1. Introduction
1. La procédure de suivi de l’Assemblée
se fonde sur la
Résolution
1115 (1997) portant création de la commission de suivi, telle que
modifiée par la
Résolution
1431 (2005), la
Résolution
1515 (2006), la
Résolution 1698
(2009), la
Résolution
1710 (2010), la
Résolution
1936 (2013), la
Résolution
2018 (2014) et la
Résolution 2261
(2019). Cette résolution définit le mandat de la commission
pour le respect des obligations et engagements des États membres
du Conseil de l’Europe (commission de suivi), et la charge de veiller
«au respect des obligations contractées par les États membres aux
termes du Statut du Conseil de l’Europe (
STE n°1), de la Convention européenne des droits de l’homme
(
STE
n°5, «la Convention») et de toutes les autres conventions
de l’Organisation auxquelles ils sont parties», ainsi qu’au «respect
des engagements pris par les autorités des États membres à l’occasion
de leur adhésion au Conseil de l’Europe».
2. Conformément à la
Résolution
1115 (1997), telle que modifiée, la commission de suivi est tenue
de rendre compte à l’Assemblée, une fois par an, du déroulement
général des procédures de suivi. Depuis 2016, les rapports relatifs
à l’évolution de la procédure de suivi de l’Assemblée sont examinés
lors des parties de session de janvier de cette dernière et couvrent
l’année civile précédente. En accord avec la pratique établie, la
commission m’a chargé, en ma qualité de président au moment de la
rédaction du présent document, de faire rapport sur ses activités.
3. Conformément à son mandat, la commission de suivi assure un
suivi du respect par tous les États membres des obligations découlant
de leur adhésion au Conseil de l’Europe et, s’il en est, des engagements spécifiques
qu’ils ont contractés. À ce jour, 10 pays font l’objet d’une procédure
complète de suivi et trois sont engagés dans un dialogue postsuivi
avec l’Assemblée. Depuis 2014, tous les pays (actuellement 34) ne
faisant pas l’objet d’une procédure complète de suivi et n’étant
pas engagés dans un dialogue postsuivi sont soumis à un examen périodique
concernant le respect des obligations découlant de leur adhésion
au Conseil de l’Europe. Après l’achèvement des 16 premiers rapports
d’examen périodique, présentés dans le cadre du rapport d’activité,
l’Assemblée a décidé dans sa
Résolution
2261 (2019) que, dorénavant, les rapports d’examen périodique seraient
soumis pour débat indépendamment du rapport d’activité de la commission, accompagnés
de résolutions spécifiques à chaque pays. En outre, la commission
de suivi substituerait à la méthode précédente de sélection fondée
sur l’ordre alphabétique une sélection motivée par des raisons de fond,
tout en maintenant l’objectif de consacrer, au fil du temps, des
examens périodiques à tous les États membres. La commission entend
présenter ces rapports dans un délai de deux ans à compter de la
date où un pays a été sélectionné pour faire l’objet d’un examen
périodique. En mars 2019, la commission de suivi a décidé de sélectionner
la France, la Hongrie, Malte et la Roumanie pour un examen périodique.
Lors de sa réunion du 12 avril 2019, le Bureau a cependant décidé
de facto de retirer la France de
cette liste. Préoccupée du risque que cette décision représente
un traitement discriminatoire des trois autres pays sélectionnés,
la commission de suivi a décidé de suspendre la préparation des
rapports d'examen périodique concernant ces trois pays jusqu’à ce
que la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles
se soit prononcée à ce sujet. Je reviendrai sur cette question de
façon plus détaillée en troisième partie de ce rapport.
4. L’évolution de la procédure de suivi de l’Assemblée pour les
pays qui font l’objet d’une procédure complète de suivi ou sont
engagés dans un dialogue postsuivi sera traitée dans la prochaine
partie du présent rapport. Comme le veut l’usage, je me suis limité
aux constatations des textes pertinents adoptés par l’Assemblée
et aux rapports, déclarations et autres documents publics établis
par les corapporteurs pour les pays respectifs. De plus, j’ai fait
référence, le cas échéant, aux rapports des commissions ad hoc pour l’observation des élections
dans les pays en question.
5. Le cadre combiné de la procédure complète de suivi, du dialogue
postsuivi et des rapports d’examen périodique, ainsi que la possibilité
pour la commission de suivi d’établir un rapport sur le fonctionnement
des institutions démocratiques de tout État membre du Conseil de
l’Europe, garantissent le suivi global par l’Assemblée des obligations
et des engagements souscrits lors de l’adhésion de tous les États
membres du Conseil de l’Europe. Le nouveau cadre institué pour la
préparation des rapports d’examen périodique a mis au jour un certain
nombre d’imprécisions et d’incohérences dans le règlement qui régit
les travaux de la commission, et tout particulièrement dans la
Résolution
1115 (1997) telle qu’elle a été modifiée. La troisième et dernière
partie de ce rapport contient des propositions pour remédier à ces
problèmes.
2. Aperçu des activités de la commission
2.1. Observations
générales
6. Au cours de la période couverte
par le présent rapport, dix pays
ont fait
l’objet d’une procédure complète de suivi et trois autres
ont été engagés dans un
dialogue postsuivi avec l’Assemblée.
7. Au cours de la période considérée, la commission a préparé
un rapport sur le fonctionnement des institutions démocratiques
en République de Moldova, ainsi que des rapports sur le dialogue
postsuivi avec la Bulgarie et la Macédoine du Nord; ces rapports
ont tous été examinés par l’Assemblée. En outre, le 25 juin 2019,
la commission a été saisie, conformément au Règlement de l’Assemblée,
pour rapport, sur la «contestation, pour des raisons substantielles,
des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation parlementaire de
la Fédération de Russie». Le rapport a été examiné le 26 juin 2019
par l’Assemblée, qui a adopté la
Résolution 2292 (2019).
8. Au cours de cette même période, la commission s’est réunie
neuf fois, quatre fois à Strasbourg durant la session plénière de
l’Assemblée, quatre fois à Paris et une fois à Londres, à l’aimable
invitation du Parlement britannique dont l’accueil obligeant a été
très apprécié.
9. Au cours de cette période, les corapporteurs respectifs ont
effectué des visites d’information en Albanie, en Arménie, en Azerbaïdjan,
en Géorgie, en Macédoine du Nord, en République de Moldova et au Monténégro.
Pour préparer leur rapport, les corapporteurs pour le dialogue postsuivi
avec la Bulgarie se sont rendus à Bruxelles afin d’y rencontrer
des représentants de la Commission européenne. En outre, les corapporteurs
chargés de la procédure de suivi pour la Macédoine du Nord, la République
de Moldova et l’Ukraine et ont participé aux missions préélectorales
et d’observation des élections dans ces pays.
10. Des déclarations ont été publiées, par la commission elle-même
comme par les différents rapporteurs, à propos des évolutions observées
en Albanie, en Arménie, en Azerbaïdjan, en Bosnie-Herzégovine, en Géorgie,
en République de Moldova, dans la Fédération de Russie, en Turquie,
en Ukraine, au Monténégro, en Macédoine du Nord et en Pologne.
11. Dans le cadre de l’élaboration du rapport sur «le fonctionnement
des institutions démocratiques en Pologne», la commission a désigné,
le 6 mars 2019, Mme Azadeh Rojhan Gustafsson
(Suède, SOC) et M. Pieter Omtzigt (Pays-Bas, PPE/DC) corapporteurs
pour remplacer M. Yves Cruchten (Luxembourg, SOC), qui avait quitté
l’Assemblée, et Mme Dora Bakoyannis (Grèce,
PPE/DC) qui avait démissionné. Compte tenu des élections législatives
prévues en Pologne en octobre 2019, la commission a décidé de présenter
le rapport sur le fonctionnement des institutions démocratiques
en Pologne lors de sa partie de session de janvier 2020. Le 16 mai
2019, la commission de suivi a procédé à un échange de vues sur
la réforme du système judiciaire en Pologne et les développements
intervenus à cet égard dans le cadre du Mécanisme de l’Etat de droit
de l’Union européenne, avec la participation de représentants de
la Commission européenne, du ministère de la Justice polonais, de
la Cour suprême polonaise, de la Commission de Venise, ainsi que
d’organisations de la société civile, la Fondation polonaise d'Helsinki
pour les droits de l'homme et Ordo Iuris. Les corapporteurs ont effectué
une visite d’information à Varsovie les 5 et 6 septembre 2019 dans
le cadre de la préparation de leur rapport. Le 11 décembre 2019,
la commission a adopté le rapport et le projet de résolution sur
le fonctionnement des institutions démocratiques en Pologne, en
vue de les présenter lors de la partie de session de janvier 2020.
12. Au cours de sa réunion à Londres, la commission a organisé
une audition publique sur «la liberté des médias et le fonctionnement
des institutions démocratiques» avec la participation de M. Alastair
King-Smith, coordinateur de la Campagne mondiale sur la liberté
des médias et directeur adjoint au ministère des Affaires étrangères
et du Commonwealth, de M. Jamie Angus, directeur du Groupe BBC World
Service, de Mme Rebecca Vincent, directrice
du bureau de Reporters sans frontières (RSF) au Royaume-Uni, et
de Lord George Foulkes, rapporteur général sur la liberté des médias
et la protection des journalistes de l’Assemblée parlementaire.
13. La commission a reconstitué la sous-commission sur les conflits
entre les États membres du Conseil de l’Europe. Celle-ci s’est réunie
à Strasbourg le 24 janvier 2019 et a nommé M. Egidijus Vareikis
(Lituanie, PPE/DC) président et Mme Tamar
Chugoshvili (Géorgie, SOC) vice-présidente. Malheureusement, les
échanges avec la délégation chypriote ont établi qu’il n’était pas
opportun d’organiser en 2019 l’échange de vues prévu sur la question
chypriote. La sous-commission a par ailleurs décidé de reporter,
en attendant les élections en République de Moldova, le séminaire
sur la «contribution du Conseil de l’Europe aux aspects liés aux
droits de l’homme dans le processus de règlement du conflit en Transnistrie».
Le 13 novembre 2019, la délégation moldave a informé le secrétariat
de son accord pour que la sous-commission poursuive ses travaux
dans le cadre du processus de règlement du conflit en Transnistrie.
Le programme et les modalités du séminaire seront examinés par la
sous-commission lors de sa prochaine réunion de janvier 2020.
14. Cette année a également vu se poursuivre l’excellente coopération
établie avec la Commission européenne pour la démocratie par le
droit (Commission de Venise). Des échanges de vues avec celle-ci
ont eu lieu à propos d’un certain nombre de questions, dont la réforme
du système judiciaire en Pologne (Londres, 16 mai 2019), les travaux
et les priorités de la Commission de Venise et les dispositions
relatives au Conseil supérieur de la justice et au Conseil supérieur
des procureurs en Géorgie (Londres, 17 mai 2019), l’avis de la Commission
de Venise sur la portée du pouvoir du président de l’Albanie de
fixer les dates des élections, et sur les défis et réponses à l’indépendance
du pouvoir judiciaire en Arménie (Paris, 13 novembre 2019). Le 6 mars
2019, la commission a demandé un avis à la Commission de Venise
sur l’Ordonnance d'urgence (EGO 7(2019)) sur les amendements aux
«lois judiciaires» en Roumanie. Le 10 avril 2019, elle a demandé
un avis à la Commission de Venise sur le projet de loi sur les rassemblements
publics en Republika Srpska, et, le 16 mai 2019, elle a décidé de
demander à la Commission de Venise, lorsque celle-ci rédigerait
ce dernier avis, d'y inclure également une évaluation du cadre juridique
régissant la liberté de réunion pacifique en Bosnie-Herzégovine,
dans ses deux entités et dans le district de Brčko en général. Le
17 mai 2019, la commission a décidé de demander à la Commission
de Venise des avis sur les «dispositions relatives au conseil des procureurs
dans le projet de loi organique sur le ministère public et [sur]
les dispositions relatives au Conseil supérieur de la justice dans
la loi organique existante sur les tribunaux ordinaires de Géorgie»
ainsi que sur la loi ukrainienne pour «assurer le fonctionnement
de la langue ukrainienne en tant que langue d'État». En septembre
2019, la commission a décidé de demander à la Commission de Venise
un avis sur les récentes modifications apportées au cadre juridique
régissant le fonctionnement de la Cour Suprême et des organes judiciaires
autonomes en Ukraine. Je tiens de nouveau à remercier vivement la
Commission de Venise de notre relation de travail cordiale et de
la rapidité dont elle fait preuve d’ordinaire pour répondre aux
requêtes de la commission.
15. Malheureusement, la commission a subi, pour diverses raisons,
un grand nombre de renouvellements parmi ses rapporteurs, d’autres
rapporteurs devant par ailleurs réduire leurs activités pour la
commission en raison de la conjoncture dans leurs parlements nationaux.
Malgré tous les efforts déployés par ces rapporteurs comme par le
secrétariat de la commission, ces évolutions ont affecté les travaux
de la commission et, malheureusement, entraîné du retard dans la
préparation de certains de ses rapports. La troisième partie de ce
rapport présente plusieurs solutions possibles pour remédier à ce
problème. De façon plus encourageante, les directives internes de
2017 relatives à la nomination de rapporteurs, prévoyant que la
nomination d’un rapporteur ne peut être reportée plus d’une fois,
ont considérablement réduit la durée de vacance des postes de rapporteur.
2.2. Aperçu
du suivi au cours de la période visée concernant les pays soumis
à une procédure complète de suivi
2.2.1. Albanie
16. La commission a assisté avec
préoccupation à la dégradation de l’environnement politique dans
le pays. L’opposition ayant choisi de poursuivre son boycott de
la plupart des travaux du parlement, notamment de ses sessions plénières,
seuls huit textes législatifs ont été adoptés grâce à un consensus
entre les partis. La crise politique s’est brusquement aggravée
en février 2019, lorsque le Parti démocratique a décidé d’appeler
ses députés à renoncer à leur mandat parlementaire. Peu après, le
LSI lançait un appel similaire. Les députés de l’opposition ont
pour la plupart, quoique non dans leur ensemble, répondu à cet appel
et démissionné de leur mandat. Bon nombre d’entre eux ont été remplacés
par les candidats suivants sur la liste du parti aux élections législatives
précédentes, mais ceux-ci ont été
de
facto désavoués par le Parti démocratique et par le LSI.
Ces circonstances ont mis à mal la capacité du législateur de s’acquitter
de sa mission de surveillance, de nombreux dispositifs à la disposition
du parlement se trouvant insuffisamment exploités, comme par exemple les
commissions d’enquête. Les rapporteurs ont publié un communiqué
le 26 février, exprimant leur préoccupation concernant la situation
et invitant les parlementaires de l’opposition à reprendre leur
siège au parlement. Dans le même temps, ils ont souligné l’importance
que la majorité au pouvoir garantisse un espace adéquat au fonctionnement
de l’opposition et engage un dialogue véritable et constructif avec
l’opposition sur les réformes clés
.
17. À la suite de leur décision de renoncer à leurs mandats parlementaires,
les partis de l’opposition ont annoncé qu’ils boycotteraient les
élections municipales. Les élections municipales du 30 juin 2019
se sont donc déroulées sans la participation des candidats de l’opposition.
Elles devaient à l’origine faire l’objet d’une observation par une
mission internationale d'observation des élections, composée de
délégués de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en
Europe (OSCE) et du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du
Conseil de l'Europe. Cependant le Congrès a finalement décidé d’annuler
sa mission d'observation des élections en raison de problèmes de
sécurité. Dans ses conclusions préliminaires, l’OSCE observe que
les élections «ont été tenues sans beaucoup de préoccupation pour
les intérêts des citoyens. L’opposition a décidé de ne pas participer
et le gouvernement a pris le parti d’organiser les élections malgré son
abstention. Dans ce contexte d’impasse et de polarisation politiques,
les électeurs ne se sont pas vu proposer de choix sérieux entre
différentes options politiques. Dans 31 municipalités sur 61, les
candidats à la mairie ont fait campagne sans opposition. Des allégations
crédibles ont fait état de pressions exercées de part et d’autre
sur les citoyens. La confrontation politique a généré une insécurité
juridique, et l’administration électorale a pris de nombreuses décisions
dans l’objectif politique d’assurer le déroulement des élections.
Le scrutin s’est déroulé, dans l’ensemble, dans le calme et sans
heurts, et le dépouillement a fait l’objet d’une évaluation globalement
positive des observateurs, bien que plusieurs procédures n’aient
pas été observées
.»
18. C’est dans ce contexte que les corapporteurs ont effectué,
du 28 au 30 octobre 2019, une visite d’information à Tirana. Outre
la crise politique actuelle, les rapporteurs ont abordé des questions
telles que la réforme du système judiciaire, le suivi des élections
locales, la lutte contre la corruption et la liberté des médias. À
cette fin, ils ont rencontré le Premier ministre, le président du
parlement, des membres du cabinet du Président de la République,
des dirigeants de partis politiques, les autorités judiciaires,
ainsi que des représentants de la commission électorale centrale,
de la communauté internationale et de la société civile
.
19. À l’issue de leur visite, les rapporteurs ont de nouveau exprimé
leur préoccupation concernant le boycott des travaux parlementaires,
et ont affirmé une nouvelle fois que la destruction de mandats politiques
ne saurait être autorisée dans une société démocratique. Ils ont
souligné que de son côté, la majorité au pouvoir devrait accorder
une réelle importance au rôle de l’opposition dans une démocratie
pluraliste et s’engager dans un dialogue et une consultation véritable
avec l’opposition
.
Une réforme électorale suivie d’élections apparaît comme la solution
pour sortir de la crise politique. Toutes les forces politiques,
y compris l’opposition parlementaire et extra-parlementaire, devraient
être pleinement associées au processus de réforme électorale pour
traiter les dysfonctionnements relevés durant des scrutins antérieurs
et pour s’entendre une fois pour toutes sur un cadre pour des élections
véritablement démocratiques qui suscite le consensus et inspire confiance
à toutes les parties prenantes.
20. La visite d’information a permis d’examiner la réforme judiciaire
engagée par les autorités. Celle-ci a provoqué un nombre élevé de
démissions et de révocations. Si ce résultat souligne la nécessité
du processus de vérification, les effets des vacances de postes
sur l’efficacité du fonctionnement du système judiciaire albanais
ne doivent pas être sous-estimés. Dans leur déclaration, les rapporteurs
se sont dits préoccupés que plusieurs années après le démarrage
du processus, des institutions judiciaires clés telles que la Haute
Cour et la Cour constitutionnelle, ainsi que les procureurs et tribunaux
spéciaux anticorruption, ne puissent toujours pas s’acquitter de
leur mission faute de candidats ayant passé avec succès le processus
de vérification.
21. S’agissant de la liberté des médias, les rapporteurs se sont
dits préoccupés par le fait que de nombreux interlocuteurs ont évoqué
une détérioration de l’environnement médiatique. Il est d’autant
plus important que les autorités prennent en compte toutes les recommandations
faites par le Représentant de l’OSCE sur la liberté des médias concernant
le projet de loi sur les médias et services. Les rapporteurs ont
invité le Gouvernement albanais à publier ce projet de loi aussitôt
que possible pour dissiper toute crainte que ce texte limite la
liberté d’expression dans le pays.
22. Une procédure de destitution a été engagée contre le Président
de l’Albanie après la tentative de celui-ci de reporter la date
des élections municipales. Le président du Parlement albanais a
demandé que la Commission de Venise formule un avis sur la portée
du pouvoir du Président de reporter la date des élections. Le 13
novembre 2019, la commission de suivi a procédé à un échange de
vues avec la Commission de Venise. Dans son avis, celle-ci a estimé
que, s’il se pouvait que le Président ait outrepassé ses pouvoirs
en reportant la date des élections municipales sans base juridique
spécifique, sa destitution n’en était pas pour autant justifiée.
Les corapporteurs ont invité instamment toutes les forces politiques
à éviter toute action pouvant aggraver la tension et à prendre en
compte cet avis et ses conclusions.
2.2.2. Arménie
23. Les corapporteurs se sont rendus
à Erevan le 12 mars 2019 pour dresser le bilan de la réforme engagée dans
le système judiciaire et pour examiner les réformes menées dans
d’autres domaines, tels que la lutte contre les discriminations
et les violences domestiques.
24. Des élections législatives anticipées se sont tenues le 9
décembre 2018. Une commission
ad hoc du Bureau
de l’Assemblée s’est rendue sur place du 7 au 10 décembre 2018 pour
participer à une mission internationale d'observation des élections
. Selon la commission
ad hoc, les élections se sont déroulées
dans le respect des libertés fondamentales. Les candidats ont pu
faire campagne librement et les libertés fondamentales d’association,
de réunion, d’expression et de circulation ont été pleinement respectées
au cours de la campagne. Nombre de problèmes qui avaient biaisé
des scrutins antérieurs, tels que l’achat de voix, la pression exercée
sur les électeurs et d’autres pratiques électorales frauduleuses,
n’ont pas été relevés lors de cette élection. Cela représente un
changement majeur par rapport aux élections législatives d’avril 2017,
qui avaient été marquées par l’achat de voix et des allégations
d’utilisation abusive de ressources publiques. La commission
ad hoc s’est également félicitée
du travail transparent et professionnel de la Commission centrale
électorale, ainsi que du déroulement dans le calme et sans heurts
de l’élection. Néanmoins, le cadre mis en place pour le financement
de la campagne a été caractérisé par un manque de responsabilité
et de transparence qui appelle des améliorations.
25. L’Alliance «Mon pas» du Premier ministre Pachinian a remporté
une victoire écrasante lors de l’élection, obtenant 70% des suffrages
et 88 sièges sur 132 au parlement. Le parti «Arménie prospère» s’est
classé en seconde position avec 8% des suffrages (26 sièges), suivi
par «Arménie lumineuse» qui a remporté 6% des suffrages (18 sièges).
26. Au moment de la visite des corapporteurs, l’Arménie accomplissait
des progrès considérables dans un certain nombre de réformes. Les
projets de dispositions d’un nouveau Code de procédure pénale ont
fait l’objet d’un avis favorable du Défenseur des droits de l’homme
et ont été jugés très progressistes. Au Code de procédure pénale
doivent s’ajouter un nouveau Code des infractions administrative,
un nouveau Code pénal et un nouveau code pénitentiaire.
27. Le 19 mai 2019, le Premier ministre Pachinian a appelé les
citoyens à bloquer les entrées et les sorties des tribunaux
. Cet appel faisait
suite à la libération de sa détention provisoire de l’ancien président Kotcharian,
qui avait été inculpé pour son rôle dans les événements du 1er mars
2008 marqués par la mort de 10 personnes. Les corapporteurs ont
publié un communiqué de presse invitant tous les acteurs politiques
à s'abstenir d'actions et de déclarations qui pourraient être perçues
comme faisant pression sur le pouvoir judiciaire. La réaction du
public à cette décision de justice illustre néanmoins le faible
niveau de confiance des citoyens dans le système judiciaire
.
Les 30 et 31 mai 2019, une délégation de haut niveau du Conseil
de l’Europe a rencontré à Erevan le Premier ministre Pachinian,
le ministre de la Justice et le Président de l’Assemblée nationale
pour examiner les moyens de renforcer l’assistance du Conseil de
l’Europe concernant la réforme judiciaire. En outre, le Conseil
de l’Europe a contribué à l’élaboration du train de modifications apportées
aux instruments législatifs sur l’appareil judiciaire, sur lequel
le Gouvernement arménien a demandé un avis à la Commission de Venise.
Le 14 octobre 2019, la Commission de Venise et la Direction des
droits de l’homme de la Direction générale des droits de l’homme
et de l’État de droit du Conseil de l’Europe ont publié un avis
conjoint sur ce train de modifications. Elles y déclaraient que
celui-ci «mérite d'être salué dans l’ensemble. En préparant ce train
de modifications, le Gouvernement arménien a préparé la réforme
de façon responsable et réfléchie et a démontré son ouverture au
dialogue avec l’ensemble des interlocuteurs, à l’intérieur comme
à l’extérieur du pays.»
28. Des progrès ont été accomplis dans la lutte contre la corruption,
comme le montrent les chiffres présentés aux rapporteurs par le
service spécial d’enquête. Au cours des 12 mois précédant la visite
des rapporteurs, quelque 3,2 millions $US avaient été reversés au
Trésor public et des avoirs correspondant à 7 millions $US liés
à la corruption avaient été gelés dans des comptes bancaires. Les
interlocuteurs des corapporteurs leur ont indiqué que l’appareil
anticorruption se verrait bientôt compléter par un «organe spécial anticorruption»
qui prendrait la forme d’une entité unique ou serait divisé en plusieurs
entités spécialisées.
29. L’attitude positive dont les autorités font preuve dans leur
lutte contre la corruption s’observe également dans leur volonté
de lutter contre des problèmes de société tels que l’inégalité entre
les femmes et les hommes et les atteintes aux droits des personnes
LGBTI. Cette volonté est illustrée par les consultations régulières
des groupes de la société civile à propos des projets de lois liés
aux droits de l’homme. L’élaboration d’un plan d’action et d’une
stratégie sur l’égalité des chances, qui semblent susceptibles de
remédier à l’inégalité entre les femmes et les hommes, constitue
une autre évolution positive. S’il faut se réjouir de cette nouvelle
attitude, elle doit encore se vérifier sur le terrain par des mesures
concrètes. Bien que de légères améliorations aient été observées
dans certaines instances, comme au parlement où le taux de femmes
parmi les députés a progressé de 17% à 24%, les femmes continuent
d’être sous-représentées dans le secteur public. Comme l’indique
le rapport d’observation d’élection de l’Assemblée, «les femmes
candidates ont été rares à faire campagne en leur nom propre et
n’ont guère participé comme oratrices aux rassemblements de campagnes.» En
moyenne, les revenus des femmes sont inférieurs à ceux des hommes
de 35,9% en Arménie.
30. S’agissant de la question, très délicate en Arménie, de la
ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention
et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence
domestique (STCE n° 210, “Convention d’Istanbul”), signée par les
autorités arméniennes en janvier 2018, le gouvernement a fait appel
à la Commission de Venise pour qu’elle formule un avis sur les conséquences
de la ratification de la convention sur le plan constitutionnel.
Dans un avis publié le 14 octobre 2019, la Commission de Venise
a conclu à l’absence d’incompatibilité entre les dispositions de
la convention et celles de la Constitution arménienne.
2.2.3. Azerbaïdjan
31. M. Stefan Schennach (Autriche,
SOC) s’est rendu à Bakou du 4 au 6 juillet 2019. L’objectif de cette
visite était d’aborder plusieurs sujets de préoccupation formulés
dans la
Résolution
2184 (2017) à propos de l’indépendance du pouvoir judiciaire, de
la liberté des médias et de la liberté d’expression, de la liberté d’association,
ainsi que d’allégations de cas de torture, de mauvais traitements
et de mauvaises conditions de détention. À cette fin, M. Schennach
a rencontré le ministre de la Justice, le bureau du procureur général,
des représentants de la Cour suprême, le ministre de l’Intérieur,
l’administration présidentielle et la Milli Məclisi. Il est profondément
regrettable qu’en dépit de ses demandes répétées M. Schennach n’ait
pas pu s’entretenir avec quatre prisonniers politiques, MM. Taleh
Bagirzade, Abbas Huseynov, Afgan Muktarli et Said Dadashbayili.
32. L’année a commencé sur une note prometteuse, avec la libération,
après l’octroi d’une grâce présidentielle, de plus de 400 condamnés,
dont plus de 50 personnes considérées comme des prisonniers politiques
. Cette mesure positive est néanmoins
restée sans suites, et l’Azerbaïdjan reste un pays où il est fréquent
que les opposants au gouvernement se voient infliger une détention
administrative, des restrictions à la liberté de circulation et
des interdictions de voyager prononcées pour des raisons politiques.
33. Lors de sa visite, M. Schennach a été informé que parmi les
1 700 avocats en exercice, seuls 8 étaient disposés à défendre des
opposants au gouvernement. Ceux qui s’engagent ainsi font fréquemment
l’objet de harcèlement, d’intimidation et de procédures disciplinaires
menant souvent à la suspension ou à l’exclusion du Barreau. Au moment
de la visite du rapporteur, de nombreuses sources s’accordaient
sur le nombre de 127 prisonniers politiques. La présence permanente
d’opposants politiques derrière les barreaux, à laquelle une note
d’information déclassifiée par la commission de suivi le 30 septembre
2019
consacre de longs développements,
illustre le manque d’indépendance de la magistrature en Azerbaïdjan.
34. Le 29 mai 2019, la Cour européenne des droits de l’homme a
rendu l’arrêt
Ilgar Mammadov c. Azerbaïdjan .
Il s’agissait de la première affaire instruite dans le cadre d’une
procédure d’infraction engagée par le Comité des Ministres contre
un État membre du Conseil de l’Europe. Après avoir publié des informations sur
des émeutes ayant éclaté dans la ville de Ismailli, M. Mammadov
avait été arrêté et condamné à une peine de sept ans d’emprisonnement
pour «résistance à agents publics ou violences contre agents publics constitutives
de menaces pour la vie ou l’intégrité physique de ces derniers».
La Cour a jugé que les mesures prises par les autorités azerbaïdjanaises
pour respecter leurs obligations en vertu de son arrêt précédent,
dans lequel elle avait conclu que le but réel du procès intenté
à Mammadov était «de le faire taire ou de le punir pour avoir critiqué
le gouvernement»
,
étaient limitées et n’avaient pas effacé les conséquences négatives
des accusations portées. Par conséquent, l’Azerbaïdjan avait manqué
au respect de ses obligations au titre de l’article 46 relatif à
l’exécution des arrêts de la Cour de Strasbourg. À l’heure actuelle,
M. Mammadov n’est toujours pas en mesure de se présenter à des élections
et les autorités n’ont pas annulé la condamnation prononcée contre
lui.
35. M. Mammadov, cependant, n’est qu’une victime parmi d’autres
d’une législation pénale régulièrement employée pour limiter la
liberté d’expression. L’Azerbaïdjan figure en 166e position
sur 180 dans le classement mondial de la liberté de la presse établi
par Reporters sans frontières. Ces dernières années, de nombreuses enquêtes
judiciaires ont été engagées contre des journalistes travaillant
pour des plates-formes indépendantes; parmi eux figurent M. Ikram
Rahimov et M. Polad Aslanov, qui ont été arrêtés et poursuivis en justice
après avoir publié des informations rapportant des allégations de
corruption. Les responsables des partis d’opposition sont eux aussi
la cible fréquente de mesures de détention administrative et d’interdictions de
voyager, et le cadre restrictif régissant la liberté d’association
entrave les travaux des ONG comme ceux des partis politiques ordinaires.
Les ONG, notamment, font état d’une forte réduction de leurs activités
en raison de la lourdeur du cadre législatif, qui donne au gouvernement
un grand pouvoir discrétionnaire et autorise que soient apportées
des restrictions considérables aux financements étrangers.
36. La situation est tout aussi préoccupante s’agissant des mauvais
traitements infligés par des organismes chargés de faire respecter
la loi, particulièrement dans les centres de détention. Si certaines
améliorations ont été observées, notamment avec la publication de
six rapports du Comité européen pour la prévention de la torture
et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) et la
rénovation de 42 postes de police, les signalements de mauvais traitements
et de cas d’impunité de leurs auteurs restent fréquents, l’absence
de dispositif antitorture indépendant aggravant sans conteste cette
situation. Les groupes minoritaires sont également l’objet de mauvais
traitements. Depuis l’adoption de la dernière résolution en octobre
2017, des informations ont fait état d’une vague de répression contre
des personnes LGBTI, qui auraient été arrêtées, détenues pendant
plusieurs jours et soumises à des sévices.
37. Une évolution positive a été accomplie avec la signature le
3 avril 2019 d’un décret présidentiel relatif à la poursuite des
réformes des systèmes juridique et judiciaire. Il s’en est suivi
une diminution des peines, la mise en place d’alternatives à la
détention et la dépénalisation d’environ 15 infractions. Quelque
6 000 détenus déjà inculpés vont se voir appliquer ces nouvelles
dispositions. Cette évolution est d’autant plus positive que la
surpopulation carcérale et les conditions de détention inadmissibles
représentent, selon l’Assemblée, un défi majeur pour le pays. Il
est également encourageant de noter que les autorités ont mis en
œuvre la recommandation formulée par le Groupe d' États contre la
corruption (GRECO) dans son rapport du quatrième cycle d’évaluation,
visant à réduire l’ingérence du pouvoir exécutif dans les enquêtes
pénales.
2.2.4. Bosnie-Herzégovine
38. Bien que plus d’une année se
soit écoulée depuis les élections générales de 2018, aucun progrès
n’a été accompli dans la mise en place de nouvelles autorités. En
octobre 2019, le nouveau conseil des ministres de l’État de Bosnie-Herzégovine,
le gouvernement de l’entité de la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine
et deux des 10 gouvernements cantonaux n’avaient toujours pas été
constitués
. Les
cantons de la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine n’ayant pas été
en mesure de désigner des délégués à la Chambre des peuples de la
Fédération, celle-ci n’a pas pu désigner ses propres délégués à
la Chambre des peuples de l’État de Bosnie-Herzégovine, qui est
la Chambre haute du parlement du pays. Sans cette Chambre, aucune
loi ni aucun budget ne peut être adopté. La Commission électorale
centrale de la Bosnie-Herzégovine a tenté de débloquer la situation
en décidant que la Chambre des peuples de la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine
serait constituée en prenant en compte les résultats du recensement
de 2013, et non ceux de 2011. Cependant, cette décision a été contestée
devant la Cour constitutionnelle, le recensement de 2013 reflétant
les évolutions démographiques et géographiques engendrées par la
guerre civile. Aussi l’Assemblée parlementaire de Bosnie-Herzégovine
n’a-t-elle pas été en mesure de respecter le délai de janvier 2019
fixé pour la présentation des pouvoirs de sa délégation à l’APCE.
Lorsqu’une seconde possibilité lui a été offerte de présenter les pouvoirs
d’une nouvelle délégation, au mois de juin, elle n’a pas été en
mesure de le faire contrairement à la Fédération de Russie, bien
que la Chambre des peuples de la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine
ait désigné, entre-temps, ses délégués au niveau étatique. En effet,
le gouvernement n’avait toujours pas été constitué en raison de
dissensions au sein des principaux groupes politiques, notamment
à propos de la soumission à l'Organisation du traité de l'Atlantique
Nord (Otan), par la Bosnie-Herzégovine, de son premier programme
national annuel dans le cadre de son plan d'action pour l'adhésion
à l'OTAN
.
39. Aussi, la délégation de Bosnie-Herzégovine n’ayant pas été
en mesure, à deux reprises, de présenter ses pouvoirs, les corapporteurs
ont-ils exprimé leurs regrets dans un communiqué du 1er juillet
2019. Ils y observaient que l'incapacité de former une délégation
mettait en lumière des failles systémiques au sein des institutions
bosniennes, qui n'avaient pas été traitées depuis trop longtemps
. Compte tenu de
la gravité de la situation, la commission de suivi a décidé que
les corapporteurs devaient rédiger rapidement un rapport sur «le
fonctionnement des institutions démocratiques en Bosnie-Herzégovine»,
complétant le rapport de suivi qu’elle avait déjà adopté en janvier
2018.
40. Les rapporteurs ont continué de suivre de près un certain
nombre d’évolutions préoccupantes concernant la liberté de réunion.
Lors de sa réunion du 10 avril 2019, la commission de suivi a demandé
à la Commission de Venise de publier un avis sur le projet de loi
sur les rassemblements publics en Republika Srpska. Une délégation
conjointe de la Commission de Venise et de l’OSCE/BIDDH s’est rendue
à Sarajevo pour discuter avec les autorités et d'autres parties
prenantes du cadre juridique régissant le droit à la liberté de réunion
en Bosnie-Herzégovine, dans ses deux entités et dans le district
de Brčko. Un avis conjoint a été adopté lors de la session plénière
de la Commission de Venise en décembre
.
41. Au-delà de ces problèmes immédiats, la commission reste préoccupée
par un certain nombre de tendances négatives s’agissant des droits
de l’homme et de l’État de droit, parmi lesquelles le mépris que
les autorités manifestent en permanence à l’égard du caractère définitif
et contraignant des décisions judiciaires, les intimidations, menaces
et agressions subies de façon répétée par les journalistes, et l’apparition
d’une rhétorique politique clivante qui ne fait qu’exacerber les
tensions dans le pays. En août 2019, le gouvernement Dodik est parvenu,
avec le soutien de l’Assemblée nationale de la Republika Srpska,
à rejeter les conclusions du rapport de 2004 du gouvernement de
la Republika Srpska (RS) sur le génocide de Srebrenica. Ce faisant, il
désavouait l’unique déclaration officielle de reconnaissance de
l’implication de représentants officiels de la RS dans le massacre
que le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et la
Cour internationale de Justice se sont accordés à qualifier de «génocide».
Étant donné que les choix électoraux demeurent fondés sur l’appartenance
ethnique, et au vu de l’absence, depuis plus de 20 ans, d’un système
éducatif susceptible de proposer aux enfants de Bosnie-Herzégovine
un programme d’histoire commun, la commission est fermement convaincue
que les autorités au pouvoir devraient s’abstenir de récuser les
conclusions des tribunaux internationaux relatives à la guerre ou
de contester les petites avancées vers la réconciliation qui ont été
accomplies.
2.2.5. Géorgie
42. Les corapporteurs se sont rendus
en Géorgie les 17 et 18 septembre 2019. L’objectif de leur visite
était d'examiner les évolutions politiques récentes et d’aborder
des questions telles que l’indépendance du pouvoir judiciaire, la
réforme judiciaire, le fonctionnement du Conseil supérieur de la
justice et l’organisation des élections.
43. La mission d'observation des élections du BIDDH a rendu son
rapport final sur l’élection présidentielle en Géorgie le 28 février
2019
.
Dans ce rapport, l’OSCE/BIDDH exprimait de nouveau sa préoccupation
à propos de l’«emploi d’une rhétorique négative, dure, voire violente»,
des perturbations de manifestations de campagne et des cas isolés
d’actes de violence. Préoccupés par l’absence de suites données
à ces violations présumées de la législation électorale et à ces
incidents, les corapporteurs ont publié un communiqué après la publication
du rapport du BIDDH, demandant instamment à toutes les parties concernées
de «pleinement mettre en œuvre les recommandations formulées (…)
notamment en ce qui concerne le financement des campagnes, les médias
et l’abus de ressources administratives
.»
44. Des progrès ont été accomplis s’agissant des réformes judiciaires
en cours, qui demeurent une priorité aux yeux des autorités géorgiennes.
L’accord conclu au sein du groupe de travail établi pour rédiger
les projets de textes de la quatrième vague de réformes judiciaires
marque une évolution encourageante. Le Parlement géorgien est invité
à s’assurer que ces projets de réformes seront désormais rapidement
adoptés.
45. Dans le contexte de la réforme judiciaire, le fonctionnement
du Conseil supérieur de la justice a soulevé quelques inquiétudes.
Les dysfonctionnements ont été soulignés par la procédure de nomination
des juges de la Cour suprême. À l’issue de la visite qu’ils avaient
effectuée dans le pays en septembre, les rapporteurs ont exprimé
leur préoccupation à propos de la façon dont le Conseil supérieur
de la justice sélectionnait les candidats à la Cour suprême. Les
rapporteurs se sont montrés particulièrement critiques à l’égard
de l’absence de critères de sélection clairs et uniformes, de l’emploi
excessif de la discrétion par les membres du Conseil supérieur de
la justice et du fait que celui-ci n’étaye pas ses décisions par
des motifs suffisants. Ces dysfonctionnements auraient pu être évités
«si les autorités avaient appliqué pleinement les recommandations de
la Commission de Venise, en particulier pour ce qui est du vote
à scrutin secret, des critères uniformes et des décisions justifiées»
.
La liste des candidats étant déjà parvenue au parlement, les rapporteurs
ont invité le Parlement géorgien à remédier aux dysfonctionnements
de la procédure de sélection adoptée par le Conseil supérieur de
la justice. Pour ce faire, il conviendrait que le parlement procède
à des entretiens ouverts et transparents avec les candidats, appliquant
des critères uniformes pour se prononcer de façon motivée sur les candidats.
Compte tenu des questions qui ont été soulevées à propos de la qualité
de la liste de candidats, il est important que le parlement ne nomme
que le nombre minimal de juges nécessaire au bon fonctionnement de
la Cour suprême. Les postes restants devraient être pourvus sur
la base d’une nouvelle liste de candidats que le Conseil supérieur
de la justice constituerait de façon adéquate, de préférence à l’issue
des élections législatives de 2020, conformément aux recommandations
de la Commission de Venise.
46. Grâce à l’adoption d’un nouveau règlement intérieur du Parlement
géorgien, des progrès ont été accomplis pour renforcer le contrôle
parlementaire. Il est important que toutes les parties prenantes
modifient leur approche en conséquence.
47. À la suite du tollé suscité par la tentative d’un député russe,
président de l’Assemblée interparlementaire sur l’orthodoxie, de
prendre la parole devant cette assemblée depuis le siège du président
du Parlement géorgien, le président de «Rêve géorgien» M. Bidzina
Ivanichvili a annoncé que son parti entendait proposer un amendement
constitutionnel pour introduire un système électoral entièrement
proportionnel avec un seuil de 0%, qui s’appliquerait dès les élections
générales de 2020. Cette initiative, qui répondait à une demande de
longue date de l’opposition d’avancer la date d’introduction du
système électoral entièrement proportionnel de 2024 à 2020, a été
saluée par toutes les parties prenantes et par la communauté internationale,
y compris par les rapporteurs chargés de la procédure de suivi pour
la Géorgie. Malheureusement, le 14 novembre 2019, l’amendement constitutionnel
nécessaire pour introduire ce système électoral proportionnel a
été rejeté faute d’avoir obtenu les suffrages nécessaires à son
adoption, malgré le soutien de l’ensemble des partis de l’opposition.
Dans leur communiqué, les rapporteurs de l’Assemblée ont déploré
le fait que le Parlement géorgien n’ait pas adopté les amendements
constitutionnels sur le système électoral proportionnel, dont l’introduction
était attendue depuis longtemps. Compte tenu du consensus clair
de toutes les parties prenantes sur la nécessité d'introduire ce
système avant les élections législatives de 2020, l'échec de l'adoption
des amendements est incompréhensible; il constitue un pas en arrière.
48. Malheureusement, la «frontiérisation» et l’annexion progressive
des régions géorgiennes de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie par
la Fédération de Russie se sont poursuivies en 2019 au même rythme qu’auparavant.
Ces actions illégales doivent être condamnées de la manière la plus
vigoureuse, car elles déstabilisent la région et entraînent un coût
humain inadmissible des deux côtés de la frontière administrative. Le
9 juin 2019, de prétendues «élections législatives» ont été organisées
en Ossétie du Sud (Géorgie) et, le 26 août, de prétendues élections
présidentielles se sont déroulées en Abkhazie (Géorgie), en violation
du droit international. Ces prétendues élections n’étaient ni légitimes
ni légales. Réaffirmant le soutien total de l’Assemblée à la souveraineté
et à l'intégrité territoriale de la Géorgie, les rapporteurs ont
condamné la tenue de ces élections qui «entravent le règlement pacifique
du conflit et au lieu d’unir les gens, ne font que les éloigner
davantage»
.
2.2.6. République
de Moldova
49. L’année 2019 a marqué le début
d’un tournant politique en République de Moldova. Des élections législatives
se sont déroulées le 24 février 2019. Elles ont été observées par
une commission ad hoc de l’Assemblée, participant à une mission
internationale d'observation des élections. Dans son rapport, M. Claude Kern
(France, ADLE) a observé que le nouveau système électoral mixte
était contraire aux recommandations de la Commission de Venise.
La commission ad hoc a néanmoins jugé que l’élection avait donné
lieu à une véritable compétition et que les libertés fondamentales,
dans l’ensemble, avaient été respectées. L’élection a été bien organisée
et s’est déroulée dans le calme, et les candidats ont pu faire campagne
en toute liberté. Néanmoins, la campagne a été entachée par des
cas isolés de violence à l’égard de candidats, une utilisation abusive
des ressources publiques dans des proportions importantes, des allégations
d’achat de voix et des distributions de cadeaux impliquant des organisations
caritatives liées à des partis politiques.
50. Les élections ont abouti à une absence de majorité au parlement.
Dans ce cas, l’article 85 de la Constitution moldave prévoit que
les partis disposent de trois mois pour former un gouvernement.
Or la Cour constitutionnelle a choisi de calculer le délai de trois
mois d’une manière que la Commission de Venise a qualifiée plus
tard d’approche «sans précédent», fixant la date d’expiration au
7 juin 2019 à minuit. C’est cependant au lendemain de cette date
que deux partis aux positions divergentes, le Parti des socialistes
et l’Alliance ACUM, sont parvenus à former une majorité parlementaire
et ont signé un «accord temporaire pour démanteler les réseaux oligarchiques
en Moldova». Les 8 et 9 juin 2019, la Cour constitutionnelle a jugé
ces décisions inconstitutionnelles et a demandé au Président de
dissoudre le parlement et de convoquer des élections anticipées.
Devant son refus, la cour l’a suspendu. La crise politique et constitutionnelle
qui s’en est suivie a incité le Secrétaire Général du Conseil de
l’Europe à requérir un avis de la Commission de Venise sur l’arrêt
de la cour. Le 14 juin, le Parti démocrate a annoncé qu’il rejoignait
l’opposition, provoquant une passation de pouvoir. Les corapporteurs
ont salué à la fois la résilience du peuple moldave et la passation pacifique
du pouvoir et ont invité les autorités à s’assurer que toutes les
mesures prises pour «désoligarchiser » le système visent à renforcer
l’indépendance des institutions d’État
. La Commission
de Venise, quant à elle, a estimé que les droits procéduraux du
Président et du parlement avaient été mis à mal par la grande célérité «voire
la précipitation» avec laquelle la cour s’était prononcée dans une
affaire aussi sensible. La Commission de Venise a conclu que les
conditions nécessaires à la dissolution du parlement n’étaient pas
réunies.
51. Dans ce contexte, les rapporteurs, M. Egidijus Vareikis (Lituanie,
PPE/DC) et Mme Maryvonne Blondin (France,
SOC), ont effectué une visite d’information à Chișinău les 22 et
23 juillet 2019 et ont, à la suite de cette visite, publié un communiqué
dans lequel ils se félicitaient des mesures prises pour soustraire
les institutions de l’État aux influences extérieures et à celles
des milieux d’affaires, tout en appelant au renforcement des institutions
démocratiques
. En outre, les rapporteurs ont invité
les autorités à s’assurer que les réformes du système judiciaire
et du ministère public soient fondées sur des critères clairs et
transparents, et que les mesures prises pour «désoligarchiser »
le pays soient conformes aux normes du Conseil de l’Europe. Le 10
septembre, la commission a adopté un rapport sur le fonctionnement
des institutions démocratiques en République de Moldova, qui a fait
l’objet d’un débat de l’Assemblée lors de sa session d’octobre.
Dans sa
Résolution
2308 (2019), l’Assemblée a invité les autorités, avec l’aide du
Conseil de l’Europe, à mettre en place une meilleure législation
électorale à la suite de l’abolition du mode de scrutin mixte, à
réformer le système judiciaire et le ministère public, à lutter
contre la corruption et le blanchiment de capitaux conformément
aux recommandations formulées en 2019 par le GRECO, à faire la lumière
sur le scandale de fraude bancaire de 2014, et à ratifier la Convention
d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard
des femmes et la violence domestique. L’Assemblée a également souligné
que les procédures juridiques entreprises pour «désoligarchiser »
le pays devaient à terme contribuer à la consolidation des institutions
d’État.
52. S’agissant du règlement du conflit en Transnistrie, l’Assemblée
s’est félicitée de la volonté des autorités moldaves de poursuivre
les discussions 5+2, qui impliquent la République de Moldova, les
autorités
de facto de Transnistrie,
l'OSCE, la Fédération de Russie et l'Ukraine, pour parvenir à un
règlement pacifique du conflit en Transnistrie. L'Assemblée a également
réitéré son plein soutien à l'intégrité territoriale de la République
de Moldova et son appel à la Fédération de Russie pour qu'elle retire
ses troupes et son matériel du territoire moldave
.
53. L’Assemblée a également invité les autorités moldaves à s’assurer
que les élections locales se déroulant le 20 octobre et le 4 novembre
soient organisées conformément aux bonnes pratiques et aux normes de
Conseil de l’Europe. Ces élections ont été observées par le Congrès
des pouvoirs locaux et régionaux, qui a conclu qu’en dépit de quelques
lacunes législatives elles s’étaient déroulées de manière ordonnée
. À Chișinău, M. Ion Ceban, du Parti
socialiste moldave (PSRM), a été élu maire avec 52% des suffrages
.
2.2.7. Fédération
de Russie
54. Le 26 juin 2019, l’Assemblée
adoptait la
Résolution
2292 (2019) ratifiant les pouvoirs de la délégation de la Fédération
de Russie et mettait ainsi fin à un boycott de quatre ans de ses
travaux par la Fédération de Russie, qui avait engendré au Conseil
de l’Europe une crise financière et institutionnelle sans précédent,
la Fédération de Russie ayant suspendu sa contribution au budget
du Conseil de l’Europe en 2017. À la suite de l’adoption, le 24
juin 2019, de la
Résolution
2287 (2019) sur le renforcement du processus décisionnel de l'Assemblée
parlementaire concernant les pouvoirs et le vote, l’Assemblée avait
invité les parlements des États membres du Conseil de l’Europe qui
n’étaient pas représentés à l’Assemblée à présenter les pouvoirs
de leur délégation à la partie de session de l’Assemblée de juin
2019. Le 25 juin 2019, le Parlement de la Fédération de Russie présentait
les pouvoirs de sa délégation pour qu’ils soient ratifiés par l’Assemblée.
Ces pouvoirs ont été contestés pour des raisons substantielles (articles
8.1.a et 8.2 du Règlement de l’Assemblée) et la commission de suivi
a été saisie pour rapport. En accord avec la pratique établie, j’ai
été nommé rapporteur.
55. Regrettant le manque de coopération dont la Fédération de
Russie faisait preuve dans le cadre de la procédure de suivi de
l’Assemblée, la commission de suivi s’est dite préoccupée par un
certain nombre de tendances négatives allant s’aggravant dans la
Fédération de Russie, en matière de démocratie, d’État de droit et
de droits de l’homme, cette situation faisant obstacle à l’accomplissement
par la Fédération de Russie d’engagements majeurs pris lors de son
adhésion, et d’obligations majeures découlant de sa qualité de membre.
La commission a néanmoins souligné de nouveau que l'Assemblée avait
toujours été attachée au dialogue politique comme moyen de parvenir
à des compromis et à des solutions durables. Ainsi qu’il est relevé au
paragraphe 7 de la résolution, l’Assemblée constitue l’enceinte
la plus importante où peut avoir lieu un dialogue sur les obligations
de la Fédération de Russie en vertu du Statut du Conseil de l’Europe,
avec la participation de toutes les parties intéressées, et où la
délégation russe peut être invitée à rendre des comptes sur la base
des valeurs et des principes du Conseil de l’Europe.
56. Néanmoins, la décision de l’Assemblée d’accueillir de nouveau
la Fédération de Russie dans son enceinte ne doit pas s’interpréter
comme une quelconque complaisance à l’égard d’un certain nombre
de tendances ayant un effet déplorable sur les règles de l’État
de droit, et qui ne sauraient être acceptées de la part d’un État
membre du Conseil de l’Europe. Dans sa résolution, l’Assemblée a
invité les autorités russes à mettre en œuvre un ensemble de mesures
concrètes en vue de répondre à ces préoccupations et de renforcer le
respect des droits de l’homme et de l’État de droit sur son territoire.
Il lui a été demandé notamment de libérer les 24 marins ukrainiens
arrêtés dans le détroit de Kertch sous le chef d’accusation de «franchissement
illégal de la frontière de la Fédération de Russie», de procéder
immédiatement à tous les paiements dus au budget du Conseil de l’Europe,
de coopérer pleinement et de manière inconditionnelle avec l’équipe
commune d’enquête et le ministère public néerlandais pour traduire
en justice les responsables de la destruction du vol MH17 de la
Malaysia Airlines, de prendre des mesures efficaces pour prévenir
les violations des droits de l’homme des personnes lesbiennes, gays,
bisexuelles, transgenres et intersexes (LGBTI) en particulier en République
tchétchène, de poursuivre les auteurs de tels actes commis par le
passé, et de coopérer pleinement avec la communauté internationale
dans l’enquête sur l’assassinat de Boris Nemtsov
.
57. Les rapporteurs ont suivi avec une grande inquiétude l’application
arbitraire de la «loi sur l’extrémisme» par les autorités russes.
Aussi ont-ils, dans un communiqué publié le 7 février 2019, exprimé
leur profonde préoccupation au sujet de la condamnation de M. Dennis
Christensen pour «organisation d’activités d’une organisation extrémiste»,
parce qu’il était un membre actif des Témoins de Jéhovah. Les rapporteurs
ont formulé l’espoir que la condamnation de M. Christensen soit
annulée par le jugement en appel, et ont invité les autorités à
le remettre en liberté dans l’attente de ce jugement
.
58. Lors de sa réunion du 13 novembre 2019, la commission a nommé
M. Axel Schäfer (Allemagne, SOC) corapporteur; il succède à Mme Angela
Smith (Royaume-Uni, ADLE) qui ne siège plus au sein de la commission.
Suite au retour à l’Assemblée de la Fédération de Russie, la commission
a organisé le 10 septembre 2019 un échange de vues avec M. Jakob
Wienen, corapporteur sur la démocratie locale et régionale en Fédération
de Russie de la commission de suivi du Congrès des pouvoirs locaux
et régionaux du Conseil de l’Europe. Le 30 septembre 2019, la commission
a organisé une audition sur la société civile et la participation
démocratique en Fédération de Russie, avec la participation de M. Vladimir
Kara-Murza, Président de la Fondation Boris Nemtsov pour la liberté,
Mme Emiliya Slabunova, Présidente du
Parti Yabloko, M. Leonid Volkov, Chef de Campagne de M. Alexei Navalny
et Mme Tatiana Glushkova, représentante
de Mémorial. De plus, le 13 novembre 2019, la commission a tenu
un échange de vues avec M.Fredrik Sundberg, Chef du Service de l’exécution
des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, sur l’exécution
des arrêts de la Cour par la Fédération de Russie. Une première
visite d’information dans la Fédération de Russie est prévue à titre
provisoire au début de l’année 2020.
2.2.8. Serbie
59. La commission a poursuivi sa
préparation du rapport sur le respect des obligations et engagements
de la Serbie. Le 23 janvier 2019, un avant-projet de rapport a été
transmis au Gouvernement serbe pour commentaires; ceux-ci ont été
ensuite examinés par la commission au cours de sa réunion du 17
mai 2019 à Londres. La commission, à cette occasion, a procédé à
un échange de vues consacré notamment au fonctionnement du parlement
et aux réformes législatives et constitutionnelles dont l’Assemblée
attend qu’elles répondent à ses demandes. Les corapporteurs continueront
à suivre de près toutes les évolutions liées aux sujets de préoccupation
soulignés par l’Assemblée dans la
Résolution
1858 (2012), à savoir le renforcement du pouvoir judiciaire, la
lutte contre la corruption, la liberté des médias et les droits
des minorités, en vue de la soumission d’un rapport à l’Assemblée
parlementaire en 2020, après les élections législatives prévues
au printemps.
60. L’année 2019 a également été marquée par un changement de
rapporteurs: au cours de sa réunion du 10 avril 2019, la commission
a désigné M. Ian Liddell-Grainger (Royaume-Uni, CE/AD) qui succède
à M. Robert Goodwill (Royaume-Uni, CE/AD). M. Piero Fassino (Italie,
SOC) a succédé à Mme Maria Guzenina (Finlande,
SOC) comme corapporteur le 10 septembre 2019.
2.2.9. Turquie
61. Les rapporteurs ont continué
à suivre de près un certain nombre d’évolutions préoccupantes en
Turquie. Le 21 janvier 2019, l’Assemblée a tenu un débat selon la
procédure d’urgence sur l’«aggravation de la situation des membres
de l’opposition politique en Turquie: que faire pour protéger leurs
droits fondamentaux dans un Etat membre du Conseil de l’Europe?».
Dans la
Résolution
2260 (2019), l’Assemblée a invité les autorités turques à respecter
pleinement les droits des membres des partis d’opposition, et notamment
à garantir l’immunité parlementaire, à revoir la loi et la Constitution
conformément aux recommandations de la Commission de Venise et à
mettre en œuvre les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme.
62. La Haute Cour pénale de Diyarbakir, dans un arrêt du 28 janvier
salué par les corapporteurs, a ordonné la libération de Mme Leyla
Güven
. Cette décision
de justice, représentant indiscutablement un pas dans la bonne direction,
a été suivie par la libération de l'ancien député HDP M. Sirri Süreyya
Önder à la suite d’un arrêt de la Cour constitutionnelle en octobre
2019. S’appuyant sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits
de l’homme, celle-ci a jugé que la liberté d'expression de M. Önder
avait été violée et que ses déclarations «n'incitaient pas à la
violence, ne constituaient pas un risque de crimes terroristes et
ne pouvaient être considérées comme «un encouragement à utiliser
les méthodes de l'organisation terroriste [PKK] qui font intervenir
la force, la violence ou la menace
». Les rapporteurs
ont félicité la Cour constitutionnelle pour cette décision historique
et ont déclaré qu’à la lumière de cet arrêt, ils s’attendaient désormais
à ce que d'autres députés et anciens députés indûment emprisonnés
et privés de leur immunité soient libérés.
63. Les rapporteurs ont également relevé un certain nombre d’évolutions
à propos de la liberté d’expression. Ils ont notamment salué l’arrêt
de la Cour constitutionnelle turque du 25 juillet 2019 concernant
les «universitaires pour la paix», un groupe de près de 600 professeurs
poursuivis pour terrorisme après avoir signé une pétition critiquant
les opérations militaires menées dans le sud-est de la Turquie.
Les rapporteurs ont relevé que l’arrêt donnait de l'espoir à des
centaines d'universitaires poursuivis, condamnés et même emprisonnés
pour avoir signé une «déclaration pour la paix»
. Les rapporteurs ont néanmoins invité
les autorités turques à procéder rapidement à un nouveau procès
pour les personnes jugées coupables, à annuler les affaires en cours
d’appel, à acquitter les personnes toujours poursuivies et à réintégrer
les universitaires qui avaient été forcés de démissionner ou qui
avaient perdu leur emploi. La commission demeure préoccupée par
l’usage abusif par les autorités turques des lois antiterrorisme,
dont elles ont fait un usage d’une fréquence inquiétante à la suite
de l’intervention militaire menée dans le nord-est de la Syrie.
Cette tendance a notamment affecté un certain nombre de membres
locaux de l’opposition politique, y compris des coprésidents du
HDP et des membres éminents du CHP.
64. S’agissant de la liberté des médias, la situation ne s’est
pas améliorée. En 2019, la Turquie figurait en 157e position
(sur 180) dans le classement mondial de la liberté de la presse
établi par Reporters sans frontières. Selon la Plateforme pour la
protection du journalisme et la sécurité des journalistes du Conseil
de l’Europe, 105 journalistes y sont incarcérés à ce jour.
65. Des élections municipales se sont tenues à Istanbul le 31
mars 2019. Le parti dirigeant AKP, au pouvoir depuis 25 ans, a été
battu à 13 000 voix près à Istanbul par le candidat de l’opposition,
M. Ekrem Imamoğlu. Le résultat ayant été annulé à la suite d’un
appel interjeté auprès du Conseil électoral suprême par le parti dirigeant,
une nouvelle élection s’est tenue le 24 juin; l’avance de M. Imamoğlu
y a bondi de 13 000 à 775 000 voix. Au cours de sa réunion du 16
mai 2019, la commission a procédé à un échange de vues sur les élections locales;
y participait M. Andrew W. Dawson (Royaume-Uni, CRE), responsable
de la mission d'observation des élections du Congrès des pouvoirs
locaux et régionaux présente lors des élections.
66. La délégation du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux
a observé les deux élections. Les aspects techniques des élections
ont été correctement assurés et les commissions des bureaux de vote
se sont acquittées de leurs missions avec compétence et diligence.
En outre, par leur taux de participation de 85%, les citoyens ont
manifesté une saine volonté de prendre part à la décision politique.
La procédure a néanmoins été viciée par l’absence d’un climat électoral
assurant la liberté et l’équité, d’un même accès aux médias pour tous
les partis, et d’une présentation juste et équilibrée de la situation
à l’intention des électeurs.
67. Malgré ces tendances antidémocratiques, il existe des évolutions
notables. Le 17 octobre, le parlement a adopté une première série
de réformes judiciaires. Bien qu’il reste à démontrer que cette
réforme renforce les garanties procédurales, améliore les procédures
légales et abaisse le nombre de détentions provisoires, il s’agit
d’un pas dans la bonne direction et le Conseil de l’Europe est disposé
à fournir une assistance dans la mise en œuvre de ces réformes.
La préparation d’un «plan d’action pour les droits de l’homme» constitue
une autre évolution positive; elle représentera une occasion opportune
d’aborder de nombreuses préoccupations soulignées dans les résolutions
de l’Assemblée.
68. À la lumière de ces évolutions, la commission a tenu, lors
de sa réunion du 13 novembre 2019, une audition sur les réformes
du système judiciaire et sur le futur plan d’action pour les droits
de l’homme, et sur leur impact escompté sur la liberté d’expression
et de réunion. Ont participé à cet échange de vues des représentants
du ministère de la Justice, d’Amnesty International et des trois
principaux groupes politiques au Parlement turc.
2.2.10. Ukraine
69. Les premier et second tours
de l’élection présidentielle se sont déroulés, respectivement, le
31 mars et le 21 avril 2019. Le jour même de son entrée en fonction,
le président Volodymyr Zelensky a annoncé son intention de dissoudre
le parlement
.
Des élections législatives anticipées se sont donc tenues le 21
juillet 2019. Une délégation ad hoc composée de membres de l’Assemblée
devait à l’origine participer à l’observation des deux élections.
Cependant, à la suite du retour inconditionnel à l’Assemblée de
la délégation de la Fédération de Russie, l’Ukraine a informé l’Assemblée
que c’était avec regret qu’elle retirait l’invitation à observer
les élections législatives
.
70. De l’avis des observateurs internationaux, la campagne qui
a précédé les deux tours de l’élection présidentielle s’est déroulée
de façon compétitive et pacifique. La liberté d’expression a été
respectée et les candidats ont pu faire campagne sans entraves.
Les électeurs ont eu la possibilité de se prononcer entre de nombreux
candidats. Les deux élections ont néanmoins été entachées par des
allégations d’achat de voix et de détournement de fonds publics,
notamment par «un recours aux fonds de programmes d’assistance sociale,
des hausses de salaires et d’autres incitations financières»
.
À l’issue du second tour de l’élection présidentielle, plus de 90
enquêtes judiciaires relatives à des irrégularités lors du premier
scrutin avaient été lancées
.
L’OSCE et la délégation ad hoc de l’Assemblée se sont accordées
pour émettre des réserves quant à l’absence de plafond de dépenses
électorales au cours de l’élection présidentielle et à la possibilité,
pour les partis, de trouver des financements en dehors du cadre
ordinaire. Les réglementations imposant une couverture médiatique
impartiale des campagnes et des candidats ont été ouvertement transgressées
et mal appliquées. Il y a lieu de déplorer qu’en raison de l’annexion
illégale de la péninsule de Crimée par la Fédération de Russie et
de la présence de groupes armés irréguliers, des élections n’aient
pu être tenues en Crimée et dans certaines zones de Donetsk et Lougansk.
71. Les rapporteurs continuent à suivre de près les évolutions
concernant la liberté des médias et la liberté d’expression. L’Ukraine
figure en 102e position sur 180 dans
le classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters
sans frontières
. La Plateforme pour la protection
du journalisme et la sécurité des journalistes du Conseil de l’Europe
relève six cas d’impunité de meurtriers, 11 cas de harcèlement et d’intimidation
de journalistes et 21 cas qu’elle considère comme ayant un effet
dissuasif pour la liberté des médias
. Le 20 juin 2019, le journaliste
d'investigation M. Vadym Komarov est décédé des suites de blessures infligées
le 4 mai par des agresseurs inconnus dans la ville de Tcherkassy.
Le lien possible entre sa mort et ses investigations sur la corruption
et les abus de pouvoir à Tcherkassy est extrêmement préoccupant.
Il serait inadmissible que l’enquête sur l’affaire de l’assassinat
de M. Komarov ne donne aucun résultat tangible, comme c’est souvent
le cas dans les enquêtes relatives aux agressions contre des journalistes
et des militants anticorruption. Les rapporteurs ont demandé aux
autorités, dans un communiqué publié le 2 juillet, de veiller à
ce qu'une enquête transparente et efficace sur cet assassinat ait
lieu
.
72. La commission a également pris note de certaines évolutions
dans la lutte contre la corruption. Le 11 avril 2019, les 38 juges
à la Haute Cour anticorruption ont été nommés
,
ce dont la commission se félicite. Cette cour rend des arrêts depuis
le mois de septembre. Les autorités ukrainiennes doivent désormais s’assurer
qu’elles disposent des ressources et des effectifs nécessaires pour
traiter les quelque 35 000 affaires relevant potentiellement de
sa compétence
.
73. Le Président et son parti ont été élus sur un programme qui
promettait de mettre fin à la corruption endémique en Ukraine, notamment
en réformant le système judiciaire. Parmi les préoccupations principales des
citoyens ukrainiens figurent la corruption endémique sévissant notamment
dans la magistrature et l’inefficacité du système judiciaire. En
septembre 2019, la Verkhovna Rada a adopté un ensemble de réformes relatives
au système judiciaire. La commission, afin d’aider à veiller à ce
que ces réformes respectent pleinement les normes européennes, a
demandé à la Commission de Venise en septembre 2019 un avis «sur les
récentes modifications apportées au cadre juridique régissant la
Cour Suprême et les organes judiciaires autonomes en Ukraine».
74. Compte tenu de l’importance de la question linguistique en
Ukraine, la commission de suivi a demandé le 17 mai 2019 à la Commission
de Venise un avis sur la loi ukrainienne pour «assurer le fonctionnement
de la langue ukrainienne en tant que langue d'État».
2.3. Pays
engagés dans un dialogue postsuivi
2.3.1. Bulgarie
75. Lors de sa réunion du 16 mai
2019, la commission de suivi a examiné un projet de rapport sur
le dialogue postsuivi avec la Bulgarie et a adopté à l’unanimité
un projet de résolution.
76. Dans la
Résolution
2296 (2019), examinée au cours de la partie de session de juin 2019,
l’Assemblée a reconnu les progrès importants accomplis par la Bulgarie
depuis l’adoption en 2013 du dernier rapport relatif au dialogue
postsuivi. Les autorités bulgares y sont tout particulièrement félicitées
pour leur coopération constante avec les mécanismes de suivi du
Conseil de l’Europe, les experts juridiques et la Commission de Venise.
77. Des progrès significatifs ont été réalisés dans la réforme
du système judiciaire. L’Assemblée s’est félicitée d’un certain
nombre d’évolutions notables à cet égard, relevant notamment l’adoption,
entre 2015 et 2018, des réformes de la loi relative au système judiciaire
et la réglementation ultérieure du fonctionnement du Conseil supérieur
de la magistrature et de la magistrature dans son ensemble, la division
du Conseil supérieur de la magistrature en deux chambres, l’une
pour les juges et l’autre pour les procureurs, exerçant en toute indépendance
leurs pouvoirs de nomination et de sanction disciplinaire des juges,
des procureurs et des juges d’instruction, et la création de l’inspection
du Conseil supérieur de la magistrature chargé de renforcer la responsabilité
de la magistrature, en particulier en matière de prévention de la
corruption au sein de la magistrature et de procédures disciplinaires.
78. S’agissant de la lutte contre la corruption, l’Assemblée a
salué la création par les autorités d’une nouvelle agence unifiée
de lutte contre la corruption. Celle-ci est notamment chargée de
vérifier l’absence de conflits d’intérêts des hauts fonctionnaires
et de contrôler leur patrimoine, de mener des enquêtes sur les allégations
de corruption, d’établir des garanties pour la prévention de la
corruption et de mettre en place des procédures de saisie et de
confiscation des avoirs illicites. Le pays a accompli des progrès
considérables en mettant en œuvre un certain nombre de recommandations
du GRECO, en particulier avec la modification en 2016 du règlement
du parlement afin d’assurer la transparence du processus législatif.
En outre, la Bulgarie a consacré des moyens considérables à la formation
et à la sensibilisation d’un grand nombre de juges, de procureurs
et de membres des forces de l’ordre aux questions relatives à la
corruption et au trafic d’influence.
79. Enfin, l’Assemblée reconnaît que d’importants progrès ont
été faits ces dernières années pour améliorer les conditions de
détention dans les prisons et mettre en œuvre les recommandations
du CPT, notamment en modifiant en 2017 la loi relative à l’exécution
des peines et à la détention. Ces modifications portaient sur les conditions
de détention, les régimes pénitentiaires, les libérations anticipées
et le contrôle judiciaire des actes de l’administration pénitentiaire.
La commission a salué les progrès accomplis par la Bulgarie dans
l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme
portant sur la durée excessive des procédures judiciaires et l’absence
de recours effectif à cet égard.
80. La commission, cependant, demeure préoccupée par l’absence
d’améliorations observée dans un certain nombre de domaines. D’importantes
initiatives législatives relatives au système judiciaire ne font
l’objet d’aucun grand débat public et les parties prenantes dans
leur ensemble ne sont pas suffisamment consultées. La recommandation
du GRECO visant à établir des critères clairs, objectifs et transparents
pour encadrer les décisions d’accorder une rémunération supplémentaire
au sein du système judiciaire n’a pas été mise en œuvre. La situation
concernant la liberté des médias en Bulgarie a connu une détérioration
systématique ces dernières années, le plus préoccupant étant la
concentration de leur propriété et l’absence de transparence. Le
discours de haine raciste et intolérant employé dans les déclarations
politiques et l’exclusion des représentants roms du processus démocratique
continuent à poser un grave problème. Il est profondément regrettable
que la Bulgarie n’ait pas encore ratifié la Convention du Conseil
de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard
des femmes et la violence domestique bien qu’elle l’ait signée en
2016.
81. Au vu de ces éléments, l’Assemblée a décidé de poursuivre
un dialogue postsuivi avec la Bulgarie et d’évaluer, en juin 2020,
les progrès réalisés dans les domaines suivants: le système judiciaire,
la lutte contre la corruption à haut niveau, les médias, le respect
des droits de l’homme des minorités, la lutte contre le discours
de haine et contre la violence à l’égard des femmes
.
82. Le 2 octobre 2019, la commission a nommé M. Aleksander Pociej
(Pologne, PPE/DC) en remplacement de M. Zolt Németh (Hongrie, PPE/DC),
qui avait démissionné de ses fonctions de corapporteur.
2.3.2. Monténégro
83. La commission est de plus en
plus préoccupée par l’aspect fragmenté et polarisé du climat politique
au Monténégro. Le pays a en partie surmonté le blocage engendré
par les élections générales d’octobre 2016, auxquelles le Parti
démocratique socialiste (Demokratska Partija Socijalista, DPS) avait
remporté une victoire écrasante, provoquant le refus de l’ensemble
de l’opposition de participer aux travaux du parlement; les membres
de l’opposition ont presque tous repris leur siège au parlement,
bien que certains groupes aient déclaré qu’ils ne participeraient
qu’au comité chargé de la réforme électorale (DCG) et que d’autres
aient fluctué dans leur boycott (DF). Cette situation s’est aggravée
avec l’affaire dite des enveloppes, qui a commencé en janvier 2019
avec les premières révélations de M. Duško Knežević, propriétaire
du groupe Atlas Bank, à propos d’activités crapuleuses auxquelles
auraient participé des représentants haut placés du parti au pouvoir
dont le Président Đukanović. La révélation la plus frappante, appuyée
par un enregistrement vidéo datant de 2016, montrait Duško Knežević
manifestement en train de tendre au maire de Podgorica de l’époque, M. Slavoljub
Stijepović, une enveloppe contenant, d’après les déclarations ultérieures
de M. Knežević, 97 000 $ destinés à financer une campagne électorale
du DPS. Cette somme n’apparaît pas dans les registres comptables
du parti. Ces révélations ont suscité le 17 février 2019 des mouvements
de protestation de grande ampleur dans plusieurs villes du Monténégro,
dont Podgorica, Budva et Herceg-Novi. Leurs organisateurs ont engagé
avec des responsables de l’opposition un dialogue à l’origine de
l’«accord pour l’avenir», programme politique auquel ont adhéré
en avril les 39 députés de l’opposition. Parmi les priorités qui
y sont énoncées figurent un gouvernement d’union civique et le boycott
de toutes les élections jusqu’à ce que les demandes aient été satisfaites.
À ce jour, aucune commission d’enquête n’a été formée au parlement
pour faire le jour sur l’«affaire des enveloppes».
84. Le 31 juillet 2019, le parlement a décidé d’élargir le mandat
de la commission sur la réforme électorale, transformant celle-ci
en commission sur la réforme globale de la législation en matière
électorale et dans d'autres domaines. L’objectif de cette commission
est de remédier à plusieurs problèmes graves que l’Union européenne
et le Conseil de l’Europe considèrent impératif de résoudre avant
la prochaine élection générale, qui se tiendra au plus tard le 20
octobre 2020. À l’exception du groupe politique DF, tous les partis
de l’opposition présents au parlement sont représentés au sein de
cette commission temporaire.
85. C’est dans ce contexte que s’est déroulée, du 11 au 13 septembre,
la visite d’information des corapporteurs à Podgorica. L’objectif
de cette visite était d’examiner les évolutions concernant l’indépendance du
pouvoir judiciaire, les réformes électorales, la lutte contre la
corruption et la situation des médias. Pour être mieux à même de
dresser un bilan dans ces domaines, les rapporteurs ont rencontré
de nombreux interlocuteurs, dont des membres de la communauté internationale,
le vice-président de la commission «pour le suivi des actions des
autorités compétentes dans l’instruction des affaires de menaces
et de violences envers des journalistes, d’assassinats de journalistes
et de dégradation de biens appartenant à des médias», le directeur
de l’agence pour la prévention de la corruption, des représentants
de divers groupes politiques siégeant au parlement et des représentants
de la magistrature et du ministère de la Culture.
86. Dans un communiqué publié après leur visite, les rapporteurs
ont invité les responsables politiques concernés à surmonter leurs
divergences afin d’assurer la réforme électorale, qui ne pourra
être engagée qu’avec l’appui de l’opposition
.
Il s’agit là d’une recommandation majeure formulée depuis un certain
temps par l’Union européenne et par le Conseil de l’Europe. Les
rapporteurs ont salué les progrès incontestables réalisés dans plusieurs
domaines, notamment dans celui des droits des personnes LGBTI et
des droits des minorités; ces progrès ont valeur d’exemple pour
toute la région. Tout aussi apprécié a été le fait que le procureur
spécial et le ministère de la Justice aient obtenu des premières
condamnations dans des affaires de corruption. Ce premier bilan
positif doit néanmoins être renforcé. Par ailleurs, les rapporteurs
ont salué l’audace dont ont fait preuve plusieurs organes judiciaires,
tels que la Cour constitutionnelle qui a annulé les mandats d'arrêt
délivrés contre deux députés dont l'immunité n'avait pas été levée
auparavant. Il n’en reste pas moins que de nombreux progrès restent
à accomplir, particulièrement dans des domaines tels que l’indépendance
des médias. Bien que le cadre juridique des médias ait été renforcé
de manière inclusive, et que les forces de police déploient des
efforts pour arrêter les auteurs et les suspects d'attaques contre
des journalistes, les commanditaires de ces attaques ne sont pas
toujours retrouvés. Les journalistes d'investigation peuvent encore
faire l'objet de tentatives d'intimidation voire, dans de rares
cas, de procédures judiciaires et de détention.
87. Compte tenu de ces éléments, la commission a décidé de procéder,
le 11 décembre 2019, à un échange de vues sur la commission «pour
le suivi des actions des autorités compétentes dans l’instruction
des affaires de menaces et de violences envers des journalistes,
d’assassinats de journalistes et de dégradation de biens appartenant
à des médias» mise en place par le Monténégro. Les rapporteurs souhaitent
présenter un projet de rapport sur le dialogue postsuivi avec le
Monténégro lors de la partie de session de l’Assemblée d’avril 2020.
2.3.3. Macédoine
du Nord
88. Au cours de l’année qui s’est
écoulée depuis la publication du dernier rapport d’activité, plusieurs changements
d’envergure sont intervenus en Macédoine du Nord. À la suite d’un
référendum tenu le 30 septembre 2018, l’accord historique de Prespa
conclu entre la Macédoine du Nord et la Grèce a été ratifié en janvier
2019, résolvant la question du nom du pays après un différend de
27 ans. La Macédoine du Nord, en conséquence, a été invitée à adhérer
à l’OTAN. La recommandation publiée le 29 mai 2019 par la Commission européenne,
ouvrant les négociations d’adhésion à l’Union européenne, a constitué
une autre étape répondant au souhait d’intégration euro-atlantique
exprimé par une grande majorité de la population.
89. Les premier et second tours de l’élection présidentielle,
qui se sont tenus respectivement le 21 avril et le 5 mai 2019, ont
été observés par une délégation ad hoc de l’Assemblée. Celle-ci
a estimé que les électeurs avaient pu se prononcer librement et
dans une atmosphère sereine, que les candidats avaient pu faire campagne
sans entraves et que les libertés fondamentales avaient été respectées
. La délégation a salué le fait
que l’élection n’ait pas donné lieu à des abus de ressources publiques,
et que les fonctionnaires de l'État aient su maintenir une distinction
claire entre leurs activités officielles et leurs activités politiques
et se soient abstenus de détourner des ressources d'État pour la
campagne. La délégation a également salué le travail des médias,
qui ont assuré une couverture impartiale et présenté des informations
diverses sur les candidats présidentiels et les partis politiques
qui les soutenaient, ce qui a permis aux électeurs de faire un choix
informé. Néanmoins, les autorités doivent encore régler certains
problèmes récurrents du processus électoral, notamment la nécessité
de la réforme du code électoral et, d’une manière générale, du système
politique, pour garantir l’adhésion des citoyens et leur participation
active, indépendamment de leurs origines ethniques. De nombreuses
recommandations antérieures de la Commission de Venise et du BIDDH
concernant le cadre juridique n'ont toujours pas été appliquées,
notamment celles relatives au financement électoral et aux plaintes et
appels électoraux.
90. C’est dans ce contexte que les corapporteurs, Mme Lise
Christoffersen (Norvège, SOC) et M. Valeriu Ghiletchi (République
de Moldova, PPE/DC), ont effectué une visite d’information du 28
au 31 mai 2019. Dans un communiqué publié à l’issue de leur mission
à Skopje, les rapporteurs ont salué les diverses évolutions positives
en Macédoine du Nord
,
notamment l’établissement d’une nouvelle commission publique pour
la prévention de la corruption et des conflits d’intérêt, qui a
déjà engagé des enquêtes à la suite d’allégations de népotisme.
Les rapporteurs se sont également félicités que les autorités se
soient dites prêtes à travailler avec le Conseil de l’Europe et
à prendre dûment en compte les recommandations qui leur sont adressées
par la Commission de Venise et par le GRECO. Ils ont cependant invité
les autorités à combattre les discours de haine sur internet et
à veiller à ce que les diverses évolutions positives soient confirmées
par la pleine mise en œuvre des lois récemment adoptées et se traduisent
par des résultats tangibles.
91. Les rapporteurs ont ensuite présenté un projet de rapport,
approuvé le 10 septembre 2019 par la commission de suivi. Celle-ci
a en outre nommé M. Aleksander Pociej (Pologne, PPE/DC) corapporteur
à la suite de M. Ghiletchi, qui a quitté l’Assemblée.
92. Dans sa
Résolution
2304 (2019) débattue le 2 octobre 2019, l’Assemblée a salué la signature,
par les principaux partis politiques, des Accords de Pržino, et
la résolution, grâce aux négociations, de la crise politique. Cette
crise de deux ans avait été provoquée par la publication de conversations
recueillies à l’occasion d’écoutes téléphoniques illégales, qui
avaient révélé la participation directe de membres haut placés du
gouvernement dans des affaires de fraude électorale et d’autres
affaires illégales. La crise s’est achevée avec la démission du
Premier ministre, M. Gruevski, la signature des accords, la mise
en place d’un gouvernement technocratique et l’organisation d’élections
législatives anticipées. La résolution a également salué l’attitude
constructive dont ont fait preuve les principaux partis d’opposition,
qui ont participé activement aux travaux du parlement et ont permis
l’adoption d’importants textes législatifs, nécessaires pour répondre
à l’aspiration du pays à adhérer à l’Union européenne. S’agissant
de la lutte contre la corruption, l’Assemblée a salué le travail
impressionnant effectué par le bureau du «Procureur spécial contre
les infractions relatives au contenu des interceptions illégales
des communications et en résultant», qui a engagé des poursuites
dans 20 affaires de haut niveau et a inculpé plus de 100 personnes
dans au moins 18 affaires d’infractions pénales graves. L’Assemblée
s’est également félicitée du plan de réformes ambitieux du gouvernement
(dit plan 3-6-9 et plan 18), qui repose sur les priorités urgentes
et les recommandations formulées par le groupe d’experts de haut
niveau de la Commission européenne (connues sous le nom de rapport
Priebe) dans quatre domaines clés: les réformes du système judiciaire,
des services de sécurité, de l’administration publique et des mesures de
lutte contre la corruption. Ce plan a entraîné l’adoption de la
loi sur les tribunaux et de la loi sur le Conseil de la magistrature,
conformes aux recommandations de la Commission de Venise. Les pouvoirs
du médiateur ont été renforcés, ainsi que les mécanismes de contrôle
sur les forces de police. Une nouvelle loi sur le renseignement
a été adoptée en vue de remédier aux problèmes suscités par l’interception
illégale de conversations recueillies par écoutes téléphoniques.
93. L’Assemblée a cependant invité les autorités à améliorer la
situation dans un certain nombre de domaines, tels que la mise en
œuvre des recommandations du GRECO et du CPT. Au vu de ces éléments, elle
a décidé de poursuivre le dialogue postsuivi avec la Macédoine du
Nord, et d’évaluer dans son prochain rapport les progrès accomplis,
en particulier, dans les domaines suivants: la poursuite de la consolidation d’institutions
démocratiques durables et fonctionnelles, l’indépendance de la justice,
notamment le renforcement de l’indépendance et de la responsabilité
des juges et des procureurs, la lutte contre la corruption, la consolidation
du cadre électoral, conformément aux recommandations de la Commission
de Venise et aux rapports de la mission d’observation électorale
de l’Assemblée, et la poursuite de politiques inclusives visant
à garantir les droits des minorités, y compris pour la communauté
rom
. Depuis l’adoption de cette
résolution, l’Union européenne ayant décidé de reporter la décision
relative à l’ouverture des négociations d’adhésion, le Premier ministre
a convoqué des élections législatives anticipées qui se dérouleront
le 12 avril 2020.
2.4. Rapport
sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Pologne
94. Les corapporteurs ont effectué
une visite d’information à Varsovie les 5 et 6 septembre 2019. Le
11 décembre 2019, la commission a adopté un rapport et un projet
de résolution sur le fonctionnement des institutions démocratiques
en Pologne, en vue de les présenter à la partie de session de l’Assemblée
de janvier 2020.
95. Dans leur rapport, les corapporteurs soulignent l’ampleur
de la crise politique et constitutionnelle qui s’est développée
en Pologne à la suite des élections législatives de 2015 et de la
mise en place d’une nouvelle majorité gouvernementale. Le parti
au pouvoir estime que, par la victoire écrasante qu’il lui a assurée
lors des élections, le peuple s’est prononcé sans ambiguïté pour
de profondes réformes du système politique et social. Le système
judiciaire apparaît comme l’objet prioritaire des réformes, et ce
pour deux raisons. D’une part, la population polonaise exprime une
insatisfaction croissante vis-à-vis de l’appareil judiciaire, réclamant
une administration de la justice efficace et impartiale. D’autre
part, les nouveaux responsables politiques voient dans le système
judiciaire et la magistrature des institutions qui, abritant les
anciennes élites dirigeantes, sapent l’impartialité de la justice
et affaiblissent à la fois le programme de réformes du nouveau gouvernement et
l’efficacité de l’administration de la justice en Pologne.
96. S’il appartient voire incombe aux autorités polonaises de
remédier aux dysfonctionnements du système judiciaire afin de renforcer
son indépendance et d’assurer l’impartialité de la justice, il est
important que ces réformes soient menées conformément aux normes
européennes. Il est tout aussi important qu’elles renforcent l’indépendance
de la justice et l’État de droit, et ne risquent pas de les affaiblir
ni de les saper. De plus, il serait inadmissible qu’elles signifient
un contrôle du pouvoir judiciaire par le pouvoir exécutif ou législatif, voire,
pis encore, par la majorité au pouvoir. Malheureusement les réformes
du système judiciaire polonais, à de nombreux titres, apparaissent
contraires à ces principes et vont à l’encontre des normes européennes.
Elles sapent l’indépendance de la justice et l’État de droit en
Pologne, et portent gravement atteinte à ces principes. Elles ont,
de surcroît, rendu le système judiciaire vulnérable à l’ingérence
des responsables politiques et à leurs tentatives de le placer sous
la tutelle de l’exécutif, ce qui contrevient aux principes mêmes
d’un État démocratique régi par la primauté du droit.
97. Les préoccupations concernant l’indépendance de la magistrature
et du système judiciaire polonais et le respect de l’État de droit
affectent directement l’Europe dans son ensemble. Elles ne sauraient
être considérées comme des problèmes internes et réduites à l’échelle
de la Pologne.
98. Deux aspects de la réforme suscitent des inquiétudes particulières:
la vulnérabilité du système judiciaire à l’exploitation et à la
manipulation politiques, et les pouvoirs excessifs sur la magistrature
centralisés au niveau du ministre de la Justice et, dans une moindre
mesure, du Président de la Pologne. Les allégations de recours abusifs
à des procédures disciplinaires contre les juges et les procureurs,
ainsi que les campagnes de diffamation organisées contre eux, montrent
que cette vulnérabilité à l’exploitation et à la politisation n’est malheureusement
pas une question d’ordre spéculatif. La concentration de pouvoirs
excessifs sur la magistrature sape l’indépendance de cette dernière
et discrédite l’État de droit en Pologne; elle appelle des mesures
correctives immédiates.
99. Si leur rapport est largement consacré à la réforme du système
judiciaire, les rapporteurs ont également exprimé leur préoccupation
à propos de la dureté et de l’intolérance des déclarations politiques
en Pologne, et de l’atmosphère de plus en plus permissive qu’elles
engendrent, nourrissant l’impression que les discours de haine et
les attitudes intolérantes à l’égard des minorités et des autres
groupes vulnérables bénéficient de l’impunité. Cette situation est
inadmissible et les autorités doivent y remédier.
100. Le 24 octobre 2019, à la suite des contestations, par le parti
au pouvoir comme par l’opposition, des résultats des élections au
Sénat polonais, les corapporteurs ont publié un communiqué dans
lequel ils exprimaient leur profonde préoccupation à propos de la
vulnérabilité de la Chambre de contrôle extraordinaire et des affaires
publiques de la Cour suprême, chargée de statuer sur les appels
relatifs aux élections. Ils ont fait observer l’importance pour
le processus démocratique que toute contestation électorale soit
traitée de manière impartiale et conforme aux normes européennes,
et que ce traitement soit perçu comme tel. Relevant les interrogations
et les perceptions à propos de l'indépendance et de l'impartialité
de la Chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques,
ils ont exhorté la Cour suprême à faire preuve de la plus grande transparence
et impartialité dans le traitement de ces appels. Il convient de
noter que les six appels interjetés par le parti au pouvoir ont
tous été déclarés irrecevables par la Chambre de contrôle extraordinaire
et des affaires publiques de la Cour suprême. Au moment de la rédaction
du présent rapport, aucune décision n’a encore été prononcée sur
les trois appels interjetés par l’opposition.
3. Propositions
pour améliorer l’efficacité du travail de la commission et pour
remédier aux imprécisions et incohérences dans le règlement qui
en régit les travaux.
101. Le nouveau cadre institué pour
la préparation des rapports d’examen périodique a fait ressortir
un certain nombre d’imprécisions et d’incohérences dans le règlement
qui régit les travaux de la commission, et tout particulièrement
dans la
Résolution
1115 (1997) telle qu’elle a été modifiée. Cette troisième et dernière partie
du rapport contient des propositions pour y remédier.
102. Le pouvoir de la commission de sélectionner les pays qui feront
l’objet d’un examen périodique est apparu comme une question centrale.
Le mandat de la commission est parfaitement clair à cet égard: la commission
a la charge de veiller au respect des obligations contractées par
les États membres aux termes du Statut du Conseil de l’Europe, de
la Convention européenne des droits de l’homme et de toutes les
autres conventions de l’Organisation auxquelles ils sont parties.
En d’autres termes, la commission assure en permanence un suivi
du respect, par tous les États membres du Conseil de l’Europe, des
obligations découlant de leur adhésion au Conseil de l’Europe et,
s’il en est, des engagements spécifiques qu’ils ont contractés.
En outre, s’agissant de la préparation des rapports d’examen périodique,
la
Résolution
1115 (1997), telle qu’elle a été modifiée, énonce que la commission
mènera, pays par pays, des examens périodiques. Dans sa
Résolution
2261 (2019), l’Assemblée a décidé que la sélection des pays faisant
l’objet d’un examen périodique serait opérée par la commission de
suivi selon ses méthodes de travail internes. La résolution prévoyait notamment
que l’Assemblée «substituer[ait] à la méthode [précédente] de sélection
fondée sur l’ordre alphabétique une sélection motivée par des raisons
de fond, tout en maintenant l’objectif de consacrer, au fil du temps,
des examens périodiques à tous les États membres.»
103. Cependant, la Résolution 1115 (1997) n’a pas été modifiée
pour prendre en compte cette nouvelle procédure, ce qui a malheureusement
entraîné confusion et méprises. Lorsque la commission a présenté
sa première liste de pays sélectionnés pour un examen périodique,
le Bureau de l’Assemblée y a vu une requête de sa part d’être saisie
pour préparer des rapports d’examen périodique sur les pays choisis,
et non une simple déclaration comme la commission l’entendait. Par
conséquent, le Bureau a retiré un pays de la liste, constituée par
la commission, des pays devant faire l’objet d’un examen périodique
de suivi.
104. La commission a déploré à l’unanimité cette décision, estimant
qu’elle était contraire à son mandat ainsi qu’au Règlement, et qu’elle
était susceptible, en raison du caractère arbitraire disproportionné
qu’elle confèrerait à la sélection des pays devant faire l’objet
d’un examen périodique, de porter atteinte à l’objectivité et à
l’impartialité de la procédure dans son ensemble. Aussi la commission
a-t-elle souhaité demander au Bureau de saisir la commission du
Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles pour
qu’elle formule un avis sur les droits dont dispose la commission
dans cette affaire, y compris sur la question de la nécessité d’être
explicitement saisie pour rendre des rapports d’examen périodique
individuels.
105. Pour éviter toute apparence de traitement discriminatoire,
la commission a décidé de suspendre la préparation des trois autres
rapports d'examen périodique jusqu’à ce que le problème ait été
réglé. Il conviendrait, pour éviter que cette situation se répète
à cause de l’imprécision des règles établies, de modifier la
Résolution
1115 (1997) afin qu’elle énonce explicitement que «la commission
de suivi est saisie pour préparer des examens périodiques réguliers
de tous les États membres du Conseil de l’Europe dès lors que ceux-ci
ne font pas l’objet d’une procédure complète de suivi ni d’un dialogue
postsuivi. La commission de suivi déterminera l’ordre et la fréquence
de ces rapports selon ses méthodes de travail internes, en opérant
des choix motivés par des raisons de fond, dans l’objectif de consacrer,
au fil du temps, des examens périodiques à tous les États membres.»
Les méthodes de travail internes évoquées devraient par ailleurs
être renforcées pour que soit évité le risque de partialité ou de
perception de partialité.
106. En outre, il est important de définir clairement sur quels
rapports les autorités du pays en question sont invitées à formuler
des observations, et la période pendant laquelle il leur est loisible
de le faire. Dans le cas d’un rapport sur le respect des obligations
et engagements d’un pays faisant l’objet d’une procédure complète de
suivi, les autorités et la délégation du pays disposent d’une durée
maximale de trois mois pour formuler des observations sur l’avant-projet
de rapport. Bien que les règles établies ne le prévoient pas explicitement,
cette pratique a été étendue aux rapports d’examen périodique et
aux rapports de dialogue postsuivi. Seuls les rapports sur le fonctionnement
des institutions démocratiques, conçus pour permettre à la commission
de réagir rapidement à des évolutions plus spécifiques dans un pays,
n’appellent pas d’observations des autorités. Il serait important
de codifier clairement cette pratique dans les règles qui régissent
les travaux de la commission.
107. D’autre part, l’expérience a montré que le délai de trois
mois dont les autorités disposent pour formuler leurs observations
est trop long, et qu’il nuit à l’efficacité de la procédure d’élaboration
des rapports. Je propose par conséquent que ce délai soit réduit
à six semaines pour l’ensemble des rapports sur lesquels les autorités peuvent
formuler des observations. Pour que tous les pays concernés disposent
d’une durée égale, il conviendrait de compenser tout jour férié
national compris dans la période de six semaines par l’ajout du nombre
de ces jours à la date marquant la fin du délai pour formuler des
observations. Je propose donc de modifier le paragraphe 14 du mandat
de la commission comme suit: «Lors de l’élaboration des rapports
sur le respect des obligations et engagements, des rapports d’examen
périodique sur le respect des obligations découlant de l’adhésion
au Conseil de l’Europe et des rapports de dialogue postsuivi, les
autorités du pays concerné disposeront d’une durée de six semaines
pour formuler leurs observations sur l’avant-projet de rapport que
la commission leur aura transmis. Ces observations seront discutées
lors de l’examen du projet de rapport par la commission. Les projets
de rapports sur le fonctionnement des institutions démocratiques n’appellent
pas d’observations des autorités.»
108. Il existe des incohérences dans les règles qui déterminent
le nombre de rapporteurs chargés de l’élaboration d’un rapport.
L’article 50.1 dispose que la commission de suivi doit nommer deux
rapporteurs pour chaque sujet. La
Résolution
1115 (1997) et le mandat de la commission prévoient expressément
que la commission doit nommer deux rapporteurs pour l’élaboration
des rapports suivants: avis sur les demandes d’ouverture d’une procédure
de suivi, rapports sur le respect des obligations et engagements
des pays, rapports sur le fonctionnement des institutions démocratiques
et rapports de dialogue postsuivi. Aucune indication ne figure dans
ces deux textes sur le nombre de rapporteurs que la commission doit
nommer pour les autres types de rapports. Aussi la commission a-t-elle
pu nommer un rapporteur unique pour l’élaboration de rapports qui
ne font pas l’objet d’une mention expresse dans la
Résolution
1115 (1997) ni dans le mandat de la commission. Jusqu’à présent
il s’agissait des rapports d’activité et des rapports sur l’examen
des pouvoirs.
109. Or les rapports d’examen périodique qui ne font pas l’objet
d’une mention expresse dans les règles citées ci-dessus introduisent
une nouvelle situation. La nomination d’un rapporteur unique pour
les rapports d’examen périodique irait à l’encontre de l’esprit
de ces règles. Aussi ces dernières devraient-elles être clarifiées.
Je propose donc d’insérer dans la
Résolution
1115 (1997) un nouveau paragraphe énonçant que «Conformément à l’article
50.1 et à moins qu’il en soit disposé autrement, la commission de
suivi procédera à la nomination de deux rapporteurs issus de pays
et de groupes politiques différents pour l’élaboration des rapports
sur le respect des obligations et engagements d’un pays, des rapports
sur le fonctionnement des institutions démocratiques, des rapports
sur le dialogue postsuivi et des rapports d’examen périodique.»
110. À ce propos, il convient de relever que la commission a fait
face à des difficultés croissantes pour identifier des rapporteurs
disposant d’assez de temps pour s’acquitter de leur mission de rapporteur
pour le suivi d’un pays et en particulier des visites périodiques
dans le pays. Aussi la décision de nommer deux rapporteurs pour
l’élaboration de chaque rapport de suivi d’un pays devrait-elle
être assortie d’une autorisation qui leur serait donnée, en cas
d’impossibilité de s’accorder sur une date pour la visite, de décider
qu’un seul d’entre eux effectue la visite d’information. Il devrait
être souligné que cette décision doit être réservée à des circonstances
exceptionnelles et ne saurait être systématisée. En outre, aucune
déclaration ou note d’information ne saurait être publiée à l’issue
de la visite sans l’accord des deux rapporteurs. Cette autorisation s’accorde
avec le cadre général des méthodes de travail internes de la commission
et n’appelle pas de modification de la
Résolution
1115 (1997) ni du mandat de la commission.
111. La composition de la commission de suivi, qui constitue l’une
des garanties de sa neutralité et de son impartialité, représente
un autre sujet de réflexion d’importance. Elle est régie par la
Résolution
1115 (1997) (cf. articles 6 à 8) qui dispose qu’il appartient aux
groupes politiques de proposer des candidats qui sont nommés par
le Bureau, cette nomination étant ensuite soumise pour ratification
à l’Assemblée. La résolution invite les groupes politiques à proposer
un nombre de noms supérieur au nombre de places prévues, afin de permettre
au Bureau de réaliser l’équilibre souhaité dans la répartition géographique
des membres de la commission. En dépit de cette disposition, la
composition de la commission ne reflète pas systématiquement, dans
les faits, la composition de l’Assemblée. À titre d’exemple, à la
date du 21 novembre 2019, les pays suivants ne sont pas représentés
à la commission alors que 11 sièges y sont vacants: l’Andorre, l’Azerbaïdjan, la
Bosnie-Herzégovine
,
le Liechtenstein, le Luxembourg, Malte, Monaco, le Monténégro, la
Fédération de Russie, Saint-Marin et l’Ukraine. La commission étant
chargée d’assurer un suivi de l’ensemble des États membres du Conseil
de l’Europe, il est essentiel que tous les États membres y soient
représentés, en la personne de membres de la majorité qui y exerce
le pouvoir comme de partis de l’opposition. Nous sommes certes tenus,
en vertu de la
Résolution
1115 (1997), d’inviter systématiquement un représentant de la majorité comme
de l’opposition au sein du pays qui fait l’objet des débats de la
commission (dès lors que celui-ci n’est pas représenté par un membre
de la commission), mais cela ne saurait présenter les avantages
qu’offre la participation permanente aux discussions, aux partages
d’expérience et aux échanges de bonnes pratiques.
112. Par conséquent, la commission gagnerait à voir ses membres
nommés par les délégations nationales et non par les groupes politiques.
Dans un tel scénario, chaque délégation serait invitée à désigner
deux membres, l’un représentant la majorité au pouvoir et l’autre
l’opposition. Pour veiller à la représentation adéquate des groupes
politiques, dans cette configuration, chaque groupe pourrait être
représenté soit par son président ou d’un représentant dûment désigné.
Le changement des règles de la composition de la commission de suivi
nécessiterait une modification du Règlement de l’Assemblée, cette
prérogative revenant à la commission du Règlement, des immunités
et des affaires institutionnelles et devrait être préparée en collaboration
avec cette commission. La commission devrait réfléchir à la possibilité
de modifier sa composition au cours de l'année 2020 et revenir sur
cette question dans le cadre du rapport d’activité 2020.
113. Il convient cependant de souligner que la présence d’un membre
de l’opposition et d’un membre de la majorité au pouvoir ne suffit
pas à elle seule à s’assurer que toutes les opinions politiques
méritant de s’exprimer dans le débat y sont représentées. Aussi
la commission pourrait-elle envisager, s’inspirant d’expériences
positives par le passé, de mener une audition à laquelle participerait
l’ensemble des forces politiques, lorsqu’elle examine les observations
des autorités sur un avant-projet de rapport portant sur le respect
des obligations et engagements du pays, sur le dialogue postsuivi
engagé avec lui ou sur un examen périodique du respect des obligations
découlant de son adhésion au Conseil de l’Europe.