1. Introduction
1. Le présent rapport examine
la manière de renforcer et de moderniser les règles et la pratique référendaire
dans toute l'Europe.
2. À l’initiative de l’Assemblée parlementaire
, la Commission européenne pour
la démocratie par le droit (Commission de Venise) a adopté, en 2007,
le Code de bonne conduite en matière référendaire (
CDL-AD(2007)008rev, ci-après «le Code»), comprenant des lignes directrices
(
CDL-AD(2006)027rev) et une note explicative. Le Code a ensuite été approuvé
par l’Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres
.
3. Bien des choses se sont produites depuis lors et laissent
à penser qu’un réexamen attentif s’impose désormais. Des référendums
ont continué d’être fréquemment organisés, ce qui signifie que nous
disposons maintenant de nombreuses données probantes tant sur le
respect des lignes directrices existantes que sur la question de
savoir si ces dernières abordent toutes les questions qu’elles devraient
couvrir.
4. La Commission de Venise a, depuis lors, publié des avis juridiques
sur un certain nombre de référendums tenus dans des États membres
du Conseil de l’Europe; il s’agissait pour la plupart de référendums
constitutionnels
. L’Assemblée,
quant à elle, a continué d’observer la conduite de référendums dans
les États membres de l’Organisation faisant l’objet d’une procédure
de suivi ou de post-suivi
. Certains avis de la Commission
de Venise et rapports de l’Assemblée ont fait état de préoccupations
liées à des questions de fond ou de procédure et ont adressé des
recommandations, lesquelles ont également été reprises par la commission
de suivi dans ses rapports nationaux correspondants.
5. Dans le même temps, certains pays ont exploré des pratiques
référendaires novatrices dont les décideurs de l’ensemble des États
membres pourraient tirer des leçons. Le développement d'internet,
en particulier des médias sociaux, a fondamentalement changé la
nature des campagnes politiques et des attentes des citoyens à l'égard
de la démocratie, d’où la nécessité d’y accorder une attention urgente.
6. Pour toutes ces raisons, diverses sources viennent appuyer
l’intérêt de procéder à un examen. En avril 2017, Lord George Foulkes
et d’autres membres de l’Assemblée ont présenté une proposition
de résolution intitulée «Instaurer des règles garantissant des référendums
équitables dans les États membres du Conseil de l’Europe»
. Celle-ci faisait référence au vote
sur le mariage homosexuel en Irlande, au référendum sur le «Brexit»
au Royaume-Uni, aux référendums sur l’immigration en Suisse et en
Hongrie et au référendum constitutionnel organisé en Turquie en
avril 2017. D’après les signataires de la proposition, dans chacun
des cas précités, «l’organisation du référendum et l’équité du résultat
ont fait l’objet de contestations».
7. La Commission de Venise a engagé un processus d’examen parallèle
. Certains États membres ont par ailleurs
mené des examens minutieux de la pratique référendaire: en Irlande,
l’Assemblée des citoyens a étudié, en janvier 2018, la manière dont
les référendums sont organisés
; au Royaume-Uni, une commission indépendante
sur les référendums a proposé diverses réformes de grande ampleur
durant l’été 2018
.
8. Le présent rapport tient compte de ces initiatives. Il vise
à la fois à appuyer l'examen de la Commission de Venise, axé sur
la législation relative aux référendums, et à encourager un plus
large partage des bonnes pratiques démocratiques dans l'ensemble
des États membres. Il aborde des questions exclusivement liées aux référendums
nationaux. Les référendums locaux sont intentionnellement laissés
de côté dans la mesure où ils posent des problèmes différents et
méritent leur propre approche et un rapport séparé.
9. Concernant la méthodologie, l’élaboration du présent rapport
s’appuie sur la documentation produite par les processus décrits
ci-dessus, en particulier l’actuel Code de la Commission de Venise
et sa compilation d’avis relatifs aux référendums. Compte tenu par
ailleurs de la discussion menée au sein de la commission des questions
politiques et de la démocratie en janvier 2018, j’ai également conçu
un questionnaire, géré par le Centre européen de recherche et de
documentation parlementaires (CERDP). Celui-ci comportait une série
de questions relatives au droit de vote dans le cadre d’un référendum,
à l’administration des référendums, et à la conduite des campagnes
référendaires. Trente-huit États membres y ont répondu
.
10. Dans le cadre de ce travail, j’ai bénéficié de l’assistance
d’un expert en matière de référendums, M. Alan Renwick, vice-directeur
du département d’étude de la Constitution, faculté des sciences
politiques à l’University College de Londres. M. Renwick était directeur
de recherche de la commission britannique indépendante sur les référendums.
Outre son expertise et les éléments décrits au paragraphe précédent, M. Renwick
a longuement consulté des spécialistes des questions référendaires
dans divers pays européens.
11. De plus, dès ma désignation en tant que rapporteure, j’ai
tenu des réunions avec le Président de la Commission de Venise,
M. Gianni Buquicchio, et son secrétariat, pour faire en sorte que,
comme ce fut le cas en 2007 avec l’élaboration du Code, l'exercice
visant à mettre à jour et étoffer les lignes directrices soit également
le fruit d’une étroite coopération entre notre Assemblée et la Commission
de Venise.
12. Le professeur Nikos Alivizatos m’a transmis, en sa qualité
de professeur de droit constitutionnel et d'ancien membre et expert
actuel de la Commission de Venise en matière référendaire, des observations générales
et spécifiques que j'ai introduites dans le présent rapport. Il
a également participé à un échange de vues avec la commission des
questions politiques et de la démocratie en octobre 2018 et a partagé
son expertise et sa position avec tous les membres de la commission.
13. Après cette réunion, j’ai demandé aux membres de la commission
de suggérer des amendements concrets au projet de rapport. Je remercie
ceux qui ont répondu à mon appel, bien que ma responsabilité ultime en
tant que rapporteur soit de décider lesquelles de ces suggestions
il convient de prendre en compte et de quelle manière.
14. S'appuyant sur les rapports et autres documents énumérés ci-dessus,
ainsi que sur les contributions de la Commission de Venise et de
collègues, le chapitre 2 du rapport propose des principes que les
règles et pratiques en matière de référendums devraient chercher
à promouvoir. Le chapitre 3 examine ensuite l’implication de ces
principes dans les domaines particuliers suivants:
- où
les règles en matière référendaire sont-elles définies: dans
le droit constitutionnel, dans la législation ordinaire qui réglemente
les référendums sur un plan général, dans une loi adoptée pour un
référendum particulier, ou dans les décrets;
- quand a-t-on recours aux référendums: les
circonstances dans lesquelles un référendum est organisé sont-elles
fixées par des règles ou relèvent-elle d’un choix politique; qui
peut convoquer un référendum; quels sujets peuvent être soumis à
référendum; et quelles procédures sous-tendent la décision d'organiser
ou non un référendum;
- la structure du vote: qui
peut voter; la nature de la ou des questions figurant sur le bulletin
de vote; les processus d’établissement de la question; et l’administration
du vote;
- le statut du résultat: le
résultat est-il décisionnel ou consultatif et sa validité est-elle
soumise à des seuils spécifiques et à d’autres garde-fous;
- la conduite de la campagne
(I) – Équité entre les parties: le rôle du gouvernement
dans la campagne, le financement de la campagne et une couverture
médiatique équilibrée;
- la conduite de la campagne
(II) – Informations portées à la connaissance des électeurs:
la transparence quant à qui dit quoi et à qui; les mesures de lutte
contre les fausses informations; les mesures visant à garantir la
mise à disposition d’informations fiables; et les mesures visant
à promouvoir l’engagement direct des citoyens;
- l’application des règles: les
sanctions à l’encontre de ceux qui ont enfreint les règles; et les
règles sur les cas où il convient de reconduire tout ou partie d’un
référendum.
15. Après avoir examiné la nature des changements qui pourraient
être nécessaires dans chacun des domaines du référendum décrits
au chapitre 3, le chapitre 4 conclut que des changements sont nécessaires dans
tous les domaines. Des propositions concrètes sont énumérées dans
le projet de résolution.
2. Principes régissant la conception d’un
référendum
16. Il convient de souligner dès
le départ que les référendums devraient s’inscrire dans le processus
de démocratie représentative et ne pas être utilisés par l’exécutif
pour passer outre la volonté du parlement. Dans un monde marqué
par des évolutions constantes et imprévues, la démocratie doit pouvoir
s'adapter au plus vite à de nouvelles situations par le biais de
réformes. Dans la mesure, cependant, où il est difficile d’annuler ou
de modifier des décisions approuvées par référendum, le recours
au scrutin référendaire devrait être exceptionnel.
17. Avant d’entrer dans les détails de la réglementation des référendums,
le présent chapitre étudie les grands principes qui devraient sous-tendre
tout ensemble de lignes directrices sur la pratique référendaire.
18. Le Code de la Commission de Venise s’appuie en grande partie
sur les quatre principes de suffrage: universel, égal, libre et
secret. L’application de deux d’entre eux, à savoir le suffrage
universel et le suffrage secret, ne soulève pas beaucoup de questions
propres aux référendums par rapport aux élections. Les principes
de suffrage égal et libre ont des implications particulières, notamment:
- Suffrage
égal: les référendums génèrent des exigences particulières
d’équilibre entre les parties au cours de la campagne, par exemple
en matière de couverture médiatique et d’accès au financement. Les
avis divergent toutefois quant au bon équilibre à trouver: selon
l’une des approches, chaque partie devrait avoir un accès égal aux
ressources, quel que soit le niveau de soutien dont elle bénéficie;
selon un autre point de vue, les parties devraient disposer d’un
accès aux ressources proportionnel au niveau de soutien propre à
chacune. J’examinerai ces deux concepts plus en détail dans les
chapitres appropriés ci-dessous.
- Suffrage libre: le
suffrage libre englobe la libre expression de la volonté de l’électeur,
mais aussi la libre formation de la volonté de l’électeur. Cela
sous-entend que la ou les propositions soumises au vote référendaire
doivent être aussi claires que possible et que les électeurs doivent
avoir accès à des informations fiables et dignes de confiance qui
les aideront à faire leur choix. La meilleure manière d'y parvenir
n'est pas nécessairement la même dans le cadre d’un référendum que
pour une élection.
19. Au-delà de ces quatre principes, la Commission de Venise fonde
la pratique référendaire sur les principes de protection des droits
de l’homme et de respect de la prééminence du droit. Ce dernier
implique que les référendums ne doivent pas être organisés de manière
extrajudiciaire ni dans le but de contourner les freins et contrepoids
habituels. Cela implique également que les référendums ne doivent
pas être conçus de manière à inverser les conditions préalables
à l'adhésion au Conseil de l'Europe, telles que, notamment, le rétablissement
de la peine de mort.
20. Outre les principes énoncés par la Commission de Venise, il
convient de rappeler que la démocratie ne se limite pas au vote
(même s’il en est un aspect essentiel). Elle s’étend aussi aux processus
d’examen et de délibération qui mènent aux propositions soumises
aux voix. Tant leur forme que leur contenu ont de l’importance pour
la démocratie. S’agissant de la forme, les citoyens devraient être
en mesure de contribuer à la prise de décision en votant, mais aussi
en participant aux discussions préalables, y compris à celles visant à
déterminer les options proposées sur le bulletin de vote. En termes
de contenu, les propositions soumises à référendum devraient être
conçues de manière à respecter les conditions préalables à l'adhésion
au Conseil de l'Europe – y compris la ratification des Protocoles
nos 6 et 13 à la Convention européenne
des droits de l'homme (STE nos 114 et
187), et non le contraire. Elles devraient également avoir fait
l’objet d’une réflexion approfondie et d’un examen minutieux afin
de garantir, dans la mesure du possible, qu’elles reflètent les préoccupations
des électeurs et qu’on puisse raisonnablement s’attendre à ce qu’elles
permettent l’expression de leur volonté. Une telle approche aide
la communauté démocratique dans son ensemble à prendre des décisions
sans exclusive.
21. Ces principes impliquent qu’au-delà de l’obligation de mener
le vote référendaire proprement dit d'une manière qui assure le
suffrage universel, égal, libre et secret, les processus liés à
l’organisation d'un référendum et à la conduite de la campagne doivent
garantir: a) que les options proposées aux électeurs dans le cadre
d’un référendum respectent les droits de l’homme et la prééminence
du droit, reflètent les préoccupations des électeurs, ont fait l’objet
d’un examen rigoureux préalable et sont aussi claires que possible;
b) qu’il y ait équilibre entre les parties (défini de manière appropriée)
et accès des électeurs aux informations qu’ils souhaitent pour faire
leur choix.
22. Les chapitres suivants examinent les implications de ces principes
pour chaque aspect de la conduite d’un référendum et étudient les
réponses éventuelles à la question de savoir qui est chargé de vérifier
leur respect, et quand et de quelle manière ces vérifications sont
faites. Comme expliqué précédemment, je me suis demandé pour chaque
domaine s’il y a lieu d'apporter des changements aux lignes directrices
existantes de la Commission de Venise ou concernant leur respect,
ou encore aux normes et pratiques plus larges.
3. Implications
des principes pour chaque aspect de la conduite d’un référendum
3.1. Où
les règles sont-elles définies?
23. Les règles sur les référendums
peuvent être énoncées dans le droit constitutionnel (dans la Constitution elle-même
ou d’autres dispositions solidement établies), dans la législation
ordinaire qui s’applique aux référendums sur un plan général, dans
une loi ordinaire régissant un référendum spécifique, ou dans des décrets.
Il peut toutefois arriver dans certains pays qu'il n'y ait pas de
dispositions légales définissant certains aspects de la conduite
d'un référendum.
24. Dans sa section II.2, le Code de bonne conduite en matière
référendaire énonce que:
«a. À l’exception des règles techniques et
de détail – qui peuvent avoir un caractère réglementaire –, les règles
du droit référendaire devraient avoir au moins rang législatif.
b. Les éléments fondamentaux
du droit référendaire ne devraient pas pouvoir être modifiés moins
d’un an avant un référendum, ou devraient être traités au niveau
constitutionnel ou à un niveau supérieur à celui de la loi ordinaire.
c. Sont des règles fondamentales,
notamment, les règles relatives:
• à la composition des commissions
électorales ou d’un autre organe chargé de l’organisation du scrutin;
• au droit de vote et aux listes
électorales;
• à la validité formelle et
matérielle du texte soumis au référendum;
• aux effets du référendum
(sous réserve des règles de détail);
• à la participation des partisans
et adversaires du projet aux émissions des médias publics.»
25. L’essence même de ces lignes directrices ne nécessite pas
de modification. Comme le fait valoir la Commission de Venise, il
est important que les règles fondamentales sur les référendums soient
fixées pour le processus référendaire en général; elles risquent
dans le cas contraire de faire l’objet de manipulations pour servir
les intérêts de ceux qui organisent un référendum particulier.
26. Une question se pose: la liste des «règles fondamentales»
devrait-elle être étendue à d’autres éléments du référendum, en
particulier aux aspects liés à la réglementation des campagnes référendaires,
examinés aux chapitres 3.5 et 3.6 du présent rapport.
27. Dans la pratique, la plupart des États membres du Conseil
de l’Europe respectent ces lignes directrices en ce qui concerne
au moins certaines des règles fondamentales. En d’autres termes,
la majorité d’entre eux établissent un cadre régissant la conduite
des référendums dans leur droit constitutionnel et/ou leur législation permanente
ordinaire. Mais tous ne le font pas pour l’ensemble des règles fondamentales.
Au Royaume-Uni par exemple, les règles en vigueur régissant la plupart
des éléments essentiels de la tenue d’un référendum sont énoncées
dans la législation ordinaire. Cependant, celle-ci ne traite pas
du droit de vote référendaire, qui est décidé sur une base ad hoc
pour chaque référendum. Lors des référendums récents, les deux parties
ont ainsi tenté de changer le droit de vote à leur avantage
. Parmi
les pays ayant tenu des référendums au cours des dernières décennies,
la Norvège se distingue par l'absence totale de cadre législatif
permanent pour les référendums. Tous les aspects de la réglementation
sont donc déterminés au cas par cas.
28. Il serait par conséquent souhaitable que tous les pays veillent
à ce que leurs dispositions en vigueur en matière référendaire (qu’elles
soient inscrites dans le droit constitutionnel ou la législation
ordinaire) abordent l’ensemble des règles fondamentales. De plus,
il conviendrait de maintenir le principe selon lequel les règles fondamentales
ne devraient pas pouvoir être modifiées moins d’un an avant le référendum
auquel elles s’appliquent.
3.2. Quand
a-t-on recours à un référendum?
29. Certains des éléments les plus
basiques des référendums ont trait aux circonstances dans lesquelles
ils peuvent être organisés: à l’instigation de qui, sur quels sujets
et au moyen de quelles procédures.
30. Quelques pays ont également mis en place des dispositions
faisant obligation de recourir à un référendum dans certaines circonstances.
La Commission de Venise ne propose pas de lignes directrices sur la
question de savoir si les référendums devraient être obligatoires,
et elle devrait maintenir cette approche: le caractère approprié
ou non de tels référendums dépendra de la structure constitutionnelle
plus large et des traditions propres à chaque pays.
3.2.1. Qui
peut demander la tenue d’un référendum?
31. La tenue d’un référendum est
le plus souvent demandée par le législateur (le législateur national
pour les référendums nationaux et des instances équivalentes à d’autres
échelons du gouvernement) ou par des citoyens via une pétition.
Dans certains pays, un référendum peut également être organisé par
l'exécutif (le plus souvent le Président), par une minorité de parlementaires
(lorsqu'ils souhaitent soumettre au vote populaire une mesure adoptée
par le législateur) ou (dans le cas d’un référendum national) par
un certain nombre d'assemblées régionales.
32. Le Code de bonne conduite en matière référendaire ne contient
pas de lignes directrices sur les personnes qui devraient être habilitées
à convoquer un référendum. C’est, pour l'essentiel, approprié: il appartient,
là encore, à chaque pays de trancher cette question.
33. Plusieurs rapports ou avis de la Commission de Venise portant
sur des référendums tenus récemment mettent cependant en lumière
des préoccupations au sujet des référendums constitutionnels organisés
par l'exécutif en faisant fi du législateur. Le pouvoir conféré
à l’exécutif de soumettre au peuple un projet de loi adopté par
le parlement avant de le promulguer n'est pas inapproprié: il complète
efficacement le processus décisionnel habituel par un vote populaire.
Mais la possibilité pour l’exécutif de soumettre aux électeurs une proposition
d’amendement constitutionnel qui n’a pas été adoptée par le législateur
risque de compromettre les processus normaux de débat et de contrôle
démocratiques
.
34. Il conviendrait de préciser dans le Code que l’exécutif ne
doit pas être en mesure de convoquer un référendum sur une proposition
d’amendement constitutionnel sauf lorsque la décision de sa tenue
a déjà été approuvée par le législateur ou si la proposition soumise
au vote populaire a été adoptée par le corps législatif. Il y a
de très bonnes raisons d’étendre cette restriction à tous les référendums,
quelle que soit la question soumise au vote, et pas seulement à
ceux de nature constitutionnelle.
3.2.2. Quels
sujets peuvent être soumis à référendum?
35. L’actuel Code énonce deux conditions
concernant le sujet qui peut être soumis à référendum. Au niveau général,
le Code précise que:
«Les textes soumis au référendum doivent respecter
l’ensemble du droit supérieur (principe de la hiérarchie des normes).
Ils ne doivent pas être contraires au droit international ni aux
principes statutaires du Conseil de l’Europe (démocratie, droits
de l’homme et prééminence du droit)» (section III.3).
36. Deuxièmement, sur un plan bien plus spécifique, il énonce
que:
«Il
est souhaitable que les normes constitutionnelles relatives au référendum
soient soumises au référendum obligatoire ou au référendum facultatif
à la demande d’une fraction du corps électoral» (section III.5.d).
37. La première de ces conditions est clairement appropriée compte
tenu de l’engagement du Conseil de l’Europe envers les droits de
l’homme et la prééminence du droit. La seconde est justifiée en
termes de parallélisme des procédures.
38. Les Constitutions de certains pays contiennent d’autres dispositions
relatives aux sujets pouvant faire l’objet d’un référendum. À titre
d’exemple, certains, dont le Danemark, l’Italie et le Portugal,
interdisent la tenue de référendums sur des questions relevant de
la fiscalité ou des finances. Les décisions quant à ce qui peut et
ne peut pas être soumis au vote du public sont, dans la plupart
des cas, laissées à juste titre à la discrétion de chaque pays.
39. Néanmoins, deux autres lignes directrices générales pourraient
être développées. La première a trait au fait que les propositions
soumises à référendum devraient être aussi claires que possible
.
40. Il y a un risque qu'un référendum sur un principe ou une «proposition
non formulée» n’indique pas suffisamment clairement ce qui est proposé
pour permettre aux électeurs de faire un choix éclairé. Dans leur avis
conjoint de 2015 sur le projet de loi portant modification de la
Constitution de la République Kirghize, le Bureau des institutions
démocratiques et des droits de l'homme de l’Organisation pour la
sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH) et la Commission
de Venise ont déclaré que les questions qui sont tranchées par un
référendum ne devraient jamais être trop imprécises ou trop vagues,
et que les projets de législation adoptés de cette manière ne devraient
pas laisser des questions importantes à de futures lois. Demander
aux citoyens de participer à un tel «vote à l’aveugle» diluerait
l’objectif même des référendums populaires et devrait être évité
.
41. De même, la commission britannique indépendante sur les référendums
mise en place à l’automne 2017 a établi une distinction entre le
référendum pré-législatif et post-législatif: le premier porte sur
un principe ou une «proposition non formulée» et le deuxième sur
un projet rédigé qui a déjà été adopté par le législateur. La commission
indépendante a souligné que le référendum post-législatif apporte
généralement bien plus de clarté. Elle recommande chaque fois que
possible de recourir à cette forme de scrutin. Dès lors qu’un référendum
post-législatif distinct n'est pas envisageable – comme c’est le
cas lorsqu’un référendum est jugé nécessaire afin de décider de
l’ouverture ou non de négociations sur la modification proposée
– la commission indépendante a déclaré qu’il convenait de définir
un processus prévoyant la tenue de deux référendums si le premier
ne permet pas aux électeurs de faire un choix entre les options
finalement offertes
.
Le Code de la Commission de Venise devrait inclure la même recommandation.
42. La seconde ligne directrice générale qui pourrait être ajoutée
est la suivante: dans la mesure du possible, seuls les sujets susceptibles
de susciter un intérêt public important devraient être soumis à référendum.
Cette notion découle du principe énoncé au chapitre 2 selon lequel
le référendum doit contribuer à permettre à la communauté démocratique
dans son ensemble de prendre des décisions inclusives et mûrement
réfléchies. En cas de participation très faible à un référendum,
la décision prise peut ne pas refléter la volonté de la communauté
dans son ensemble.
43. L’actuel Code recommande de ne pas conditionner les résultats
d’un référendum à un quorum de participation et je propose de maintenir
cette recommandation (voir le chapitre 3.4.2 ci-dessous). Toutefois,
en l’absence de tels seuils, certaines questions risquent d’être
tranchées sur la base d'une participation très faible. La meilleure
manière d’éviter cela (à moins d’instaurer et d’appliquer le vote
obligatoire) est de ne recourir aux référendums que lorsque le taux
de participation a toutes les chances d'être élevé. Ce point ne
peut de toute évidence pas donner lieu à une disposition légale
dans la mesure où le taux de participation n’est pas prévisible,
mais il serait souhaitable d’établir une norme en ce sens. Cela
suppose aussi d’éviter d’imposer des exigences légales pour la tenue
de référendums portant sur des questions relativement techniques
– comme l'obligation de tenir un référendum sur tout amendement
constitutionnel, même s’il ne prête pas à controverse.
3.2.3. Les
processus de convocation d’un référendum
44. Comme l’indiquent les principes
énoncés au chapitre 2, les premières étapes d’un processus référendaire
sont déterminantes pour la qualité démocratique du processus dans
son ensemble. Habituellement, un référendum ne propose que deux
options. Bien que le choix entre ces options soit important, les
arbitrages qui conduisent à la définition de ces propositions méritent
tout autant d’attention. Par ailleurs, si l’objectif d’un référendum
est de faire participer directement les citoyens à la prise de décision,
il est souhaitable de les associer aussi à la phase de détermination
des options ainsi qu’à la décision finale.
45. L’actuel Code reconnaît dans une certaine mesure ces points
et
reflète le principe selon lequel toute proposition soumise à un
vote public devrait avoir fait l’objet au préalable d’un examen
approfondi et présuppose que, lorsque le parlement appelle lui-même
à la tenue d’un référendum, cet examen préalable aura nécessairement
lieu.
46. Il serait préférable d’indiquer plus explicitement le principe
général qui veut que toute proposition soumise à un vote public
devrait faire l'objet d'un contrôle parlementaire détaillé. Celui-ci
peut en effet être automatique en cas de référendum post-législatif.
Mais le fait que la décision finale appartienne aux citoyens ne
saurait justifier de la part du parlement de soumettre une proposition
à un contrôle moins approfondi qu’il ne le serait autrement. Cet
examen n’est pas automatique avec un référendum pré-législatif,
même si ce dernier est convoqué par le parlement. Dans ce cas de
figure, les partisans du projet devraient publier une note d’information
détaillée sur ce qu'ils proposent et espèrent réaliser, et la soumettre
à un contrôle parlementaire rigoureux.
47. Par ailleurs, il conviendrait d’explorer les possibilités
de délibérations citoyennes. L’Irlande a récemment été pionnière
en recourant à des «assemblées de citoyens» avant la tenue de référendums.
Une convention constitutionnelle composée de responsables politiques
et de membres de la société civile tirés au sort a conduit au référendum
sur le mariage homosexuel en 2015. Une assemblée de citoyens, formée exclusivement
de représentants du public, a ouvert la voie au référendum sur la
libéralisation de l'avortement en 2018. Dans les deux cas, les membres
de l’assemblée se sont réunis à l’occasion de plusieurs week-ends afin
de se familiariser avec les questions en jeu, de mener entre eux
des débats approfondis et de tirer des conclusions. Leurs recommandations
ont été déterminantes dans l’élaboration du projet de modifications
que l'Oireachtas a ensuite soumis aux électeurs lors du référendum.
Elles ont permis aux responsables politiques de mieux comprendre
la notion d'opinion publique éclairée et ont aidé à cadrer le débat
lors des campagnes référendaires ultérieures. En mettant en avant
des éléments de preuve solides et des arguments logiques, et en
plaçant les citoyens ordinaires au cœur de la discussion, ces assemblées
ont peut-être réduit la polarisation sur ces sujets polémiques et
permis d’impliquer les électeurs tout au long du processus d'élaboration
des politiques
.
48. D’autres pays que l’Irlande, en particulier le Canada, ont
eu recours à des assemblées de citoyens dès le début des processus
référendaires
.
Ces assemblées ainsi que d’autres organes publics délibératifs ont également
démontré leur efficacité dans divers contextes
. Elles demeurent pourtant des instruments démocratiques
relativement nouveaux. L’Assemblée parlementaire devrait encourager
les États membres à expérimenter leur utilisation pour renforcer
le débat et l’engagement démocratiques
.
La Commission de Venise devrait également les présenter comme un
mécanisme permettant d’assurer l’exercice d’un contrôle approprié
au cours des premières étapes du processus référendaire.
49. Le chapitre 3.4.2 ci-dessous soulève d’autres points concernant
la convocation de référendums au moyen de pétitions de citoyens.
3.3. La
structure du vote
50. Une fois le référendum convoqué,
ce sont les questions suivantes, portant sur la structure du vote,
qu’il convient d’aborder: qui peut voter, la nature de la question
figurant sur le bulletin de vote, le processus de détermination
de la question, et l’administration du vote.
3.3.1. Qui
peut voter?
51. L’actuel Code précise que les
principes du suffrage universel devraient s’appliquer à la fois
dans le domaine des référendums et dans celui des élections (section
I.1.1) et que les listes électorales devraient être exactes et tenues
à jour (section I.1.2). Comme évoqué au chapitre 3.1 ci-dessus,
le Code déclare également que le droit de vote devrait être fixé
bien avant tout référendum auquel il s'applique et ne pas ainsi
être adapté de manière à servir les intérêts de l’une ou l’autre
partie dans un vote donné.
52. Ces dispositions sont toutes appropriées. Par ailleurs, les
réponses à notre questionnaire laissent entrevoir que leur respect
est généralement élevé: la plupart des pays prévoient – dans leur
Constitution ou dans leur législation générale – que le droit de
vote pour les référendums est le même que celui pour des élections
législatives nationales. Il existe cependant quelques exceptions
à cette règle et, dans les pays où le droit de vote est défini dans
la législation ordinaire, une certaine vigilance s’impose pour veiller
à ce qu’il ne fasse pas l’objet de manipulations à des fins politiques
particulières.
3.3.2. La
nature de la question
53. J’ai examiné au chapitre 3.2.2
la nature du sujet susceptible d’être soumis à référendum. La nature
de la question proprement dite est encore plus spécifique. J’ai
précisé que la proposition présentée aux électeurs dans le cadre
d’un référendum devait être claire, au même titre que doit l’être
la formulation de la question
.
54. Le Code propose également des lignes directrices sur la structure
de la question
.
55. Ces dispositions sont, pour la plupart, appropriées. Celle
selon laquelle «les participants au scrutin ne doivent pouvoir répondre
que par oui, non ou blanc aux questions posées» peut cependant s’avérer
trop restrictive à deux égards.
56. Premièrement, il peut être préférable, du moins dans certains
cas, de demander aux électeurs de choisir entre des options plutôt
que de les inviter à répondre par oui ou par non à une question.
Dans le cadre, par exemple, du référendum sur l’appartenance du
Royaume-Uni à l’Union européenne, la question posée était la suivante
«Le Royaume-Uni doit-il rester un membre de l’Union européenne ou
doit-il quitter l’Union européenne?». Les électeurs devaient cocher
l’une des deux cases proposées «Rester membre de l’Union européenne»
ou «Quitter l’Union européenne». En expliquant sa décision de proposer
une telle formulation, la Commission électorale britannique a déclaré
que certaines des personnes ayant participé à la consultation avaient
estimé qu’une question à laquelle il faut répondre par «Oui» ou
par «Non» («Le Royaume-Uni doit-il rester un membre de l’Union européenne?
– Oui/Non») était orientée: premièrement parce que seule l’option «rester»
était évoquée dans la question et deuxièmement parce que la réponse
«Oui» était celle du statu quo
.
La Commission électorale n’a pas affirmé que les questions appelant
à répondre par «Oui» ou par «Non» sont systématiquement problématiques
et a d'ailleurs proposé des formulations similaires lors de référendums
précédents. Mais il y a peut-être lieu de s’inquiéter du fait que
le «biais d'acquiescement» – la propension qu’ont les personnes
à favoriser une réponse affirmative plutôt que négative – signifie
que de telles questions sont intrinsèquement tendancieuses
.
57. Les éléments susmentionnés ne sont pas suffisamment solides
pour laisser entendre qu’il faille éviter les questions Oui/Non
et, dans les faits, la grande majorité des référendums continuent
d’en proposer. Néanmoins, il serait souhaitable que les lignes directrices
de la Commission de Venise admettent qu’une autre formulation des
questions pourrait parfois s’avérer préférable.
58. Ensuite, il peut être opportun qu’un référendum propose plus
de deux options. Ces situations sont rares, mais elles existent.
La Suède en 1980 et la Slovénie en 1998, par exemple, ont organisé
des référendums offrant trois options et la Nouvelle-Zélande a permis
aux électeurs de choisir parmi cinq ou six possibilités lors de
scrutins référendaires tenus en 1992, 2011 et 2015. Dès lors que
plus de deux options bénéficient d’un soutien important, il peut
être plus judicieux de laisser aux électeurs la possibilité de choisir
parmi celles-ci plutôt que de leur imposer un choix binaire artificiel.
Ces référendums sont complexes: l’expérience de la Suède et de la
Slovénie montre qu'ils ne devraient pas être organisés selon le
système majoritaire à un tour, car ils peuvent donner un résultat
ambigu. Un vote préférentiel ou un scrutin proposant plusieurs questions
(et éventuellement plusieurs tours) est nécessaire
.
Mais les lignes directrices devraient au moins reconnaître la possibilité
de recourir à ce type de référendum.
3.3.3. Les
processus de détermination de la question
59. S’il convient de respecter
les principes liés aux questions référendaires examinés dans le
sous-chapitre précédent, un processus doit être conçu à cette fin.
Or l’actuel Code reste en grande partie muet sur ce point.
60. Dans certains pays, les questions référendaires ont un format
prédéfini et demandent aux électeurs s’ils approuvent un projet
de loi spécifique ou un projet d’amendement constitutionnel. Le
risque est que ces formulations deviennent extrêmement complexes
.
61. Comme nous le verrons plus en détail au chapitre 3.6.3 ci-dessous,
le Code précise que dans de tels cas, les électeurs devraient se
voir communiquer le texte soumis au vote, accompagné d’explications circonstanciées
des changements qu’il implique. Il peut être par exemple préférable
de scinder la question de manière à citer le nom du projet de loi
et à donner une courte explication de son contenu dans le préambule, et
à poser ensuite aux électeurs une brève question leur demandant
s’ils l’approuvent. La solution la plus appropriée sera fonction
des traditions propres à chaque pays. Toutefois, le Code devrait
stipuler qu’en cas de formulation des questions référendaires selon
un format prédéfini, il convient de réexaminer périodiquement ce
dernier pour veiller à ce qu’il permette l’établissement de bulletins
de vote clairs, compréhensibles et neutres.
62. Dans d’autres cas, les questions référendaires ne suivent
pas un format fixe et sont déterminées au cas par cas. Lorsque le
scrutin est convoqué par le législateur, c’est la plupart du temps
lui qui décide de la question soumise au vote. L’actuel Code ne
fournit aucune ligne directrice sur les procédures à suivre à cet
égard. Il s’agit d’une lacune manifeste qu’il convient de combler:
des contrôles s’imposent pour veiller au respect des principes énoncés
au chapitre 3.3.2 faute de quoi, ceux qui organisent le référendum
risquent de tourner la question à leur avantage. Des accusations
de manipulation de la formulation de référendums tenus récemment ont
été portées notamment en Grèce
, en Hongrie
et dans «l’ex-République yougoslave de
Macédoine»
; un processus indépendant de
détermination de la question permettrait de les éviter.
63. Le Royaume-Uni est l’un des pays ayant mis en place une procédure
de vérification impartiale des questions référendaires proposées.
La loi autorisant la tenue d’un référendum doit contenir la question
posée. Lorsqu'un projet de loi pour un référendum est présenté au
parlement, la Commission électorale entreprend un examen détaillé
de la question proposée, convoque des groupes de discussion et consulte
les organisateurs de la campagne, des experts linguistiques et autres.
Elle vérifie que la question est facilement compréhensible et (perçue
comme) neutre
. Elle teste également d’éventuelles
formulations alternatives. Elle recommande ensuite celle qu’il convient
précisément d’utiliser. À ce jour, elle a préconisé d’apporter des modifications
à l’ensemble des questions qu’elle a été amenée à évaluer. Le parlement
n’est pas obligé de suivre ces recommandations, bien qu’il l’ait
fait dans la grande majorité des cas.
64. Dans d’autres pays, il se peut qu’une procédure différente
– par exemple de nature judiciaire – soit plus appropriée. Le Code
devrait par conséquent préciser simplement que les questions référendaires
proposées doivent faire l’objet d’un examen rigoureux par un organe
impartial avant d’être arrêtées. Ce processus d’examen devrait au
minimum permettre de s’assurer que la question est claire, non orientée
et conforme aux autres principes énoncés dans le présent Code.
65. L’actuel Code comprend une disposition relative à l’évaluation
des questions soumises au vote dans le cadre de référendums d’initiative
citoyenne
.
66. Conformément aux recommandations précitées concernant les
référendums organisés par le législateur, cette disposition devrait
être révisée afin de veiller à ce que cette vérification de la formulation
des questions soit effectuée par un organe impartial, ou à la lumière
d’une évaluation rigoureuse de ce dernier, en recourant aux critères
évoqués précédemment.
3.3.4. Administration
du vote
67. Le Code énonce des lignes directrices
relatives à la procédure de vote (section I.3.2a), la constatation du
résultat (section I.3.2b.iii), l’organisation du scrutin (section
II.3.1), et l’observation du référendum (section II.3.2). Celles-ci
s’avèrent toutes appropriées et je ne propose pas de modifications
les concernant.
68. Le respect de ces dispositions est important mais n’est pas
toujours universel. À titre d’exemple, certains pays – notamment
quelques anciennes démocraties – ne disposent pas d’une instance
indépendante chargée de l’organisation des référendums. Dans d’autres
cas, si l’administration électorale est officiellement indépendante,
elle est dans les faits aux mains de ceux qui sont au pouvoir. L’OSCE
et l’Assemblée ont, dans leurs rapports, quelquefois exprimé des
préoccupations quant à l’indépendance des organes électoraux dans le
cadre de référendums tenus dans certains États membres. À moins
d’une forte tradition incontestée d’impartialité de l’administration
en matière électorale, de tels systèmes peuvent créer de sérieux
risques de violation de la prééminence du droit et de la neutralité
de l'administration, et tout doit être mis en œuvre pour les éliminer.
L'organe qui supervise le référendum doit être indépendant du gouvernement
et doit avoir le pouvoir de mettre en œuvre les règles et les sanctions
pour les faire respecter.
3.4. Le
statut du résultat
69. Deux questions importantes
ont trait au statut du résultat d’un référendum: a-t-il un caractère
décisionnel ou consultatif?; est-il soumis à un seuil spécifique
ou à d’autres garde-fous?
3.4.1. Décisionnel
ou consultatif?
70. Une distinction est généralement
établie entre les référendums décisionnels et ceux qui, en droit,
n'ont qu'un caractère consultatif. L’actuel Code énonce trois dispositions
essentielles sur ce point. Il stipule tout d’abord:
«La
Constitution ou la loi doivent définir clairement l’effet du référendum:
décisionnel ou consultatif» (section III.8.a).
Deuxièmement, il fournit des lignes directrices sur ce que
ces effets devraient être:
«Lorsque le référendum est décisionnel: Pendant
un certain délai, un texte refusé par référendum ne doit pas être
adopté par une procédure non référendaire. Pendant le même délai,
une disposition acceptée par la voie référendaire ne doit pas être
révisée par un autre mode de révision. Ce principe ne s’applique
pas en cas de référendum sur une révision partielle d’un texte,
alors que le précédent référendum a concerné une révision totale.
La révision d’une norme de droit supérieur allant à l’encontre d’un
vote du peuple n’est pas juridiquement inadmissible, mais devrait
être évitée pendant le délai susmentionné. En cas de refus d’un
texte adopté par le Parlement et soumis au vote à la demande d’une fraction
du corps électoral, un nouveau texte semblable ne devra être soumis
au vote que si le référendum est demandé» (section III.5.a).
Troisièmement, il donne un avis sur les situations dans lesquelles
les référendums ne devraient pas être contraignants:
«Les
référendums sur des questions de principe ou des propositions non
formulées devraient de préférence avoir un caractère consultatif.
S’ils ont un caractère décisionnel, des règles précises doivent régler
la suite de la procédure» (section III.8.b).
71. La première de ces dispositions
est de toute évidence appropriée: le statut du référendum doit être clairement
établi à l’avance.
72. La deuxième disposition est également judicieuse en soi. Cependant,
il convient de reconnaître l’existence de possibilités intermédiaires
entre les référendums réellement contraignants et ceux de nature purement
consultative. Un référendum décisionnel, tel que défini dans l’actuel
Code, impose au législateur de ne pas légiférer d’une manière contraire
au résultat du scrutin. Une autre forme moins contraignante veut
qu’un référendum puisse avoir force obligatoire uniquement pour
l’exécutif. Au Royaume-Uni par exemple, le principe de la souveraineté
parlementaire ne permet pas de lier le parlement. Toutefois, si
le «oui» l’avait emporté lors du référendum organisé en 2011 sur
le mode de scrutin, le gouvernement aurait été contraint de mettre
en œuvre le système de vote alternatif prévu dans la législation
qui a permis la tenue du référendum. Le parlement aurait pu légalement
passer outre le résultat du référendum et modifier la législation,
mais l'exécutif était lié. En allant encore plus loin, un référendum
peut contraindre le gouvernement ou le parlement à examiner une
question, mais pas à prendre une décision particulière. En vertu
par exemple de la disposition relative aux référendums abrogatifs
d'initiative populaire qui était en vigueur aux Pays-Bas entre 2015
et 2018, un vote public en faveur de l’abrogation obligeait le parlement
à examiner un projet de loi abrogeant ou modifiant la loi en question,
mais celui-ci était libre, sur le plan juridique, de statuer comme
il l’entendait
.
De telles dispositions peuvent être appropriées tant qu’elles sont
clairement énoncées dans la loi et rendues publiques préalablement
au scrutin référendaire. Au minimum, après un référendum consultatif,
le pouvoir exécutif ou le pouvoir législatif devrait toujours examiner
les résultats et recommander un plan d'action. Les référendums consultatifs
ont été supprimés aux Pays-Bas car ils avaient tendance à être interprétés
comme contraignants par la population.
73. La troisième disposition est également opportune. Il convient
cependant de rappeler que, dans la pratique, la plupart des référendums
sont considérés comme politiquement contraignants, même lorsque,
en droit, ils ont un caractère uniquement consultatif. Cela étant,
je n’ai connaissance que d'un petit nombre de cas dans lesquels
les élus ont choisi de ne pas suivre (tout au moins en grande partie)
le résultat d'un référendum consultatif. En d’autres termes, le
simple fait qu’un référendum soit de nature consultative sur le
plan juridique ne permet en aucun cas de penser qu'il peut être
traité de manière plus informelle qu'un scrutin décisionnel. Comme
indiqué ci-dessus, même dans le cadre d’un référendum pré-législatif
non contraignant, tout doit être mis en œuvre pour s’assurer que
les propositions sont aussi claires que possible et ont fait l'objet
d'un examen rigoureux avant la détermination des options figurant
sur le bulletin de vote et la convocation du référendum.
3.4.2. Seuils
et autres garde-fous
74. L’adoption d’une proposition
dès lors qu'elle recueille 50 % des suffrages exprimés + 1 voix,
constitue le seuil le plus simple pour un référendum. Il a couramment
été appliqué lors de scrutins menés dans des pays comme l’Autriche,
la France, l’Irlande, l’Islande, le Royaume-Uni et la Suède. Dans
de rares autres cas, notamment lors de plusieurs référendums provinciaux
au Canada, ce seuil a été relevé de manière à introduire une exigence
de majorité qualifiée: s’agissant du Canada, il fallait que 60 %
des électeurs appuient le changement proposé
.
Mais bien plus souvent qu'un seuil élevé, un critère supplémentaire
vient s'ajouter à l'exigence de majorité simple. Ce critère peut
revêtir l’une des trois formes suivantes: un taux minimal de participation
(ou «quorum de participation») qui exige qu’un certain pourcentage
de l’électorat se rende aux urnes; un seuil d’acceptation (ou «quorum
d’approbation») qui exige qu’un pourcentage minimal de l’électorat soutienne
la modification proposée; un seuil à majorité multiple qui exige
l’obtention de la majorité non seulement au plan national mais aussi
dans un certain nombre de régions ou d’autres sous-unités territoriales spécifiques.
Les quorums de participation et d’approbation sont couramment utilisés
en Europe, par exemple au Danemark, en Hongrie, en Italie, en Lituanie
et en Pologne. Quoique plus rares, les seuils à majorité multiple
sont notamment mis en œuvre en Suisse.
75. L’actuel Code déconseille tant les quorums de participation
que d’approbation. Il indique que:
«Sont déconseillés: (a.) Le quorum (taux minimal)
de participation, car il assimile les abstentionnistes aux partisans
du non; (b.) Le quorum d’approbation (acceptation par un pourcentage
minimal des électeurs inscrits), car il risque de créer une situation
politique difficile si le projet est adopté par une majorité simple
inférieure au quorum exigé» (section III.7) .
76. Ces dispositions sont appropriées et rejoignent notamment
les recommandations de la commission indépendante sur les référendums
récemment établie au Royaume-Uni. Les effets négatifs que les seuils
de participation peuvent avoir en encourageant les campagnes en
faveur du désengagement ont fréquemment été observés lors de référendums
. La perception des seuils d’acceptation
peut varier davantage en fonction des traditions politiques dans
un pays donné.
77. L’exigence de majorité qualifiée a des effets similaires à
ceux du seuil d’acceptation et il conviendrait d’ajouter une mention
spécifique dans le Code afin de déconseiller sa mise en œuvre.
78. En revanche, les seuils à majorité multiple peuvent s’avérer
judicieux, en particulier dans les systèmes fédéraux. Ils sont notamment
utilisés en Suisse où les référendums doivent recueillir une majorité
à l’échelle du pays ainsi que dans la plupart des cantons. Il appartient
aux pays eux-mêmes de juger de l’adéquation des seuils à majorité
multiple, à l’aune des dispositions constitutionnelles plus générales
de chacun d’entre eux.
79. Des critères spécifiques sont définis de manière à réduire
la probabilité de prendre des décisions allant à l’encontre de la
volonté mûrement réfléchie de l'ensemble de la population. Comme
nous l'avons vu précédemment, il s'agit là d'un noble objectif:
les référendums ne devraient pas permettre l’adoption de changements
majeurs sans une réflexion approfondie et, dans la mesure du possible,
sans un large soutien. L’introduction de seuils n’est pas le meilleur
moyen de réaliser cet objectif. Il est par conséquent important
de se pencher attentivement sur la question de savoir quelle pourrait
être une meilleure approche. Plusieurs pistes sont proposées dans
d’autres parties du présent rapport:
- avant de convoquer un référendum, il convient de procéder
à un contrôle minutieux et généralisé des projets afin de réduire
les risques de propositions irréfléchies sur le bulletin de vote
(chapitre 3.2.3);
- dans la mesure du possible, les processus décisionnels
dont font partie les référendums devraient inclure des assemblées
de citoyens ou offrir d'autres possibilités similaires de délibération
publique, de manière à garantir la participation du peuple tout
au long du processus d'examen des questions et d'élaboration des
propositions (chapitre 3.2.3);
- les référendums devraient s’inscrire dans le processus
de démocratie représentative. L’exécutif ne devrait pas y avoir
recours pour passer outre la volonté du parlement. Lorsqu’ils sont
initiés par les citoyens au moyen d'une pétition, les propositions
devraient être examinées avec le plus grand soin par le parlement,
qui est en mesure de formuler des contre-propositions (chapitres
2 et 3.2.1);
- sur un plan général, les propositions ne devraient pas
être soumises à référendum à moins d’être susceptibles d'attirer
un niveau élevé de participation et d'engagement du public (chapitre
3.2.2);
- les campagnes référendaires devraient être menées de manière
à ce que, dans toute la mesure du possible, les électeurs aient
accès à des informations équilibrées et de qualité concernant les
options proposées (chapitres 3.5 et 3.6).
80. Ces conditions sont plus difficiles à remplir dans le cas
de référendums d’initiative citoyenne, le processus étant, par définition,
moins soumis au contrôle des autorités. Un certain nombre de garanties peuvent
toutefois être envisagées:
- le
nombre de signatures requises pour déclencher un référendum devrait
être suffisamment élevé pour avoir l’assurance que la proposition
bénéficie d’un soutien véritablement important. Les garde-fous contre
la commercialisation de la collecte de signatures énoncés dans l’actuel
Code (section III.4.e) devraient être appliqués strictement;
- il conviendrait de réfléchir à l’élaboration de procédures
selon lesquelles les pétitions de citoyens ne donneraient pas directement
lieu à un référendum, mais plutôt à une assemblée de citoyens où
les propositions des auteurs de la pétition pourraient être soigneusement
examinées, d’autres solutions envisagées et des recommandations
formulées. Des variantes de cette approche préconisent que seule la
recommandation de l'assemblée soit soumise à un scrutin référendaire,
ou alors la proposition originale accompagnée du contre-projet de
l'assemblée. L'assemblée pourrait également avoir la latitude de
recommander l’organisation d'un référendum ou de s'y opposer. Ces
approches seraient innovantes, mais elles offrent toutes la possibilité
de s’inspirer des bonnes pratiques en vigueur dans les démocraties
européennes de manière à améliorer la qualité du processus décisionnel
sur le plan participatif et délibératif.
3.5. La
conduite de la campagne (I): équité entre les parties
81. Le déroulement de la campagne
référendaire est d'une importance fondamentale pour la qualité démocratique
du processus dans son ensemble. L’examen des principes mené au chapitre
2 nous a permis d’identifier deux valeurs essentielles: la campagne
devrait être conduite d’une manière équitable entre les deux parties
et permettre aux électeurs d’accéder aux informations qu’ils souhaitent.
La première d’entre elles est analysée en détail dans le présent
chapitre et la seconde au chapitre 3.6.
82. Une des exigences d'équité est de laisser suffisamment de
temps à toutes les parties pour développer et faire valoir leur
point de vue et pour permettre aux électeurs d'entendre les arguments
et de se forger une opinion. Il ne devrait pas être possible de
convoquer un référendum «instantané» dans des délais très brefs, de
manière à ce que les opposants à la proposition n’aient pas suffisamment
de temps pour s’organiser. Le délai minimum absolu entre la convocation
d’un référendum et le jour du scrutin pourrait être fixé à quatre semaines.
Une période de préparation beaucoup plus longue est toutefois souhaitable,
en particulier si le sujet n’a pas déjà fait l’objet de débats publics
étendus.
83. L’équité dans les référendums suppose également d’assurer
un certain équilibre. Comme évoqué au chapitre 2, deux conceptions
de l’équité s’affrontent. L’une affirme qu’il convient d’assurer
l’égalité entre les parties à un référendum, quel que soit le niveau
de soutien dont elles bénéficient. L’autre prétend que les ressources
mises à la disposition de chacune des parties doivent être proportionnelles
au soutien dont elles bénéficient. L’actuel Code combine des éléments
de ces deux concepts, au même titre que les règles de nombreux pays.
Cette approche est judicieuse dans la mesure où une application
pure et simple de l’une ou l’autre de ces conceptions serait source
de problèmes.
3.5.1. Le
rôle du gouvernement dans la campagne
84. Le Code prescrit «la neutralité
des autorités administratives» dans les référendums (section I.2.2.a).
Il développe ce point comme suit:
«Contrairement au cas des élections, il ne
s’impose pas d’interdire complètement l’intervention des autorités
en faveur ou en défaveur d’un projet soumis au référendum. Toutefois,
les autorités publiques (nationales, régionales et locales) ne doivent
pas influencer le résultat du scrutin par une propagande excessive
et unilatérale. L’utilisation de fonds publics à des fins de propagande
par les autorités doit être exclue» (section I.3.1.b). (Voir également
section II.3.4.b.)
85. Cette interdiction ferme de toute utilisation de fonds publics
à des fins de propagande en faveur d’une des parties est hautement
souhaitable. Lors d’un référendum, il appartient aux électeurs de
se forger leur propre opinion. Bien qu’il soit important qu’ils
connaissent les positions de leurs élus, si le gouvernement est habilité
à faire campagne activement, le mécanisme référendaire risque d’être
utilisé par les pouvoirs publics pour asseoir leur propre autorité
et étouffer l'opposition. Les référendums tenus ces dernières années
dans certains États membres ont soulevé de sérieuses préoccupations
de cette nature.
86. Toutefois à l’heure actuelle, le respect de cette prohibition
dans les États membres est assez rare: d’après les éléments de preuve
recueillis dans le cadre du présent rapport, seuls sept États membres
ont mis en place des règles claires d’impartialité des pouvoirs
publics (Espagne, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Portugal
et Royaume-Uni), mais il est possible qu’il y en ait d’autres. C’est
en fait le domaine du Code le moins respecté et les États membres
devraient prendre des mesures pour y remédier.
87. De plus, le Code devrait lui-même être renforcé sur un point.
S’il déclare que l’utilisation de fonds publics à des fins de propagande
par les autorités doit être exclue, il ne précise pas pendant combien
de temps cette exigence devrait s’appliquer. Au Royaume-Uni, par
exemple, cette règle porte uniquement sur les quatre semaines précédant
le jour du scrutin, alors que les campagnes durent généralement
bien plus longtemps. Le Code devrait explicitement mentionner que
cette interdiction doit s’étendre à toute la durée de la campagne.
3.5.2. Le
financement de la campagne
88. Les réglementations sur le
financement de la campagne peuvent aborder un vaste éventail de questions.
Comme l’ont souligné les expertes en matière référendaire Theresa
Reidy et Jane Suiter, elles peuvent inclure des limites ou des interdictions
concernant les dons ou les dépenses, des exigences de transparence,
des dispositions relatives aux fonds publics et des règles d'application
.
89. C’est au sujet des fonds publics que l’actuel Code est le
plus exhaustif. La prescription de «neutralité des autorités administratives»
évoquée ci-dessus s’applique explicitement au «financement public
de la campagne et de ses acteurs» (section I.2.2.a). Le Code détaille
ensuite:
«En
ce qui concerne les subventions publiques et les autres formes de
soutien, l’égalité doit être assurée. Il est souhaitable que l’égalité
soit assurée entre les partisans et les adversaires d’un projet. Ces
formes de soutien peuvent toutefois être limitées aux partisans
et adversaires du projet qui représentent un pourcentage minimal
du corps électoral. Si l’égalité est assurée entre partis politiques, elle
peut être stricte ou proportionnelle. Si elle est stricte, les partis
politiques sont traités sans que leur importance actuelle au sein
du parlement ou de l’électorat ne soit prise en compte. Si elle
est proportionnelle, les partis politiques doivent être traités
en fonction de leurs résultats électoraux» (section I.2.2.d).
90. Ces conseils reprennent les autres conceptions de l’équité
évoquées précédemment. À l’évidence, le principe de l’égalité entre
les parties devrait prévaloir en matière d’allocation de fonds publics.
Le financement public a pour objet de permettre aux électeurs d’entendre
les arguments défendus par les deux parties au débat: il garantit
ainsi les conditions minimales à l’exercice du choix démocratique;
or les mêmes conditions doivent s’appliquer aux deux parties.
91. L’actuel Code reste discret quant aux autres aspects du financement
des campagnes. Il n’énonce en fait que deux dispositions:
«Le
financement des partis et des campagnes référendaires doit être
transparent» (section I.2.2.g). «Le principe de l’égalité des chances
peut, dans certains cas, conduire à limiter les dépenses des partis
et autres acteurs du débat référendaire, notamment dans le domaine
de la publicité» (section I.2.2.h).
92. Ces points mériteraient d'être développés davantage. Dans
une démocratie, la transparence est d’une importance capitale. Les
inquiétudes concernant la corruption et les tentatives d’achat d’influence
indue sont nombreuses, et la transparence constitue une première
étape essentielle pour les apaiser
. Ce principe de transparence
devrait s’appliquer aussi bien aux sources de financement d’une
campagne qu’à l’utilisation de ces fonds. En particulier:
- à tout le moins, les sources
de financement devraient être divulguées à un régulateur indépendant. S’agissant
des dons, cette mesure devrait s’appliquer à ceux supérieurs à un
montant minimum;
- des règles relatives aux personnes susceptibles de contribuer
au financement de la campagne devraient être établies: à titre d’exemple,
les dons étrangers sont souvent interdits, et une telle interdiction
est souhaitable. La divulgation des sources de financement devrait
permettre au régulateur indépendant de veiller au respect de ces
règles;
- par ailleurs, les dons supérieurs au seuil minimum devraient
être rendus publics: les électeurs sont en droit de savoir si des
personnes ou des organismes fournissent des ressources importantes
aux campagnes politiques;
- s’agissant des dépenses supérieures à un montant minimal,
les organisateurs de la campagne devraient être tenus de produire
des comptes rendus détaillés, indiquant clairement les sommes consacrées
et à qui les services ont été achetés.
93. Le fait qu’une des parties puisse dépenser davantage que l’autre
si elle bénéficie d’un plus fort soutien populaire et/ou de la part
des élus ne pose pas de problème en soi: les électeurs ont parfaitement
le droit de se laisser influencer par les opinions des autres, de
sorte qu’une solide campagne menée par les deux camps peut être
source d’informations utiles. Néanmoins, le libre choix peut être
entravé si l’une des parties est en mesure d’engager des dépenses
bien supérieures à l’autre, en particulier si les fonds concernés
proviennent d’un petit nombre de sources financièrement aisées.
Par conséquent, outre l’obligation de transparence, il est souhaitable
aussi d’imposer un plafonnement des dépenses, des dons, voire des
deux. Les règles appliquées devraient, dans la mesure du possible,
respecter les autres dispositions et traditions du pays concerné.
94. Le financement des campagnes et des partis politiques dans
le cadre de tous les processus électoraux est un sujet vaste et
d’une importance telle qu’il devrait probablement être traité par
la Commission de Venise dans un document distinct de son Code de
bonne conduite en matière électorale et de son Code de bonne conduite
en matière référendaire. Ce document pourrait énoncer les bonnes
et les mauvaises pratiques sans être indûment normatif. En tant
que tel, ceci devrait donc être considéré comme une question distincte
du présent rapport, même s'il doit être mentionné car il reste un
élément important des référendums et de leur déroulement.
3.5.3. Une
couverture médiatique équilibrée
95. Le Code propose deux types
de lignes directrices relatives à la couverture médiatique des campagnes référendaires.
96. Premièrement, le Code déclare que la couverture par les médias
publics devrait être égale:
«Dans les émissions consacrées à la campagne
référendaire à la radio et à la télévision publiques, il est souhaitable
que l’égalité soit assurée entre les partisans et les adversaires
d’un projet» (section I.2.2.b). «Un équilibre doit être garanti
entre les partisans et les adversaires du projet dans les autres
émissions des mass media publics, en particulier dans les émissions
d’information. Il peut être tenu compte du nombre de partis politiques
soutenant chaque option ou de leurs résultats électoraux» (section
I.2.2.c).
97. Deuxièmement, il énonce que les autres médias devraient assurer
un accès minimal aux différentes parties:
«Les conditions financières
ou autres de la publicité radio-télévisée doivent être égales pour
les partisans et les adversaires du projet» (section I.2.2.e). «Dans
le respect de la liberté d’expression, la loi devrait prévoir que
les médias audiovisuels privés assurent un accès minimal aux différents participants
au référendum, en matière de campagne référendaire et de publicité»
(section I.2.2.f).
98. La mesure dans laquelle les deux notions d’équité devraient
s’appliquer dans le contexte de l’audiovisuel public et privé suscite
un débat légitime. L'Irlande a mis en place certaines des règles
les plus strictes, imposant un équilibre parfait entre les parties.
D’aucuns craignent cependant que cela crée parfois un «faux équilibre»
sur des questions pour lesquelles la grande majorité des opinions
penchent clairement d’un côté
.
Cette situation est particulièrement problématique étant donné que
l’Irlande exige que tout amendement constitutionnel soit soumis
à un référendum, ce qui signifie que des propositions très peu controversées
doivent parfois faire l’objet d’un vote public, comme ce fut le
cas pour la réforme des collectivités locales (1999) et la révision
à la baisse des salaires des juges (2011). Les exigences précises
devraient par conséquent être adaptées aux spécificités de chaque
pays
.
99. Le Code n’apporte aucune précision concernant les médias non
radio et télédiffusés. Ce constat est particulièrement important
compte tenu de l'essor des médias numériques, et notamment des médias
sociaux. En effet, de par la convergence croissante des médias imprimés,
audiovisuels et numériques, il peut s’avérer de plus en plus difficile
de justifier des approches sensiblement différentes de la régulation
de ces secteurs des médias. La commission britannique indépendante
sur les référendums a recommandé la conduite d’une enquête approfondie
sur l’avenir de la publicité politique dans la presse écrite, l’audiovisuel
et les médias en ligne
.
Une telle réflexion attentive s’impose également dans d’autres pays.
La Commission de Venise travaille également actuellement sur ces
questions et il faut espérer qu’elle élaborera des lignes directrices pertinentes
s’appliquant tant aux référendums qu’aux élections.
3.6. La
conduite de la campagne (II): informations portées à la connaissance
des électeurs
100. Le deuxième principe mentionné
ci-dessus au sujet des campagnes est que les électeurs doivent avoir accès
à l'information qu'ils souhaitent. Il n'appartient pas aux autorités
ou à quiconque d’imposer aux électeurs les informations qu’ils doivent
assimiler avant de voter. Toutefois, ceux qui désirent obtenir des
informations supplémentaires avant d’exprimer leur suffrage devraient
être en mesure d’y accéder à partir de sources en qui ils ont confiance.
101. Il s’agit d’un aspect des référendums sur lequel le Code se
prononce peu mais qui a considérablement gagné en importance depuis
le moment de sa rédaction. Ces dernières années, la qualité du discours
politique et la prévalence desdites «fausses informations» et d'autres
formes d'informations peu fiables ont suscité de vives inquiétudes.
Par ailleurs, l’essor des médias numériques a transformé les moyens
d’information politique des citoyens. La publicité en ligne extrêmement
ciblée, qui peut être minutieusement adaptée à un public particulier
tout en restant invisible pour les autres (le phénomène dit des
«dark ads») soulève également des préoccupations particulières
.
Il est essentiel que le Code tienne compte de ces évolutions.
102. Des travaux de recherche menés récemment ont permis d’identifier
quatre approches pour réglementer la conduite des campagnes, censées
améliorer la qualité de l'information et du discours: promouvoir
la transparence, lutter contre les fausses informations, fournir
une information de qualité et faciliter la délibération citoyenne.
À bien des égards, elles ne sont pas spécifiques aux référendums
et s'appliquent également aux élections en général. Je m’attacherai
toutefois à leur application dans le cadre des référendums.
3.6.1. La
transparence quant à qui dit quoi et à qui
103. L’importance du principe de
transparence en ce qui concerne le financement de la campagne a
été examinée au chapitre 3.5.1. Celui-ci est également essentiel
pour ce qui est du message de la campagne: les électeurs devraient
être en mesure de déterminer quelles sont les revendications des
organisateurs et de qui elles émanent. Ils devraient aussi avoir
la possibilité de savoir si les militants adressent des messages contradictoires
à différents groupes d’électeurs ou cherchent à se présenter sous
un jour différent en fonction des électeurs.
104. L’actuel Code n’aborde pas ce point. Mais la multiplication
des «dark ads» en ligne a considérablement accru son importance
et de nouvelles directives sont nécessaires de toute urgence.
105. Tous les matériels publicitaires, quel que soit le support
d’information, devraient au minimum être clairement étiquetés en
tant que tels, de manière à ce que les citoyens puissent facilement
en identifier l’origine.
106. Par ailleurs, de plus en plus d’appels ont été lancés l’an
passé en faveur de la création de bases de données publiques des
publicités en ligne, afin que tout le monde puisse voir les publicités
produites par les groupes de militants. La commission britannique
indépendante sur les référendums a par exemple recommandé la création
d’un répertoire des publicités à caractère politique, publiquement
accessible et consultable en ligne, qui inclurait l’annonce proprement
dite et des informations sur sa date de publication, les groupes
visés et les dépenses y afférentes
.
107. Les grandes entreprises d’internet ont commencé à prendre
des mesures en ce sens. À titre d’exemple, Facebook a lancé pour
la première fois son propre recueil de publicités politiques à l’occasion
du référendum irlandais de 2018 sur la libéralisation de l’avortement
et a proposé une version améliorée pour les élections à mi-mandat
de 2018 aux États-Unis
.
Mais il serait imprudent de laisser ces dispositifs entièrement
aux mains des sociétés elles-mêmes. Premièrement, cela suppose d’externaliser
certains aspects importants de la réglementation des campagnes à
des multinationales privées, dont les motivations pourraient ne
pas les amener à agir au mieux des intérêts de la communauté démocratique
dans son ensemble. Deuxièmement, la création d’une base de données
unique, couvrant toutes les plateformes en ligne, permettrait d’optimiser
la transparence.
108. Il est peut-être prématuré d’élaborer des lignes directrices
juridiques précises sur ces questions. Cependant, les pouvoirs publics
et les entreprises d’internet doivent s’employer, au travers d’une
coopération internationale, à mettre au point très rapidement des
solutions optimales.
3.6.2. Lutter
contre les fausses informations
109. Au-delà de la transparence,
la question de savoir ce qu’il convient de faire en cas d’identification
de messages inappropriés se pose. L’actuel Code est muet sur ce
point.
110. Des appels ont été lancés ces dernières années en faveur de
mesures visant à interdire aux organisateurs de la campagne ou à
d’autres de faire de fausses déclarations ou à exiger qu'ils y mettent
fin et à les sanctionner s'ils ne le font pas
.
Cependant à ma connaissance, très peu de pays démocratiques (et aucun
des États membres du Conseil de l’Europe), ont mis en œuvre de telles
mesures à l’heure actuelle. Il y a de bonnes raisons à cela: cette
approche présente des risques. Premièrement, des autorités peu scrupuleuses
pourraient tirer parti abusivement de la situation, en particulier
lorsque la neutralité de l'État n'est pas suffisamment garantie.
Deuxièmement, elle pourrait, dans certaines circonstances, avoir
un effet boomerang: les militants à qui l’on a demandé de cesser
de faire certaines déclarations pourraient parfaitement se faire
passer pour des martyrs, luttant contre un pouvoir en place qui
refuse que certaines vérités soient dites. Enfin, elle pourrait
n’avoir qu’un effet limité en pratique et être par conséquent discréditée.
Afin de ne pas entraver la liberté d’expression, l’utilisation de
ces mécanismes pourrait se limiter aux affirmations manifestement
erronées. Cela sous-entend que des déclarations qui ne sont pas
totalement inexactes mais sont clairement destinées à induire en
erreur passeront souvent à travers les mailles du filet, au risque d’ébranler
la confiance dans le système.
111. À juste titre, le Code ne recommande donc pas cette approche
(bien qu’elle puisse être efficace dans certaines juridictions où
la neutralité de l’État et la confiance du public envers cette neutralité
sont toutes deux élevées). Là encore, cette démarche est conforme
à la recommandation de la commission britannique indépendante sur
les référendums.
112. D’autres approches sont toutefois possibles et mériteraient
d’être encouragées. L’une d’entre elles, traditionnelle, consiste
à réglementer rigoureusement la presse indépendante, afin d'identifier
et de corriger les informations inexactes. L’essor des médias numériques
implique là encore de soumettre l’élaboration future d’une telle
réglementation à un examen attentif et urgent.
113. Le processus de «vérification des faits» est encore plus récent:
les déclarations des organisateurs de la campagne et d’autres font
l’objet d’un contrôle rigoureux mené par un organe indépendant totalement
neutre, qui se prononce ensuite sur leur exactitude. Le but ici
n'est pas d'interdire les fausses informations, mais de les révéler
au grand jour, afin d'aider les citoyens à se forger leur propre
avis d'une manière éclairée. Des préoccupations ont été soulevées
quant aux «retours de flamme» liés à la vérification des faits
,
bien que certaines études laissent entrevoir qu’ils aient pu être
exagérés
.
De toute évidence, un contrôle minutieux des faits et des comptes
rendus exhaustifs à ce sujet ont un rôle important à jouer dans
le pluralisme démocratique. Il conviendrait d’encourager et de faciliter
la mise en place de ces mécanismes et leur publicité.
114. Dans certains cas, cette fonction de vérification des faits
peut être exercée par une instance officielle. En Irlande, par exemple,
les commissions référendaires établies pour chaque référendum et
chargées de fournir des informations sur les options proposées (voir
ci-après au chapitre 3.6.3) ont également parfois choisi d’intervenir
pendant la campagne, interpellant les militants qui avaient fait
des déclarations erronées et les enjoignant de cesser
. De même, lors du référendum de
2016 sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne, la
UK Statistics Authority (l'autorité statistique du Royaume-Uni)
est intervenue à plusieurs reprises pour reprocher aux militants
de faire une mauvaise utilisation des statistiques officielles
.
Dès lors qu’un organe public jouit d’une indépendance suffisante
et de la confiance des citoyens pour remplir une telle fonction,
il peut être judicieux qu'il le fasse.
3.6.3. La
fourniture d’informations
115. Pour améliorer la qualité de
l’information lors des campagnes référendaires, la troisième approche consiste,
pour les autorités publiques, à fournir elles-mêmes des informations
neutres et fiables. L’actuel Code comprend des dispositions à cet
égard. Le Code énonce que:
«Les
autorités doivent fournir une information objective; cela implique
que le texte soumis au référendum ainsi qu’un rapport explicatif
ou une propagande équilibrée des partisans et adversaires du projet
soient mis suffisamment à l’avance à la disposition des électeurs,
de la manière suivante:
i. ils sont publiés dans un journal officiel suffisamment
tôt avant le vote;
ii. ils sont envoyés personnellement
aux citoyens, qui doivent en disposer suffisamment tôt avant le
vote;
iii. le rapport explicatif doit
présenter non seulement le point de vue des autorités (exécutif
et législatif) ou des personnes partageant leur point de vue, mais
aussi celui des personnes ayant un point de vue opposé, de manière
équilibrée» (section I.3.1.d).
De plus, comme indiqué ci-dessus au chapitre 3.2.3, le parlement
doit pouvoir faire part de son avis sur les référendums qu’il n’a
pas initiés (section III.6). La note explicative clarifie que cela
tient en partie à l’importance de l’information des électeurs (section
III.6, paragraphes 46-48).
116. Les pratiques en matière de
diffusion d’informations lors de référendums varient grandement
d'un pays européen à l'autre. Beaucoup ne fournissent aucune information
officielle, tandis que d’autres communiquent des informations assez
complètes. En Suisse, les autorités rédigent un livret qui explique
le projet et présente les positions de l’Assemblée fédérale et des
auteurs de la proposition. Le Liechtenstein prévoit la publication d’un
dépliant qui doit offrir aux deux parties un espace pour exposer
leurs positions – une approche également adoptée dans le cadre de
certains référendums au Royaume-Uni. En Irlande, une commission
référendaire indépendante composée de quatre hauts fonctionnaires
(qui exercent leurs fonctions
ex officio)
et d'un juge principal qui en assure la présidence, est établie
pour chaque scrutin. Cette commission est chargée d’expliquer la
proposition soumise au vote. Pour ce faire, elle adresse un fascicule
à tous les électeurs, gère un site web, assure une abondante publicité
et une présence dans les médias par l’intermédiaire de son président.
On lui reproche cependant parfois de ne pas fournir aux électeurs
toutes les informations souhaitées: elle se limite aux effets juridiques
de la proposition et peut ainsi en négliger d'autres susceptibles d’intéresser
tout particulièrement les électeurs
.
En-dehors de l’Europe, certains pays fournissent des informations
publiques plus détaillées qui explorent davantage les conséquences
potentielles. C’est notamment le cas en Nouvelle-Zélande.
117. Il est irréaliste d’attendre d’un gouvernement ou d’un parlement
qu’il produise du matériel d’information équilibré en vue de la
tenue d’un référendum. Le Code mérite par conséquent d’être modifié
afin de préciser qu’un organe indépendant devrait être chargé de
fournir des informations officielles.
118. Les informations communiquées devraient au minimum énoncer
la question référendaire et indiquer en détail quand et comment
les citoyens peuvent voter. Dans toute la mesure du possible, notamment
lorsque la confiance dans l’indépendance et l’autorité de l’organe
chargé de communiquer est suffisante, celui-ci devrait également
fournir des explications sur les propositions, voire aller plus
loin et transmettre aux électeurs des informations leur permettant
de peser le pour et le contre des différentes options à l’aune de
leurs propres critères d’évaluation.
119. Lorsque les informations officielles communiquées ne couvrent
pas tous les éléments susmentionnés, le travail des médias et des
experts indépendants est déterminant. Ils devraient être encouragés
à donner des informations détaillées à la fois exactes, accessibles
et impartiales, abordant les questions qui intéressent les électeurs.
3.6.4. L’engagement citoyen
120. Pour améliorer la qualité de
l’information et des débats dans le cadre de campagnes référendaires,
la dernière approche consiste à associer directement les citoyens
aux délibérations concernant le sujet soumis au vote. Le recours
à des assemblées de citoyens et autres mécanismes similaires avant
de convoquer un référendum, de manière à mieux appréhender les perspectives
envisagées par les électeurs et à aider ainsi à cerner les enjeux
et cadrer le débat a été évoqué précédemment. Des dispositifs analogues
peuvent aussi être utilisés après la convocation d'un référendum.
À titre d’exemple, dans l'État américain de l'Oregon, depuis 2010,
un groupe de citoyens a été réuni dès les premières phases de la
campagne, tous les deux ans, pour entendre les problèmes, débattre
et préparer une déclaration sur les enjeux et les arguments avancés;
cette déclaration figure dans le dossier d’information adressé à
chaque électeur. Les électeurs semblent apprécier davantage ce matériel
et lui accorder plus de confiance qu’à celui émanant des organisateurs
de la campagne
.
121. Ces pratiques restent quelque peu expérimentales et l'approche
optimale variera d'un pays à l'autre. Elles peuvent toutefois permettre
de renforcer la participation des citoyens au débat démocratique,
d’améliorer la qualité des délibérations démocratiques, de remédier
au sentiment de déconnexion des processus décisionnels éprouvé par
les électeurs et de pallier leur défiance à cet égard. Il conviendrait
par conséquent d’encourager l’expérimentation d’autres approches
dans différents pays. Ce conseil correspond aux recommandations
de la commission britannique indépendante sur les référendums, récemment
établie, qui préconisait de tester des assemblées de citoyens lors
de futures campagnes référendaires
.
3.7. Application des règles
122. Le dernier aspect de la réglementation
des référendums qu’il reste à examiner est l'application des règles.
L’actuel Code énonce deux types de mécanisme d’application. Il prévoit
tout d’abord des sanctions en cas de violation des règles
. Il précise ensuite qu’il devrait
être possible d’annuler, en tout ou partie, un scrutin si des violations
des règles ont pu en affecter le résultat
. Le Code
définit également les procédures pour statuer dans de tels cas,
qui devraient être conduites par une commission électorale et/ou
un tribunal.
123. Ces dispositions sont appropriées. Une précision pourrait
toutefois être apportée, à savoir que les pouvoirs de sanction devraient
couvrir les aspects de la réglementation des campagnes non explicitement mentionnés
à l’heure actuelle comme les manquements aux règles sur le financement
de la campagne. Il convient également de réfléchir à l’échelle des
sanctions. En particulier, les amendes devraient être proportionnelles
à l'ampleur du financement de la campagne, de manière à ce qu'elles
ne soient pas considérées comme de simples dépenses de campagne
tolérables.
4. Conclusions
124. En conclusion, il semble nécessaire
de procéder à trois types de modification:
- premièrement, le Code de bonne conduite en matière référendaire
de la Commission de Venise, adopté en 2007, mérite d’être actualisé.
Cette mise à jour s’impose tout particulièrement pour prendre en compte
les évolutions liées à l’essor d’internet et des médias sociaux
depuis sa rédaction, il y a plus de dix ans, et refléter l’importance
de porter à la connaissance des électeurs des informations de qualité. Toutefois,
des modifications seraient également souhaitables dans d’autres
domaines. Des propositions concrètes, y compris des principes généraux
et leurs implications pour des aspects spécifiques du déroulement
d'un référendum, ont été formulées dans le projet de résolution;
- deuxièmement, il convient d’améliorer le respect du Code
par les États membres. Les contraintes imposées aux campagnes gouvernementales
sont souvent particulièrement faibles, et il y a également d’autres
questions qui devraient être abordées; les domaines dans lesquels
la conformité fait défaut sont également énumérés dans le projet
de résolution;
- troisièmement, dans les domaines où des dispositions juridiques
ne sont pas appropriées, il est tout à fait possible de procéder
à un partage de bonnes pratiques entre les pays, en ce qui concerne notamment
les méthodes visant à stimuler la tenue d’un débat public mûrement
réfléchi autour des questions référendaires.
125. Parmi les suggestions à prendre en compte par la Commission
de Venise lors de la mise à jour du Code de 2007, l'une d'elles
apparaît comme l'un des moyens les plus efficaces d'améliorer le
respect des règles référendaires par les États membres: la création
d'une instance indépendante chargé de contrôler toute question référendaire
proposée, qui superviserait le déroulement de la campagne, prendrait
toutes les mesures nécessaires pour en assurer le bon déroulement
et disposerait des moyens nécessaires pour faire appliquer ses décisions
et sanctionner les éventuelles violations.