1. Remarques préliminaires
1. Je tiens tout d’abord à remercier
M. Antonio Gutiérrez d’avoir dédié une place importante aux questions d’égalité
de genre et de droits des femmes dans son rapport et dans le projet
de résolution qui a été adopté par la commission des questions juridiques
et des droits de l’homme.
2. Le projet de résolution aborde principalement les questions
suivantes:
- la compatibilité
de la Déclaration du Caire sur les droits de l’homme dans l’Islam
avec les normes internationales relatives aux droits humains;
- les activités des conseils de la charia en Angleterre
et au Pays des Galles, des organes qui n'ont pas de statut juridique
et n'ont aucune autorité juridiquement contraignante;
- l'application de la charia aux Grecs musulmans en Thrace
occidentale, qui est fondée sur le Traité de Lausanne et réglementé
par la loi grecque.
3. Chacune de ces questions est très spécifique et complexe et
aurait mérité d'être examinée de son propre chef. Le fil conducteur
étant la référence à la charia, aborder ces questions dans le même
rapport pourrait donner l'impression que la charia gagne du terrain
en Europe en tant que source de droit. Ce n'est pas le cas: à l'heure
actuelle, aucun État membre du Conseil de l'Europe n'a la charia
comme source de droit, à l'exception de la situation spécifique
du territoire de la Thrace occidentale en Grèce où la charia peut
être appliquée dans les limites fixées par la loi et à condition
que cela ne conduise pas à une violation de la Convention européenne
des droits de l'homme (STE no 5, «la
Convention»). L'application de la charia par les conseils de la
charia en Angleterre et au Pays des Galles ne produit pas d'effets
juridiques. De même, aucun État membre du Conseil de l'Europe, qu'il
soutienne ou non de la Déclaration du Caire, n'a indiqué vouloir introduire
la charia dans son système juridique.
4. La thématique plus large de la compatibilité de la charia
avec les droits humains devrait être abordée avec rigueur juridique
et sensibilité politique, en évitant la stigmatisation de l'Islam
en tant que tel. L'Islam est la deuxième religion la plus pratiquée
en Europe et celle de la majorité de la population dans certains
États membres du Conseil de l'Europe. Faire en sorte que toutes
et tous les Européen-ne-s, abstraction faite de leur foi religieuse,
ressentent qu’ils-elles font partie d’une même communauté qui met
les droits humains et la démocratie au-dessus de toute autre allégeance
et jouissent des mêmes droits et opportunités, sans discrimination
ni préjugés, est un défi majeur.
5. Dans le cadre de la préparation de cet avis, le 3 décembre
2018, la commission sur l’égalité et la non-discrimination a auditionné
le Dr Ioana Cismas, maître de conférences, York Law School et Centre
for Applied Human Rights, York, Royaume-Uni, une spécialiste de
la Déclaration du Caire. Elle a aussi pris connaissance des procès-verbaux
des auditions de grande qualité tenues par la commission des questions
juridiques et des droits de l’homme dans le cadre de la préparation
du rapport de M. Gutiérrez.
2. La Déclaration
du Caire
6. La Déclaration du Caire n’est
pas conforme aux principaux instruments internationaux des droits humains.
Comme M. Gutiérrez le décrit dans son rapport:
- elle omet la liberté d’association
et la liberté de religion et d’expression;
- elle admet la discrimination fondée sur le sexe/genre;
- elle ne mentionne pas l’interdiction de la discrimination
fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre;
- elle ne reconnaît pas l’universalité des droits humains;
- elle soumet les droits humains aux dispositions de la
charia, qui doit aussi guider la lecture de la déclaration .
7. Or, la charia n’est pas un ensemble de normes figées mais
un concept dynamique, soumis à une interprétation évolutive. Elle
n'est pas interprétée de manière uniforme ou appliquée de manière
exhaustive dans tous ses aspects dans les pays où elle est une source
de droit.
8. Comme la Cour européenne des droits de l’homme l’a souligné
dans ses arrêts, certaines dispositions de la charia ne sont pas
compatibles avec la Convention européenne des droits de l’homme
.
Le rapport de M. Gutiérrez liste les règles les plus problématiques,
qui concernent surtout l‘inégalité entre les femmes et les hommes
dans le droit de la famille, la succession et le statut personnel;
la liberté de religion et d’expression; ainsi que l’admissibilité
de peines cruelles, inhumaines et dégradantes dans le domaine pénal.
2.1. La Déclaration
du Caire et les États membres du Conseil de l’Europe
9. Le titre du rapport pose la
question suivante: des États membres du Conseil de l’Europe, qui
sont tous Parties à la Convention européenne des droits de l’homme,
peuvent-ils être aussi signataires de la Déclaration du Caire? Du
point de vue juridique, la réponse est claire: cela est possible.
Dans ce cas précis, la Turquie est le seul État membre du Conseil
de l’Europe à avoir été membre de l’Organisation de la Conférence
islamique (OCI) au moment de l’adoption de la Déclaration du Caire.
L’Albanie et l’Azerbaïdjan ont rejoint l’OIC à une date ultérieure.
L’Albanie et l’Azerbaïdjan sont devenus membres du Conseil de l’Europe
après être devenus membres de l’OCI: la question d’une éventuelle
incompatibilité n’a jamais été posée aux cours des négociations
en vue de l’adhésion, ni n’a été soulevée au cours du travail mené
par l’Assemblée parlementaire dans le cadre de cette procédure.
10. Cela n’est pas surprenant car, comme l’a bien souligné le
rapporteur pour rapport, la Convention européenne des droits de
l’homme et la Déclaration du Caire sont deux instruments de nature
différente: la première est un traité juridiquement contraignant
tandis que la seconde n’est qu’une déclaration politique sans effets
juridiques. La référence à la charia dans la Déclaration du Caire
n'a aucune conséquence en Albanie, en Azerbaïdjan et en Turquie.
Ce sont des États laïcs dans lesquels la charia ne constitue pas
une source de droit.
2.2. La Déclaration
du Caire, la charia et les partenaires pour la démocratie
11. La Jordanie, le Maroc et la
Palestine, dont les parlements jouissent du statut de partenaire
pour la démocratie auprès de l'Assemblée parlementaire, étaient
membres de l’OCI au moment de l’adoption de la Déclaration du Caire.
La République kirghize a rejoint l’organisation plus tard. Leur
soutien à la déclaration n'a pas été mentionné comme un problème
au cours de la procédure d'octroi de ce statut.
12. Le retrait de leur soutien à la Déclaration du Caire aurait
une valeur hautement symbolique mais n'aurait pas d'impact concret,
car la charia est incluse comme source de droit dans les systèmes
juridiques de la Jordanie, du Maroc et de la Palestine.
2.3. Promouvoir des
progrès tangibles
13. Depuis le début, le Conseil
de l'Europe et son Assemblée parlementaire se sont engagés avec
les partenaires pour la démocratie dans un esprit de dialogue et
de coopération: l'objectif est d'aider à rapprocher les législations
et les politiques de ces pays des principaux instruments internationaux
de droits humains, y compris la Convention européenne des droits
de l'homme.
14. S'engager dans un esprit de dialogue ne doit pas être interprété
comme une disposition à faire des compromis sur les valeurs et les
normes. La critique constructive est possible et est encore plus
efficace lorsqu'elle cherche à avoir un impact tangible sur les
lois et les politiques. Dans ce contexte, le dialogue, la formation,
l'expertise et les échanges d'expériences entre les élu-e-s par
le biais d'activités de coopération interparlementaire sont le meilleur
moyen d'apporter des changements.
15. En 2018, par exemple, la commission sur l'égalité et la non-discrimination
a discuté de sujets tels que la participation des femmes à la vie
politique et la lutte contre la violence à l'égard des femmes avec
des parlementaires du Maroc, de la Jordanie et de la Palestine lors
de deux événements organisés respectivement à Rabat le 5 juillet
et à Paris le 20 septembre. Ces échanges ont permis aux participant-e-s
de discuter des progrès législatifs récents dans le sud de la Méditerranée,
d'en comprendre mieux les défis politiques et sociétaux et de promouvoir
les instruments du Conseil de l'Europe tels que les recommandations
de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise), les résolutions de l'Assemblée et la Convention sur
la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes
et la violence domestique (STCE no 210,
«Convention d’Istanbul»). Les efforts doivent se poursuivre dans
cette direction, en mettant l'accent sur les réformes concrètes.
Et celles-ci sont possibles dans des domaines tels que le statut familial
ou personnel, où la charia est la base du cadre normatif.
16. Parallèlement, l'Assemblée devrait investir dans le rôle que
ses partenaires pour la démocratie, et plus encore l'Albanie, l'Azerbaïdjan
et la Turquie en tant qu'États membres du Conseil de l'Europe, peuvent
jouer au sein d'organisations multilatérales telles que l'Organisation
de la coopération islamique (OCI) pour promouvoir le respect des
droits humains en dehors de la région du Conseil de l'Europe.
17. À cet égard, il convient de rappeler qu'il y a eu des demandes
de révision de la Déclaration du Caire. Cette voie reste à explorer,
mais il serait erroné d'accorder une attention excessive à la Déclaration
du Caire. Selon le Dr Cismas, un seul signataire de la déclaration,
l'Arabie saoudite, l'a invoquée pour justifier le manque de respect
d’obligations internationales
. Les efforts devraient être plutôt
orientés vers la promotion du respect du droit des droits humains
et des recommandations émanant des mécanismes de droits humains.
3. Application de
la charia dans les États membres du Conseil de l'Europe
18. Le rapport de M. Gutiérrez
décrit les situations spécifiques dans lesquelles la charia est
appliquée, légalement ou officieusement, dans certaines parties
de quelques États membres du Conseil de l'Europe. Je serais en faveur
de la suppression de la phrase «L'Assemblée est consciente que des
tribunaux islamiques informels peuvent exister dans d'autres États
membres du Conseil de l'Europe» dans le projet de résolution (Amendement A) parce que le rapport
n’en fait pas mention. Il s'agit d'éviter que cette phrase, prise
hors contexte, soit utilisée pour alimenter les craintes au sujet
d'une éventuelle diffusion de l'application de la charia en Europe
et qu'elle soit malicieusement utilisée par des forces politiques
pour stigmatiser l'Islam et les personnes de foi musulmane.
3.1. Application de
la charia par les conseils de la charia en Angleterre et au Pays
des Galles
19. Le rapport de M. Gutiérrez
décrit en détail les questions soulevées par les activités des conseils
de la charia en Angleterre et au Pays des Galles. Le projet de résolution
réitère les principales recommandations formulées par l’Étude indépendante
sur l’application de la charia en Angleterre et au Pays de Galles
présentée au parlement par la Secrétaire d'État chargé des questions
intérieures, y compris son approche pragmatique de ne pas demander
l'interdiction des conseils de la charia
. Je ne répète pas les informations
contenues dans le rapport principal, mais j'ajouterai quelques considérations.
Cette question particulière, cependant, aurait mérité un rapport
en elle-même, car elle est extrêmement complexe et politiquement
sensible et soulève des questions importantes concernant l'égalité
et la non-discrimination.
20. Les éléments recueillis par l’Étude indépendante montrent
que plus de 90% des personnes utilisant les services des conseils
de la charia sont des femmes, cherchant dans la plupart des cas
à obtenir un divorce islamique. Ceci est dû au fait qu'actuellement,
le célébrant des mariages musulmans ne peut pas enregistrer les
mariages civilement, contrairement aux célébrants des mariages chrétiens
et juifs. De nombreux couples musulmans ne célèbrent pas deux mariages,
un religieux et un civil. Quand seul un mariage islamique est célébré,
le couple est considéré aux yeux de la loi britannique comme simplement
cohabitant.
21. Les hommes musulmans peuvent mettre fin unilatéralement à
un mariage islamique alors que les femmes sont tenues d'obtenir
une décision. En ce sens, l’Étude indépendante considère que les
conseils de la charia répondraient à un besoin. Sa principale recommandation
est donc d'essayer de répondre à ce besoin en veillant à ce que
les mariages islamiques soient également enregistrés en droit civil,
de sorte qu'un divorce puisse être obtenu devant les tribunaux compétents.
22. Il convient de noter que, lorsqu'ils «prononcent» un divorce,
les conseils de la charia traitent également d'aspects tels que
la confiscation de la dot, les recours financiers, les arrangements
pour les enfants et les questions relatives au comportement et à
la conduite futurs. Ce sont des domaines sensibles dans lesquels les
décisions prises selon la charia risquent d'être discriminatoires
envers les femmes.
23. L’Étude indépendante estime que, tant qu’existe le besoin
d'un divorce islamique, l'interdiction des conseils de la charia
les conduira dans la clandestinité, rendant les pratiques discriminatoires
et les violations des droits humains encore plus difficiles à détecter.
Elle recommande, plutôt, de créer un système d'autorégulation des
conseils de la charia, y compris un code de pratique, et de surveiller
le respect par les conseils de la charia de ce mécanisme.
24. Cette approche n'a pas été partagée à l'unanimité par tous
les membres du panel d’experts ayant préparé l’Étude indépendante.
Un avis divergent est inclus dans le rapport, faisant valoir que
l’introduction d’un cadre réglementaire approuvé par l'État donnerait
une légitimité et un statut quasi-juridique aux conseils: «La création
d'un règlement approuvé par l'État envoie le message que certains
groupes ont des besoins séparés et distincts et que les conseils
de la charia constituent un forum approprié pour résoudre leurs
différends familiaux. En bref, il perpétuerait le mythe de la séparation
de certains groupes.»
25. L’introduction du droit/obligation d'enregistrer le mariage
islamique civilement, bien que nécessaire, ne mettra pas nécessairement
fin au recours aux conseils de la charia. Des femmes pourraient
continuer à s'adresser aux conseils de la charia, que leur mariage
soit ou non civilement enregistré, de leur propre volonté ou en
raison des attentes ou de la pression de leur famille ou de leurs
communautés. Même si l’Étude indépendante réitère que les conseils
de la charia ne devraient pas être appelés «tribunaux» et que leurs membres
ne devraient pas être désignés comme «juges», «le pouvoir des conseils
de la charia réside dans la façon dont ils sont perçus par leurs
communautés»
.
26. Il est donc nécessaire de mettre l'accent sur le dialogue,
la sensibilisation et les campagnes d'information. Ces activités
devraient être menées intensivement, de pair avec les organisations
féminines, d'autres organisations non gouvernementales (ONG) et
la société civile, pour informer les femmes musulmanes de leurs
droits et promouvoir leur autonomisation. Je propose donc un amendement
qui ajoute à la nécessité de campagnes de sensibilisation le concept
d'autonomisation des femmes (Amendement
E).
27. Comme exposé au début de cet avis, faire en sorte que toutes
et tous les Européen-ne-s, quelles que soient leurs croyances religieuses,
fassent partie de la même communauté plaçant les droits humains
et la démocratie au-dessus de toute autre allégeance, est un défi.
Mais celui-ci ne sera jamais relevé à moins que tous les Européens
et les Européennes jouissent des mêmes droits et opportunités, exempts
de discrimination et de préjugés.
28. Les femmes musulmanes sont souvent représentées comme des
victimes de traditions religieuses ou culturelles très patriarcales
qui les confinent à une position de subordination par rapport aux
hommes, dans la famille et dans la société. Malheureusement, elles
sont également la cible principale des attaques islamophobes et
racistes et de stéréotypes, un problème qui s’est accru avec la
menace terroriste. Elles sont victimes de discriminations multiples
et intersectionnelles, en tant que femmes et musulmanes. Trop souvent, cependant,
on oublie que les femmes musulmanes peuvent également être des actrices
du changement: le réseau Muslim Women Network United Kingdom, par
exemple, offre des conseils aux femmes musulmanes cherchant à développer
leur rôle, et des mouvements féministes au sein de l'Islam existent
à la fois en Europe et ailleurs.
29. Malheureusement, les femmes musulmanes sont confrontées à
des barrières et à la discrimination dans l’accès au domaine clé
de la justice. Cela avait déjà été décrit par la commission sur
l'égalité et de la non-discrimination dans les rapports sur «L’égalité
et la non-discrimination dans l’accès à la justice»
et «Discriminations multiples à
l'égard des femmes musulmanes en Europe: pour l’égalité des chances»
.
30. Dans ses dernières observations finales sur le Royaume-Uni
, le Comité des Nations Unies pour l'élimination
de la discrimination à l'égard des femmes (CEDEF) s'est dit préoccupé
par le fait que la réforme de l'aide juridictionnelle introduite
au Royaume-Uni en 2012 aurait un impact négatif sur l'accès des
femmes à la justice, entre autres, parce qu'il a supprimé l'accès
à l'aide juridictionnelle pour les litiges concernant, par exemple,
le divorce, les différends d’ordre patrimonial, le logement et les
questions d'immigration. Le Comité a noté «avec préoccupation des
informations indiquant que ces restrictions peuvent conduire des
femmes, en particulier celles appartenant à des minorités ethniques,
à s’adresser à des systèmes d’arbitrage communautaires informels,
y compris des tribunaux à caractère religieux, qui, souvent, ne
sont pas conformes à la Convention». Il a donc exhorté le Royaume-Uni
à: «a) garantir l’accès effectif des femmes, en particulier des
femmes victimes de violences, aux tribunaux et cours de justice;
b) évaluer en permanence les incidences des réformes de l’aide juridictionnelle
sur la protection des droits des femmes; c) protéger les femmes
contre les systèmes d’arbitrage communautaires informels, en particulier
ceux qui violent les droits qui leur sont garantis par la Convention».
31. L’évaluation de l'impact de la réforme de l'aide juridictionnelle
au Royaume-Uni va bien au-delà de ce que je peux faire dans le cadre
d’un avis, mais en termes généraux, il me semble que le recours
des femmes musulmanes aux conseils de la charia serait fondamentalement
réduit si les obstacles à leur accès au système de justice formel
étaient levés. Je propose pour cette raison l'amendement
D, qui mentionne également la vulnérabilité particulière
des femmes qui se sont mariées et dont le mariage n'est pas reconnu
civilement. Elles ont besoin de protection et d'assistance, surtout
si elles souhaitent mettre fin à leur mariage.
3.2. Application de
la charia en Thrace occidentale
32. En ce qui concerne l'application
de la charia en Thrace occidentale, je voudrais rappeler que le
rapport «Promouvoir les droits des personnes appartenant aux minorités
nationales»
, qui sera débattu
au cours de la partie de session de janvier 2019, mentionne le cadre
juridique grec s'appliquant à la minorité musulmane en Thrace occidentale
et fournit donc un contexte complémentaire au rapport de M. Gutiérrez.
33. En outre, je voudrais signaler qu'après l'adoption du projet
de résolution par la commission des questions juridiques et des
droits de l'homme, la Cour européenne des droits de l'homme a rendu
une décision de Grande Chambre dans l'affaire
Molla
Sali c. Grèce, déjà mentionnée dans le rapport de Gutiérrez
.
34. Dans son jugement, la Cour a reconnu une violation de l'article
14 de la Convention européenne des droits de l’homme (non-discrimination),
combiné avec l'article 1 du Protocole no 1
à la Convention (STE no 9) (droit à la
propriété)
. La Cour a également souligné que
la liberté de religion n’astreint pas les États contractants à créer
un cadre juridique déterminé pour accorder aux communautés religieuses
un statut spécial impliquant des privilèges particuliers. Néanmoins,
un État qui a créé un tel statut doit veiller à ce que les critères
pour que ce groupe bénéficie de ce statut soient appliqués d’une
manière non discriminatoire. Par ailleurs, le fait de refuser aux
membres d’une minorité religieuse le droit d’opter volontairement
pour le droit commun et d’en jouir non seulement aboutit à un traitement
discriminatoire, mais constitue également une atteinte à un droit
d’importance cruciale dans le domaine de la protection des minorités,
à savoir le droit de libre identification.
4. Remarque finale
35. Certaines des questions abordées
dans le rapport de la commission des questions juridiques et des droits
de l'homme soulèvent d'importantes interrogations concernant la
promotion et la protection des droits des femmes dans l'ensemble
de la société, les droits des minorités, la prévention de la discrimination
multiple et intersectionnelle et la lutte contre l'intolérance et
les stéréotypes. J'invite la commission sur l'égalité et la non-discrimination
à étudier les éventuelles suites à donner à certaines de ces questions
avec la préparation d'un rapport spécifique.