1. Introduction
1. J’ai été désingé rapporteur
le 12 mars 2018, à la suite d’un débat d’actualité tenu à l’initiative
de notre collègue M. Emanuelis Zingeris (Lituanie, PPE/DC), lors
de la réunion de la Commission permanente à Copenhague en novembre
2017 intitulé «La démocratie piratée? Comment réagir?»
. La question soulevée lors de ce
débat a ensuite été renvoyée à la commission des questions politiques
et de la démocratie pour rapport. Le changement opéré au niveau
des structures publiques par les technologies modernes et les réseaux
sociaux dans le fonctionnement des systèmes démocratiques européens
et les effets de ce que l’on appelle communément les «désordres
de l’information» – à savoir mésinformation, désinformation, information malveillante
– sur les processus électoraux présentent un intérêt manifeste pour
notre commission.
2. Je souhaiterais, pour commencer, poser les questions suivantes:
la transformation numérique des structures publiques menace-t-elle
nos débats publics et le modèle actuel des démocraties représentatives? Comment
pouvons-nous accroître le degré de résilience de la société à l’égard
de la désinformation? Le fonctionnement des réseaux sociaux, en
accentuant ce que les chercheurs appellent le «cocooning», c’est-à-dire
la tendance de groupes de personnes connectées à pratiquer l’entre-soi
et de ne suivre que des «informations», qu’elles soient avérées
ou fausses, qui confortent leur point de vue, ainsi que la logique commerciale
des opérateurs de plateformes et le manque de transparence dans
la diffusion de l’information ne risquent-ils pas de rendre ces
communautés d’internautes imperméables à la confrontation d’opinions
qui ne sont pas les leurs? En d’autres termes, si la démocratie
renvoie à l’acceptation du débat entre des personnes qui ont des
opinions différentes, cette tendance ne rend-elle pas obsolète cet
élément de la démocratie?
3. La démocratie et le nouvel environnement technologique entretiennent
des relations complexes. D’un côté, internet et les médias sociaux
sont devenus un forum central d’échanges politiques. Dans certaines démocraties,
l’utilisation des outils technologiques a facilité la participation
démocratique et le militantisme politique. D’un autre côté, internet
et les réseaux sociaux peuvent compromettre le libre arbitre des
électeurs ou le principe de l’égalité des chances entre tous les
candidats ainsi que le droit des électeurs au respect de la vie
privée.
4. De fait, l’accroissement de la production de contenus
et
la centralisation des canaux de diffusion en ligne, comme Twitter,
Google et Facebook, ont eu plusieurs effets indésirables: la prolifération
des tactiques de désinformation, publiques et privées, mais surtout
l’arrivée dans l’arène démocratique d’acteurs privés non réglementés,
littéralement propriétaires des infrastructures d’information et
des points d’accès à l’information. Les outils virtuels peuvent
être utilisés pour mettre en péril l’intégrité des élections de
plusieurs façons, notamment en faisant baisser la participation,
en truquant les résultats, en volant les données des électeurs, en
se livrant au cyber espionnage ou au «doxing» de candidats (pratique
consistant à mettre en ligne des informations personnelles d’un
tiers pour lui porter préjudice) à des fins de manipulation, et
pour orienter les opinions des électeurs.
5. Dans le domaine de la défense, les cybers attaques occupent
une place grandissante dans ce que l’on appelle désormais les «guerres
hybrides»: un nouveau type de guerre mêlant des méthodes conventionnelles et
non conventionnelles. Elles redéfinissent d’ailleurs les concepts
classiques de la stratégie militaire que sont l’attaque et la défense.
Dans ce contexte, le risque est grand que la société civile soit
directement visée et que ses droits soient menacés. L’importance
de cette question ne fait aucun doute, mais elle n’entre pas dans
le cadre du présent rapport et je renvoie à la
Résolution 2217 (2018) et la
Recommandation
2130 (2018) «Problèmes juridiques posés par la guerre hybride et
obligations en matière de droits de l’homme», adoptées par l’Assemblée
le 26 avril 2018, ainsi qu’à la réponse du Comité des Ministres
du 13 décembre 2018.
6. J’entends mettre l’accent sur les questions liées à la désinformation,
l’infrastructure et la transparence d’internet et leur impact sur
le processus démocratique et les élections. J’examinerai la manière
dont les pays européens abordent la question de la désinformation,
en particulier dans le contexte des élections, ainsi que le travail
accompli par le Conseil de l’Europe et l’Union européenne et les
efforts en matière d’autorégulation consentis par les entreprises
de médias sociaux.
7. Le 25 juin 2018, la commission a tenu un premier échange de
vues consacré à la sécurité pendant les élections avec la participation
de Mme Simona Granata-Menghini, secrétaire
adjointe de la Commission européenne pour la démocratie par le droit
du Conseil de l’Europe (Commission de Venise), et aux désordres de
l’information avec la participation de M. Patrick Penninckx, chef
du Service de la société de l’information, Direction générale Droits
de l’homme et État de droit du Conseil de l’Europe.
8. Le 11 septembre 2018, la commission a procédé à une autre
audition, à laquelle ont participé Mme Divina
Frau-Meigs, professeure, sociologue et chercheuse spécialisée dans
les médias, à l’université Sorbonne Nouvelle, Paris, et M. Ben Scott,
membre du conseil d’administration du groupe de réflexion Stiftung Neue
Verantwortung et conseiller politique en matière d’innovation au
sein du département d’État de l’administration de l’ancien président
américain Barack Obama.
9. Le 15 mai 2019, je me suis rendu à Stockholm pour m’entretenir
de la question avec les autorités suédoises
qui
ont été confrontées à des tentatives d’ingérence dans leurs élections
et ont une vision globale des réponses possibles susceptible d’être
partagée avec d’autres États membres du Conseil de l’Europe.
10. Enfin, le 14 novembre 2019 à Berlin, la commission a organisé
conjointement avec la commission des questions juridiques et des
droits de l’homme une audition à laquelle ont participé M. Georg
Thiel, président de l’Office fédéral allemand des statistiques et
directeur du scrutin fédéral, Mme Astrid
Schumacher, cheffe de la division «Conseil en sécurité des technologies
de l’information et sécurité des documents classifiés» de l’Office
fédéral allemand de la sécurité des technologies de l’information,
M. Johan Farkas, de l’université de Malmö et Mme Ulrike
Klinger de l’Institut d’études sur la communication et les médias,
à l’université libre de Berlin. Au cours de la réunion, notre collègue,
M. Emanuelis Zingeris, qui prépare un avis sur ce rapport, m'a également
fourni de précieuses informations.
11. Je pense qu’il est désormais temps pour tous les États membres
du Conseil de l’Europe d’assumer de plus grandes responsabilités
et de s’employer à lutter contre la désinformation, préserver l’intégrité
des élections, protéger la démocratie et renforcer le principe de
la responsabilité des médias sociaux proprement dits.
2. L’ampleur du problème
12. Selon Freedom House, les tactiques
de manipulation et de désinformation ont joué un rôle important dans
les élections d’au moins 18 pays en 2017, compromettant la capacité
des citoyens à choisir leurs dirigeants sur la base d’informations
factuelles et de véritables débats, et donnant lieu à l’émergence
de ce qui a été qualifié «d’autoritarisme numérique». Dans le même
temps, certains gouvernements partout dans le monde renforcent le
contrôle des données des citoyens et invoquent le phénomène des
«fake news» (fausses informations) pour faire taire les voix dissidentes,
minant ainsi la confiance envers internet et affaiblissant les fondements
de la démocratie
.
13. En janvier 2018, M. Anders Thornberg, chef du service de sécurité
suédois, s’exprimant dans le cadre des élections générales tenues
dans le pays, a pointé du doigt plusieurs exemples d’articles relayant
de fausses informations aux fins de créer des dissensions et de
saper la confiance, dont un qui affirmait que des musulmans avaient
vandalisé une église. Cette dernière «information» a été propagée
par des «bots» (robots)
,
implantés hors de la Suède. M. Thornberg a mis en avant les conséquences
en termes de sécurité nationale lorsqu’un acteur étranger a recours
à de telles campagnes de désinformation
. En janvier 2019, Facebook
a mis fin à deux opérations de désinformation de grande ampleur
liées à des acteurs étatiques russes et opérant dans toute l’Europe
centrale et orientale
. Le mois suivant, en février, les
autorités allemandes ont interpellé un étudiant âgé de 20 ans qui
a reconnu avoir accédé illégalement à des informations relatives
à plus de mille personnalités, dont des responsables politiques
de haut rang
. Plus récemment, en novembre 2019,
Facebook a annoncé avoir supprimé 5,4 milliards de faux comptes
durant l’année
.
14. Construit comme un lieu ouvert et démocratique, internet est
aussi ce «village mondial» qui permet de diffuser les informations
facilement et à faible coût. Il est par conséquent difficile de
distinguer les informations fiables ou de déterminer les personnes
responsables de comportements illégaux en ligne. La propagande,
la désinformation et les discours de haine en ligne se sont intensifiés
à l’ère numérique. Dans ce contexte, un défi majeur consiste à garantir
la liberté de vote et des élections équitables, tout en préservant
la liberté d’expression. Dès lors que les citoyens ne sont pas en
mesure de distinguer les vraies informations des fausses et méconnaissent
les conditions dans lesquelles ils peuvent exercer leurs droits
et libertés, la pureté de leurs intentions pourrait être altérée,
et la légitimité démocratique des élections elles-mêmes compromise
.
15. Selon les experts, la mésinformation, qui a parfois bénéficié
de l’appui de gouvernements, a déjà influencé plusieurs événements
majeurs en Europe. À titre d’exemple, d’aucuns affirment que la désinformation
a pu impacter le vote néerlandais sur l’accord d’association entre
l’Union européenne et l’Ukraine, le résultat du référendum sur le
Brexit, les débats sur l’indépendance de la Catalogne et les questions
d’immigration en Italie.
16. D’après le rapport final de la Commission du numérique, de
la culture, des médias et du sport de la Chambre des communes du
Royaume-Uni publié le 14 février 2019, à l’issue d’une enquête de
18 mois sur la désinformation, la démocratie est menacée par le
ciblage malveillant et incessant de citoyens par la désinformation
et par des «publicités occultes» personnalisées provenant de sources
non identifiables et diffusées par les principales plateformes de
médias sociaux
.
17. Par ailleurs, selon une étude de la Commission de Venise,
le recours à l’intelligence artificielle (IA) dans le cadre des
campagnes électorales soulève des questions en matière d’éthique
et de démocratie dans la mesure où il existe des preuves et des
possibilités supplémentaires d’y recourir pour manipuler les citoyens
et influencer les résultats électoraux
. Mme Deborah
Bergamini (Italie, PPE/DC) prépare actuellement un rapport pour
notre commission qui met l’accent sur la nécessité d’une gouvernance
démocratique de l’intelligence artificielle.
18. Derrière la désinformation qui sévit sur internet se cachent,
selon moi, certaines questions clés qui relèvent du mandat de la
commission. Je souhaiterais d’autre part faire référence aux précédentes
résolutions et recommandations basées sur les rapports pertinents
préparés par la commission de la culture, de la science, de l’éducation
et des médias
, dont
la récente
Résolution
2314 (2019) «L’éducation aux médias dans le nouvel environnement
médiatique», qui a été adoptée le 29 novembre 2019. En ce qui concerne
la manipulation des processus de formation des opinions démocratiques,
en particulier lors de scrutins électoraux, la commission devrait
se concentrer sur les moyens d’accroître la transparence, sur les
ressources devant être allouées à la formation et à la recherche,
et celles dédiées à la vérification de l’information. Il importe
également de préciser ce qui doit relever de la responsabilité des
États quant à la protection des citoyens, par la voie de réformes
judiciaires et de procureurs spécialisés, et de la garantie de cette
protection au niveau international par le renforcement des conventions
existantes et l’élaboration de nouvelles conventions internationales.
19. Pour ce qui est de la protection des données et de la sécurité
informatique, je m’intéresserai à la protection d’une société que
je souhaite voir rester ouverte, assortie de garanties pour veiller
au respect de la vie privée et de la liberté de tous les citoyens
et pour faire en sorte que les violations soient sanctionnées par le
droit international.
20. La littérature sur le piratage de la démocratie est particulièrement
abondante, en particulier au sein des parlements. À titre d’exemple,
la Commission du numérique de la Chambre des communes du Royaume-Uni, et
des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat français ont
produit des rapports sur la lutte contre la manipulation de l’information.
Citons également les procès-verbaux cruciaux d’auditions importantes
comme celles de M. Mark Zuckerberg, président-directeur général
de Facebook, devant le Sénat et la Chambre des Représentants américains,
les autorités allemandes et le Parlement européen, ou de M. Christopher
Wylie, lanceur d’alerte de l’affaire
Cambridge
Analytica, devant la commission du numérique de la Chambre
des communes
.
3. Manipulation des processus de formation
des opinions démocratiques et questions relatives à la vie privée
pendant les élections
21. Il est beaucoup question aujourd’hui
de «fake news», qui désignent la diffusion virale délibérée de fausses
informations sur internet et les réseaux sociaux. Le terme fait
référence à du contenu fabriqué, du contenu manipulé, du contenu
imposteur, du contenu trompeur, une connexion ou un contexte erronés,
voire une satire ou une parodie.
22. En novembre 2017, la Première ministre britannique a déclaré
que la diffusion de fausses informations était un moyen de «transformer
l’information en arme»
. D’un point de vue social, la désinformation
contribue à former des communautés de personnes qui ont accès aux
mêmes opinions, partagent la même idéologie et les mêmes théories
conspirationnistes.
23. La désinformation peut prendre plusieurs formes: déclarations
ou expressions d’opinions infondées. L’initiative de cette manipulation
de l’opinion publique peut être d’origine privée mais certains gouvernements tentent
de contrôler les médias sociaux pour façonner l’opinion publique,
contrer l’opposition et désamorcer les critiques.
24. Les nouvelles technologies de l’information facilitent l’accès
de tous les citoyens aux processus démocratiques. Que ce soit le
droit d’accès à l’information ou la constitution de registres centralisés
des électeurs, internet facilite à chacun l’exercice de ses droits
politiques. De surcroît, internet et les nouvelles technologies
de l’information permettent davantage de transparence et de responsabilité,
ainsi que des formes plus larges et efficaces de participation politique,
et élargissent le champ de la sphère publique, renforçant ainsi la
démocratie délibérative. Cependant, l'utilisation des médias sociaux
en tant que source d'information peut aboutir au phénomène appelé
«l’info me trouve»: c’est-à-dire des personnes qui ne recherchent
pas activement des informations mais qui croient que leur réseau
les informera d'une manière ou d'une autre. Cette perception peut
entraîner une baisse des connaissances politiques.
25. Les médias sociaux définis comme des «plateformes en ligne
permettant des échanges de contenus générés par leurs utilisateurs»
ont également des effets positifs
sur la démocratie. Ils constituent aujourd’hui un important forum
de débat politique et sont devenus, en tant que tels, des sources
d’information politique cruciales et un élément indispensable des
campagnes politiques modernes
. Dans le même temps, les entreprises
de médias sociaux sont à but lucratif et les problèmes qu'elles
peuvent poser à la démocratie sont au mieux des dommages collatéraux.
26. Lors des élections présidentielles américaines de 2008 et
2012, les équipes de campagne de M. Barack Obama ont disposé de
dizaines de séries de données sur quasiment tous les électeurs.
Il semblerait aussi que la désinformation stratégique ait pu avoir
une influence sur la campagne de Donald Trump à l’élection présidentielle
américaine de 2016. Le rapport Mueller publié en mars 2019 montre
de façon très détaillée que le discours public relatif à ces élections
a été influencé par des acteurs associés à des sources russes
. En France, lors du scrutin présidentiel
de 2017, des tentatives d’influence d’acteurs russes sur le processus électoral
ont également été constatées
.
27. Cinq étapes de l’ingérence électorale ont été identifiées:
(1) utiliser la désinformation pour amplifier les soupçons et les
divisions; (2) voler des données sensibles et «fuitables»; (3) «fuiter»
les données volées via des «hacktivists» présumés; (4) blanchir
les données volées via les médias traditionnels; et (5) établir
une collusion secrète [entre un candidat et un État étranger] à
des fins de synchronisation des actions électorales
.
28. À titre d’exemple, je rappellerai l’affaire
Cambridge Analytica, qui portait
sur l’utilisation de données personnelles d’utilisateurs de Facebook
récoltées sans leur accord au cours de l’élection présidentielle américaine
de 2016. Il s’agit là d’un cas manifeste d’influence sur le processus
de formation de l’opinion des électeurs. Cette opération de microciblage
reposait sur un accès illégal à des données et un apprentissage automatique
pour influer sur les émotions des personnes. Ainsi, les différents
électeurs ont reçu des messages différents en fonction des prédictions
concernant leur propension à se laisser influencer par certains arguments
.
29. Les techniques d’IA plus couramment utilisées pour façonner
les opinions des électeurs sont les suivantes:
- les plateformes sociales recueillent
et traitent les informations au moyen d’algorithmes, sélectionnant ainsi
celles à afficher en fonction des préférences des utilisateurs ciblés.
Compte tenu de l’évolution rapide des algorithmes, il est difficile
de comprendre la façon dont les données sont traitées et les implications
complexes qui en découlent. Cela peut se faire en faveur ou en défaveur
d’un parti ou d’un candidat donné;
- les informations utilisées pour produire des publicités
politiques comprennent également des données recueillies par les
partis politiques. Cependant, les messages publicitaires ciblés
ne permettent pas toujours d’identifier leur nature et sources politiques.
Des prestataires anonymes, éventuellement basés en dehors du pays
concerné par la tenue du scrutin en question, peuvent être à l’origine
de l’introduction de telles publicités. Il devient donc difficile
de contrôler le financement de la campagne ;
- la propagation massive d’informations fausses ou préjudiciables
s’effectue aussi par le biais de faux profils, dont beaucoup sont
automatisés. Des centres Web proposant des services de promotion
de campagnes peuvent facilement créer des profils anonymes, des
robots ou de faux comptes. En imitant le comportement en ligne des
internautes, ces centres amplifient encore la diffusion des informations
et génèrent des tendances d’opinion de manière artificielle;
- une technique de manipulation puissante peut consister
à cloner un profil social existant avec de faux profils imitant
celui-ci, de manière à imputer des informations erronées à tel ou
tel parti ou candidat. La création d’un nouveau «personnage» qui
interagit avec d’autres profils, à des fins de renforcement de la
réputation et de la confiance, est une autre technique courante.
En se rapprochant d’une certaine catégorie d’électeurs, le robot
peut jouer le rôle d’influenceur auprès des internautes.
30. Des experts ont également critiqué l’utilisation de publicités
politiques microciblées, qui sont personnalisées et adressées aux
citoyens en fonction des données de leur profil concernant leurs
préférences et comportement personnels, leurs «J’aime» sur les réseaux
sociaux, leur âge et leur sexe. Selon de nombreux détracteurs, l’interdiction
ou la limitation des publicités politiques microciblées permettrait
de rendre notre paysage politique plus responsable et moins sujet
aux manipulations.
31. Par ailleurs, le suivi des activités d’internautes sans leur
consentement et en vue d’exploiter leurs comportements en ligne
est contraire au principe même d’élections libres et équitables
mais aussi au droit au respect de la vie privée. Je suis d’avis
que nous avons besoin de nouveaux instruments juridiques internationaux
pour faire face à la nouvelle structure de communication et de médias
publics.
32. D’après l’Eurobaromètre spécial de l’Union européenne de 2018
sur la démocratie et les élections, 73 % des personnes ayant répondu
se sont déclarées préoccupées ou très préoccupées par la désinformation
ou la mésinformation
. Les adversaires politiques ont
un intérêt à se pirater mutuellement et les entreprises de cybersécurité
à faire la démonstration de leurs services et contre-services en
période électorale. Des entreprises comme Twitter et Facebook reconnaissent
également que les faux comptes représentent une menace pour l’intégrité
des élections
.
33. Une étude de l’Oxford Internet Institute a révélé que moins
de 4 % des sources d’information partagées sur Twitter avant les
élections au Parlement européen de 2019 relevaient de la désinformation,
tandis que 34 % étaient des médias professionnels traditionnels.
D’après FactCheckEU, il y a eu moins de désinformation que prévu
au cours de la période précédant les élections européennes et ce
phénomène n’a pas dominé le débat comme cela avait été le cas à
l’occasion des dernières élections au Brésil, au Royaume-Uni, en
France ou aux États-Unis
.
34. Cependant, d’après un rapport de 2019 de la Commission européenne
sur la mise en œuvre du plan d’action contre la désinformation
, des groupes ou des acteurs russes
ont mené une vaste campagne de désinformation visant à réduire le
taux de participation des électeurs et à influencer leurs préférences
et se sont servis de sujets brûlants pour susciter la colère du
public. Ces activités ont couvert un large éventail de sujets, allant
de la contestation de la légitimité démocratique de l’Union européenne
à l’exploitation de débats publics clivants sur des thèmes tels
que la migration et la souveraineté.
35. En 2019, Facebook a fait savoir que les annonceurs seront
désormais tenus de fournir des coordonnées de contacts à des fins
de vérification avant de pouvoir mener des campagnes politiques
sur des plateformes sociales. Les restrictions imposent à ceux souhaitant
diffuser des messages à caractère «politique» (défini différemment
selon les pays), de prouver qu’ils résident dans le pays visé et
d’archiver pendant sept ans toutes leurs annonces publicitaires
dans une base de données publique, accompagnées d’informations concernant les
personnes ciblées, le montant dépensé et le nombre d’individus exposés
à une publicité. Les règles obligent les annonceurs à renseigner
le champ «financé par», une exigence qui a suscité dans le passé
des critiques vis-à-vis de Facebook, l’entreprise permettant alors
aux utilisateurs d’y mentionner ce qu’ils voulaient sans procéder
à aucune vérification d’identité. Les utilisateurs auront toujours
la possibilité d’indiquer la source de financement de leur choix
mais devront fournir au minimum un numéro de téléphone ou une adresse électronique
permettant aux parties intéressées de contacter l’annonceur. Ceux
qui souhaitent diffuser un message publicitaire à titre personnel
seront libres de ne pas saisir cette information, mais leur nom,
vérifié par le site, sera alors publié à la place
. Twitter a également
déclaré bannir à l’avenir toute publicité politique tandis que YouTube
a fait part de son intention de supprimer les contenus illégaux
de manière plus stricte. Tout en saluant ces mesures positives,
il importe, selon moi, de se pencher davantage sur une réglementation internationale
qui s’appliquerait à toutes les entreprises de médias sociaux.
4. Travaux pertinents du Conseil de l’Europe
36. Le Conseil de l’Europe a accompli
un travail remarquable dans le domaine de la protection des données à
caractère personnel. Il a non seulement adopté le premier instrument
international juridiquement contraignant, c’est-à-dire la
Convention
pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des
données à caractère personnel (STE n° 108) mais a aussi élaboré des instruments juridiques
non contraignants abordant différents aspects de la protection de
la vie privée et des données à caractère personnel dans le contexte
de la société de l’information, notamment des réseaux sociaux. Notre
Assemblée devrait soutenir les travaux futurs du Comité de la Convention
108 sur l'utilisation de données à caractère personnel lors d'élections
et leur utilisation abusive dans un contexte politique.
37. Conformément à la Convention européenne des droits de l’homme,
telle qu’interprétée par la Cour européenne des droits de l’homme,
les États membres du Conseil de l’Europe ont l’obligation de garantir
à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés,
tant en ligne qu’hors ligne. La question cruciale est de déterminer
si les obligations de l’État d’assurer aux candidats et aux partis
politiques une exposition médiatique égale doivent s’appliquer aux
intermédiaires internet et si oui, de quelle manière.
38. À cet égard, la
Recommandation
CM/Rec (2018)1 sur le pluralisme des médias et la transparence de leur
propriété et la
Recommandation
CM/Rec (2018)2 du Comité des Ministres sur les rôles et les responsabilités
des intermédiaires d’internet, affirment que le contrôle des plateformes
en ligne sur le flux, la disponibilité, la facilité de recherche
et l’accessibilité des informations pourrait s’avérer aujourd’hui
délétère pour le pluralisme des médias. Le Comité des Ministres
a ainsi appelé les États membres à agir en tant que garants en dernier
ressort du pluralisme des médias, en assurant ce pluralisme dans
la totalité de l’écosystème multimédia.
39. Les intermédiaires internet, y compris les médias sociaux,
jouent un rôle essentiel dans la prestation de services à valeur
publique et dans la promotion du discours public et du débat démocratique.
Les normes du Conseil de l’Europe définissent les responsabilités
des intermédiaires s’agissant de garantir les droits humains et
les libertés fondamentales sur leurs plateformes, dont le droit
à des élections libres. À cet égard, les intermédiaires internet
devraient faire l’objet d’un contrôle effectif et vérifier régulièrement
et avec une diligence raisonnable qu’ils s’acquittent bien de leurs
responsabilités
.
40. En 2002, la Commission de Venise a adopté le
Code
de bonne conduite en matière électorale qui garantit l’équité électorale et l’égalité des chances.
Ces principes portent entre autres sur le temps d’antenne à la radio
et à la télévision, les subventions publiques et autres formes de
soutien et impliquent la neutralité des autorités publiques, concernant
notamment les campagnes électorales, la couverture médiatique, en particulier
par les médias publics, et le financement public des partis et campagnes.
Cependant, le Code énonce également que «la loi devrait prévoir
que les médias audiovisuels privés assurent un accès minimal aux
différents participants aux élections, en matière de campagne électorale
et de publicité» et que «le principe de l’égalité des chances peut,
dans certains cas, conduire à limiter les dépenses des partis, notamment
dans le domaine de la publicité»
.
41. Par ailleurs, la Commission de Venise accomplit un travail
considérable et a notamment adopté, le 24 juin 2019, un rapport
sur les technologies numériques et les élections élaboré conjointement
avec la Direction de la société de l’information et de la lutte
contre la criminalité, qui s’avère fort utile dans le cadre de mon
analyse
. Elle a également
décidé d’établir une liste de principes pour une utilisation des
technologies numériques respectueuse des droits humains, dans le
contexte des élections. Notre Assemblée devrait encourager, soutenir
et suivre cette initiative, au moyen éventuellement d’un rapport
distinct.
42. En 2011, notre Assemblée a adopté la
Résolution 1843 (2011) et la
Recommandation
1984 (2011) «La protection de la vie privée et des données à caractère
personnel sur l’internet et les médias en ligne». La résolution
souligne que la protection de la vie privée est un élément nécessaire
de la vie humaine et du fonctionnement humain d’une société démocratique;
toute violation de la vie privée d’une personne met en jeu sa dignité,
sa liberté et sa sécurité.
43. En 2012, le Comité des Ministres a adopté deux Recommandations
pertinentes sur la protection des droits de l’homme dans le contexte
des moteurs de recherche et dans le cadre des services de réseaux
sociaux respectivement. Dans le premier texte
, le Comité des Ministres reconnait
le défi posé par le fait que l’historique des recherches d’un individu
contient une empreinte qui peut révéler ses convictions, ses centres d’intérêt,
ses relations ou ses intentions, et pourrait aussi dévoiler entre
autres ses opinions politiques, convictions religieuses ou autres.
La Recommandation appelle à appliquer des principes de protection
des données, dont notamment l’encadrement des finalités, la minimisation
des données et une limitation de la durée de conservation des données,
et à veiller à ce que les intéressés soient informés du traitement
des données et reçoivent toutes les informations pertinentes.
44. S’agissant des réseaux sociaux, le Comité des Ministres a
recommandé aux États membres de mener des actions pour offrir un
environnement qui permette aux utilisateurs de réseaux sociaux de
continuer à exercer leurs droits et libertés, sensibiliser les utilisateurs
aux éventuelles atteintes à leurs droits fondamentaux et aux moyens
d’éviter d’avoir un impact négatif sur les droits d’autrui lorsqu’ils
utilisent ces services, ainsi que pour renforcer la transparence
quant au traitement des données et proscrire tout traitement illégitime
des données à caractère personnel
.
45. Préoccupés par les interférences sur le droit au respect de
la vie privée en raison du développement rapide des technologies,
le Comité des Ministres a adopté, en 2013, la Déclaration sur les
risques présentés par le suivi numérique et les autres technologies
de surveillance pour les droits fondamentaux
.
46. Élaboré en 2017, le rapport du Conseil de l’Europe sur les
désordres de l’information: Vers un cadre interdisciplinaire pour
la recherche et l’élaboration des politiques
, qui a également été présenté à
notre commission, propose des moyens de déterminer le type de réponse
adaptée à la menace. Compte tenu de l’imprécision du concept de
«fausses informations», le rapport établit la distinction entre:
la «mésinformation» qui correspond à la diffusion d’une information
fausse, sans intention de nuire, la «désinformation» qui correspond
à la diffusion délibérée d’une information fausse, dans l’intention
de nuire; et «l’information malveillante» qui est une information
authentique diffusée dans le but de nuire, souvent en rendant publique des
informations destinées à rester privées. Le rapport souligne ce
dont nos sociétés ont actuellement besoin, à savoir:
- à court terme, de répondre aux
problèmes les plus pressants, par exemple dans le domaine de la sécurité
dans les élections;
- à long terme, d’accroître le degré de résilience de la
société à l’égard de la désinformation;
- d’une structure à même de vérifier et d’ajuster constamment
les réponses.
47. Le rapport souligne également que nos systèmes éducatifs ayant
été conçus au XIXe siècle, bien avant l’ère numérique, il convient
également de mettre en œuvre de nouvelles réformes de l’éducation
pour permettre aux jeunes de faire face à la circulation de l’information
sur internet.
48. Les 19 et 20 avril 2018, lors de la 15ème Conférence
européenne des administrations électorales sur la sécurité dans
les élections, organisée par la Commission de Venise et la Section
des élections du ministère des Collectivités locales et de la Modernisation
de la Norvège, il est clairement apparu que le droit de suffrage libre
était confronté à deux défis liés au numérique, à savoir la liberté
des électeurs de se forger une opinion, et celle d’exprimer leur
volonté. Il a également été indiqué que si les cyber-attaques devaient
faire l’objet d’une sanction pénale, l’efficacité de la réponse
juridictionnelle était, à ce jour, relativement faible
.
49. Le 13 février 2019, le Comité des Ministres a adopté une importante
Déclaration sur les capacités de manipulation des processus algorithmiques
. Il a invité ses 47 États membres
à combattre la menace qui remet en cause le droit des êtres humains
à se forger une opinion et à prendre des décisions indépendamment des
systèmes automatisés, et à s’attaquer au risque qu’ils puissent
faire l’objet de manipulation en raison de l’utilisation de technologies
numériques de pointe, en particulier de techniques de microciblage.
Les outils d’apprentissage automatique sont de plus en plus capables
non seulement de prédire les choix mais aussi d’influencer les émotions
et les pensées, parfois de façon subliminale. Le Comité des Ministres
a encouragé les États membres à assumer leur responsabilité pour
faire face à cette menace croissante, notamment en prenant des mesures
législatives appropriées et proportionnées pour lutter contre ces
formes d’ingérence illégitimes, et en permettant aux utilisateurs
de développer des compétences clés dans la culture numérique.
50. Le Comité des Ministres est allé jusqu’à souligner la nécessité
d’évaluer les cadres réglementaires relatifs à la communication
politique et aux processus électoraux pour préserver l’équité et
l’intégrité des élections et de veiller à ce que les électeurs soient
protégés de manière efficace contre les pratiques déloyales et la
manipulation. Il a également mis en avant l’immense pouvoir que
le progrès technologique confère à ceux qui sont susceptibles d’utiliser
ces outils algorithmiques sans surveillance ou contrôle démocratique
approprié et rappelé la responsabilité qui incombe au secteur privé
de faire preuve d’équité, de transparence et de responsabilisation,
sous la conduite d’institutions publiques indépendantes.
51. Par ailleurs, les 26 et 27 février 2019, la Conférence d’Helsinki
intitulée «Maîtriser les règles du jeu – L’impact du développement
de l’intelligence artificielle sur les droits de l’homme, la démocratie
et l’État de droit», organisée par le Conseil de l’Europe et la
Présidence finlandaise du Comité des Ministres, a souligné en particulier:
- que des mécanismes de surveillance
effectifs et des structures de contrôle démocratiques doivent être mis
en place pour tout ce qui touche à la conception, au développement
et au déploiement des systèmes d’IA;
- qu’un processus démocratique fonctionne si la population
est informée de manière indépendante et si l’on encourage des débats
ouverts et inclusifs. Il convient de sensibiliser davantage la population
aux risques et aux bénéfices potentiels de l’IA et de développer
les nouvelles compétences nécessaires. Il faut en outre stimuler
la confiance du public dans l’environnement de l’information et
les applications de l’IA .
52. Le Forum mondial de la démocratie, qui s’est tenu à Strasbourg
du 6 au 8 novembre 2019, était intitulé «Information: la démocratie
en péril?», et portait tout particulièrement sur la mesure dans
laquelle l’information disponible aide ou entrave la participation
des citoyens aux processus démocratiques. Renforcer la résilience face
à la désinformation, Intelligence artificielle et information, Vérification
des faits et Voter sous influence comptaient parmi les thèmes abordés
les plus significatifs dans le cadre de mon rapport.
53. Je souhaiterais rappeler la distinction importante entre «information»
et «sensibilisation» qui a été faite par l’un des intervenants du
Forum, M. Enrico Letta, ex-Premier ministre italien. M. Letta a
souligné que rien n’est plus important que de donner aux jeunes
des repères leur permettant de comprendre les informations qui leur
sont fournies en abondance et librement sur internet et les médias
sociaux. Sans ces repères, il est impossible de comprendre un monde
dans lequel le problème ne tient pas au manque d’information, mais plutôt
à l’inverse. En fait, l’un des principaux défis consiste à éviter
d’être noyé sous une avalanche d’informations ou manipulé par elles.
La véritable fracture que nous devons combler est celle qui sépare
les personnes «sensibilisées» des simples récipiendaires passifs
de l’information (ou de la désinformation) et donc faciles à manipuler.
5. Action de l’Union européenne et Code
sur la désinformation autorégulé par l’industrie: est-ce suffisant?
54. L’Union européenne lutte activement
contre la désinformation depuis 2015, date à laquelle la
Task Force
East Stratcom a été créée au sein du Service européen pour l’action
extérieure (SEAE) afin de communiquer efficacement sur l’action
de l’Union européenne à l’égard du voisinage oriental
, le Conseil européen ayant souligné
«la nécessité de contrer les campagnes de désinformation menées
par la Russie»
.
55. En octobre 2018, les représentants des plateformes en ligne,
des principaux réseaux sociaux, des annonceurs et du secteur de
la publicité sont convenus d’un Code d’autorégulation qui vise à
réaliser les objectifs fixés dans la Communication de la Commission
européenne datée du 26 avril 2018 «Lutter contre la désinformation
en ligne: une approche européenne»
. Ils ont pris une série d’engagements,
consistant notamment à garantir la transparence de la publicité
à caractère politique et la fermeture des faux comptes et à priver
de leurs recettes les vecteurs de désinformation. C’est la première
fois que l’industrie s’accorde sur un ensemble de normes d’autorégulation
pour lutter contre la désinformation, sur une base volontaire
. En résumé, le Code prévoit ce qui
suit:
- des publicités à caractère
politique clairement libellées en tant que telles et affichées uniquement
avec l’autorisation des utilisateurs (ciblés en fonction de leur
localisation);
- une commission électorale chargée de mener une évaluation
prospective indépendante sur le rôle joué par Facebook dans les
élections;
- la suppression des faux comptes;
- l’approbation préalable de contenus et sources spécifiques.
56. Google, Facebook, Twitter, Mozilla et les associations professionnelles
représentant le secteur de la publicité ont présenté leurs premiers
rapports sur les mesures prises pour se conformer au Code, que la Commission
a rendu publics le 29 janvier 2019. Tout en saluant les progrès
réalisés, la Commission a également appelé les signataires à intensifier
leurs efforts dans la perspective des élections européennes de 2019.
57. Le suivi du Code de pratique fait partie du Plan d’action
contre la désinformation, adopté pour accroître les capacités et
renforcer la coopération entre les États membres et les institutions
de l’Union européenne, afin de s’attaquer en amont aux menaces que
fait peser la désinformation. Par ailleurs, un système d’alerte
rapide entre les institutions de l’Union européenne et les États
membres a été mis en place en vue de faciliter le partage de données
liées à des campagnes de désinformation et d’apporter des réponses
coordonnées. Ce système, qui fonctionne en source ouverte, est alimenté
par les contributions des universités, des vérificateurs de faits,
des plateformes en ligne et des partenaires internationaux.
58. En janvier 2019, le Conseil européen a également conclu qu’il
convient de s’opposer à la désinformation dans le contexte élargi
des ingérences étrangères, des menaces hybrides et de la communication
stratégique. Cela passe par le renforcement des trois Task forces
sur la communication stratégique du SEAE, créées afin de promouvoir
des discours fondés sur des faits concernant l’Union européenne
dans les pays du voisinage oriental et méridional et dans les Balkans
occidentaux
.
59. Le Code de pratique constitue une approche volontaire de la
lutte contre la désinformation. Il est encore difficile de dire
quel sera son succès. Je salue toutefois l’action menée par la Commission
européenne pour s’attaquer à ce problème et tiens à souligner l’importance
des conventions européennes et internationales dans le cadre du
renforcement des principes de transparence et de responsabilité.
60. Au début de l’année 2019, Facebook s’est engagé à protéger
l’intégrité des élections au Parlement européen en lançant de nouvelles
mesures pour lutter contre la désinformation stratégique et les
ingérences étrangères et s’assurer que la plateforme n’est pas utilisée
pour nuire au déroulement équitable du scrutin. Cependant, les entreprises
de médias sociaux devraient être tenues d’agir conformément aux
normes européennes et internationales en matière de droits de l’homme.
61. Afin de contribuer à prévenir les ingérences étrangères et
d’accroître la transparence des publicités à caractère politique,
les annonceurs seront tenus de confirmer leur identité et de fournir
des informations supplémentaires sur les personnes responsables
de leurs publicités
. L’entreprise a fait savoir qu’elle continuait
d’élargir son programme de vérification des faits pour couvrir les
contenus publiés en 16 langues et prévoyait d’ouvrir de nouveaux
centres d’opérations, axés sur «l’intégrité des élections» et de
solliciter entre autres la collaboration de législateurs, d’universitaires
et de commissions électorales
.
62. Le fondateur de Facebook a lui-même reconnu que «…décider
de ce qui relève de la publicité politique n’est pas toujours évident.
Nos systèmes seraient plus performants si la régulation établissait
des standards communs pour vérifier l’identité des acteurs politiques.
Les lois sur la publicité politique en ligne concernent en priorité
les candidats et les élections, plutôt que les sujets politiques
qui divisent, et sur lesquels nous avons constaté plus de tentatives
d’interférence. Certaines lois ne s’appliquent que pendant les élections
alors que les campagnes d’influence sont continues. Par ailleurs,
d’importantes questions se posent sur la manière dont le ciblage
et les données sont utilisés pendant les campagnes politiques. La
législation devrait être mise à jour pour refléter la réalité des
menaces actuelles et définir des standards pour l’ensemble de l’industrie»
.
63. Cependant, comme cela a été souligné lors de l’audition de
la commission tenue en novembre 2019, il n’y a aucun moyen de vérifier
de manière indépendante la véracité des affirmations de Facebook,
les faux comptes qui ont été supprimés, les pays ciblés, la nature
de leur contenu et le nombre de comptes ayant présenté des signes
d’orchestration à grande échelle. Les chercheurs et les journalistes
doivent pouvoir accéder plus facilement aux données relatives aux
faux comptes et à la désinformation sans être soumis à un contrôle
strict de la part des entreprises de médias sociaux. Les décideurs
ne peuvent pas réglementer ce qu’ils ne comprennent pas, ni mettre
en œuvre les politiques et sanctionner leur non-respect en l’absence
de vérifications et de contrôles indépendants.
64. Malgré cette contribution du secteur privé, de nombreux problèmes
de réglementation demeurent non résolus et seule l’adoption de conventions
internationales et de législations aux niveaux national et international
permettront d’y remédier. En matière de défense d’élections démocratiques,
les bonnes pratiques et une meilleure coopération entre les agences
de sécurité devraient être la règle
.
65. Il est intéressant de noter que, dans les Orientations politiques
pour la prochaine Commission européenne 2019-2024, Mme Ursula
von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a promis
de présenter «… un plan d’action pour la démocratie européenne.
Il permettra de faire face aux menaces de manipulation des élections
européennes venues de l’extérieur. Il contiendra des propositions
législatives visant à garantir une plus grande transparence en matière
de publicité politique payante et des règles plus claires sur le
financement des partis politiques européens»
.
66. Le 10 octobre 2019, le Parlement européen a adopté une résolution
appelant à renforcer la Task Force East Stratcom de l’Union européenne
pour en faire une structure permanente, dotée d’un financement bien plus
élevé. Les députés ont aussi appelé les entreprises d’internet et
des médias sociaux à coopérer pour lutter contre la désinformation,
sans porter atteinte à la liberté d’expression, et l’Union européenne
à créer un cadre juridique pour combattre les menaces hybrides et
à se pencher sur la question du financement étranger des partis
et fondations politiques européens. Fait intéressant, les députés
européens ont également estimé que l’on pourrait étudier davantage
l’opportunité de l’institution d’une commission spéciale sur les
ingérences électorales étrangères et la désinformation au sein du
Parlement européen
.
6. Réglementation et éducation: les cas
de l’Allemagne, de la France et de la Suède
67. Le Rapport final 2018 du Groupe
d’experts de haut niveau de la Commission européenne sur les fausses
informations et la désinformation en ligne, qui s’appuie sur les
contributions d’experts du monde entier, propose une approche inclusive
et collaborative de la lutte contre la désinformation. Il recommande
toutefois explicitement de ne pas réglementer
.
68. Les entreprises de réseaux sociaux ont elles-mêmes appelé
les décideurs politiques européens, américains et autres à trouver
un consensus international sur la manière de «réglementer le monde numérique»
afin d’éviter toute fragmentation et clivage d’internet selon les
frontières nationales
, en s’attaquant notamment à la désinformation
dans le cadre d’élections libres et équitables.
69. Il convient également de garder à l’esprit que les régimes
autoritaires peuvent facilement avoir recours à la réglementation
pour censurer l’opposition. La Chine, par exemple, dispose de certaines
des lois les plus strictes au monde en matière de désinformation
et érige en infraction pénale la création ou la propagation de rumeurs
qui, sur un plan général, «portent atteinte à l’ordre économique
et social». En juin 2018, les législateurs bélarussiens ont adopté
des amendements controversés à la législation sur les médias, permettant
au gouvernement de poursuivre toute personne qui diffuserait de
fausses informations en ligne
. Le Comité pour la protection des
journalistes a fait valoir que cette mesure pourrait aggraver les
poursuites sélectives contre les journalistes, dans un pays où,
selon Freedom House, la liberté de la presse fait défaut
. Le Vietnam et la Thaïlande se servent
également de la protection contre la désinformation à des fins de surveillance
de masse.
70. Plusieurs États membres du Conseil de l’Europe ont essayé
de s’attaquer au problème de la désinformation et à ses incidences
sur nos démocraties, avec toutes les difficultés que cela comporte
en termes d’atteinte à la liberté d’expression et d’absence de définition
de ce qui constitue une «fausse information», comme il ressort de
l’analyse détaillée proposée par le rapport du Conseil de l’Europe
sur les désordres de l’information.
71. Pour ne citer que quelques exemples, alors que la France et
l’Allemagne ont choisi la voie de la réglementation, la Belgique,
le Danemark, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède ont publié
des rapports, lancé des campagnes ou produit des manuels d’éducation
aux médias, visant à lutter contre la désinformation ou les ingérences
étrangères
.
72. En ce qui concerne le sujet connexe du discours de haine,
l’Allemagne a adopté, en juin 2017, la loi sur l’amélioration de
l’application du droit sur les réseaux (NetzDG
)
pour lutter contre les contenus haineux et extrémistes en ligne.
Elle impose aux entreprises de médias sociaux de bloquer ou de supprimer
tout contenu qui enfreint les dispositions du Code pénal allemand
concernant les propos diffamatoires et haineux. La législation permet
de supprimer les mensonges utilisés pour attiser des discours de
haine. Le non-respect récurrent de ces dispositions expose les plateformes
à une amende pouvant aller jusqu’à 50 millions d’euros. Ce qui rend
un contenu «manifestement» illégal est laissé, en premier lieu,
à l’appréciation de l’être humain ou d’un algorithme. Par conséquent,
la loi NetzDG incite les intermédiaires à supprimer les contenus
dégradants susceptibles d’enfreindre le Code pénal
. Il convient de noter que le Rapporteur
spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté
d’opinion et d’expression des Nations Unies ainsi que des militants
de la liberté des médias ont critiqué la loi, jugeant qu’elle était
inconstitutionnelle et mettait en danger la liberté d’expression
.
73. L’obligation de supprimer les fausses informations dans un
délai de 24 heures, similaire dans la loi française, s’avère particulièrement
problématique. Elle constitue un défi majeur pour les opérateurs
de plateformes, mais aussi pour le système juridique allemand. Sans
une réforme des structures judiciaires, cette règle est difficile
à mettre en œuvre et peut faire peser une menace sur la liberté
d’expression.
74. En décembre 2018, le Parlement français a adopté une loi relative
à la lutte contre la manipulation de l’information, permettant aux
tribunaux de décider si les informations publiées en période électorale
sont dignes de foi ou s’il faut faire cesser leur diffusion. Aux
termes de la loi, les candidats aux élections peuvent intenter une
action en justice afin de faire retirer des contenus d’information
contestés pendant les périodes électorales et les plateformes sociales,
comme Facebook et Twitter, sont tenues de divulguer la source de financement
de contenus sponsorisés
. La loi a essuyé les critiques de
militants de la société civile et d’un groupe de 50 sénateurs de
l’opposition qui ont fait appel devant la Cour constitutionnelle
au motif qu’elle ne respectait pas le principe d’une justice proportionnelle.
La Cour constitutionnelle a toutefois ensuite confirmé la constitutionnalité
de la loi
.
75. Les autorités suédoises, que j’ai rencontrées le 15 mai 2019,
s’emploient activement à protéger la liberté d’expression, la démocratie
et les droits individuels, dans le contexte de la désinformation.
Elles mettent en avant le rôle joué par la société suédoise pour
faire face à cette menace, le soutien d’organisations indépendantes
de vérification des faits, appartenant aux sociétés de médias, et
la volonté du gouvernement d’inculquer aux enfants du primaire comment
détecter de fausses informations.
76. Les élections suédoises de 2018 permettent également de tirer
certains enseignements. Après des tentatives d’ingérences étrangères,
l’Agence suédoise de la protection civile a commandé auprès de l’Institute of
Strategic Dialogue et de la London School of Economics un rapport
électoral intitulé «Smearing Sweden» (Dénigrer la Suède)
, qui décrit comment des sources attribuées
à des acteurs russes ont soutenu et renforcé l’extrême droite aux
États-Unis, en Europe et en Suède. Le rapport fait également état
de comptes Twitter qui avaient déjà antérieurement apporté leur
soutien à M. Trump et Mme Le Pen avant
d’appuyer désormais le parti suédois d’extrême droite AfS
.
77. Tous les interlocuteurs rencontrés à Stockholm m’ont confirmé
leur attachement à la liberté d’expression, ainsi qu’à la protection
de l’anonymat et des données. Ils jugent suffisantes les lois relatives
à la diffamation, à l’incitation à la discrimination ou à la haine
et craignent que le durcissement de la société ouverte n’entraîne
un renforcement de la radicalisation. Toutefois, selon eux, le système
judiciaire devrait être mieux armé pour faire face aux nouvelles
menaces et à l’évolution constante de l’environnement internet.
78. Le ministère de la Culture a créé un nouveau service «Médias
et démocratie», rapprochant ainsi deux domaines auparavant distincts.
Le traitement critique de l’information et la vérification des faits
et des sources font partie intégrante des programmes scolaires,
et la sensibilisation de l’ensemble de la société est également une
priorité. L’Agence suédoise de la protection civile a mis à jour
sa brochure sur la préparation de la population aux situations d’urgence
afin d’y inclure une section sur les fausses informations. Elle
met en garde contre d’éventuelles campagnes de désinformation menées
de l’étranger et comprend une liste de ce que peuvent faire les
citoyens pour vérifier la véracité des informations en ligne. Le
gouvernement s’efforce de comprendre d’où les citoyens, notamment
les jeunes, tirent leurs informations, ainsi que les incidences
qu’ont par exemple les jeux en ligne sur l’éducation et les comportements
politiques. Il collabore également avec des multiplicateurs, dont
les syndicats, les municipalités, les clubs sportifs, etc.
79. Dans le prolongement de l’Agence suédoise de la protection
civile et de la commission parlementaire chargée de la défense,
une autorité indépendante, non contrôlée par le gouvernement, pourrait
être prochainement mise en place dans le but de lutter contre la
désinformation et les campagnes d’influence étrangère. Elle aura
pour vocation d’assurer la communication rapide et efficace d’informations
publiques factuelles, même dans des situations difficiles, ainsi
que d’identifier, d’analyser et de faire face aux opérations d’influence.
80. D’après Reporters sans Frontières
, plutôt
que d’adopter des lois normatives, qui viennent d’en haut, nous
devrions songer à changer l’environnement dans lequel les lecteurs
agissent et leur donner des moyens d’agir, par exemple en affichant
à côté des récits controversés des articles connexes, vérifiés,
en proposant des applications permettant aux utilisateurs de vérifier
la véracité des informations, et des systèmes de certification
.
7. Conclusions
81. Internet imprégnant de plus
en plus nos vies politiques, il importe d’améliorer son contenu
et son architecture, et de protéger le processus électoral et l’essence
même de la démocratie de ses «pirates». La désinformation, les ingérences
étrangères, les comportements abusifs, l’intensification des propos
haineux, le trolling, le vol d’identité, sont quelques-uns des symptômes
du «piratage de la démocratie».
82. De nombreux pionniers du secteur des technologies ont également
indiqué qu’ils aspiraient à des structures internet qui inciteraient
les utilisateurs à être de «meilleures personnes», à un internet
moral
.
En effet, à «l’ère post-vérité» comme l’ont qualifiée certains,
les émotions sont susceptibles d’affecter davantage le processus
électoral que les faits, et peuvent être exploitées par des propagandistes
et des agents de désinformation
.
83. Les conclusions de la Conférence européenne des administrations
électorales, coorganisée par la Commission de Venise en avril 2018
ainsi que le rapport plus récent sur les technologies numériques
et les élections mentionné précédemment, présentent un intérêt particulier
pour mon rapport et je souhaiterais «emprunter» certaines de leurs
recommandations.
84. Les médias sociaux représentent un puissant outil de communication.
Cependant, le cadre juridique régissant la couverture médiatique
des élections n’a pas été conçu pour les médias sociaux et doit
être corrigé. Les désordres de l’information pendant les campagnes
électorales compromettent l’égalité des chances entre les candidats.
Les contrer ne devrait cependant pas se faire au détriment de la
liberté d’expression.
85. Par ailleurs, les campagnes électorales axées sur les données
tirées des médias sociaux, basées sur la segmentation et le profilage
des utilisateurs, en particulier les publicités occultes diffusées
sur les plateformes et visant des électeurs potentiels, sont un
phénomène croissant qui devrait être mieux régulé afin d’assurer
la transparence et la protection des données, et de gagner confiance
du public. Il n’y a aucun mal à tenter de convaincre l’électorat
flottant mais les personnes visées devraient être sensibilisées
au fait qu’elles sont destinataires d’informations à caractère politique.
86. Pour relever les défis de la désinformation, il convient de
reconnaître qu’internet et les médias sociaux ont complètement remodelé
le paysage démocratique: un nouvel acteur puissant est apparu dans
l’équation, défendant ses propres intérêts et droits commerciaux
qui tendent à entrer en conflit tant avec les droits individuels
(c’est-à-dire la protection de la vie privée, des données à caractère
personnel et de la liberté d’expression) qu’avec les principes et
droits politiques (l’équité électorale).
87. La coopération avec les intermédiaires et les fournisseurs
de services internet est indispensable et mérite d’être renforcée.
Les opérateurs de médias sociaux devraient être mieux régulés et
interagir avec les institutions et les organes en charge des processus
électoraux afin d’encourager les utilisateurs à agir de manière
responsable et de leur en donner les moyens; des campagnes d’information
spécifiques devraient être menées pour sensibiliser le public aux
risques d’échanges irresponsables d’informations. Et la coopération
internationale est cruciale à cet égard.
88. Si une autorégulation en ligne sur la base des normes internationales
existantes, notamment la
Recommandation
CM/Rec(2018)2 du Comité des Ministres sur les rôles et les responsabilités
des intermédiaires d’internet, ne peut-être que bienvenue et encouragée,
le Conseil de l’Europe devrait envisager de poursuivre sa réflexion
et son action normative
.
89. Les électeurs doivent être en mesure de trier les informations
et connaissances dignes de confiance. La promesse d’un internet
libre et ouvert a pour but de leur permettre d’être mieux informés
et plus engagés. Pour ce faire, il convient de briser le monopole
des entreprises technologiques qui contrôlent, dans une large mesure,
l’accès des citoyens à l’information. L’Europe doit également chercher
à accroître la diversité des fournisseurs d’informations et à assurer
une concurrence réelle et loyale entre eux.
90. Il est facile d’imputer à l’IA tous les torts du monde (et
parfois les échecs électoraux), mais la technologie sous-jacente
n’est pas intrinsèquement nuisible en elle-même. Utilisée à bon
escient, l’IA peut aider les citoyens à se faire une idée des positions
politiques de chaque candidat. Il est essentiel que les publicités politiques
personnalisées servent les électeurs et les aident à être mieux
informés, plutôt que de nuire à leurs intérêts. Les outils algorithmiques
utilisés aujourd’hui pour tromper, mésinformer et embrouiller les
électeurs pourraient également être adaptés à d’autres fins, en
l’occurrence pour soutenir la démocratie
.
91. Pour relever ces défis, les gouvernements pourraient mettre
en œuvre un certain nombre de stratégies dans une perspective européenne
et mondiale et créer un modèle fondé sur la coresponsabilité et
de multiples approches réglementaires et de résolution des conflits.
Un tel modèle pourrait mettre l’accent sur différentes stratégies
exposées plus en détail dans le projet de résolution et visant notamment
à renforcer les compétences dans la culture numérique et la transparence
des publicités à caractère politique en ligne, à soutenir les initiatives
de vérification des faits, les médias de service public et l’accès
des chercheurs aux données, à partager les bonnes pratiques et à
renforcer la coopération entre les agences de sécurité ainsi qu’à encourager
le développement de cadres d’autorégulation et à engager des réformes
judiciaires.
92. J’estime qu’il conviendrait de redoubler d’efforts pour mettre
également en œuvre les normes juridiques du Conseil de l’Europe
dans le cadre des activités politiques menées par le biais des médias
sociaux. Les citoyens doivent être en mesure d’identifier les informations
non fiables et les manipulations et de percevoir la limite entre
les formes de persuasion admissibles et la manipulation inacceptable
pendant les campagnes électorales. Notre Assemblée pourrait aussi
examiner plus avant la possibilité de recommander l’adoption de conventions
contraignantes sur la coopération dans la lutte contre la désinformation
et l’influence dans les processus décisionnels étrangers.
93. Je salue l’action menée par l’Union européenne pour lutter
contre la désinformation, faire face aux menaces d’ingérence extérieure
dans les élections européennes et garantir une plus grande transparence
de la publicité politique payante et des règles plus claires concernant
le financement des partis politiques européens dans le cadre du
prochain plan d’action pour la démocratie européenne pour 2019-2024. Cependant,
notre Assemblée devrait aussi appeler l’Union européenne à assurer
une synergie avec l’action du Conseil de l’Europe dans ces domaines
et à promouvoir une meilleure coopération avec les 47 États membres
du Conseil de l’Europe.
94. Enfin, nous devrions soutenir les efforts déployés par la
Commission de Venise en vue d’élaborer une liste de principes pour
l’utilisation des technologies numériques dans le contexte des élections,
et continuer à suivre cette question.