1. Introduction
1. En tant que rapporteure générale
sur les conditions d’accueil des réfugiés et des migrants, j’ai
proposé d’entendre Mme Louise Roland-Gosselin,
Responsable des activités de plaidoyer de Médecins sans frontières en
Grèce, au cours de la réunion de la commission des migrations, des
réfugiés et des personnes déplacées du 8 décembre 2017 à Paris.
Mme Roland-Gosselin a informé la commission
que le centre d’accueil et d’identification de Moria, sur l’île
grecque de Lesbos, hébergeait environ 7 000 personnes bien qu’il
n’ait qu’une capacité de 2 500 places
. Étant donné que les émeutes, la
violence, différents types d’exploitation et de mauvais traitements
et même les viols étaient fréquents dans cette situation de surpopulation,
les femmes et les enfants réfugiés sont enfermés à clé la nuit dans
leurs chambres à des fins de protection. L’habillement et les abris
provisoires ne sont pas adaptés aux températures hivernales. En
outre, la vulnérabilité des réfugiés n’est pas traitée comme il
convient. Les femmes et les filles ne bénéficient pas d’une protection,
de traitement et d’une prise en charge tenant compte de leur sexe.
C’est pourquoi, le stress traumatique persiste au sein du camp,
ce qui conduit à des réactions de panique et à des tentatives de
suicide.
2. Le maire de Lesbos a déclaré en 2017 que le camp de Moria
ressemble aux « camps de concentration qui privaient les individus
de toute dignité humaine »
. Cette situation très grave a été
confirmée par d’autres organisations non gouvernementales (ONG)
et par des médias internationaux
. Cette description alarmante m’a
conduite à faire une déclaration avant l’hiver 2017 et la commission
a soutenu ma proposition de résolution (
Doc. 14474), pour laquelle j’ai été nommée rapporteure le 22 mars
2018. Le 8 janvier 2019, un réfugié originaire du Cameroun est décédé
dans une tente provisoire du camp de Moria. Cet événement tragique
a encore une fois mis en évidence les problèmes humanitaires dans
ce camp ainsi que dans les autres camps grecs
.
3. Pour étayer mon rapport, je me suis rendue du 10 au 12 juillet
2018 dans les centres d’accueil ouverts de Kavala et de Drama en
Grèce continentale et dans le centre d’accueil et d’identification
de Moria
. Les centres de Kavala et de Drama
sont gérés par l’Organisation internationale pour les migrations
(OIM) à l’aide de fonds alloués par l’Union européenne, alors que
le centre de Moria relève du ministère grec de la Politique des
migrations. Il existe aussi des centres d’accueil et d’identification
dans d’autres îles grecques et à la frontière terrestre gréco-turque
où le nombre de demandeurs d’asile
a presque doublé en 2018, dépassant les 10 000
. Le Gouvernement grec reçoit divers
fonds de l’Union européenne
, y compris pour le fonctionnement
de ces centres d’accueil et d’identification ou « hotspots »
. Les migrants souhaitent désespérément
quitter les camps des îles, car ils espèrent pouvoir se rendre dans
un autre pays dès qu’ils auront atteint la Grèce continentale
.
4. Ce rapport est consacré à la situation des réfugiés et des
migrants dans les îles grecques. Leur situation est toutefois étroitement
liée à celle de la Grèce continentale et s’inscrit donc dans le
contexte général du pays. C’est pourquoi je ferai également référence
à la situation en Grèce lorsqu’il existe un lien avec les îles.
2. Situation en Grèce et dans ses îles
5. Depuis plus de dix ans, les
îles grecques sont le point d’entrée des migrants dans l’Union européenne. Certains
d’entre eux traversent la frontière terrestre gréco-turque tandis
que la plupart des migrants arrivent par bateau en provenance des
côtes proches de la Turquie
. Tous les migrants qui arrivent
par bateau risquent leur vie en mer et payent des passeurs. L’opinion
publique a pris conscience de ce phénomène lors du décès tragique,
en 2012, d’au moins 18 migrants dont le bateau a coulé au large
des côtes de Lesbos, après avoir payé leur traversée environ $US 2 000 par
personne
. Face à l’augmentation considérable
du nombre de migrants en 2015 et 2016, le Haut-Commissariat des
Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a estimé que plus de 800 000
migrants avaient traversé la mer Égée entre la Turquie et la Grèce
pendant la seule année 2015, en plus des 34 000 autres migrants
originaires de Syrie, d’Irak et d’Afghanistan, qui sont entrés par
la frontière terrestre gréco-turque
. Les autorités du camp de Moria
m’ont informée pendant ma visite que certains migrants étaient originaires
de pays aussi éloignés que le Myanmar, l’Algérie et Haïti.
6. Le nombre de migrants qui périssent durant la traversée en
bateau a augmenté considérablement depuis 2015. J’ai donc entamé
ma mission d’enquête dans l’île de Lesbos par une visite du cimetière
où reposent les migrants de confession musulmane arrivés par la
mer. Ce cimetière a été créé à l’initiative privée d’un jeune imam
égyptien qui habite à Mytilène sur l’île de Lesbos et qui a décidé
d’identifier et d’enterrer les défunts selon le rite musulman. Je
tiens, à ce propos, à féliciter l’ONG Last Rights qui soutient les
actions visant à identifier les migrants décédés et à faire en sorte
que leur dignité humaine soit respectée en leur organisant des funérailles
décentes. Ce travail est très important pour les membres de la famille
du défunt, mais aussi pour les autres migrants et les habitants
des communes accueillant des migrants.
7. Si les passeurs utilisaient auparavant des bateaux de pêche
en bois ou en plastique qui chaviraient facilement, ils transportent
désormais les migrants dans des canots pneumatiques pouvant mesurer
jusqu’à 10 mètres de long et pouvant accueillir au moins 20 personnes,
qui sont généralement importés de Chine
. Ces bateaux présentent moins de
risques de noyade des passagers lorsqu’ils chavirent, mais les gilets
de sauvetage habituellement vendus aux migrants de ces bateaux m’ont
été décrits comme défectueux et provoquant la noyade plutôt que
la flottaison. Les côtes de Lesbos sont donc devenues des « cimetières
de gilets de sauvetage »
. Ces canots pneumatiques, de grande
dimension et coûteux, semblent retrouvent leur fonction d’origine ;
seul un très petit nombre est recyclés, par exemple pour fabriquer
des sacs, comme le fait une petite entreprise de Berlin
. Compte tenu de leur taille importante
et de leur nombre, il n’est pas possible de transporter ces canots
sans que le public et surtout la police ne les remarquent. Lors
de ma visite à Moria, environ deux bateaux sont arrivés chaque jour,
chiffre considéré comme faible. Quelques week-ends plus tard, 500
migrants ont débarqué, ce qui signifie que 25 bateaux normalement
remplis ou au moins 10 bateaux surchargés ont été utilisés et transportés
en camions par voie terrestre entre le vendeur de bateaux et la
côte turque. Des milliers de bateaux de ce type ont dû arriver à
Lesbos ces dernières années.
8. Le nombre de migrants bloqués dans les îles a augmenté ces
derniers mois et atteint le chiffre de 20 110 en septembre 2018.
J’ai été informée de l’arrivée récente d’un grand nombre de mineurs
non accompagnés; il s’agit généralement de jeunes hommes originaires
d’Afghanistan, qui étaient auparavant en Iran, mais ont quitté ce
pays en raison des difficultés grandissantes. Les îles restent donc
fortement surpeuplées et manquent de ressources, ce qui se traduit
par une situation déplorable pour les migrants sur le plan humanitaire.
De nombreuses personnes doivent dormir dans de simples tentes pendant
de longs mois, et sont exposées à la pluie, au vent et à des températures
froides. La violence entre bandes rivales de migrants et la violence
fondée sur le genre sont fréquentes
. Selon des informations récentes,
des gangs « Daech » se seraient même infiltrés
. À la suite d’un rapport du Fonds
des Nations Unies pour la population consacré à l’exploitation sexuelle
par les travailleurs humanitaires en Syrie
, cette question mérite également
qu’on y prête attention dans les camps grecs.
9. Au cours de ma visite, j’ai remarqué que les plusieurs milliers
d’habitants du camp de Moria devaient partager un nombre très réduit
de toilettes et de salles de bains. De longues files étaient formées
devant les points de distribution alimentaire, qui nécessitaient
des heures d’attente. Un médecin officiel, dont la liste d’attente
était de plusieurs mois, examinait des cas présentant des signes
physiques ou mentaux de torture dans le cadre de demandes d’asile.
Selon la pratique courante, les migrants gravement malades peuvent quitter
les camps de l’île et être transférés vers la Grèce continentale
pour y recevoir un traitement médical, ce qui semble ralentir le
processus de demande d’asile. Les cas d’automutilation sont très
fréquents
. En vertu de la loi grecque 4375/2016,
ces transferts sont possibles pour les personnes qui souffrent d’un
handicap, d’une maladie grave ou incurable, les personnes âgées,
les femmes enceintes ou qui ont accouché récemment, les victimes
de torture, de viols ou d'autres formes graves de violence psychologique,
physique ou sexuelle ou d’exploitation, les personnes qui souffrent
du syndrome de stress post-traumatique, en particulier les survivants
et les proches de victimes de naufrages ainsi que les victimes de
la traite d’êtres humains.
10. Depuis l’été 2018, les autorités grecques transfèrent un nombre
beaucoup plus élevé de migrants des îles vers la Grèce continentale.
J’ai été informée des procédures opaques et parfois chaotiques de
sélection de ces migrants, qui ne font qu’accroître le chaos au
sein du camp, dans lequel les occupants ne sont pas affectés à un
emplacement spécifique ; il est ainsi difficile de les contacter
et de les localiser. Jusque récemment, les personnes transférées
en Grèce continentale étaient cependant tenues de retourner au camp sur
l’île en temps voulu pour poursuivre les entretiens en vue de leur
demande d’asile. Il semble improbable que ces retours au camp puissent
effectivement avoir lieu et de nombreux migrants transférés deviendront probablement
des migrants sans papiers en Grèce continentale, qui tenteront généralement
de se rendre dans d’autres pays. À l’heure actuelle, la route dite
des Balkans des migrants qui quittent la Grèce se termine généralement
dans la misère en Bosnie-Herzégovine
.
11. En droit grec, le procureur régional était, par sa fonction,
le tuteur légal de tous les mineurs non accompagnés de son district.
Cette disposition légale était problématique à deux égards: un seul
et même procureur ne peut pas exercer, après ses heures de travail,
le rôle de tuteur d’un grand nombre de mineurs de moins de 18 ans ;
par ailleurs, un procureur sera en conflit d’intérêts si un mineur
se rend coupable d’une infraction pénale et, de ce fait, relève
en principe de l’enquête du même procureur qui se trouve être le
tuteur de ce mineur délinquant. Un conflit d’intérêts identique
a lieu également en cas de contestation des évaluations de l’âge.
Les récents amendements de cette loi doivent encore être appliqués
effectivement dans la pratique. Jusqu’ici, les procureurs généraux
confiaient aux ONG l’exercice de la tutelle de fait, ce qui ne permettait
pas une définition claire des responsabilités, alors que les ONG
accumulaient les quasi-tutelles d’un grand nombre de mineurs non
accompagnés.
12. Lors de ma visite à Moria, j’ai eu connaissance de cas d’abus
de stupéfiants et d’exploitation sexuelle dans le camp
ainsi qu’en Turquie, où les migrants
doivent fréquemment vendre leur corps pour payer à l’avance la traversée
en bateau aux passeurs. Cette exploitation sexuelle a été confirmée
par des études empiriques
. Parallèlement à la gravité de la
situation dans les îles grecques, celle des migrants en Grèce continentale
se détériore de plus en plus dans ce domaine. Le nombre croissant
de jeunes migrants, en particulier de jeunes hommes
, victimes d’exploitation sexuelle
à Athènes et dans d’autres grandes villes de Grèce continentale
en est un signe évident et dramatique
.
13. L’itinéraire des migrants qui partent d’Afghanistan, traversent
la Turquie en direction de la Grèce pour finir en Europe de l’ouest
correspond à l’axe principal du trafic de drogue, l’Afghanistan
représentant près de 90 % de la production mondiale d’héroïne et
de morphine
. Lors de ma visite, les autorités
m’ont confirmé que les passeurs ne se contentaient pas du trafic
d’êtres humains. Il est donc probable que les trafiquants et passeurs
de migrants se livrent également au commerce illicite de la drogue.
Cette combinaison expose les migrants à des degrés de violence et
d’exploitation encore plus élevés, et brouille la distinction entre
les migrants qui recourent volontairement aux passeurs et ceux qui
sont l’objet du trafic de criminels exploitant leur vulnérabilité.
14. Etant donné que la quasi-totalité des migrants de la Grèce
transitent par la Turquie, les autorités turques sont aussi responsables
de la situation dans les îles grecques. Il est assez révélateur
que le nombre de migrants arrivant sur le sol grec ait augmenté
depuis que les relations bilatérales entre la Grèce et la Turquie se
sont dégradées. En juin 2018, la Turquie a dénoncé, unilatéralement
et pour des raisons politiques déclarées publiquement, son accord
de réadmission avec la Grèce concernant les migrants en situation irrégulière
. Néanmoins, dans le cadre de la
déclaration et du plan d’action UE-Turquie de 2016, les migrants en
situation irrégulière et les demandeurs d’asile déboutés, qui arrivaient
de Turquie dans les îles grecques, devaient regagner la Turquie
. En contrepartie, l’Union européenne
a alloué 3 milliards d’euros à la Facilité en faveur des réfugiés
en Turquie en 2016 ainsi que 3 milliards d’euros supplémentaires
en 2018.
15. Les représentants officiels de l’Union européenne et les parlementaires
turcs ont souligné les répercussions positives de la déclaration
UE-Turquie et de son plan d’action sur la diminution du nombre de migrants
qui traversent la frontière gréco-turque. Le nombre de migrants
arrivés par bateau ou par la frontière terrestre est toutefois resté
relativement élevé. Par ailleurs, selon des parlementaires grecs,
la déclaration UE-Turquie est responsable du fait que les demandeurs
d’asile sont « pris au piège » dans les îles grecques. D’un point
de vue politique et juridique, la Turquie est contrainte de réadmettre
les demandeurs d’asile déboutés et les migrants en situation irrégulière,
en vertu de l’accord bilatéral de réadmission Grèce-Turquie mais
aussi de la déclaration UE-Turquie. Si la déclaration UE-Turquie
vise les migrants qui arrivent par bateau de Turquie, elle n’exclut
pas ceux qui se trouvent en Grèce continentale. Il appartient donc
aux autorités grecques d’assurer des conditions d’hébergement appropriées
aux demandeurs d’asile dans les îles et en Grèce continentale et
de traiter leurs demandes rapidement afin d’éviter qu’ils soient
confinés dans des camps aux conditions misérables, quel que soit
leur lieu.
16. Malgré les centaines de milliers de migrants arrivés dans
les îles grecques, la Grèce n’a enregistré que 58 661 demandes d’asile
en 2017, qui ont permis à 9 332 personnes d’obtenir le statut de
réfugié et à 1 041 personnes d’obtenir le statut conféré par la
protection subsidiaire
. La Grèce est toutefois confrontée
au problème des migrants sans papiers depuis plus de dix ans
. En 2011 déjà, une étude a estimé
que la Grèce en comptait 390 000
. Ce chiffre est probablement beaucoup
plus élevé à l’heure actuelle même si la plupart des migrants ont
tendance à rejoindre d’autres pays
.
17. En droit grec, les personnes bénéficiant de la protection
subsidiaire n’ont pas droit au regroupement familial. Au moment
de ma visite des camps, les autorités grecques étaient plutôt favorables
au regroupement familial à l’étranger comme moyen de décongestionner
les camps. La plupart des migrants cherchent à rejoindre les membres
de leur famille à l’extérieur de la Grèce, principalement en Allemagne,
en Suède et au Royaume-Uni. Ce dernier phénomène coïncide avec le
taux de 1 % de migrants qui suivent les cours de langue grecque
dans le camp de Drama tandis que la plupart participent aux cours
d’allemand et d’anglais dispensés par les autorités grecques.
18. Les ONG ont subi directement des pressions dans les îles grecques.
Certaines d’entre elles, qui critiquaient les autorités grecques
ou la situation dans les camps, auraient été interdites d’accès
aux camps. Force est de constater que le nombre d’ONG humanitaires
à l’intérieur du camp de Moria a considérablement diminué. Compte
tenu de l’aide humanitaire essentielle fournie par ces organisations,
les pressions excessives exercées sur elles et même leur exclusion
des camps ont considérablement dégradé la situation des migrants. Plusieurs
ONG ont aussi dû se retirer du camp de Moria et d’autres camps en
raison d’un manque de financements, ce qui a conduit à réduire l’aide
médicale et juridique et à offrir une assistance plus limitée aux enfants
.
19. Si, par le passé, les ONG ont pu solliciter des programmes
financiers de l’Union européenne, les financements de la Commission
européenne sont désormais versés directement au Gouvernement grec,
à l’exception des versements en liquide de l’Union européenne destinés
aux migrants enregistrés des camps, qui sont assurés par l’OIM ou
le HCR (90 à 550 euros par mois et par ménage selon le nombre de personnes)
. La très grande lenteur de traitement
des demandes d’asile représente donc une lourde charge financière
pour l’Union européenne. L’Union européenne a également financé
la rénovation et la transformation d'anciens bâtiments militaires
et d’usines pour en faire des logements pour les migrants en Grèce
continentale, comme à Kavala et à Drama.
20. Confrontée à une catastrophe humanitaire d’une telle ampleur,
la Grèce a besoin de l’aide des États membres du Conseil de l’Europe
et de l’Union européenne. À la fin de 2017, la Présidente de l’Assemblée parlementaire
de l’époque, Mme Stella Kyriakides, a
écrit au Commissaire de l’Union européenne à la migration, aux affaires
intérieures et à la citoyenneté, M. Dimitris Avramopoulos ainsi
qu’au Commissaire chargé de l’aide humanitaire et de la gestion
des crises, M. Christos Stylianides pour leur demander d’accroître l’aide
financière fournie à la Grèce. À ce jour, l’Union européenne a alloué
près de 2 milliards d’euros de financements à la Grèce afin qu’elle
puisse faire face à l’afflux massif de réfugiés et de migrants au
cours des dernières années. L’utilisation de ces fonds a cependant
soulevé des critiques, notamment de la part de la Cour des comptes
de l’Union européenne
. L’Office européen de lutte antifraude
(OLAF) a ouvert récemment des enquêtes visant le Gouvernement grec
pour détournement présumé de fonds de l’Union européenne
. Le camp de Moria étant le plus
grand camp de demandeurs d’asile en Grèce, ces enquêtes doivent
se concentrer tout particulièrement sur celui-ci.
3. Normes
et actions internationales
21. La Grèce est un État membre
de l’Union européenne et elle est partie à un certain nombre d’instruments internationaux
relatifs aux droits des migrants et des réfugiés, en particulier
la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5,
«la Convention») et le Pacte international relatif aux droits civils
et politiques. Ces normes servent de référence pour évaluer la situation
dans les îles grecques ainsi qu’en Grèce continentale.
3.1. Nations
Unies
22. L’article 7 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques qui interdit la torture
et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants s’applique
à toute personne, y compris les migrants en situation irrégulière
et les demandeurs d’asile déboutés. Le Rapporteur spécial des Nations
Unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants a publié en 2018 un rapport consacré à la torture
et aux mauvais traitements liés à la migration, qui devrait servir
de guide aux autorités grecques
.
23. La Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés
définit les droits des personnes ayant le statut de réfugié. Ces
droits comprennent le traitement des demandes d’asile, l’octroi
de conditions de vie non discriminatoires pour les demandeurs d’asile
et les réfugiés reconnus ainsi que le droit au regroupement familial.
24. En 2000, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté le
Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et
mer et le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite
des personnes, en particulier des femmes et des enfants, qui sont
tous deux des protocoles de la Convention des Nations Unies contre
la criminalité transnationale organisée. La Grèce et la Turquie
sont Parties à cette convention des Nations Unies et à ses protocoles.
Leurs normes juridiques respectives s’appliquent donc lorsque des
migrants arrivent par bateau de la Turquie dans les îles grecques.
3.2. Conseil
de l’Europe
25. Bien que la Convention européenne
des droits de l’homme ne contienne pas de disposition relative au droit
d’asile, elle garantit des droits fondamentaux s’y rapportant, comme
l’interdiction de la torture ou des traitements inhumains ou dégradants
(article 3), le droit à la liberté et à la sécurité (article 5),
le droit à un recours effectif (article 13) et l’interdiction des
expulsions collectives d’étrangers (article 4 du Protocole no 4
à la Convention (STE no 46))
. Il existe donc une solide jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l’homme concernant les migrants
et les réfugiés, y compris de nombreux cas contre la Grèce.
26. L’article 5.1.f de la Convention dispose que la détention
d’une personne n’est possible que pour « l’empêcher de pénétrer
irrégulièrement dans le territoire » ou lorsqu’une procédure d’expulsion
ou d’extradition est en cours contre cette personne. La
Recommandation
Rec(2003)5 du Comité des Ministres traite spécifiquement de la
détention des demandeurs d’asile. En vertu de la Convention de Genève
de 1951 relative au statut des réfugiés, les demandeurs d’asile
ne pénètrent pas dans un pays illégalement et ne devraient donc
pas, en principe, y être détenus
. Les camps grecs sont donc ouverts
et les demandeurs d’asile peuvent les quitter s’ils le souhaitent.
La situation des demandeurs d’asile déboutés et des migrants en situation
irrégulière est différente puisqu’ils n’ont pas ce privilège légal.
Les camps que j’ai visités ont hébergé des réfugiés reconnus et
des demandeurs déboutés, ainsi que des personnes dont les demandes
étaient toujours en instance.
27. L'article 3 de la Convention interdit la torture et les peines
ou traitements inhumains ou dégradants. La Cour européenne des droits
de l’homme a réaffirmé, à maintes reprises, l’intérêt légitime d’un
État à prévenir tout contournement des restrictions en matière d’immigration.
Les mesures appliquées pour poursuivre cet objectif ne doivent cependant
jamais aller à l’encontre des droits fondamentaux reconnus aux demandeurs d’asile
.
La Cour a tout particulièrement estimé qu’une situation de surpopulation
,
des équipements sanitaires insuffisants
et
une alimentation inappropriée
peuvent
constituer un traitement dégradant. Dans l’affaire
A.A c. Grèce, la Cour a estimé que
le défaut d’assistance médicale appropriée était contraire à l’article 3.
Cette décision revêt une importance particulière au regard de la
situation qui prévaut dans les îles grecques. Comme la Cour l’a
noté dans l’affaire
J.R et autres c.
Grèce , les
facteurs liés à un afflux de migrants ne peuvent pas dispenser les
États de leurs obligations de garantir que toutes les personnes
privées de liberté soient détenues dans des conditions compatibles
avec le respect de la dignité humaine.
28. Conformément à l’obligation de non-refoulement du droit international,
la Cour européenne des droits de l’homme a décidé que les migrants
ne pourraient pas être déportés vers un pays s’il existe un risque
qu’ils soient exposés à la torture ou à d’autres violations graves
des droits de l’homme
. En outre, le Comité des Ministres
a adopté la
Recommandation
n° R (98)13 sur le droit de recours effectif des demandeurs d’asile déboutés
à l’encontre des décisions d’expulsion dans le contexte de l’article 3
de la Convention européenne des droits de l’homme. Dans ce contexte,
le Comité des Ministres a également adopté la Recommandation no R
(97) 22 énonçant des lignes directrices sur l’application de la
notion de pays tiers sûr.
29. Compte tenu du grand nombre de migrants victimes de traite
à destination de la Grèce, la Convention du Conseil de l’Europe
sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197)
présente un intérêt particulier. En outre, la Convention sur la
protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels
(STCE no 201, « Convention de Lanzarote »)
doit être appliquée pour lutter contre l’exploitation sexuelle des
migrants de moins de 18 ans, qui est évidente en Grèce.
30. En juin 2018, la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil
de l’Europe s’est rendue en Grèce dans le camp de Moria. Dans son
rapport, elle analyse la situation de la Grèce en matière de droits
de l’homme, en particulier à l’égard des migrants
. Je partage pleinement son analyse.
Mon rapport s’appuie également sur la situation des droits de l’homme
ainsi que sur d’autres obligations relevant du droit international,
mais il tente, en outre, d’identifier les actions et les responsabilités
politiques relatives aux migrants et réfugiés, en particulier dans
les îles grecques à proximité de la côte turque.
3.3. Union
européenne
31. L’article 18 de la Charte des
droits fondamentaux de l’Union européenne garantit le droit d'asile
« dans le respect des règles de la Convention de Genève du 28 juillet
1951 et du Protocole du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés
et conformément au traité sur l’Union européenne et au traité sur
le fonctionnement de l’Union européenne ». En tant qu’État membre
de l’Union européenne, la Grèce est liée par la Directive 2013/32/UE
relative aux procédures d’asile, la Directive 2013/33/UE relative
aux conditions d’accueil, la Directive 2011/95/UE relative aux conditions
à remplir, le Règlement Dublin III no 604/2013
et le Règlement EURODAC no 603/2013 pour
la comparaison des empreintes digitales à des fins répressives.
La situation particulièrement déplorable du camp de Moria et des
autres camps grecs est visiblement en conflit avec ces normes de
l’Union européenne.
32. En outre, l’article 19 de la Charte des droits fondamentaux
interdit le refoulement, à savoir que nul ne peut être éloigné,
expulsé ou extradé vers un État où il existe un risque sérieux qu'il
soit soumis à la peine de mort, à la torture ou à d’autres peines
ou traitements inhumains ou dégradants. Ce principe sert de référence à
la notion correspondante de premier pays d’accueil, qui a été incorporée
dans le droit de l’Union européenne
ainsi qu’à celle de pays d’origine
sûr
. Compte tenu du pourcentage élevé
de demandeurs d’asile déboutés et du nombre important de migrants
sans papiers en Grèce, les autorités grecques doivent évaluer la
faisabilité du transfert de ces personnes vers leur pays d’origine
ou vers des pays de transit sûrs. Dans ce contexte, l'OIM fournit
une aide au retour ordonné et sûr des migrants dans le cadre de
son programme d’Aide au retour volontaire et à la réintégration
. Entre juin 2016 et avril 2018,
le Bureau de l’OIM en Grèce a aidé plus de 10 000 personnes à rentrer
dans leurs pays d’origine, principalement au Pakistan, en Irak,
en Afghanistan, en Géorgie et en Algérie
.
4. Préoccupations
humanitaires immédiates
33. Bien que des migrants en provenance
de Turquie débarquent dans les îles grecques depuis plus de dix ans
et que des financements importants soient alloués par l’Union européenne
au Gouvernement grec depuis la crise de 2015, la crise humanitaire
ne cesse de s’aggraver dans les camps de ces îles. Les principaux problèmes
soulevés par les ONG et les organisations internationales sont les
suivants: surpopulation et conditions de vie déplorables ayant de
lourdes conséquences pour la santé, manque de sécurité élémentaire des
migrants dans les camps, retards excessifs dans le traitement des
demandes d’asile, stress aggravé et maladies mentales dans les camps
en raison de la situation catastrophique qui y règne.
34. Il faut saluer le travail des différentes ONG présentes dans
les îles grecques. Bien qu’elles subissent de fortes pressions et
disposent de ressources limitées, elles offrent divers services,
notamment des conseils juridiques
, des soins médicaux
et une aide matérielle, sous forme
de nourriture
, d’abri
et de soutien psychologique
. Il y a lieu de noter en particulier
l'initiative de l’organisation Last Rights, qui a travaillé sans relâche
pour formuler des lignes directrices définissant les mesures à prendre
pour retrouver, préserver, identifier et en définitive, rendre leur
dignité à ceux qui sont décédés au cours de leur migration
.
35. Face aux besoins croissants dans les îles et dans le cadre
de son soutien au Gouvernement grec, le HCR a apporté une assistance,
depuis le mois de janvier 2018, à quelque 19 170 demandeurs d’asile
autorisés par le gouvernement à rejoindre la Grèce continentale
et il a livré dans les îles plus de 19 000 articles de première
nécessité, notamment des trousseaux pour l’hiver, des couvertures
et sacs de couchage. En outre, le HCR a accru le nombre de places
disponibles dans le pays dans des appartements, de 25 500 en septembre à
quelques 26 700 en décembre 2018, et a contribué au renforcement
des capacités d’accueil de la Grèce en fournissant 400 unités préfabriquées.
4.1. Conditions
de vie déplorables
36. Les centres d’accueil et d’identification
sont surpeuplés et manquent de ressources. Le camp de Moria a accueilli
jusqu’à 300% de personnes de plus que sa capacité. Des conditions
de surpeuplement similaires ont été rapportées dans d’autres centres
à Samos et Chios.
37. L’hébergement des migrants dans les îles de la mer Égée et
en Grèce continentale varie entre des abris préfabriqués et des
tentes posées directement sur le sol, qui ne protègent pas contre
les conditions climatiques. Cela a provoqué des incidents tragiques,
comme le décès de trois hommes dans le camp de Moria, en janvier
2017, par suite d’une intoxication au monoxyde de carbone causé
par un appareil de chauffage de fortune qu’ils avaient construit
eux-mêmes pour se réchauffer.
38. Ces problèmes sont aggravés par l’insuffisance de nourriture
et d’équipements sanitaires. Dans le camp de Moria, l’International
Rescue Committee relève qu’il n’y a qu’un w.c. pour 72 personnes.
Par ailleurs, 84 personnes doivent partager la même douche. Les
files d’attente pour les repas peuvent atteindre quatre heures.
La surpopulation et le manque de sanitaires favorisent la propagation
de maladies comme les infections cutanées, les diarrhées récurrentes
ou les problèmes respiratoires. Il a été également rapporté que les
eaux usées se déverseraient dans les tentes abritant des familles
et des enfants
. En septembre 2018, la Direction
de la santé publique de Lesbos a déclaré le camp de Moria « inapproprié »
et représentant un danger pour la santé publique
.
39. Il faut donc saluer la décision des autorités grecques de
transférer 2 000 demandeurs d’asile de l’île de Lesbos vers la Grèce
continentale
. Les rapports soulignant la mauvaise
qualité de l’hébergement sur le continent ou établissant que les
enfants sont contraints de se prostituer dans les rues suscitent
cependant des inquiétudes
. Le Gouvernement grec doit veiller
à ne pas se contenter de déplacer les migrants d’une crise humanitaire
vers une autre.
4.2. Insécurité
40. Les tensions parmi les occupants
des camps et entre les groupes de migrants dégénèrent régulièrement en
violence. La consommation de drogue et d’alcool est également élevée.
En mai 2016, une rixe impliquant plus de 200 hommes a eu lieu dans
le camp de Vathi, sur l’île de Samos
. Cela a provoqué un sentiment d’inquiétude
généralisé parmi les migrants. Il existe une présence policière,
mais elle a été qualifiée d’insuffisante.
41. La situation des femmes et des jeunes filles est encore plus
préoccupante. Il a été fait état de cas alarmants de harcèlement
sexuel, de comportement inapproprié, voire d’agression. Les femmes
partagent souvent des tentes avec des hommes inconnus et craignent
d’aller aux toilettes la nuit sans être accompagnées. En 2017, le
HCR a reçu le signalement de 622 cas de victimes de violence sexuelle
ou fondée sur le genre dans les îles grecques, dont 28 % après leur
arrivée sur le sol grec. Ces chiffres font écho aux conclusions
d’ONG comme Médecins sans Frontières, qui signale que plus de 80 %
des victimes de violences sexuelles examinées par ses médecins ont
été violées ou agressées au point d’enregistrement de Moria ou à ses
abords.
4.3. Traitement
des demandes d’asile
42. Les procédures de demandes
d’asile ont été caractérisées par la longueur des délais. Dans les
cas extrêmes, des demandeurs semblent avoir patienté au moins huit
mois pour que leur demande soit enregistrée. Le manque d’efficacité
du Bureau grec en matière d’asile ne fait qu’aggraver la situation.
Les demandeurs ont rapporté avoir attendu des heures lors de leur
rendez-vous pour se voir notifier son report. Les centres d’asile
ne sont généralement pas informés des emplacements des demandeurs,
et ne peuvent donc pas les convoquer à un rendez-vous. Les transferts
de migrants vers la Grèce continentale interrompaient jusqu’ici
la procédure de demande, car les demandeurs devaient retourner au
camp de l’île pour passer leurs entretiens. À la suite d’une récente
décision administrative, les entretiens de demandes d’asile peuvent désormais
se tenir également sur le lieu de transfert des demandeurs. Il est
toutefois probable que ces changements relatifs aux services de
demandes d’asile entraînent des problèmes et des retards administratifs. Pour
toutes ces raisons, les procédures de demande d’asile ont tendance
à durer plusieurs mois et souvent plus d’une année. Au cours de
cette période, les demandeurs d’asile reçoivent des versements en
liquide de l’Union européenne, mais demeurent dans l’incertitude
quant à leur avenir immédiat.
4.4. Aggravation
des maladies mentales
43. Les conditions dans les camps
ont lourdement pesé sur la santé mentale de nombreux demandeurs d’asile,
dont des enfants d’à peine dix ans ayant commis des tentatives de
suicide. Les cas signalés de dépression, d’anxiété et de psychose
ont enregistré une hausse significative. 30 % des migrants traités
par l’International Rescue Committee ont tenté de se suicider tandis
que 60 % ont fait part de pensées suicidaires. 41 % souffrent également
de symptômes du syndrome de stress post-traumatique comme les flashbacks
et les cauchemars.
5. Conclusions
44. L’assistance humanitaire immédiate
doit être organisée pour l’hiver et ses risques de fortes pluies
et de températures basses, qui peuvent mettre en danger la vie de
nombreux migrants hébergés dans de simples tentes dans le camp de
Moria ou dans d’autres camps insulaires ainsi qu’en Grèce continentale.
En outre, la prise en charge médicale des migrants doit être renforcée
immédiatement. Des mesures appropriées doivent être également prises
pour rétablir la sécurité et lutter contre la violence et le crime
à l’intérieur du camp.
45. La procédure de demande d’asile doit être accélérée tout en
prenant en considération chaque cas individuel. Au cours de cette
procédure, les demandeurs devraient être hébergés et bénéficier
d’un soutien matériel conforme à la législation de l’Union européenne.
Les conditions de vie inhumaines doivent être éradiquées. Le camp
de Moria est le plus important de Grèce, mais des camps de réfugiés
beaucoup plus grands fonctionnent dans de meilleures conditions
en Turquie, en Jordanie et dans d’autres pays.
46. Les migrants vulnérables doivent être protégés de manière
plus efficace, en particulier les mineurs non accompagnés, les femmes
seules et les personnes nécessitant des soins médicaux. L'exigence
d'un état de santé grave pour être transféré en Grèce continentale
devrait être réexaminée, car cela a conduit à des cas d'automutilation.
Des tutelles efficaces devraient être assurées pour les mineurs
non accompagnés. L’aide humanitaire fournie par les ONG doit bénéficier
de soutien et les ONG humanitaires ne doivent pas être exclues des
camps.
47. L’Union européenne doit procéder à des évaluations efficaces
du fonctionnement des camps de migrants qu’elle finance en Grèce
afin d’améliorer leurs normes en matière de conditions de vie des
migrants et leurs procédures de demande d’asile. Les détournements
de fonds de l'Union européenne devraient faire l'objet d'enquêtes
rapidement.
48. La Grèce est confrontée au fardeau presque insurmontable de
migrants qui débarquent chaque jour de Turquie et dont le nombre
reste toujours très élevé. Il n’en demeure pas moins que les passeurs
et les trafiquants d’êtres humains opèrent en toute impunité depuis
plus de dix ans et que les migrants sont exposés au travail forcé
et à l’exploitation sexuelle par la criminalité organisée. Une action
ciblée contre la criminalité transfrontalière est nécessaire avec
l’aide de l’Union européenne.
49. Un faible nombre de personnes a obtenu le statut de réfugié
en Grèce, mais un grand nombre de migrants sans papiers errent dans
les rues de ce pays et des autres pays situés le long de la route
dite des Balkans. Les migrants sans papiers étant beaucoup plus
vulnérables, tous les migrants doivent être dûment enregistrés et
ces données doivent être partagées avec les États membres de l’Union
européenne ainsi qu’avec les autres États concernés comme l’Albanie,
la Bosnie-Herzégovine, la République de Macédoine du Nord, la Serbie
et la Turquie.
50. En vertu de l’accord bilatéral de réadmission Grèce-Turquie
et de la déclaration UE-Turquie de 2016, la Turquie doit réadmettre
les migrants en situation irrégulière et les demandeurs d’asile
déboutés. En principe, seuls les demandeurs de pays d’origine sûrs
peuvent être déboutés. Les autorités turques doivent donc être soutenues
dans les efforts qu’elles déploient pour fournir des conditions
appropriées aux migrants qui rentrent dans leurs pays d’origine
en passant par la Turquie.
51. Les autres États membres doivent envisager d’accueillir des
demandeurs d’asile ou des réfugiés qui souhaitent quitter la Grèce.
Les autorités grecques et les autres pays d’accueil doivent traiter
en priorité les demandes de regroupement familial. La Grèce doit
modifier sa législation et autoriser le regroupement familial des
personnes bénéficiant de la protection subsidiaire, en particulier
les enfants.
52. Depuis sa création en 2010, le programme d’aide au retour
volontaire et à la réintégration de l’OIM en Grèce a aidé plus de
30 000 migrants à rentrer volontairement dans leurs pays d’origine.
Compte tenu du pourcentage élevé de demandeurs d’asile déboutés
en Grèce, ce programme devrait être élargi ou bien les demandeurs
déboutés devraient être autorisés à immigrer légalement en Grèce
ou dans d’autres pays. La Grèce devrait être aidée dans la conclusion
et la mise en œuvre d’accords de réadmission avec d’autres pays d’origine
sûrs.