1. Introduction
1.1. Procédure
1. Depuis 2000, l’Assemblée parlementaire
s’intéresse de près à la question de la mise en œuvre des arrêts
de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après «la Cour»)
.
Dans sa dernière résolution sur ce sujet –
Résolution 2178 (2017) – elle a décidé de «rester saisie de la question et
de continuer de lui donner la priorité». En conséquence, le 10 octobre
2017, la commission des questions juridiques et des droits de l’homme
a désigné M. Evangelos Venizelos (Grèce, SOC) cinquième rapporteur
successif sur cette question, après MM. Erik Jurgens (Pays-Bas,
SOC), Christos Pourgourides (Chypre, PPE/DC), Klaas de Vries (Pays-Bas,
SOC) et Pierre-Yves Le Borgn’ (France, SOC). À la suite du départ
de M. Venizelos de l’Assemblée, la commission m’a désigné rapporteur
le 1er octobre 2019.
2. M. Venizelos a pris un certain nombre de mesures pour la préparation
du 10e rapport sur la mise en œuvre des
arrêts de la Cour. La commission a procédé à deux auditions d’experts.
À la première de ces auditions, qui a eu lieu à Strasbourg le 24
avril 2018, ont participé M. Christos Giakoumopoulos, Directeur général
de la Direction des droits de l’homme et de l’État de droit (DG1)
du Conseil de l’Europe, M. Abel de Campos, Greffier de Section au
Greffe de la Cour européenne des droits de l’homme, et M. Christos Giannopoulos,
docteur en droit public, Maître de conférences à l’Université de
Strasbourg. La deuxième audition a eu lieu à Strasbourg le 9 octobre
2018; y ont participé M. Martin Kuijer, membre suppléant de la Commission
européenne pour la démocratie par le droit au titre des Pays-Bas
(«Commission de Venise»), conseiller juridique principal au ministère
de la Sécurité et de la Justice, professeur à l’Université libre d’Amsterdam,
et M. George Stafford, codirecteur du European Implementation Network,
Strasbourg.
3. En outre, M. Venizelos ayant proposé, à juste titre, une série
d’échanges de vues avec les présidents des délégations nationales
d’un certain nombre de pays
concernés,
dans une certaine mesure, par des problèmes particuliers dans l’exécution
des arrêts de la Cour (dont j’ai décidé de poursuivre la mise en
œuvre après ma désignation en qualité de rapporteur), la commission
a procédé à cinq échanges de vues. Le 22 janvier 2019, la commission
a procédé à un échange de vues sur la Turquie, auquel ont participé
M. Mustafa Yeneroğlu, membre de la délégation turque à l’Assemblée,
et des experts du ministère turc de la Justice. Elle a également
consacré une discussion à l’Ukraine, malheureusement en l’absence
du président de la délégation ukrainienne à l’Assemblée. Le 9 avril
2019, la commission a procédé à deux échanges de vues: l’un avec
M. Zsolt Németh, présidente de la délégation hongroise à l’Assemblée,
et l’autre avec M. Alvise Maniero, président de la délégation italienne
à l’Assemblée, et Mme Maria Giuliana
Civinini, coagente du Gouvernement italien à la Cour européenne
des droits de l’homme. La commission a procédé à un autre échange
de vues le 10 décembre 2019, auquel a participé M. Titus Corlăţean
(Roumanie, SOC), ainsi que le 28 janvier 2020, en présence de M. Petr
Tolstoy, président de la délégation de la Fédération de Russie à
l’Assemblée, et d’un représentant du ministère de la Justice. Les
documents d’information préparés pour ces échanges de vues ont été
déclassifiés et sont accessibles au public
.
4. En février 2018, M. Venizelos a adressé un courrier aux délégations
nationales pour leur demander quel était l’état d’avancement de
la mise en œuvre de la
Résolution
2178 (2017). Les réponses à cette lettre ont été synthétisées en
annexe de ma note d’information, qui a été examinée par la commission
les 14 et 15 novembre 2019, puis déclassifiée (voir AS/Jur (2019)
45 déclassifié).
1.2. Paramètres
de mon rapport
5. La jurisprudence de la Cour
fait partie intégrante de l’action que le Conseil de l’Europe entreprend
afin de protéger la démocratie, l’État de droit et les droits de
l’homme. Elle est au cœur de la culture juridique européenne dans
le domaine des droits de l’homme et des libertés civiles d’aujourd’hui.
L’acquis de l’Assemblée, qui a toujours mis en exergue l’obligation
pour les États membres de mettre en œuvre les arrêts de la Cour,
est considérable en la matière. Même si du point de vue de la Convention
cette question relève avant tout de la compétence du Comité des
Ministres, l’Assemblée a démontré que le suivi qu’elle effectuait dans
ce domaine et la pression politique qu’elle exerçait à cette occasion
pouvaient appuyer davantage l’action du Comité des Ministres et
présentaient donc une valeur ajoutée. En particulier, l’Assemblée
a systématiquement appelé les parlements nationaux à agir plus en
amont dans le processus d’exécution des arrêts de la Cour.
6. Le
Rapport
annuel 2019 du Comité des Ministres sur la surveillance de l’exécution
des arrêts et décisions de la Cour européenne des droits de l’homme («Rapport annuel 2019»), publié le 1er avril 2020, souligne
la contribution positive de la décennie de réformes du système basé
sur la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5,
«la Convention»), entamée en 2010 dans le cadre du «processus d’Interlaken».
Toutefois, il montre également qu’un nombre considérable d’affaires
sont encore pendantes et que de nombreux défis, anciens et nouveaux,
nous attendent: problèmes liés à la capacité des acteurs nationaux,
manque de ressources, volonté politique insuffisante, voire désaccord
évident avec certains arrêts de la Cour
.
Ainsi, dans mon rapport, je m’intéresserai particulièrement aux
conclusions du Comité des Ministres portant à la fois sur les réalisations
et les difficultés rencontrées dans l’exécution des arrêts de la Cour.
En ce qui concerne les paramètres de mon rapport, je m’alignerai
sur la méthodologie de mes prédécesseurs, M. de Vries, M. Le Borgn’
et M. Venizelos, qui se sont focalisés respectivement sur les neuf
et dix États membres comptant le plus d’arrêts pendants devant le
Comité des Ministres. À l’instar de M. Le Borgn’, je prendrai aussi
en compte les arrêts dont l’exécution révèle des difficultés particulières
en raison de leur complexité politique ou juridique (qui étaient
appelées «poches de résistance» par M. Le Borgn’). En raison de
contraintes diverses, je n’ai pu entreprendre aucune visite d’étude.
Cependant, grâce aux auditions tenues par la commission, au nombre
accru d’actions de coopération menées par le Service de l’exécution
des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme («Service
de l’exécution des arrêts») et aux activités de la Division de soutien
de projets parlementaires du Secrétariat de l’Assemblée, ces visites
d’étude n’étaient pas indispensables à la préparation du présent
rapport.
2. Le 9e rapport
de l’Assemblée et son suivi
7. Le neuvième rapport sur la
mise en œuvre des arrêts de la Cour
a souligné les progrès
réalisés par certains États membres dans ce domaine. Néanmoins,
il a attiré l’attention sur les graves problèmes structurels rencontrés
depuis au moins dix ans par les 10 États membres présentant le plus
grand nombre d’arrêts non exécutés, selon les statistiques du Comité
des Ministres au 31 décembre 2016: l’Italie, la Fédération de Russie, la
Turquie, l’Ukraine, la Roumanie, la Hongrie, la Grèce, la Bulgarie,
la République de Moldova et la Pologne. Ce rapport a également souligné
que le Comité des Ministres assurait toujours le suivi de l’exécution
de quelque 10 000 arrêts, même si ces arrêts ne se situent pas tous
au même stade d’exécution. Il a mis l’accent sur les difficultés
de la mise en œuvre de certains arrêts en raison de «poches de résistance»
qui pourraient découler de problèmes politiques.
8. Dans sa
Résolution
2178 (2017), l’Assemblée a une fois de plus déploré «les retards
dans l’exécution des arrêts de la Cour, l’absence de volonté politique
dans certains États parties de les mettre en œuvre ainsi que toutes
les tentatives visant à amoindrir l’autorité de la Cour et le système
de protection des droits de l’homme fondé sur la Convention». Elle
a réitéré l’appel lancé aux États parties à la Convention à exécuter pleinement
et rapidement les arrêts de la Cour et à coopérer, à cet effet,
avec le Comité des Ministres, le Service de l’exécution des arrêts et
les autres organes et instances du Conseil de l’Europe
.
9. La
Recommandation
2110 (2017) exhortait le Comité des Ministres à «faire usage de
tous les moyens dont il dispose pour accomplir ses tâches résultant
de l’article 46.2, de la Convention», à continuer à intensifier les
synergies entre toutes les parties prenantes concernées au Conseil
de l’Europe, à reconsidérer l’usage des procédures prévues à l’article
46, paragraphes 3, 4 et 5 de la Convention, à coopérer plus étroitement
avec la société civile et à garantir une plus grande transparence
de son processus de surveillance de l’exécution des arrêts.
10. En février 2018, le Comité des Ministres a présenté une réponse
à cette recommandation, dans laquelle il mentionnait un certain
nombre de mesures prises pour améliorer la surveillance de l’exécution
des arrêts de la Cour dans le cadre de la
Déclaration
de Bruxelles de 2015 et pour accroître le nombre d’affaires closes
. Il
a souligné que les ressources du Service de l’exécution des arrêts
avaient fortement augmenté au cours de 2016-2017. En outre, il avait
commencé à consacrer une partie de ses réunions Droits de l’Homme
DH (consacrées à l’exécution des arrêts de la Cour) à des débats
thématiques, afin de permettre aux représentants des États membres
d’échanger sur leurs pratiques en matière d’exécution dans des domaines spécifiques
(un débat sur les conditions de détention a, par exemple, eu lieu
lors de la 1310e réunion en mars 2018)
. Le 1er juin
2017, il a consacré un débat à son
10e Rapport
2016 sur la surveillance de l’exécution des arrêts et des décisions
de la Cour européenne des droits de l’homme, («Rapport annuel 2016»). Plusieurs intervenants représentant
les différents organes et instances du Conseil de l’Europe (dont
le Vice-Président de l’Assemblée de l’époque M. René Rouquet) ainsi
que le Réseau européen des institutions nationales des droits de
l’homme (European Network of National Human Rights Institutions)
y ont participé.
11. Dans sa contribution préparée à la suite de la
Recommandation 2110 (2017) de l’Assemblée
, la Commission de Venise a conclu
qu’elle pouvait «utilement contribuer à l’amélioration de l’exécution
des arrêts de la CEDH», car son rôle consiste, principalement, à
attirer l’attention des autorités nationales sur l’incompatibilité
d’une disposition ou d’une pratique juridique avec la Convention.
Ce constat n’est pas surprenant, car, dans le passé, la Commission
de Venise s’est prononcée à plusieurs reprises dans des avis (parfois
en coopération avec d’autres services du Conseil de l’Europe ou
le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme
de l’OSCE) sur des mesures générales adoptées par les autorités
afin d’exécuter les arrêts de la Cour (par exemple, dans le cadre
de l’exécution des arrêts:
Vyerentsov
c. Ukraine concernant deux projets de loi sur les garanties
de la liberté de réunion pacifique
,
Oleksandr Volkov c. Ukraine concernant
un projet de loi portant modification de la loi relative au système
judiciaire et au statut des juges
, ou
Bayatyan
c. Arménie concernant un projet de loi modifiant
la loi relative au service national de remplacement). La Commission
de Venise a également pris position sur un amendement à la loi constitutionnelle
fédérale russe, qui a été adopté par la Douma d’État le 4 décembre
2015 et approuvé par le Conseil de la Fédération le 9 décembre 2015
; selon ce texte, la Cour constitutionnelle
est habilitée à déclarer «non exécutables» les décisions de juridictions
internationales (dont la Cour) au motif de leur incompatibilité avec
les «fondements de l’ordre constitutionnel de la Fédération de Russie»
et «avec le régime des droits de l’homme instauré par la Constitution
de la Fédération de Russie». Dans son avis final sur cet amendement,
la Commission de Venise a rappelé que l’exécution des arrêts de
la Cour était une obligation juridique sans équivoque et impérative,
dont le respect était essentiel à la préservation et à la consolidation
des valeurs et des principes communs du continent européen
. En outre, dans son
avis de 2002 sur la mise en œuvre des arrêts de la Cour, elle a
souligné que la question de l’exécution des arrêts et de son suivi
était un problème aussi bien politique que juridique
. Les avis de la Commission
de Venise démontrent qu’elles peuvent être un outil et une méthode
utiles dans la mise en œuvre des arrêts de la Cour.
3. États
membres ayant le plus grand nombre d’arrêts pendants devant le Comité
des Ministres
12. Selon le
Rapport
annuel 2019 du Comité des Ministres, 5 231 arrêts étaient pendants devant le Comité des
Ministres (à différents stades d’exécution) au 31 décembre 2019,
contre 6 151 fin 2018
. Les 10 pays suivants comptaient
le plus d’affaires pendantes: la Fédération de Russie (1 663, contre
1 585 en 2018), la Turquie (689, contre 1 237 en 2018), l’Ukraine
(591, contre 923 en 2018), la Roumanie (284, contre 309 en 2018),
la Hongrie (266, contre 252 en 2018), l’Italie (198, contre 245
en 2018), la Grèce (195, contre 238 en 2018), l’Azerbaïdjan (189,
contre 186 en 2018), la République de Moldova (173, comme en 2018)
et la Bulgarie (170, contre 208 en 2018). Le nombre d’affaires concernant
les autres États membres ne dépasse pas la centaine (la Pologne,
qui comptait 100 affaires à la fin de 2018, en avait 98 à la fin
de 2019). Le nombre total d’arrêts pendants devant le Comité des
Ministres a fortement diminué par rapport à fin 2016 (9 941)
,
année dont les statistiques avaient servi de base au rapport de
M. Le Borgn’ de 2017.
13. Il s’agit ici d’une question d’ordre non seulement quantitatif
mais aussi qualitatif. Ainsi, il est intéressant de mentionner le
nombre de requêtes pendantes devant la Cour, dont les statistiques
présentent des chiffres légèrement différents de ceux du Comité
des Ministres. Au 29 février 2020, sur les 61 100 requêtes pendantes devant
la Cour, plus des deux tiers provenaient des quatre États membres
suivants: Fédération de Russie (25,2 %), Turquie (15,7 %), Ukraine
(15,1 %) et Roumanie (13 %). Ils étaient suivis de l’Italie (5,1 %), l’Azerbaïdjan
(3,3 %), la Bosnie-Herzégovine (2,7 %), l’Arménie (2,7 %), la Serbie
(2,1 %) et la Pologne (2,1 %)
. Comme l’a déjà
souligné mon prédécesseur M. Le Borgn’
, ces statistiques,
qui portent sur des requêtes à propos desquelles la Cour n’a pas
encore statué, montrent souvent l’ampleur des problèmes structurels
au niveau national, et donc des problèmes qui auraient dû être résolus
dans le cadre du processus de l’exécution des arrêts de la Cour.
C’est notamment le cas de la Fédération de Russie, de la Turquie,
de l’Ukraine et de la Roumanie, qui figurent en bonne place dans
les deux classements. En revanche, si la Bosnie-Herzégovine, l’Arménie,
la Serbie et la Pologne font partie des 10 pays ayant le pourcentage
le plus élevé d’affaires pendantes devant la Cour, ils se classent
respectivement aux 16e (39 affaires),
17e (38 affaires), 13e (57
affaires) et 11e (98 affaires) rangs
dans les statistiques du Comité des Ministres. Quant à la Hongrie,
la Grèce, la République de Moldova et la Bulgarie, elles ne figurent
pas parmi les pays ayant le plus grand nombre d’affaires pendantes
devant la Cour, mais ont encore plusieurs affaires de référence
sur lesquelles le Comité des Ministres doit se prononcer.
4. Difficultés
particulières de l’exécution des arrêts de la Cour
14. Dans le Rapport annuel 2019,
M. Giakoumopoulos souligne que l’exécution des arrêts de la Cour présente
sans cesse de nouveaux défis et que les affaires les plus difficiles
à traiter sont les affaires interétatiques et les affaires individuelles
liées à des conflits non réglés, à des situations de post-conflit,
ou d’autres affaires présentant des caractéristiques interétatiques.
En 2019, l’exécution de telles affaires n’a connu que très peu d’avancées,
voire aucune
. Je voudrais souligner
ici que les affaires interétatiques sont par excellence les plus
difficiles, car, lorsqu’il s’agit de l’exécution des arrêts de la
Cour, elles impliquent des intérêts politiques et nationaux. Par
conséquent, j’évoquerai de telles affaires ainsi que les affaires
les plus problématiques, présentées comme des «poches de résistance»
dans le rapport de 2017 de M. Le Borgn’.
15. Depuis l’adoption du 9e rapport
de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme
le 18 mai 2017, le Comité des Ministres a tenu plusieurs réunions
DH
, au cours desquelles il a continué
à examiner les affaires ou groupes d’affaires mentionnés dans le
rapport de M. Le Borgn’. Sur ces sept affaires ou groupes d’affaires,
un seul groupe d’affaires – à savoir
Hirst
(no
2)
c. Royaume-Uni (concernant l’interdiction
générale du vote des détenus) – a été clos par le Comité des Ministres
lors de sa 1331e réunion (DH) (4-6 décembre
2018), plus de 13 ans après l’arrêt rendu par la Cour. Dans sa Résolution
CM/ResDH(2018)467 du 6 décembre 2018, le Comité des Ministres a rappelé
la grande marge d’appréciation dans ce domaine et a pris note «des
mesures administratives prises, et notamment des modifications apportées
à la politique et aux lignes directrices, afin de préciser que deux
catégories de prisonniers, antérieurement privées de leur droit
de vote (les détenus placés sous un régime de liberté conditionnelle
et ceux purgeant leur peine dans le cadre d’une détention à domicile
(
Home Detention Curfew) seront
désormais habilitées à voter». Les six autres affaires ou groupes
d’affaires considérés comme des «poches de résistance» par M. Le
Borgn’ sont toujours pendants et ont peu progressé depuis mai 2017.
4.1. Ilgar
Mammadov c. Azerbaïdjan et autres affaires concernant des poursuites
motivées par des considérations politiques
16. S’agissant de l’arrêt
Ilgar Mammadov c. Azerbaïdjan n° 1 , dans lequel la Cour a
conclu que la détention du requérant était motivée par des considérations
politiques et contraire aux articles 5.1.c, et 18 de la Convention,
le Comité des Ministres a adopté le 5 décembre 2017, après avoir
mis en demeure l’État défendeur dans sa Résolution intérimaire
CM/ResDH(2017)379 du 25 octobre 2017, une décision pour porter l’affaire
devant la Cour au titre de l’article 46.4, de la Convention par
un vote à la majorité des deux tiers (voir sa Résolution intérimaire
CM/ResDH(2017)429 adoptée lors de sa 1302e réunion
(DH) (5-7 décembre 2017)). Pour la première fois, le Comité des
Ministres a fait usage de la procédure en manquement afin de demander à
la Cour si l’État défendeur avait refusé de se conformer à un arrêt
définitif de cette dernière. Rappelons que l’Assemblée avait préconisé
à plusieurs reprises le recours à cette procédure. Dans sa Résolution
CM/ResDH(2017)429, le Comité des Ministres a souligné que, depuis
son premier examen de cette affaire le 4 décembre 2014, il avait
demandé aux autorités azerbaïdjanaises de prendre la mesure individuelle
requise, à savoir libérer le requérant le plus rapidement possible.
Étant donné que M. Mammadov demeurait toujours en prison à la suite
d’un procès entaché de vices de procédures, le Comité des Ministres
a estimé que l’Azerbaïdjan refusait de se conformer à l’arrêt de
la Cour et a appelé cette dernière à statuer sur la question de
savoir si l’État défendeur s’était ou non conformé à son obligation
née de l’article 46.1, de la Convention. Bien que le requérant ait
bénéficié d’une libération conditionnelle le 13 août 2018, la Grande
Chambre de la Cour a conclu, dans son arrêt rendu le 29 mai 2019,
à la violation de l’article 46.1, de la Convention, car l’État défendeur
n’avait pas agi «[…] de “bonne foi”, de manière compatible avec
les “conclusions et l’esprit” du premier arrêt Mammadov, ou de façon
à rendre concrète et effective la protection des droits reconnus
par la Convention et dont la Cour a constaté la violation dans ledit
arrêt»
. L’affaire a donc été renvoyée au Comité des
Ministres au titre de l’article 46.5, de la Convention afin qu’il
«examine les mesures à prendre», à la fois par l’État défendeur
et par le Comité des Ministres, au regard du constat de violation.
17. Le Comité des Ministres examine à présent cette affaire conjointement
avec un groupe d’affaires qui concernent des militants de la société
civile et des défenseurs des droits de l’homme ayant fait l’objet
de poursuites pénales, jugées par la Cour constitutives d’un détournement
du droit pénal destiné à les sanctionner et à les réduire au silence
(violation de l’article 18 combiné à l’article 5 de la Convention,
ainsi qu’à l’article 8 dans une affaire)
. La Cour a observé
qu’il existait «une troublante tendance marquée à l’arrestation
et à la détention arbitraires de personnes critiques à l’égard du
gouvernement, de militants de la société civile et de défenseurs
des droits de l’homme au moyen de poursuites engagées en guise de
représailles et d’un détournement du droit pénal au mépris de la
prééminence du droit»
. Le Comité des Ministres a examiné
ces affaires lors de ses 1355e (23-25
septembre 2019), 1362e (3-5 décembre
2019) et 1369e (3-5 mars 2020) réunions
(DH). S’agissant des mesures individuelles, le Comité des Ministres
a souligné, lors de sa 1355e réunion
(DH), que l’Azerbaïdjan devait supprimer toutes les conséquences
négatives qui subsistent encore en raison des chefs d’accusation
retenus contre chacun des requérants, en particulier en cassant
les condamnations et en les rayant des casiers judiciaires. Il a
réaffirmé cette position lors de sa 1362e réunion (DH),
ajoutant que pour assurer la
restitutio
in integrum dans ce groupe d’affaires, les autorités
devaient rétablir pleinement les droits civils et politiques des
requérants à temps pour les prochaines élections législatives
(qui étaient convoquées
pour le 9 février 2020). Cependant, les condamnations des requérants
ont été maintenues et ces derniers n’ont pas pu reprendre leurs
anciennes activités professionnelles et politiques; en particulier,
MM. Mammadov, Jafarov et Aliyev n’ont pas pu présenter leur candidature
aux élections législatives
. Par conséquent,
lors de sa 1369e réunion (DH) le 5 mars
2020, le Comité des Ministres a adopté la Résolution intérimaire
CM/ResDH(2020)47, dans laquelle il réitère ses précédents constats sur
la question de la
restitutio in integrum et
regrette profondément que, quelque neuf mois après le prononcé de
l’arrêt de la Cour au titre de l’article 46.4, les condamnations
des requérants soient toujours maintenues et que ces derniers en
subissent toujours les conséquences négatives. Il prie ensuite instamment
les autorités de «veiller sans plus tarder à l’adoption des mesures
individuelles requises à l’égard de chaque requérant» et de l’en informer
d’ici le 30 avril 2020 au plus tard.
18. Le Comité des Ministres est toujours dans l’attente d’une
confirmation du paiement de la satisfaction équitable dans d’autres
affaires que celle d’
Ilgar Mammadov et
il a examiné pour la dernière fois la question des mesures générales
lors de sa réunion (DH) en décembre 2019. Il a ensuite pris note
avec intérêt des mesures prises et envisagées pour renforcer la
conduite éthique des procureurs et l’indépendance du pouvoir judiciaire
et a vivement encouragé les autorités à poursuivre ces efforts
.
19. L’Assemblée s’est récemment intéressée à l’exécution de ces
arrêts dans le cadre d’un rapport rédigé par notre collègue Mme Thorhildur
Sunna Ævarsdóttir (Islande, SOC) sur les «Cas signalés de prisonniers politiques
en Azerbaïdjan»
. Dans sa
Résolution
2322 (2020) adoptée le 30 janvier 2020 sur la base de ce rapport,
l’Assemblée a rappelé qu’il «ne fait plus aucun doute que l’Azerbaïdjan
est confronté à un problème de prisonniers politiques et que ce
problème découle de causes structurelles et systémiques». Elle a
par ailleurs appelé le Gouvernement azerbaïdjanais à «prendre rapidement
toutes les mesures possibles en vue de l’exécution complète des
arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, afin de garantir
[…] que MM. Ilgar Mammadov et Anar Mammadli puissent se présenter
aux élections et que M. Rasul Jafarov puisse exercer à nouveau ses
activités d’avocat» et à coopérer pleinement avec le Comité des
Ministres dans sa surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour,
«[…] notamment en soumettant rapidement des plans d’action détaillés
et complets qui exposent les mesures à prendre et en fournissant
en temps utile des informations exhaustives et actualisées avant
les réunions pertinentes du Comité des Ministres». Le Parlement et
le Gouvernement azerbaïdjanais ont en outre été invités à «reconnaître
officiellement toutes les conclusions de la Cour européenne des
droits de l’homme dans ses arrêts constatant une violation de l’article
18 de la Convention […], condition préalable au succès des mesures
requises pour exécuter pleinement et efficacement ces arrêts». D’après
M. Giakoumopoulos, Directeur général de la DG1, le manquement persistant
de l’Azerbaïdjan à répondre de manière adéquate à l’arrêt
Ilgar Mammadov «a conduit le processus d’exécution
à une situation d’une gravité sans précédent, soulevant la question
des mesures à prendre en vertu de l’article 46.5, de la Convention»
.
20. Le 23 avril 2020, la Cour suprême d’Azerbaïdjan a acquitté
MM. Ilgar Mammadov et Rasul Jafarov, ce qu’ont salué la Secrétaire
Générale du Conseil de l’Europe, Mme Marija
Pejčinović Burić, dans sa
déclaration faite ce jour-là, et Mme Ævarsdóttir,
qui a appelé les autorités à remédier à la situation des six autres requérants.
4.2. Groupe
d’affaires Sejdić et Finci c. Bosnie-Herzégovine concernant la réticence
à réformer la législation nationale afin de mettre en œuvre les
arrêts de la Cour
21. Les arrêts rendus dans le groupe
d’affaires
Sejdić et Finci c. Bosnie-Herzégovine à propos de la discrimination subie par
des personnes qui ne sont pas membres des peuples constituants de
Bosnie-Herzégovine (c’est-à-dire Bosniaques, Croates et Serbes)
dans l’exercice de leur droit à se présenter aux élections à la
Chambre des Peuples et à la présidence de la Bosnie-Herzégovine
(violation de l’article 1 du Protocole no 12)
ont été examinés par le Comité des Ministres lors de ses 1288e (6-7
juin 2017), 1324e (18-20 septembre 2018),
1348e (4-6 juin 2019) et 1369e (3-5
mars 2020) réunions (DH). Le Comité des Ministres a, à plusieurs
reprises, appelé les dirigeants politiques à intensifier leur dialogue
afin de procéder aux modifications nécessaires de la Constitution
et de la législation électorale et fait part de sa préoccupation
quant au manque d’information sur les progrès réalisés en la matière
. En septembre
2018, peu de temps avant les élections d’octobre 2018 à la présidence
et à la Chambre des Peuples, le Comité des Ministres a observé avec
«la plus grande préoccupation» qu’elles seraient les troisièmes,
après celles de 2010 et 2014, «fondées sur un système électoral
discriminatoire en violation flagrante des exigences de la Convention»
et a regretté l’absence de tout recours effectif pour les personnes
ayant fait l’objet de discrimination, nonobstant l’exigence constitutionnelle selon
laquelle «toutes les personnes se trouvant sur le territoire de
la Bosnie-Herzégovine doivent jouir des droits et libertés consacrés
par la Convention, lesquels doivent avoir un effet direct et primer
sur toute autre loi». Il a également considéré que ces élections
constitueraient «une violation manifeste des obligations découlant
de l’article 46 de la Convention et [risqueraient] de porter atteinte
à la légitimité et la crédibilité des futurs organes élus»
. À l’issue des
élections d’octobre 2018, le Comité des Ministres a formulé des
critiques similaires et souligné qu’il était «de la plus haute importance»
de relancer sans retard le travail de réforme. Il a invité instamment
les dirigeants politiques et les autorités à poursuivre leurs consultations
pour mettre un terme à cette «violation continue et de longue date»
des obligations de la Bosnie-Herzégovine nées de la Convention,
avant les prochaines élections de 2022, et à donner suite rapidement
aux discussions préparatoires de haut niveau engagées avec le Secrétariat
dans le cadre d’un projet du Fonds fiduciaire pour les droits de
l’homme (HRTF). Il a également renouvelé son invitation adressée
au ministre compétent à participer à un échange de vues avec le
Comité des Ministres
. En
raison du retard pris dans la formation d’un nouveau gouvernement
de Bosnie-Herzégovine, le Directeur général des droits de l’homme
et de l’État de droit du Conseil de l’Europe a écrit à la ministre
des Affaires étrangères pour lui demander d’étudier différentes pistes
de progression. Dans sa réponse, la ministre des Affaires étrangères
a salué cette initiative et a promis d’examiner cette question avec
les autorités. Entre avril 2019 et janvier 2020, une délégation
du Secrétariat s’est rendue à trois reprises à Sarajevo pour rencontrer
des hauts fonctionnaires dans le cadre d’un projet du HRTF sur la
«Facilitation du processus de modification de la Constitution en
Bosnie-Herzégovine»
.
Le 22 décembre 2019, à l’occasion du dixième anniversaire de l’arrêt
Sejdić et Finci, le Conseil de l’Europe
et plusieurs acteurs internationaux ont invité les autorités à prendre
des mesures pour exécuter cet arrêt
,
ce qui est désormais l’une des 14 priorités pour l’adhésion de la
Bosnie-Herzégovine à l’Union européenne
. Il semble que suite
à ces efforts relancés en vue de trouver une solution, une audition
publique sur la mise en œuvre de l’arrêt
Sejdić
et Finci a été fixée au parlement pour le 27 mars 2020.
Cependant, en raison de la pandémie de COVID-19, elle a dû être
reportée à une date ultérieure.
22. À la suite de la formation d’un nouveau gouvernement fin décembre
2019, la ministre des Affaires étrangères de la Bosnie-Herzégovine
a participé à la 1369e réunion (DH) en
mars 2020 et déclaré que la question serait examinée au niveau parlementaire.
En conséquence, bien qu’il ait rappelé que le maintien du système
électoral actuel constituait une violation de la Convention et de
la constitution nationale, le Comité des Ministres «a noté avec
satisfaction l’engagement renouvelé des autorités […] à trouver
une solution à la question urgente de la discrimination dans le
système électoral» et les a encouragées à poursuivre leur coopération
avec le Conseil de l’Europe, y compris la Commission de Venise,
en vue de veiller à l’adoption «des réformes constitutionnelles
et d’autres réformes nécessaires avant les élections de 2022»
. Une problématique
similaire est maintenant examinée dans le cadre de la mise en œuvre
d’un récent arrêt de la Cour
Baralija
c. Bosnie-Herzégovine , qui concerne l’absence d’élections
locales à Mostar, en dépit d’une décision de la Cour constitutionnelle,
et ainsi l’impossibilité pour le requérant de voter ou de se présenter
aux élections, à savoir une situation constituant une discrimination
injustifiée basée sur le lieu de résidence (violation de l’article
1 du Protocole no 12).
4.3. Paksas
c. Lituanie
23. Le Comité des Ministres a examiné
à plusieurs reprises
l’affaire
Paksas
c. Lituanie concernant une violation du
droit du requérant à des élections libres en raison de son inéligibilité
définitive et irréversible à un mandat parlementaire, à la suite
de sa destitution de la fonction présidentielle au terme d’une procédure engagée
à son encontre conformément à l’arrêt rendu le 25 mai 2004 par la
Cour constitutionnelle et à la loi du 15 juillet 2004 relative aux
élections du Seimas (violation de l’article 3 du Protocole no 1).
Dans sa Résolution intérimaire
CM/ResDH(2018)469 du 6 décembre 2018, le Comité des Ministres a rappelé
que depuis 2004 il était toujours interdit au requérant de se présenter
aux élections législatives et que, depuis 2011, quatre propositions
d’amendements successives avaient échoué devant le Seimas, malgré
les efforts du gouvernement. Il s’est dit préoccupé par le fait
qu’aucun progrès tangible n’ait été réalisé et que la situation jugée
contraire à la Convention persiste toujours; il a appelé les autorités
à redoubler d’efforts pour obtenir des avancées concrètes au niveau
parlementaire. Lors de sa 1355e réunion
(DH) (23-25 septembre 2019), le Comité des Ministres s’est de nouveau
inquiété du manque de progrès dans cette affaire. Toutefois, il
a pris note de la position de la Cour constitutionnelle, selon laquelle
des mesures correctives devaient également être prises en droit
constitutionnel interne, et d’un nouveau projet de loi (projet de
loi no XIIIP-3867), qui semblait offrir
une solution viable pour remédier à la violation de la Convention,
au niveau à la fois individuel et général, et que le Seimas a commencé
à examiner le 24 septembre 2019
.
Il a ainsi souligné l’importance de l’adoption des amendements nécessaires
avant les prochaines élections législatives, prévues en octobre 2020.
Ayant reçu de nouvelles informations de la part des autorités lituaniennes
, le Comité des
Ministres, tout en réitérant ses préoccupations antérieures, a noté
avec intérêt lors de sa 1362e réunion
(DH) (3-5 décembre 2019) que la commission des droits de l’homme
et la commission constitutionnelle du Seimas avaient approuvé respectivement
les 13 et 27 novembre 2019 le projet de loi no XIIIP-3867
et a rappelé que cela semblait constituer un «recours viable» pour
remédier à la violation établie par la Cour
.
24. Au cours du dernier examen de cette affaire, lors de sa 1369e réunion
(DH) en mars 2020, le Comité des Ministres a réaffirmé sa préoccupation
antérieure, mais il a noté avec intérêt que le processus législatif susmentionné
avait progressé «conformément à la procédure prévue en droit interne
avec une audience de la commission des affaires juridiques sur ce
projet de loi le 19 février 2020». Il a également pris note du fait
que, compte tenu du calendrier présenté par les autorités, la plénière
du Seimas devait procéder au premier vote le 7 avril 2020, au plus
tard, pour que les amendements entrent en vigueur en temps utile
afin que le requérant puisse s’inscrire en qualité de candidat aux
élections législatives prévues le 11 octobre 2020. Le Comité des Ministres
a rappelé qu’il espérait que ce calendrier serait respecté et a
invité les autorités à continuer à l’informer d’ici le 5 avril et
le 5 mai 2020 de chaque étape franchie dans ce processus législatif;
il a par ailleurs chargé son Secrétariat de préparer un nouveau
projet de résolution intérimaire pour examen lors de sa prochaine
réunion (en juin 2020), si le processus législatif devait aboutir
à une impasse
.
Les autorités lituaniennes ont transmis de nouvelles informations
le 3 avril 2020, dont il résulte que le requérant ne pourra pas
se présenter aux élections d’octobre 2020
.
4.4. L’absence
de progrès tangible pour écarter le risque de prononcé de la peine
de mort ou équivalant à un déni de justice flagrant: affaires Al
Nashiri et Abu Zubaydah
25. Ces affaires démontrent une
réaction timide et inquiétante du Comité des Ministres envers une
situation dans laquelle le transfert des détenus peut entraîner
un risque réel d’être condamné à mort ou un déni de justice flagrant.
Le Comité des Ministres a examiné à l’occasion de plusieurs réunions
(DH)
les arrêts
Al Nashiri et
Husayn
(Abu Zubaydah) c. Pologne concernant
la détention secrète des requérants, soupçonnés d’actes terroristes,
par la CIA (Central Intelligence Agency) en Pologne et leur transfert
ultérieur (multiples violations de la Convention, et notamment de
l’article 3 sous le volet procédural et substantiel, de l’article
6.1, et, concernant M. Al Nashiri, également des articles 2 et 3
combinés à l’article 1 du Protocole no 6).
Ces violations ont déjà fait l’objet de deux rapports rédigés par
notre ancien collègue, M. Dick Marty (Suisse, ADLE)
, qui ont donné lieu à l’adoption
par l’Assemblée des Résolutions
1507
(2006) et
1562
(2007) et des Recommandations
1754
(2006) et
1801
(2007).
26. Malgré les appels répétés du Comité des Ministres à la prise
de mesures individuelles, la situation des requérants reste inchangée:
M. Al Nashiri continue à courir un risque réel d’être condamné à
mort et les deux requérants font l’objet d’un déni de justice flagrant,
en raison notamment de leur «détention pour une durée indéfinie»
sans inculpation depuis 2002, l’enquête nationale ayant connu très
peu de progrès tangibles depuis plus de 12 ans. Les requérants sont
détenus sur la base navale américaine de Guantánamo Bay à Cuba.
27. Lors de sa 1348e réunion (DH) (4-6
juin 2019), le Comité des Ministres a constaté avec un profond regret l’absence
de progrès concernant l’adoption de mesures individuelles et générales
et a même chargé son Secrétariat d’établir un projet de résolution
intérimaire si aucune information concrète sur ces questions n’était communiquée
avant le 1er décembre 2019. Il était
particulièrement préoccupé par le manque d’informations sur les
mesures prises pour demander aux États-Unis des assurances diplomatiques
(qui avaient été refusées par les autorités américaines en 2016)
pour les requérants
et
par le fait que l’enquête pénale nationale soit toujours en cours.
Toutefois, il a constaté avec intérêt que ladite enquête incluait
également le crime de torture et de traitements inhumains et dégradants
au sens de l’article 123.2, du Code pénal polonais et qu’il n’existait aucun
risque de prescription pour les infractions faisant l’objet de l’enquête
. Il a également invité le Secrétaire Général
à faire connaître sa décision à l’Observateur permanent des États-Unis
auprès du Conseil de l’Europe, ce qui a été fait le 24 juin 2019
.
28. À la suite de la décision adoptée lors de la 1348e réunion
(DH), les autorités polonaises ont présenté un nouveau plan d’action
le 3 février 2020, en précisant qu’une note diplomatique serait
envoyée à l’ambassade des États-Unis à Varsovie
. Plusieurs ONG ont
également soumis des propositions
. Le Comité des Ministres
a, à nouveau, réexaminé cette affaire lors de sa 1369e réunion (DH)
en mars 2020. En ce qui concerne les mesures individuelles, il a
pris note des informations relatives à la nouvelle demande polonaise d’assurances
diplomatiques pour les deux requérants et souligné qu’il était d’une
importance cruciale que «les autorités polonaises poursuivent activement
leurs efforts diplomatiques et mettent en œuvre tous les moyens possibles
pour tenter d’éliminer les risques encourus par les requérants».
Rappelant leurs tentatives antérieures infructueuses d’obtenir de
telles assurances, il a encouragé les autorités polonaises à envisager d’explorer
d’autres pistes, comme d’intervenir en tant qu’
amicus curiae dans toute procédure
pertinente en cours aux États-Unis; dans ce contexte, il a également
invité les États membres du Conseil de l’Europe concernés à fournir
aux autorités polonaises toute l’assistance possible. En ce qui
concerne l’enquête pénale nationale, le Comité des Ministres s’est
félicité du fait qu’un suspect ait été identifié. Il reste toutefois
dans l’attente de plus amples précisions sur les chefs d’accusation
retenus à son encontre. Le Comité des Ministres a également salué
les initiatives prises par les autorités afin de coopérer avec les
représentants des requérants pour explorer d’autres moyens de surmonter
les effets du refus des autorités américaines d’accéder à la demande
polonaise d’assistance judiciaire et d’obtenir les preuves nécessaires
à l’enquête nationale, et a encouragé les autorités à poursuivre
leurs efforts à cet égard. Il a cependant observé avec une «profonde préoccupation»
que l’enquête nationale était pendante depuis près de 12 ans et
a instamment prié les autorités polonaises de redoubler d’efforts
pour la mener à terme sans plus tarder, ainsi que d’achever leur
réflexion sur la question de savoir si certains éléments d’information
pouvaient être rendus publics, ou tout au moins transmis au Comité
des Ministres de manière confidentielle. Enfin, il a une nouvelle
fois demandé instamment aux autorités américaines (qui ont le statut
d’observateur auprès du Conseil de l’Europe) de reconsidérer leur position
et de fournir les assurances et l’assistance nécessaires ou de prendre
d’autres mesures équivalentes. En ce qui concerne les mesures générales,
le Comité des Ministres a profondément regretté le manque d’informations
sur les propositions législatives visant à renforcer le contrôle
des services de renseignement et «l’absence persistante de message
clair de la part des autorités de haut niveau aux services de renseignement et
de sécurité quant à l’inacceptabilité absolue et à la tolérance
zéro à l’égard des détentions arbitraires, de la torture et des
opérations de remise secrète» et a appelé les autorités à intensifier
leurs efforts à cet égard et à fournir des détails sur les mesures
prises ou envisagées pour «reconnaître le rôle et la responsabilité
de la Pologne dans les violations des droits de l’homme qui se sont
produites dans ces affaires»
.
29. La situation des requérants est également examinée par le
Comité des Ministres à la lumière de l’exécution de deux arrêts
ultérieurs concernant des opérations de «restitution extraordinaire»
menées par la CIA en Roumanie (entre 2004 et 2005) et en Lituanie
(entre 2005 et 2006) qui constataient les mêmes violations de la
Convention que dans les deux affaires susmentionnées impliquant
la Pologne. Ces arrêts, à savoir
Al Nashiri
c. Roumanie et
Abu
Zubaydah c. Lituanie ,
ont été examinés pour la dernière fois lors de la 1369e réunion
(DH) en mars 2020. En ce qui concerne les mesures individuelles
prises dans l’arrêt
Al Nashiri c. Roumanie,
le Comité des Ministres a exprimé sa «profonde préoccupation» face
à la décision des autorités américaines de ne pas accéder aux demandes
d’assurances diplomatiques contre l’application de la peine de mort
et le déni de justice flagrant lors du procès des requérants; a
salué la volonté des autorités roumaines de réitérer leur demande
à cet égard et les a invitées à assurer activement le suivi de leur
nouvelle demande. Comme dans l’arrêt
Al
Nashiri c. Pologne, il les a encouragées, «tout en poursuivant
et en intensifiant leurs efforts diplomatiques», à envisager d’explorer
d’autres pistes qui leur permettraient de chercher à éliminer les risques
auxquels est confronté le requérant, notamment à intervenir en tant
qu’
amicus curiae dans toute procédure
pertinente en cours aux États-Unis; et a appelé les autorités américaines
à reconsidérer leur position. L’enquête nationale étant pendante
depuis près de huit ans, le Comité des Ministres a instamment prié
les autorités de prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter
que son efficacité ne soit entravée par une prescription, d’intensifier
leurs efforts pour la mener à terme et de fournir des informations
sur les prochaines étapes de l’enquête, y compris celles envisagées
à la suite du refus par les autorités américaines d’octroyer une
assistance judiciaire
.
30. En ce qui concerne les mesures individuelles dans l’arrêt
Abu Zubaydah c. Lituanie, le Comité
des Ministres a réitéré son «profond regret» que, malgré les mesures
prises par les autorités lituaniennes pour obtenir des assurances
diplomatiques auprès des autorités américaines, celles-ci aient
refusé de confirmer que le requérant ne serait pas soumis au traitement
critiqué par la Cour. Par conséquent, il a encouragé les autorités
lituaniennes à «poursuivre activement leurs efforts à un niveau
politique plus élevé et à rechercher tous les moyens possibles pour
tenter de mettre fin au maintien en détention arbitraire du requérant
et à demander des garanties» qu’il ne sera pas soumis à d’autres
traitements inhumains. Comme dans les deux affaires susmentionnées,
le Comité des Ministres a également encouragé les autorités lituaniennes
à considérer d’explorer d’autres pistes comme intervenir en tant
qu’
amicus curiae dans toute
procédure pertinente en cours aux États-Unis. Concernant l’enquête
pénale nationale, qui est pendante depuis plus de dix ans, il a
noté avec préoccupation l’absence de progrès tangible et prié instamment
les autorités d’intensifier leurs efforts pour finaliser cette enquête
et pour fournir des informations sur les mesures alternatives visant
à surmonter les effets du refus des autorités des États-Unis d’appuyer
la demande d’assistance juridique
.
31. Heureusement, le Comité des Ministres a envoyé un message
clair aux autorités lors de l’examen des mesures générales. Dans
l’arrêt
Al Nashiri c. Roumanie,
il a appelé les autorités à veiller à ce que toute future réforme
législative garantisse entièrement l’effectivité des enquêtes pénales
et à réfléchir sur la suppression du délai de prescription pour
le crime de torture. Le Comité des Ministres a aussi demandé des
informations sur toute modification du droit interne, depuis la
date des faits, ayant renforcé les garanties de respect des droits
de l’homme dans le cadre d’opérations secrètes par les services
de renseignement et pour que leur responsabilité puisse être engagée.
Il a également réitéré son appel urgent aux autorités à transmettre,
à haut niveau, un «message sans équivoque» sur l’inadmissibilité
absolue des détentions arbitraires et de la torture et la «tolérance
zéro» à leur égard et à fournir des informations sur les mesures
prises ou envisagées pour reconnaître le rôle de l’État dans les
violations des droits de l’homme qui se sont produites dans cette
affaire
. Dans
l’arrêt
Abu Zubaydah c. Lituanie,
en rappelant les changements législatifs et politiques qui ont eu
lieu depuis les faits en cause, visant à renforcer le contrôle des
services de renseignement et de sécurité, il s’est félicité du message
public du ministre de la Justice (qui était présent lors de sa 1348e
réunion (DH)) soulignant la tolérance zéro à l’égard de toute violation
des droits de l’homme. En soulignant de nouveau la nécessité de mener
rapidement une enquête effective pour établir la vérité sur ce qui
s’est passé et comment, pour que cela n’arrive plus, le Comité de
Ministres a également noté avec intérêt l’engagement des autorités
à assurer le droit à la vérité dans ce contexte
.
4.5. OAO
Neftyanaya Kompaniya YUKOS c. Russie: les difficultés politiques
et juridiques croissantes liées à la mise en œuvre de l’arrêt sur
la satisfaction équitable
32. Cette affaire démontre les
difficultés politiques et juridiques croissantes liées à la mise
en œuvre de l’arrêt sur la satisfaction équitable et le risque que
les amendements à la Constitution de la Fédération de Russie adoptés
récemment entraînent de nouveaux obstacles à ce processus. À l’occasion
de ses 1302e (5-7 décembre 2017), 1340e (12-14
mars 2019) et 1369e (3-5 mars 2020) réunions
(DH), le Comité des Ministres a examiné l’affaire
OAO Neftyanaya Kompaniya YUKOS c. Russie , dans
laquelle la Cour a conclu à diverses violations de la Convention
concernant des procédures fiscales et de recouvrement engagées à
l’encontre de la société pétrolière requérante (principalement de
l’article 6 et de l’article 1 du Protocole no 1).
Dans son arrêt sur la satisfaction équitable, la Cour a octroyé
un montant total de près de 1,9 milliard d’euros aux actionnaires de
la société requérante (tels qu’établis au moment de la liquidation
de la société) au titre de la satisfaction équitable, dans les six
mois ayant suivi la date à laquelle l’arrêt est devenu définitif
.
Le Comité des Ministres demeure toujours dans l’attente d’un plan
d’action assorti d’un calendrier indicatif concernant le paiement
de la satisfaction équitable aux actionnaires de la société requérante.
Après avoir été saisie par le ministère russe de la Justice, la
Cour constitutionnelle de Russie a rendu sa décision le 19 janvier
2017, estimant qu’il était impossible d’exécuter l’arrêt de la Cour
sur la satisfaction équitable dans cette affaire sans enfreindre
la Constitution russe
(du
fait des modifications apportées en décembre 2015 à la loi fédérale
sur la Cour constitutionnelle
). Les autorités
se référant continuellement à cette décision de la Cour constitutionnelle,
le Comité des Ministres a souligné lors de sa 1340e réunion
(DH) en mars 2019 «l’obligation inconditionnelle pour la Fédération
de Russie de se conformer aux arrêts de la Cour européenne, en vertu
de l’article 46 de la Convention», a fait part de sa «grave préoccupation
à l’égard de la non-exécution persistante des autres parties de
l’arrêt sur la satisfaction équitable» et a encouragé les autorités
russes et le Secrétariat à renforcer leur coopération afin de trouver
des solutions à cet égard. Il s’est également félicité du versement
en décembre 2017 de la somme due au titre des frais et dépens (à
savoir 300 000 euros octroyés à la Fondation internationale Youkos).
Mais comme ce versement, effectué avec retard, ne comportait pas
les intérêts de retard, le Comité des Ministres a invité instamment
les autorités russes à procéder rapidement au paiement de ces intérêts
. Pour ce qui est du plan d’action
qui ne lui avait toujours pas été remis, le Comité des Ministres a
invité les autorités à le lui soumettre d’ici au 1er décembre
2019, mais aucune information n’a été soumise par les autorités
à temps pour la prochaine réunion DH.
33. Dans l’intervalle, le 20 janvier 2020, le président russe
a présenté un projet de loi à la Douma d’État, proposant des amendements
à 22 dispositions constitutionnelles, y compris l’ajout, à l’article
79 de la Constitution
, de la phrase suivante:
«Les décisions des organes internationaux, adoptées sur le fondement des
actes internationaux dont l’interprétation contrevient à la Constitution
de la Fédération de Russie, ne peuvent être appliquées sur le territoire
de la Fédération de Russie»
.
Le 28 janvier 2020, la commission des questions juridiques et des
droits de l’homme a demandé à la Commission de Venise un avis sur
l’impact du projet d’amendement susmentionné sur l’exécution des
arrêts de la Cour.
34. À l’occasion de sa 1369e réunion
(DH) en mars 2020, le Comité des Ministres a rappelé «l’obligation inconditionnelle
de se conformer aux arrêts de la Cour» et le fait que la Commission
de Venise rendrait prochainement son avis sur cette question
; il a par ailleurs invité les autorités
à fournir dès que possible des clarifications sur les éventuelles
implications de l’adoption de ces amendements dans cette affaire.
Il a également encouragé «la reprise rapide des contacts entre les
autorités et le Secrétariat en vue de trouver des solutions à la
situation dans cette affaire qui a émergé après l’arrêt de la Cour
constitutionnelle en 2017». À nouveau, il a invité instamment les
autorités à présenter «le plan d’action requis avec un calendrier
indicatif pour les mesures envisagées en vue de la pleine exécution
de l’arrêt sur la satisfaction équitable». En l’absence d’un tel
plan d’action, le Comité des Ministres étudiera l’opportunité d’adopter
une résolution intérimaire lors de sa 1383e réunion
(DH) (septembre 2020)
.
4.6. Les
affaires Catan et autres c. Moldova et Russie et Bobeico et autres
c. République de Moldova et Russie
35. L’affaire
Catan
et autres c. Moldova et Russie a été examinée lors
des 1294e (19-21 septembre 2017), 1310e (13-15
mars 2018), 1324e (18-20 septembre 2018),
1340e (12-14 mars 2019) et 1362e (3-5
décembre 2019) réunions (DH) du Comité des Ministres. Cette affaire
concerne la violation du droit à l’éducation de 170 élèves ou parents
d’élèves d’écoles utilisant l’alphabet latin situés dans la région
transnistrienne de la République de Moldova («RMT») (article 2 du
Protocole no 1). La Cour a observé qu’il
n’y avait aucune preuve d’une participation directe d’agents russes
aux mesures prises contre les requérants et que rien n’indiquait
que la Russie soit intervenue dans la politique linguistique de
la «RMT» en général ou qu’elle l’ait approuvée. Cela étant, elle
a considéré que la Fédération de Russie exerçait un contrôle effectif
sur la «RMT» pendant la période en question et que du fait de son
soutien militaire, économique et politique continu à la «RMT», laquelle n’aurait
pu survivre autrement, la responsabilité de la Fédération de Russie
se trouvait engagée au regard de la Convention pour la violation
en question. Ainsi, la Cour reconnaît une sorte de caractéristique
interétatique de cette affaire.
36. Le Comité des Ministres a rappelé à plusieurs reprises dans
cette affaire que, selon la Cour, la responsabilité de la Fédération
de Russie se trouvait engagée au titre de la Convention. Toutefois,
selon les autorités russes, la Cour «a appliqué sa propre doctrine
du «contrôle effectif», en attribuant à la Russie la responsabilité
de violations commises sur le territoire d’un autre État, avec lesquelles
les autorités russes n’ont pas le moindre lien, ce qui crée de sérieux
problèmes d’exécution pratique de cet arrêt»
.
Elles ont organisé une série de tables rondes et de conférences
entre 2015 et 2018, auxquelles ont participé des experts nationaux
et étrangers, pour examiner «des solutions acceptables permettant
de sortir de cette situation»
. En
2018, la Cour a rendu un autre arrêt –
Bobeico
et autres c. République de Moldova et Russie – concluant au
même type de violation de la Convention pour un autre groupe d’enfants.
Les autorités russes ont fourni des informations le 7 novembre 2019
, réitérant leur
position précédemment exprimée selon laquelle l’attribution par
la Cour à la Russie de la responsabilité des violations commises
sur le territoire d’un autre État créait de graves problèmes d’exécution
pratique. Elles ont indiqué avoir déployé des efforts considérables
pour trouver des solutions acceptables et ont cité les travaux menés
par le Comité d’experts sur le système de la Convention européenne
des droits de l’homme (DH-SYSC II) sous les auspices du Comité directeur
pour les droits de l’homme (CDDH). En octobre 2019, le DH-SYSC a
adopté à titre préliminaire un projet de rapport sur la place de
la Convention européenne des droits de l’homme dans l’ordre juridique
européen et international, dont la version définitive a été adoptée
lors de la réunion du CDDH du 26 au 29 novembre 2019
. À la fin du mois
d’octobre 2019, l’ONG Promo Lex a souligné le manque de progrès
dans l’exécution de l’affaire, y compris le non-paiement, par les
autorités russes, du préjudice moral et des frais et dépens octroyés
par la Cour
.
37. Lors du dernier examen de cette affaire, à l’occasion de sa
1362e réunion (DH), le Comité des Ministres a
de nouveau «insist[é] fermement» sur «l’obligation inconditionnelle
pour tout État membre», en vertu de l’article 46.1, de la Convention,
de se conformer aux arrêts définitifs. Il a rappelé l’engagement
des autorités russes «de parvenir à une réponse acceptable s’agissant
de l’exécution de cet arrêt», a pris note des explications qu’elles
lui ont fournies et exprimé ses regrets qu’aucun plan d’action assorti
de propositions concrètes n’ait été présenté, quelque sept ans après
que l’arrêt soit devenu définitif. Il a «invité instamment» les
autorités russes à fournir un plan d’action d’ici au 31 mars 2020
et, en l’absence d’un plan d’action à cette date, chargé le Secrétariat
de préparer un projet de résolution intérimaire (la quatrième pour
cette affaire) pour sa 1377e réunion
(DH) en juin 2020
. À ce
jour, aucune information n’a été fournie à cet égard.
4.7. Arrêts
interétatiques: Chypre c. Turquie et Géorgie c. Russie (I)
38. Le Comité des Ministres examine
deux affaires interétatiques sous surveillance soutenue:
Chypre c. Turquie et
Géorgie c. Russie (I) . Les principales questions relatives
à l’exécution des arrêts rendus dans l’affaire
Chypre
c. Turquie ont déjà été présentées dans une note d’information
(
AS/Jur(2019)02
déclassifié) du 22 janvier 2019. Dans l’arrêt de 2001, la Cour a
constaté de multiples violations de la Convention liées à la situation
dans «la partie nord de Chypre» (où la Turquie exerce un contrôle
effectif selon les constats de la Cour) depuis l’intervention militaire
de la Turquie à Chypre en 1974. Les autorités turques ont remédié
à un certain nombre de violations
et l’examen du Comité des
Ministres porte principalement sur les questions relatives aux Chypriotes
grecs disparus et sur les droits de propriété des Chypriotes grecs
déplacés et de ceux qui sont enclavés dans «la partie nord de Chypre»,
des questions qui sont à l’ordre du jour depuis 2001
.
39. En ce qui concerne les Chypriotes grecs disparus et leurs
familles (violations des articles 2, 3 et 5 de la Convention)
, le Comité des Ministres a examiné
cette question à deux reprises depuis janvier 2019, lors de ses
1340e (12-14 mars 2019)
et 1362e (3-5
décembre 2019)
réunions (DH). Les autorités turques
font référence aux travaux du Comité sur les personnes disparues
à Chypre («CMP») et indiquent avoir assisté cet organisme dans ses
actions en facilitant les exhumations, en lui fournissant une aide
financière et en lui transmettant des informations sur d’éventuels
lieux d’inhumation. Selon ses statistiques, au 29 février 2020,
le CMP avait retrouvé les restes de 1 208 personnes portées disparues
et identifié 974 personnes appartenant aux deux communautés (sur
un total de 2 002 personnes portées disparues appartenant aux deux communautés).
Parmi les personnes identifiées, 700 sont des Chypriotes grecs (sur
les 1 510 Chypriotes grecs portés disparus)
.
En juin 2019, les autorités turques ont permis l’accès du CMP à
30 sites supplémentaires situés en zones militaires dans la partie
nord de Chypre qui pourraient contenir des lieux d’inhumation et,
d’après le CMP, cette décision n’est assortie d’aucune contrainte
de temps. Selon les autorités turques, 1 050 exhumations au total
ont été effectuées par le CMP dans la partie nord de Chypre
.
Lors de sa 1362e réunion (DH), le Comité
des Ministres a rappelé que, au vu du temps écoulé, les autorités
turques devaient poursuivre «leur approche proactive» pour donner
au CMP toute l’assistance nécessaire; il s’est félicité des informations
communiquées au sujet de l’accès accordé au CMP à 30 lieux d’inhumation supplémentaires
et a encouragé les autorités turques à autoriser l’accès sans entrave
du CMP à toutes les zones qui pourraient contenir les dépouilles
de personnes disparues, dont les zones militaires. Il a également appelé
les autorités turques à «progresser dans leurs efforts» pour fournir
proprio motu et sans délai au CMP toutes les informations sur les
lieux d’inhumation et sur tout autre endroit où des dépouilles pourraient
être trouvées, a pris note avec intérêt des informations fournies
sur l’état d’avancement des enquêtes menées par l’Unité des personnes
disparues et a de nouveau invité les autorités turques à garantir
l’effectivité de leurs enquêtes
.
40. S’agissant de la question du domicile et des biens immobiliers
des Chypriotes grecs déplacés (violation des articles 8 et 13 de
la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1),
une «commission des biens immobiliers» (CBI) a été établie dans
la partie nord de Chypre par la loi no 67/2005
«sur l’indemnisation, l’échange ou la restitution des biens immobiliers»
à la suite de l’arrêt pilote rendu dans l’affaire
Xenides-Arestis c. Turquie . Toutefois,
la création de cette instance n’a pas réglé le problème
.
Les autorités chypriotes maintiennent que la Turquie doit mettre
en place des mesures visant à interrompre les transferts de biens immobiliers
appartenant aux Chypriotes grecs déplacés, et les autorités turques
estiment quant à elles avoir pris toutes les mesures nécessaires
. Lors de sa 1324e réunion
(DH) (septembre 2018), le Comité des Ministres a regretté que les
autorités turques n’aient pas participé aux discussions et n’aient
fourni aucune nouvelle information sur le caractère effectif des
mesures prises, et il a décidé de reprendre l’examen de ce point
en juin 2019
. À la suite de cette décision,
les autorités turques ont soumis en mai 2019 un mémorandum en réponse
à la dernière décision du Comité des Ministres sur ces questions
. Pour autant, aucune
décision n’a été adoptée lors du dernier examen de ces questions
en juin 2019 (DH).
41. S’agissant des droits de propriété des Chypriotes grecs résidant
toujours dans la partie nord de Chypre (violations de l’article 1
du Protocole no 1 et de l’article 13
de la Convention), la Cour a critiqué l’impossibilité, pour les
Chypriotes grecs ayant définitivement quitté le nord, de conserver
leurs droits de propriété, ainsi que la non-reconnaissance des droits
successoraux des personnes vivant dans le sud de Chypre sur des
biens sis dans le nord appartenant à leurs proches décédés. Les
autorités turques ont estimé que toutes les mesures nécessaires
avaient été prises
.
Lors de sa 1236e réunion (DH), le Comité
des Ministres s’est félicité de ces mesures, mais a souhaité examiner
plus avant les conséquences éventuelles de l’arrêt
Chypre c. Turquie du 12 mai 2014
sur la satisfaction équitable pour ces questions. À l’occasion de
sa 1355e réunion (DH) en septembre 2019,
il a observé que cet arrêt ne couvrait pas la question des droits
de propriété des personnes enclavées. Il a également pris note de
la possibilité pour les Chypriotes grecs ayant quitté le nord d’entamer plusieurs
procédures, y compris devant la CBI, et a demandé des informations
sur les requêtes déposées devant cette instance. En outre, le Comité
des Ministres a décidé de reprendre l’examen de cet aspect de l’affaire
lors de sa réunion (DH) de juin 2020 en vue, éventuellement, de
mettre fin à sa surveillance
.
42. Dans son arrêt du 12 mai 2014 sur la satisfaction équitable,
la Cour a ordonné à la Turquie de verser à Chypre 30 000 000 euros
au titre du préjudice moral subi par les parents survivants des
personnes disparues et 60 000 000 euros au titre du préjudice moral
subi par les Chypriotes grecs enclavés dans la péninsule du Karpas.
La Cour a indiqué que ces montants devaient être reversés par le
Gouvernement chypriote à chacune des victimes sous la surveillance
du Comité des Ministres, dans un délai de 18 mois à compter de la
date du versement ou dans tout autre délai que le Comité des Ministres
jugerait approprié. À ce jour, bien que le Comité des Ministres
ait adressé des rappels à cet égard à chacune de ses réunions DH –
ou presque
–
depuis juin 2015, aucune information n’a été fournie concernant
le paiement de ces sommes par les autorités turques. La dernière
décision en la matière a été adoptée lors de la 1362e réunion
en décembre 2019
.
43. L’affaire
Géorgie c. Russie
(I) trouve
son origine dans les tensions politiques qui ont éclaté entre les deux
pays à l’été 2006 et porte sur l’arrestation, la détention et l’expulsion
de la Fédération de Russie d’un grand nombre de ressortissants géorgiens
entre la fin du mois de septembre 2006 et la fin du mois de janvier 2007
(violations de l’article 4 du Protocole no 4
et des articles 3, 5 (paragraphes 1 et 4), 13 et 38 de la Convention)
.
Dans son arrêt sur la satisfaction équitable, la Cour a estimé que
la Fédération de Russie devait, dans un délai de trois mois, verser
au Gouvernement géorgien la somme de 10 000 000 euros au titre du
préjudice moral subi par un groupe d’au moins 1 500 ressortissants
géorgiens victimes de violations de la Convention. La Cour a indiqué
que ces montants devaient ensuite être distribués par le Gouvernement géorgien
à chacune des victimes sous la surveillance du Comité des Ministres,
dans un délai de 18 mois à compter de la date de versement ou dans
tout autre délai que le Comité des Ministres jugerait approprié.
La date limite de paiement a expiré le 30 avril 2019.
44. Le Comité des Ministres a examiné l’exécution de l’arrêt sur
le fond (mesures générales) à l’occasion de sa 1250e réunion
(DH) en mars 2016, lorsqu’il a demandé aux autorités russes de fournir
des informations sur la mise en œuvre de leur plan d’action
. Après que l’arrêt
sur la satisfaction équitable a été rendu, le Comité des Ministres
s’est concentré sur la question de son paiement lors de ses 1355e (23-25
septembre 2019), 1362e (3-5 décembre
2019) et 1369e (3-5 mars 2020) réunions
(DH).
45. Peu avant la 1355e réunion (DH),
les autorités russes ont soumis un plan d’action
, en faisant valoir qu’il
n’y avait aucun fondement juridique dans la Convention à l’octroi
d’une satisfaction équitable dans les affaires interétatiques. Elles
ont également remis en cause la validité de la liste des victimes
individuelles soumise à la Cour et proposé que le Comité des Ministres
adopte une décision demandant aux autorités géorgiennes d’établir
une liste définitive de victimes, qui devra être examinée et approuvée
par le Comité des Ministres avant le paiement par la Fédération
de Russie de la satisfaction équitable. Elles ont réaffirmé leur position
dans les plans d’action soumis le 30 octobre 2019 et le 7 février
2020
. Les autorités géorgiennes ont
réfuté ces arguments et propositions
. Lors de sa 1369e réunion,
le Comité des Ministres a exprimé sa vive préoccupation quant au
fait que les autorités russes continuent de réclamer l’établissement
par le Gouvernement géorgien de la liste précise des victimes individuelles
avant de procéder au paiement, ce qui «remet en question la séquence
précitée accordée par la Cour». Il a également profondément regretté qu’aucun
paiement n’ait encore été effectué et souligné l’obligation inconditionnelle
en vertu de l’article 46.1, de la Convention de payer la satisfaction
équitable octroyée par la Cour. Enfin, il a salué l’initiative prise
par son Secrétariat d’offrir ses bons offices pour trouver une «solution
pragmatique» conforme à l’arrêt de la Cour et a invité instamment
les autorités russes à engager sans retard des consultations approfondies
avec le Secrétariat sur les modalités de paiement des sommes accordées,
ainsi que des intérêts de retard échus
.
4.8. Affaires
relatives à la situation du Haut-Karabakh
46. Depuis juin 2015, le Comité
des Ministres examine l’exécution de deux arrêts concernant le conflit militaire
qui a opposé de 1988 à 1994 l’Arménie et l’Azerbaïdjan dans la région
du Haut-Karabakh:
Chiragov et autres
c. Arménie et
Sargsyan
c. Azerbaïdjan . L’arrêt
Chiragov et autres concerne plusieurs ressortissants
azerbaïdjanais qui ont été contraints de quitter leurs maisons situées
dans le district de Latchin au début du conflit et se sont vu refuser
l’accès à leurs biens et à leur domicile depuis, ainsi que toute
voie de recours (violation continue de l’article 1 du Protocole
no 1 et des articles 8 et 13 de la Convention).
La Cour a estimé que l’Arménie exerçait un contrôle effectif sur
la région du Haut-Karabakh et les territoires environnants, y compris
sur le district de Latchin, et que les faits visés par la plainte
relevaient de la compétence de cet État
.
L’arrêt
Sargsyan concerne
un réfugié arménien qui, en raison du conflit, a été contraint de
quitter son domicile de Golestan, ville sur laquelle, selon la Cour,
l’Azerbaïdjan exerce une compétence internationalement reconnue.
La Cour a accepté le refus des autorités azerbaïdjanaises d’accorder
aux civils l’accès au village pour des raisons de sécurité, mais
a critiqué l’absence de mesures visant à rétablir les droits du
requérant sur ses biens et son domicile, ainsi que celle de tout
mécanisme de réparation (ce qui constitue également une violation
continue de l’article 1 du Protocole no 1
et des articles 8 et 13 de la Convention). Dans ces deux arrêts,
la Cour a estimé que, puisque «un accord de paix global n’a pas
encore été trouvé, il paraît particulièrement important de mettre
en place un mécanisme de revendication des biens qui soit aisément accessible
et qui offre des procédures fonctionnant avec des règles de preuve
souples, de manière à permettre au requérant et aux autres personnes
qui se trouvent dans la même situation que lui d’obtenir le rétablissement de
leurs droits sur leurs biens ainsi qu’une indemnisation pour la
perte de jouissance de ces droits»
.
Dans les décisions de satisfaction équitable rendues dans les deux
affaires, la Cour a octroyé à chaque requérant une satisfaction
équitable de 5 000 euros au titre des dommages matériels (perte
de revenus et augmentation des frais de subsistance) et du préjudice
moral.
47. Plusieurs communications des autorités arméniennes et azerbaïdjanaises,
d’ONG et du représentant de M. Sargsyan ont été soumises au Comité
des Ministres. S’agissant de l’arrêt
Chiragov
et autres, les autorités arméniennes ont observé en décembre
2019 que, en raison de la situation conflictuelle actuelle, de l’absence d’accord
de paix et des problèmes de sécurité, l’exécution de cet arrêt,
et en particulier l’établissement d’un mécanisme de réparation,
était entravée. Toutefois, elles ont affirmé leur ouverture et leur
volonté de trouver une solution pérenne et de poursuivre les consultations
avec le Secrétariat
. Les autorités
azerbaïdjanaises ont répondu à cette communication
, mais, s’agissant
de l’affaire
Sargsyan, n’ont
fourni aucune nouvelle information depuis mars 2017, lorsqu’elles
avaient informé le Comité des Ministres de la mise sur pied d’un groupe
de travail sur l’évaluation des pertes et des préjudices
. Le Comité des Ministres a examiné
ces deux affaires lors de ses 1280e (7-10
mars 2017), 1362e (3-5 décembre 2019)
et 1369e (3-5 mars 2020) réunions (DH)
. Lors de cette dernière
réunion, il a décidé de reprendre l’examen de ces affaires lors
de l’une de ses prochaines réunions en 2020, car des consultations
entre son Secrétariat et les autorités des deux États concernés
devaient avoir lieu.
5. Affaires
concernant les États examinés dans le rapport de 2017 de M. Le Borgn’
48. La liste des principaux arrêts
examinés sous la surveillance soutenue du Comité des Ministres et concernant
les neuf États membres cités plus haut au chapitre 3 (à l’exception
de l’Azerbaïdjan, qui n’apparaissait pas dans la liste précédente
des dix États membres qui présentent le plus grand nombre d’arrêts non
exécutés) et dans le rapport de 2017 de M. Le Borgn’ figure en Annexe
1 de l’addendum au présent rapport. Une brève analyse des principaux
arrêts concernant les neuf États membres en question permet de dégager
les observations présentées dans ce chapitre
. Les autres affaires concernant
ces neuf pays, qui font actuellement l’objet d’une procédure soutenue
du Comité des Ministres, sont recensées dans le tableau des affaires
et groupes d’affaires établi par le Comité des Ministres pour sa
1362e réunion en décembre 2019 (
DH-DD(2019)636-rev2F, 21 novembre 2019). Les affaires (sous surveillance
soutenue) concernant l’Azerbaïdjan sont présentées en Annexe 2 de
l’addendum au présent rapport. La plupart de ces affaires portent
sur des problèmes complexes ou structurels et sont pendantes depuis
plus de cinq ans.
49. L’état d’exécution des principaux arrêts ou groupes d’arrêts
concernant la
Fédération de Russie (sous surveillance
soutenue) a été présenté dans une note d’information (
AS/Jur(2020)05 déclassifié) du 23 janvier 2020. On observe ainsi que,
depuis mai 2017, les autorités russes ont pris un certain nombre
de mesures individuelles et générales pour mettre en œuvre les arrêts
de la Cour, en particulier ceux concernant les mauvaises conditions
de détention dans les centres de détention provisoire (groupe d’affaires
Kalashnikov et arrêt pilote rendu
dans l’affaire
Ananyev et autres)
, la durée excessive de la détention
provisoire et d’autres violations de l’article 5 de la Convention
(groupe d’affaires
Klyakhin),
les actes de torture et les mauvais traitements pendant la garde
à vue (groupe d’affaires
Mikheyev)
et les extraditions et expulsions secrètes et extrajudiciaires (groupe
d’affaires
Garabayev). Néanmoins,
certains problèmes majeurs de longue date restent non résolus, en
particulier pour les groupes d’affaires susmentionnés
Klyakhin et
Mikheyev, pour l’affaire concernant
l’interdiction répétée des marches des fiertés (gay prides) (affaire
Alekseyev) et pour celles portant sur
les actions des forces de sécurité dans le Caucase du Nord (groupe
d’affaires
Khashiyev et Akayeva) –
un sujet qui a fait l’objet d’un examen approfondi par différents
rapporteurs de l’Assemblée
.
50. S’agissant de la
Turquie et
de l’
Ukraine, l’exécution
des arrêts les plus problématiques concernant ces pays a été décrite
dans une note d’information (
AS/Jur(2010)02
déclassifié), du 22 janvier 2019. En ce qui concerne la
Turquie, sur les violations de
la liberté d’expression (ancien groupe
Inçal),
notamment l’utilisation disproportionnée du droit pénal pour punir
des personnes exprimant des opinions critiques ou impopulaires et l’incarcération
de journalistes en l’absence de raisons pertinentes et justifiées,
le Comité des Ministres a estimé, en mars 2020, qu’aucun progrès
concret n’avait été réalisé depuis longtemps sur les mesures générales,
bien qu’il ait pris note des dernières informations fournies par
les autorités turques
.
Il a invité les autorités à envoyer un message politique à haut
niveau pour souligner que la liberté d’expression est reconnue dans
la société turque et que le droit pénal ne devrait pas être utilisé
de manière à la restreindre. Le Comité des Ministres a en outre
chargé le Secrétariat de préparer un projet de résolution intérimaire
en l'absence de signes de progrès concrets d’ici le prochain examen
des affaires concernant ces problèmes. De plus, le Comité des Ministres
reste dans l’attente de nouvelles informations sur les mesures individuelles
ou générales prises ou envisagées dans les groupes d’affaires portant
sur l’emprisonnement à répétition des objecteurs de conscience (groupe
Űlke), l’ineffectivité des enquêtes
menées sur les agissements des forces de sécurité en violation des
articles 2 et 3 de la Convention (groupe
Bati)
, l’usage excessif de la force pour disperser
des manifestations pacifiques (groupe
Oya
Ataman)
et l’absence de mesures
de protection contre la violence domestique (groupe
Opuz). À la suite de l’adoption
de mesures d’exécution par les autorités turques, l’examen de l’arrêt
Söyler, concernant la privation
du droit de vote des personnes condamnées, a été clos en juin 2019
et
celui du groupe de trois affaires du groupe
Hulki
Gűneş, concernant les condamnations injustes, en décembre
2019
.
51. Dans le cas de
l’Ukraine,
le problème de longue date de l’inexécution des décisions de justice
internes ou de retard dans leur exécution (groupe
Zhovner/
Yuriy
Nikolayevich Ivanov/Burmych) persiste depuis plus de dix-huit
ans. Lors de sa 1369e réunion en mars 2020, le Comité des Ministres
a noté le progrès réalisé dans le versement des indemnités aux requérants
dans l’affaire
Burmych, mais
a regretté profondément les retards importants dans l’exécution
des paiements et en a appelé aux autorités pour qu’elles accélèrent
leur processus de paiement à tous les requérants dans cette affaire.
S’agissant des mesures générales, il a pris note des récents amendements
législatifs et autres mesures prises, mais a réitéré sa «plus grande
préoccupation quant à l’absence de nouvelles mesures concrètes en
ce qui concerne l’adoption des mesures institutionnelles, législatives
et autres mesures pratiques pertinentes» et regretté le manque d’information
concernant l’adoption de la stratégie nationale, le mandat de la
Commission des réformes juridiques et l’organe au plus haut niveau politique
qui devrait être chargé de diriger l’action dans ce domaine
. Il a rappelé que les
autorités ukrainiennes devaient démontrer «un engagement politique
soutenu au plus haut niveau politique» et les a appelées à progresser
rapidement et à prendre toutes les mesures nécessaires jusqu’à ce
que ce problème soit pleinement résolu
.
En ce qui concerne les autres arrêts cités dans le rapport de mon
prédécesseur, le Comité des Ministres a relevé certains progrès
dans l’exécution des arrêts relatifs aux mauvais traitements infligés
par des fonctionnaires de police (groupes
Afanasiyev et
Kaverzin)
, aux lacunes
de la législation régissant le recours à la détention provisoire
et à son application (groupe
Ignatov)
et au manque d’impartialité
et d’indépendance des juges (groupe d’affaires
Oleksandr Volkov)
. Toutefois, les progrès restent
limités sur certains problèmes de longue date tels que les mauvaises
conditions de détention (groupes d’affaires
Nevmerzhitsky et
Kuznetsov), la durée excessive des
procédures judiciaires (groupes d’affaires
Svetlana Naumenko et
Merit)
, les
violations de la liberté de réunion (groupe d’affaires
Vyerentsov) et l’enquête pénale
dans l’affaire
Gongadze (examinée
par l’Assemblée en 2009)
. Par une décision du
1eravril 2020 (n° 258), le Conseil des
ministres a décidé d’établir une commission spéciale chargée des
questions liées à l’exécution des arrêts de la Cour et composée
de membres de l’exécutif et du parlement.
52. La mise en œuvre des arrêts rendus contre la
Roumanie a été présentée dans une
note d’information (
AS/Jur(2019)52
déclassifié) du 12 décembre 2019. S’agissant des arrêts relatifs
au manquement des autorités de restituer ou d’indemniser des biens
nationalisés (
Strain et
Maria Atanasiu), le Comité des Ministres est
toujours dans l’attente d’informations sur les questions en suspens
concernant le mécanisme d’indemnisation mis en place en réponse
à ces arrêts. Des progrès ont été constatés dans les problèmes de durée
excessive des procédures et d’absence de recours effectif à cet
égard (groupe d’affaires
Vlad et autres), ainsi
que dans certains de ceux que soulevaient les arrêts
Association ‘21 décembre 1989’ et autres, Ticu, Centre
de ressources juridiques au nom de Valentin Câmpeanu et
Bucur et Toma. S’agissant de la
non-exécution des décisions de justice internes, bien que le Comité
des Ministres ait décidé de clore l’examen des affaires des groupes
Ruianu et
Strungariu,
il regrette toujours l’absence de mesures pertinentes concernant l’inexécution
des décisions de justice internes prononcées à l’encontre de l’État
ou de ses entités (groupe d’affaires
Săcăleanu).
Enfin, s’agissant des problèmes de longue date de surpeuplement
et de conditions de détention inhumaines et dégradantes dans les
prisons, les maisons d’arrêt et les centres de détention de la police,
ainsi que l’absence de recours effectif à cet égard (groupes d’affaires
Rezmives et autres et
Bragadireanu), des «progrès importants»
ont déjà été accomplis, notamment en matière de réduction du surpeuplement.
Toutefois, des mesures supplémentaires «étayées par un engagement
ferme et durable à un niveau politique élevé» sont requises pour
résoudre ces problèmes
. Lors de sa 1369e réunion (DH)
en mars 2020, le Comité des Ministres a regretté que les récents
événements politiques, à savoir la motion de censure votée par le
parlement contre le gouvernement, aient empêché celui-ci de présenter
un nouveau plan d’action conformément aux assurances données par
les autorités roumaines lors de la précédente réunion DH
. Concernant
la question du recours effectif, le Comité des Ministres a regretté,
en décembre 2019 et en mars 2020, l’abrogation du mécanisme compensatoire
sous forme de réductions de peine sans autre voie de recours conforme
à la Convention, décidée par le parlement le 4 décembre 2019. Il
a souligné que cette mesure risquait de générer un nouvel afflux
massif de requêtes répétitives devant la Cour, ce qui pourrait menacer l’efficacité
du système de la Convention. Vu la gravité de la situation, il en
a appelé aux autorités compétentes pour qu’elles s’appuient sur
toutes les voies de droit existantes et sur l’évolution de la jurisprudence
des tribunaux, notamment en ce qui concerne la responsabilité extracontractuelle
de l’État, afin de garantir l’existence de recours internes effectifs
à effet compensatoire, en attendant l’adoption des réformes nécessaires
.
53. Une analyse détaillée de l’état de mise en œuvre des principaux
arrêts concernant la
Hongrie et
l’
Italie a été présentée
dans une note d’information du 10 avril 2019 (
AS/Jur
(2019)19 déclassifié). S’agissant de la Hongrie, aucun progrès concret n’a
été réalisé concernant le problème structurel (en cours d’examen
depuis 2003) de la durée excessive des procédures judiciaires et
de l’absence de recours effectif à cet égard. Plus de trois ans
après l’échéance fixée dans l’arrêt pilote
Gazsó,
le 16 juillet 2015
,
aucune législation prévoyant un recours effectif n’a été adoptée,
ce que le Comité des Ministres a critiqué lors de sa 1369e réunion
en mars 2020
.
Ainsi, il a demandé au Secrétariat de préparer un projet de résolution
intérimaire, le troisième, pour examen à la 1377e réunion (DH) en
juin 2020 en l’absence de tout progrès tangible. En ce qui concerne
les mauvaises conditions de détention dues au surpeuplement des
centres de détention, les autorités hongroises ont pris un certain
nombre de mesures pour résoudre ce problème et des recours préventifs
et compensatoires ont été mis en place en 2017, ce qui a mené au
rejet par la Cour de milliers de requêtes similaires qui étaient pendantes
devant elle. Suite à l’annonce par le gouvernement en janvier 2020
de son intention de réexaminer les voies de recours, le directeur
des Droits de l’homme du Conseil de l’Europe a adressé une
lettre au ministre de la Justice de la Hongrie. En février
2020, les autorités hongroises ont informé le Comité des Ministres qu’elles
continueraient à faire fonctionner les recours internes préventifs
et compensatoires conformément à la législation nationale pertinente
en vigueur dans l’attente de la révision du régime actuel
. S’agissant de l’exécution
de l’arrêt
Horváth et Kiss concernant
le placement discriminatoire d’enfants d’origine rom dans des écoles
primaires spécialisées pour enfants handicapés mentaux, malgré les
informations fournies par les autorités hongroises sur les nombreuses
mesures générales prises ou prévues, le Comité des Ministres, au cours
du dernier examen de cette affaire lors de sa 1348e réunion
(DH) en juin 2019, a critiqué le fait qu’aucune statistique pertinente
n’avait été communiquée au cours des cinq dernières années sur l’évolution
du nombre d’enfants roms dans les écoles spécialisées
.
54. En ce qui concerne
l’Italie,
des progrès importants ont été constatés dans l’exécution des arrêts concernant
le problème chronique de la durée excessive des procédures judiciaires
(voir les groupes
Trapani, Leddone no
1, Abenavoli et
Collarille et autres), ce qui a
permis de clore l’examen de nombreuses affaires dans lesquelles
les mesures individuelles n’étaient plus nécessaires. S’agissant
de l’absence d’un recours effectif à cet égard, le Comité des Ministres
poursuit l’examen des défaillances observées dans le cadre du recours «Pinto»
de 2001 (groupe
Olivieri et autres).
Il a par ailleurs pris note, lors de sa 1355e réunion
(DH) en septembre 2019, des dernières informations fournies par
les autorités italiennes sur les questions en suspens
.
En ce qui concerne l’arrêt
Sharifi et
autres c. Italie et Grèce sur l’expulsion collective
de migrants dans le port d’Ancône, le Comité des Ministres, lors
de sa 1369e réunion (DH) en mars 2020,
a pris note des informations fournies sur les mesures individuelles
et générales prises, a accueilli avec préoccupation les informations
transmises par les ONG sur de nouveaux incidents d’expulsion collective
et a demandé aux autorités italiennes de soumettre un plan d’action
ou un rapport consolidé
. En décembre 2019,
le Comité des Ministres a clos l’examen des affaires des groupes
Cirillo et
Scopolla concernant
l’absence de soins médicaux appropriés dans les prisons
. Depuis fin 2013, les
autorités italiennes ont pris des mesures pour mettre en œuvre l’arrêt
rendu dans l’affaire
M.C. et autres sur
l’annulation rétroactive d’une réévaluation annuelle d’une indemnité
pour les familles de victimes de contaminations virales accidentelles.
55. En ce qui concerne la
Grèce,
certains progrès ont été accomplis dans les affaires portant sur
l’absence de cadre législatif et administratif adéquat régissant
l’usage de la force, y compris des armes à feu, et les mauvais traitements
infligés par les forces de l’ordre (groupe d’affaires
Makaratzis), qui sont pendantes
devant le Comité des Ministres depuis 2004. Le Comité des Ministres
a demandé davantage d’informations sur certaines mesures individuelles
(procédures disciplinaires et pénales ou leur réouverture) et générales, notamment
les modifications apportées à la législation et à la jurisprudence
concernant le crime de torture
. S’agissant du groupe d’affaires
sur les conditions de détention des migrants et les procédures de
demande d’asile (groupe
M.S.S. c. Belgique
et Grèce), le Comité des Ministres a décidé, lors de
son dernier examen effectué à l’occasion de sa 1348e réunion
(DH) en juin 2019, de mettre fin à sa surveillance de 17 affaires
dans lesquelles aucune autre mesure individuelle n’était requise
. Concernant les mesures
générales, il a salué les efforts déployés par les autorités grecques
pour améliorer le système national d’asile, les conditions de vie des
demandeurs d’asile et l’accueil et la protection des mineurs non
accompagnés, mais a tout de même exprimé certaines inquiétudes à
cet égard. En ce qui concerne les conditions de détention, si les
centres de rétention de migrants visités par le Comité européen
pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains
ou dégradants (CPT) en 2018 présentaient des conditions décentes,
le Comité des Ministres s’est dit gravement préoccupé par le fait
qu’un certain nombre d’autres centres de rétention de migrants et
de postes de police semblaient ne pas respecter les normes de la
Convention, et que la rétention de mineurs non accompagnés persistait.
Toutefois, par suite de l’évolution de la jurisprudence interne,
le Comité des Ministres a mis fin à la surveillance de la question
relative à l’existence d’un recours effectif pour les plaintes relatives
aux conditions de détention
. Depuis 2011, le Comité
des Ministres examine par ailleurs un groupe d’affaires concernant
les mauvaises conditions de détention dans les prisons et l’absence
d’un recours effectif à cet égard (groupe
Nisiotis),
pour la mise en œuvre duquel les autorités grecques ont annoncé la
création du «Plan stratégique pour les prisons 2018-2020». Lors
de sa 1324e réunion (DH) en septembre 2018,
le Comité des Ministres a exprimé sa préoccupation vis-à-vis du
nombre élevé de requêtes pendantes devant la Cour concernant ce
problème et a invité les autorités à fournir des informations sur
le contenu et la mise en œuvre du «Plan stratégique pour les prisons
2018-2020»
. Le 9 avril 2020,
le CPT a publié son nouveau rapport sur sa septième visite périodique
en Grèce, dans lequel il se montre très critique à l’égard des questions
visées par les trois groupes d’affaires susmentionnés
. Par ailleurs, les
arrêts concernant les violations du droit à la liberté d’association
résultant du refus des autorités grecques d’enregistrer les associations
qui défendent l’idée de l’existence d’une minorité ethnique distincte
des minorités religieuses reconnues par le Traité de Lausanne de
1923 (groupe
Bekir-Ousta)
restent inexécutés depuis plus de onze ans. En septembre 2019, le
Comité des Ministres a déploré le fait que les recours des requérants
n’aient toujours pas été réexaminés sur le fond par les juridictions
nationales à la lumière de la jurisprudence de la Cour. Deux des
associations concernées ne sont toujours pas enregistrées et une
autre a été dissoute. Il a également noté avec préoccupation l’arrêt
de 2018 de la cour d’appel de Thrace qui a rejeté, pour vice de procédure,
la demande faite par l’association requérante dans l’affaire
Tourkiki Enosi Xanthis et autres de réexaminer
la décision de dissoudre leur association. Par conséquent, le Comité
des Ministres a invité instamment les autorités à prendre rapidement
toutes les mesures individuelles et générales nécessaires
. Depuis 2015,
des questions similaires sont également examinées par le Comité
des Ministres dans le cadre de l’affaire
Maison
de la civilisation macédonienne et autres c. Grèce . Il convient de noter qu’il s’agit
d’un deuxième arrêt, rendu après
Sidiropoulos
et autres de
1998 et concernant la même association, dans lequel la Cour a conclu
à une violation par la Grèce de l’article 11 de la Convention. Le
Comité des Ministres a néanmoins observé, lors de sa 1369e réunion
(DH) en mars 2020, que des progrès avaient été accomplis dans la
prise de mesures individuelles et générales dans le groupe d’affaires
Beka-Koulocheri, au sujet de la
non-exécution des décisions de justice internes relatives à des
ordres d’expropriation
.
56. S’agissant de l’exécution des arrêts prononcés à l’encontre
de la
République de Moldova,
il a été mis fin à l’examen de plusieurs affaires citées dans le
rapport de M. Le Borgn’ suite à l’adoption de mesures d’exécution:
l’arrêt
Genderdoc-M concernant
l’interdiction injustifiée d’une manifestation en faveur des droits des
personnes LGBTI
, le groupe d’affaires
Taraburca sur les mauvais traitements
infligés par la police en réaction aux manifestations qui ont suivi
les élections
, les groupes d’affaires
sur l’arrestation et la détention arbitraires dans le cadre de procédures
pénales et administratives (
Muşuc, Gutu et
Brega)
et le groupe d’affaires
concernant la non-exécution des décisions de justice internes (
Luntre)
. Des
progrès importants ont été accomplis dans les affaires concernant
l’absence de protection contre les violences domestiques (anciennement
groupe d’affaires
Eremia ,
aujourd’hui affaire
T.M. et M.C.)
, et les mauvais traitements infligés
par la police en détention et le manque de recours effectif à cet
égard (anciennement groupe
Corsacov, aujourd’hui
examiné en tant que groupe
Levinta)
.
Quelques progrès ont été notés concernant les affaires portant sur
les mauvaises conditions de détention dans les centres de détention
provisoire et les prisons et le manque de recours effectif à cet
égard (anciennement groupe
Ciorap , mesures générales examinées aujourd’hui
dans le cadre de l’arrêt
I.D.).
En
ce qui concerne l’affaire relative à diverses violations de l’article 5
de la Convention, résultant notamment de l’absence de motivation
pertinente et suffisante pour ordonner ou prolonger la mise en détention
provisoire (groupe
Sarban),
le Comité des Ministres a, lors de sa 1348e réunion (DH)
en juin 2019, décidé de clore l’examen de 23 affaires dans lesquelles
aucune mesure individuelle n’était plus requise
, mais il reste préoccupé
par le fait que les mesures générales adoptées jusqu’à présent n’ont pas
encore abouti «à des améliorations claires et tangibles de la pratique
judiciaire en ce qui concerne la motivation de la mise en détention
provisoire»
.
57. En ce qui concerne la
Bulgarie,
l’examen de la plupart des affaires concernant la durée excessive
des procédures civiles et pénales et l’absence d’un recours effectif
à cet égard (groupes d’affaires
Djangozov et
Kitov) a enfin été clos en décembre
2017
. Cependant,
la situation des juridictions les plus chargées est toujours examinée
par le Comité des Ministres dans le cadre de sa procédure standard.
S’agissant des autres problèmes
soulevés dans le rapport de M. Le Borgn’, des progrès importants
ont été faits dans la mise en œuvre des groupes d’affaires relatifs
aux mauvaises conditions de détention, notamment en ce qui concerne
le problème du surpeuplement carcéral (groupe d’affaires
Kehayov et arrêt pilote
Neshkov et autres)
, et dans les affaires portant sur
les expulsions d’étrangers en violation de leur droit au respect
de la vie familiale (groupe
C.G. et autres)
. Lors de la 1369e réunion
en mars 2020, le Comité des Ministres a évalué l’exécution des affaires
du groupe
Yordanova et autres concernant
l’éviction de personnes d’origine rom et autres, a pris acte des
mesures individuelles et générales prises dans cette affaire, mais
a souligné qu’il n’existait toujours pas de cadre juridique clair
pour l’évaluation de la proportionnalité des ordres de démolition
. S’agissant des mauvais
traitements infligés par les forces de l’ordre (groupe
Velikova), certains progrès ont
été accomplis, mais en septembre 2019, le Comité des Ministres a
souligné que les personnes détenues par la police couraient toujours
un risque considérable de subir des mauvais traitements et que ces affaires
étaient pendantes devant lui depuis plus de 19 ans. Il a par ailleurs
instamment invité les autorités à prendre les mesures générales
nécessaires
. Le Comité des
Ministres a également fait état d’une absence de progrès significatifs
dans les affaires
S.Z. et Kolevi concernant
l’existence d’un problème systémique d’ineffectivité des enquêtes
pénales et d’absence de garanties d’indépendance d’une enquête concernant
la Procureure générale. Lors de sa 1362e réunion (DH) le 5 décembre
2019, le Comité des Ministres a adopté la résolution intérimaire
CM/ResDH(2019)367, dans laquelle il exhorte les autorités à adopter des
réformes et, si nécessaire, des amendements constitutionnels. En
ce qui concerne les affaires du groupe
UMO
Illinden et autres (sur les refus injustifiés d’enregistrer
une association dont l’objet est d’obtenir «la reconnaissance de
la minorité macédonienne en Bulgarie»), le Comité des Ministres
a estimé que les mesures d’exécution prises par les autorités bulgares
étaient insuffisantes
. Le groupe d’affaires
Stanev concernant le placement de personnes
handicapées mentales en foyers sociaux n’a pas été examiné par le
Comité des Ministres depuis la 1288e réunion
(DH) de juin 2017
.
6. Données
générales concernant l’exécution des arrêts de la Cour entre 2017
et 2020 et derniers développements
58. Il ressort du Rapport annuel
2019 qu’au 31 décembre 2019
,
un total de 5 231 arrêts et décisions étaient pendants devant le
Comité des Ministres à différents stades d’exécution. Cela montre
une diminution du nombre d’affaires pendantes par rapport à fin
2018 (6 151) et fin 2017 (7 584), sans parler du pic de 2012-2013
avec 11 099 affaires. Sur les 5 231 arrêts, 1 245 sont des affaires
de référence
, alors qu’elles
étaient au nombre de 1 292 en 2018 et de 1 379 en 2017 (un pic de
1 555 affaires de référence avait été atteint en 2015). À la fin
de l’année 2019, on comptait 306 affaires de référence sous surveillance
soutenue du Comité des Ministres, contre 309 en 2018 et 317 en 2017.
59. Fin 2019, le Comité des Ministres examinait 2 334 affaires
sous surveillance soutenue (affaires de référence et répétitives
confondues), contre 2 794 en 2018 et 3 849 en 2017. Le nombre d’affaires
de référence (sous les procédures soutenue et standard) pendantes
depuis plus de cinq ans s’élevait à 635, contre 675 en 2018, 718
en 2017 et 720 lors du pic de 2016. En ce qui concerne les affaires
de référence pendantes depuis plus de 5 ans sous la procédure soutenue,
la répartition par pays est la suivante: Fédération de Russie (38), Ukraine
(38), Turquie (21), Roumanie (15), Bulgarie (13), Azerbaïdjan (11),
Italie (9), Grèce (6), République de Moldova (6) et Pologne (6).
60. Le Rapport annuel 2019 montre qu’entre 2010 et 2019 il y a
eu 2 120 nouveaux arrêts rendus dans des affaires de référence,
tandis que 2 287 affaires de ce type ont été clôturées, ce qui représente
un taux de clôture de 108 % (par rapport au nombre de nouvelles
affaires sur la même période). Par comparaison, entre 2000 et 2010,
il y avait eu 1 470 nouvelles affaires de référence et seulement
602 affaires de référence clôturées – soit un taux de clôture de
41 %.
61. Le nombre d’affaires clôturées en 2019 (2 080, dont 214 affaires
de référence) était légèrement inférieur à celui de 2018 (2 705,
dont 289 affaires de référence) et de 2017 (un nombre record de
3 691, dont 311 affaires de référence). Les affaires clôturées en
2019 (dont la majorité sont des affaires répétitives) concernaient
principalement la Turquie (732), l’Ukraine (443), la Fédération
de Russie (162), la Roumanie (113), l’Italie (85), la Grèce (84),
la Hongrie (77), la Bulgarie (56), la République de Moldova (41),
la Pologne (41) et enfin la Serbie (35).
62. S’agissant des principaux thèmes placés sous surveillance
soutenue, fin 2019, plus de la moitié des affaires concernaient
cinq grands problèmes: les actions des forces de sécurité (17 %),
la légalité de la détention provisoire et les questions connexes
(10 %), les situations spécifiques liées aux violations du droit
à la vie et aux mauvais traitements (9 %), les conditions de détention
et l’absence de soins médicaux (8 %) et la durée excessive des procédures
judiciaires (8 %). Ils sont suivis par les autres ingérences dans
les droits de propriété (7 %), la non-exécution des décisions de
justice internes (5 %), la légalité de l’expulsion ou de l’extradition
(4 %), les violations de la liberté de réunion et d’association
(4 %) et les violations de la liberté d’expression (4 %). Comme
le souligne le Rapport annuel 2019, à la fin de l’année 2019, la
part des affaires relatives à la durée excessive des procédures
judiciaires était descendue à 8 % (contre 22 % en 2011), ce qui pourrait
s’expliquer par la mise en place de recours effectifs au niveau
national. Ensemble, ces thèmes couvrent 76 % des affaires pendantes
devant le Comité des Ministres, sous surveillance soutenue. Pour
81 % de ces affaires, la répartition par pays est la suivante: Fédération
de Russie (19 %), Ukraine (17 %), Turquie (11 %), Roumanie (8 %),
Italie (6 %), Bulgarie (6 %), Azerbaïdjan (5 %), Pologne (3 %),
Grèce (3 %) et Hongrie (3 %).
64. Le Rapport annuel 2019 révèle aussi que la notion de «responsabilité
partagée» à l’égard de la mise en œuvre des normes de la Convention
témoigne de la volonté d’associer davantage les acteurs nationaux
au processus de surveillance devant le Comité des Ministres, en
particulier les médiateurs et la société civile, ainsi que d’autres
organes du Conseil de l’Europe, tels que la Commissaire aux droits
de l’homme, le CPT, la Commission de Venise, la Commission européenne
contre le racisme et l’intolérance (ECRI), la Banque de développement
du Conseil de l’Europe (qui a été l’un des fondateurs du HRTF),
sans oublier, bien sûr, l’Assemblée elle-même. L’affaire
Zorica Jovanović c. Serbie , concernant la disparition
de bébés dans les maternités, en est un bon exemple: grâce à une
coopération fructueuse entre les autorités serbes et le Conseil de
l’Europe, une loi instituant un mécanisme d’enquête a été adoptée
au début de l’année 2020 pour établir le sort des «bébés disparus»
.
65. Comme l’indique le Rapport annuel 2019, les progrès réalisés
au cours de la deuxième décennie de ce siècle sont particulièrement
évidents par rapport à la décennie précédente, qui a suivi la conférence ministérielle
de Rome en novembre 2000 à l’occasion du 50e anniversaire
de la Convention. Cela prouve l’efficacité du processus d’Interlaken
entamé en 2010 et l’effet salutaire du Protocole no 14
à la Convention, entré en vigueur en juin 2010 pour faire face à
la situation extrêmement difficile de la Cour, avec plus de 10 000 affaires
pendantes devant le Comité des Ministres
.
66. Les réformes des méthodes de travail du Comité des Ministres
entreprises en 2011 ont été présentées dans les rapports de mes
prédécesseurs. Depuis 2017, des faits nouveaux se sont produits,
dont certains ont été décrits plus haut (voir le chapitre 2). Au
niveau politique, la
Déclaration
de Copenhague, adoptée pendant une conférence de haut niveau en avril
2018 puis approuvée par le Comité des Ministres lors de la conférence ministérielle
de Copenhague les 11 et 12 mai 2018, a rappelé «l’immense contribution»
du système de la Convention à la protection et à la promotion des
droits de l’homme et l’importance de «l’engagement politique fort»
des États parties à la Convention à exécuter les arrêts de la Cour.
Elle les a appelés à renforcer leurs capacités pour exécuter de
manière rapide et efficace les arrêts au niveau national et a invité
le Conseil de l’Europe à offrir une assistance technique aux États
qui rencontreraient des difficultés dans ce processus
de l’Assemblée («Déclaration de Copenhague: évaluation
et suivi»), adoptée le 26 avril 2018, ainsi que la réponse du Comité
des Ministres, Doc. 14616, 14 septembre 2018. Elle a
également encouragé l’organisation de débats thématiques qui s’est
poursuivie par la suite
– le Comité
des Ministres ayant tenu un deuxième débat thématique sur l’effectivité
des enquêtes menées sur les actions des forces de sécurité le 12 mars
2019. En outre, la Déclaration de Copenhague a appelé les États parties
à la Convention à assurer l’implication des parlements pour garantir
que les politiques et les législations soient pleinement conformes
à la Convention
.
67. Le 16 octobre 2019, le Comité des Ministres a mis à jour sa
recommandation CM/Rec(2004)4 aux États membres sur le système de
la Convention européenne dans l’enseignement universitaire et la
formation professionnelle en adoptant une nouvelle recommandation,
CM/Rec(2019)5. Il a également demandé au CDDH d’envisager la mise
à jour des autres recommandations pertinentes avant la fin de l’année
2021. En novembre 2019, le CDDH a présenté sa contribution à l’évaluation
du processus d’Interlaken
. Il a conclu que
ce processus permettait au système de la Convention de faire face
aux nouveaux défis et a considéré qu’il n’était pas nécessaire de
procéder à une révision majeure du système. Il a également souligné
la nécessité d’accroître les ressources de ce processus, tant au
niveau national qu’international (la Cour et le Service de l’exécution
des arrêts de la Cour), et de renforcer la contribution des parlements
nationaux à l’égard de l’exécution des arrêts de la Cour. L’évaluation
du processus d’Interlaken par le Comité des Ministres est toujours
en cours.
68. En ce qui concerne l’implication des parlements, plus d’informations
sont disponibles dans l’annexe de la note d’information
AS/Jur(2019)45 du 8 novembre 2019, qui résume les communications soumises
par 27 délégations nationales à l’Assemblée. Il s’ensuit que de
nombreux parlements nationaux ne disposent toujours pas de structures
permanentes pour suivre l’exécution des arrêts de la Cour et la
mise en œuvre de la Convention en général. S’agissant des activités
du Secrétariat de l’Assemblée, la Division de soutien de projets
parlementaires (DSPP) a organisé plusieurs séminaires pour les parlementaires
et le personnel des parlements nationaux sur le rôle joué par les
parlements nationaux dans la mise en œuvre des normes de la Convention
. Un manuel à destination
des parlementaires intitulé
«Les parlements
nationaux, garants des droits de l’homme en Europe» a été publié en 2018 et est désormais disponible dans
11 langues. Le rôle de l’Assemblée dans la surveillance de l’exécution
des arrêts de la Cour a été mis en exergue dans sa récente
Résolution
2277 (2019) «Rôle et mission de l’Assemblée parlementaire: principaux
défis pour l’avenir», du 10 avril 2019.
7. Conclusions
69. Comme le souligne le Rapport
annuel 2019, les réformes récentes ont permis au Comité des Ministres de
clore plus rapidement les affaires pendantes. Leur nombre ne cesse
de baisser. Toutefois, un nombre considérable d’affaires de référence
n’ont toujours pas été exécutées en raison de problèmes fortement enracinés,
tels que l’intérêt politique constant, les préjugés persistants
à l’encontre de certains groupes dans la société, une organisation
nationale inadéquate ou l’absence de ressources nécessaires
.
L’aperçu des problèmes qui se posent de longue date dans les neuf
pays analysés dans les rapports de 2017 et de 2015 de mes prédécesseurs
montre que la majorité des «vieilles» affaires, c’est-à-dire celles
qui sont pendantes depuis au moins cinq ans, n’ont toujours pas
été pleinement exécutées. Depuis l’adoption du rapport de M. Le
Borgn’ en mai 2017, seules quelques-unes de ces affaires concernant
principalement la Turquie, l’Italie et la République de Moldova
ont été clôturées. Bon nombre des affaires citées dans ce rapport
sont aujourd’hui pendantes depuis plus de dix ans, ou plus encore
(par exemple, l’affaire
Chypre c. Turquie remonte
à 2001). Il est également inquiétant de constater que, dans le cas
de certains problèmes structurels de longue date révélés par des
arrêts de la Cour, certains États ont fait marche arrière (comme
la Roumanie à l’égard des mauvaises conditions de détention, en
raison de bouleversements politiques inattendus).
70. Comme le montre le chapitre 4 du présent rapport, des difficultés
persistent dans l’exécution de certains arrêts, qui sont liées à
l’absence de volonté politique, voire à l’existence d’un désaccord
manifeste avec un arrêt de la Cour, notamment lorsqu’il s’agit d’affaires
interétatiques ou présentant des caractéristiques interétatiques.
Toutefois, en ce qui concerne les affaires décrites dans le rapport
de M. Le Borgn’ comme des «poches de résistance», certaines d’entre
elles ont enregistré des progrès depuis 2017 (Sejdić
et Finci c. Bosnie-Herzégovine, Paksas
c. Lituanie, Al-Nashiri et Husayn c. Pologne, dont la mise
en œuvre dépend aussi de la volonté politique d’un État non-membre
du Conseil de l’Europe, et enfin, Ilgar
Mammadov (no 1) c. Azerbaïdjan). Dans les affaires interétatiques
ou liées à des conflits territoriaux entre États membres du Conseil
de l’Europe (Catan c. Moldova et Russie,
Sargsyan c. Azerbaïdjan et Chiragov
et autres c. Arménie), les progrès ont été lents, voire
inexistants. Cette situation démontre la persistance avec laquelle
les intérêts politiques ou nationaux sont impliqués dans l’exécution
des arrêts de la Cour.
71. La principale «poche de résistance» est sans nul doute l’affaire OAO Neftyanaya Kompaniya YUKOS c. Russie non
seulement en raison de l’importante somme d’argent qui doit être
payée mais également en raison des questions politiques en jeu.
La résistance systématique des autorités russes au paiement de la satisfaction
équitable octroyée par la Cour a entraîné des changements au plus
haut niveau normatif (la Constitution). De ce fait, l’exécution
de cet arrêt est devenue encore plus difficile. L’exécution de l’arrêt Ilgar Mammadov c. Azerbaïdjan (no1) s’est
aussi heurtée à une forte résistance, mais il semble que la toute première
application de la procédure en manquement prévue à l’article 46,
paragraphes 3 à 5, de la Convention, combinée aux pressions politiques
exercées par plusieurs acteurs internationaux, ait amené les autorités
azerbaïdjanaises, y compris le pouvoir judiciaire, à revoir leur
position. J’espère que, à la suite de l’acquittement récent de MM. Mammadov
et Jafarov, les conséquences négatives des violations de la Convention
pour les six autres requérants de ce groupe d’affaires seront effacées
dès que possible. J’encourage également le Comité des Ministres
à faire usage de la procédure prévue à l’article 46, paragraphes
3 à 5, de la Convention pour d’autres affaires importantes, dans
lesquelles un État défendeur refuse obstinément de prendre les mesures
d’exécution requises. Cette procédure doit toutefois être appliquée avec
parcimonie et dans des circonstances tout à fait exceptionnelles.
En règle générale, le Comité des Ministres doit continuer à utiliser
ses instruments habituels de pression par les autres États parties,
tels que les résolutions intérimaires ou l’examen répété des affaires
lors des réunions DH, non seulement pour exprimer son désaccord
politique avec l’action insuffisante de l’État concerné, mais aussi
pour donner plus de visibilité aux questions qui sont en jeu. La
société civile et les institutions nationales pour la promotion
et la protection des droits de l’homme doivent être encouragées
à participer au processus de surveillance de l’exécution des arrêts
par le Comité des Ministres, en soumettant des communications sur
des mesures individuelles et générales. Une coopération plus systématique
avec elles est fortement encouragée.
72. Les États parties à la Convention ont accompli certains progrès
pour assurer le respect de la Convention en entamant d’importantes
réformes à la suite des arrêts de la Cour. Toutefois, malgré les
données optimistes présentées dans le Rapport annuel 2019, de nombreux
défis, nouveaux et anciens, se profilent. Les États doivent continuer
à s’engager et à agir en amont, à tous les niveaux de pouvoir, dans
le processus d’exécution des arrêts de la Cour et doivent coopérer
pleinement avec le Comité des Ministres, le Service de l’exécution des
arrêts de la Cour et les autres organes compétents du Conseil de
l’Europe. Si les mesures d’exécution ne sont pas adoptées ou si
elles n’offrent pas de réparation en pratique, de nouvelles requêtes
seront déposées devant la Cour, qui seront suivies de nouveaux arrêts
constatant encore plus de violations de la Convention, ce qui donnera
lieu à une surveillance encore plus rigoureuse du Comité des Ministres.
Comme le montre l’aperçu des affaires ci-dessus, les parlements
ont un rôle particulier à jouer à cet égard, nombre d’arrêts relatifs
à des problèmes complexes ou structurels n’ayant pas été exécutés
en raison d’un manque de mesures législatives. De nombreux parlements
n’ont toujours pas mis en place de structures spéciales pour examiner la
compatibilité des projets de loi avec la Convention et pour contrôler
systématiquement l’exécution des arrêts de la Cour qui concernent
leur pays. Ils n’ont pas non plus organisé de débats parlementaires
réguliers sur ce sujet. Il est important que nous, parlementaires,
ayons la possibilité d’interroger les gouvernements sur leurs actions
en lien avec les mesures d’exécution, y compris, le cas échéant,
sur l’élaboration de plans d’action ou de rapports. L’Assemblée
doit continuer à défendre l’idée selon laquelle des structures parlementaires
doivent être mises en place pour garantir la compatibilité des projets
de loi avec la Convention et la jurisprudence de la Cour, dans la
lignée de ses résolutions précédentes, notamment la
Résolution
2178 (2017) «La mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des
droits de l’homme» et la
Résolution
1823 (2011) «Les parlements nationaux: garants des droits de l’homme
en Europe». En outre, chaque membre de l’Assemblée a un rôle particulier
à jouer dans la promotion de ces mesures et la sensibilisation aux
normes de la Convention au sein de son parlement national.
73. Cette année marque le 70e anniversaire
de la signature de la Convention européenne des droits de l’homme,
le «premier traité d’après-guerre à prévoir un processus décisionnel
supranational» et un «instrument vivant qui doit être lu à la lumière
des conditions actuelles»
. Les
États ont incorporé la Convention dans leur droit interne et l’effet
direct des arrêts de la Cour au sein des États parties concernés ainsi
que de sa jurisprudence en général est de plus en plus reconnu.
Il est néanmoins regrettable que, sept ans après son adoption, le
Protocole no 15 à la Convention, qui
renforce le principe de subsidiarité, n’ait toujours pas été ratifié
par l’ensemble des États parties à la Convention
.
En ce qui concerne le Protocole no 16,
qui renforce la possibilité de dialogue entre les plus hautes juridictions
nationales et la Cour par une nouvelle procédure de demande d’avis
consultatif, seuls 15 États parties à la Convention l’ont ratifié
.
Par conséquent, l’Assemblée doit également appeler les États membres
à ratifier ces deux protocoles dès que possible.
74. La primauté du droit doit être accompagnée de la responsabilité
si elle est censée avoir des effets réels et les États doivent assumer
cette responsabilité. Il est devenu évident, lors de la rédaction
de ce rapport, que les priorités politiques et nationales privent
souvent les arrêts de la Cour de leur effet. Dans plusieurs affaires, la
réaction timide du Comité des Ministres face à une non-exécution
d’un arrêt de la Cour, complique la situation et démontre que la
procédure de l’article 46 de la Convention est indispensable, en
réponse à une réticence récurrente à mettre en œuvre les arrêts
de la