1. Introduction
1.1. Procédure
et mandat
1. Le présent rapport se fonde
sur une proposition de résolution déposée par notre ex-collègue
M. Philippe Mahoux (Belgique, SOC) et d’autres membres de l’Assemblée
le 30 juin 2017 (
Doc. 14381) et renvoyée à la commission des questions juridiques
et des droits de l’homme pour rapport le 13 octobre 2017. La commission m’a
nommé rapporteur le 12 décembre 2017. Lors de sa réunion du 25 janvier
2018, la commission s’est entretenue avec M. Jan Helgesen, membre
de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise). Elle a tenu une audition le 23 mai 2018 avec la participation
de M. Tryggvi Gunnarsson, ombudsman de l’Althing (Islande), et de
Mme Catherine De Bruecker, Médiatrice
fédérale de Belgique et vice-présidente pour la région européenne
du conseil d’administration de l’Institut International de l’Ombudsman.
Enfin, lors de sa réunion du 29 mai 2019, dans le sillage de l’adoption
le 15 mars 2019 des Principes sur la protection et la promotion
de l’institution du médiateur (Principes de Venise) par la Commission de
Venise, la commission s’est entretenue avec M. Igli Totozani, ancien
Avocat du peuple d’Albanie et expert à la Commission de Venise.
1.2. Enjeux
2. La proposition de résolution
demande à l’Assemblée parlementaire de renforcer les institutions
du médiateur dans les États membres du Conseil de l’Europe par l’établissement
et la promotion d’une série de principes inspirés par les Principes
concernant le statut des institutions nationales pour la promotion
et la protection des droits de l’homme (les «Principes de Paris»),
en tenant compte de l’importance de l’action des institutions du
médiateur et de leurs caractéristiques propres, en coopération étroite
avec la Commission de Venise.
3. Il existe 140 institutions du médiateur dans le monde. Comme
l’indique la proposition de résolution, elles sont chargées de protéger
les personnes contre la mauvaise administration et ont un rôle essentiel
à jouer dans la défense des droits de l’homme, la consolidation
de la démocratie et la promotion de l’État de droit. Ces institutions
doivent donc avoir un mandat étendu, mais clairement défini, et
être régies par les principes d’indépendance, d’impartialité et
de neutralité. Le Conseil de l’Europe a constamment promu la création
et le renforcement des institutions du médiateur. Dans sa
Recommandation 757 (1975) et sa
Recommandation 1615
(2003), l’Assemblée a souligné l’importance des institutions
du médiateur et a invité les États membres à mettre en place de
telles institutions, en insistant dans la deuxième sur les caractéristiques
essentielles du médiateur modèle. Dans sa
Résolution 1959 (2013) «Renforcer l’institution du médiateur en Europe»
, l’Assemblée a par ailleurs appelé
les États membres qui ont créé des institutions de médiateur à veiller
à ce que celles-ci satisfassent à un certain nombre de critères,
en particulier sur le plan de l’indépendance et de l’impartialité,
de la procédure de nomination, de leur mission et de leur accès.
Le Comité des Ministres a adopté divers textes sur la question de
la protection des personnes contre la mauvaise administration, notamment
sur la protection de l’individu vis-à-vis des actes des autorités
administratives; la
Recommandation n° R (80)
2 concernant l’exercice des pouvoirs discrétionnaires
de l’administration; la
Recommandation
n° R (85) 13 relative à l’institution de l’
ombudsman;
la
Recommandation
n° R (97) 14 relative à l’établissement d’institutions nationales
indépendantes pour la promotion et la protection des droits de l’homme;
la
Recommandation
n° R (2000) 10 sur les codes de conduite pour les agents publics; et
la
Recommandation
CM/Rec(2007)7 relative à une bonne administration et la Recommandation
CM/Rec(2018)11 sur la nécessité de renforcer la protection et la
promotion de l'espace dévolu à la société civile en Europe. Le Comité
directeur pour les droits de l'homme (CDDH) du Conseil de l'Europe
travaille actuellement à un projet de recommandation du Comité des
Ministres sur le développement de l’institution du médiateur et
à une compilation des bonnes pratiques nationales.
4. En outre, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux a appelé
à l’établissement et à l’échange de bonnes pratiques entre les institutions
du médiateur aux échelons national, régional et local dans sa
Recommandation
61 (1999) sur le rôle des médiateurs/ombudsmans locaux et régionaux
dans la défense des droits des citoyens et ses
Recommandation 309 (2011) et
Résolution
327 (2011) sur la fonction de l’ombudsman et les pouvoirs locaux
et régionaux. La Commission de Venise a publié divers avis et recommandations
sur les institutions du médiateur, dont une compilation a été adoptée
en février 2016 (
CDL-PI(2016)001). Le Commissaire aux droits de l’homme est par ailleurs
mandaté pour faciliter les activités des institutions nationales
du médiateur et autres structures de défense des droits de l’homme.
5. Les
Principes
concernant le statut des institutions nationales pour la promotion
et la protection des droits de l’homme (les «Principes de Paris»), adoptés par l’Assemblée
générale des Nations Unies en 1993
, définissent
les normes minimales applicables à l’établissement et au fonctionnement
des institutions nationales des droits de l’homme (INDH), afin de
veiller notamment à ce que ces institutions soient indépendantes
et aient un mandat clairement défini sur la base des normes universelles
des droits de l’homme. À l’époque où la proposition de résolution
a été déposée, il n’existait pas au niveau international de principes équivalents
spécifiquement applicables aux institutions du médiateur. Alors
que je préparais mon rapport, la Commission de Venise a commencé
à rédiger ses Principes sur la protection et la promotion de l’institution
du médiateur, en liaison avec de grandes institutions internationales
travaillant dans ce domaine, notamment le Commissaire aux droits
de l’homme du Conseil de l’Europe, le CDDH, l’Institut International
de l’Ombudsman (IIO) et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux
droits de l’homme. Cet instrument, également appelé «Principes de
Venise», a été adopté par la Commission de Venise le 15 mars 2019
.
Il a été approuvé par le Comité des Ministres lors de la 1345e réunion
des Délégués des Ministres à Strasbourg, le 2 mai 2019, et sera probablement
approuvé par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux dans un
très proche avenir. Les Principes sur la protection et la promotion
de l’institution du médiateur énoncent 25 principes portant sur l’indépendance
du médiateur, les caractéristiques de son mandat, ses attributions,
ses compétences et son obligation de rendre des comptes, ainsi que
les conditions d’accès à l’institution.
6. L’histoire et l’évolution des institutions du médiateur dans
les États membres du Conseil de l’Europe ont déjà été abondamment
décrites dans le rapport de notre ancien collègue, M. Jordi Xuclà,
sur le renforcement de l’institution du médiateur en Europe
. Nous nous bornerons par conséquent
ici à définir le but et le rôle des institutions du médiateur, en
examinant le modèle «classique» et le modèle «droits de l’homme»
et analyserons la teneur et la pertinence des «Principes de Paris»
sur les institutions nationales des droits de l’homme. Nous examinerons
ensuite plus en détail les Principes de Venise, à la lumière d’exemples
concrets de menaces qui pèsent sur l’institution du médiateur et
identifierons l’importance de ces principes pour les institutions
du médiateur. Pour conclure, nous formulerons un certain nombre
de propositions de travaux que le Conseil de l’Europe pourrait consacrer
à l’avenir à cette question.
2. Les institutions du médiateur
2.1. Définition
et rôle
7. L’institution du médiateur
se définit dans sa forme classique comme «une fonction prévue par
la Constitution ou par l’action du législateur ou du parlement et
dirigée par un agent public de haut niveau indépendant, responsable
devant le législateur ou le parlement, qui reçoit les plaintes de
personnes lésées par les services, les agents et les employés de
l’administration ou agit de sa propre initiative et qui a le pouvoir d’enquêter,
de recommander des mesures réparatrices et de publier des rapports»
.
8. Dans ce modèle classique, l’institution du médiateur a avant
tout le pouvoir d’enquêter sur les plaintes relatives à la mauvaise
administration des autorités du secteur public. La «mauvaise administration»
au sens large englobe les infractions à la législation, ainsi que
des formes de comportements comme le retard excessif, le fait de
ne pas communiquer une information, l’impolitesse ou l’insensibilité
. La Charte des droits fondamentaux
de l’Union européenne reconnaît expressément à la bonne administration
la qualité de droit fondamental dans son article 41: «toute personne
a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement
et dans un délai raisonnable». Le principe de la bonne administration
englobe les principes de légalité, égalité, impartialité, proportionnalité,
sécurité juridique, prise de mesure dans un délai raisonnable, participation,
respect de la vie privée et transparence
. Les institutions
du médiateur jouent par conséquent un rôle important dans l’amélioration
de la responsabilité démocratique.
9. À l’heure actuelle, les institutions classiques du médiateur
assument des rôles additionnels, comme la liberté de l’information,
la protection de la vie privée, la protection de l’enfance, la lutte
contre la corruption et le suivi des services de santé, ce qui peut
leur conférer une compétence dans certains domaines du secteur privé.
Bien que les institutions classiques du médiateur envisagées selon
une définition étroite n’aient pas expressément de mandat pour les
droits de l’homme, leur action peut de plus en plus être amenée
à assurer le règlement de plaintes qui présentent des aspects relatifs
aux droits de l’homme
. Dans le contexte européen actuel, la quasi-totalité
des institutions du médiateur recourent aux normes des droits de
l’homme, parallèlement à d’autres sources normatives
. Comme les principes des droits de l’homme
imprègnent de plus en plus la vie publique, il est de plus en plus
admis que le respect et la protection des droits de l’homme fassent
partie de la bonne administration.
10. Les institutions du médiateur des droits de l’homme ont expressément
pour mandat de protéger et, de plus en plus, de promouvoir les droits
de l’homme. Ces institutions peuvent également recevoir des mandats supplémentaires,
comme l’attribution classique d’enquêter sur la mauvaise administration
ou d’assurer la protection de l’environnement. En outre, certaines
institutions du médiateur des droits de l’homme tiennent lieu d’organes
de prévention et de suivi des droits de l’homme, comme l’exigent
les traités relatifs aux droits de l’homme et le droit non contraignant
des Nations Unies
,
ainsi que le droit de l’Union européenne
.
Outre les compétences non contraignantes classiques d’enquête, de
recommandation et de rapport du médiateur, de nombreuses institutions
du médiateur des droits de l’homme se voient conférer des attributions supplémentaires,
comme la capacité d’engager une action devant les tribunaux, d’engager
des poursuites et de procéder à l’inspection et au contrôle des
centres de détention
.
11. Des institutions thématiques ou spécialisées du médiateur
ont également été créées, notamment celles qui reçoivent expressément
mandat pour les droits de l’homme, comme les institutions du médiateur
pour la protection de l’enfance et de l’égalité, et celles qui sont
dépourvues d’un tel mandat, comme les institutions du médiateur
des forces de la défense, des services de police et des prisons.
12. Les États disposent d’une marge d’appréciation étendue dans
le choix du modèle de l’institution du médiateur
, étant entendu qu’il n’existe aucun
modèle normalisé. En Europe, les États comptent parfois plus d’un
médiateur, chacun d’eux s’occupant alors d’un domaine spécifique,
et des médiateurs régionaux et/ou locaux, comme en Suède. D’autre
part, les États peuvent également opter pour le modèle d’un médiateur général
doté d’attributions universelles, comme c’est le cas en France,
où le Défenseur des droits est cependant assisté de quatre adjoints
compétents à chaque fois dans un domaine propre.
13. Selon la Commission de Venise, le modèle le plus courant est
celui «d'un fonctionnaire indépendant qui joue un rôle primordial
d'intermédiaire entre la population et l'administration centrale
et locale, et qui jouit de compétences d'enquête et d'accès à l'information
pour suivre les activités de l'administration et adresser à celle-ci
des recommandations sur la base du droit et de l'équité au sens
large, pour lutter contre des violations des droits de l'homme et
des cas d'abus administratifs et y remédier»
.
Aux fins du présent rapport, les termes «institution du médiateur»
et «médiateur» englobent tous les cas précités, indépendamment de
la terminologie variable employée par les États membres du Conseil
de l’Europe.
14. «L’indépendance du médiateur est l’un des principes fondamentaux
de cette institution»
. Comme il ressort de la définition
de l’institution du médiateur, le principal facteur de son bon fonctionnement
est son indépendance à l’égard du pouvoir exécutif. L’indépendance
du médiateur est triple: institutionnelle, personnelle et fonctionnelle.
L’institution du médiateur doit non seulement être indépendante,
mais aussi être perçue comme telle. Les citoyens doivent avoir confiance
dans l’existence d’un médiateur indépendant, capable de demander
des comptes au gouvernement et à l’administration, et qu’ils peuvent
saisir d’une plainte sans crainte de représailles. L’institution
du médiateur doit en outre être impartiale et neutre.
2.2. Les
institutions nationales des droits de l’homme (INDH)
15. Les Nations Unies définissent
l’institution nationale des droits de l’homme comme «un organe établi,
soit par un gouvernement en vertu de la Constitution, soit par la
loi ou par décret, dont les fonctions sont spécialement conçues
pour promouvoir et protéger les droits de l’homme»
. Ce terme englobe les institutions du
médiateur, bien que toutes ces institutions ne soient pas des INDH.
16. Les
Principes
concernant le statut des institutions nationales pour la promotion
et la protection des droits de l’homme établis à l’occasion de l’Atelier international des
Nations Unies sur les institutions nationales pour la promotion
et la protection des droits de l’homme et adoptés par l’Assemblée
générale en 1993 définissent les normes minimales de l’établissement
et du fonctionnement des INDH. Les Principes de Paris énumèrent les
caractéristiques essentielles d’une INDH: indépendance vis-à-vis
du gouvernement; mandat étendu de promotion et de protection des
droits de l’homme, établi par la Constitution ou la législation;
représentation pluraliste de la société dans le choix des membres
de commissions; et ressources financières et humaines suffisantes
.
17. Les Principes de Paris sont uniquement applicables aux institutions
nationales du médiateur des droits de l’homme, les autres institutions
du médiateur étant toutes exclues de la définition d’une INDH. Les institutions
classiques et thématiques du médiateur ne sont de ce fait pas considérées
comme des INDH, et ne peuvent donc être pleinement conformes avec
les Principes de Paris. En outre, au sein d’un même État, il est
pratiquement impossible que plus d’une INDH obtienne l’accréditation
de l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de
l’homme (GANHRI). De ce fait, un certain nombre d’institutions nationales du
médiateur des droits de l’homme ne peuvent obtenir d’accréditation.
18. Par ailleurs, les Principes de Paris ne reflètent pas de manière
satisfaisante la structure, les compétences et les activités relatives
aux droits de l’homme des institutions classiques du médiateur.
Ils considèrent en effet l’instruction des plaintes comme une compétence
facultative des INDH, alors que ce devrait être une composante essentielle
du mandat de l’institution du médiateur
. Par conséquent, les Principes de
Paris ne prévoient pas un cadre pertinent suffisant pour la réglementation
des institutions du médiateur. Il convient donc d’autant plus de
se féliciter que la Commission de Venise ait adopté ses «Principes de
Venise».
2.3. Exemples
de menaces pesant sur les institutions du médiateur
19. Les médiateurs sont exposés
dans de nombreux pays à des menaces et attaques en raison de leur
rôle dans la lutte contre la mauvaise administration et dans la
protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Les agressions peuvent parfois être mortelles (comme cela a été
le cas pour le médiateur mexicain de la Baja California, M. Silvestre
de la Toba Camacho, assassiné en 2017).
20. Même si la situation n’est pas aussi dramatique dans les États
membres du Conseil de l’Europe, on a observé chez certains d’entre
eux des ambivalences à l’égard de l’institution du médiateur et
des tentatives faites pour discréditer le médiateur ou restreindre
ses pouvoirs. Quelques exemples: projets de modification de la loi
visant à affaiblir l’institution (Croatie
), menaces d’annulation de la nomination
du médiateur (Ukraine
), réductions du budget
du médiateur (Pologne
), demandes d’audit
injustifiées (Chypre
), refus d’accès
à des dossiers ou informations (en Croatie, la police des frontières
a récemment refusé de laisser la médiatrice consulter des dossiers,
ce qui constitue clairement une violation de ses attributions
;
à Malte, la Commission de Venise a constaté un «refus généralisé
de l’administration de communiquer à l’Ombudsman les informations
dont il a besoin pour accomplir sa mission»
), rejet du rapport annuel du médiateur
par le parlement (Croatie, 2016
), déclarations publiques de
personnalités politiques critiquant le médiateur (France
, Géorgie,
Serbie
, Pologne
ou République slovaque
) ou actions indûment intentées en justice (Pologne
). Faute de consensus politique,
l’élection du médiateur espagnol est en souffrance depuis près de deux
ans à présent, et son suppléant est en fonction depuis 2017; la
même chose s’est produite récemment en Grèce. En République tchèque,
l’élection récente du suppléant du médiateur a été controversée,
car il était considéré comme trop proche des autorités
. Les institutions
du médiateur sont particulièrement visées dans les pays en transition
démocratique. Mais même dans des pays à la longue tradition démocratique,
ces institutions sont encore en butte à des difficultés et à des
menaces. L’IIO a par exemple fait état de cas de prolifération d’institutions
dotées de mandats thématiques empiétant sur les pouvoirs du médiateur
et diluant ainsi le contrôle démocratique (Royaume-Uni et Belgique);
de restrictions de ses compétences, excluant par exemple des domaines
essentiels des activités de l’administration (Irlande); ou d’exclusions
de compétences dans certains domaines de l’activité administrative
par suite de privatisations (Autriche, Belgique, Irlande, Pays-Bas
et Royaume-Uni).
3. Les
«Principes de Venise»
3.1. Observations
générales
21. Le préambule des Principes
de Venise rappelle qu’il existe des institutions du médiateur à
plusieurs niveaux (national, régional ou local), dotées de compétences
différentes. Les principes fondamentaux de l’institution du médiateur
(indépendance, objectivité, transparence, équité et impartialité)
peuvent être réalisés par le biais de différents modèles.
22. Le préambule définit le médiateur comme «une institution qui
agit en toute indépendance, contre les abus administratifs et les
violations alléguées des droits de l’homme et des libertés fondamentales
que subissent les personnes physiques ou morales». Le droit de saisir
le médiateur «s’ajoute au droit d’avoir accès à la justice par le
biais des tribunaux». Le médiateur peut aussi «jouer un rôle important
dans la protection des défenseurs des droits de l’homme». Le premier
principe précise que l’institution du médiateur «a un rôle important
à jouer dans le renforcement de la démocratie, de la prééminence
du droit, de la bonne administration et de la protection et de la
promotion des droits de l’homme et des libertés fondamentales».
23. Le principe 24 évoque le cas où l’institution du médiateur
serait soumise à des menaces, son travail serait entravé, ou encore
l’État lui-même agirait directement ou indirectement pour le dissoudre.
Il indique clairement que «les États s’abstiennent de prendre toute
mesure visant ou résultant à supprimer l’institution du médiateur
ou à entraver son fonctionnement efficace, et protègent efficacement
l’institution contre toute menace de cette nature».
24. Les Principes de Venise «doivent être lus, interprétés et
utilisés afin de consolider et de renforcer les pouvoirs de l’institution
du médiateur» (première phrase du principe 25), ce qui veut dire
qu’ils peuvent constituer une importante source d’interprétation
dans les affaires concernant le mandat et le fonctionnement d’une
institution du médiateur. «Compte tenu des différents types, systèmes
et statuts juridiques des institutions du médiateur et de leur personnel,
les États membres sont invités à prendre toutes les mesures nécessaires,
y compris des ajustements constitutionnels et autres ajustements
législatifs, afin de mettre en place des conditions adéquates qui
renforcent et développent les institutions du médiateur ainsi que
leur pouvoir, leur indépendance et leur impartialité dans l’esprit
et conformément aux Principes de Venise et, de ce fait, à garantir
leur mise en œuvre appropriée, opportune et effective», précise
par ailleurs la seconde phrase du principe 25.
3.2. Garanties
constitutionnelles relatives à l’institution du médiateur
25. Afin de protéger les institutions
indépendantes du médiateur «des aléas de la politique», la Commission de
Venise a précédemment souligné qu’il importait de garantir l’existence
et les principes fondamentaux de l’activité de ces institutions
dans la Constitution
.
26. Dans un certain nombre d’États, les institutions du médiateur
ont été créées par la législation ordinaire, et non pas dans un
texte de rang constitutionnel. Il peut en effet arriver que cette
législation ait été adoptée à une époque où l’importance du rôle
des institutions du médiateur n’était pas aussi clairement admise qu’aujourd’hui.
Cette situation peut également s’expliquer par les difficultés que
présente la révision de la Constitution dans de nombreux États.
Toutefois, il est préférable que la Constitution garantisse les
institutions du médiateur, ses caractéristiques et son fonctionnement
étant traités au niveau de la loi. Cette idée se retrouve dans le
principe 2, qui réaffirme que «l’institution du médiateur, y compris
son mandat, doit avoir une solide assise juridique, de préférence
au niveau constitutionnel».
27. Mais il ne faut pas qu’une formulation trop restrictive des
dispositions constitutionnelles fasse obstacle au développement
raisonnable de l’institution du médiateur. En particulier, les garanties
constitutionnelles relatives aux institutions nationales du médiateur
ne devraient pas empêcher la création d’institutions locales, régionales,
ou spécialisées.
3.3. Choix
du modèle et organisation interne
28. La Commission de Venise a déjà
indiqué qu’un État «dispose d’une ample marge d’appréciation dans l’organisation
de ses dispositifs institutionnels, qui dépendent dans une large
mesure du contexte national. Un médiateur unique peut mieux convenir
à certaines phases du développement démocratique d’un État, un système
à plusieurs médiateurs à d’autres»
. En ce qui concerne
la spécialisation d’une institution du médiateur, il est possible
de créer une section spéciale en son sein et/ou de nommer un médiateur
adjoint chargé d’un domaine spécifique. La spécialisation des adjoints
peut leur permettre de traiter efficacement les questions qui leur
sont soumises, tandis que le mandat général de l’institution du
médiateur assure la cohérence entre les domaines spécialisés. Bien
que de nombreux États préfèrent nommer des médiateurs régionaux
ou locaux non rattachés à l’institution nationale du médiateur,
il est aussi possible de prendre en compte la taille et la population
du pays dans la création de sections spécialisées au sein d’une
institution unique. Les États ne devraient pas choisir un modèle
ou en changer dans le seul but d’affaiblir l’institution. Pour ce
qui est de l’organisation interne des services, le médiateur doit
être libre de choisir son ou ses adjoints et son personnel, et d’adapter
sa structure et son fonctionnement à ses priorités. Cette souplesse
institutionnelle renforce l’indépendance de l’institution à l’égard
des pressions politiques.
29. Les Principes de Venise réaffirment la marge d’appréciation
dont dispose l’État dans le choix d’un modèle unique ou pluriel
d’institution du médiateur: le principe 4 fait dépendre la décision
«de l’organisation de l’État, de ses particularités et de ses besoins» ;
l’institution peut être «organisée à différents niveaux et avec différentes
compétences». Les États doivent adopter «des modèles entièrement
conformes à ces Principes, qui renforcent l’institution et augmentent
le niveau de protection et de promotion des droits de l’homme et
des libertés fondamentales dans le pays» (principe 5).
30. En ce qui concerne l’organisation interne, le principe 22
réaffirme que l’institution du médiateur peut «comprendre un ou
plusieurs médiateurs adjoints, à désigner par le médiateur». Il
précise aussi qu’elle doit disposer de ressources humaines suffisantes
et d’une structure suffisamment souple, et que le médiateur doit être
en mesure de recruter son personnel.
3.4. Critères
de nomination à la fonction
31. Il importe que les critères
applicables à la fonction des institutions du médiateur ne soient
pas trop restrictifs. Les médiateurs doivent posséder une expérience
et une compétence dans le domaine d’activité de l’institution, bien
que le fait d’être titulaire d’un diplôme universitaire en droit
ne soit pas une condition préalable indispensable; ils doivent jouir
du crédit et du respect du gouvernement et des citoyens, de manière
à renforcer l’efficacité et l’autorité de l’institution. Le Principe
8 précise que les critères de nomination à la fonction de médiateur
«doivent être suffisamment larges pour encourager une grande variété
de candidats adéquats». Une haute considération morale, l’intégrité
et une expertise et une expérience professionnelles appropriées,
y compris dans le domaine des droits de l’homme et des libertés
fondamentales sont autant de critères essentiels à l’exercice de
cette fonction.
32. Il est important pour l’indépendance et l’impartialité des
institutions du médiateur d’éviter toute incompatibilité. Comme
l’a déjà indiqué la Commission de Venise, le médiateur «n’occupera
aucun poste incompatible avec l’accomplissement voulu de sa charge
officielle, avec son impartialité et la confiance du public»
. La fonction serait
incompatible avec une autre fonction ou profession rémunérée, qu’elle
soit publique ou privée, ainsi qu’avec la qualité de membre d’un
parti politique, par exemple
. C’est
pourquoi le principe 9 prévoit que «le médiateur ne peut exercer,
pendant son mandat, des activités politiques, administratives ou
professionnelles incompatibles avec son indépendance ou son impartialité».
De plus, «le médiateur et son personnel sont liés par des codes
d’éthique autoréglementés».
3.5. Élection
33. Le mode de désignation du médiateur
est une garantie essentielle d’indépendance de l’institution. Bien que
ce ne soit pas toujours le cas, la Commission de Venise et l’Assemblée
avaient précédemment recommandé que la procédure de nomination du
médiateur soit celle de l’élection par le parlement à la majorité qualifiée
de l'ensemble des députés
. Ce mode
de désignation confère à l’institution un large socle politique et
social, renforce «l’impartialité, l’indépendance et la légitimité
du médiateur, et contribue à la confiance du public à l’égard de
l’institution»
.
34. Le principe 6 réaffirme que «le médiateur est élu ou nommé
selon des procédures visant à renforcer dans toute mesure du possible
l’autorité, l’impartialité, l’indépendance et la légitimité de l’institution».
Il est de préférence élu par le parlement à une majorité qualifiée
convenable. Le principe 7 précise que les candidats à la fonction
de médiateur doivent être sélectionnés après appel public à candidatures,
et que la procédure doit être publique, transparente, fondée sur
le mérite, objective et prévue par la loi.
3.6. Statut
et immunités
35. Bien qu’il n’existe aucune
norme européenne relative au statut du médiateur, il convient de
conférer systématiquement à cette institution un grade élevé adéquat,
car c’est «l’un des facteurs essentiels qui garantissent l’indépendance
du médiateur vis-à-vis de toute ingérence politique et permettent
à l’institution de fonctionner de manière effective et efficace»
.
Le principe 3 réaffirme que l’institution du médiateur doit avoir «un
rang suffisamment élevé», ce que doit refléter sa rémunération.
Le principe 14 insiste une fois encore sur la nécessité de garantir
l’indépendance de l’institution en prévoyant que «le médiateur ne
reçoit ni ne suit d’instructions de quelque autorité que ce soit».
36. Il importe par ailleurs que les institutions du médiateur
jouissent d’une immunité de fonction
. Cette
idée se retrouve dans le principe 23, qui précise que le médiateur,
les adjoints et le personnel dirigeant doivent jouir d’une immunité
fonctionnelle, c’est-à-dire d’une immunité de juridiction pour leurs
activités et travaux, oraux ou écrits, menés dans l’exercice de
leurs fonctions pour l’institution. Cette immunité fonctionnelle
perdure également après qu’ils ont quitté l’institution.
3.7. Mandat
37. Il importe que la procédure
de révocation de l’institution du médiateur soit aussi rigoureuse
et transparente que pour sa nomination: qu’elle soit prévue par
la loi et qu’elle exige un large consensus parlementaire, sur la
base de critères définis de manière exhaustive par la loi ou la
Constitution. La majorité qualifiée prévue pour la fin du mandat
du médiateur devrait être au moins égale, et de préférence supérieure, à
la majorité qualifiée exigée pour son élection. Après expiration
du mandat du médiateur et avant l’élection d’un nouveau médiateur,
le médiateur sortant devrait rester en fonction jusqu’à la prise
de fonction de son successeur, afin d’éviter toute situation dans
laquelle aucun médiateur ne serait en poste.
38. Ces exigences se retrouvent dans le principe 11: «le médiateur
peut être démis de ses fonctions uniquement conformément à une liste
exhaustive de conditions claires et raisonnables définies par la
loi.» Ces conditions ne portent que sur les critères essentiels
d’«incapacité» ou d’«incapacité d’exercer les fonctions du poste»,
d’«inconduite» ou de «faute», qui doivent être interprétés étroitement.
Il en découle que le médiateur peut être révoqué par décision du
parlement ou, si ce dernier le demande, d’une juridiction. Ce principe n’impose
pas expressément la majorité qualifiée pour la révocation du médiateur,
mais exige au moins la même majorité que pour sa nomination («la
majorité parlementaire requise pour mettre fin aux fonctions du médiateur
— par le parlement lui-même ou par une cour sur demande du parlement
— doit être au moins égale à, et de préférence plus élevée que,
celle fixée pour son élection»). La procédure de révocation doit
être «publique, transparente et prévue par la loi», est-il précisé.
39. La durée du mandat du médiateur n’est soumise à aucune norme
impérative et sa définition incombe en définitive aux pouvoirs publics.
Un mandat de 5 ou 6 ans est jugé suffisamment long. Toutefois, la
Commission de Venise estime préférable que les médiateurs soient
élus pour un mandat unique plus long (de sept ou huit ans), sans
possibilité de réélection. Le principe du mandat unique offre une
garantie d’indépendance de l’institution du médiateur et permet
d’éviter le reproche que les activités ou les recommandations du
médiateur puissent être motivées par le désir d’être réélu.
40. Ces recommandations sont reprises dans le principe 10, qui
indique que «le mandat du médiateur est plus long que le mandat
de l’organe de nomination». Le mandat est de préférence unique,
d’au moins sept ans, sans possibilité de réélection. S’il est renouvelable,
ce doit être une fois seulement.
3.8. Indépendance
budgétaire
41. L’indépendance financière,
qui revêt une importance considérable en ce qui concerne l’indépendance générale
de l’institution du médiateur, pourrait être assurée par une loi
prévoyant que les institutions du médiateur soumettent une proposition
de budget aux autorités gouvernementales chargées de la présentation du
budget national au parlement et que cette proposition doit être
reprise dans le budget national sans modification. Tout en admettant
que les moyens financiers accordés au service du médiateur ne peuvent
être illimités ni augmenter considérablement hors du cadre de la
discipline des dépenses publiques de l’État membre concerné, il
importe néanmoins que le niveau général du budget reste stable d’année
en année, qu’il augmente globalement conformément aux dépenses publiques
et, surtout, que les dépenses effectuées dans la limite convenue
soient définies par les services du médiateur et ne soient soumises
à aucun organe extérieur qui en définira les priorités. La Commission
de Venise a déjà indiqué qu’en tout état de cause, «l'affectation
de crédits de fonctionnement doit être suffisante pour assurer l'exercice
effectif, indépendant et efficace des responsabilités et des fonctions
de l'institution», sur la base d’indicateurs tels que le nombre
de plaintes déposées auprès de l’institution au cours de l’année
précédente
.
42. Le principe 21 reflète ces considérations en précisant que
«des ressources budgétaires indépendantes et suffisantes doivent
être garanties à l’institution du médiateur». D’autre part, «la
loi doit indiquer que les fonds alloués permettent au médiateur
de s’acquitter pleinement, indépendamment et effectivement de ses responsabilités
et de ses fonctions». Le médiateur doit être consulté sur la préparation
de son budget, et invité à présenter un projet de budget pour l’exercice
budgétaire suivant. Le budget adopté pour l’institution ne doit pas
être réduit pendant l’exercice budgétaire sauf si la réduction s’applique
de manière générale aux institutions publiques. La dernière phrase
du principe 21 ajoute que l’audit financier du budget du médiateur doit
être indépendant et «ne doit tenir compte que de la légalité des
procédures financières et non du choix des priorités dans l’exécution
du mandat».
3.9. Compétences
et attributions
43. Les médiateurs doivent avoir
la capacité de contrôler les actes de l’exécutif (à l’exception
des questions relatives au fonctionnement interne du gouvernement),
y compris du Premier ministre ou du Président, sauf si leurs activités
présentent un caractère politique ou exceptionnel, comme une déclaration
de guerre. «Seules les décisions «politiques» et générales du gouvernement
dans son intégralité devraient être exclues du champ de compétence
du médiateur; les décisions ministérielles et gouvernementales ayant
une incidence directe sur les individus devraient être soumises
au contrôle du médiateur»
. Le contrôle
des juridictions indépendantes devrait être exclu des compétences
des institutions du médiateur
.
Le mandat des institutions du médiateur devrait avoir une large
assise, et couvrir les violations des principes de bonne administration
ainsi que, lorsque cela est nécessaire et approprié, les droits
de l’homme et les libertés fondamentales. En cas de mauvaise administration,
«l’existence d’un recours légal ne devrait pas empêcher une personne
d’introduire une plainte auprès du médiateur, mais celui-ci devrait
avoir l’obligation de conseiller le plaignant sur les recours légaux»
. Si les compétences
des institutions du médiateur portent principalement sur l’administration
publique, il n’est pas inhabituel qu’elles couvrent aussi certaines
parties du secteur privé
,
en raison de la privatisation croissante de services d’intérêt public.
Les compétences du médiateur devraient englober non seulement les
actes de l’exécutif, mais aussi
les violations par
omission .
44. Ces recommandations sont formulées de façon générale dans
le principe 12, qui indique que le mandat du médiateur prend en
compte la prévention et la correction des abus de l’administration,
ainsi que la protection et la promotion des droits de l’homme et
des libertés fondamentales. Le principe 13 ajoute que la compétence
institutionnelle du médiateur s’étend à l’administration publique
à tous les niveaux. Son mandat englobe tous les services d’intérêt
général délivrés au public, qu’ils soient fournis par l’État, les
communes, des organismes étatiques ou des entités privées. S’agissant
du système judiciaire, la compétence du médiateur «est limitée à
garantir l’efficacité de la procédure et le fonctionnement administratif
de ce système». La troisième phrase du principe 19 ajoute que «l’introduction
officielle d’une requête auprès du médiateur peut avoir un effet
suspensif sur les délais de saisine d’une juridiction, en vertu
de la loi».
45. Il est généralement admis que l’institution du médiateur devrait
être clairement habilitée à formuler des recommandations (notamment
à proposer l’adoption ou la révision d’une législation). L’administration
devrait fournir, dans un délai raisonnable, des réponses complètes,
décrivant la mise en œuvre des conclusions, des avis, des propositions
et des recommandations ou exposant les motifs pour lesquels ils
ne peuvent être mis en œuvre. Le principe 17 en est la traduction:
«le médiateur doit être habilité à adresser des recommandations particulières
aux organismes relevant de sa compétence» et «doit avoir le droit
juridiquement exécutoire d’exiger des responsables et des autorités
qu’ils répondent dans un délai raisonnable» fixé par lui.
46. En outre, pour ce qui est des violations des droits de l’homme
et des libertés fondamentales, il est admis dans de nombreux pays
que les institutions du médiateur devraient avoir la capacité de
saisir les juridictions constitutionnelles. La première phrase du
principe 19 précise à cet égard que, «à la suite d’une enquête,
le médiateur doit, de préférence, disposer du pouvoir de contester
la constitutionnalité de lois et de règlements ou d’actes administratifs
généraux». En outre, il «doit de préférence pouvoir intervenir devant
les organismes juridictionnels et tribunaux compétents» (deuxième
phrase du principe 19). L’un des traits caractéristiques du mandat
des institutions du médiateur est leurs pouvoirs indépendants d’enquête,
auxquels s’ajoutent le pouvoir d’accepter ou non les plaintes en
fonction de leur recevabilité, le pouvoir discrétionnaire de poursuivre une
enquête même lorsque le plaignant ne fait preuve d’aucun intérêt
à ce sujet, ainsi que le pouvoir de se saisir de sa propre initiative
de certaines questions importantes. Les médiateurs devraient avoir
la faculté de demander tous les documents et informations nécessaires,
de les obtenir sans retard et de s’entretenir avec les responsables
des autorités administratives. En outre, lorsqu’ils sont conçus
comme le mécanisme national de prévention prévu par le Protocole
facultatif se rapportant à la Convention des Nations Unies contre
la torture, ils devraient pouvoir accéder sans restriction à tous
les lieux dans lesquels des personnes sont privées de liberté par
une autorité publique pour les inspecter, sans devoir au préalable
en informer un quelconque service ni obtenir son consentement, en
ayant la possibilité de s’entretenir en privé avec ces personnes.
47. Le principe 16 réaffirme que «le médiateur doit avoir le pouvoir
discrétionnaire d’enquêter, de sa propre initiative ou à la suite
d’une plainte, en tenant dûment compte des recours administratifs
disponibles». Il «est habilité à demander la coopération de tout
individu ou organisation susceptibles de l’assister dans ses enquêtes».
Ce principe réaffirme aussi que l’institution «doit avoir un accès
illimité juridiquement exécutoire à tout document, base de données
et matériels pertinents, y compris ceux qui pourraient par ailleurs
être juridiquement privilégiés ou confidentiels». Ce droit inclut
«un accès sans entraves aux bâtiments, aux institutions et aux personnes,
également à celles privées de liberté». Le second paragraphe du
principe 16 ajoute que le médiateur a le pouvoir d’interroger ou
de demander des explications écrites aux responsables et aux autorités,
en accordant une attention et une protection particulières aux lanceurs
d’alerte au sein du secteur public.
48. Les rapports annuels ou autres du médiateur au parlement sont
en général considérés comme le principal canal de communication
entre les deux institutions, par lequel le médiateur rend compte
de son activité au parlement. Ces documents peuvent aussi servir
utilement au contrôle de l’exécutif par le parlement, en permettant
de déceler les domaines particuliers dans lesquels le législateur
devrait intervenir
.
Le principe 20 réaffirme que le médiateur doit rendre compte au
parlement des activités de son institution au moins une fois par
an. Il peut, à cette occasion, «informer le parlement de l’absence
de suivi par l’administration publique». Il peut également se prononcer
sur des questions précises, s’il le juge opportun. Ses rapports
sont publiés et doivent être dûment pris en compte par les autorités.
Les recommandations formulées dans le principe 20 s’appliquent aussi
aux rapports remis par les institutions du médiateur nommées par
l’exécutif. Le principe 18 ajoute que, «dans le cadre du suivi de
la mise en œuvre, au niveau national, des instruments internationaux
ratifiés relatifs aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales
ainsi que de l’harmonisation de la législation nationale avec ces
instruments, le médiateur est habilité à présenter en public des recommandations
au parlement ou à l’exécutif». Ce faisant, il peut proposer de modifier
la législation en vigueur ou d’adopter de nouveaux textes de loi.
3.10. Accessibilité
49. Toute personne physique ou
morale qui fait valoir un intérêt légitime devrait pouvoir saisir
l’institution du médiateur d’une plainte, y compris les ressortissants
étrangers et les personnes apatrides. Les plaintes peuvent également
être déposées par un tiers ou une ONG, un groupe de personnes ou
d’organisations de la société civile au nom de l’intéressé, avec
son consentement, voire sans ce consentement lorsque celui-ci est impossible.
Il importe que les institutions du médiateur soient directement
et facilement accessibles au moyen d’une procédure de requête simple
et gratuite. Malgré le caractère public des décisions et recommandations des
institutions du médiateur, la confidentialité de l’identité du plaignant
devrait être garantie. Le principe 15 réaffirme que «toute personne
physique ou morale, y compris les organisations non gouvernementales,
doit avoir le droit d’accéder librement, sans entraves et gratuitement,
au médiateur et celui de déposer une plainte».
4. Conclusions
50. Même si la présence d’un médiateur
ne serait pas indispensable dans un pays qui respecte pleinement l’État
de droit et dont la justice est indépendante, il est toujours plus
aisé pour un particulier de contacter un médiateur qu’un juge. C’est
pourquoi la plupart des États membres du Conseil de l’Europe, à
l’exception de l’Allemagne et de l’Italie, ont à présent mis en
place des institutions du médiateur, qui agissent en qualité d’intermédiaires,
en protégeant les individus contre la mauvaise administration et
les violations des droits de l’homme commises par les autorités
du secteur public; ce faisant, elles consolident la démocratie et promeuvent
l’État de droit. Comme il n’existe aucune disposition européenne
sur le fonctionnement de ces institutions (les Principes de Paris
ne s’appliquant qu’aux INDH), il est indispensable d’établir un
ensemble de normes communes pour les institutions du médiateur,
afin de prévenir l’influence excessive qu’elles subissent et de
contribuer à la mise en place d’un cadre juridique satisfaisant,
qui protège ces importantes institutions. C’est pourquoi je me félicite
que la Commission de Venise ait adopté ses «Principes de Venise».
Ce document réaffirme les grands principes relatifs au fonctionnement
de l’institution du médiateur: indépendance, impartialité, neutralité,
mandat solide et étendu, consacré par la Constitution ou la législation,
compétences d’enquête, de recommandation et de rapport sans restriction;
financement adéquat; accessibilité publique; efficacité opérationnelle;
obligation de rendre des comptes. Il comporte quelques normes minimales
visant à protéger et à promouvoir l’institution du médiateur et
à accroître son efficacité, à aider les parlements et gouvernements
à consolider ces institutions et à reconnaître leur rôle dans le
renforcement de la démocratie, l’État de droit, la bonne gouvernance,
ainsi que la protection et la promotion des droits de l’homme et
des libertés fondamentales. Ces principes donnent aux États des
éléments d’orientation sur la manière de définir un cadre juridique
convenable à leurs institutions du médiateur, et peuvent aussi aider
les médiateurs à résister aux ingérences excessives dans leur mission.
C’est pourquoi il importe que l’Assemblée les approuve, comme elle
avait approuvé dans sa
Résolution
2187 (2017) la Liste de critères
de l’État de droit de 2016 de la Commission de Venise.
51. Il ne faut pas oublier que le médiateur, que son mandat amène
à examiner des affaires de mauvaise administration, voire à protéger
et à promouvoir les droits de l’homme, est en un sens un défenseur
des droits de l’homme. C’est la raison pour laquelle diverses menaces
directes ou indirectes pèsent parfois sur lui dans certains pays,
comme nous l’avons indiqué plus haut. L’adoption des Principes de
Venise par la Commission de Venise, un organe spécialisé composé
d’experts de 62 pays, montre donc qu’il est de plus en plus largement
admis que le rôle de l’institution doit être globalement reconnu
comme une garantie du respect de l’État de droit, des droits de
l’homme et des libertés fondamentales. Le principe 25 des Principes
de Venise, en particulier, invite les États membres à prendre toutes
les mesures nécessaires afin de créer des conditions propices au
renforcement et au développement des institutions du médiateur et
à la mise en œuvre des Principes de Venise. Au vu de cette recommandation,
je recommanderais également que le Conseil de l’Europe établisse
un mécanisme de suivi de la façon dont les Principes de Venise ont
été ou sont mis en œuvre dans les États membres du Conseil de l’Europe.
Cela pourrait certainement conduire à la constitution d’une ample
liste de bonnes pratiques et contribuer à déceler les lacunes des
législations nationales relatives aux institutions du médiateur.
Le Conseil de l’Europe, dont un certain nombre d’organes et d’instances coopèrent
régulièrement avec les institutions nationales du médiateur, serait
bien placé pour assurer ce suivi des Principes de Venise.