1. Mandat
de la commission
1. Lors de sa réunion du 29 juin
2018, le Bureau de l’Assemblée parlementaire a pris note du rapport
de la commission ad hoc du Bureau sur le rôle et la mission de l’Assemblée
parlementaire
et a décidé de le transmettre
à la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles
afin qu’elle examine, dans le cadre d’un rapport à présenter à la
partie de session de l’Assemblée d’octobre 2018, «les propositions visant
à conserver, modifier ou à compléter le Règlement régissant la ratification
ou la contestation des pouvoirs et/ou les droits de représentation
ou de participation des délégations nationales pour rapport» ainsi que
«les propositions portant sur les droits de vote des membres ou
sur les procédures de vote de l’Assemblée».
2. Rappelons que la commission ad hoc, instituée par une décision
du Bureau du 15 décembre 2017, avait pour objectif de mener une
réflexion associant le plus grand nombre possible d’acteurs de l’Assemblée
afin d’élaborer des propositions concrètes, relativement à la mise
en œuvre des paragraphes 16-18 de la
Résolution 2186 (2017) sur un appel pour un sommet du Conseil de l’Europe afin
de réaffirmer l’unité européenne, et de défendre et promouvoir la
sécurité démocratique en Europe
.
La commission ad hoc avait pour mandat:
«– de réfléchir à, et si possible d’élaborer, des propositions
visant à harmoniser les règles régissant la participation et la
représentation des États membres dans les deux organes statutaires,
tout en respectant pleinement l'autonomie des deux organes;
– de préparer des
propositions concernant le rôle et la mission de l'Assemblée parlementaire
en tant qu’organe statutaire du Conseil de l'Europe et en tant que
forum paneuropéen de dialogue interparlementaire qui vise à avoir
un impact dans tous les États membres du Conseil de l'Europe.»
2. Contexte relatif à l’élaboration du
présent rapport
3. Les réflexions de la commission
ont été synthétisées dans un rapport qu’elle a approuvé le 20 septembre
2018
à
une quasi-unanimité. Ce rapport a été présenté à l’Assemblée lors
de sa partie de session d’octobre 2018; il comportait un projet
de résolution proposant:
- de
renforcer la cohérence des procédures de contestation et de réexamen
des pouvoirs des délégations nationales pour des raisons substantielles,
en fusionnant les actuels articles 8 et 9 du Règlement en un article
unique, en unifiant les conditions d’initiation de telles procédures,
et en les renforçant;
- de renforcer la légitimité de l’Assemblée et l’autorité
de ses décisions lorsqu’elle se prononce sur une contestation ou
un réexamen des pouvoirs d’une délégation nationale, que ce soit
pour des raisons formelles ou pour des raisons substantielles, en
stipulant que ces décisions requièrent le quorum des membres de
l’Assemblée (à savoir un tiers des représentants ou suppléants autorisés
à voter) et la majorité des deux tiers des votants;
- de restreindre la portée des sanctions encourues par les
membres des délégations dont les pouvoirs ont été ratifiés mais
dont l’exercice de certains droits de participation ou de représentation
aux activités de l’Assemblée a été suspendu.
4. Le rapport comportait également un projet de recommandation,
rappelant l’attachement de l’Assemblée aux mécanismes et aux procédures
qu’elle a développés pour garantir le respect par les États membres
des principes et valeurs du Conseil de l'Europe, et par lequel elle
invitait le Comité des Ministres à conduire une réflexion sur l’efficacité
de ses propres procédures et sa capacité de réagir de manière effective
aux violations des obligations statutaires contractées par les États
membres, dans l’esprit de la
Résolution
2186 (2017) susmentionnée.
5. La commission a présenté ce rapport à l’Assemblée le 9 octobre
2018. Aux termes d’un débat intense et animé, où se sont tout autant
exprimés des arguments rationnels que des réactions plus émotionnelles, l’Assemblée
décidait de renvoyer le rapport à la commission, après que la rapporteure
en ait formulé la demande, face à la division de l’hémicycle et
faute d’un contexte serein et dépolitisé pour débattre des propositions
de la commission. Depuis, la commission a tenu deux échanges de
vues sur ce qu’elle entendait faire du rapport et des propositions
qu’il contient, au cours desquels des positions très diverses se
sont exprimées. Toutefois, une très nette majorité s’est dégagée
au sein de la commission pour ne pas soumettre à l’Assemblée le
même rapport que celui qu’elle avait adopté en septembre 2018.
6. La rapporteure considère que le rapport initial comporte certaines
propositions utiles et pertinentes, qui traitent de problèmes d’intérêt
commun à l’ensemble des États membres et des délégations nationales
à l’Assemblée, qu’il serait dommage de perdre. On ne saurait non
plus ignorer les contributions formulées par les délégations nationales
et les groupes politiques dans le cadre de la commission ad hoc
et qui appelaient à améliorer les procédures existantes. Un nouveau
rapport mériterait donc d’être soumis à l’Assemblée, à un moment
approprié et dans un contexte apaisé, reprenant les propositions
qui œuvrent dans le sens d’une plus grande cohérence de l’action
de l’Assemblée.
7. Le champ du présent rapport a donc été substantiellement réduit
aux seuls points qui pourraient faire encore consensus au sein de
la commission, à savoir la question de restreindre la portée des
sanctions encourues par les membres des délégations dont les pouvoirs
ont été contestés. À cet égard, on rappellera que la commission
avait été sollicitée par le Bureau de l’Assemblée en novembre 2018
pour «revoir la liste des droits de participation et de représentation
dont l’exercice peut faire l’objet d’une privation ou d’une suspension dans
le contexte d’une contestation des pouvoirs en vertu de l’article
10.1.c du Règlement s’agissant du droit de vote dans les procédures
d’élection des personnalités par l’Assemblée»; la commission avait
approuvé un avis en décembre 2018 clarifiant la question (voir plus
loin chapitre 3.4).
8. Le présent rapport n’abordera donc pas les autres points ayant
fait l’objet de la réflexion de la commission en septembre 2018.
9. De même, le présent rapport n’examinera pas la question de
l’harmonisation des procédures entre le Comité des Ministres et
l’Assemblée parlementaire et de l’amélioration du dialogue entre
les deux organes statutaires autour des mécanismes existants
. Il n’y a donc
plus lieu de présenter un projet de recommandation au Comité des
Ministres.
10. Le rapport de la commission des questions politiques et de
la démocratie «Rôle et mission de l’Assemblée parlementaire: principaux
défis pour l’avenir»
dont
l’Assemblée a débattu lors de sa partie de session d’avril 2019
comporte un examen détaillé des propositions formulées dans le cadre
de la commission ad hoc s’agissant de renforcer le dialogue entre
l’Assemblée et le Comité des Ministres. La
Résolution 2277 (2019) et la
Recommandation
2153 (2019) comportent notamment l’exposé d’une proposition relative
à la mise en place, en complément des procédures existantes, d’une
procédure de réaction conjointe du Comité des Ministres et de l’Assemblée
parlementaire, en plusieurs étapes, lorsqu’un État membre manque
à ses obligations statutaires ou ne respecte pas les valeurs et
les principes fondamentaux défendus par le Conseil de l’Europe.
En outre, dans sa
Résolution
2277 (2019), l'Assemblée souligne que «l’adhésion au Conseil de l’Europe
entraîne l’obligation pour tous les États membres de participer
aux deux organes statutaires». En même temps, l'Assemblée «appelle
la Fédération de Russie, conformément à ses obligations statutaires,
à présenter une délégation à l’Assemblée et à reprendre le paiement
obligatoire de sa contribution au budget de l’Organisation».
11. Lors de sa 129e Session ministérielle
(Helsinki, 17 mai 2019), le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe
a pris en considération la
Recommandation
2153 (2019) de l'Assemblée et a accueilli positivement l’appel de
l’Assemblée à un dialogue politique renforcé entre le Comité des
Ministres et l’Assemblée, ainsi que la proposition qu’elle a formulée
de mettre en place cette procédure de réaction commune. En outre,
le Comité des Ministres a rappelé que «tous les États membres doivent
être autorisés à participer sur un pied d’égalité dans les deux
organes statutaires du Conseil de l’Europe, aussi longtemps que
les articles 7, 8 ou 9 du Statut n’auront pas été appliqués». Par
ailleurs, «eu égard à l’importance des élections du/de la Secrétaire
Général(e) et de juges à la Cour européenne des droits de l’homme,
[le Comité des Ministres] apprécierait vivement que les délégations
de tous les États membres participent à la prochaine partie de Session
de juin de l’Assemblée parlementaire».
12. Il importe que l’Assemblée réagisse à la décision que le Comité
des Ministres a adoptée lors de sa 129e Session,
intitulée «Une responsabilité partagée pour la sécurité démocratique
en Europe – Garantir le respect des droits et obligations, principes,
normes et valeurs». Dans ce contexte, le Bureau de l'Assemblée, lors
de sa réunion du 23 mai dernier, a chargé la commission du Règlement
de tenir compte des décisions du Comité des Ministres dans la préparation
du présent rapport. C'est pourquoi, dans le présent rapport et dans le
nouveau projet de résolution proposé, je proposerai à la commission
un moyen de refléter ces décisions dans le Règlement de l'Assemblée
(chapitres 4 et 5 ci-dessous). Mais, avant cela, je voudrais rappeler
le cadre juridique et réglementaire qui régit les pouvoirs et les
compétences de l'Assemblée.
3. Les
pouvoirs et les compétences générales de l’Assemblée parlementaire
– rappel
3.1. Dispositions
statutaires
13. Le Statut du Conseil de l'Europe
(STE no 1) stipule, à l’article 10, que
«[l]es organes du Conseil de l’Europe sont: i. le Comité des Ministres;
ii. l’Assemblée Consultative (Parlementaire)», et son chapitre V détaille
les compétences de l’Assemblée, «l’organe délibérant du Conseil
de l’Europe».
14. Aux termes de l’article 1er du
Statut, l’Assemblée parlementaire est, au même titre que le Comité
des Ministres, l’autre organe statutaire, chargé de contribuer à
la réalisation du but du Conseil de l'Europe («Le but du Conseil
de l’Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses [États]
Membres afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes
qui sont leur patrimoine commun et de favoriser leur progrès économique
et social. Ce but sera poursuivi au moyen
des organes du Conseil, par l’examen des questions d’intérêt
commun, par la conclusion d’accords et par l’adoption d’une action
commune dans les domaines économique, social, culturel, scientifique,
juridique et administratif, ainsi que par la
sauvegarde et le développement des droits de l’homme et des libertés
fondamentales.»)
15. En vertu de l’article 28 du Statut, l’Assemblée adopte son
Règlement intérieur, et elle est libre de le modifier. Le Règlement
de l’Assemblée découle du Statut de l’Organisation et vient, par
des dispositions particulières, préciser les dispositions générales
qu’il contient. L'article 28 du Statut confère donc à l'Assemblée
la compétence exclusive d’édicter ses propres règles. Le fait que
le Statut exige l'inclusion de certains éléments de procédure dans
le Règlement ne peut limiter les compétences de l'Assemblée à adopter des
règles qu'elle juge nécessaires pour son bon fonctionnement
.
3.2. Dispositions
réglementaires
16. Le Statut du Conseil de l'Europe
prévoit expressément la compétence de l’Assemblée pour vérifier
les pouvoirs de ses membres. Les dispositions des articles 6 et
suivants du Règlement relatifs à la composition des délégations
nationales et à la vérification des pouvoirs se basent sur les articles
25, 26 et 28 du Statut
. L’Assemblée
est souveraine quant aux conditions de représentation des parlements
nationaux en son sein.
17. C’est sur l’ensemble de cette base statutaire que l’Assemblée
a institué, depuis 1949, une procédure générale de vérification
des pouvoirs de ses membres, à l’ouverture de la session annuelle
(correspondant aux articles 6.3, 6.4, 7 et 8 du Règlement actuel),
ainsi qu’une procédure de contestation des pouvoirs dans le courant
d’une session (article 9 du Règlement), étant entendu que c’est
sur cette même base statutaire que l’Assemblée a conçu des procédures
spéciales de contestation des pouvoirs depuis 1964.
18. Que la contestation des pouvoirs d’une délégation nationale
soit fondée sur des raisons formelles (article 7 du Règlement) ou
des raisons substantielles (articles 8 et 9), l’article 10 du Règlement
de l’Assemblée relatif aux décisions de l’Assemblée sur la contestation
ou le réexamen de pouvoirs ne liste que trois alternatives possibles:
«10.1.a.
la ratification des pouvoirs, ou la confirmation de la ratification
des pouvoirs,
10.1.b. la non-ratification
des pouvoirs, ou l’annulation de la ratification des pouvoirs,
10.1.c. la ratification des
pouvoirs, ou la confirmation de la ratification des pouvoirs, assortie
de la privation ou de la suspension, applicable aux membres de la
délégation concernée, de l’exercice de certains des droits de participation
ou de représentation aux activités de l’Assemblée et de ses organes.»
19. L’Assemblée peut décider de prendre des mesures collectives
à l’encontre de ses membres par la privation ou la suspension de
l’exercice d’un certain nombre de droits de participation et/ou
de représentation, fondées sur des manquements ou des violations
des dispositions de son Règlement ou du Statut du Conseil de l'Europe,
et ce dans le cadre d’une procédure, celle de la contestation ou
du réexamen des pouvoirs des délégations nationales pour des raisons
formelles ou substantielles. Il n’existe pas dans le Règlement de l’Assemblée
de procédure de sanction «autonome» à l’encontre d’une délégation
ou d’un membre de l’Assemblée (à l’exception de ce qui relève du
Code de conduite des membres de l’Assemblée dans ce dernier cas).
20. Le Règlement de l’Assemblée n’établit aucune liste des droits
de participation et de représentation pouvant faire l’objet d’une
privation ou d’une suspension. L’article 10.1.c du Règlement ne
formule les sanctions auxquelles s’exposent les membres d’une délégation
qu’en termes généraux et il appartient à l’Assemblée, lorsqu’elle
se prononce par voie de résolution sur une contestation des pouvoirs,
de déterminer l’étendue de ces sanctions.
3.3. Catalogue
des «sanctions» possibles – l’avis de la commission du Règlement
de 2014
21. C’est la raison pour laquelle,
en avril 2014 (dans le contexte de la décision prise par l’Assemblée
de suspendre certains droits de la délégation de la Fédération de
Russie (
Résolution 1990
(2014)), le Bureau de l’Assemblée avait chargé la commission
du Règlement – en vertu de sa compétence générale et exclusive d’interprétation
du Règlement (article 70.2) – de clarifier le cadre réglementaire
et d’établir un catalogue des droits de représentation et de participation
concernés dont les membres peuvent être privés dans le cadre de la
contestation ou du réexamen des pouvoirs
.
22. À ce jour, il n’existe pas d’autre cadre pour la mise en œuvre
de l’article 10.1.c que l’avis au Bureau de l’Assemblée que la commission
du Règlement a approuvé le 30 septembre 2014
et
qui constitue la seule base encadrant la décision de l’Assemblée
lorsqu’elle détermine des mesures restrictives à l’encontre d’une délégation.
Cet avis de la commission du Règlement:
- établit la liste des droits de participation et de représentation
des membres aux activités de l’Assemblée et de ses organes pouvant
faire l’objet d’une suspension ou d’une privation dans le contexte
d’une contestation des pouvoirs – en rappelant toutefois qu’un tel
catalogue de mesures ne peut être exhaustif;
- établit également un cadre général rigoureux afin que
la décision de l’Assemblée en matière de privation ou de suspension
de droits soit claire, cohérente, rationnelle et compréhensible,
à savoir que toute décision de «sanction» de l’Assemblée devra veiller
à maintenir une rationalité réglementaire et une cohérence juridique,
afin de respecter l’exigence de sécurité juridique qui doit s’appliquer
à toute décision de cette importance.
23. Dans son avis, la commission établit la liste suivante de
droits attachés à l’exercice du mandat à l’Assemblée, concernant
tant les activités de l’Assemblée que celles des commissions, répartis
en deux grandes catégories:
i. Les droits de participation comprennent
les droits suivants:
- droit
de vote (article 43)
- droit à la parole (article 35)
- droit de prendre la parole dans les débats libres (article
39)
- droit d’amendement (article 34)
- droit de déposer des propositions de résolution ou de
recommandation (comme auteur principal ou comme signataire) (article
25)
- droit de présenter des déclarations écrites (article 54)
- droit d’adresser des questions au Comité des Ministres
(article 59)
- droit d’être membre des commissions (article 44)
- droit d’être désigné rapporteur (article 50)
- droit de demander un débat selon la procédure d’urgence
ou un débat d’actualité (articles 51, 52 et 53)
- droit d’être candidat à la présidence de l’Assemblée (article
15), à la présidence ou la vice-présidence d’une commission ou d’une
sous-commission (articles 46 et 49)
- droit d’être membre d’une commission ad hoc d’observation
des élections.
ii. Les droits de représentation recouvrent
la représentation institutionnelle dans les organes de l’Assemblée
et celle dans les organes du Conseil de l'Europe et les institutions
externes:
- représentation dans
les organes de l’Assemblée: Comité présidentiel, Bureau, Commission permanente
(articles 14 et 17)
- représentation au Comité mixte (article 56)
- représentation en tant que membre de droit (ex officio) dans les commissions
de l’Assemblée (articles 19.5 et 44.1)
- représentation institutionnelle de l’Assemblée (dans les
organes du Conseil de l'Europe, sur décision du Bureau)
- représentation occasionnelle de l’Assemblée (sur décision
du Bureau ou des commissions) à des événements, réunions ou conférences
organisés par des organes du Conseil de l'Europe, des organisations
internationales ou des assemblées interparlementaires.
3.4. Élections
par l’Assemblée et droit de vote des membres de l’Assemblée – l’avis
de la commission du Règlement de 2018
24. L’avis de 2014 a été complété
par un second avis de la commission, adopté le 10 décembre 2018
,
à la demande du Bureau de l’Assemblée qui avait chargé la commission
de réexaminer la liste des droits de participation et de représentation
des membres de l’Assemblée pouvant faire l’objet d’une privation
ou d’une suspension lorsque l’Assemblée se prononce sur une contestation
des pouvoirs d’une délégation nationale, «s’agissant du droit de
vote dans les procédures d’élection des personnalités par l’Assemblée».
25. Le droit de vote figurait dans l’avis de 2014 au nombre des
droits de participation que l’Assemblée peut décider de suspendre
ou de retirer à ses membres (voir paragraphe 23). La commission
devait donc déterminer si le droit de vote dans les procédures d’élection
par l’Assemblée des hauts responsables du Conseil de l'Europe pouvait
être exclu de la liste des «sanctions» possibles.
26. En effet, l’Assemblée détient une compétence élective exclusive
pour élire les hauts responsables du Conseil de l'Europe: juges
à la Cour européenne des droits de l'homme, Commissaire aux droits
de l’homme, Secrétaire Général(e) et Secrétaire Général(e) adjoint(e)
du Conseil de l'Europe, Secrétaire Général(e) de l’Assemblée parlementaire.
Différents textes attribuent à l’Assemblée cette compétence: l’article
36.b du Statut du Conseil de l'Europe, pour la nomination des Secrétaire
Général(e) et Secrétaire Général(e) adjoint(e) du Conseil de l'Europe
et Secrétaire Général(e) de l’Assemblée parlementaire; l’article 22
de la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5),
pour l’élection des juges; et l’article 9 de la Résolution (99) 50 du
Comité des Ministres, pour l’élection du Commissaire aux droits
de l’homme.
27. On relèvera que les textes précités consacrent la compétence
de l’Assemblée, en tant qu’organe statutaire, d’élire ces personnalités.
Ils ne confèrent pas aux délégations parlementaires ou aux membres
de l’Assemblée, individuellement, un droit de participer à l’élection
des hauts responsables de l’Organisation. Cette responsabilité est
attachée à un organe du Conseil de l'Europe – l’Assemblée parlementaire
– qui l’exerce à travers ses membres.
28. Le Règlement de l’Assemblée organise, pour sa part et par
des procédures spécifiques, l’élection de ces personnalités et la
participation des membres de l’Assemblée à ces élections
.
Seul le Règlement de l’Assemblée dispose (article 40.11, article
41.b, procédure pour les élections par l’Assemblée parlementaire) que
ce sont les membres de l’Assemblée qui sont appelés à voter et prennent
part à l’élection de ces personnalités. Cela explique la raison
pour laquelle le droit de participer à de telles élections, parce
qu’il relève du droit de vote individuel des membres de l’Assemblée,
a été considéré au nombre des droits dont la suspension ou la privation
pouvait être envisagée en application de l’article 10.1.c
.
29. Dans son avis de 2018, la commission relevait qu’un changement
d’approche était motivé par la nécessité de renforcer la cohérence
des règles qui s’appliquent au Comité des Ministres et à l’Assemblée parlementaire
s’agissant de la représentation et de la participation des États
membres dans les deux organes statutaires. La commission constatait
que, conformément au principe de la hiérarchie des normes juridiques, bien
que le Règlement de l’Assemblée ne contredit, dans aucune de ses
dispositions, ni le Statut du Conseil de l'Europe ni la Convention
européenne des droits de l'homme, l’application qui en est faite
ou l’interprétation qui en est donnée ne devaient aller à l’encontre
ni de la lettre ni de l’esprit de dispositions statutaires ou conventionnelles.
30. Ainsi, la commission concluait que l’Assemblée n’avait pas
compétence pour interférer avec l’application du Statut du Conseil
de l'Europe ou de la Convention européenne des droits de l'homme
et, qu’en conséquence, lorsqu’elle décide de mesures de privation
ou de suspension de certains droits de participation ou de représentation
aux activités de l’Assemblée et de ses organes (article 10.1.c du
Règlement), elle ne pouvait pas porter atteinte aux droits de ses
membres de prendre part à l’élection des juges à la Cour européenne
des droits de l'homme, du/de la Commissaire aux droits de l’homme,
du/de la Secrétaire Général(e), du/de la Secrétaire Général(e) adjoint(e)
du Conseil de l'Europe et du/de la Secrétaire Général(e) de l’Assemblée
parlementaire.
4. Suspension
ou privation de certains droits de représentation et de participation
– rappel de la proposition formulée par la commission
31. Dans le (premier) rapport qu’elle
a soumis à l’Assemblée lors de la partie de session d’octobre 2018
sur «Renforcer le processus décisionnel de l'Assemblée parlementaire
concernant les pouvoirs et le vote», la commission, en ayant à l’esprit
ce cadre juridique et réglementaire spécifique, invitait l’Assemblée
à décider que «la privation ou la suspension de certains droits
de participation ou de représentation aux activités de l’Assemblée
et de ses organes, énoncée à l’article 10.1.c du Règlement, ne porte
pas atteinte aux droits des membres de l’Assemblée de prendre part
à l’élection des juges à la Cour européenne des droits de l'homme, du/de
la Commissaire aux droits de l’homme, du/de la Secrétaire Général(e)
et du/de la Secrétaire Général(e) adjoint(e) du Conseil de l'Europe
et du/de la Secrétaire Général(e) de l’Assemblée parlementaire»
(paragraphe 9 du projet de résolution)
.
32. L’exposé des motifs de ce rapport précise, en effet, que «bien
que la compétence élective de l’Assemblée relève, dans les faits,
de textes d’une valeur juridique différente – du Statut du Conseil
de l'Europe pour le/la Secrétaire Général(e), le/la Secrétaire Général(e)
adjoint(e) et le/la Secrétaire Général(e) de l’Assemblée parlementaire,
de la Convention européenne des droits de l'homme pour l’élection
des juges, et d’une résolution du Comité des Ministres pour le Commissaire
aux droits de l’homme –, le fait que les procédures de sélection
des candidats et de leur élection relèvent d’une compétence conjointe
(ou à tout le moins partagée) avec le Comité des Ministres, devrait
amener l’Assemblée à exclure du champ des droits de participation
susceptibles d’être suspendus le droit d’élire ces personnalités».
33. Au cours de discussions antérieures, la commission avait considéré
qu’il n’était pas opportun d’introduire formellement dans le Règlement
un catalogue de «sanctions». De l’aveu même de la commission, la
liste des droits de participation et de représentation des membres
aux activités de l’Assemblée et de ses organes pouvant faire l’objet
d’une suspension ou d’une privation dans le contexte d’une contestation
des pouvoirs ne peut être exhaustive. Toutefois, la commission pourrait,
dans le projet de résolution, formuler le principe que l’Assemblée
ne peut introduire d’autres sanctions que celles mentionnées dans
cet avis de 2014, complété par l’avis de 2018.
34. Toutefois, depuis lors, le Comité des Ministres a adopté,
lors de sa 129e Session ministérielle,
une décision mentionnée ci-dessus, stipulant notamment que les États
membres du Conseil de l'Europe sont «autorisés à participer sur
un pied d’égalité dans les deux organes statutaires du Conseil de
l’Europe». Cette décision soutient l'approche adoptée par l'Assemblée
dans sa
Résolution 2277
(2019), dans laquelle elle a décidé que «l’adhésion au Conseil
de l’Europe entraîne l’obligation pour tous les États membres de
participer aux deux organes statutaires» (voir paragraphes 10 et
11 ci-dessus).
35. Afin de garantir la cohérence du cadre juridique interne de
l’Organisation, l’Assemblée, dans ses décisions, doit continuer
à respecter le Statut du Conseil de l’Europe et tenir dûment compte
des décisions prises par le Comité des Ministres. Par conséquent,
compte tenu de la Décision du Comité des Ministres sur «Une responsabilité
partagée pour la sécurité démocratique en Europe – Garantir le respect
des droits et obligations, principes, normes et valeurs» et afin
d'assurer le respect du droit et de l'obligation des États membres
d'être représentés et de participer aux deux organes statutaires
du Conseil de l'Europe, la commission pourrait décider de proposer
que l'Assemblée intègre dans son Règlement une disposition formelle
à l'article 10.1 suivant laquelle les droits de vote, de parole
et de représentation des membres à l'Assemblée et dans ses organes
ne peuvent être suspendus ou retirés dans le cadre d'une contestation
ou d'un réexamen des pouvoirs.
36. Je voudrais noter que cette proposition reflète certaines
contributions à la réflexion de la commission ad hoc du Bureau (paragraphe
2) qui ont rappelé que l’Assemblée était un espace commun de dialogue
entre les parlementaires issus des États membres du Conseil de l’Europe,
et que l'Assemblée ne pouvait rester un forum de dialogue ouvert
et constructif qu’à la condition de garantir à tous les représentants
des droits égaux en ce qui concerne la participation aux réunions,
le droit de parole et le droit de vote.
37. À la lumière des considérations qui précèdent et afin de tenir
compte des décisions de l'Assemblée elle-même ainsi que de la décision
d'Helsinki du Comité des Ministres, je voudrais demander à la commission
de soutenir l'introduction de cette option dans le projet de résolution
proposé.
5. Introduire
une procédure de contestation des pouvoirs de membres individuels
38. La question de la contestation
des pouvoirs non pas d’une délégation dans son ensemble, mais d’un
ou plusieurs membres individuels, a été à nouveau récemment évoquée
lors des réunions de la commission du Règlement.
39. La commission a eu l’occasion ces dernières années de discuter
de l’opportunité de modifier le Règlement s’agissant de donner suite
à une demande de contestation des pouvoirs non encore ratifiés,
pour des raisons formelles, de membres de l’Assemblée, pris individuellement,
dans le contexte de l'article 7, plus particulièrement afin de sanctionner
les actes ou les paroles de membres lorsque ceux-ci violent gravement
et avec persistance les principes et les valeurs défendues par le
Conseil d’Europe
.
40. À l’occasion d’une contestation des pouvoirs intervenue en
janvier 2013
, la commission du Règlement avait
souligné les limites du Règlement actuel, puisque, en pratique,
seul le refus d’un membre de signer une déclaration solennelle l’exposerait
à voir ses pouvoirs contestés à titre individuel
.
La commission avait considéré que «le libellé actuel de l’article
7.1.c ne permet pas de contester les pouvoirs d’un membre individuel
de manière effective, en particulier s’agissant de sanctionner un
membre du fait de ses actions ou de ses déclarations lorsque celles-ci
sont gravement contraires et portent atteinte de manière persistante
aux principes et valeurs défendus par le Conseil de l'Europe».
41. Dans un rapport de 2005, la commission du Règlement avait
déjà examiné la question de la contestation des pouvoirs à titre
individuel et analysé en détail les arguments plaidant en faveur
ou contre l’introduction d’une procédure visant à empêcher les membres
de parlements nationaux qui se seraient expressément identifiés
aux activités et aux programmes de partis opposés aux valeurs du
Conseil de l’Europe de devenir représentants ou suppléants à l’Assemblée
parlementaire
.
42. Dans la
Résolution
1443 (2005) sur la contestation des pouvoirs de membres d'une délégation
nationale auprès de l’Assemblée parlementaire, à titre individuel,
pour des raisons substantielles, l’Assemblée avait alors considéré
que «l’adoption de nouvelles dispositions réglementaires permettant
de (…) contester à titre individuel les pouvoirs de parlementaires
nationaux accusés d’activités ou de déclarations violant avec persistance
les principes fondamentaux du Conseil de l’Europe, présenterait
un risque d’abus. L’Assemblée n’a nullement intérêt à devenir le
théâtre de luttes politiques internes». Elle avait alors décidé
d’insérer dans son Règlement une disposition précisant que les pouvoirs
des membres d’une délégation nationale ne peuvent être acceptés
qu’après la signature d’une déclaration solennelle de chacun d’entre
eux, à titre individuel, affirmant leur adhésion aux objectifs et
aux principes fondamentaux du Conseil de l'Europe (la
Résolution 1503 (2006) sur l’obligation des nouveaux membres de l’Assemblée
par rapport aux objectifs et principes fondamentaux du Conseil de
l'Europe est venue ajouter un article 6.2.b en ce sens).
43. En 2005-2006, la commission du Règlement avait donc considéré
que la contestation des pouvoirs à titre individuel, pour des motifs
politiques, risquait de présenter un risque d’abus à des fins de
luttes politiciennes, soit internes – entre les partis politiques
représentés au parlement national, voire de règlements de compte
personnels – soit au niveau de l’Assemblée, en ouvrant la possibilité
de prolonger sur le plan procédural des controverses politiques
(entre groupes politiques, entre représentants de délégations différentes,
etc.); la commission avait jugé que «l’Assemblée n’a aucun intérêt
à devenir le champ clos de pareils affrontements».
44. La commission du Règlement pourrait juger utile d’examiner
une fois encore la possibilité de modifier le Règlement en instituant
une procédure de contestation de pouvoirs de représentants ou de
suppléants à titre individuel
. Toutefois, il est bon de rappeler
que le code de conduite des membres de l’Assemblée parlementaire
et son mécanisme de sanctions sont susceptibles de s’appliquer aux
membres qui enfreindraient par leur comportement, leurs actions
ou déclarations, leurs obligations en la matière (paragraphe 7 du
Code de conduite).
6. Dérogation
temporaire à l’application de certaines dispositions du Règlement
45. Si l’Assemblée souhaite prendre
en compte la décision du Comité des Ministres à Helsinki, ainsi
que le contexte exceptionnel qui a conduit à celle-ci, elle devrait
alors inviter les parlements des États membres du Conseil de l'Europe
qui ne sont pas représentés par une délégation à l’Assemblée à présenter
les pouvoirs de leurs représentants et suppléants dans le courant
de la partie de session de l’Assemblée de juin 2019. Pour ce faire,
compte tenu des dispositions du Statut du Conseil de l'Europe et
de son propre Règlement, qui stipulent que les pouvoirs des délégations
parlementaires nationales doivent être déposés avant l’ouverture de
la Session Ordinaire pour ratification, l’Assemblée doit décider
de déroger à l’application de certains articles: articles 6.1 (dernière
phrase) et 6.3, relatifs à la transmission des pouvoirs des délégations
nationales au/à la Président(e) de l’Assemblée et à leur ratification
par l’Assemblée, et article 11.3 relatif aux désignations à la suite
d’élections législatives.
46. Dans le passé, l’Assemblée a pris de telles décisions ad hoc,
qui dérogeaient à son Règlement, dans des circonstances politiques
exceptionnelles. Tel a été le cas lors de la réintégration de la
Grèce au Conseil de l'Europe en novembre 1974: après sept ans d’absence
de l’Assemblée (depuis avril 1967), suite au coup d'État militaire
et à l’instauration de la Dictature des colonels, et sur la base
de l’avis que l’Assemblée avait adopté à la demande du Comité des
Ministres (
Avis 69 (1974)), l’Assemblée ratifia les pouvoirs d’une nouvelle délégation
grecque en janvier 1975 (au cours de la troisième partie de session).
Il en a été de même pour la Turquie, dont la délégation a été suspendue
en mai 1981 et a fait son retour en janvier 1984 (lors de la troisième
partie de session). Dans un contexte très différent, l’Assemblée
a dérogé en de nombreuses occasions aux conditions de présentation
des pouvoirs à l’ouverture de sa Session Ordinaire, afin d’intégrer au
plus vite les délégations parlementaires des nouveaux États membres
.
7. Conclusions
47. La commission du Règlement
est invitée à examiner les questions soulevées dans le présent rapport
et à examiner l’opportunité:
- d’inviter
les parlements des États membres du Conseil de l'Europe qui ne sont
pas représentés par une délégation à l’Assemblée à présenter les
pouvoirs de leurs représentants et suppléants dans le courant de
la partie de session de l’Assemblée de juin 2019, par dérogation
aux articles 6.1 (dernière phrase) et 6.3 du Règlement, relatifs
à la transmission des pouvoirs des délégations nationales au/à la
Président(e) de l’Assemblée et à leur ratification par l’Assemblée,
et à l’article 11.3 relatif aux désignations à la suite d’élections
législatives;
- de modifier l’article 10 du Règlement, s’agissant de clarifier
la portée des sanctions encourues par les membres des délégations
dont les pouvoirs ont été ratifiés mais dont l’exercice de certains
droits de participation ou de représentation aux activités de l’Assemblée
a été suspendu ou retiré;
- d’instaurer une procédure de contestation des pouvoirs
des membres à titre individuel.