1. Introduction
«45. Nous savons le rôle essentiel
que jouent les parlements nationaux du fait de leurs fonctions législatives et
budgétaires et du contrôle qu’ils exercent sur l’application effective
de nos engagements. Les gouvernements et les institutions publiques
suivront également les questions de mise en œuvre, en étroite collaboration
avec les autorités régionales et locales (…)»
Transformer notre monde: le Programme de développement durable
à l’horizon 2030 Résolution A/RES/70/1 adoptée par l’Assemblée générale
des Nations Unies le 25 septembre 2015
1.1. Procédure
1. Le 27 juin 2017, Mme Ingjerd
Schou et 30 autres membres de l’Assemblée parlementaire ont présenté une
proposition de résolution sur le thème «Les Objectifs de développement
durable des Nations Unies: comment les parlements et les États membres
du Conseil de l’Europe peuvent y contribuer». Cette proposition soulignait
le rôle de premier plan joué par les parlements nationaux dans la
réalisation des objectifs de développement durable (ci-après «ODD»)
en tant que représentants du peuple et organe de contrôle de l’action
des gouvernements. Elle en concluait que les parlements devaient
faire en sorte d’inscrire les ODD au nombre des grands chantiers
de leur pays, et faire pression sur leurs gouvernements pour qu’ils
respectent leurs engagements internationaux.
2. La proposition a été renvoyée à la commission des questions
sociales, de la santé et du développement durable pour rapport et,
le 6 décembre 2017, j’ai été nommée rapporteure. Le 18 septembre
2018, la commission a examiné une note introductive qu’elle est
convenue de déclassifier, et a tenu une audition publique avec la
participation de M. José Luís Carneiro, Secrétaire d’État des communautés
portugaises; Mme Marta Santos Pais, Représentante
Spéciale du Secrétaire général des Nations Unies, chargée de la question
de la violence à l’encontre des enfants; et M. l’Ambassadeur José
Rui Caroço, Directeur du Centre européen pour l’interdépendance
et la solidarité mondiales (Centre Nord-Sud) Conseil de l’Europe.
Le 4 décembre 2018, la commission a tenu un échange de vues avec
la participation de M. Martin Bortzmeyer, Chef de la Délégation
au Développement durable, Commissariat général au Développement
durable, Ministère de la Transition écologique et solidaire, France;
Mme Elisabeth Hege, chercheure, Gouvernement
et financement du développement durable, Institut du développement
durable et des relations internationales (IDDRI); et M. Benoît Simon,
Président de l’Association 4D. Lors de sa réunion du 24 janvier
2019, la commission a examiné un avant-projet de rapport et elle
est convenue de modifier le titre du rapport comme suit: «Mise en
œuvre des Objectifs de développement durable: la nécessaire synergie
de tous les acteurs, du parlement aux collectivités territoriales».
1.2. Objectif
et portée du présent rapport
3. La proposition à l’origine
de ce rapport souligne l’importance d’examiner la manière dont les
parlements nationaux et les États membres peuvent contribuer à la
réalisation des ODD. Compte tenu, toutefois, de l’accent mis sur
le rôle des parlements dans le libellé de la proposition, j’ai choisi
d’étudier dans le présent rapport principalement comment les parlements
nationaux peuvent contribuer à la réalisation des ODD, étant entendu
qu’il ne s’agit pas ici de se focaliser sur un ODD spécifique, mais
de réfléchir aux ODD dans leur globalité. Dans ce contexte, le rapport
identifie un certain nombre de bonnes pratiques des parlements liées aux
ODD dans différents pays et qui pourraient servir de source d’inspiration,
ainsi que les lacunes auxquelles il faudrait remédier. Par ailleurs,
la mise en œuvre des ODD ne pouvant être couronnée de succès que
par l’engagement de tous les acteurs concernés, je vais également
me pencher sur le rôle déterminant que jouent les autorités locales
et régionales dans ce contexte, sachant que ces dernières relèvent
du mandat de notre commission.
4. Ce rapport se veut comme une contribution de l’Assemblée à
l’Agenda 2030 pour le développement durable (tout comme les nombreuses
résolutions et recommandations qu’elle a adoptées ces dernières années
– voir chapitre 4.1). Son objectif ultime est de garantir que les
parlements et les autorités locales et régionales prennent conscience
de leur rôle dans la réalisation des ODD et puissent jouer ce rôle
pleinement. Il est complémentaire au rapport préparé par la commission
des questions politiques et de la démocratie sur «Le renforcement
de la coopération avec les Nations Unies dans la mise en œuvre du
Programme de développement durable à l’horizon 2030»
.
2. Les objectifs de développement durable
des Nations Unies
5. Notre avenir à tous (Our Common Future), publication
rédigée en 1987 par la Commission mondiale sur l’environnement et
le développement des Nations Unies, présidée par la Norvégienne
Gro Harlem Brundtland, publication plus communément connue sous
le nom de rapport Brundtland, introduit pour la première fois la définition
de la notion de développement durable: «Le développement durable
est un mode de développement qui répond aux besoins des générations
présentes sans compromettre la capacité des générations futures
de répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion:
le concept de “besoins”, et plus particulièrement des besoins essentiels
des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité, et
l’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre
organisation sociale impose sur la capacité de l’environnement à
répondre aux besoins actuels et à venir.»
6. Le 25 septembre 2015 ont été adoptés par 193 pays les Objectifs
de développement durable des Nations Unies, à la suite des Objectifs
du Millénaire pour le développement (OMD). Les ODD couvrent toutefois
un champ bien plus vaste que les OMD. Il s’agit de 17 objectifs,
déclinés en 169 cibles, qui constituent une vision pour notre avenir:
un avenir plus juste, plus équitable, pacifique et écologique, un
avenir qui concilie les trois piliers du développement durable,
à savoir les aspects environnementaux, sociaux et économiques. L’Agenda
2030 et ses ODD visant à éradiquer la pauvreté, protéger la planète
et garantir la prospérité et à réaliser les droits humains pour
tous, en ne laissant personne de côté. Cette vision presque utopique, accordant
une place essentielle au développement humain et social, contribue
à l’avènement et au développement d’une humanité «sereine et épanouie»
.
7. Les ODD revêtent une dimension transversale, universelle et
indivisible. Universelle, car ils concernent l’ensemble des pays
de la planète, y compris les pays industrialisés, qui ont encore
de nombreux progrès à réaliser en matière environnementale ou sociale
et doivent s’assurer que leurs politiques n’ont pas d’effet néfaste
sur le reste du monde
. Transversale, en ce qu’ils reconnaissent
les liens entre les trois piliers du développement. Ainsi, par exemple,
on retrouve les enjeux environnementaux dans des cibles relatives
à la lutte contre la pauvreté, l’agriculture, la santé, l’éducation
ou la croissance. À l'inverse, les ODD environnementaux mettent
l’accent sur les questions d'accessibilité, notamment pour les personnes
les plus vulnérables. Et enfin, indivisible, en ce que les effets
d’une politique sectorielle, mise en place pour atteindre un ODD,
doivent tenir compte de ses effets potentiels sur d’autres secteurs.
L’atteinte des ODD doit être envisagée dans sa globalité, et les
politiques publiques mises en œuvre dans ce cadre doivent être cohérentes et
harmonisées
.
8. La mise en œuvre des ODD relève, en premier lieu, de la responsabilité
des gouvernements. L’engagement politique au plus haut niveau de
l’État est donc crucial. Toutefois, les ODD ne sont pas un énième
agenda décidé par les politiques, dont la mise en œuvre dépend des
seuls gouvernements. En effet, en sus du soutien politique apporté
aux processus, cinq autres critères sont cités comme les conditions nécessaires
d’un «cercle vertueux» de mise en politique des ODD: la construction
d’un cadre institutionnel assurant la cohérence des politiques (afin
d’éviter qu’une politique sectorielle ait des retombées négatives
sur d’autres secteurs); l’évaluation de l’écart à l’objectif (c’est-à-dire
les progrès à accomplir) et de la progression (
gap analysis); la cohérence et l’alignement
des stratégies nationales avec les ODD; l’implication de la société civile
et des citoyens; et l’organisation du partage des responsabilités
entre les acteurs publics
, dont notamment l’implication
des parlements et des collectivités. C’est notamment ce dernier
aspect qui nous intéresse dans le présent rapport.
3. Quels
rôles pour les parlements dans la mise en œuvre des ODD?
9. Les principales fonctions parlementaires,
à savoir l’élaboration des lois, la budgétisation, le contrôle de l’action
du gouvernement et la représentation des intérêts des électeurs,
sont essentielles pour la mise en œuvre effective des ODD. En effet,
si l’adoption d’une législation est rarement la réponse politique
complète nécessaire pour atteindre les ODD, il s’agit souvent d’une
première étape, ou d’une composante essentielle de l’action. Par
ailleurs, si les ODD doivent être couronnés de succès, il sera essentiel
que leur mise en œuvre soit financée adéquatement
. Quant à la fonction de contrôle, celle-ci
est un moyen pour le parlement de demander des comptes au gouvernement
sur l’efficacité de la mise en œuvre des engagements relatifs aux ODD.
Enfin, les politiques publiques de mise en œuvre des ODD devraient
être soutenues par les citoyens, sans quoi il est impossible d’atteindre
les ODD. C’est là que la fonction de représentation des intérêts
des électeurs, que le parlement assure, trouve tout son sens.
3.1. L’élaboration
des lois
10. Les parlements examinent les
projets de loi et ont le pouvoir d’y apporter des modifications
avant leur adoption, voire de les rejeter entièrement. Ils ont également
le pouvoir d’initier de nouvelles lois en vue d’un débat. Forts
de ces pouvoirs, ils devraient donc orienter le travail législatif
dans le sens des ODD, afin d’assurer que de nouvelles lois nécessaires
à la réalisation du plan national sur les ODD, et du Programme 2030
dans son ensemble, soient initiées et adoptées. Dans ce contexte,
les enquêtes parlementaires peuvent s’avérer fort utiles pour générer
une action de l’exécutif. À titre d’exemple, en 2008, la commission
des affaires intérieures du Parlement britannique a lancé une enquête
parlementaire sur la traite des êtres humains, qui a donné lieu
à l’adoption de la loi sur l’esclavage moderne en 2015.
11. À travers le travail législatif, les parlements devraient
également veiller à la cohérence des textes proposés par le gouvernement,
afin d’éviter qu’une loi visant la réalisation d’un ODD ait un impact
négatif sur un autre ODD. Dans ce contexte, les parlements devraient,
entre autres, demander que les projets et les propositions de loi
soient accompagnés d’une évaluation de leur impact sur la mise en
œuvre des ODD. L’Allemagne, par exemple, soumet toutes ses propositions
de loi à des études d’impact sur les différentes dimensions du développement
durable, via l’application
eNachhaltigkeitsprüfung,
disponible en ligne (
www.enap.bund.de/intro). Pour avoir l’impact souhaité et assurer que les politiques
mises en place soient cohérentes, de telles études devraient nourrir
le travail interministériel
,
ainsi que le débat public, par le biais de processus participatifs
qui permettent aux citoyens, aux experts et à la société civile
de donner leurs points de vue sur les propositions faites.
12. Les parlements ont aussi le pouvoir de ratifier les accords
internationaux et devraient, le cas échéant, faire pression sur
leurs gouvernements pour que des accords pertinents, notamment des
conventions en matière des droits humains, soient inscrits à leur
ordre du jour pour ratification. Cela concernerait, par exemple, la
Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite
des êtres humains (STCE no 197) ou encore la
Convention sur la protection des enfants contre l'exploitation et
les abus sexuels (STCE no 201).
3.2. La
budgétisation
13. Le vote parlementaire sur les
budgets est un élément structurel de la démocratie représentative,
car il symbolise le consentement des citoyens à l’impôt et aux décisions
prises en matière d’allocation. Dans la plupart des démocraties
représentatives, le processus budgétaire implique trois principaux
acteurs: le gouvernement, généralement le ministère des Finances,
qui propose le budget; le parlement, qui peut modifier et autoriser
le budget, même si sa portée diffère d’un pays et d’un régime politique
à l’autre; et une Cour des comptes, qui contrôle l’exécution du
budget et la gestion des fonds publics.
14. En tant que principale expression politique et économique
de la politique gouvernementale, le budget apparaît comme un point
de départ naturel pour l’intégration de l’Agenda 2030 et de ses
ODD. D’ailleurs, parmi les 64 États volontaires ayant soumis une
évaluation nationale lors des sessions du Forum politique de haut-niveau
de 2016 et 2017 (voir chapitre 6), 23 ont mentionné qu’ils avaient
mis en place des mesures visant à relier les ODD au budget national
ou qu’ils comptaient le faire.
15. L’intégration des ODD dans le processus budgétaire sert surtout
à rendre plus transparent l’engagement du gouvernement en faveur
des ODD. Cette amélioration de la transparence donne un aperçu des
priorités budgétaires actuelles par rapport aux ODD, mais n’entraîne
pas automatiquement une gestion plus cohérente ou une réflexion
sur la réorientation des ressources pour mieux cibler les problèmes
les plus difficiles en matière de développement durable. Cela ne
conduit pas non plus automatiquement les acteurs à utiliser cette plus
grande transparence pour demander aux gouvernements de rendre des
comptes sur leurs engagements. Cela suppose que les parlementaires,
la société civile et les autres acteurs concernés utilisent réellement
les ODD, par exemple pour améliorer le débat sur le budget. Les
parlements ont donc un rôle important à jouer dans ce contexte et,
à l’instar de la Finlande et de la Norvège, ils pourraient, entre
autres, demander aux gouvernements d’utiliser les ODD pour justifier
leurs propositions budgétaires.
16. À titre d’exemple, en Finlande, lors de la préparation du
budget 2018, le ministère des Finances a demandé à chaque ministère
d’inclure un court paragraphe sous chacun des principaux titres
de la proposition de budget. Dans ces paragraphes, les ministères
ont fourni des renseignements sur la manière dont le développement
durable serait reflété dans leurs politiques sectorielles au cours
de l’exercice 2018. En Norvège, chaque ministère est responsable
d’un ou de plusieurs ODD. Comme en Finlande, chaque ministère rédige
un paragraphe sur ses activités liées aux objectifs dont il est
responsable, tant du point de vue national qu’international, afin
de démontrer le lien entre sa proposition de budget et sa contribution
à la réalisation des ODD. Ces projets de paragraphes sont envoyés
aux autres ministères pour examen, avant que le ministère des Finances
compile les textes et les inclue dans un chapitre sur la mise en
œuvre des ODD, qui est ajouté au document principal de la proposition
de budget, qui est ensuite soumise au parlement.
3.3. Le
contrôle
17. L’institution parlementaire
est l’unique acteur doté d’un mandat politique émanant du peuple,
qui lui impose de contrôler la gestion de l’État par le gouvernement
.
Afin de garantir une mise en œuvre effective des ODD, les parlements
devraient demander aux gouvernements d’élaborer des stratégies/plans
de développement durable, et le cas échéant, de les aligner avec
les ODD et de les envoyer au parlement pour examen et débat. La
plupart des pays choisissent d’intégrer les ODD dans leurs stratégies
existantes, plutôt que d’en créer une nouvelle. Pourtant, la montée
des populismes en Europe et les mouvements de protestation, tel
celui des gilets jaunes en France, pourraient nous amener à nous
interroger sur l’opportunité de revoir totalement les stratégies
nationales et les renouveler à l’aulne de l’Agenda 2030. Selon l’IDDRI, l’option
d’intégrer les ODD dans les stratégies existantes est intéressante
à deux conditions: que la stratégie soit portée politiquement au
plus haut niveau, et que l’alignement de la stratégie sur les ODD
soit pertinent, et qu’elle ne se limite pas aux enjeux environnementaux.
En Allemagne, par exemple, la stratégie nationale de développement
durable est pilotée par la Chancellerie et fait travailler ensemble
tous les ministères dans le cadre d’un comité interministériel de
haut niveau. Elle couvre, par ailleurs, l’ensemble des enjeux économiques,
sociaux et environnementaux
.
18. Les parlements devraient également demander aux gouvernements
de faire régulièrement rapport sur les progrès accomplis dans la
mise en œuvre de la stratégie/du plan de développement durable.
Les mécanismes de contrôle parlementaire tels que la séance des
questions, les questions écrites au gouvernement
, et les auditions des commissions
parlementaires peuvent également s’avérer fort utiles pour identifier
les obstacles et évaluer les progrès dans la mise en œuvre des ODD
.
19. Le contrôle parlementaire devrait également être utilisé pour
assurer la cohérence des politiques de mise en œuvre des ODD. Dans
un rapport de 2016, la commission de développement international
de la Chambre des communes britannique a demandé explicitement que
le gouvernement adopte une approche pangouvernementale effective
pour assurer la cohérence des politiques de mise en œuvre des ODD.
À cette fin, il a exigé que le gouvernement mette en place un mécanisme
officiel qui réunira régulièrement tous les Secrétaires d’État et
ministres responsables pour discuter de la mise en œuvre des ODD
au plus haut niveau
.
En Norvège, les ODD sont pilotés par le Premier ministre, mais chaque
ministre en charge d’un ODD doit coordonner son action avec les
autres ministres concernés par cet ODD. Le Gouvernement norvégien présente
un rapport au parlement concernant les progrès en termes de cohérence
des politiques pour le développement durable.
20. La capacité du parlement à réaliser un contrôle efficace exige
souvent qu’il communique les propositions du gouvernement à des
cercles plus larges, ce qui confère une importance primordiale à
la nature des relations du parlement avec une série d’acteurs extérieurs.
Le parlement a besoin des idées et des compétences de tels organes
externes pour compléter et enrichir ses propres activités et conclusions
en matière de contrôle
. À cette fin, les parlements
devraient organiser des journées d’évaluation annuelles à l’occasion
d’un rapport d’activités et y associer la société civile et les
médias, ce qui représente aussi une excellente occasion d’informer
les citoyens du rôle que leurs parlements et leurs gouvernements
jouent dans la réalisation des ODD.
3.4. La
représentation
21. En tant que représentants élus
du peuple, les parlementaires sont tenus de dialoguer avec leurs électeurs
tout au long de leur mandat, de refléter leurs besoins et leurs
préoccupations, et de fournir ainsi un pont politique entre les
citoyens et tous les secteurs du gouvernement. Il est de leur responsabilité
d’assurer que la mise en œuvre des ODD profite à tous les citoyens,
dont notamment les plus désavantagés. En s’adressant directement
aux citoyens, les parlementaires peuvent identifier les lacunes
et les faiblesses dans la mise en œuvre des ODD qui ne sont peut-être
pas pris en compte dans les politiques publiques. En effet, il arrive
que des budgets colossaux soient attribués à la réalisation de certains
projets, avec peu de résultats concrets. Cela est le cas, par exemple,
pour la transition énergétique, qui nécessite, non seulement des mesures
d’aménagement/de réhabilitation urbain (par exemple, réduction des
espaces de circulation des voitures, construction de pistes cyclables),
mais aussi, et surtout, un changement des comportements et des modes
de vie. Les politiques publiques devraient être adaptées à la réalité
des citoyens.
22. Les consultations auprès des organisations de la société civile,
des institutions universitaires et du secteur privé, entre autres,
peuvent aider à identifier les préoccupations des différents acteurs
. Ce type de partenariat est mutuellement
bénéfique: d’une part les parlements ont accès à l’expertise, aux
apports et au soutien de la société civile et d’autres acteurs concernés,
d’autre part lesdits acteurs ont la possibilité d’influencer les
processus gouvernementaux.
23. Les parlementaires devraient aussi jouer un rôle dans la sensibilisation
et la mobilisation des citoyens, en leur expliquant les ODD, y compris
à travers leurs actions, ce qui permettrait de rendre les ODD plus concrets
aux yeux de la population et de se les approprier
. En
effet, les ODD sont encore largement méconnus du grand public, bien
que la plupart soient très importants pour la vie de chacun, notamment
les objectifs relatifs à une éducation de qualité, à la protection
sociale, à la bonne santé, et à une énergie saine et d’un coût abordable.
Selon un sondage récent organisé par l’Association 4D, seuls 6 %
des Français connaîtraient les ODD.
3.5. Mécanismes
institutionnels
24. Comme les gouvernements, les
parlements ont tendance à travailler en silo. Ainsi, typiquement,
les questions relatives à la santé relèveront du mandat de la commission
de la santé, tandis que les questions environnementales seront gérées
par la commission environnementale, et ainsi de suite. Souvent,
il y a peu de coordination entre ces différentes commissions. Or,
le caractère transversal des ODD fait que généralement, plusieurs
commissions parlementaires seront concernées par différents objectifs
d’où l’intérêt d’éviter que celles-ci fonctionnent justement en
silo. Les parlements devraient donc trouver un moyen adapté pour
travailler de manière transversale entre les différentes structures.
Cela pourrait consister à créer une commission qui serait chargée
spécifiquement de suivre la mise en œuvre des ODD. Une telle commission pourrait
être composée de présidents/présidentes de toutes les commissions
concernées par les ODD et assurer le travail de coordination entre
elles. Pour s’assurer d’une bonne représentativité, il serait important d’assurer
une collaboration multipartite au sein d’une telle commission, c’est-à-dire
l’appartenance de toutes les couleurs politiques.
25. Les parlements pourraient également attribuer le rôle de suivi
à un organe/une commission déjà existant. C’est le cas du Parlement
allemand (Bundestag) où ce
rôle est assuré par le Conseil consultatif parlementaire sur le
développement durable, institué en 2004. Cet organe, composé de
membres de tous les groupes parlementaires, suit la politique de
durabilité du gouvernement fédéral menée par les différents ministères.
Ses responsabilités comprennent, entre autres, le soutien et le
suivi de la stratégie nationale du développement durable du gouvernement
fédéral, ainsi que le suivi et l’appui, au niveau européen, de la politique
de développement durable (du gouvernement fédéral). Au parlement,
le Conseil consultatif joue un rôle de «chien de garde». Il élève
la voix dès qu’un projet législatif fait l’impasse sur la stratégie
nationale pour le développement durable. Par les auditions qu’il
organise et les documents de position qu’il adopte, il relance les
débats sur des questions de développement durable.
26. La réalisation des ODD demandant un travail collectif et des
efforts concertés, les députés de différents partis qui partagent
les mêmes intérêts pour les Objectifs de développement durable,
ou pour l’un des objectifs, pourraient également unir leurs forces
et créer un groupe ou un caucus, ou lancer des initiatives interpartis
à l’appui des ODD, à l’instar du collectif parlementaire «Accélérons»
pour la transition écologique en France
.
27. Toutefois, les parlements devraient non seulement participer
à la mise en œuvre et au suivi des ODD, mais ils devraient également
porter une attention particulière à leur propre développement institutionnel, conformément
à la cible 16.6 visant la mise en place des institutions efficaces,
responsables et transparentes et à la cible 16.7 exigeant que le
dynamisme, l’ouverture, la participation et la représentation à
tous les niveaux caractérisent la prise de décisions. Cela exige
non seulement qu’il y a plus de diversité dans les parlements – et
dans ce contexte, je ne peux que renvoyer à la
Résolution 2222 (2018) «Promouvoir la diversité et l’égalité dans la vie politique»,
que l’Assemblée a adoptée le 1er juin
2018 –, mais que les parlements explorent aussi de nouvelles méthodes
de travail, y compris en visant plus de transparence (par exemple
en rendant leurs réunions de commissions accessibles au public et
en faisant une utilisation plus importante des technologies de l’information
(eParlement)).
4. Le
rôle des assemblées parlementaires régionales et internationales
28. Les assemblées parlementaires
régionales et internationales jouent un rôle essentiel pour coordonner le
travail des parlements nationaux et pour assurer une coopération
effective entre eux. Dans le cadre des ODD, ce travail de coordination
et de coopération trouve tout son sens, sachant que les mesures
de mise en œuvre des ODD dans un pays ne devraient pas avoir d’impact
négatif sur les mesures de mise en œuvre dans d’autres pays. Le
travail de coordination peut se faire de différentes manières, y
compris à travers des débats et l’adoption de textes sur des questions
d’intérêt commun et pertinentes dans le cadre des ODD (comme le fait
notre Assemblée), ainsi que par le biais d’activités de renforcement
des capacités (comme le fait notamment l’Union interparlementaire
(UIP)).
4.1. L’Assemblée
parlementaire du Conseil de l’Europe
29. Les droits humains sont au
cœur des ODD. En tant qu’organisation paneuropéenne qui défend les
droits humains, le Conseil de l’Europe a donc un rôle majeur à jouer
dans la réalisation des ODD. L'Assemblée parlementaire est un acteur
important dans ce contexte car, par le biais de ses résolutions
et ses recommandations, elle demande l'adoption de mesures au nom
des 830 millions d'Européens dont elle porte la voix et les États
membres du Conseil de l'Europe sont tenus d’y réagir.
30. Depuis leur adoption en 2015, notre Assemblée a ainsi contribué
à la réalisation des ODD par des dizaines de résolutions et recommandations
– et continue de le faire à travers des dizaines d’autres qui sont en
cours d’élaboration –, dont notamment dans les domaines de la lutte
contre la pauvreté (Objectif 1), de bonne santé et bien-être (Objectif
3), d’éducation de qualité (Objectif 4), d’égalité entre les sexes
(Objectif 5), de réduction des inégalités (Objectif 10), de la lutte
contre les changements climatiques (Objectif 13) et de paix, justice
et institutions efficaces (Objectif 16). Je me contenterai ici de
citer quelques exemples récents:
Résolution 2197 (2018) «Un revenu de citoyenneté de base, une idée qui se défend»,
Résolution 2249 (2018) sur l’offre de soins palliatifs en Europe,
Résolution 2220 (2018) sur l’intégration, l’autonomisation et la protection
des enfants migrants par la scolarité obligatoire,
Résolution 2135 (2016) «Les mutilations génitales féminines en Europe»,
Résolution 2159 (2017) «Protéger les femmes et les filles réfugiées de la violence fondée
sur le genre»,
Résolution
2177 (2017) «Mettre fin aux violences sexuelles et au harcèlement
des femmes dans l’espace public»,
Résolution 2210 (2018) sur le changement climatique et la mise en œuvre de l'Accord
de Paris,
Résolution
2262 (2019) «Promouvoir les droits des personnes appartenant aux
minorités nationales»,
Résolution
2239 (2018) «Vie privée et familiale: parvenir à l'égalité quelle
que soit l'orientation sexuelle»,
Résolution 2158 (2017) «La lutte contre les inégalités de revenus: un moyen
de favoriser la cohésion sociale et le développement économique»,
Résolution 2141 (2017) sur les attaques contre les journalistes et la liberté
des médias en Europe,
Résolution
2096 (2016) «Comment prévenir la restriction inappropriée des activités
des ONG en Europe?».
31. Par ailleurs, l’Assemblée a contribué aux Objectifs 5 et 16
également à travers son réseau pour le droit des femmes de vivre
sans violence et son réseau de parlementaires de référence contre
la violence sexuelle à l’égard des enfants, notamment en jouant
un rôle primordial dans l’entrée en vigueur des deux conventions pertinentes
du Conseil de l’Europe en la matière, à savoir la Convention sur
la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes
et la violence domestique (STCE no 210)
et la Convention sur la protection des enfants contre l'exploitation
et les abus sexuels. Par ailleurs, l’alliance parlementaire contre
la haine, lancée en 2015, contribue à lutter contre la discrimination
et à promouvoir l’inclusion.
32. Une autre activité en lien direct avec l’Objectif 5 est le
lancement le 23 novembre 2018, d’une nouvelle initiative pour lutter
contre le sexisme, le harcèlement et la violence à l’égard des femmes
dans les parlements, à savoir #PasDansMonParlement. Cette action
de l’Assemblée fait suite à la publication récente d’une étude régionale
conjointe de l’Assemblée parlementaire et de l’UIP, qui a révélé
des niveaux alarmants de sexisme, de harcèlement et de violence
à l’égard des femmes dans les parlements nationaux.
4.2. L’Union
interparlementaire
33. Afin que les parlements puissent
jouer un rôle effectif dans la mise en œuvre et le suivi des ODD,
il faut avant tout que les parlementaires s’y intéressent. Or, il
semblerait que d’une manière générale, les parlementaires ne s’intéressent
pas suffisamment aux questions de développement durable et qu’ils
ne connaissent pas bien l’Agenda 2030 et les ODD. C’est le cas en
France, par exemple, où même au sein de la Commission du développement
durable et de l’aménagement du territoire, les parlementaires sont
très peu informés sur les ODD. S’il existe un groupe de travail
au Sénat sur ces questions, il n’y a rien d’équivalent pour l’instant
à l’Assemblée nationale. Il faudrait donc sensibiliser l‘ensemble
des parlementaires aux ODD. Il faudrait aussi établir une mémoire
institutionnelle au sein des parlements pour assurer une continuité,
compte tenu du renouvellement des parlementaires.
34. L’UIP fait un travail important de sensibilisation des parlementaires
et de renforcement des capacités. En 2017, dans le cadre de son
objectif intitulé «Mobiliser les parlements en faveur du programme
mondial de développement», l’UIP a organisé plusieurs séminaires
régionaux sur les ODD pour les parlements de différentes régions
du monde, un sommet des Présidents de parlement (d’Asie du Sud)
et un séminaire interrégional en Chine pour les parlements asiatiques
et africains. Par ailleurs, en collaboration avec le Programme des
Nations Unies pour le développement, elle a également élaboré un
outil d’évaluation «Les ODD à l’usage des parlements», qui est un
guide pour aider les parlements à évaluer les mesures qu’ils doivent prendre
pour mettre en œuvre et suivre les progrès accomplis dans la réalisation
des ODD. Dans ce contexte, l’outil permet de répondre à des questions
essentielles comme: Avons-nous les capacités nécessaires pour entreprendre
ce travail? Quelle a été la qualité de nos prestations jusqu’à présent?
Quelles priorités fixer pour réussir?
De plus, la commission permanente des affaires
des Nations Unies de l’UIP maintient un lien institutionnel avec
le Forum politique de haut-niveau en organisant une session spéciale
dédiée au suivi parlementaire des ODD lors de ses réunions de printemps.
5. Le
rôle déterminant des autorités locales et régionales
35. Selon l’Organisation de coopération
et de développement économiques (OCDE), la participation des autorités
locales et régionales est essentielle pour réussir les transformations
économiques, sociales et environnementales nécessaires pour atteindre
les ODD. En effet, d’après les estimations, 65 % des 169 cibles associées
aux ODD ne seront pas atteintes sans une véritable participation
des administrations locales et régionales, et en coordination avec
elles. Autrement dit, plus de la moitié des 169 cibles exigent une
action infranationale ou locale.
36. Étant proche des citoyens, les administrations locales et
régionales sont les mieux placés pour identifier et répondre aux
lacunes et besoins dans le domaine du développement durable. En
effet, les leçons tirées de la mise en œuvre des OMD
montrent
que si l’on utilise seulement des données nationales globales pour rendre
compte des progrès accomplis, on a une fausse image des réalités
du terrain, car de telles données masquent les disparités régionales
et ne fournissent pas aux pouvoirs publics l’information dont ils
ont besoin pour atteindre les groupes les plus pauvres et les plus
marginalisés.
37. Par ailleurs, les administrations infranationales (à savoir
les villes, les régions ou les municipalités) sont responsables
d’une partie considérable de l’investissement public total
qu’elles
utilisent, en grande partie, pour les infrastructures nécessaires
à la fourniture des services de base relevant de leur ressort et
qui sont intimement liés aux ODD. C’est le cas pour les infrastructures
éducatives, sanitaires et sociales, l’eau potable, les services
d’assainissement, la gestion des déchets solides, le transport et
le logement, par exemple.
38. Il faudrait donc sensibiliser les administrations infranationales
aux ODD
, et faire en sorte que les stratégies
nationales de mise en œuvre des ODD s’adaptent aux attentes locales,
afin de permettre une réelle appropriation des ODD. Par ailleurs,
il faudrait donner aux villes, régions et municipalités les moyens
financiers et logistiques de participer à la mise en œuvre des ODD
par une action locale. Enfin, il faudrait mettre en place des dispositifs
– ou là où elles existent, les renforcer – afin de lier et coordonner
les efforts déployés à l’échelon national, infranational et local,
en vue d’assurer la mise en œuvre des ODD. En Allemagne, par exemple,
la stratégie de développement durable adoptée en janvier 2017 crée
un mécanisme de coordination entre le gouvernement fédéral, les
Länder et les municipalités. Actuellement,
13 des 16
Länder ont déjà
préparé, ou sont en train de préparer, leurs propres stratégies
de développement durable.
6. Forum
politique de haut-niveau pour le développement durable
39. Depuis 2015 se déroule tous
les ans au siège des Nations Unies de New York le Forum politique
de haut-niveau (FPHN), la plate-forme centrale des Nations Unies
pour le suivi et l’examen annuel de l’Agenda 2030 pour le développement
durable et les ODD. À cette occasion, acteurs économiques et politiques,
de la société civile et des services de l'État se rassemblent pour
faire le point sur les avancées dans l’atteinte des ODD.
40. Le FPHN remplace l’ancienne Commission du développement durable
des Nations Unies créée en 1992 au sommet de la Terre de Rio. Cette
décision s’explique à la fois par le manque de résultat souvent
reproché, mais aussi par la question de la souveraineté des États,
que certains jugeaient mise à mal par l’obligation de rendre compte
de leurs progrès sur le respect de leur engagements. Le Forum relève
davantage du processus que de l’instance de décision, et le problème
est ainsi contourné. De plus, le FPHN, dans sa forme actuelle, a élargi
le débat aux plus hautes instances, avec les chefs d’État, mais
aussi vers d’autres catégories d’acteurs, ce qui renforce sa légitimité.
Par ailleurs, ce mode de gouvernance est symbolique d’un changement
important de prisme. Les OMD revenaient à transposer avec plus ou
moins de succès et de diplomatie un modèle considéré comme «développé»,
celui du Nord, aux pays en voie de développement, ceux du Sud. Désormais, le
bipole n’existe plus, les pays du Nord s’étant rendu compte, en
partie, qu’ils étaient responsables et concernés par les changements
nécessaires, mais aussi qu’ils contenaient au sein même de leurs
territoires des «tiers-monde» (selon l’ancienne expression). Le
forum devient donc un lieu de rencontre entre acteurs tous concernés,
à égalité. Les ODD, par leur universalité, redonnent du sens à un
multilatéralisme trop souvent contesté ces dernières années.
41. Chaque année, le suivi prévu met en place trois types de revues:
les revues thématiques et transversales regroupant plusieurs ODD,
les revues statistiques, et les revues nationales volontaires. Ces dernières
s’inspirent du mécanisme d’examen des politiques commerciales de
l’Organisation Mondiale du Commerce et du processus d’examen périodique
universel des Nations Unies dans le domaine des droits humains.
Ces revues sont à la fois l’occasion de partager les bonnes pratiques
entre pays, mais aussi de renforcer les processus politiques et
institutionnels, et de mobiliser les différentes parties prenantes
qui collaborent à l’élaboration du rapport. On peut, cependant,
regretter que ces rapports ne soient pas vérifiés par des tiers.
D’ailleurs, certaines organisations non-gouvernementales qui ont
participé au FPHN de 2015 et 2016 considèrent le Forum comme un
exercice de «relations publiques» pour les pays, plus qu’autre chose
.
Il serait important de remédier à ce manque de crédibilité, en y
associant plus étroitement et plus systématiquement la société civile
et d’autres acteurs concernés, y compris les parlements.
42. Au moins 80 ministres et vice-ministres, ainsi que 2 500 acteurs
non étatiques ont participé aux séances officielles, comme aux manifestations
parallèles, en 2018. Les nombreux discours ont permis de souligner
les avancées depuis 2015. La déclaration ministérielle issue du
débat invite, toutefois: «à faire passer nos efforts à la vitesse
supérieure et à prendre les mesures audacieuses qui sont nécessaires
à la mise en œuvre efficace du Programme 2030 et à la construction
de sociétés durables et résilientes partout dans le monde, en accordant
la priorité aux plus défavorisés et en veillant à ne laisser personne
de côté.
»
43. Pour cela, le Secrétaire général des Nations Unies, António
Guterres, s’est réjoui de l’implication grandissante de la société
civile, du secteur privé et des scientifiques. L’implication des
gouvernements, mais aussi des autorités locales et régionales, a
été remarquée
. En revanche,
un seul événement était organisé par l’UIP, et la participation
des parlementaires était très inégale selon les pays. La France
y a participé avec une grande délégation, qui comptait, entre autres,
cinq parlementaires (ainsi que cinq élus locaux et régionaux). Il
y a également des améliorations à attendre en termes d’engagement
des parlementaires dans les revues nationales volontaires que les
gouvernements présentent lors du FPHN. En 2017, 44 pays ont présenté
des revues nationales volontaires: parmi les parlements de ces pays,
13 étaient impliqués dans la préparation desdites revues (à des
degrés divers, variant d’une implication importante à superficielle),
tandis que seuls trois d’entre eux avaient eu l’occasion d’examiner
et de faire des commentaires sur la revue nationale préparée par
le gouvernement avant sa finalisation
.
44. En septembre 2019, comme tous les quatre ans, le FPHN se tiendra
sous l’égide de l’Assemblée générale des Nations Unies, et rassemblera
les chefs d’état (une partie du FPHN se tiendra déjà en juillet
2019 sous l’égide du Conseil économique et social des Nations Unies
(ECOSOC)). À cette occasion, il serait positif que l’implication
des parlements dans les ODD soit plus importante, notamment celle
des États membres du Conseil de l’Europe, et que les ODD aient progressé
dans nos États – ou, qu’au moins, il y ait un vrai plan en place
pour les faire progresser dans le futur. Les fonctions des représentants
présents au FPHN, comme l’ampleur de la délégation nationale, en
taille comme en diversité, est un bon indicateur de l’importance
pour ces États de l’Agenda 2030. Plus le niveau de responsabilité
politique est élevé, plus l’on peut considérer que le soutien politique
est important.
7. Conclusions
45. L’Agenda 2030 reste relativement
récent et la révolution qu’il contient peut partiellement expliquer
les balbutiements que l’on constate par rapport à sa mise en œuvre.
Il s’agit, en effet, de réinventer un cadre institutionnel pour
s’assurer de la cohérence des politiques. L’interaction entre chacun
des 17 ODD a pour conséquence que bouger un curseur sur l’un d’eux
peut avoir un impact sur un ou plusieurs autres, parfois de manière
positive, mais parfois également de manière négative. Il est donc
indispensable que la gouvernance soit la plus coordonnée possible.
En 2016, sur les 22 pays ayant présenté un rapport d’avancement,
il s’avère que 11 avaient placé la gestion des ODD sous la responsabilité
directe du Premier ministre ou du Président. Quatre pays avaient
choisi de confier la coordination à un seul ministère, au détriment
du décloisonnement.
46. Les ODD forment un cadre large et général que chaque pays
doit adapter à ses spécificités locales, tout en identifiant ses
propres priorités, afin d’orienter la mise en œuvre du Programme
au niveau national. Ceci passe par l’élaboration ou, si nécessaire,
la mise à jour de leur propre stratégie/plan national de développement.
Les politiques publiques, au lieu d’être en silo, devraient être
intégrées, ce qui leur permettrait d’être plus cohérentes et avoir
plus d’impact. Elles devraient également être plus participatives,
de façon à inclure les différentes parties prenantes dans leur conception
et mise en œuvre, dont notamment la société civile, les ONG, les
collectivités et les parlementaires. Le rôle de la jeunesse ne doit
pas non plus être négligé, à la fois parce que notre jeunesse est
particulièrement sensibilisée à ces problématiques, mais également dans
une optique de transmission et continuité. Les parlements ont un
rôle primordial à jouer à cet égard, en veillant à ce que les ODD
nationaux tiennent compte des besoins locaux spécifiques et de la
situation de groupes particuliers.
47. Nombre de pays ont établi un groupe de travail national sur
les ODD – ou un organe analogue – pour coordonner et piloter la
mise en œuvre des ODD. Des représentants parlementaires et locaux
devraient être associés à ces organes de haut niveau pour faire
valoir le point de vue de leurs électeurs et proposer un appui institutionnel.
La France a mis en place un comité de pilotage interministériel
des ODD, chargé de préparer une feuille de route sur la mise en
œuvre des ODD. Ce comité de pilotage est une instance inclusive
composée de l’ensemble des acteurs publics et privés engagés dans
la mise en œuvre des ODD, y compris des ONG et des parlementaires.
48. Le Programme 2030 et les ODD, qui reconnaissent la responsabilité
des parlements de vérifier le respect des engagements pris par le
gouvernement en matière de réalisation des ODD, offrent l’occasion
aux parlements et aux parlementaires de renforcer leur engagement
sur des questions cruciales pour le développement durable. Pour
le moment, cet engagement reste limité, même si de nombreux parlements
ont effectué d’importantes démarches dans ce sens, y compris par
l’organisation des débats autour de l’Agenda 2030 (Chypre, Estonie,
Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal), en traitant l’Agenda 2030
dans le cadre des travaux des (sous-)commissions existantes (Finlande,
Suède, Royaume-Uni, République tchèque), ou en créant de nouvelles
(sous-)commissions transversales sur les ODD (Danemark, Finlande,
Roumanie). Il est donc urgent d’amplifier la mission de redevabilité
des parlementaires. Ceux-ci devraient procéder à des analyses systématiques
de la cohérence des politiques publiques et demander des comptes
aux gouvernements dans la mise en œuvre des ODD. Il est également
important d’inclure plus de parlementaires dans le FPHN qui se tient
tous les ans.
49. Il est évident que notre monde est en crise, non pas seulement
une crise économique ou financière mais bien une crise sociétale.
Le retour d’idéologies extrêmes à l’origine des heures les plus
sombres de l’Humanité questionne sur les clivages profonds dans
tous les pays à travers le monde. L’indispensable renouveau politique
souhaité par les citoyens, ne devrait-il pas s’accompagner d’un
changement de paradigme?
50. L’Agenda 2030 remet notamment en cause nos visions de la société
comme de l’économie, longtemps seul étalon des politiques internationales,
chaque «pôle» essayant d’imposer sa vision de l’économie triomphante.
Ce que propose l’Agenda, c’est une économie plus équitable et plus
durable, une société plus égalitaire, tout en étant plus sûre, des
politiques et des institutions plus accessibles et plus transparentes.
Les ODD permettent de repenser nos sociétés, pour créer celles de
demain, et j’insisterai de nouveau sur l’implication de la jeunesse.
51. Il est frappant de remarquer à quel point ces revendications
émergent en France aujourd’hui dans le mouvement des «Gilets jaunes».
De la capacité à répondre à ces revendications dépendra le basculement vers
l’extrémisme ou le renouveau démocratique. Les politiques publiques
devraient être adaptées au quotidien des citoyens. L’Agenda 2030
et les 17 ODD constituent un récit idéal pour cela. En réalité,
nombre des politiques des États membres du Conseil de l’Europe contribuent
déjà à l’atteinte des ODD, mais la visibilité n’est pas suffisante.
Revoir les stratégies nationales en les mettant en accord formel
avec l’Agenda ne permettrait-il pas de réconcilier tous les citoyens
en leur offrant une vision d’avenir commune? La notion de «biens
publics mondiaux» agrège toutes les bonnes volontés et les ODD en
sont la meilleure traduction opérationnelle.