1. Introduction
1. Les élections législatives
du 24 février 2019 ont débouché sur un parlement sans majorité.
Suite aux décisions de la Cour constitutionnelle des 7, 8 et 9 juin 2019
– jugées contraires aux normes du Conseil de l’Europe par la Commission
de Venise – déclarant illégales la coalition formée par le Bloc
ACUM et le Parti des Socialistes et les décisions ultérieures qu’elle
a prises, le pays a connu une crise politique et constitutionnelle. La
crise politique s’est finalement terminée par un changement de direction
politique le 20 juin 2019. Les réformes majeures lancées par la
nouvelle majorité dans les semaines qui ont suivi, visant à « désoligarchiser » le
pays, ont eu un impact sur les structures et le fonctionnement des
institutions démocratiques et de l’administration publique.
2. Le 22 juin 2019, la commission de suivi a organisé un échange
de vues sur l’évolution récente de la situation en République de
Moldova et a invité les corapporteurs à rédiger un rapport sur le
fonctionnement des institutions démocratiques en République de Moldova .
Dans le cadre de la préparation de ce rapport, nous avons effectué
une visite à Chisinau les 22 et 23 juillet 2019. Nous avons rencontré
le président du Parlement, le Président de la République, les dirigeants
des groupes politiques au parlement, la Première ministre, les ministres
de l’Intérieur et de la Réintégration, le secrétaire d’État à la
Justice, le procureur général par intérim, des membres du Conseil
supérieur de la magistrature et du Conseil supérieur des procureurs,
le président par intérim de la Cour constitutionnelle, des membres
du Centre national anticorruption, les présidents de la Commission
électorale centrale et de la Cour des comptes, ainsi que des représentants
des ONG et de la communauté internationale. Nous avons fait une
déclaration après notre visite
.
3. Cette visite s’est déroulée à un moment où la plupart des
fonctionnaires travaillant pour les institutions de l’État (Cour
constitutionnelle, Commission électorale centrale, Bureau du procureur
général, etc.) avaient remis leur démission ou fait l’objet d’une
révocation. Nous avons cependant eu l’occasion de discuter de l’évolution
de la situation avec les fonctionnaires responsables (par intérim).
Nous souhaitons remercier la délégation moldave auprès de l’Assemblée
parlementaire, ainsi que les autorités du pays, d’avoir facilité
notre visite. Nous souhaitons également adresser nos remerciements
à l’ambassadeur de France, S.E. M. Le Deunff, pour avoir accueilli
dans ses locaux une réunion avec la communauté internationale, ainsi
que le bureau du Conseil de l’Europe à Chisinau pour l’aide précieuse
qu’il a prodiguée à notre délégation.
4. Le présent rapport entend rappeler les principaux événements
qui se sont déroulés début juin 2019 et ont plongé le pays dans
une crise politique et constitutionnelle. Il insiste également sur
des questions déjà abordées dans des notes d’information et des
rapports antérieurs, comme la corruption généralisée ou la faiblesse
et la vulnérabilité des institutions de l’État. Le rapport se concentre
essentiellement sur la réforme du système judiciaire et la lutte
contre la corruption, deux sujets maintes fois évoqués pendant cette
crise. Toutefois, nous tenons à souligner que les questions relatives
aux droits de l’homme ne doivent pas être négligées. Dans notre
note d’information précédente
, nous avions décrit les questions
relatives aux dits droits qui mériteraient d’être traitées par les
autorités, s’agissant en particulier des conditions de détention
et de la liberté de la presse. Un système judiciaire solide et indépendant
est en tout cas indispensable pour assurer la protection des droits
fondamentaux de la population.
2. La crise constitutionnelle et politique
de juin 2019
2.1. Élections
législatives du 24 février 2019
5. Des élections législatives
ont eu lieu le 24 février 2019 selon un mode de scrutin mixte approuvé
par le Parti démocrate et le Parti des Socialistes en 2018. Elles
ont débouché sur l’élection de 50 députés sur des listes à la proportionnelle
et de 51 autres dans des circonscriptions (scrutin majoritaire uninominal).
Ce système électoral mixte a été analysé et critiqué en 2017 et
2018 par la Commission de Venise, laquelle a déploré l’absence de
consensus autour de la réforme du mode de scrutin et exprimé des
préoccupations tenant notamment au fait que « des candidats indépendants
dans le cadre du scrutin majoritaire entretiennent des liens avec
des milieux d’affaires ou d’autres acteurs servant leurs propres
intérêts, ou soient indûment influencés par eux. Bien que la décision
souveraine du législateur moldave en ce qui concerne le système électoral
fût reconnue, il était par conséquent recommandé de ne pas modifier
le système électoral dans le contexte actuel en République de Moldova»
.
6. En février 2019, la commission ad hoc de l’Assemblée parlementaire
d’observation des élections législatives avait formulé la conclusion
suivante: « en ce qui concerne la législation électorale, le nouveau système
électoral a malheureusement confirmé certaines inquiétudes exprimées
par la Commission de Venise, en particulier le fait que les acteurs
électoraux et en particulier les électeurs des circonscriptions uninominales
auraient subi des pressions ou manipulations indues d’hommes d’affaires
locaux disposant de moyens importants. Ce sont finalement des députés
issus de quatre forces politiques qui ont été élus au parlement
via la composante majoritaire du scrutin ». La délégation de l’Assemblée
parlementaire s’est également déclarée convaincue que « les changements
fréquents de la législation électorale, notamment d’éléments fondamentaux
de la loi tels que le système électoral ou la méthode d’attribution
des sièges, combinés avec de conséquents ‘revirements politiques’
opérés par des membres du parlement en cours de législature ont
pour résultat de modifier drastiquement la majorité parlementaire
après les élections et alors que les citoyens ont déjà exprimé leur
volonté. Ces éléments ne contribuent pas à la stabilité démocratique
et peuvent saper la confiance des citoyens dans les institutions
de leur pays et dans les valeurs de l’État de droit»
.
7. L’application de ce mode de scrutin mixte a débouché sur l’élection
d’un parlement sans majorité. Le Parti des Socialistes (PSRM) a
obtenu 35 sièges, le Parti démocrate de Moldavie (PD) 30, le Bloc
ACUM 26 (dont 14 pour le Parti Action et Solidarité (PAS) dirigé
par Maia Sandu et 12 pour la Plate-forme Dignité et Vérité d’Andrei
Năstase). Le Parti Shor a obtenu 7 sièges et 3 candidats non affiliés
ont également été élus.
8. Les résultats officiels ont été proclamés le 9 mars 2019.
La constitution prévoit, dans son article 85, une période de trois
mois pour former une majorité parlementaire (au-delà de ce terme,
le Président de la République de Moldova, après avoir consulté les
groupes parlementaires, peut dissoudre le parlement). La formation
d’une coalition s’est révélée difficile: le Bloc ACUM avait d’emblée
rejeté l’idée de former une coalition avec l’un quelconque des deux
autres grands partis ; il exigeait comme condition préalable l’adoption de
lois de « désoligarchisation » ainsi que les postes de président
du Parlement et de Premier ministre. Les réunions et les négociations
entre le Parti démocrate et le Parti des Socialistes se sont révélées
peu concluantes, malgré plusieurs réunions tenues sur la recherche
d’éventuels accords entre leurs chefs respectifs (M. Plahotniuc
pour le Parti démocrate et M. Dodon pour le Parti des Socialistes).
2.2. Évolution
de la situation après les élections
9. La première semaine de juin
2019 a été le théâtre d’une intense activité diplomatique à Chisinau
où les trois principaux partis politiques s’efforçaient de parvenir
à un accord politique. Le Vice-Premier ministre de la Fédération
de Russie, M. Kozak, le commissaire de l’Union européenne, M. Hahn,
et des représentants du département d’État américain se sont rendus
en République de Moldova cette semaine-là.
10. Toutefois, le 7 juin 2019, la Cour constitutionnelle fixait
le délai de formation d’un gouvernement à 90 jours et par conséquent,
la date limite au 7 juin à minuit. Cette décision a provoqué la
surprise. En vertu de l’article 85 de la Constitution, « en cas
d’impossibilité de former le gouvernement ou en cas de blocage de
la procédure d’adoption des lois pour une période de trois mois, le Président de la République
de Moldova, après consultation des fractions parlementaires, peut dissoudre le Parlement » (les
italiques sont de nous).
11. Le 8 juin 2019, un « accord politique provisoire pour la désoligarchisation
de la Moldova »
était
conclu entre le Parti des Socialistes et le Bloc ACUM, ce qui a
permis de former une majorité au parlement. Mme Zinaida
Greceanîi du Parti des Socialistes a été élue Présidente du Parlement,
tandis que le Président Dodon a proposé d’attribuer le poste de
Premier ministre à Mme Maia Sandu. Le
gouvernement a obtenu 61 voix. Mme Sandu
a été désignée Première ministre, M. Năstase Vice-Premier ministre
et deux portefeuilles (ministère de la Défense et ministère de la
Réinsertion) ont été attribués au Parti des Socialistes. Le parlement a
adopté une déclaration qualifiant la République de Moldova d’« État
captif » et a destitué les chefs respectifs du Service d’information
et du Centre national anticorruption.
12. Pourtant, les 8 et 9 juin 2019, la Cour constitutionnelle
jugeait ces décisions inconstitutionnelles et appelait le Président
de la République à dissoudre le parlement et à convoquer des élections
anticipées. Devant le refus du Président Dodon, la Cour constitutionnelle
– conformément à une pratique ad hoc instaurée depuis
2017 – suspendait l’intéressé et nommait le Premier ministre, M. Filip,
Président de la République par intérim. Ce dernier a signé le décret
de dissolution et annoncé que des élections anticipées se tiendraient
le 6 septembre 2019.
13. En conséquence, le 8 juin 2019, le Secrétaire Général du Conseil
de l’Europe saisissait la Commission de Venise pour évaluer les
décisions de la Cour constitutionnelle jugées « difficiles à comprendre »,
car apparemment « arbitraires compte tenu du texte de la Constitution
et des normes internationales relatives à l’État de droit »
.
14. Pour notre part, nous avons publié une déclaration dans laquelle
nous regrettions que le pays ait été plongé dans un état de confusion
juridique et politique après les décisions prises par la Cour constitutionnelle. Nous
avons exhorté toutes les forces politiques à faire preuve de retenue
et à respecter les principes démocratiques et la volonté du peuple
. À ce moment, le pays connaissait
un pouvoir dédoublé, avec deux cabinets tenant des sessions en même
temps et un Président de la République suspendu.
15. La situation dans le pays revêtait un caractère alarmant.
Les forces de l’ordre étaient restées fidèles au gouvernement en
place et empêchaient le nouveau ministre de l’Intérieur, M. Năstase,
d’accéder à ses bureaux. La forte polarisation et les allégations
de financement illégal du Parti des Socialistes à la suite de la diffusion
d’images vidéo alimentaient le débat public et bon nombre de discussions
portaient sur les projets de fédéralisation du pays en vue de réintégrer
la région de Transnistrie. À la suite de reportages de médias et d’organisations
non gouvernementales concernant plusieurs journalistes d’investigation
inquiétés et interpellés lors de différents incidents survenus entre
le 7 et le 9 juin 2019, le représentant de l’OSCE pour la liberté
des médias a exhorté les autorités moldaves à assurer la sécurité
des journalistes
.
16. Les 10 et 11 juin, de nombreux pays ont appelé au calme et
à la retenue, notamment la Roumanie, l’Ukraine, la Russie, la Suisse,
la Turquie, ainsi que l’Union européenne, l’OTAN et l’OSCE. Le 10 juin, l’Allemagne,
la France, la Pologne, le Royaume-Uni et la Suède ont publié une
déclaration commune
exprimant leur soutien au parlement. Ces
pays ont indiqué qu’ils soutiendraient le nouveau gouvernement,
et se sont probablement abstenus de soutenir l’« ancien ».
17. Le 14 juin, à l’issue d’une brève rencontre entre M. Plahotniuc
et l’ambassadeur des États-Unis, le Parti démocrate annonçait qu’il
comptait rejoindre l’opposition parlementaire, le gouvernement (sortant)
cessant ainsi d’exister. Le lendemain, M. Plahotniuc démissionnait
de son poste de président du parti et quittait le pays pour une
destination inconnue, en expliquant qu’il devait assurer la sécurité
de sa famille, tout en restant député jusqu’à sa démission le 30
juillet 2019. Toute la direction du Parti démocrate a démissionné
dans la foulée. Le gouvernement nouvellement formé a pu alors prendre
ses fonctions. Le Parti démocrate a convoqué un congrès extraordinaire
du parti le 27 juillet 2019 pour élire ses nouveaux dirigeants,
mais cette date a ensuite été reportée à septembre 2019. Le 30 juillet 2019,
M. Plahotniuc démissionnait de son mandat de député, déclarant qu’il
n’était plus en mesure de l’exercer, et décidait de renoncer à son
immunité parlementaire afin de mettre fin aux « abus et pressions »
exercés sur le pouvoir judiciaire pour faire lever ladite immunité
.
18. Le 15 juin 2019, à la lumière de la passation de pouvoir intervenue,
la Cour constitutionnelle décidait de réviser et d’abroger les décisions
prises du 7 au 9 juin. Les marches prévues à Chisinau le 16 juin
à l’initiative du Bloc ACUM et du Parti des Socialistes ont été
annulées.
19. Au cours de la période comprise entre la formation d’une nouvelle
coalition (8 juin) et la démission de M. Filip du poste de Premier
ministre (14 juin), le Parti des Socialistes n’a eu de cesse de
dénoncer la destruction de preuves attestant du transfert d’énormes
sommes d’argent à l’étranger. Le Président Dodon a soutenu que 50 millions
$US avaient été soustraits du pays.
20. Le 20 juin, le président de la Cour constitutionnelle démissionnait.
21. Le 21 juin 2019, la Commission de Venise rendait un avis
dans lequel elle estime que les
décisions adoptées par la Cour constitutionnelle entre le 7 et le
9 juin ne remplissaient pas les conditions requises pour permettre
la dissolution du parlement. Elle a notamment conclu que:
- « S’agissant des décisions rendues
par la Cour constitutionnelle les 8 et 9 juin, la Commission de
Venise estime que les droits procéduraux du Président et du parlement
ont été sérieusement mis à mal par le nombre de décisions et la
grande célérité (un jour ou deux au cours d’un week-end) avec laquelle
la Cour a statué sur des affaires très sensibles, aux répercussions
importantes sur les institutions de l’État. Ni le Président ni le
parlement n’étaient représentés ou ne paraissaient avoir eu la possibilité
de faire valoir leurs arguments devant la Cour.
- S’agissant de la manière dont la Cour a calculé le délai
de trois mois pour la formation d’un gouvernement, avec une date
d’expiration au 7 juin 2019, la Commission de Venise estime qu’elle
est sans précédent. D’après le calcul accepté du délai de trois
mois prévus par le Code civil et précédemment appliqué par la Cour
constitutionnelle, la date limite pour la formation d’un nouveau gouvernement
était le 9 juin, soit trois mois francs après la confirmation du
résultat des élections. Le 9 juin étant un dimanche, la date limite
applicable pouvait être le 10 juin. En conséquence, la Commission
affirme que l’investiture de Maia Sandu le 8 juin respectait le
délai légal.
- La Constitution moldave établit que le Président peut,
en dernier recours dans une situation donnée, dissoudre le parlement
dans l’intérêt du pays, par exemple s’il est impossible de former
un gouvernement dans les délais légaux. Toutefois, elle souligne
que si les partis représentant une majorité sont parvenus à un accord
pour former un gouvernement, ce qui était le cas en République de
Moldova, la dissolution du parlement pourrait être considérée comme
une violation des obligations constitutionnelles de neutralité du
président.».
- L’avis indique qu’il y a de fortes raisons de penser que
la décision de la Cour constitutionnelle de suspendre provisoirement
le Président et la désignation du Premier ministre pour exercer
par intérim la fonction de président n’était pas fondée au regard
de la Constitution moldave .
22. La Commission de Venise n’a pas non plus manqué de souligner
le caractère exceptionnel de son avis, dans la mesure où elle s’abstient
généralement de commenter les décisions des Cours constitutionnelles.
23. Ces événements ont marqué la conclusion de la crise politique
et constitutionnelle. La coalition créée pour gouverner le pays
était composée de deux éléments politiques antagonistes (à savoir
le Parti des Socialistes et le Bloc ACUM composé lui-même de deux
formations) poursuivant le même objectif (à savoir renverser le
parti au pouvoir), mais nourrissant néanmoins des opinions divergentes
quant à l’orientation future du pays. Alors que le Bloc ACUM est
pro-occidental et soutenu par l’Union européenne, le Parti des Socialistes s’est
engagé à développer des relations équilibrées entre l’Est et l’Ouest
et bénéficie du soutien de la Fédération de Russie. Le Président
Dodon a effectué de nombreuses visites officielles en Russie et
la Présidente du Parlement, Mme Greceanîi,
s’est adressée à la Douma le 27 juin, tandis que la Première ministre Mme Sandu
bénéficie du soutien de l’Union européenne et a visité Bruxelles
et les dirigeants d’Europe occidentale à plusieurs reprises.
24. Le 24 juin, le Bloc ACUM et le Parti des Socialistes se mettaient
d’accord sur un programme d’action limité, dans un premier temps,
dans sa portée et sa durée « à la désoligarchisation et la restauration
d’une République de Moldova conforme à la Constitution ». Ce programme
affirme l’intention du gouvernement de « reprendre la voie de l’intégration
européenne de la République de Moldova (...) et d’œuvrer à la mise
en œuvre effective de l’accord d’association entre la République
de Moldova et l’Union européenne ». Le programme énonce trois priorités
(« Libérer l’État de la captivité et renforcer l’indépendance des
institutions, en particulier dans le domaine de la justice » ; « Sortir
le pays de l’isolement et relancer d’urgence l’économie » ; « Créer
les conditions d’un véritable bien-être et d’une meilleure qualité
de vie ») et un plan d’action prévoyant l’adoption de mesures concrètes
.
25. Le Président Dodon a confirmé que, sous le gouvernement actuel
de coalition, le pays entendait continuer la mise en œuvre de l’accord
d’association, s’efforcer de mener une politique étrangère équilibrée
et demeurer neutre. On attend des troupes russes qu’elles quittent
la région de Transnistrie, auquel cas elles ne seraient pas remplacées
par d’autres forces militaires. Le Président a ajouté que le pays
poursuivrait sa coopération technique avec l’OTAN tout en excluant
l’hypothèse de la construction de bases militaires étrangères sur
le territoire national.
26. La Première ministre a souligné la nécessité de débarrasser
la Moldova des mécanismes de corruption et de blanchiment de capitaux
ainsi que de garantir le fonctionnement des institutions de l’État
dans l’intérêt supérieur du peuple
. Elle a également souligné que la
tâche de son gouvernement serait de reconstruire l’État et de restaurer
la confiance des citoyens moldaves et des partenaires stratégiques
du pays. Sa coalition est parvenue à rétablir le dialogue avec les
partenaires internationaux en vue de les inciter à renouveler leur soutien
financier:
- Le 24 juillet, la
Commission européenne a repris l’aide budgétaire à la République
de Moldova en déboursant 14,54 millions d’euros. L’objectif de ces
fonds est de soutenir la mise en œuvre de l’accord de libre-échange
UE-Moldova, de financer des formations professionnelles et d’aider
à la mise en œuvre du plan d’action pour la libéralisation du régime
des visas. L’aide macrofinancière de l’Union européenne avait été
suspendue après l’invalidation de l’élection du maire de Chisinau
en octobre 2018. Le 25 juillet 2019, la Première ministre, Maia
Sandu, et le commissaire de l’Union européenne chargé de la politique européenne
de voisinage et des négociations d’élargissement, Johannes Hahn,
ont signé trois conventions de financement dans le cadre desquelles
l’Union européenne apportera un soutien financier d’un montant total
de plus de 40 millions d’euros afin de renforcer l’État de droit,
de combattre la corruption et d’apporter un soutien économique.
- À la suite d’une visite du Fonds monétaire international
en juillet 2019, un accord au niveau du secrétariat a été conclu
pour allouer 46,5 millions $US à la République de Moldova. Parmi
les conditions préalables au financement figuraient l’achèvement
des réformes du secteur bancaire, le redoublement des efforts en
vue de récupérer les actifs de la fraude bancaire de 2014 et la
suppression des vulnérabilités du secteur financier non bancaire . Le FMI avait suspendu ses programmes
avec la République de Moldova après que le parlement avait approuvé
une amnistie fiscale et adopté un ensemble de lois sur les réformes
fiscales en 2018.
- Le 8 juillet, la Première ministre, Mme Sandu,
a signé deux accords avec USAID pour un montant total de 29 millions
$US en vue d’encourager la gouvernance démocratique et la croissance
économique de la République de Moldova.
- Le Président Dodon s’est efforcé de rétablir un partenariat
stratégique avec la Russie. Cette dernière, le 27 juin, a étendu
le régime d’exonération des droits de douane pour les exportateurs
moldaves à cinq grandes catégories de produits agricoles (fruits,
légumes, conserves alimentaires, vin et produits viticoles). Le
Président Dodon cherche maintenant à obtenir une réduction des prix
du gaz pour la période du 1er septembre
au 1er janvier, en invoquant le statut
d’observateur du pays auprès de l’Union économique eurasienne.
3. Action
entreprise par les autorités nouvellement établies dans le domaine
de l’État de droit, de la démocratie et des droits de l’homme
27. Dans sa
Résolution 1955 (2013) relative au respect des obligations et engagements de
la République de Moldova, l’Assemblée avait identifié de graves
dysfonctionnements au sein du parquet et des autres services répressifs.
Dans cette résolution, l’Assemblée soulignait la nécessité de dépolitiser
les institutions de l’État et de mieux séparer les pouvoirs. Elle
formulait ensuite l’espoir « que l’ensemble des partis politiques tireront
des leçons de cette crise. Elle invite notamment les partis au pouvoir
à adopter l’attitude responsable requise pour assurer le bon fonctionnement
des institutions nécessaire dans une société démocratique, fondé sur
la transparence et l’obligation de rendre des comptes. C’est là
une condition préalable au respect de l’État de droit, de la démocratie
et des droits de l’homme, mais aussi pour stimuler l’économie, attirer
des investissements étrangers, réduire la pauvreté et agir en faveur
de l’intérêt public pour favoriser des meilleures conditions de
vie pour tous. La démocratie implique un ensemble de freins et de
contre-pouvoirs au sein des institutions démocratiques. Les institutions
étatiques ne devraient jamais servir les intérêts que d’un parti
ou d’une personne».
28. À l’issue de notre visite précédente dans le pays en avril 2018,
nous avions conclu que l’obtention de résultats concrets dans le
domaine de l’État de droit et des droits de l’homme pourrait améliorer
de manière significative la confiance de la population à l’égard
des institutions publiques, en permettant à celles-ci de demeurer
les véritables lieux de décision. À l’époque, la République de Moldova
était décrite par bon nombre d’interlocuteurs – dont le Secrétaire
Général du Conseil de l’Europe, M. Jagland, en 2015
, et les institutions de
l’Union européenne – comme un « État captif » dans lequel la puissance
publique est mise au service de profits et d’intérêts privés
.
29. Comme indiqué plus haut, la coalition au pouvoir – décrite
par certains comme « une alliance contre nature » entre le Bloc
ACUM et le Parti des Socialistes – s’est mise d’accord sur un programme
politique censé « désoligarchiser » le pays. Plusieurs décisions
ont été rendues rapidement afin d’écarter des fonctionnaires nommés
par le gouvernement antérieur et soupçonnés d’avoir abusé de leurs
fonctions pour favoriser des intérêts privés.
30. Le 17 juin, la Première ministre annonçait son intention d’établir
un « Bureau des politiques anticorruption et de la réforme de la
justice ». Cet organe est composé d’experts nationaux et internationaux censés
fournir des conseils sur l’accélération des réformes judiciaires
et la mise sur pied d’institutions puissantes et compétentes capables
de lutter contre la corruption.
31. Le Cabinet a démis de leurs fonctions un certain nombre de
hauts fonctionnaires et de hauts responsables. Le 5 juillet 2019,
le parlement a adopté une loi modifiant le statut des secrétaires
d’État et des directeurs des cabinets ministériels. Le nouveau gouvernement
craignait que les activités des ministères ne soient bloquées ou
sapées par des directeurs de cabinet et secrétaires d’État ayant
bénéficié d’une nomination politique. Les secrétaires d’État doivent
désormais être recrutés sur la base de leurs mérites professionnels
et peuvent être révoqués par le gouvernement sur proposition du
ministre concerné. La loi prévoit également que les directeurs de
cabinet des ministères et les secrétaires d’État ayant participé
à des activités politiques pendant leurs heures de travail ou ayant
pris part à la campagne électorale en faveur du Parti démocrate
au pouvoir à l’époque doivent être révoqués. Ceux qui n’ont pas
violé la loi et se sont révélés être des professionnels impartiaux
resteront à leur poste. Quant à ceux qui ont servi le régime et
non les citoyens, ils partiront
.
3.1. Fonctionnement
du parlement
32. Depuis les élections législatives
du 24 février 2019, quatre groupes politiques opèrent au sein du parlement.
Le 8 juin 2019, Mme Zinaida Greceanîi
du Parti des Socialistes était élue Présidente.
33. Le 18 juillet 2019, l’ancien Premier ministre, Pavel Filip,
démissionnait de son poste de président du Parti démocrate. Il a
été remplacé à la tête du groupe parlementaire du Parti démocrate
par le président honoraire de cette formation, Dumitru Diacov. Le
groupe ACUM/DA, quant à lui, sera dirigé par Alexandru Slusari qui
occupe également les fonctions de vice-président du Parlement.
34. Outre ses commissions permanentes, le parlement a également
constitué plusieurs commissions d’enquête. Le 18 juin, une commission
parlementaire ad hoc a été
créée et chargée d’« enquêter sur les circonstances d’un coup d’État
qui a tenté de saper les fondements du système constitutionnel en
République de Moldova ». Cette commission a été priée d’analyser
les arrêts rendus par la Cour constitutionnelle entre le 7 et le
9 juin, de vérifier si les demandes d’arrestation de 60 députés
avaient été adressées aux procureurs et si les mandats d’arrêt avaient
été établis par les tribunaux compétents. D’autres commissions d’enquête traiteront
du scandale de la fraude bancaire ou des privatisations depuis 2013
(voir plus bas).
35. Une nouvelle délégation parlementaire – dirigée par le Vice-Premier
ministre – a présenté ses pouvoirs à l’Assemblée lors de la partie
de session de juin 2019. Le 22 juin, la commission de suivi a tenu
une audition sur les événements intervenus récemment en République
de Moldova. Le 8 juillet 2019, conformément à la législation électorale
imposant aux ministres de démissionner du parlement dans les 30 jours
suivant leur nomination comme membres du gouvernement, la Première
ministre, Mme Sandu, le Vice-Premier
ministre, M. Năstase, et la ministre de l’Éducation, de la Culture
et de la Recherche, Mme Nicolaescu-Onofrei,
ont abandonné leur siège de député. En vertu du Code électoral,
des élections partielles devraient être organisées dans les trois
mois pour remplacer Mme Sandu et M. Năstase
(élus dans des circonscriptions uninominales), alors que Mme Nicolaescu-Onofrei
avait été élue sur une liste de parti.
36. Le 9 juillet 2019, le Parti Shor publiait une lettre ouverte
concernant les « abus commis par la coalition parlementaire PSRM-ACUM
(PAS et DA) ». Le parti y énumérait une série de plaintes et de
griefs, notamment le fait que l’un de ses membres, Marina Tauber,
s’était vu refuser le droit de présider la Commission des droits de
l’homme et des relations interethniques. Le parti se plaignait en
outre d’avoir été privé de la possibilité de nommer des membres
de la délégation moldave auprès de l’Assemblée parlementaire et
d’autres délégations parlementaires, groupes d’amitié et commissions
d’enquête nouvellement créés. Le Parti Shor dénonçait également
l’impossibilité pour lui de prendre la parole pour répondre pendant
les sessions parlementaires. Il s’oppose aussi à ce que les députés
de la majorité demandent aux procureurs de lever l’immunité de ses députés
uniquement sur la base du rapport Kroll 2, malgré le fait qu'il
n'y a pas eu de décision de justice à ce sujet. Enfin, le Parti
Shor exprimait sa profonde préoccupation face aux dérives antidémocratiques
et antisémites – ainsi qu’aux pratiques opaques – de la coalition
parlementaire.
37. Nous avons discuté de ces questions avec divers intervenants.
On nous a assurés que des postes ont été offerts au Parti Shor dans
les commissions permanentes et les groupes d’amitié (sur la base
d’une adhésion volontaire). Cependant, la majorité au pouvoir a
semblé très réservée sur l’attribution de la présidence de la commission
des droits de l’homme et de sièges au sein de la commission d’enquête
sur la fraude bancaire, puisque cinq des sept députés du Parti Shor
sont mentionnés dans le rapport Kroll 2. Au moment de notre visite,
à notre connaissance, aucune enquête n’avait été ouverte contre
les intéressés, à l’exception notable d’Ilhan Shor condamné à sept
ans et demi de prison et libéré dans le cadre d’un régime de contrôle
judiciaire (qu’il a fini par violer). Nous avons attiré l’attention
de nos interlocuteurs sur la nécessité de garantir les droits de
l’opposition. En même temps, nous avons bien compris que la coalition
au pouvoir soulève un argument moral, quoique non juridique, pour
justifier la mise à l’écart de l’opposition. Nous avons vivement
encouragé nos collègues moldaves à adopter sans plus tarder leur
Code d’éthique, leur Code de conduite et leur Code de procédure,
lesquels pourraient contribuer à résoudre de telles situations de
crise et faciliter l’adoption de décisions juridiquement bien fondées.
38. Nous espérons aussi que l’adoption de tels codes, également
préconisée par le GRECO pour prévenir la corruption parmi les parlementaires,
pourrait contribuer à parer le phénomène des « retournements politiques ».
Elle pourrait également contribuer à résoudre la défection d’environ
40 % des parlementaires moldaves entre deux scrutins, une pratique
s’inscrivant elle-même dans un contexte plus large propre aux tentatives
déployées par de puissants intérêts liés à des entreprises privées
pour exercer une influence sur les partis politiques. À l’époque,
en raison de l’absence de plaintes officielles, aucune enquête n’avait
été menée. Cependant, cet opportunisme politique, tel que décrit
par la commission ad hoc d’observation des élections de l’Assemblée
parlementaire, a nourri la défiance du public dans la classe politique
et les valeurs de l’État de droit.
3.2. Cour
constitutionnelle
39. Le rôle tenu par la Cour constitutionnelle
pendant la crise a fait l’objet de vives critiques dans la mesure où
cette juridiction n’aurait pas agi conformément aux dispositions
légales et constitutionnelles, comme l’a démontré la Commission
de Venise dans son avis du 21 juin.
40. La Cour constitutionnelle était auparavant perçue comme un
outil politique de l’ancienne majorité au pouvoir. Le 17 décembre 2018,
un consortium d’ONG avait exprimé ses préoccupations à la suite
de la démission inattendue de trois membres de la Cour constitutionnelle
et de la nomination de trois nouveaux membres
: Raisa Apolschii, députée du Parti
démocrate et présidente de la commission juridique pour les nominations
et les immunités ; Artur Reşetnicov, ancien chef du service de renseignement
(2007-2009), ancien député du Parti des communistes ayant ensuite
rejoint le Parti démocrate ; et Corneliu Gurin, ancien procureur général
(2013-2016). Considérant que des élections législatives avaient
été annoncées pour le 24 février 2019, les ONG avaient déploré le
manque de transparence et « la nomination extrêmement hâtive de
la moitié des juges de la Cour constitutionnelle » qui avaient fait
naître « de vives préoccupations quant à la politisation excessive
de la Cour constitutionnelle et son utilisation possible dans des
luttes politiques »
.
41. Le 18 juin, le ministre de l’Intérieur, M. Năstase, déposait
une plainte auprès du Bureau du procureur général pour demander
la suspension temporaire des juges nouvellement désignés de la Cour constitutionnelle
et réclamer l’ouverture d’une enquête pour usurpation de pouvoir
à leur encontre.
42. Le 20 juin 2019, Mihai Poalelelungi démissionnait de ses fonctions
de juge et de président de la Cour constitutionnelle. Sa démission
a été suivie de la démission en bloc de tous les juges de la Cour constitutionnelle
le 26 juin 2019. La question de la nomination des membres de la
Cour constitutionnelle est actuellement examinée par le parlement.
Dans l’intervalle, le 26 juin 2019, le plénum de la Cour constitutionnelle
a habilité M. Veaceslav Zaporojan, ancien juge de la Cour constitutionnelle,
à exercer les compétences administratives de président de cette
juridiction jusqu’à la nomination du nouveau collège de juges et
l’élection d’un nouveau président, laquelle devrait avoir lieu conformément
aux dispositions légales pertinentes.
43. M. Zaporojan a accepté de rencontrer notre délégation. Il
nous a livré son opinion sur les raisons pour lesquelles la Cour
constitutionnelle en était arrivée à rendre les décisions incriminées
les 7 et 8 juin. Toutefois, les éléments d’information ainsi communiqués
pêchaient par leur incohérence sur certains points. M. Zaporojan
n’a pas remis en question les décisions prises par la Cour constitutionnelle
sur le fond, mais il a émis des doutes sur l’avis de la Commission
de Venise. Des préoccupations ont également été exprimées au sujet
des pressions exercées sur le pouvoir judiciaire pour qu’il ouvre
une enquête pour « usurpation de pouvoir » à l’encontre des membres
de la Cour constitutionnelle.
44. Des appels à candidatures ont été organisés pour remplacer
les six membres de la Cour constitutionnelle (dont deux doivent
être nommés par le parlement, deux par le gouvernement et deux par
le Conseil supérieur de la magistrature). Le 24 juillet 2019, à
l’issue d’une procédure de sélection ouverte, le parlement a nommé
le secrétaire d’État à la Justice, Nicoale Esanu, et l’ancien ministre
de la Justice, Vladimir Grosu, juges à la Cour constitutionnelle.
Le premier était membre de la Commission de Venise et le second membre
suppléant. Le 30 juillet 2019, après avoir reçu 19 candidatures
pour les postes vacants en question, le Conseil supérieur de la
magistrature a nommé Serghei Turcan et Eduard Ababei juges à la
Cour Constitutionelle. Le gouvernement doit encore, pour sa part,
nommer ses deux membres (sur les 23 candidatures reçues). Les nouveaux
juges devront restaurer la réputation entachée de la Cour constitutionnelle
et veiller à ce qu’elle reste une juridiction indépendante capable
de résister aux influences politiques. Nous avons aussi été informés
que la procédure de sélection des juges avait fait l’objet de critiques et
été remise en question
.
3.3. Administration
et cadre légal des élections
45. L’une des premières mesures
prises par le parlement a été de modifier le système électoral.
Le 11 juin, le parlement a adopté, en première lecture, un projet
de loi visant à abolir le système électoral mixte. Pour mémoire,
ce mode de scrutin avait été critiqué par la Commission de Venise
en juin 2017 et mars 2018. La Commission s’était montrée particulièrement
critique à l’égard de l’absence de consensus sur la transformation du
système électoral parlementaire en un système mixte. La Commission
avait de plus souligné le risque de voir des candidats indépendants
majoritaires nouer des liens avec des hommes d’affaires ou d’autres
acteurs servant leurs propres intérêts ou être influencés par eux
.
46. Le 18 juillet 2019, le gouvernement a approuvé un projet de
loi modifiant le cadre légal des élections qui a été adopté par
le parlement le 15 août. Les changements incluent l’abolition du
mode de scrutin mixte et le retour au système électoral proportionnel,
fondé sur les listes de partis (conformément aux recommandations de
la Commission de Venise); la possibilité pour la Commission électorale
centrale (CEC) de fixer le nombre de bureaux de vote à l’étranger ;
un financement plus transparent des partis et des campagnes électorales
et une diminution des plafonds de dons pour les campagnes électorales;
l’abandon des certificats d’intégrité ; l’interdiction de mener
campagne le jour du scrutin et la possibilité pour les membres de
la diaspora dont le passeport a expiré mais la carte d’identité
est valide de voter
. Le parlement discute également de
la possibilité d’abaisser le seuil électoral à 5 % pour les partis
politiques, 7 % pour les coalitions électorales et 2 % pour les
candidats indépendants
.
47. En ce qui concerne le fonctionnement de la Commission électorale
centrale (composée d’un membre nommé par le Président et de huit
membres nommés par le parlement), le parlement a adopté le 18 juin
un amendement au Code électoral autorisant la révocation des membres
de la CEC sans décision préalable de la Cour suprême de justice,
comme c’était le cas auparavant. Cette loi a incité Iurie Ciocan,
membre et ancien président de la CEC, à démissionner. Le Président
de la République a cependant refusé de promulguer la loi et l’a
renvoyée au parlement. Il est évident qu’une telle promulgation
aurait gravement compromis l’indépendance de la CEC.
48. Alina Russu – qui dirigeait la CEC – a démissionné le 2 juillet
en expliquant que « la mise en œuvre des dernières initiatives visant
à modifier le cadre normatif en matière électorale pourrait susciter
des soupçons quant à la liberté de décision de l’autorité électorale
suprême », dans la mesure où les membres de la CEC pourraient être
démis de leurs fonctions sans ordonnance judiciaire. La vice-présidente
de la CEC, Rodica Ciubotaru, a également démissionné.
49. Le 16 juillet, le parlement a nommé trois nouveaux membres
de la CEC: Dumitru Pavel, avocat (ayant notamment dans le passé
assuré la défense de M. Năstase) proposé par la plate-forme « DA » ;
Dorin Chimil, docteur en droit, proposé par le Parti Action et
Solidarité , et Maxim Lebedinsky, conseiller du Président pour les
questions juridiques, proposé par le Parti des Socialistes. Le Parti
démocrate a dénoncé une violation du Code électoral, puisque tout
candidat à la CEC doit être présenté à la fois par la majorité et
par l’opposition.
50. Le 19 juillet, Dorin Cimil, candidat du Parti Action et Solidarité ,
a été élu à la tête de la CEC et Maxim Lebedinsky en a été nommé
secrétaire. Au cours de notre réunion, nous avons été informés de
la préparation des élections locales qui devraient se tenir le 20 octobre 2019.
La campagne électorale débutera le 20 août 2019. Les élections partielles
destinées à pourvoir les sièges de Mme Sandu,
M. Năstase et M. Melnic (élus dans des circonscriptions uninominales)
devaient également avoir lieu ce jour-là. Nous avons aussi été informés
que le parlement supprimerait les « certificats d’intégrité » exigés
lors des dernières élections législatives. Dans le cadre des élections
locales, l’Autorité nationale pour l’intégrité aurait dû délivrer
environ 130 000 de ces certificats.
3.4. Réforme
du système judiciaire
3.4.1. Organisation
judiciaire
51. La question de l’indépendance
du système judiciaire ne date pas d’hier et a été notamment examinée par
la Commission de Venise, le GRECO et l’Assemblée parlementaire.
En 2019, la Commission internationale de juristes a conclu que la
réalisation de l’indépendance judiciaire en République de Moldova
exige « un changement d’attitude à l’égard du pouvoir judiciaire
de la part de l’exécutif et des autres sources du pouvoir exécutif
et privé, mais surtout du pouvoir judiciaire lui-même »
.
52. Le 16 juillet 2019, le président du Conseil supérieur de la
magistrature (nommé en janvier 2018 pour un mandat de quatre ans),
Victor Micu, a été révoqué par 10 voix contre 9 sur proposition
d’un autre membre, Petru Moraru, reprochant à l’intéressé d’avoir
pris des vacances pendant une période difficile pour le système judiciaire
« ce qui était une mauvaise chose à faire »
.
53. Dans des interviews accordées à la presse, d’anciens juges
et des juges encore en activité ont déclaré avoir reçu pour instruction
de rendre des jugements illégaux et avoir été soumis à des manœuvres d’intimidation
. L’un des cas concerne la juge Domnica
Manole récemment révoquée après avoir annulé, le 14 avril 2016,
la décision rendue le 30 mars 2016 par la Commission électorale
centrale d’interdire la tenue du référendum réclamé par la Plate-forme
Dignité et Vérité. Peu de temps après, Eduard Harunjen, à l’époque procureur
par intérim, a obtenu du Conseil supérieur de la magistrature l’engagement
de poursuites pénales contre l’intéressée. Le 8 juillet 2019, Mme Manole
a été acquittée après la décision du procureur d’abandonner les
charges pesant contre elle
.
3.4.2. Ministère
public
54. Dans le contexte du démantèlement
de « l’État captif », le rôle du procureur général est apparu très discutable.
Dans nos notes d’information précédentes, nous avions déjà soulevé
des doutes relatifs au système de justice sélective en place.
55. Le 2 juillet 2019, l’ordre des avocats a publié une déclaration
réclamant la démission du procureur général, M. Eduard Harunjen,
accusé de « faire preuve d’un manque d’objectivité et d’équité dans
les procédures pénales », ainsi que d’une « incapacité à assurer
la protection des droits de l’homme». Le barreau reprochait également
à l’intéressé le non-respect du principe de l’égalité des armes
et l’engagement de poursuites « sur la base de preuves obtenues
illégalement ».
56. Le 5 juillet 2019, la Première ministre, Mme Sandu,
prononçait devant les 660 procureurs de la République de Moldova
une allocution déplorant que le procureur général, M. Harunjen,
et Mme Betisor, procureure en chef adjointe
du Bureau du procureur chargé de la lutte contre la corruption,
n’eussent pas enquêté sur la fraude bancaire et exhortant les procureurs
à refuser de suivre « des instructions illégales » et à agir en
toute indépendance
.
57. Dans ce contexte, l’arrestation, puis la libération, de Renato
Usatîi le 16 juin 2019 avaient jeté des doutes sur l’indépendance
du parquet. L’intéressé avait vu, en effet, le mandat d’arrêt lancé
en 2016 à son encontre par les procureurs annulé, alors que les
accusations pénales pesant contre lui n’avaient pas été abandonnées.
58. Le Président Dodon avait exigé la démission de M. Harunjen.
En sa qualité de nouveau Président de la République élu, il avait
remis en question la désignation de l’intéressé au poste de procureur
général et s’était engagé à annuler le décret de nomination signé
en décembre 2016 par le Président en exercice à l’époque, M. Timofti
.
59. M. Harunjen n’ayant pas l’intention de démissionner, le parlement
décidait le 8 juillet que sa nomination comme procureur général
du pays en 2016 était illégale. Le parlement a fait valoir que M. Harunjen
avait été élu au poste de procureur général, tout en étant membre
du Conseil supérieur des procureurs, en sa qualité de procureur
général par intérim (à l’époque), ce qui est interdit par la loi.
Cette décision ne tient pas compte de l’arrêt rendu par la Cour
constitutionnelle le 19 décembre 2016, lequel confirme la nomination
de M. Harunjen. Le parlement a reproché à M. Harunjen de s’être
abstenu d’assister à ses sessions et d’avoir déclaré légal l’appel
à candidatures pour pourvoir le poste de procureur général
.
60. Le parlement a donc demandé au Président Dodon de démettre
le procureur général de ses fonctions, nonobstant l’article 25 de
la Constitution en vertu duquel l’intéressé ne peut être révoqué
que par un décret présidentiel pris « sur proposition du Conseil
supérieur des procureurs ». Une réunion s’est tenue le jour suivant.
Dans l’intervalle, M. Harunjen (qui avait été hospitalisé) a démissionné.
Le Conseil supérieur des procureurs a été prié d’ouvrir une enquête
contre l’intéressé pour « usurpation de pouvoir ». Considérant qu’une telle
procédure excédait ses pouvoirs, ledit Conseil a demandé au parquet
de s’occuper de l’affaire.
61. Dans le contexte actuel, la démission du procureur général
apparaissait probablement comme une mesure nécessaire pour restaurer
la confiance dans le parquet. Aujourd’hui, la principale priorité
consistait alors à définir les conditions dans lesquelles le nouveau
procureur général sera désigné. Maia Sandu a évoqué à plusieurs
reprises la possibilité de nommer un citoyen étranger à ce poste,
alors que le Président Dodon rejette cette option.
62. La Loi n° 3/2016 sur le ministère public a été modifiée: le
nombre de membres du Conseil supérieur des procureurs est passé
de 12 à 19, de manière à permettre une meilleure représentation
de la société civile. Chaque membre est en outre désormais en mesure
d’assumer les fonctions de procureur général par intérim.
63. Le président du Conseil supérieur des procureurs a rejeté
la demande du ministre de l’Intérieur de convoquer une réunion extraordinaire
sous prétexte qu’une telle initiative irait à l’encontre du principe
de séparation des pouvoirs
.
64. Le 5 juillet 2019, plusieurs rapports dans la presse ont fait
état d’une lettre adressée par le GRECO aux autorités moldaves
, dans laquelle celui-ci fait part
de ses inquiétudes quant à la transparence du processus d’élaboration
des lois. La lettre aurait appelé les autorités à procéder d’urgence
à la mise en œuvre intégrale des recommandations du GRECO et à autoriser
la publication du deuxième rapport de conformité adopté par ce dernier
en décembre 2018 (ce que lesdites autorités auraient finalement
fait le 24 juillet 2019)
.
65. Les 16 et 19 juillet 2019, le parlement adoptait, en première
et deuxième lectures, un projet de loi autorisant le Président de
la République – agissant sur proposition du Conseil supérieur des
procureurs – à nommer un procureur général par intérim jusqu’à l’organisation
d’une procédure de sélection et la nomination du candidat retenu
en vertu d’un décret présidentiel. Cette loi permettrait au Président
de rejeter la candidature avancée par le Conseil supérieur des procureurs,
dès lors que la personne concernée est manifestement incapable d’assumer
cette fonction. À supposer que la candidature soit rejetée ou que
le Conseil supérieur des procureurs se trouve dans l’impossibilité
d’avancer une candidature, le procureur général par intérim serait confirmé
dans ses fonctions par décret présidentiel sur proposition du parlement
avec l’accord du Conseil supérieur des procureurs
.
66. Le 26 juillet 2019, le Conseil supérieur des procureurs s'est
réuni pour sélectionner un·e candidat·e au poste de procureur général
par intérim, sans parvenir à une décision faute de quorum. Conformément
à la nouvelle disposition de la loi sur le parquet et suite à la
demande du président, le parlement a lancé un appel à candidatures.
Neuf candidat·e·s ont postulé. Le 30 juillet, le parlement désignait
Dumitu Robu. Ce candidat a été approuvé par le Conseil supérieur
des procureurs le 31 juillet, ce qui a permis au Président de la République
de signer le décret présidentiel désignant M. Robu comme procureur
général par intérim. Le 9 août, le Conseil supérieur des procureurs
décidait d'ouvrir le concours pour le poste de procureur général, tandis
que le ministre de la Justice a demandé son ajournement, dans la
mesure où la procédure d'élection du procureur général était en
cours de révision.
3.4.3. Évolution future du système judiciaire
67. Lors de notre visite, nous avons rencontré des représentants
du système judiciaire pour comprendre comment les instances judiciaires
et du parquet fonctionnaient alors – et dans quelle mesure ces instances répondraient
aux allégations de manque d’indépendance, et si elles avaient la
capacité et la volonté de redresser le système judiciaire. À la
suite de nos réunions avec des représentants du ministère public
(et notamment de M. Popa, procureur général par intérim), des membres
du Conseil supérieur des procureurs et des membres du Conseil supérieur
de la magistrature, nous n’avons pas été convaincus que le système
– s’il était maintenu en l’état – parviendrait à se corriger lui-même.
Au contraire, il ressort de nos discussions que les représentants
en exercice n’ont ni la volonté ni la capacité de critiquer leur
travail passé, de remettre en question leur modus
operandi ou d’exprimer leur volonté de changer leurs
méthodes de travail et de gagner plus d’indépendance. Dans la plupart
des cas, les appels à ouvrir des enquêtes après le changement de gouvernement
sont restés sans réponse – ou ont été rejetées – par le procureur
général par intérim. Cette attitude a incité le Président à proposer
une nouvelle loi modifiant les modalités de nomination du procureur par
intérim (voir supra).
68. On peut comprendre que la situation actuelle puisse nécessiter
des mesures temporaires et dérogatoires du droit commun. Toutefois,
lesdites mesures devraient être exceptionnelles et réversibles une fois
le système judiciaire en mesure de fonctionner sur la base de critères
clairs exempts de considérations politiques. Il est en effet indispensable
de consolider les instances de régulation des magistratures du siège
et du parquet, lesquelles devraient rester responsables de la procédure
de sélection initiale des candidats. Cela d’autant plus que le GRECO
a formulé des recommandations cohérentes concernant les procédures
de nomination et de révocation des procureurs généraux et autres
procureurs lesquelles devraient garantir que:
- toute décision dans ce domaine soit motivée, fondée sur
des critères clairs et objectifs, et susceptible d’être contestée
devant un tribunal ;
- les décisions de nomination se fondent sur des procédures
de sélection obligatoires et transparentes ; et
- la révocation ne puisse être prononcée que dans le contexte
d’une procédure disciplinaire, une condition jugée indispensable
compte tenu de la diversité de la configuration des services assurés
par le ministère public dans les différents États membres du Conseil
de l’Europe.
69. Le 27 août 2019, le chef de l'État, le Président Dodon, la
Présidente du Parlement, Mme Greceanîi,
la Première ministre, Mme Sandu, et le
ministre de l'Intérieur, M. Năstase, ont présenté, au cours d'une conférence
de presse commune, leur projet de grande réforme de la justice sur
laquelle les trois partis de la coalition au pouvoir s’étaient entendu.
Les changements affecteraient l'élection du procureur général, la composition
de la Cour suprême de justice, du Conseil supérieur de la magistrature
et du Conseil supérieur des procureurs ainsi que l'évaluation des
juges et des procureurs. L a Première ministre, Mme Sandu,
a expliqué que cette réforme était rendue nécessaire en raison de
la vive résistance rencontrée et du manque de volonté du système
judiciaire et du bureau du procureur en faveur du changement
. Ces informations étant arrivées
à un stade avancé, nous n’avons pas été en mesure d’examiner en
détail les modifications proposées. Cependant, compte tenu de l'importance
de ces textes législatifs, nous attendons des autorités moldaves qu'elles
collaborent étroitement avec les instances du Conseil de l'Europe,
y compris la Commission de Venise, et sollicitent leur expertise
pour faire en sorte que ces changements renforcent l'indépendance
et l'impartialité des instances de régulation du système judiciaire
et du ministère public et établissent des systèmes de recrutement
ouverts, transparents et fondés sur le mérite. Nous espérons en
outre que les changements proposés seront durables et conformes
aux normes du Conseil de l'Europe.
70. Lors de notre visite, nous avons également abordé la question
de la formation des juges et des procureurs assurée par l’Institut
national pour la justice. Il nous est apparu que de profondes réformes
seraient nécessaires pour améliorer la formation, revoir les programmes
d’études et veiller à ce qu’une nouvelle génération de juges et
de procureurs soit formée avec le souci de leur indépendance professionnelle.
Le 29 juillet, la Première ministre, Mme Sandu,
a demandé la démission du conseil de direction de l’Institut national pour
la justice. Elle a également réclamé une augmentation du nombre
de nouveaux juges et procureurs (actuellement de 20 pour chacune
de ces catégories de magistrats) afin de parvenir à une « masse
critique de personnes désireuses de nettoyer le système »
.
71. Enfin, alors que nous avons observé une grande détermination
des autorités pour réformer et dépolitiser le système en profondeur,
nous avons également noté les critiques de membres de l’opposition
concernant les procédures de nomination lancées par le parlement
pour sélectionner les membres de la Cour constitutionnelle, le chef
du Centre national anticorruption et le procureur général par intérim,
comme en atteste la lettre transmise par le président du Parti libéral
et ancien maire de Chisinau, Dorin Chirtoaca
.
3.5. Services
de renseignement et de sécurité
72. Le 18 juin 2019, le parlement
a adopté deux lois en première lecture. En vertu de ces instruments,
le Président de la République sera désormais habilité à coordonner
le travail du Service de renseignement et de sécurité (SIS) et du
Service de protection et de garde de l’État. Le directeur du SIS
sera nommé par le parlement, sur proposition du Président de la
République, pour un mandat de cinq ans. Il pourra être révoqué par
le parlement à la demande du Président ou d’un tiers des députés.
73. Le 5 juillet, le parlement a adopté en lecture finale les
modifications de la Loi sur la sécurité de l’État. Cet instrument
oblige désormais les autorités de l’administration centrale, les
instances gouvernementales ou les personnes morales de droit public
à fournir, sur demande, toute information sur la sécurité nationale,
la défense et l’ordre public, y compris les données considérées
comme relevant du secret d’État, commercial ou bancaire.
74. Un rapport publié par l’ONG
RISE
Moldova regroupant des journalistes d’investigation fait
état d’allégations de surveillance de masse et d’interceptions (illégales)
des communications de 52 responsables politiques (dont M. Năstase),
de représentants de la société civile et de journalistes par le
ministre de l’Intérieur. Il est assez étonnant que le nombre d’interceptions
de conversations autorisées par les tribunaux soit passé de 2 800
en 2013 à 12 100 en 2018
.
75. Le 26 juillet 2019, le Vice-Premier ministre et ministre de
l'Intérieur M. Năstase a signé l'ordre de liquidation de la Direction
des opérations spéciales de l'Inspection nationale des enquêtes.
M. Năstase a affirmé que la direction avait agi en tant que force
de police politique et avait intercepté illégalement des conversations
de militants politiques, de journalistes, de représentants de la
société civile et d’hommes d'affaires.
3.6. Lutte
contre la corruption et le blanchiment de capitaux
76. Le directeur du Centre national
anticorruption (CAN), Bogdan Zumbreanu, a été révoqué le 8 juin 2019 par
le parlement grâce aux voix de la nouvelle majorité parlementaire.
Il a été réintégré plus tard à son ancien poste de chef du service
des enquêtes pénales dudit Centre, avant de démissionner le 8 juillet
. Une procédure a été lancée le 27 juin
en vue de sélectionner le nouveau directeur du CAN. Dix candidats
se sont manifestés, et trois autres après l’extension du délai de
soumission des candidatures. Ruslan Flocea, un conseiller du Président
Dodon ayant travaillé pour le Centre, a été nommé directeur le 31
juillet 2019 par le parlement, à une large majorité.
77. Le 5 juillet, le Parlement moldave a approuvé, en première
lecture, une loi prévoyant l’introduction d’un audit externe obligatoire
de toutes les entreprises publiques appartenant à l’État ou à une
municipalité. Jusqu’à ce jour, l’administration des entreprises
publiques d’Etat avait toujours refusé de communiquer les informations demandées
en arguant de la nécessité de protéger les secrets commerciaux.
Les auteurs du projet de loi soulignent que la garantie de la transparence
des entreprises d’Etat et municipales figure dans le programme de
réforme et revêt un caractère obligatoire s’agissant pour la République
de Moldova d’obtenir l’assistance macrofinancière promise par l’Union
européenne pour un montant total de 100 millions d’euros
.
78. Comme l’indique le dernier rapport de l’Assemblée sur les
« lessiveuses », la République de Moldova est mêlée à d’importants
stratagèmes de blanchiment de capitaux, impliquant la complicité
de juges corrompus. Selon certaines estimations, 84 milliards $US
auraient été ainsi siphonnés dans le pays en provenance de Russie
. Dans sa
Résolution 2279 (2019) “Lessiveuses: faire face aux nouveaux défis de
la lutte internationale contre la criminalité organisée, la corruption
et le blanchiment de capitaux”, l’Assemblée a appelé les autorités:
«7.2.1. à
poursuivre pleinement et de manière effective son enquête sur le
système de lessiveuse internationale et à poursuivre et punir tous
les auteurs d’infractions en rapport avec ces faits ;
7.2.2. à mettre en place des
dispositions qui empêchent les personnes inculpées ou condamnées
pour de graves infractions, y compris pour corruption et blanchiment
de capitaux, de prendre ou d’exercer des fonctions publiques ;
7.2.3. à poursuivre avec diligence
les enquêtes et l’engagement de poursuites à l’encontre des candidats
à une fonction publique et des responsables publics, y compris des
élus, tout en évitant scrupuleusement toute inégalité de traitement
motivée par des considérations politiques ;
7.2.4. à envisager d’abroger
« l’amnistie fiscale » mise en place en juillet 2018, car elle risque
de faciliter le blanchiment de capitaux ;
7.2.5. à veiller à réglementer
rigoureusement son programme de « visa en or », car il risque lui
aussi de faciliter le blanchiment de capitaux, surtout lorsqu’il
est associé à « l’amnistie fiscale ».
79. Le pays se remet toujours du fameux « scandale de la fraude
bancaire »: en 2014, un milliard $US auraient disparu du système
bancaire de trois grandes banques nationales (Banca de Economii,
Banca Socială et Unibank)
.
Les institutions de l’État n’ont pas voulu ou n’ont pas pu empêcher
cette fraude.
80. Lors de notre visite en avril 2018, nous avions exhorté les
autorités à publier le deuxième rapport d’enquête (dit « rapport
Kroll 2 ») préparé par la société d’audit américaine Kroll et à
établir la responsabilité de la fraude bancaire. À cette époque,
seul un résumé de ce document avait été rendu disponible (en décembre 2017) ;
il expliquait que, sur le montant total des prêts accordés (2,9 milliards
$US), une partie (environ 2 milliards $US) avait été reversée aux
banques d’origine, la perte nette des trois banques entre 2012 et
le 26 novembre 2014 étant par conséquent estimée à 600 millions
$US
.
81. Le 11 juin 2019, le Conseil national de sécurité convoqué
par le Président Dodon a demandé à la Banque Nationale et au parquet
de publier le rapport Kroll 2
. Il est cependant apparu
que ce document ne désigne pas nommément les bénéficiaires des prêts,
la liste des personnes concernées n’ayant été divulguée qu’au parquet.
Le rapport mentionne de nouveau le nom de plusieurs députés de la
faction Shor: Ilhan Shor, Marina Tauber et Regina Apostolova, ainsi
que celui d’un des députés indépendants élus dans le district de Transnistrie,
Viorel Melnik, lequel a démissionné du parlement le 17 juillet (en
soutenant que le rôle des députés indépendants dans le parlement
actuel a été ramené à zéro
).
82. La question de la publication intégrale du rapport Kroll 2
reste très confuse. Le procureur général par intérim nous a expliqué
que ce document ne comporte aucune annexe. Renato Usatîi, pour sa
part, prétend avoir reçu une copie du rapport intégral, lequel contiendrait
une annexe désignant nommément le mari de la Présidente actuelle
du Parlement, Mme Greceanîi. La question
de savoir si le rapport exhibé par M. Usatîi est authentique ou
pas fait encore débat.
83. Ilhan Shor, le dirigeant du Parti Shor élu député en février,
a quitté le pays (prétendument pour Israël) le 15 juin, après avoir
semble-t-il traversé la frontière illégalement
. Une enquête a été ouverte par le
parquet. Des membres du personnel de l’aéroport de Chisinau ont
été entendus. Une audience de tribunal prévue pour le 25 juin a
été reportée en raison de la maladie d’un juge. Le 19 juillet, selon
les médias, le procureur chargé de la lutte contre la corruption
a indiqué que le député avait quitté le pays sans passer le moindre
contrôle douanier ou frontalier et a lancé un mandat d’arrêt
.
84. Le parlement, pour sa part, a créé le 10 juin 2019 une commission
pour enquêter sur la fraude bancaire. Ladite commission est présidée
par Alexandru Slusari de la Plate-forme DA (Vérité et Dignité).
Elle devrait rendre son rapport dans les 90 jours. Le 5 juillet,
la majorité parlementaire a refusé d’inclure comme membres de cette
instance les députés du Parti démocrate, en la personne de M. Candu
(ancien Président du Parlement) et de M. Cebotari (ancien ministre
de la Justice). À la suite de l’audition tenue le 25 juillet, la commission
d’enquête a demandé au Bureau du procureur d’engager des poursuites
pénales et d’enquêter sur les actes/omissions de nombreux titulaires
qui occupaient alors de hautes fonctions et d’enquêter sur leur implication
et possible négligence lorsque les garanties étatiques ont été offertes
aux établissements bancaires Banca de Economii, Unibank and Banca
Socială, étant donné les graves conséquences sur le système bancaire
moldave.
85. Le 1er juillet, le ministre de
l’Intérieur a engagé des poursuites judiciaires à l’encontre de
juges et de procureurs impliqués dans des activités illégales. Il
s’agissait notamment de la procureure en chef adjointe du Bureau
du procureur chargé de la lutte contre la corruption, Adriana Betisor,
laquelle a démissionné de ses fonctions le 3 juillet, mais continuera
à travailler comme procureur dans les affaires de lutte contre la
corruption.
86. Le ministre de l’Économie, pour sa part, a indiqué le 9 juillet
qu’« un groupe de criminels est parvenu à infiltrer la structure
gouvernementale et à transformer tout le pays en une entreprise
servant ses propres intérêts ». Le ministre a affirmé que pas moins
de 400 millions de LEI (environ 20 millions d’euros) sont collectés
chaque mois par le biais de ce dispositif.
87. Le Conseil national de sécurité a officiellement demandé à
la communauté internationale d’ouvrir une enquête internationale
et de tenter de recouvrir des avoirs liés à des délits financiers
impliquant la République de Moldova. Le 16 juillet, le Bureau du
procureur général a décidé de renforcer la cellule d’enquête criminelle du
parquet chargée de l’affaire de fraude bancaire en lui adjoignant
des fonctionnaires détachés du ministère de l’Intérieur, du Service
de sécurité et de renseignement, ainsi que des experts judiciaires
et des comptables de la Banque Nationale et de la Commission nationale
du marché des valeurs mobilières. Une équipe commune d’enquête sera
mise en place en coopération avec Eurojust (Union européenne) afin
de recueillir des documents et autres éléments de preuve concernant
les personnes impliquées dans la fraude. Les autorités compétentes
d’Autriche, de Chypre, d’Estonie, des États-Unis, de France, d’Italie,
de Lettonie, du Liechtenstein, de Monaco, de République tchèque,
de Russie et de Suisse ont été invitées à coopérer à la collecte
de preuves d’opérations bancaires et à l’audition de témoins
.
88. Le parlement a lui aussi établi une commission d’enquête chargée
d’analyser les modalités de la privatisation de biens publics entamée
en 2013, y compris celle de la Banca de Economii. Le 19 juillet,
le parlement approuvait un moratoire sur la privatisation, l’octroi
de concessions et la signature de partenariats public-privé relatifs
à des biens publics, jusqu’à l’approbation par le parlement des
conclusions de ladite commission d’enquête.
89. Le rapport Kroll 2 mentionne plusieurs biens immobiliers enregistrés
auprès de Finpar Invest Ltd, une société occupant une place centrale
dans la gestion du parc immobilier de Vladimir Plahotniuc. Un média d’investigation,
RISE Moldova, a identifié certains
des biens saisis par l’Office des saisies le 26 juin 2019, notamment
l’hôtel de luxe Nobil et les studios où plusieurs chaînes de télévision
(Prime, Publika, Canal 2 et Canal 3) opèrent, dans le cadre de l’enquête
sur la fraude bancaire
. Pendant notre visite, le Centre
national anticorruption s’est abstenu de commenter ou de confirmer
cette information en invoquant le secret de l’instruction.
90. Le parlement a également créé une commission spéciale chargée
d’examiner la mise en œuvre du projet de construction de la « Chișinău-Arena ».
Ladite commission examinera les conditions dans lesquelles le concours
a été organisé, en tenant dûment compte de ce que le Président Dodon
a qualifié de « nombreuses décisions suspectes et de l’opacité des
opérations »
.
91. Les autorités devraient également s’attaquer aux assertions
de corruption politique: pendant la crise, certaines allégations
ont été formulées – sur la base de séquences vidéo diffusées par
le Parti démocrate – à propos de la reconnaissance par le Président
Dodon de la réception par son parti de fonds en provenance de la
Russie à hauteur d’un million $US par mois jusqu’en avril 2019.
La législation en vigueur interdit le financement des partis politiques
par des pays étrangers. À la suite de ces allégations, le Parti
démocrate avait demandé la création d’une commission d’enquête chargée
de clarifier les circonstances d’éventuelles atteintes à la sûreté
nationale et à la souveraineté du pays résultant du financement
étranger de certains partis politiques. Cette proposition avait
été rejetée par la coalition au pouvoir.
92. Le 24 juillet 2019, le rapport de conformité du GRECO (adopté
en décembre 2018) a été rendu public. Il conclut que la Moldova
doit faire des progrès significatifs pour atteindre un niveau acceptable
de conformité et invite les autorités nationales à intensifier leurs
efforts pour lutter contre la corruption des parlementaires, des
juges et des procureurs. Jusqu’à présent, 4 des 18 recommandations
énoncées ont été intégralement mises en œuvre, 9 partiellement mises
en œuvre et 5 pas du tout mises en œuvre
.
93. Dans ce contexte, nous avons également été informés du changement
ayant affecté les services répressifs. Dans la police et l’administration
pénitentiaire, un certain nombre de démissions ont été enregistrées.
Il s’agit notamment de celles du chef de la police des frontières
Fredolin Lekari le 10 juillet, du chef adjoint de la police de Chisinau
Silviu Musuc et du chef de l’Inspection générale de la police (IGP)
Marin Maxian le 12 juillet. Selon certaines allégations, une liste
noire établie par le ministre de l’Intérieur aurait été établie
et mentionnerait notamment le nom des chefs de l’inspection de la
police territoriale dont on attend la démission. La nomination de
Gheorg Balan au poste de chef de l’Inspection générale de la police
avait soulevé des questions, M. Balan étant le filleul du ministre
de l’Intérieur Andrei Năstase. Le gouvernement a décidé de le nommer
chef par intérim jusqu’à ce qu’un nouveau chef puisse être nommé.
3.7. Autres
questions institutionnelles et politiques
94. À la suite des dernières élections
législatives, on a pu observer une augmentation de la représentation des
femmes au sein du parlement (26 %) et du gouvernement (55 %). Il
s’agit là d’une évolution que nous saluons. Dans le domaine de l’égalité
des sexes, nous nous félicitons également du soutien exprimé par
le Président de la République, M. Dodon, aux initiatives que pourrait
prendre le parlement pour ratifier la Convention du Conseil de l’Europe
sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes
et la violence domestique (STCE n° 210, “Convention d’Istanbul”),
signée par le pays en 2017. Cette ratification constituerait une
avancée sensible dans la protection des droits des femmes et l’Assemblée
serait disposée à soutenir le Parlement moldave dans son processus
de ratification.
95. En ce qui concerne le règlement du conflit en Transnistrie,
cette question avait fait partie des négociations politiques pour
la formation d’un nouveau gouvernement (voir plus haut). À l’époque,
des allégations, étayées par des images vidéo, avaient été formulées
mettant en cause le Président de la République et le dirigeant du
Parti des Socialistes concernant la fédéralisation de l’État moldave
sur la base du mémorandum Kozak de 2003. Le nouveau Vice-Premier
ministre chargé de la réintégration, M. Şova, a confirmé que les
autorités étaient prêtes à poursuivre la mise en œuvre des trains
de mesures adoptés à Berlin et à créer un nouveau groupe de travail
pour poursuivre les discussions. Toutefois, aucun plan majeur n’est prévu
dans un avenir proche. Interrogé sur l’éventuelle fédéralisation
du pays, M. Şova a déclaré que le gouvernement envisage de mettre
en place une « autonomie décentralisée » pour la région de Transnistrie.
96. Le 12 juillet 2019, le Président Dodon a indiqué que les trois
priorités présentées aux partenaires « 5+2 » sont les droits de
l’homme et la démocratisation de la région de Transnistrie ; la
libre circulation des personnes, des biens et des services dans
toute la Moldova, ainsi que le rétablissement d’un espace commercial
et économique unique ; et la création des conditions nécessaires
à la reprise des négociations en 2020. Les partenaires 5+2 restent
déterminés à continuer de soutenir la mise en œuvre des mesures
de confiance définies dans le protocole de Berlin en 2016
.
97. En ce qui concerne le processus de réintégration de la région
de Transnistrie, la Première ministre demande la levée de l’interdiction
de se rendre sur la rive gauche pour tous les citoyens moldaves
et la prolongation de la mission de l’Union européenne d’assistance
à la surveillance aux frontières de la République de Moldova et
d’Ukraine (EUBAM). Elle espère que le format 5+2 pourra aussi servir
de plate-forme pour aider à lutter en priorité contre la corruption
et la contrebande et faire en sorte que « les institutions de l’État
et les fonctionnaires du gouvernement ne soient plus impliqués dans
des affaires de corruption et de contrebande avec Tiraspol, comme
ce fut le cas dans le passé », une situation empêchant tout progrès
réel dans la recherche d’une solution politique
. À Luxembourg, l’Assemblée parlementaire
de l’OSCE a rappelé son soutien à un règlement complet, pacifique
et durable du conflit en République de Moldova, sur la base du respect
de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de cet État dans
ses frontières internationalement reconnues. L’Assemblée parlementaire
de l’OSCE a rappelé la nécessité d’un retrait complet des forces armées
et des stocks de munitions de la Fédération de Russie du territoire
moldave, ainsi que le besoin de transformer l’opération de maintien
de la paix en cours en une mission civile internationale
. Une visite d’information
des représentants des 5+2 a également été organisée le 12 juillet 2019
et a confirmé l’engagement des autorités moldaves à poursuivre les
discussions 1+1 et 5+2
.
À l'occasion de sa visite en République de Moldova, le ministre
russe de la Défense a évoqué la possibilité pour la Fédération de
Russie d'engager, selon le format 5 + 2, le processus de liquidation
des munitions stockées près du village de Cobasna, dans la région
transnistrienne de la République de Moldova
.
4. Remarques
conclusives
98. Nous félicitons le peuple moldave
d’avoir surmonté, de manière pacifique, la crise politique et constitutionnelle
de juin 2019. La coalition actuelle, qui semblait si improbable
il y a quelques mois, reflète la volonté d’une grande partie des
citoyens de tous horizons. Cet accord pragmatique, basé sur la définition d’objectifs
politiques communs, offre une chance de combler aujourd’hui les
fossés traditionnels au sein de la société, ainsi que de restaurer
la confiance des partenaires et des investisseurs internationaux
dans le cadre d’une « politique étrangère équilibrée ». La Première
ministre, Mme Sandu, a engagé une action
courageuse et politiquement risquée pour normaliser la situation
et soustraire les institutions de l’État à toute ingérence indue. Nous
soutenons les efforts entrepris pour restaurer l’État de droit et
le bon fonctionnement des institutions démocratiques, ainsi que
pour renforcer les institutions de l’État. Nous espérons aussi que
la politique engagée parviendra à améliorer le niveau de vie de
la population. Dans ce contexte, nous nous félicitons de la reprise de
l’aide internationale au peuple moldave et de la confiance accrue
des partenaires internationaux. Cette assistance paraît indispensable
pour améliorer les conditions de vie des citoyens et les inciter
fortement à contribuer au développement de la Moldova, étant donné
qu’un million de personnes ont quitté le pays au cours des dernières
décennies et qu’un Moldave sur quatre vit à l’étranger
.
99. Le changement pacifique de pouvoir a mis en lumière des pratiques
qui n’étaient pas conformes aux normes du Conseil de l’Europe et
compromettaient le fonctionnement des institutions démocratiques.
Il a incité les autorités nouvellement nommées à procéder à une
purge du système étatique. Il existe aujourd’hui une volonté légitime
des nouvelles autorités, fondée sur le désir exprimé par les électeurs,
d’écarter les personnes activement impliquées dans ces activités
illégales et antidémocratiques qui ont eu de profondes répercussions sur
les institutions et les entreprises et des conséquences dramatiques
pour la société. L’élimination des éléments qui caractérisent l’« état
captif » devrait contribuer à rétablir l’État de droit et la confiance
dans les institutions publiques. Des efforts pour dépolitiser les
institutions de l’État et supprimer les intérêts privés sont absolument
nécessaires pour garantir un fonctionnement des institutions démocratiques
conforme aux normes du Conseil de l’Europe. Les institutions démocratiques
ne doivent pas être instrumentalisées dans le cadre d’une démarche
législative hâtive et imprévoyante. À long terme, il existe un risque
élevé que de telles actions précipitées compromettent l’indépendance
et le bon fonctionnement des institutions démocratiques ou des organes
indépendants. Même si des textes législatifs ont été adoptés pour
débloquer certaines situations, les autorités devraient maintenant
envisager d’abroger les instruments permettant de déroger au droit
commun.
100. Nous saluons la résilience et la retenue dont le peuple moldave
a fait preuve pendant cette crise. Nous prenons note aussi des fortes
attentes de la population qui espère vraiment que cette nouvelle
coalition changera le fonctionnement des institutions démocratiques.
Les autorités sont très tentées de révoquer rapidement les fonctionnaires
qui se seraient montrés réceptifs aux influences et pressions extérieures
et pourraient maintenant être peu enclins à « nettoyer le système »
de l’intérieur et à prendre les mesures attendues pour restaurer
l’État de droit. Pourtant, nous invitons instamment les mêmes autorités
à ne pas oublier que les mesures juridiques prises aujourd’hui pour
« désoligarchiser » le pays auront des effets à long terme et qu’elles
devraient donc avoir pour finalité de contribuer à consolider les
institutions de l’État, à renforcer leur indépendance et à garantir
que les nouvelles lois et leur mise en œuvre seront conformes aux normes
du Conseil de l’Europe.
101. La réforme du système judiciaire et du ministère public jouera
un rôle essentiel dans le rétablissement de l’État de droit et la
garantie de la protection des droits humains fondamentaux par la
branche judiciaire et dans la suppression de la justice sélective.
Les procédures de révocation et de recrutement au sein de l’appareil
judiciaire et du ministère public, ainsi que d’autres services répressifs,
devraient se fonder sur des critères clairs et transparents. L’éradication
de la corruption, perçue comme une priorité pour le nouveau gouvernement,
nécessite aussi une action résolue. Le dernier rapport publié le
24 juillet 2019 par le
GRECO, l’organe anticorruption du Conseil de l’Europe, comporte
des recommandations claires et utiles sur les mesures qui devraient
être prises pour améliorer la transparence et la responsabilisation
des institutions de l’État, parlement compris.
102. Le renouvellement des fonctionnaires et autres agents publics
peut s’avérer opportun s’il est dûment justifié. Il est cependant
primordial de veiller à ce que les changements pertinents de la
législation soient mis en œuvre de manière à consolider les institutions
et les organes indépendants: le renversement du système antérieur
ne doit pas se faire au détriment du respect de procédures prédéterminées
basées sur des critères clairs et objectifs et ne devrait pas aboutir
à une «chasse aux sorcières», une crainte qui a pu être exprimée lors
de notre visite. Nous suivrons donc de près ces développements au
cours des prochains mois.
103. Dans le contexte politique incertain prévalant aujourd’hui
– inhérent au caractère purement technique de la coalition parlementaire
–, nous sommes déterminés à suivre attentivement cette situation
et à veiller à ce que les procédures appropriées soient suivies
et qu’elles soient conformes aux normes du Conseil de l’Europe. Pour
le moment, le pays devrait organiser des élections locales libres
et équitables le 20 octobre 2019 et veiller à ce que la volonté
des électeurs soit respectée au niveau local. Nous espérons également
qu’il sera mis fin aux allégations de pressions et d’intimidations
politiquement motivées à l’encontre des élus locaux, comme cela
a été le cas dans le passé. Nous encourageons vivement les autorités
moldaves à poursuivre la coopération avec le Conseil de l’Europe,
à rechercher l’expertise de l’Organisation et à s’inspirer des bonnes pratiques
que celle-ci préconise afin de surmonter la crise politique et de
jeter des bases solides pour l’avenir.