1. Introduction
1. La proposition de résolution
sur laquelle repose le présent rapport vise à donner suite à la
Résolution 1966 (2014) de l’Assemblée parlementaire «Refuser l'impunité pour
les meurtriers de Sergueï Magnitski»
.
2. L'Assemblée avait été consternée par le décès en 2009 de Sergueï
Magnitski, expert russe en fiscalité et en comptabilité, alors qu’il
était en détention provisoire. M. Magnitski avait enquêté sur une
gigantesque fraude au remboursement d’impôt au détriment du Trésor
public russe; cette fraude avait été commise grâce à l’utilisation
abusive, par des personnes bénéficiant de la complicité de fonctionnaires
corrompus des forces de police et de l'administration fiscale, de
sociétés d’investissement gérées par l’un des clients de M. Magnitski,
M. William Browder, sociétés desquelles ils avaient frauduleusement
pris le contrôle. Après que les plaintes qu'il avait rédigées furent
versées au dossier de l’enquête menée précisément par les fonctionnaires
qu’il avait accusés de complicité dans cette fraude supposée, M. Magnitski
avait lui-même été placé en détention provisoire pour fraude fiscale
supposée. Comme il avait refusé de revenir sur son témoignage, il
avait subi des conditions de détention de plus en plus dures, malgré
la dégradation de son état de santé; il souffrait notamment d’une
pancréatite aiguë pour laquelle les soins chirurgicaux qui s’imposaient lui
avaient été refusés. Il était finalement mort dans des conditions
terribles au cours de sa détention provisoire, après avoir été frappé
à l’aide de matraques en caoutchouc, que les gardiens employaient
pour le «faire taire» lorsqu’il criait au cours de son agonie. L'Assemblée
avait été consternée en plus par le fait qu’aucun des fonctionnaires
responsables de la mort de M. Magnitski n'avait été puni. Au contraire,
certains avaient bénéficié de promotions et des félicitations officielles
de la part de hauts représentants de l’État, alors que les poursuites
engagées contre M. Magnitski se poursuivaient à titre posthume,
ce que l’on peut considérer à juste titre comme une absurdité absolue.
3. En se fondant sur l’analyse détaillée de ces événements, l'Assemblée
avait exhorté les autorités russes compétentes à mener une enquête
complète sur les circonstances et le contexte de la mort de M. Magnitski, ainsi
que sur l'éventuelle responsabilité pénale de tous les fonctionnaires
concernés. Les circonstances examinées par l’Assemblée incluaient
les témoignages contradictoires donnés par les agents pénitentiaires
et les autres témoins, l’existence de deux versions contradictoires
de l’«acte de décès» provisoire officiel et l’origine de l’enrichissement
considérable de certains fonctionnaires à la retraite du ministère
de l’Intérieur et des services fiscaux. L’Assemblée avait particulièrement
insisté sur l’achat de biens immobiliers à Dubaï par un certain
nombre des fonctionnaires impliqués. Elle avait conclu que l’application
de sanctions ciblées contre ces personnes, par exemple l’interdiction
de visa et le gel d’avoirs, devait être considérée comme un moyen
à utiliser en dernier ressort.
4. Dans sa
Résolution
1966 (2014), adoptée à une écrasante majorité des voix, l'Assemblée
parlementaire avait réaffirmé son adhésion indéfectible à la lutte
contre l'impunité et la corruption qui menacent l’État de droit. Elle
s’était également engagée à suivre attentivement la mise en œuvre
des propositions concrètes qu'elle avait adressées aux autorités
russes pour veiller à ce que les auteurs et les bénéficiaires du
crime dont a été victime Sergueï Magnitski aient à rendre compte
de leurs actes. Elle avait par ailleurs décidé que:
«si,
dans des délais raisonnables, les autorités compétentes n’[avaient]
pas apporté de réponse, ou pour le moins de réponse satisfaisante,
à la présente résolution, l'Assemblée devrait recommander aux États membres
du Conseil de l'Europe de suivre en dernier ressort l’exemple des
États-Unis, en adoptant des sanctions ciblées à l’encontre de personnes
particulières (interdiction de visa et gel de comptes bancaires),
après avoir donné à ces personnes nommément désignées la possibilité
de présenter des arguments appropriés pour leur défense.»
5. Comme l’expliquait dans le détail l’addendum au rapport établi
par M. Gross, la réponse des autorités russes compétentes aux recommandations
de l'Assemblée avait été totalement insuffisante. Ce constat a été confirmé
par la commission des questions juridiques et des droits de l'homme
lors de ses réunions des 29 septembre et 10 décembre 2014, la commission
estimant que la Fédération de Russie n'avait fait aucun progrès
dans la mise en œuvre de la résolution de l'Assemblée et exhortant
la présidente à assurer le suivi de cette question avec les parlements
nationaux. Au lieu de demander des comptes aux auteurs des crimes commis
contre M. Magnitski et de ceux découverts par lui, les autorités
russes ont harcelé la mère de M. Magnitski, sa veuve et son ancien
client, M. William Browder. Le 6 janvier 2015, la présidente de l'Assemblée,
Mme Anne Brasseur, avait transmis la
Résolution 1966 (2014) et les documents connexes à l’ensemble des chefs des
délégations nationales en leur demandant de se saisir de la question
avec leurs autorités nationales compétentes.
6. Par la suite, plusieurs États membres du Conseil de l'Europe
et des pays ayant le statut d’observateur (l’Estonie, la Lettonie,
la Lituanie, le Royaume-Uni, ainsi que le Canada et les États-Unis)
ont adopté des lois ou d’autres instruments juridiques pour permettre
à leur gouvernement d’infliger des sanctions ciblées aux auteurs
ou aux bénéficiaires de graves violations des droits de l'homme,
comme la mise à mort de Sergueï Magnitski. Dans la proposition de
résolution sur laquelle se fonde le présent rapport, l'Assemblée
est invitée à examiner ces initiatives et à encourager les États
membres et observateurs à faire de même
. Il est à
noter que ce qui a débuté aux États-Unis en 2012 comme la possibilité
d'imposer des sanctions aux responsables d'un crime contre un individu,
Sergueï Magnitski, a été élargi en 2016 à la possibilité d'imposer
des sanctions (gel des avoirs et interdiction de visa) à tout auteur
de grave violation des droits de l'homme jouissant de l’impunité
pour des motifs politiques ou en raison de pratiques de corruption
.
7. À ce jour, l’ancien client de M. Magnitski continue d’être
persécuté par les autorités russes, notamment par le recours abusif
et répété à la procédure de notice rouge d'Interpol
. Jusqu’à présent, toutes
ces tentatives ont échoué. M. Browder fait campagne dans le monde
entier pour l'adoption de «lois Magnitski» prévoyant des sanctions
ciblées (comme des interdictions de voyager ou le gel d’avoirs)
contre les fonctionnaires responsables de la mort de M. Magnitski
et ceux qui ont tiré profit du crime qu’il avait dénoncé. Le champ d’application
de ces dispositions légales a été élargi dans plusieurs pays afin
d’englober l’ensemble des individus personnellement responsables
de graves violations des droits de l'homme et bénéficiant d’une impunité
de fait dans leur pays.
8. Comme je l’annonçais dans ma note introductive examinée lors
des réunions de la commission des questions juridiques et des droits
de l’homme en avril 2018 à Strasbourg et en mai 2018 à Reykjavik,
je commencerai par faire un point rapide sur les suites données
par les autorités russes à l’affaire Magnitski depuis l’adoption
de la
Résolution 1966
(2014), notamment la campagne de désinformation orchestrée
contre le rapport de 2014 de l’Assemblée et les progrès réalisés
par les services répressifs d’un certain nombre de pays pour retracer
le cheminement des sommes obtenues grâce aux remboursements frauduleux
d’impôts, qui s’élèvent à près de $US 230 millions.
9. Puis j’examinerai les «lois Magnitski» qui ont déjà été adoptées
dans plusieurs pays. Après avoir brièvement rappelé les avantages
des sanctions ciblées par rapport aux sanctions générales, j’analyserai
les caractéristiques communes de ces textes de loi au sujet des
critères et procédures d'identification des personnes à soumettre
à des sanctions ciblées, les difficultés auxquelles les parlements
ont été confrontés pour adopter ces lois et la manière dont ils
en sont venus à bout.
10. Enfin, et ce point est particulièrement important, j’examinerai
plus en détail les «droits de la défense» nécessaires compte tenu
de la solide réputation dont jouit l'Assemblée en matière de respect
des droits de toute personne qui fait l’objet de sanctions pour
des actes répréhensibles allégués. Ce point, déjà évoqué dans la
Résolution 1966 (2014), ne doit pas être négligé, afin de garantir la crédibilité
de l’Assemblée en qualité de défenseur des droits de l'homme. L'Assemblée
a défini les exigences pertinentes dans la
Résolution 1597 (2008) sur les listes noires du Conseil de sécurité des Nations
Unies et de l’Union européenne et nous devons veiller à ce que ces
exigences s'appliquent également aux personnes accusées de graves
violations des droits de l’homme autres que des actes de terrorisme.
11. Sur la base de ces éléments, j’ai élaboré des propositions
concrètes pour de nouvelles actions, qui sont résumées dans le projet
de résolution adressée à l’ensemble des États membres et observateurs
et aux membres de l’Assemblée, en tenant compte des bonnes pratiques
et des enseignements tirés. L’objectif du présent rapport est donc
d'encourager les membres de l'Assemblée à examiner la réponse des
parlementaires d'autres pays qui ont légiféré pour sanctionner ceux
qui commettent de graves violations des droits de l'homme et, dans
le même temps, à adapter et adopter ce type de loi ou d’autre instrument
juridique selon qu'il conviendra au sein de leur propre parlement.
Ainsi, nos recommandations ne se veulent pas prescriptives. Après
tout, les collègues parlementaires sont les experts des procédures
et des opportunités législatives dans leur pays; dans la plupart, si ce n’est dans tous les
États, ce sont les parlementaires qui ont ouvert la voie en poussant
leur gouvernement, parfois hésitant, à agir.
2. Nouveaux éléments dans l’affaire Magnitski
depuis décembre 2014
2.1. Suites
données par les autorités russes: la désinformation au lieu de la
transparence
12. En décembre 2014, l’avocat
de Mme Magnitskaïa a porté plainte devant
le Service des enquêtes de la Commission d’enquête russe, invoquant
l’absence d’investigations approfondies et complètes sur la mort
du mari de sa cliente, et notamment le fait que les fonctionnaires
suspectés n’ont pas été interrogés, la perte d’éléments de preuve,
le refus de pratiquer une autopsie indépendante et la non-prise
en compte de la question d’éventuels conflits d’intérêts. La plainte
a été rejetée par le chef du Service des enquêtes, M. Tshukin.
13. En janvier 2015, l’avocat de la famille Magnitski a demandé
l’ouverture d’une enquête et de poursuites contre M. Tagiev, directeur
du centre de détention de Matrosskaya Tishina (où est décédé M. Magnitski),
pour fausses informations pendant l’enquête sur la mort de M. Magnitski.
M. Tagiev avait en effet indiqué dans une lettre datée du 16 mars
2011 qu’il n’existait aucun enregistrement de vidéosurveillance
pour les zones dans lesquelles M. Magnitski a passé ses dernières
heures et où il a été retrouvé mort. Ces indications étaient contraires
aux éléments figurant dans le dossier pénal, notamment des photos
de caméras de surveillance dans les zones en question, des témoignages
du personnel pénitentiaire et des documents sur l’équipement du
centre de détention avec des caméras de surveillance, y compris
leur emplacement. Mais les demandes ont été rejetées par le tribunal
de district de Preobrajenskoïe et le tribunal de la ville de Moscou
en juin 2015.
14. En février 2015, l’avocat de la famille Magnitski a déposé
un recours contre le décret visant à clore l’enquête sur la mort
de M. Magnitski, invoquant en particulier l’absence d’enquête sur
l’utilisation de matraques en caoutchouc et de menottes. Ce recours
a été rejeté en février 2015 au motif que «les éléments concernant
l’utilisation éventuelle d’une matraque en caoutchouc ont fait l’objet
d’une vérification, qui n’a abouti à aucune confirmation» – alors
que le rapport médicolégal officiel contient des conclusions selon
lesquelles les lésions sur le corps de M. Magnitski étaient compatibles
avec l’utilisation d’un objet dur et contondant comme une matraque
en caoutchouc. Fait intéressant, l’usage de matraques en caoutchouc
était déjà mentionné dans le rapport de 2014 de M. Gross pour l’Assemblée,
qui s’était basé sur un exemplaire d’un document de l’administration
pénitentiaire concernant l’emploi de «moyens spéciaux» pour «faire
taire» M. Magnitski. Dans la version de ce document dont M. Gross
avait obtenu copie auprès de la «Commission de surveillance publique»
(le mécanisme national de prévention russe officiel au titre de
la Convention de l’ONU contre la torture), qui avait pris des copies
des documents pertinents avant toute manœuvre de dissimulation,
les «moyens spéciaux» dont l’usage était évoqué dans ce document
incluaient les menottes et les matraques. Dans une «version» ultérieure
du document par ailleurs identique, seules les menottes étaient
mentionnées dans le texte entre crochets détaillant les «moyens
spéciaux» appliqués.
15. En février, mars et avril 2015, l’avocat de la famille Magnitski
a également déposé des recours contre la désignation posthume, dans
le décret clôturant l’enquête sur sa mort, de Sergueï Magnitski
comme un responsable de la fraude de $US 230 millions qu’il avait
dénoncée et du blanchiment des produits de la fraude, et pour faire
admettre des éléments prouvant l’innocence de M. Magnitski. Toutes
ces demandes ont été rejetées en dernière instance en mai 2015.
Un recours similaire (motivé par de nouvelles accusations posthumes
contre Sergueï Magnitski en réponse à une demande d’entraide judiciaire
venant des États-Unis) a été rejeté en janvier/mars 2016.
16. En décembre 2015, le procureur général russe, M. Chaika, a
publiquement accusé M. Magnitski et M. Browder d’avoir eux-mêmes
commis la fraude de $US 230 millions qu’ils ont dénoncée et a laissé
entendre que M. Browder était responsable de la mort de trois citoyens
russes. Le même mois, la Commission d’enquête russe a ouvert une
enquête contre M. Browder au sujet de la mort de trois personnes
– MM. Korobeinikov, Kurochkin et Gasanov. En avril 2017, la télévision
d’État russe a diffusé un reportage accusant M. Browder et la CIA
d’avoir assassiné M. Magnitski, le Bureau du procureur général et
la Commission d’enquête annonçant une enquête en ce sens.
17. En janvier 2017, M. Nikolai Gorokhov, avocat de la famille
Magnitski, a porté plainte au pénal contre deux enquêteurs pour
abus de pouvoir et collusion avec les suspects présumés. Il a également
fourni des preuves aux autorités américaines sur le blanchiment
d’une partie des produits du crime dénoncé par M. Magnitski à New
York. En mars 2017, avant les audiences consacrées à ces plaintes,
M. Gorokhov est tombé du balcon de son appartement (situé au quatrième
étage)
. Il a
miraculeusement survécu à sa chute, dont il ne se rappelle pas les
détails. Mais il semblerait que des inconnus aient été vus à ses
côtés sur le balcon et il avait reçu plusieurs menaces de mort précédemment.
18. En juillet et octobre 2017, les autorités russes ont déposé
deux requêtes supplémentaires (les quatrième et cinquième) auprès
d’Interpol pour la publication de notices rouges et de «diffusions»
, demandant l’arrestation
de M. Browder. Ces demandes ont finalement été rejetées car elles
étaient motivées par des considérations politiques. Une sixième
tentative russe de faire arrêter M. Browder a échoué récemment en Espagne,
le 30 mai 2018. M. Browder a été brièvement détenu par la police
espagnole sur la base d’une demande bilatérale émanant de la Russie
– l’ironie de la situation est qu’il se trouvait en Espagne pour témoigner
devant des procureurs espagnols de haut rang sur le blanchiment,
dans ce pays, d’une partie des produits du crime dénoncé par M. Magnitski
– mais a été libéré rapidement après que les autorités espagnoles eurent
été informées des motivations politiques sous-tendant la demande
russe
.
19. Enfin, en décembre 2017, M. Browder et son collègue, M. Cherkasov,
ont été déclarés coupables par contumace et condamnés à de longues
peines d’emprisonnement par le tribunal du district de Tverskoï
de Moscou pour évasion fiscale et faillite frauduleuse. Dans le
cadre de poursuites pénales toujours en cours en octobre 2018, il
est allégué que M. Magnitski et M. Browder étaient eux-mêmes les
auteurs de la fraude de $US 230 millions qu’ils avaient dénoncée,
tandis que les véritables auteurs, le «groupe Klyuev», et les fonctionnaires
des impôts et de la police impliqués dans le crime et dans sa dissimulation
sont exonérés de toute responsabilité
malgré leur
richesse inexpliquée (propriétés de luxe et autres biens en Russie,
à Dubaï, à Chypre et ailleurs, comme l’indique le rapport de 2014
de l’Assemblée
).
Par contre, les poursuites contre l’avocat mandaté par Hermitage,
M. Khareitdinov, continuent malgré l’appel spécifique en sens contraire
lancé par l’Assemblée dans sa
Résolution
1966 (2014) .
M. Khareitdinov est poursuivi pour avoir utilisé un «faux mandat»
car il a agi pour le compte des véritables propriétaires des sociétés
d’Hermitage même après leur appropriation frauduleuse par le «groupe
Klyuev».
20. Pour compléter ce tableau décrivant une dissimulation officielle
systématique de la vérité et un harcèlement permanent des victimes,
j’évoquerai brièvement la campagne de désinformation inhabituelle
qui a visé à discréditer le rapport de 2014 de l’Assemblée sur l’affaire
Magnitski. Un «documentaire d’enquête» de format long métrage présenté
au printemps 2016 par le cinéaste russe connu Andreï Nekrasov affirmait présenter
la «vérité» (c’est-à-dire la ligne russe officielle) sur l’affaire
Magnitski. Le film devait être diffusé notamment sur des chaînes
de la télévision publique française et allemande. Le cinéaste a
utilisé des méthodes extrêmement déloyales pour essayer de faire
croire que le rapporteur de l’Assemblée et ses collègues parlementaires
qui avaient soutenu le rapport durant les débats à l’Assemblée étaient
mal informés et incompétents, accusant même l’une d’entre eux (Mme Marieluise
Beck, Allemagne/Les Verts) d’être un agent de la CIA. Grâce aux
interventions en temps utile de plusieurs membres et anciens membres
de notre commission, notamment du vice-président de l’époque, M. Fabritius,
et de M. Gross lui-même, la diffusion de ce cas flagrant de «fausses
informations» a été empêchée à la dernière minute et un entretien
trompeur accordé par M. Nekrasov au journal Frankfurter
Allgemeine Zeitung a été rectifié.
2.2. La
piste de l’argent: enquête sur les produits du crime dénoncé par
Sergueï Magnitski
21. William Browder et son équipe
ont persévéré sans relâche pour suivre le cheminement de l’argent
volé par les auteurs du crime dénoncé par Sergueï Magnitski, transmettant
les informations pertinentes obtenues auprès de lanceurs d’alerte
comme M. Alexander Perepilichny (décédé dans des circonstances suspectes
au Royaume-Uni en novembre 2012
) aux
services répressifs des pays concernés (12 jusqu’à présent: Chypre, l’Espagne,
les États-Unis, la France, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie,
le Luxembourg, la République de Moldova, les Pays-Bas, le Royaume-Uni
et la Suisse). J’ai rencontré M. Browder et son équipe dans leurs bureaux
de Londres, aux côtés de notre rapporteur sur les «lessiveuses»
russe et azerbaïdjanaise, M. Mart van de Ven (Pays-Bas, ADLE). L’expérience
acquise par l’équipe de M. Browder pour remonter les circuits de l’argent
de la fraude de $US 230 millions commise au détriment du Trésor
public russe est extrêmement utile, y compris pour la lutte permanente
du Conseil de l'Europe contre la corruption de grande ampleur et
le blanchiment de capitaux en général. Je suis convaincu que M. van
de Ven y fera référence dans son futur rapport, comme il convient,
et qu’il en tirera les conclusions nécessaires. En ce qui concerne
mon propre rapport, je me félicite que près de 20% des $US 230 millions
aient déjà été récupérés jusqu’à présent, malgré les méthodes très
sophistiquées de blanchiment d’argent et la réticence de plusieurs
pays à enquêter sur ces affaires (selon M. Browder, les pays réticents
incluent Chypre mais aussi, ce qui est peut-être plus surprenant, la
Lettonie et pendant quelque temps le Royaume-Uni). L’un des membres
de l’équipe de M. Browder, se référant à des informations internes,
pense que les $US 230 millions ont été blanchis à travers un «circuit» bien
en place contrôlé par un service spécial (le «service K») du FSB.
À son avis, l’accès à ce «circuit» est accordé occasionnellement
à des membres du crime organisé, mais il sert surtout à des fins
«officielles», comme les activités de financement visant à influer
sur la situation politique dans certains pays, au-delà des «récompenses»
attribuées à certains fonctionnaires corrompus. Compte tenu du système
d’alerte en vigueur dans la Fédération de Russie au sujet des sorties
de capitaux, le blanchiment des produits du crime divulgué par Sergueï
Magnitski doit obligatoirement avoir été «autorisé» par de hauts
responsables. Bien que je n’aie pas vu d’éléments suffisants pour
endosser cette thèse, cela expliquerait en grande partie pourquoi
les autorités russes refusent d’apporter une assistance – y compris
en réponse aux demandes officielles d’entraide judiciaire émanant
d’organes répressifs d’autres pays – à ceux qui tentent de récupérer
les fonds incontestablement volés au Trésor public russe. Comme
M. Gross l’avait soupçonné, Sergueï Magnitski pourrait avoir perdu
la vie parce qu’en lançant l’alerte sur la fraude au remboursement
d’impôt de $US 230 millions, il avait buté sur le sommet d’un iceberg
constitué de ce que M. van de Ven nomme «blanchiment à l’envers»
ou «noircissement de capitaux» – c’est-à-dire le fait de détourner
des ressources budgétaires légales (soumises à un certain niveau
de contrôle budgétaire) pour les injecter dans un «budget parallèle»
colossal utilisé pour toutes sortes de fins opaques.
22. Parmi les événements les plus notables dans ce contexte après
janvier 2015, on peut citer l’ouverture d’enquêtes par les autorités
françaises (mai 2015) pour blanchiment d’argent en relation avec
la fraude de $US 230 millions et l’incursion, en novembre 2015,
dans le bureau des avocats chypriotes d’Hermitage, à la demande
de la Russie et sur la base des poursuites pénales engagées
contre M. Browder. Par contre, en
juin 2016, les autorités chypriotes ont refusé de donner suite à
des indications d’Hermitage dénonçant une fraude contre deux entreprises
chypriotes appartenant à Hermitage et des activités de blanchiment
d’argent à Chypre menées par l’intermédiaire de comptes contrôlés
par M. Klyuev
. Entre-temps,
M. Browder a engagé des poursuites judiciaires à Chypre pour empêcher
le bureau du procureur général chypriote de coopérer avec celui
du procureur général russe, en raison du mobile politique présumé
de la procédure. J’ai récemment été informé par l’avocat agissant
pour M. Browder à Chypre, M. Christos Pourgourides
,
que le tribunal de Nicosie, le 3 août 2018, a refusé l’injonction
intérimaire requise par M. Pourgourides, en arguant que des dommages
et intérêts postérieurs peuvent constituer un moyen de recours suffisant.
Sur la substance, le juge a statué comme suit:
«(…) J’estime que les requérants
ont satisfait à la deuxième demande de la section 32 de la Loi sur
les Cours de Justice, donc ils ont une perspective raisonnable de
succès, comme ils ont soumis des preuves qui montrent qu’ils ont
une cause défendable par rapport à la violation de leurs droits sauvegardés
par la Constitution, et non seulement ceci. Toutes les allégations
et arguments soulevés par la partie défenderesse à mon avis n’affaiblissent
pas la puissance des preuves apportées en soutien de la cause des
requérants, à tel point que je suis en mesure de statuer que ces
allégations et arguments n’ont pas une chance de succès raisonnable
au procès sur le fond.»
Il convient de noter qu’en 2017 le Royaume-Uni a refusé des
demandes d’entraide judiciaire similaires émanant de la Russie,
précisément du fait du mobile politique présumé.
23. Enfin, Hermitage a transmis
de nouvelles informations sur le blanchiment des $US 230 millions aux services
répressifs de la Lettonie (décembre 2016), du Royaume-Uni (mai 2017),
des Pays-Bas (dont les autorités ont gelé les avoirs d’une entreprise
appartenant au fils d’un haut responsable gouvernemental russe, M. Katsyv,
en mai 2017) et de l’Espagne (mars 2018)
.
En février 2018, cette entreprise appartenant à M. Katsyv s’est
vu ordonner de verser au Trésor américain plus de $US 6 millions dans
le cadre d’un «règlement»
dans l’affaire de blanchiment d’argent
États-Unis c. Prevezon, qui est
en rapport avec la fraude de $US 230 millions. Les enquêtes pour
blanchiment d’argent liées aux produits du crime dénoncé par M. Magnitski
se poursuivent en France, aux Pays-Bas et en Suisse (où, en janvier
2018, un tribunal a confirmé la révocation d’un policier suisse
accusé d’avoir coopéré de manière inappropriée avec des fonctionnaires russes
et des particuliers en relation avec les produits du blanchiment
d’une partie des $US 230 millions).
3. «Lois
Magnitski» adoptées jusqu’à présent: défis et succès
24. Comme indiqué plus haut, quatre
États membres du Conseil de l'Europe (par ordre chronologique, l’Estonie,
la Lituanie, la Lettonie et le Royaume-Uni) et deux États ayant
le statut d’observateur auprès de l’Organisation (États-Unis) ou
de l’Assemblée parlementaire (Canada) ont jusqu’à présent adopté
des «lois Magnitski»
. En 2012, aux États-Unis, la «loi
Magnitski» habilitait le gouvernement à imposer des sanctions ciblées
(gel des avoirs et interdiction de visa) aux responsables d'un crime
contre un individu, Sergueï Magnitski. Le champ d’application de
ce texte a été élargi en 2016 par la «loi Magnitski mondiale», qui
permet d'imposer des sanctions ciblées à
tout auteur
de grave violation des droits de l'homme jouissant de l’impunité pour
des motifs politiques ou en raison de pratiques de corruption, partout
dans le monde. Comme l’a expliqué la sénatrice canadienne Raynell
Andreychuk pendant la réunion à Reykjavik, la loi canadienne, adoptée
à son initiative par des votes unanimes dans les deux Chambres du
parlement, suit également l’approche «mondiale», plus large.
25. La sénatrice Raynell Andreychuk et ses collègues des pays
baltes, qui – à cette même réunion à Reykjavik – ont partagé les
expériences de leur parlement pour parvenir à l’adoption de «lois
Magnitski», ont convenu que l’adoption de ces textes dans leur pays
avait été nettement facilitée par l’approche «mondiale»: en ne montrant
pas du doigt un pays en particulier, ou les auteurs présumés de
violations des droits de l’homme d’un pays, les promoteurs de ces
instruments ont réussi à désamorcer les accusations de «deux poids,
deux mesures» ou de motivations géopolitiques inappropriées. Détail
intéressant, le premier groupe de personnes inscrites sur la liste
après l’adoption de la loi canadienne inclut des militaires de haut
rang du Venezuela et du Soudan du Sud soupçonnés d’actes illégaux.
La référence à Sergueï Magnitski dans ces lois n’est qu’un hommage
bien mérité au courageux avocat russe qui est mort pour faire éclater
la vérité. Je tiens à souligner que je suis également favorable
au champ d’application mondial des instruments adoptés plus récemment.
Cette position est, à n’en pas douter, pleinement conforme à la
raison d’être du Conseil de l'Europe.
26. Un autre défi à relever pour faciliter l’adoption d’instruments
de type Magnitski est la crainte que les régimes de sanctions tendent
souvent à nuire aux mauvaises personnes. Cela peut effectivement
être vrai pour les sanctions générales, par exemple les embargos
commerciaux. Ces dernières ont souvent des conséquences néfastes
sur les populations vulnérables des pays concernés, généralement
sans affecter leurs dirigeants. Les personnes au pouvoir, dont les
actes ont entraîné la prise de sanctions et qui sont à même d’en supprimer
les causes, ont également les moyens de parer aux conséquences des
sanctions qui peuvent les toucher.
27. À l’inverse, les sanctions ciblées (ou «intelligentes») ne
font pas peser des difficultés économiques sur la population mais
mettent l'accent sur la responsabilité individuelle des personnes
directement responsables des actes visés. Ce qui a convaincu de
nombreux esprits sceptiques à l’égard des sanctions au Canada et ailleurs
est l’argument de Mme Raynell Andreychuk
selon lequel autoriser ces individus à venir dans nos pays, les
autoriser à utiliser nos institutions, en particulier nos banques,
revient en fait à se rendre «complice» de leurs agissements répréhensibles
ou à les aider à jouir des produits de leur crime. Naturellement,
nous ne souhaitons pas y être associés, encore moins en tirer un
bénéfice financier, par exemple en prélevant des frais bancaires
ou en vendant des produits de luxe à ces personnes. Pour reprendre
les termes de la Première ministre britannique Theresa May
, ces personnes «ne sont pas les
bienvenues» dans nos pays.
28. Un autre enseignement important tiré des parlements qui ont
réussi à adopter des «lois Magnitski» est que ces initiatives doivent
être soutenues d’emblée par des représentants de tous les partis.
Ce fut clairement le cas au Royaume-Uni, comme l’ont confirmé mes
collègues parlementaires britanniques, qui ont joué un rôle essentiel
pour surmonter la résistance initiale du gouvernement contre les
«amendements Magnitski» apportés à la loi sur les sanctions, et
que j’ai consultés à maintes reprises pour préparer le présent rapport. Ceux
qui étaient à la tête de cette initiative au Parlement du Royaume-Uni
étaient des membres expérimentés du Parti conservateur, du Parti
travailliste, du Parti national écossais et du Parti libéral démocrate.
29. Le dernier défi à relever pour adopter et appliquer les «lois
Magnitski» est la mise en place de garanties appropriées pour éviter
d’établir des listes erronées. Cette question fait l’objet du chapitre
qui suit.
30. L’appel à des sanctions ciblées
contre les auteurs de violations des droits de l’homme qui bénéficient de
l’impunité dans leur pays vise à promouvoir le respect des droits
de l’homme et ne doit pas déboucher sur de nouvelles violations.
Les sanctions «intelligentes», comme les restrictions de déplacement
et le gel des avoirs, ont clairement un impact direct sur les droits
individuels tels que la liberté de mouvement et la protection de
la propriété. Bien que la nature de ces sanctions – pénale, administrative
ou civile – demeure sujette à débat, leur application doit respecter
certaines normes minimales de protection procédurale et de sécurité juridique.
Le respect de normes élevées de procédure et de fond est indispensable
à la crédibilité et à l’efficacité des sanctions. En ce qui concerne
l’Assemblée, la
Résolution
1597 (2008) sur les listes noires du Conseil de sécurité des Nations
Unies et de l’Union européenne a énoncé des normes appropriées fondées sur
la Convention européenne des droits de l'homme (ETS no 5,
«la Convention»). L’Assemblée doit aujourd’hui exiger les mêmes
normes et garanties pour les «lois Magnitski» qui ciblent des catégories d’auteurs
de violations des droits de l’homme autres que les terroristes et
leurs partisans.
31. Les normes proposées figurent au paragraphe 11.2 du projet
de résolution et ses sous-paragraphes. Sur le fondement de l’article 6
de la Convention, il est exigé d’abord et avant tout que les personnes
visées soient informées de l’imposition de sanctions, notamment
de leur nature, et des raisons pour lesquelles elles sont imposées.
Les personnes visées doivent avoir la possibilité de répondre aux
accusations sous-tendant les sanctions. Cela peut se faire dans
le cadre d’une procédure écrite, dans un délai raisonnable, pour
les deux parties.
32. La deuxième exigence est que l’instance décidant d’imposer
des sanctions doit être indépendante de l’organisme qui rassemble
et évalue les informations et qui propose d’inscrire une personne
sur la liste de sanctions – cela découle du principe fondamental
de l’équité de la procédure, selon lequel celui qui enquête et accuse
(«le procureur») ne doit pas être celui qui décide («le juge»).
33. Enfin, mais ce point est tout aussi important, la possibilité
doit être offerte à la personne ciblée de contester la décision
initiale d’imposer des sanctions devant une instance d’appel dotée
d’une indépendance suffisante et d’un pouvoir de décision, y compris
celui de retirer l’intéressé de la liste et de lui accorder une indemnisation
adéquate si les sanctions étaient une erreur.
34. La répartition des compétences et l’organisation pratique
de la procédure relèvent de chaque pays, qui tiendra compte de ses
propres modalités institutionnelles et de ses possibilités opérationnelles.
La qualité du processus de décision peut être nettement améliorée
par la coopération internationale, en particulier par le partage
des informations concernant les personnes visées éventuelles et
de la réponse de ces dernières aux allégations factuelles qui motivent
l’imposition de sanctions.
35. Dans ce contexte, il convient de noter que des informations
impartiales et fiables sur l’identité des personnes jugées responsables
de graves violations des droits de l’homme et bénéficiant de l’impunité
dans leur pays peuvent également être obtenues auprès des organisations
non gouvernementales. J’ai attiré l’attention sur l’excellent travail
du Centre de documentation Natalia Estemirova (NEDC)
, basé à Oslo (Norvège), qui rassemble
des informations sur de graves violations des droits de l’homme,
des témoignages de témoins, des pièces justificatives et des informations
sur les enquêtes menées (ou non) par les services répressifs compétents.
Le Centre, qui réunit des chercheurs de neuf grandes organisations
de défense des droits de l’homme (notamment le Comité Helsinki de
Norvège, le Centre des droits de l’homme «Memorial», Human Rights
Watch et la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme
(FIDH)), a développé et gère une base de données, dans laquelle
il est possible de faire des recherches, sur les violations des
droits de l’homme qui n’ont pas donné lieu à des enquêtes satisfaisantes
par les autorités compétentes. Sa création peut d'ailleurs être
considérée comme une réponse positive de la société civile à l’appel
lancé par l’Assemblée au Comité des Ministres dans la
Recommandation 1922 (2010) sur les recours juridiques en cas de violations des
droits de l’homme dans la région du Caucase du Nord
, à savoir «examiner la création,
au sein du Conseil de l’Europe et avec la collaboration d’organisations
non gouvernementales travaillant dans ce domaine, d’un système d’archivage
des témoignages, des documents et des preuves des violations des
droits de l’homme commises dans la région».
5. Conclusions
36. L’objet du présent rapport
est d’encourager les parlements nationaux à envisager d’adopter
des «lois Magnitski» prévoyant des sanctions ciblées contre des
personnes jugées personnellement responsables de graves violations
des droits de l’homme et bénéficiant d’une impunité dans leur pays
pour des motifs politiques ou en raison de pratiques de corruption.
L’accent est placé sur «encourager» – chaque parlement décidera
lui-même du moyen le plus approprié de combattre l’impunité. À mes
yeux, les «lois Magnitski mondiales», qui évitent de montrer du
doigt tel ou tel pays tout en rendant hommage au courageux avocat
qui est mort pour défendre la vérité sont d’excellents outils dans
la lutte contre l’impunité. Leur simple existence devrait aussi avoir
un effet dissuasif sur les auteurs potentiels de graves violations
des droits de l’homme qui se sentent protégés contre tout risque
d’avoir à rendre des comptes dans leur pays mais qui veulent bénéficier
des fruits de leurs agissements à l’étranger.
37. Le présent rapport repose sur l’idée que les «sanctions ciblées»,
infligées à des personnes précises pour les amener à rendre compte
de leurs actes, sont préférables aux sanctions économiques générales
ou à d’autres types de sanctions qui visent un pays dans son ensemble.
Comme je l’ai expliqué plus haut, les sanctions ciblées évitent
de faire peser les difficultés économiques sur la population et
seules les personnes directement responsables des actes visés doivent
rendre des comptes.
38. Il est vrai que les graves violations des droits de l'homme
telles que celles pour lesquelles nous préconisons la prise de sanctions
ciblées sont, dans la plupart des pays, également constitutives
d’infractions pénales. Il appartient normalement aux services répressifs
nationaux d’amener les auteurs d’infractions pénales à rendre des
comptes
. Mais
il est devenu parfaitement clair avec l’affaire Magnitski, une affaire particulièrement
bien documentée par cette Assemblée
, que les auteurs de graves violations
des droits de l’homme ne sont pas tous amenés à rendre des comptes
par les autorités compétentes de leur pays. Beaucoup échappent à
toute responsabilité pénale, soit parce que les autorités concernées
sont incompétentes et débordées, soit parce qu’ils sont protégés
par de hauts responsables contre l’engagement de poursuites pénales,
pour des motifs politiques ou en raison de pratiques de corruption.
39. En pareil cas, des sanctions ciblées bien appliquées, assorties
des garanties appropriées susmentionnées, peuvent être très efficaces:
elles permettent de faire subir directement aux personnes responsables
de graves violations des droits de l'homme les effets négatifs de
leurs actions, comme l'impossibilité d'obtenir un visa pour se rendre
dans les pays étrangers prisés, ou le gel de leurs avoirs financiers
à l'étranger, qui sont bien souvent le fruit des violations mêmes
pour lesquelles elles encourent ces sanctions. Il ne faut toutefois
pas confondre ces sanctions avec les peines infligées en matière
pénale, qui soulèveraient des questions de compétence et exigeraient
l’application de procédures plus élaborées. Je reconnais que les
sanctions ciblées sont essentiellement des mesures symboliques,
destinées à faire clairement comprendre aux personnes concernées
que la communauté internationale réprouve fortement leurs actes.
Pour reprendre les termes de la Première ministre britannique Theresa
May, ces personnes «ne sont pas les bienvenues»
; ou, comme la sénatrice canadienne Raynell
Andreychuk nous l’a expliqué à Reykjavik, nous ne voulons pas nous
rendre «complices» de leurs agissements répréhensibles en leur permettant
d’utiliser les institutions de nos pays et en les aidant à jouir
de leur gains mal acquis. La colère manifestée jusqu’à présent par
les personnes visées par ces sanctions et par leurs protecteurs
haut placés démontre qu’ils ont bien compris le message.
40. Pour finir, j’aimerais faire deux observations: tout d’abord,
ce rapport et ses recommandations sont totalement cohérents avec
les buts et les idéaux du Conseil de l'Europe, institution primordiale
en matière de droits de l’homme en Europe, à savoir la protection
des droits de l’homme; ensuite, pour mettre efficacement en œuvre
ces recommandations, les parlementaires devraient informer l’Assemblée
des propositions dont ils sont à l’origine et de tout progrès réalisé
par la suite; l’Assemblée leur prodiguera des conseils et leur donnera des
contacts utiles.