1. Introduction
1. Le 10 décembre 2018, la commission
des questions sociales, de la santé et du développement durable a
déposé une proposition de résolution sur «Mettre fin à la violence
à l’égard des enfants: une contribution du Conseil de l’Europe aux
Objectifs de développement durable
». Cette proposition a été renvoyée
à notre commission pour rapport lors de la partie de session de
janvier, au cours de laquelle j’ai été nommée rapporteure. Notre
commission a accéléré la préparation de ce rapport afin qu’il soit
débattu pendant la partie de session de juin 2019, vu qu’il pourrait
utilement enrichir plusieurs événements de haut niveau prévus pour la
seconde moitié de l’année
. Il sera
débattu dans le cadre d’un débat conjoint avec le rapport «Mettre
fin à la violence et à l’exploitation des enfants migrants», avec
la participation de Mme Maud de Boer-Buquicchio, rapporteure spéciale
des Nations Unies sur la vente et l’exploitation sexuelle d’enfants.
2. En avril 2019, la commission a procédé à un échange de vues
avec Mme Elda Moreno, cheffe du Service des
droits des enfants et des valeurs du sport, Direction générale de
la Démocratie du Conseil de l’Europe, pour entendre la perspective
européenne
et en a tenu un autre avec Mme Dorothy
Rozga, ancienne Directrice exécutive de ECPAT International (Mettre
fin à l’exploitation sexuelle des enfants), lors de sa réunion à
Vienne, le 13 mai 2019, afin de se placer dans une perspective globale.
J’ai également effectué une visite d’information en Allemagne les
6 et 7 mai 2019, pour étudier les exemples de bonnes pratiques et
confirmer mon analyse des principaux défis et les résultats figurent
en annexe au présent rapport.
3. Comme le rappelle la proposition de résolution, le Programme
de développement durable des Nations Unies à l’horizon 2030 comprend
plusieurs Objectifs (ODD) et cibles connexes relatives aux droits
de l’enfant, qui relèvent du mandat du Conseil de l’Europe et reflètent
ses normes et ses principes, notamment:
3.1. la cible 16.2 visant à mettre un terme à la maltraitance,
à l’exploitation et à la traite, et à toutes les formes de violence
et de torture dont sont victimes les enfants;
3.2. la cible 5.3 visant à éliminer toutes les pratiques préjudiciables,
telles que le mariage des enfants, le mariage précoce ou forcé et
la mutilation génitale féminine;
3.3. la cible 8.7 qui appelle à prendre des mesures immédiates
et efficaces pour supprimer le travail forcé, mettre fin à l’esclavage
moderne et à la traite d’êtres humains, interdire et éliminer les
pires formes de travail des enfants, et, d’ici à 2025, mettre fin
au travail des enfants sous toutes ses formes.
4. De toute évidence, dans le monde entier, la violence à l’égard
des enfants est exercée par les «forts» sur les «faibles». Les auteurs
sont principalement des hommes, connus le plus souvent (70 %) par
les enfants victimes. Certains enfants sont particulièrement vulnérables,
notamment ceux qui sont handicapés, les enfants migrants et réfugiés,
les enfants homosexuels, bisexuels et transgenres et ceux issus
de la communauté noire et de minorités ethniques. Le présent rapport
ne peut traiter l’ensemble de ces catégories de manière très détaillée.
5. Depuis plus de dix ans, le Conseil de l’Europe, y compris
l’Assemblée parlementaire, s’emploie activement à faire de l’éradication
de toutes les formes de violence à l’égard des enfants, au niveau paneuropéen
et au-delà, une priorité politique. Ce rapport est une occasion
unique d’accélérer les avancées en faveur de l’édification d’un
monde sans violence pour tous les enfants et d’examiner comment
le Conseil de l’Europe et l’Assemblée peuvent contribuer au mieux
à atteindre cet objectif.
6. L’un des points faibles du Programme 2030 des Nations Unies
est peut-être le nombre important d’ODD et de cibles connexes (17
Objectifs et 169 cibles), ainsi que leur portée étendue – même si
c’est assurément une bonne chose d’indiquer clairement en quoi consistent
précisément les Objectifs (= cibles) et comment les progrès seront
mesurés (= indicateurs)
. Si de nombreux ODD sont liés
et que les progrès dans la poursuite de l’un peuvent donc aider
à en faire avancer un autre, le grand public comme les responsables
politiques peuvent néanmoins se sentir quelque peu dépassés par
le Programme 2030. J’ai donc décidé de consacrer ce rapport à une
cible seulement, à savoir la cible 16.2. qui vise, en résumé, à
mettre fin à la violence à l’égard des enfants
,
ce qui constitue déjà un thème vaste et un objectif ambitieux en
tant que tel.
7. Pourquoi s’intéresser à cette cible en particulier ? Je pense
que mettre fin à la violence à l’égard des enfants est l’un des
objectifs les plus importants de tous, qu’il constitue une condition
préalable pour atteindre de nombreux autres objectifs et que c’est
l’un des objectifs les plus accessibles et les plus rentables. Nous sommes
tous d’accord pour dire que la violence à l’égard des enfants est
une violation des droits humains à laquelle il faut mettre fin.
Nos codes contiennent tous des lois sur sa prévention et, pourtant,
chaque année, la moitié des enfants dans le monde sont victimes
de violence
.
Les coûts économiques de cette violence sont considérables: ils
sont estimés à 8 % du produit intérieur brut mondial (PIB)
.
En raison de la transmission intergénérationnelle de la violence,
nous n’avons pratiquement aucune chance d’atteindre d’autres objectifs importants
comme l’élimination de la pauvreté, si nous ne parvenons pas à atteindre
celui-là. Faisons donc de l’éradication de la violence à l’égard
des enfants à l’horizon 2030 l’une de nos toutes premières priorités,
et utilisons ce rapport pour donner à cet objectif l’impulsion parlementaire
qu’il nécessite et qu’il mérite !
2. La contribution du Conseil de l’Europe
et de l’Assemblée parlementaire en vue d’atteindre la cible 16.2.
8. Aussi bien le Conseil de l’Europe
que son Assemblée parlementaire ont déjà apporté une contribution significative
à la poursuite des ODD des Nations Unies, en particulier de la cible
16.2., qui a été reconnue, saluée et soutenue par nos partenaires
des Nations Unies, comme Mme Marta Santos
País, Représentante Spéciale du Secrétaire général des Nations Unies
chargée de la question de la violence à l’encontre des enfants (RSSG)
,
et Mme Maud de Boer-Buquicchio, rapporteure
spéciale des Nations Unies sur la vente et l’exploitation sexuelle
des enfants
.
En effet, la conférence internationale de novembre 2016 sur «La protection
des enfants contre la violence: les prochaines étapes pour des stratégies
efficaces»
, organisée conjointement par la Division
des droits des enfants du Conseil de l’Europe et par notre commission
de l’Assemblée à Wilton Park (Royaume-Uni), a réuni les acteurs
mondiaux afin d’élaborer un plan d’action dans tous les domaines
essentiels couverts par ce rapport. Cette action concertée a permis
de doter les 47 gouvernements et parlements du Conseil de l’Europe
de toutes les normes juridiques, mécanismes de suivi et plateformes
régionales propres à faciliter la contribution des États membres
à la poursuite de la cible 16.2 dans le cadre des travaux menés
par le Conseil de l’Europe.
2.1. Le
travail du secteur intergouvernemental
9. La Stratégie actuelle pour
les droits de l’enfant (2016-2021)
du Conseil
de l’Europe énonce clairement sa mission: protéger les enfants de
la violence et ainsi contribuer à la mise en œuvre du Programme
de développement durable des Nations Unies à l’horizon 2030, en
s’appuyant sur les normes, les plateformes intergouvernementales
et les organes de suivi du Conseil de l’Europe
.
Depuis 2006, le Programme «Construire une Europe pour et avec les
enfants» promeut une approche intégrée en vue de l’élimination de toutes
les formes de violence, ainsi que des actions ciblées visant des
formes particulières de violence. Celles-ci comprennent l’exploitation
sexuelle et les abus sexuels (en ligne et hors ligne), la traite,
les châtiments corporels, le harcèlement (y compris le harcèlement
en ligne) et la violence sexiste. Les actions prévues dans le programme
visant à promouvoir une parentalité positive ainsi qu’une justice,
des soins de santé et des services sociaux adaptés aux enfants contribuent
également à une meilleure protection des droits des enfants. Ces
actions ont abouti à l’élaboration de normes juridiques, à la mise
en place de mécanismes de suivi indépendants, à l’adoption de documents
de politique et à la mise en œuvre de campagnes paneuropéennes visant
à attirer l’attention du public sur le fait que la violence à l’égard
des enfants demeure un sujet tabou qui constitue un véritable fléau
difficile à éradiquer – à la maison, dans les institutions, à l’école,
dans le sport, dans les lieux où les enfants sont privés de liberté,
dans la vie publique – mais auquel il faut pourtant s’attaquer.
10. Par le biais de son organe intergouvernemental récemment établi,
le Comité ad hoc pour les droits de l’enfant (CAHENF), une aide
renforcée et systématique est apportée au Comité des droits de l’enfant
des Nations Unies (UNCRC), s’inscrivant dans une longue tradition
de coopération entre le Conseil de l’Europe et différents organes
des Nations Unies. Une attention particulière est accordée aux réponses
à la violence à l’égard des enfants en vue de faciliter et d’intensifier
les progrès des États membres pour atteindre la cible 16.2. Dans
ce contexte, un groupe d’experts spécifique chargé d’étudier les
réponses à la violence à l’égard des enfants (CAHENF-VAC) a été
créé et est lui aussi soutenu par la RSSG et par la rapporteure spéciale
des Nations Unies sur la vente et l’exploitation sexuelle des enfants.
Ces nouvelles structures s’ajoutent au «Comité de Lanzarote», qui
est le Comité des Parties (organe de suivi et d’élaboration de stratégies)
à la Convention du Conseil de l’Europe de 2007 sur la protection
des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201),
dite «Convention de Lanzarote»
.
2.2. Le
travail de l’Assemblée parlementaire
11. Au niveau de l’Assemblée, plusieurs
commissions sont chargées de la protection des enfants contre la violence:
- La commission des questions
sociales, de la santé et du développement durable dispose du mandat
le plus étendu, qui se reflète dans la (re-)création de sa sous-commission
sur les enfants en 2017 . La commission a assuré la dimension
parlementaire de la campagne UN sur CINQ contre la violence sexuelle
à l’égard des enfants (2010-2015) ainsi que le secrétariat du Réseau
des parlementaires de référence (2010-2016) afférent (qui s’est
réuni cinq fois par an pour examiner des thèmes choisis), et a mené
un projet pilote de trois ans à Chypre . La
commission a initié la Journée européenne pour la protection des
enfants contre l’exploitation et les abus sexuels , dont la cinquième édition aura lieu
le 18 novembre 2019 (cette année, elle sera consacrée au thème de
la participation des enfants) . Ces dernières années, la commission
a présenté à l’Assemblée un grand nombre de rapports sur l’éradication
de la violence à l’égard des enfants, qui ont conduit à l’adoption,
sur les dix dernières années seulement, de sept résolutions et d’autant
de recommandations . Elle continue de mener un projet visant
à protéger et à responsabiliser les enfants grâce à l’action parlementaire
(depuis 2017) par le biais de contributions volontaires provenant
principalement des parlements nationaux , en apportant un soutien
aux manifestations portant sur des questions telles qu’une justice
adaptée aux enfants et les services de santé mentale pour les enfants , et à des campagnes comme la nouvelle
campagne «Start to Talk» («Briser le silence») menée par l’Accord
partiel élargi sur le sport .
Parmi les rapports actuellement en préparation, je souhaiterais
signaler celui intitulé «Lutte contre la violence sexuelle à l’égard
des enfants: renforcer l’action et la coopération en Europe» qui
porte sur l’un des principaux thèmes. Je voudrais par ailleurs évoquer
les derniers textes adoptés, à savoir la Résolution 2272 (2019) «Mise en œuvre des Objectifs de développement durable:
la nécessaire synergie de tous les acteurs, des parlements aux collectivités
locales» qui appelle à la mobilisation des parlements et municipalités pour
la réalisation des ODD en assurant le suivi des progrès accomplis,
et les Résolution 2271
(2019) et Recommandation
2150 (2019) sur le renforcement de la coopération avec les Nations
Unies dans la mise en œuvre du Programme de développement durable
à l’horizon 2030, qui souligne les droits humains et ce que le Conseil
de l’Europe peut offrir et l’importance de poursuivre la collaboration
entre le Conseil de l’Europe et les Nations Unies.
- La commission des migrations, des réfugiés et des personnes
déplacées mène la campagne de l’Assemblée parlementaire pour mettre
fin à la rétention d’enfants qui constitue la contribution de l’Assemblée
à la campagne mondiale pour mettre fin à la rétention d’enfants . La commission a également créé une
sous-commission sur les enfants et les jeunes réfugiés et migrants
et a été, ces cinq dernières années, à l’origine de plusieurs résolutions
et recommandations de l’Assemblée qui abordent la question de la
violence à l’égard des enfants migrants et réfugies .
Parmi les rapports actuellement en préparation, je souhaiterais
en signaler deux:
- «Mettre fin
à la violence et à l’exploitation des enfants migrants», consacré
aux différentes formes de violence et d’exploitation subies par
les enfants migrants en Europe, comme l’exploitation et les abus
sexuels, l’exploitation par le travail et la discrimination, ainsi
que la violence envers les enfants migrants dans les lieux de rétention,
les zones de transit et les centres de migrants.
- «Les disparitions d’enfants réfugiés ou migrants en Europe»,
qui examine les moyens de s’assurer que les dizaines de milliers
d’enfants réfugiés ou migrants disparus soient retrouvés et, en
premier lieu, qu’ils ne disparaissent pas.
- La commission de la culture, de la science, de l’éducation
et des médias et sa sous-commission de l’éducation, de la jeunesse
et du sport sont particulièrement actives dans trois domaines: la
lutte contre la violence à l’égard des enfants en ligne, dans l’éducation
et dans le sport. Elle a présenté à l’Assemblée plusieurs rapports
à ce sujet et
a commencé à préparer un nouveau rapport intitulé «Un enseignement
axé sur les besoins des élèves».
- La commission sur l’égalité et la non-discrimination anime
le Réseau parlementaire pour le droit des femmes de vivre sans violence
qui traite aussi de la violence à l’égard des filles. Elle a présenté
à l’Assemblée plusieurs rapports à ce sujet et
a commencé à travailler sur un nouveau rapport intitulé «La Convention
d’Istanbul sur les violences faites aux femmes: réalisations et
défis».
2.3. Résultats
à ce jour
12. Ces lieux de délibération ne
sont pas de simples salons où l’on cause et qui ne produisent aucun résultat,
et les normes et stratégies du Conseil de l’Europe ainsi que les
résolutions et recommandations de l’Assemblée parlementaire ne sont
pas insignifiantes: elles sont le fruit et le moteur de l’engagement
constant auprès des États membres, de leurs parlements, des autres
organisations régionales et internationales, des pouvoirs locaux
et régionaux, de la société civile et des enfants eux-mêmes. Nombre
d’entre elles contiennent des listes concrètes de mesures à prendre
pour marquer des progrès et peuvent donc fournir des indications utiles
pour atteindre les objectifs fixés par le programme 2030 des Nations
Unies. Dans la mesure où plusieurs conventions du Conseil de l’Europe
imposent aux États parties de présenter des rapports de suivi de
leur mise en œuvre, ces données devraient également être utilisées
dans les examens nationaux volontaires des Nations Unies présentés
par les États au Forum politique de haut niveau.
13. Pour prendre l’exemple de la violence sexuelle à l’égard des
enfants, l’élaboration de la «Convention de Lanzarote», le premier
instrument juridique international visant à prévenir, à ériger en
infraction pénale et à combattre toutes les formes d’exploitation
et d’abus sexuels commis sur des enfants, avec 44 États Parties
à ce jour
, a débouché sur la campagne multipartite
du Conseil de l’Europe, UN sur CINQ contre la violence sexuelle
à l’égard des enfants, qui a amené les gouvernements à signer, les
parlements à ratifier, et les pays à mettre en œuvre la Convention
de Lanzarote, et ce jusqu’au niveau local. Le projet pilote de l’Assemblée
à Chypre a donc non seulement conduit à l’adoption d’une nouvelle
législation façonnée par les exigences de la Convention, mais aussi
à l’ouverture du premier centre de protection de l’enfance (Barnahus)
pour les enfants victimes de violences sexuelles au-delà des frontières
des pays nordiques
.
De plus en plus d’États de toute l’Europe sollicitent l’expertise
du Conseil de l’Europe pour lutter contre la violence à l’égard
des enfants, ce qui permet de combler le fossé entre les normes
internationales et la mise en œuvre au niveau national: la Division des
droits des enfants assure actuellement la gestion de projets à travers
l’Europe pour permettre à ces pays de renforcer leurs réponses nationales
à l’exploitation et aux abus sexuels commis sur des enfants.
14. En avril 2018, l’Accord partiel élargi sur le sport (APES)
du Conseil de l’Europe a lancé la campagne «Start to talk» qui est
un appel à l’action des pouvoirs publics, du mouvement sportif et
d’autres acteurs afin qu’ils prennent les mesures de prévention
et de protection nécessaires pour mettre fin aux abus sexuels sur les
enfants. En répondant à cet appel, les gouvernements, les clubs,
associations et fédérations sportives, ainsi que les sportifs et
les entraîneurs, s’engagent à prendre des mesures concrètes pour
prévenir les abus et y répondre. «Start to Talk» est une initiative
pour que les adultes brisent le silence et donnent la parole aux enfants.
Dans leur propre boucle de rétroaction positive, les parlementaires
se sont associés à la campagne à l’occasion de l’édition 2018 de
la Journée européenne pour la protection des enfants contre l’exploitation
et les abus sexuels (qui est elle-même un des fruits de la campagne
UN sur CINQ), en élaborant un plan d’action en dix points et en
menant des actions de sensibilisation à la question en organisant
des événements comme «Un “coup de sifflet” contre les abus sexuels
faits aux enfants dans le domaine du sport»
. À ce jour, les organisations de
18 pays ont rejoint l’initiative «Start to Talk», entraînant une
vaste mobilisation des pouvoirs publics et du mouvement sportif
.
15. Pour prendre un autre exemple: la protection et la responsabilisation
des enfants dans l’environnement numérique, le Comité des Ministres
du Conseil de l’Europe a adopté, en juin 2018, une Recommandation
sur les
Lignes
directrices relatives au respect, à la protection et à la réalisation
des droits de l’enfant dans l’environnement numérique (préparée par le Comité ad hoc pour les droits de l’enfant).
Les lignes directrices proposent des solutions concrètes (stratégies
de prévention, protection et mesures de sensibilisation, rigueur et
exhaustivité, évaluation d’impact et voies de recours) en encourageant
la coopération au niveau national et international. Conformément
aux précédents travaux dans ce domaine, notamment sur ceux de l’Assemblée
et
du Comité de Lanzarote
,
les lignes directrices précisent également les mesures devant être
prises concernant le matériel d’abus sexuels d’enfants. Pour faciliter
leur bonne mise en œuvre, un guide d’application à l’usage des professionnels
est actuellement en préparation
. Un
projet régional intitulé «Mettre fin à l’exploitation et aux abus
sexuels en ligne sur les enfants@Europe» a également été lancé en
janvier 2019 et doit se poursuivre jusqu’à décembre 2020. Financé
par le Fonds pour mettre fin à la violence à l’égard des enfants,
ce projet portera sur les problématiques contextuelles identifiées
au niveau paneuropéen et national en encourageant, en facilitant
et en soutenant le travail et les actions menés par les États pour
prévenir et combattre l’exploitation et les abus sexuels commis
à l’encontre des enfants et facilités par l’utilisation des technologies
de l'information et de la communication (TIC).
16. On trouve un troisième exemple de la contribution fructueuse
du Conseil de l’Europe pour mettre fin à la violence à l’égard des
enfants dans la première grande campagne qu’il a menée à la suite
de l’élaboration de son programme «Construire une Europe pour et
avec les enfants» en 2006: «Levez la main contre la fessée»
– qui a fait suite à une recommandation
de l’Assemblée de 2004 appelant à une interdiction paneuropéenne
des châtiments corporels des enfants
.
En effet, les châtiments corporels constituent toujours la forme
de violence la plus répandue visant les enfants. Ils sont une punition
inefficace et une violation de leurs droits qui n’est pas toujours
reconnue comme telle
.
Le Comité européen des Droits sociaux a constaté que plusieurs États
contrevenaient à la Charte sociale européenne (révisée) (ETS no 163)
en n’interdisant pas de manière suffisamment claire et contraignante
les châtiments corporels. En 2018, le nombre d’États membres ayant
interdit les châtiments corporels dans tous les contextes (y compris
dans les institutions et dans la famille) avait presque doublé et
s’élevait à 32 États – par conséquent, malgré un certain succès,
il y a encore une marge de progression. Pour aider les gouvernements
à poursuivre leurs efforts en vue de promouvoir une parentalité
positive et non violente, le Conseil de l’Europe a établi un référentiel
en ligne de bonnes pratiques répertoriant plus de 50 vidéos, publications,
campagnes et programmes sur la parentalité en provenance de 13 États
membres
.
17. Enfin, le Conseil de l’Europe et son Assemblée parlementaire
accordent une attention spéciale à la nécessité de protéger les
enfants en déplacement ou concernés d’une autre manière par les
migrations
qui, en Europe,
sont aujourd’hui l’un des groupes les plus vulnérables. Comme cela
a été indiqué au point 11.2 ci-dessus, l’Assemblée mène de façon
particulièrement active des campagnes pour qu’il soit mis fin au
placement en rétention d’enfants migrants, rappelant que les enfants
non accompagnés ne devraient jamais être placés en rétention et
que le placement d’enfants en rétention en raison de leur situation
ou de celle de leurs parents au regard des règles d’immigration
est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant et constitue une
violation de ses droits. L’Assemblée a ainsi appelé les États à
adopter des alternatives à la rétention qui respectent l’intérêt supérieur
de l’enfant et permettent aux enfants de rester avec leur famille
et/ou tuteur dans un cadre non privatif de liberté, au sein de la
collectivité, en attendant que la question de leur statut au regard
de la législation sur l’immigration soit résolue. Le Secrétaire
Général du Conseil de l’Europe a apporté son soutien à ces recommandations
en nommant un Représentant spécial sur l’immigration et les réfugiés
en 2016 (son mandat comptant la protection des enfants réfugiés
et migrants parmi ses principales priorités), et en développant
un plan d’action qui rassemble différents secteurs de l’Organisation
afin d’entreprendre des actions visant à assurer l’accès des enfants
à leurs droits et à des procédures adaptées, à leur fournir une
protection efficace et à les intégrer
.
3. Identifier
et traiter les défis
18. Devant tant de travail déjà
accompli au seul niveau du Conseil de l’Europe, et devant tant d’engagement au
niveau gouvernemental, parlementaire, local et de la société civile
dans de si nombreux pays européens, on peut trouver étrange que
la cible 16.2 – visant à mettre fin à la violence à l’égard des
enfants – demeure aussi hors d’atteinte, même ici en Europe. Chaque
jour, nous entendons parler de nouveaux incidents de violence, parfois
d’une extrême gravité: abus sexuels dans le cercle de confiance
de l’enfant (dans la famille, les institutions de garde, le sport
ou l’église), châtiments corporels à la maison ou brimades dans
les écoles, les institutions et en ligne, enfants touchés par des
crimes de haine, les conflits armés ou leurs conséquences, enfants
migrants et réfugiés disparus, victimes de la traite ou contraints
à mendier ou à se prostituer, etc. La liste semble parfois sans
fin et ne semble pas toujours correspondre aux examens nationaux
volontaires présentés au Forum politique de haut niveau.
19. Ce n’est pas que les pays «édulcorent» leurs examens nationaux
volontaires – même si, bien entendu, il est tentant de focaliser
les rapports sur les aspects de la lutte contre la violence à l’égard
des enfants qui fonctionnent au niveau national
,
dans l’idée de les partager comme bonnes pratiques. La participation
à des plans d’action régionaux, à des campagnes et à des mesures
et stratégies de coopération comme celles du Conseil de l’Europe
est-elle propice à l’autosatisfaction ? Je ne le crois pas. Je pense
en revanche qu’il faut d’abord identifier les défis afférents à
la cible 16.2, afin de pouvoir trouver des moyens réalistes de les
traiter.
20. À mon avis, le premier défi concerne le manque de données.
Un problème ne devient un problème à résoudre que s’il est mesurable,
et donc visible. Il n’y a rien de nouveau dans cette affirmation
, mais le manque
de données significatives entrave depuis des années la lutte pour
mettre fin à la violence à l’égard des enfants. Comme nous l’avons
vu, la forme de violence la plus courante à l’égard des enfants
est le châtiment corporel dans la sphère familiale, qui est souvent
une «boîte noire» (sauf lorsque la violence est si extrême qu’elle
est portée à l’attention des autorités de protection de l’enfance).
La violence sexuelle à l’égard des enfants reste encore un sujet
tabou dans de nombreux pays, notamment en Europe, en particulier
lorsqu’elle vise des groupes spécifiques comme les enfants handicapés
. Même dans l’ère #MeToo, la culpabilisation des
victimes et l’important déséquilibre de pouvoir entre les auteurs
(souvent) adultes et les enfants victimes retardent le signalement,
voire font taire les victimes: il semble que le chiffre de UN sur
CINQ sur lequel a été fondée la campagne du Conseil de l’Europe
aurait, en fait, dû être UN sur QUATRE
. Dans ces circonstances, la
collecte des données «pertinentes» («pertinentes» c’est-à-dire complètes
et correctement ventilées par sexe
et par âge par
exemple) pour en tirer des conclusions utiles constitue un défi
majeur. Dans nos sociétés en perpétuelle mutation, dominées par
les cycles électoraux et médiatiques et les influences puissantes
des médias sociaux, minées par les informations mensongères et le
populisme, reconnaître les défaillances et les reculs et examiner
les angles morts peuvent constituer un défi de taille pour un gouvernement.
21. Le deuxième défi que j’ai identifié concerne la coordination
et les priorités stratégiques. Pour mettre fin à la violence à l’égard
des enfants, il ne suffit pas d’avoir un ministère (ou une partie
d’un ministère - combien de pays possèdent-ils un ministère uniquement
consacré aux enfants ?) pour faire l’ensemble du travail, même avec
les meilleures intentions. La violence à l’égard des enfants est
encore si omniprésente que sa prise en considération et les réponses
qui y sont apportées nécessitent une approche intégrée pour être
efficaces. Il est essentiel de travailler ensemble, avec toutes
les parties prenantes, en incluant les parlements, les pouvoirs locaux,
la société civile et les enfants eux-mêmes. Il est essentiel d’assurer
que l’action ait lieu aux niveaux locaux, dans le respect de et
avec l’implication de toutes les parties prenantes. Le suivi est
aussi essentiel, afin de définir ce qui fonctionne et ce qui ne
fonctionne pas, et ainsi informer les évolutions futures. Le multilatéralisme
n’est pas vraiment à la mode en ce moment dans le monde, mais il
est essentiel d’apprendre des autres pays et régions et de partager
les bonnes pratiques. Les stratégies et plans d’action nationaux
d’un pays - sur la mise en œuvre des ODD en général
et sur la lutte contre la violence
à l’égard des enfants
- peuvent
s’appuyer sur les recommandations des Nations Unies
et
du Conseil de l’Europe, y trouvant de l’inspiration et des suggestions
de structures, et ensuite les adapter aux besoins et priorités locaux.
22. Le troisième défi qui vient à l’esprit concerne les mentalités.
Tant que nous ne reconnaîtrons pas que les enfants sont des êtres
humains à part entière qui sont titulaires de l’ensemble des droits
humains, la violence à leur égard continuera. Malheureusement, certaines
personnes semblent encore estimer que les enfants doivent «mériter»
leurs droits humains et peuvent les perdre (par exemple, les enfants
en conflit avec la loi ou les enfants migrants). Nous devons éradiquer
cette mentalité! La Convention des Nations Unies relative aux droits
de l'enfant (CIDE) reconnaît le droit de TOUS les enfants de vivre
à l’abri de la peur et de la violence; les enfants sont des détenteurs
de droits à part entière et non pas de simples «objets» de protection. Cependant,
souvent, les gens ne se sentent pas responsables ou ne savent pas
quoi faire, même lorsqu’ils ont conscience des droits de l’enfant;
ils doivent être responsabilisés et impliqués. Hélas, il peut paraître
plus facile et, dans de nombreux milieux, plus populaire, de «respecter
l’intimité du foyer et de la famille», permettant ainsi aux châtiments
corporels de perdurer, plutôt que d’éduquer les parents – épuisés
et ne connaissant pas d’autre méthode – à une parentalité positive
.
Il peut sembler plus facile de ne pas avoir à se confronter au fait
que la violence sexuelle à l’égard des enfants n’a pas seulement
lieu sur la toile et n’est pas seulement perpétrée par des étrangers,
mais principalement par des membres de la famille ou d’autres adultes
ou enfants auxquels l’enfant fait confiance, avant que les images
soient mises en ligne comme «matériel d’abus d’enfants». Il peut
paraître plus simple de croire que le harcèlement à l’école «est
simplement une étape» et ne laissera aucune séquelle. Il peut sembler
plus facile de fermer les yeux sur le placement en rétention, la
disparition ou la traite et l’exploitation d’enfants migrants. Mais
ce n’est pas comme cela que nous mettrons fin à la violence à l’égard
des enfants.
23. Le quatrième défi que j’ai identifié, probablement le plus
grand et le plus important, est la priorisation. Avec tant d’autres
ODD qui réclament l’attention, de nombreux objectifs sont considérés
comme plus prioritaires que celui de mettre fin à la violence à
l’égard des enfants – après tout, les enfants n’ont pas le droit de
vote. Cependant, les enfants ont eux-mêmes défini l’élimination
de la violence à leur égard comme l’une de leurs deux principales
priorités. L’absence de volonté politique de donner la priorité
à la cible 16.2 a pour corollaire l’allocation de ressources insuffisantes
pour l’atteindre, aussi bien au niveau national qu’international
. En effet, le Forum politique de
haut niveau qui se tiendra cet été portera sur plusieurs Objectifs,
et non pas seulement sur l’Objectif 16, encore moins sur la cible
16.2. Mais comment espérer mettre fin à la violence à l’égard des
enfants si elle ne figure pas parmi nos toutes premières priorités?
L’établissement d’une priorité suppose également l’allocation de
fonds suffisants à son intention. Dans nos pays européens relativement
riches, nous devrions également examiner nos contributions au financement
de programmes de lutte contre la violence envers les enfants dans
les pays plus pauvres.
24. La véritable valeur ajoutée du Conseil de l’Europe et de son
Assemblée parlementaire réside dans leur capacité à traiter ces
quatre principaux défis. Le Conseil de l’Europe et l’Assemblée font
de la lutte pour mettre fin à la violence à l’égard des enfants
une priorité depuis plus de dix ans. Nous pouvons fournir: des normes contraignantes,
des principes, des orientations, un soutien, un renforcement des
capacités, un suivi, une plateforme d’échange de bonnes pratiques
et de coopération, une collecte de données, des campagnes de sensibilisation,
etc. – ainsi que toute une série d’institutions et d’organes connectés,
mobilisés et politiquement influents capables de parvenir jusqu’au
niveau local, de la société civile et des enfants eux-mêmes.
4. Prochaines
étapes: conclusions et recommandations
25. En tant que parlementaires
nationaux européens, nous avons la capacité d’utiliser les objectifs
de développement durable pour faire pression sur nos gouvernements
afin de faire de la lutte contre violence à l’égard des enfants
une priorité nationale et de garantir la mise en place de structures
permettant de lutter efficacement contre la violence à l’égard des
enfants:
- en accordant à ce
thème suffisamment d’importance dans les budgets pour produire des
résultats;
- en assurant des services de qualité dans les domaines
de l’éducation, de la santé, des services sociaux et de la justice
pour les enfants (avec un accent spécifique sur la provision d’un
soutien adéquat et rapide pour des enfants victimes de violence et
des dispositions concrètes pour prévenir la violence entre pairs);
- en mettant à la disposition des collectivités locales
des structures et des moyens financiers leur permettant de fournir
ces services, d’en contrôler l’efficacité et d’améliorer les pratiques;
- en procédant à des consultations, au niveau local, avec
les communautés, notamment les enfants, sur la qualité, l’adéquation
et l’impact de ces services;
- en assurant la mise en œuvre complète des Conventions
pertinentes du Conseil de l’Europe, en tant qu’États Parties.
26. Nous pouvons aussi, en notre qualité de parlementaires, remettre
en question et chercher à améliorer le cas échéant, le niveau des
financements et des ressources alloués aux pays plus pauvres afin
d’appuyer les programmes de lutte contre la violence des enfants
dans le monde entier – et encourager le Conseil de l’Europe à en
faire de même – ainsi que d’intensifier les actions menées afin
d’atteindre cette cible dans les États membres, et sur le travail
en coopération avec les Nations Unies en accélérant les progrès
dans ce domaine dans le monde entier. Nous pouvons aussi encourager
nos gouvernements à faire le rapport sur le travail pertinent du
Conseil de l’Europe dans leurs comptes rendus sur les efforts dans
la mise en œuvre de la cible 16.2 des ODD.
27. J’encourage également le Conseil de l’Europe, ainsi que ses
États membres (gouvernements et parlements), à soutenir la «Feuille
de route pour des sociétés pacifiques, justes et inclusives»
, élaborée par une coalition de «pionniers»
convoqués par les gouvernements du Brésil, de Sierra Leone et de
la Suisse. Cette coalition a identifié trois stratégies transformatrices,
neuf domaines d’action catalytique et quatre catalyseurs. Point
essentiel, sa toute première action catalytique s’intitule «Accroître
la prévention de la violence à l’égard des femmes, des enfants et
des groupes vulnérables»
.
28. Enfin, en tant que membres de l’Assemblée parlementaire du
Conseil de l’Europe, nous pouvons faire connaître dans nos pays
et partager plus largement l’acquis du Conseil de l’Europe et de
son Assemblée – par exemple en organisant au sein de nos parlements
nationaux des débats annuels consacrés à l’éradication de la violence
à l’égard des enfants, en créant si ce n’est déjà fait des commissions
permanentes sur les droits de l’enfant, en introduisant une «budgétisation
axée sur les enfants» et en assurant la mise en réseau des parlements,
aux niveaux régional et mondial, en coopération notamment avec l’Union
interparlementaire. Nous devons aussi renouveler nos efforts de
faire figurer les droits des enfants dans les constitutions nationales. Nous
pouvons de cette façon nous appuyer sur notre expérience, bonne
ou mauvaise, pour accélérer les avancées en faveur de l’édification
d’un monde sans violence pour tous les enfants qui constitue une
priorité absolue.