plus en vigueur dans aucun État membre du Conseil de l’Europe.
21. En 2010, dans son arrêt rendu dans l’affaire
Schalk et Kopf c. Autriche, la Cour
a noté que les couples homosexuels sont, tout comme les couples
hétérosexuels, capables de s’engager dans des relations stables, et
a jugé à l’unanimité que la relation qu’entretient un couple homosexuel
cohabitant de fait de manière stable, relève de la notion de «vie
familiale» au même titre que celle d’un couple hétérosexuel se trouvant
dans la même situation
.
Le fait que les couples de même sexe jouissent du droit au respect
de la vie familiale fait aujourd’hui l’objet d’une jurisprudence
bien établie
. En 2013, la Cour a par ailleurs
conclu que rien ne justifie d’interdire aux couples homosexuels
la possibilité de conclure une union civile, créée comme une alternative au
mariage pour les couples hétérosexuels; une telle interdiction étant
par conséquent contraire à la Convention
.
22. La Cour a précisé que les couples de même sexe ont besoin
d’une reconnaissance juridique et d’une protection de leur relation.
En 2015, elle a par ailleurs conclu que les États ont l’obligation
positive de veiller à ce que les partenaires de même sexe disposent
d’un cadre juridique spécifique assurant la reconnaissance et la
protection de leur union, conclusion qu’elle a réaffirmée en 2017
. Elle a
souligné que l’absence d’un tel cadre entraîne les couples dans
un vide juridique, méconnaissant leur réalité sociale
.
23. Dans les affaires susmentionnées, la Cour a estimé qu’aucune
considération impérieuse d’intérêt général ne s’est révélée primer
sur le besoin des couples homosexuels de voir leurs partenariats
juridiquement reconnus ou justifier une situation dans laquelle
les relations des requérants étaient dépourvues de toute reconnaissance
et protection. Il est selon moi impossible aujourd’hui d’imaginer
des circonstances permettant de faire valoir un tel intérêt dominant
– même dans les pays marqués par une forte opposition au mariage
pour tous. En effet, bien qu’elle n’ait pas à ce jour conclu à l’obligation
pour les États, au titre de la Convention, de prendre des mesures
spécifiques visant à reconnaître les mariages homosexuels
,
la Cour a estimé à plusieurs reprises que la protection de la famille
traditionnelle (principal motif généralement invoqué pour priver des
couples homosexuels de certains droits) ne constitue pas une raison
pouvant justifier une différence de traitement fondée sur l’orientation
sexuelle en matière d'accès aux droits des couples de même sexe
. Elle a par
ailleurs souligné qu’il appartient à l’État, lorsqu’il choisit des
moyens conçus pour protéger la famille, de tenir compte de l’évolution
de la société ainsi que des changements qui se font jour dans la
manière de percevoir les questions de société, d’état civil et celles
d’ordre relationnel, notamment de l’idée selon laquelle il y a plus
d’une voie ou d’un choix possibles en ce qui concerne la façon de
mener une vie privée et familiale
.
24. Il convient également de noter qu’au niveau des Nations Unies,
le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a ces dernières
années appelé plusieurs pays européens, dont la Bulgarie, la Fédération de
Russie, la République slovaque, et «l’ex-République yougoslave de
Macédoine», à reconnaître juridiquement les couples homosexuels
et/ou à étendre à ces derniers les avantages réservés aux couples mariés
.
Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des
femmes a lui aussi invité récemment les États européens à mener
à bien l’adoption des réglementations ou de la législation en suspens reconnaissant
les partenariats entre personnes de même sexe (Estonie, Serbie)
et souligné l’importance de l’égalité de traitement des partenariats
homosexuels et autres (Liechtenstein, Luxembourg)
.
3.2. L’accès
des couples de même sexe aux droits
25. Quel que soit le cadre spécifique
dans lequel s’inscrit la reconnaissance juridique des couples de
même sexe, l’enjeu le plus immédiat pour eux concerne l’accès aux
droits fondamentaux. La privation de certains droits que les couples
hétérosexuels tiennent pour acquis – comme celui de pouvoir rendre
visite à son partenaire hospitalisé dans un service d’urgence, de
conserver la jouissance du domicile au décès de son partenaire,
ou de pouvoir résider dans le même pays que son partenaire – a des
répercussions directes sur la vie des couples de personnes de même
sexe. Sur le plan pratique, cette question peut s’avérer plus importante que
la dénomination (mariage, partenariat enregistré, union civile,
etc.) employée dans la loi pour désigner une relation.
3.2.1. La
jurisprudence européenne et internationale relative à l’accès des
couples de même sexe aux droits
26. Les couples de même sexe se
voient souvent refuser l’accès à des droits spécifiques au seul
motif de leur orientation sexuelle. La jurisprudence de la Cour
a cependant clairement établi que, là où l’orientation sexuelle
est en jeu, seules des raisons particulièrement convaincantes et
solides peuvent justifier une différence de traitement, notamment
en matière de vie privée et familiale. L’État dispose donc d’une
marge d’appréciation étroite dans ce domaine et les mesures prises
doivent non seulement poursuivre un but légitime mais aussi se révéler
nécessaires à l’atteinte de cet objectif
.
27. La Cour a ainsi précisé que les couples de même sexe non mariés
doivent avoir les mêmes droits et devoirs que les couples hétérosexuels
non mariés dans le cadre d’une
transmission
de bail et que l’exclusion générale des couples homosexuels
du champ d’application de la législation relative au transfert de
bail ne peut être considérée nécessaire à la protection de la famille
perçue dans son sens traditionnel
.
28. En matière
d’assurance maladie,
la Cour a jugé qu’une clause juridique ne désignant comme personne à
charge qu’un parent proche de l’assuré ou qu’un partenaire de sexe
opposé – à l’exclusion du concubin du même sexe que la personne
assurée – était discriminatoire et contraire à la Convention
.
29. S’agissant du droit des partenaires de même sexe à
une pension de réversion, la Cour
a estimé qu’aucune des affaires dont elle a jusqu’à présent été
saisie ne constituait une violation de la Convention européenne
des droits de l’homme. Cette position ne correspond toutefois pas
à celle adoptée par la Cour de Justice de l’Union européenne dans
un certain nombre d’arrêts
.
Par ailleurs, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies
a clairement établi qu’en accordant une prestation de réversion
aux couples hétérosexuels non mariés mais pas aux couples homosexuels
non mariés, les États Parties au Pacte international relatif aux droits
civils et politiques ont commis une violation de l’interdiction
de la discrimination inscrite à l’article 26 du Pacte
.
La Cour interaméricaine des droits de l’homme a également conclu
qu’une telle exclusion constitue une atteinte aux droits de l’homme
.
30. Dans le contexte actuel de mondialisation croissante, de plus
en plus de personnes, quelle que soit leur orientation sexuelle,
trouvent un partenaire de vie d’une nationalité différente de la
leur et/ou partent, avec leur partenaire, travailler à l’étranger.
La Cour a estimé que réserver la possibilité de demander un
permis de séjour pour regroupement familial aux
couples hétérosexuels constitue une violation de la Convention
, au même titre qu’empêcher,
dans le cadre d’une demande de permis de séjour, un partenaire de
même sexe de répondre à la définition de «conjoint(e)» selon la
législation nationale
.
La Cour de justice de l’Union européenne a aussi récemment statué
qu’au sens des dispositions de l’Union européenne en matière de
liberté de circulation, la notion
de «conjoint» doit être comprise comme englobant les conjoints de
même sexe. Il en va ainsi que les mariages entre personnes de même
sexe puissent ou non être conclus dans le pays où les conjoints
déménagent
.
31. Plus généralement, dans le cadre de son examen des droits
des couples de même sexe, la Cour européenne des droits de l’homme
a conclu que les besoins fondamentaux indispensables au bon fonctionnement
d’une relation de couple stable et engagée incluent entre autres
les droits et les obligations des partenaires vis-à-vis l’un de
l’autre, notamment en termes de soutien moral et matériel, de pensions alimentaires
et de succession
. Cette conclusion devrait guider
tous les États membres du Conseil de l’Europe dans leur réglementation
des droits des couples homosexuels.
3.2.2. Les
autres droits fréquemment reconnus dans la législation nationale
32. Bien entendu, seules les affaires
n’ayant pas été résolues à la satisfaction des requérants au niveau national
sont portées devant la Cour de Strasbourg. Les États ont toutefois
la possibilité d'étendre l'accès des couples homosexuels à un éventail
bien plus large de droits fondamentaux que ceux dont il a été question
ci-avant – et beaucoup d'entre eux le font. Outre les droits examinés
précédemment, un grand nombre d'autres droits et responsabilités
qui s'appliquent généralement aux couples hétérosexuels sont largement
reconnus aux couples de même sexe dans un certain nombre d’États
européens. Ainsi, une étude récente couvrant la situation en 2015-2016
de 23 juridictions dans 21 États européens a mis en lumière l’existence
d’un niveau de consensus élevé entre ces juridictions dans l'octroi
d'une série de droits (et l'imposition de certaines obligations)
aux couples homosexuels dans différents domaines comme les revenus,
les migrations, les «situations problématiques», les séparations
et les décès
.
33. Le niveau de consensus le plus élevé portait sur la prise
en compte du revenu du partenaire dans le calcul des droits à des
prestations sociales – en d’autres termes, la réduction de ces prestations
pour les couples de même sexe, comme c'est le cas pour les couples
de sexe différent. Quatre-vingt-treize pourcent des juridictions
appliquaient ces règles aux couples homosexuels. En revanche, le
niveau de consensus s’élevait à 80 % s’agissant du droit à un taux
d'imposition plus faible pour les couples de même sexe que pour deux
personnes célibataires. (Concernant ce dernier point, il convient
cependant de noter que dans certains pays, comme le mien, les couples
hétérosexuels ne bénéficient pas non plus d’un taux d’imposition
des revenus inférieur à celui des personnes seules.)
34. Entre ces deux niveaux (élevés) de consensus, une série d'autres
droits non encore traités dans la jurisprudence de la Cour sont
aujourd'hui très largement accordés aux partenaires de même sexe
légalement reconnus, et le nombre d'États qui étendent la reconnaissance
de ces droits aux couples homosexuels a considérablement augmenté
au cours des dix dernières années. Ces droits englobent:
- en ce qui concerne les migrations:
le droit de séjour pour le partenaire non européen de même sexe
d'un non européen résidant dans le pays; la reconnaissance du partenariat
dans le cadre d'une demande de naturalisation;
- en ce qui concerne les «situations problématiques»: la
reconnaissance du partenaire de même sexe en tant que proche parent
à des fins médicales; le droit au congé pour prendre soin d’un partenaire
malade; le droit au congé pour s’occuper du parent malade d’un partenaire;
l’applicabilité de la protection légale contre la violence domestique;
le droit de refuser de témoigner contre son partenaire dans des procédures
pénales;
- en ce qui concerne les séparations: l'applicabilité aux
couples de même sexe des règles relatives aux pensions alimentaires;
la prise en compte des biens acquis par le couple au cours de sa
relation en tant que biens communs;
- en ce qui concerne les décès: le droit à indemnisation
en cas d’homicide d’un partenaire de même sexe résultant d’un acte
délictueux; le droit héréditaire en cas de décès ab intestat d’un
partenaire; l’exemption des droits de succession; la prise en compte
des biens acquis par le couple au cours de sa relation en tant que
biens communs.
Il existe également un niveau de consensus élevé (88 %) en
ce qui concerne l'octroi d'une pension de réversion au partenaire
survivant d'un couple homosexuel.
35. À mes yeux, les droits susmentionnés
relèvent des «besoins fondamentaux indispensables au bon fonctionnement
d’une relation de couple stable et engagée», pour reprendre les
termes de la Cour. Ainsi, outre les droits d’ores et déjà reconnus
par la Cour, ceux évoqués ci-dessus devraient également être étendus
aux couples de même sexe dans l’ensemble des États membres du Conseil
de l’Europe. Il ne s’agit pas d’octroyer des privilèges ou des avantages
particuliers aux personnes LGBTI, mais simplement d’accorder une reconnaissance
égale aux couples homosexuels stables et engagés qui ont les mêmes
besoins que n’importe quel autre couple.
4. Les
familles arc-en-ciel avec enfants
36. Divers instruments internationaux
des droits de l’homme entérinent le droit de fonder une famille
et de décider librement du nombre et de l’espacement de ses enfants
.
Ces droits fondamentaux sont cruciaux pour tous, quels que soient
leur orientation sexuelle, leur identité de genre ou leurs caractéristiques
sexuelles. Je considère toutefois que l’examen des questions relatives
à la procréation médicalement assistée et à la gestation pour autrui
ne relève pas du présent rapport, sauf lorsque les lois qui existent
déjà dans des États membres sont appliquées de manière discriminatoire.
À titre d’exemple, là où des femmes célibataires ont accès à la
procréation médicalement assistée, cette possibilité devrait être
offerte à toute personne pouvant accoucher, indifféremment de leur
orientation sexuelle; dans les rares États membres du Conseil de
l'Europe autorisant la gestation pour autrui, l'égalité d'accès
devrait être accordée à tous, sans discrimination
.
37. Il est un point crucial qu’il nous faut toutefois reconnaître:
à l’heure actuelle, beaucoup d’enfants grandissent dans des familles
arc-en-ciel. Ils ont besoin que leurs relations avec leurs parents
soient reconnues et protégées par la loi. La reconnaissance ou non
de l’autorité parentale a non seulement une incidence directe sur
des questions pratiques de la vie courante – en déterminant par
exemple qui peut aller chercher l’enfant à l’école, qui peut donner
son accord pour un traitement médical –, mais définit aussi le niveau
de protection accordé à la relation entre l’enfant et ses parents
de même sexe lorsque surviennent des événements qui changent le
cours de la vie, tels que la séparation des parents ou le décès
de l’un d’entre eux. Les droits en matière d'adoption sont également
déterminants à cet égard.
4.1. La
situation dans les États membres
38. À l’instar des partenariats
entre personnes de même sexe, la reconnaissance des droits d’adoption progresse
dans les États membres du Conseil de l’Europe. L’adoption conjointe
par des couples homosexuels – c’est-à-dire l’adoption par les deux
membres d’un couple n’ayant aucun de lien de parenté biologique
avec l’enfant – était autorisée dans huit États membres du Conseil
de l’Europe en 2010; en 2015, ce nombre était passé à 12. L’adoption
coparentale ou la co-adoption par des couples de même sexe – lorsqu’un
membre du couple adopte l’enfant de l’autre sans que le premier
parent perde ses droits juridiques – était autorisée dans 11 États
membres du Conseil de l’Europe en 2010; ce nombre était passé à
15 en 2015. En 2015 toujours, sept États prévoyaient aussi la reconnaissance
automatique de la coparentalité, l’enfant né d’un couple de même
sexe pouvant être reconnu dès la naissance comme l’enfant des deux
partenaires
.
39. Aujourd’hui, l’adoption conjointe par des couples de même
sexe est prévue par la loi dans 17 États membres
; la possibilité d’adoption par le second
parent ou de co-adoption dans les familles homoparentales est prévue
dans 18 États membres, dont 16 proposent également l’adoption conjointe
, et 10 (tous autorisant au minimum
une forme d’adoption) prévoient la reconnaissance automatique du
coparent
.
Au total, 19 États membres du Conseil de l’Europe accordent aujourd’hui
la reconnaissance juridique de la relation enfant-parents non biologiques
au sein d’une famille arc-en-ciel – contre 11 en 2010 et 16 en 2015.
40. Ainsi assiste-t-on dans notre aire géographique à une tendance
croissante à la reconnaissance légale des droits et responsabilités
parentales des couples de même sexe (23 % des États membres étaient concernés
en 2010, contre 38 % actuellement). Reste que, pour les parents
et les enfants des familles arc-en-ciel homoparentales, le droit
à une vie familiale n’est toujours pas reconnu dans plus de 60 %
des États membres, ce qui laisse ces enfants et leurs parents exposés
à tous les risques évoqués plus haut.
4.2. La
jurisprudence européenne et internationale
4.2.1. La
jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme
41. Comme pour les partenariats
entre personnes de même sexe, la Cour a été appelée à diverses reprises à
examiner les aspects qui, en termes de droits de l’homme, caractérisent
les relations entre parents LGBTI et leurs enfants. Les situations
abordées sont variées et reflètent les réalités de nos sociétés.
42. S’agissant de
l’autorité parentale, en
1999, la Cour a estimé que l’orientation sexuelle ne pouvait être invoquée
comme facteur négatif pour décider à quel parent confier la garde
d’un enfant après le divorce d’un couple hétérosexuel
. La relation entre
un parent homosexuel et son enfant issu d'une relation antérieure
est donc protégée par la Convention.
43. En 2008, la Cour a conclu que le fait de refuser, au motif
de l'orientation sexuelle,
l’adoption
d’un enfant sans lien génétique par un parent LGBTI célibataire
– dans un pays autorisant l'adoption monoparentale – constituait
une discrimination et donc une violation de la Convention européenne
des droits de l'homme
.
44. En ce qui concerne
l'adoption simple
ou par le second parent – par laquelle le parent biologique
d'un enfant conserve l'autorité parentale qui est également juridiquement
reconnue au partenaire – la Cour a estimé en 2012 que le fait de
limiter l'adoption par le second parent aux conjoints mariés, même
lorsque les couples de même sexe n’ont pas la possibilité de conclure
un mariage, ne contrevenait pas à la Convention
. Cependant, en 2013, elle
a conclu que le refus d'adoption par le second parent opposé aux
couples homosexuels non mariés, alors que cette option est offerte
aux couples hétérosexuels non mariés, constituait une distinction
injustifiée (c’est-à-dire une discrimination) fondée sur l'orientation
sexuelle. Aucune raison convaincante et solide n’avait été avancée
pour montrer que l’exclusion de l’adoption par le second parent dans
un couple homosexuel non marié, tout en accordant cette possibilité
à un couple hétérosexuel non marié, était nécessaire à la protection
de la famille au sens traditionnel ou à la protection de l’intérêt
supérieur de l’enfant
.
45. La Cour n’a pas estimé à ce jour que les États avaient obligation
de reconnaître automatiquement comme second parent d’un enfant la
partenaire de la mère biologique («
reconnaissance
de la coparentalité»), même si les deux femmes vivaient
en partenariat enregistré et si l’époux d’une femme serait juridiquement présumé
père biologique légitime d’un enfant né d’une union hétérosexuelle,
que ce soit ou non réellement le cas
. Je tiens à souligner
que – tout comme pour la reconnaissance d’un mariage homosexuel
ou de n’importe quel autre droit – rien n’empêche un État d'aller
au-delà de la jurisprudence de la Cour et d’adopter une position
plus favorable tant pour la partenaire de la mère de l’enfant que
pour l’enfant lui-même, en assurant que les deux parents qui élèveront
l’enfant soient reconnus dès sa naissance comme ses parents. Cela
sert manifestement l’intérêt de l’enfant et est déjà une réalité,
par exemple, en Belgique.
4.2.2. Autre
jurisprudence internationale
46. La Cour interaméricaine des
droits de l'homme a également estimé en 2012 que l'orientation sexuelle n'était
pas un motif justifiant de priver des personnes LGBTI de la garde
de leurs enfants. Dans ses conclusions, elle a notamment souligné
que les considérations fondées sur des stéréotypes liés à l'orientation sexuelle
ne sont pas admissibles et qu’une détermination de la garde fondée
sur des suppositions dénuées de fondement et stéréotypées quant
à la capacité du parent et son aptitude à assurer et favoriser le
bien-être et le développement de l’enfant n’est pas appropriée à
l’objectif qui est de garantir la protection de l’intérêt supérieur
de l’enfant; que les États ne pouvaient invoquer l'intolérance de
la société à l'égard de l'orientation sexuelle de certaines personnes
pour justifier la perpétuation de traitements discriminatoires;
et que la loi et l'État devaient contribuer à promouvoir le progrès
social, faute de quoi ils risquent fortement de légitimer et consolider
diverses formes de discrimination qui constituent des violations
des droits de l'homme
.
4.3. Le
bien-être des enfants de familles arc-en-ciel
47. Parmi les arguments soulevés
pour s’opposer à la reconnaissance légale des partenariats de même sexe,
l’un des plus fréquemment avancés est que cela autoriserait ces
couples à élever des enfants, et nuirait ainsi au bien-être de ces
derniers. Il s’agit d’arguments fallacieux pour au moins deux raisons
fondamentales. D’abord, les couples homosexuels élèvent déjà des
enfants, et deuxièmement, les études menées montrent invariablement
que les enfants élevés dans des familles arc-en-ciel présentent
un niveau de bien-être identique à celui des autres enfants.
48. Lors de la conférence organisée à Copenhague le 2 mars 2018,
un adolescent a livré un témoignage personnel fort et inspirant
de son expérience positive de grandir au sein d’une famille arc-en-ciel
en Espagne. Le professeur Robert Wintemute de King’s College London
a évoqué le souvenir de son intervention lors d’une conférence tenue
en 2012 par le Réseau européen des associations de familles LGBTIQ*
(NELFA), à laquelle ont assisté plus de 300 enfants heureux et aimés,
élevés par des parents LGBT; il aurait souhaité pouvoir convier
tous ces enfants à Strasbourg, afin que les juges puissent constater
de leurs propres yeux leur bien-être.
49. Lors de l’audition tenue à Paris le 5 juin 2018 par notre
commission, nous avons pu examiner la situation des enfants de familles
arc-en-ciel sous un angle scientifique, grâce à Mme Kia
Aarnio qui nous a présenté un récent projet de recherche sur le
bien-être et les expériences des enfants de familles arc-en-ciel,
financé par le ministère finlandais de l’Éducation et de la Culture
.
Cette enquête, à laquelle ont participé 129 enfants de 7 à 18 ans
élevés au sein de familles arc-en-ciel et leurs parents, montre
que ce n’est pas le sexe ou l’orientation sexuelle des parents qui
affecte le bien-être des enfants, mais le fonctionnement de la famille.
Les enfants de familles arc-en-ciel ont le même nombre d’amis, vivent
les mêmes expériences scolaires positives, ont le même mode de vie
familiale et présentent les mêmes signes d’anxiété et de dépression
que leurs pairs. Les parents LGBT sont apparus très engagés dans
l’exercice de la parentalité et soutiennent et encouragent beaucoup
leurs enfants. Les enfants de familles arc-en-ciel sont sensibles
aux mêmes vulnérabilités que les autres, par exemple au divorce
de leurs parents.
50. Les aspects négatifs de la vie au sein de familles arc-en-ciel
sont liés à l’attitude des autres personnes, notamment aux questions
embarrassantes posées par leurs camarades et aux remarques offensantes
faites par d’autres membres de la famille ou d’autres adultes. Les
enfants de 10 à 12 ans des familles arc-en-ciel étaient davantage
victimes de brimades que leurs pairs mais présentaient le même niveau
de bien-être psychologique en raison, peut-être, d’une plus forte
motivation parentale et de la création d’amitiés solides. Un enfant
sur sept avait un grand-parent ayant rompu toute relation avec sa
famille en raison de l’orientation sexuelle ou du sexe des parents.
Toutefois, dans bien des cas, d’autres membres ou amis proches de
la famille de l’enfant se substituaient au membre absent et l’enfant
ne mentionnait aucun effet négatif. Interrogés sur ce qu’ils aimeraient
changer dans le monde pour rendre leur vie encore meilleure au sein
d’une famille arc-en-ciel, les enfants ont exprimé le souhait que
les autres personnes aient mieux connaissance des minorités sexuelles
et des familles arc-en-ciel et acceptent la diversité.
51. Les conclusions de cette enquête sont similaires à celles
de bien d’autres études internationales menées ces dernières décennies
.
Selon une récente analyse comparative, sur 79 études portant sur
le bien-être des enfants de parents gays et lesbiens, 75 concluaient
que ces enfants ne s’en tiraient pas moins bien que les autres enfants.
Ces études reposaient sur des méthodes normalisées de recherche
sociologique et psychologique. Certaines portaient sur des échantillons
réduits, ce qui limitait les possibilités de généralisation de leurs
conclusions, sans pour autant infirmer ces dernières. Par ailleurs,
selon une étude de 2010 portant sur l’avancement scolaire de 3 500
enfants de couples de même sexe, il n’y a aucune différence marquante entre
ces familles et les familles avec parents de sexe opposé. Une autre
de ces études reposait sur les données longitudinales et représentatives
sur le plan national tirées d’un échantillon de plus de 20 000 enfants, dont
158 issus de familles avec parents de même sexe. Seules quatre études
sont parvenues à la conclusion que les enfants de parents gays ou
lesbiens étaient plus défavorisés. Cependant, elles se basaient
sur un échantillon d’enfants qui avaient subi une rupture familiale.
Or, il est reconnu que ces enfants sont plus vulnérables, et de
nombreux chercheurs considèrent que ces études manquent de fiabilité.
En bref, cette comparaison, qui réunit plus de 30 ans de travaux
de recherche contrôlés par des pairs, révèle que la grande majorité
des chercheurs s’accordent à dire qu’avoir des parents gays, lesbiens
ou bisexuels ne porte pas préjudice aux enfants
.
52. En d’autres termes, les travaux de recherche montrent invariablement
que ce n’est pas l’homoparentalité qui nuit aux enfants de ces familles,
mais les sociétés qui ne tolèrent pas la diversité. Nos décisions
politiques publiques concernant les familles arc-en-ciel doivent
reposer non pas sur une idée erronée de la famille « traditionnelle »
en tant que seul modèle immuable propre à fournir une éducation
saine – notion qui peut également nuire aux enfants des familles
monoparentales et des familles recomposées (reconstituées) – mais
sur la nécessité de veiller à l’acceptation des familles («traditionnelles»
et «non traditionnelles»), qui existent dans leur diversité dans
toutes nos sociétés, et de promouvoir un environnement exempt de
discrimination pour tous les parents et enfants. En effet, comme
indiqué clairement par la Cour interaméricaine des droits de l'homme,
et exprimé de manière implicite dans le raisonnement de la Cour européenne
des droits de l'homme il y a près de 20 ans, l'orientation sexuelle
d'un parent n'a aucune incidence sur sa capacité d'élever et de
subvenir aux besoins d'un enfant
.
5. Les
personnes transgenres et intersexes et la reconnaissance juridique
des liens familiaux indépendamment de l'orientation sexuelle
53. Les personnes transgenres et
intersexes peuvent être lesbiennes, gays, bisexuelles ou hétérosexuelles ou
avoir une autre orientation sexuelle. Il est essentiel de veiller
à ce que leur droit au respect de la vie privée et familiale soit
aussi garanti, indépendamment de leur orientation sexuelle. Tous
les droits examinés ci-avant s'appliquent également aux personnes
transgenres et intersexes, quelle que soit leur orientation sexuelle. Toutefois,
d'autres questions peuvent se poser lorsque les droits de l'homme
évoqués précédemment recoupent des questions liées à la reconnaissance
de l'identité de genre ou en cas de discrimination fondée sur des
caractéristiques sexuelles.
54. En 2014, la Cour a estimé que le fait d’imposer à une personne
transgenre de convertir son mariage en un partenariat enregistré
(homosexuel) pour obtenir la pleine reconnaissance de son nouveau
genre, dans un pays où le mariage homosexuel n'est pas prévu mais
où le partenariat enregistré accorde des droits similaires au mariage,
ne contrevient pas à la Convention. Le Comité des droits de l'homme
des Nations Unies a toutefois conclu depuis lors que l’obligation
faite à une personne transgenre de divorcer de son conjoint/sa conjointe pour
procéder à la modification du sexe spécifié sur son acte de naissance
est discriminatoire et contraire au Pacte international relatif
aux droits civils et politiques
.
55. L'Assemblée a déjà demandé aux États de supprimer toute disposition
limitant le droit des personnes transgenres à demeurer mariées à
la suite d’un changement de genre reconnu, de veiller à ce que ni
les conjoints/conjointes ni les enfants ne perdent certains de leurs
droits dans de tels cas, et d'abolir la stérilisation – qui porte
atteinte aux droits à la santé sexuelle et procréative des personnes
transsexuelles – en tant qu’obligation juridique préalable à la
conversion sexuelle et à la reconnaissance de l’identité de genre
. Tous ces points soulèvent des questions
particulières concernant le droit au respect de la vie privée et
familiale en vertu de la Convention européenne des droits de l'homme.
De graves problèmes peuvent également se poser pour les parents
transgenres et leurs enfants lorsque les premiers sont enregistrés
sur les documents de leurs enfants sous le genre qui leur a été
assigné à la naissance. À titre d’exemple, la Cour a reconnu en
1997 les liens familiaux existant entre un homme trans et son enfant
conçu par insémination artificielle, mais a refusé de le reconnaître
comme le père de l’enfant. Je souhaite souligner qu’il incombe aux
États de résoudre ces problèmes en veillant à ce que l'identité
sexuelle des parents transgenres soit correctement inscrite sur
l’acte de naissance de leurs enfants.
56. Dans les cas où les procédures de reconnaissance du genre
sont absentes ou excessivement complexes pour les mineurs, les familles
arc-en-ciel ayant un enfant transgenre choisissent souvent de renoncer
à voyager à l’étranger afin d’éviter d’être exposées à des discriminations
ou à des traitements dégradants. Il s’agit là d’une entrave à la
libre circulation de ces familles.
57. L'Assemblée a souligné que les personnes intersexes ont également
besoin de procédures de reconnaissance juridique du genre simples,
rapides et accessibles et a appelé les États à veiller à ce que
ces personnes ne soient pas privées de la possibilité de conclure
un partenariat civil ou un mariage ou de rester dans une telle relation
après la reconnaissance juridique de leur genre
.
58. Les États qui prennent ou ont pris l'initiative – comme le
recommande l'Assemblée
– de reconnaître des marqueurs de
genre autres que «masculin» ou «féminin» doivent également veiller
à ce que les personnes (transgenres ou intersexes ou ni l’un ni
l’autre) qui ne se reconnaissent pas dans ces deux catégories et
ne répondent donc pas aux définitions «traditionnelles» et hétéronormatives
du mariage puissent voir leurs relations stables et engagées, et
leurs relations avec leurs enfants, légalement reconnues de la même
manière que les autres couples dans le présent rapport.
6. Les
États sont-ils tenus de reconnaître le mariage entre personnes de
même sexe?
59. La Cour européenne des droits
de l'homme a précisé ne plus estimer que le droit au mariage consacré par
l'article 12 de la Convention doit en toutes circonstances être
limité au mariage entre deux personnes de sexe opposé
. Jusqu’à
présent, elle a cependant toujours considéré que la Convention ne
plaçait pas d’obligation positive sur les États contractants d’accorder
aux couples de même sexe l’accès au mariage, que ce soit en vertu
de l’article 12 ou de l’article 14 combiné avec l’article 8. Cette
conclusion, tirée pour la première fois en 2010, alors que six États
seulement du Conseil de l'Europe accordaient aux couples de même
sexe le droit de se marier, a été réitérée à plusieurs reprises
depuis lors. Toutefois, il est important de noter qu'en formulant
ses conclusions sur des questions qui ne bénéficient pas encore
d’un consensus manifeste dans toute l’Europe, la Cour examine l'équilibre
trouvé au sein des sociétés européennes, et sa position est susceptible
d'évoluer à mesure qu'un nombre croissant d'États reconnaissent
ce droit.
60. La Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise) a récemment mis en garde contre la modification d'une
Constitution visant à exclure le mariage homosexuel, ajoutant que
la solution qui consiste à laisser au législateur ordinaire le soin
de décider de cette question est satisfaisante et préférable puisqu’elle
laisse plus de latitude aux développements futurs en la matière.
Elle a également souligné, au vu de la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l'homme, que si de telles modifications constitutionnelles
venaient néanmoins à être apportées, elles ne devraient en aucun
cas être interprétées comme interdisant la reconnaissance juridique
des partenariats homosexuels
.
61. De nombreux opposants au mariage entre personnes de même sexe
soutiennent que l'institution du mariage est censée permettre la
fondation de familles et, en particulier, protéger la procréation.
Il s'agit cependant d'un argument fallacieux: les mariages de couples
stériles, de couples qui choisissent de ne pas avoir d'enfants et
de couples trop âgés pour procréer sont parfaitement légaux et ne
sont pas remis en question par ceux qui militent contre le mariage
homosexuel. D'autres détracteurs prétendent que les enfants élevés
au sein de familles arc-en-ciel sont mis en danger par le simple
fait d'avoir des parents LGBTI. Cet argument est également erroné,
comme nous l'avons vu plus haut. D'autres encore font valoir que
les dispositions du droit international relatives au droit au mariage
se réfèrent expressément aux hommes et aux femmes, alors que d'autres
dispositions emploient des termes comme «tous les êtres humains»,
ou «toute personne», et y voient le signe que seuls les mariages
entre un homme et une femme sont protégés par le droit international.
Or, les travaux préparatoires de la Déclaration universelle des
droits de l'homme (qui ont fortement inspiré de nombreux instruments
ultérieurs relatifs aux droits de l'homme, comme la Convention européenne
des droits de l'homme) montrent que l'inclusion de références spécifiques
aux «hommes» et aux «femmes» dans ce qui est devenu l'article 16
de la Déclaration n'avait aucun rapport avec l'orientation sexuelle
des conjoint(e)s. Au contraire, cela était censé garantir l'égalité
des femmes dans le domaine du mariage – ce qui n'était nullement une
réalité à l'époque dans de nombreux pays (et, comme nous le savons,
ne l'est malheureusement pas encore partout...)
.
62. La Cour interaméricaine des droits de l'homme a souligné à
maintes reprises que l'absence présumée de consensus au sein de
certains pays concernant le respect plein et entier des droits des
minorités sexuelles ne peut être considérée comme un argument valable
pour nier ou restreindre leurs droits fondamentaux ou pour reproduire
et perpétuer la discrimination historique et structurelle dont ces
minorités ont été victimes
. Elle a en outre précisé que
selon la Convention américaine relative aux droits de l'homme, aucun
objectif acceptable ne permettait de considérer comme nécessaire
ou proportionné le traitement différencié de la formation d’une
famille par des couples hétérosexuels et homosexuels. Si les convictions
religieuses et philosophiques jouent un rôle important dans la vie
et la dignité des personnes qui les professent, les sphères laïque
et religieuse doivent coexister pacifiquement dans les sociétés
démocratiques, et les États ont pour rôle de reconnaître la sphère
dans laquelle habite chacun d'entre eux, et en aucun cas traîner
l’un dans la sphère de l’autre. De l'avis de la Cour interaméricaine,
la création d'une institution spécifique pour les couples homosexuels,
produisant des effets identiques au mariage mais sous une autre
dénomination, servirait par ailleurs à stigmatiser et déprécier
ces couples, en attirant l'attention sur leur différence par rapport
aux stéréotypes hétéronormatifs, et constituerait une discrimination
fondée sur l'orientation sexuelle. Le choix libre et autonome d'établir
une relation permanente et maritale, de fait ou formelle, fait partie
de la dignité de chacun et justifie des droits et une protection
identiques, quelle que soit l'orientation sexuelle des parties.
La Cour interaméricaine a donc appelé les États à promouvoir, de
bonne foi, les réformes législatives, administratives et judiciaires
nécessaires pour adapter leurs lois, interprétations et pratiques
à cette réalité
.
63. Je tiens à souligner que l'adoption du mariage pour tous ne
diminue en rien les droits des couples hétérosexuels et des familles
«traditionnelles». Sans compter qu’il ne faut pas ignorer la forte
signification symbolique de la reconnaissance du mariage de couples
de même sexe, car il n’apporte pas seulement la garantie d’égalité
et d’inclusion; il envoie aussi un message fort d’acceptation par
la société et de refus d’une discrimination fondée sur l’orientation
sexuelle. C’est pourquoi, bien que mon rapport soit axé sur les
moyens de garantir la protection nécessaire des droits concrets
et des responsabilités concrètes des partenaires de même sexe et
de leurs enfants, et non sur le bien-fondé de telle ou telle forme
de reconnaissance juridique, je ne fais pas mystère de ma conviction
personnelle: l’égalité devant le mariage doit être le but ultime
de tous les États membres du Conseil de l’Europe.
7. Conclusions
64. Le présent rapport ne porte
pas sur des débats théoriques abstraits, mais sur des êtres humains
bien réels – des partenaires et parents LGBTI et leurs enfants –
qui souffrent au quotidien de l'incapacité des sociétés et des lois
à satisfaire adéquatement à leurs besoins.
65. Depuis 1989, date à laquelle le Danemark a introduit pour
la première fois des partenariats enregistrés, plus de la moitié
des États membres du Conseil de l’Europe ont avancé à pas de géant
vers la réalisation de l’égalité dans la vie privée et familiale,
sans discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Cette tendance positive
et manifeste concerne d’une part le nombre d’États ayant accordé
la reconnaissance juridique aux couples homosexuels, et d’autre
part l’étendue des droits octroyés à ces couples.
66. À l’instar d’autres normes internationales, la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l’homme a elle aussi évolué,
notamment ces dix dernières années. La Cour a reconnu que les couples
de même sexe étaient protégés par le droit au respect de la vie
familiale inscrit dans la Convention européenne des droits de l’homme.
Elle a établi des normes minimales claires que tous les États devraient
mettre en œuvre. Elle a estimé que les couples de même sexe ont
besoin d’une reconnaissance juridique et d’une protection de leur relation,
et que les États ont l’obligation positive de prévoir un cadre juridique
spécifique pour y parvenir. Elle a indiqué des points essentiels
à aborder pour couvrir les droits et devoirs mutuels des partenaires,
comme le soutien moral et matériel, la pension alimentaire et les
droits de succession. Elle a également conclu que tous les États,
même ceux qui ne reconnaissent pas l’égalité devant le mariage,
devaient établir un cadre juridique pour assurer la reconnaissance
des mariages de couples de même sexe contractés à l’étranger. Concernant les
enfants, la Cour a par ailleurs établi que certains droits accessibles
aux couples hétérosexuels non mariés devaient également être ouverts
aux couples homosexuels non mariés, sans discrimination. Elle a
également estimé, dans le cadre de l’ingérence dans un mariage,
que la marge d’appréciation dont bénéficient les États à la suite
de la reconnaissance du genre est limitée et ne doit pas avoir pour
effet de priver les conjoints ni les enfants de leurs droits. Ces
conclusions de la Cour ne révolutionnent pas l’Europe; au contraire,
elles reflètent un réel changement à l’œuvre dans nos sociétés.
67. Il est indispensable, à mon sens, de continuer de travailler
au niveau national, pour garantir aux familles arc-en-ciel la protection
nécessaire à leur bien-être quotidien. Il existe sans doute de multiples
voies pour atteindre l’égalité, mais ce qui est sûr, c’est que le
non-respect du droit à la vie privée et familiale des personnes LGBTI
peut avoir des conséquences humaines dramatiques pour les personnes
concernées. Le fait est qu’à l’heure actuelle et dans toute l’Europe,
beaucoup d’enfants grandissent dans des familles arc-en-ciel. Ils
ont besoin que leurs relations avec leurs parents soient reconnues
et protégées par la loi, car leur bien-être en dépend.
68. Je conviens que ces questions sont souvent controversées dans
le débat public – en particulier lorsqu’il est question du mariage
pour tous – et que les transformations sociales demandent du temps.
Mais ces débats ne doivent pas porter atteinte aux familles arec-en-ciel
ni occulter leurs besoins et leurs droits bien réels. Je suis intimement
convaincu qu’il est de notre devoir en notre qualité de législateurs
et du devoir de nos gouvernements, de veiller à ce que nos sociétés,
actuelles et futures, soient dénuées de stigmatisation, de préjugés
et de haine et prônent l’inclusion, l’acceptation et le respect
pour tous. Nous sommes tous dignes de vivre dans une société qui
respecte nos familles – toutes les familles – et qui défend leur
bien-être.