1. Introduction
1. Le présent rapport se fonde
sur une proposition de résolution que plusieurs membres de l’Assemblée parlementaire
et moi-même avons déposée le 7 avril 2021
. La proposition a été renvoyée en
commission par le Bureau le 16 avril. La commission m’a nommé rapporteur
le 19 avril 2021.
2. Il est indiqué dans la proposition que l’introduction de «passeports
ou certificats covid-19» peut être une étape importante pour permettre
un retour progressif au plein exercice des droits et des libertés
qui sont actuellement restreints, mais que ces documents posent
en eux-mêmes des défis importants en matière de liberté de circulation,
de lutte contre la discrimination, de protection des données et
de lutte contre la criminalité organisée (notamment la contrefaçon).
Les passeports ou certificats covid peuvent avoir divers objectifs, notamment
au niveau international, pour permettre aux citoyens de circuler,
et au niveau national, pour leur permettre d’exercer certaines libertés
ou d’accéder à certaines prestations. Les normes du Conseil de l’Europe doivent
être scrupuleusement respectées, notamment celles qui sont énoncées
par la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5)
et par la Convention pour la protection des personnes à l’égard
du traitement automatisé des données à caractère personnel (STE
no 108). Les parlements nationaux doivent
veiller à la légalité et à la proportionnalité de chacune de ces
mesures, tout en examinant leur dimension éthique.
3. Bien qu’il soit inévitable, et même nécessaire, d’aborder
dans une certaine mesure les questions d’ordre médical dans le présent
rapport, je considère que le mandat qui m’a été donné implique qu’il
ne s’agisse pas d’un rapport sur la vaccination, l’immunité post-infection
ou le dépistage en tant que tels
ni d’un rapport sur les
technologies de l’information ou les aspects purement administratifs
des pass covid.
4. Le 19 avril 2021, l’Assemblée a tenu un débat d’actualité
sous le même intitulé que le présent rapport. J’ai ouvert ce débat
et j’ai écouté avec grand intérêt les interven ants. J’ai tenu compte
de leurs interventions dans l’élaboration du présent rapport, comme
l’a demandé le Bureau dans sa décision du 26 avril sur les suites à
donner au débat d’actualité.
5. Bien que ce rapport ait été établi selon un calendrier intense
et serré, j’ai pu consulter deux experts éminents: la professeure
Siobhan O’Sullivan, responsable des questions de bioéthique au ministère
irlandais de la Santé, professeure en éthique et droit des soins
de santé au Royal College of Surgeons Ireland, vice-présidente du
Groupe européen d’éthique des sciences et des nouvelles technologies
de la Commission européenne et vice-présidente du Comité de bioéthique
du Conseil de l’Europe (DH-BIO); et le professeur Ross Upshur de
l’École de santé publique Dalla Lana de l’université de Toronto
(Canada), vice-président du Groupe d’experts de l’Organisation mondiale
de la santé (OMS) sur l’éthique et la covid-19. Je tiens à les remercier
tous les deux de leur disponibilité malgré des délais serrés ainsi
que de leurs précieux conseils. J’ai aussi bénéficié des aimables
conseils de la professeure Samia Hurst, experte en bioéthique, directrice
de l’Institut Éthique Histoire Humanités de l’Université de Genève
et vice-présidente de la Swiss National COVID-19 Science Task Force.
Je me suis également appuyé sur le document d’information intitulé
«Protection des droits de l’homme et ‘pass vaccinal’», publié par
la Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe le 31 mars 2021
,
sur la «Déclaration sur les considérations relatives aux droits
de l’homme concernant le ‘pass vaccinal’ et les documents similaires»
publiée par le DH-BIO
ainsi que sur la déclaration «Vaccination,
attestations covid-19 et protection des données» publiée par le
Comité consultatif de la Convention 108 du Conseil de l’Europe (T-PD)
.
6. Les options et appellations sont multiples: «pass» sanitaire
ou vert, passeport vaccinal, certificat sanitaire numérique ou encore
certificat vert numérique. Aux fins du présent rapport j’ai pris
l’option de parler principalement de «certificat» lorsqu’il s’agit
d’un document attestant du statut vaccinal ayant un usage médical.
Le terme «pass» a lui été privilégié lorsqu’il s’agit d’un document
visant à permettre le rétablissement de la jouissance de certains
droits ou libertés, en levant partiellement les restrictions au
plan interne ou international. Ce terme, préféré au terme de «passeport»
est celui utilisé dans le document d’information établi par la Secrétaire
générale du Conseil de l’Europe et dans la Déclaration du DH-BIO
(voir ci-dessus).
7. L’état des connaissances scientifiques, notamment en ce qui
concerne les risques relatifs de transmission du SRAS-CoV-2, est
un élément capital, qui est en évolution rapide et constante. Le
présent rapport se fonde sur les informations disponibles au 10 mai
2021.
2. Exemples actuels et propositions de
pass ou de certificats covid
8. De nombreux pays européens
ont exprimé la volonté de mettre en place des systèmes de pass covid ou
de lever les restrictions pour les voyageurs ou plus généralement
les personnes qui détiennent des documents de ce type. En décembre 2020,
Chypre a déclaré qu’elle supprimerait l’obligation de subir un dépistage
de la covid-19 pour les personnes arrivant sur son territoire si
elles sont vaccinées. La Grèce a levé les obligations de quarantaine
pour les voyageurs qui ont été vaccinés ou qui ont fait récemment
un test PCR dont le résultat est négatif. Début avril 2021, le Danemark
a instauré un «coronapas», qui est obligatoire pour se rendre dans
les salons de coiffure, dans les bars et les restaurants ainsi que
dans d’autres commerces, au fur et à mesure de leur réouverture
dans les semaines suivant cette décision. Ce document sera accessible aux
personnes qui ont été vaccinées, qui ont été infectées et qui sont
rétablies ou qui ont un test négatif récent à présenter. Fin avril 2021,
la France a modifié son application mobile «TousAntiCovid» pour
qu’elle prenne en compte le statut vaccinal et les résultats négatifs
des tests, tandis que l’Estonie a mis en place un certificat numérique
«VaccineGuard», qui atteste que son détenteur a été vacciné; dans
les deux cas, l’objectif est d’intégrer le système de «certificat
vert numérique» proposé par l’Union européenne (voir ci-dessous).
Le Gouvernement suisse prévoit de délivrer, d’ici à cet été, des
certificats covid sur smartphone ou sur papier à toutes les personnes
qui ont été vaccinées, qui ont été infectées et qui sont rétablies
ou qui ont un test négatif récent à présenter; ils seront associés
à un système de stockage de données décentralisé compatible avec celui
du certificat vert numérique de l’Union européenne.
9. Certaines sociétés et certains organismes de voyage privés
ont pris des initiatives dans ce domaine. L’Association internationale
du transport aérien (IATA) a conçu une application, «Travel Pass»,
qui permet aux voyageurs d’indiquer leur statut vaccinal. Ce Travel
Pass est actuellement utilisé par plusieurs compagnies aériennes
internationales, notamment européennes
. De nombreuses compagnies de croisière
imposent désormais que les passagers soient complètement vaccinés
au moins 14 jours avant le voyage; certaines exigent en outre ou
à défaut la preuve d’un test PCR négatif ou font aussi passer des
tests antigéniques avant l’embarquement
.
10. La Commission européenne a proposé la mise en place d’un «certificat
vert numérique» (ci-après CVN) qui devrait être adopté cet été.
Le CVN serait délivré à toute personne qui a été vaccinée, qui a
été contaminée et qui est rétablie ou qui a un test négatif récent
à présenter. Selon la Commission européenne, l’utilisation de ces
trois statuts différents éviterait tout risque de discrimination
à l’égard des personnes non vaccinées. Le CVN permettrait en outre
de lever les restrictions à la liberté de circulation au sein de
l’Union européenne pour les citoyens d’États membres de l’Union
européenne ou les ressortissants de pays tiers résidant légalement dans
l’Union européenne qui sont en possession de ce certificat. Il ne
s’agirait pas d’une condition préalable à l’exercice du droit à
la liberté de circulation en vertu du droit de l’Union européenne,
mais plutôt d’un fondement sur lequel s’appuieraient les exemptions
aux restrictions, telles que le dépistage ou le placement en quarantaine
à l’arrivée. Une quantité minimale de données médicales essentielles
seraient enregistrées dans le certificat lui-même.
11. Israël, qui a l’un des taux de vaccination par habitant les
plus élevés au monde, a instauré un système de «passeport vert»
en février 2021. Un passeport vert est ainsi délivré à toutes les
personnes qui ont été vaccinées, qui ont contracté la covid-19 et
qui sont rétablies ou, pour celles qui ont moins de 16 ans, qui
ont été testées négatives. Il est émis par le ministère national
de la Santé et est nécessaire pour entrer dans les salles de sport,
les piscines, les restaurants et les cafés, les hôtels, les enceintes
sportives, les lieux de manifestations culturelles et d’autres espaces
sociaux
.
12. L’OMS travaille également à l’élaboration d’un «certificat
de vaccination intelligent». Le but de ces travaux est toutefois
médical et consiste essentiellement à établir «des caractéristiques
fondamentales, des normes et un environnement de confiance pour
la création d’un certificat de vaccination numérique afin de faciliter
la mise en œuvre de solutions numériques efficaces et interopérables
favorisant l’administration du vaccin contre la covid-19 et son
suivi, dans la perspective qu’elles soient applicables à d’autres
vaccins»
.
3. Importance
des pass ou certificats covid sur le plan médical
13. Les «pass ou certificats covid»
ont été désignés sous de nombreuses appellations différentes. Cependant,
ce que représenterait un tel document est plus important que son
intitulé. Un pass ou un certificat covid constituerait un document
officiel attestant qu’une personne a été vaccinée contre la covid-19;
qu’une personne s’est rétablie après avoir contracté la covid-19
et/ou qu’une personne a obtenu un résultat négatif à un test de
dépistage de l’infection.
14. Ces trois éléments – la vaccination, l’infection antérieure
et le résultat négatif du test – ne sont pas identiques, que ce
soit intrinsèquement ou dans leurs implications médicales. La vaccination
et la guérison après une contamination antérieure peuvent garantir
une protection durable contre la transmission de la maladie, mais
la portée et la durée de cette protection sont incertaines à l’heure
actuelle. Par ailleurs, l’efficacité des vaccins en matière de prévention
de la transmission peut varier d’un vaccin à l’autre, et les différents
vaccins peuvent offrir divers degrés de protection contre les différents
variants du virus SRAS-CoV-2. Il est clair que le résultat négatif
d’un test n’est qu’une indication concernant une situation antérieure,
qui peut évoluer à tout moment après le prélèvement de l’échantillon.
En d’autres termes, il serait particulièrement simpliste de considérer
ces trois aspects comme identiques, ou même comme fondamentalement
similaires.
15. Les vaccins actuellement utilisés ont été mis au point et
testés principalement pour leur efficacité à prévenir l’apparition
d’une forme grave de la covid-19 chez un individu. Leur efficacité
à empêcher une personne d’être contaminée par le virus SRAS-CoV-2
ou de transmettre l’infection à une autre personne n’a pas été testée.
Contrairement au vaccin contre la fièvre jaune, ils n’offrent pas
une «stérilisation» contre l’infection. Ainsi, une personne qui
a été vaccinée contre la covid-19 peut encore être contaminée, même
si elle ne présente pas de symptômes, et une fois contaminée, elle
peut ensuite transmettre la maladie à d’autres personnes. Il convient
aussi de garder à l’esprit que les vaccins contre la covid-19 sont
toujours administrés dans le cadre d’une «autorisation d’utilisation
d’urgence» accordée par l’OMS, et non d’une véritable «autorisation
de mise sur le marché».
16. Des données récentes suggèrent que l’effet de la vaccination
sur le risque de transmission peut être significatif. Selon une
étude publiée par Public Health England le 28 avril 2021, la «probabilité
d’une transmission au sein du foyer est inférieure de 40 à 50 %
pour les foyers dans lesquels les cas index sont vaccinés au moins
21 jours avant d’avoir été testés positifs (par rapport à des cas
non vaccinés)», des effets similaires étant constatés pour les vaccins
Astra-Zeneca et Pfizer; il est intéressant de noter que la plupart
des cas vaccinés dans cette étude n’avaient reçu qu’une seule dose
.
Cette étude ne traite toutefois pas de l’ensemble des vaccins et
régimes de vaccination et n’examine pas non plus si les effets sont
différents en fonction des variants du SRAS-CoV-2. Une analyse publiée
en ligne le 6 mai par l’Institut allemand Robert Koch cherche à
synthétiser les différentes études connues sur cette question à
cette date. Elle conclut: «Les études (analysées) permettent de
conclure que, selon les données actuelles, la vaccination contre
la Covid-19 entraîne une réduction significative des infections
par le SRAS-CoV-2, quel que soit le type de vaccin utilisé. Ce chiffre
se situe dans la fourchette de 80 à 90 % après une série complète
de vaccinations dans les études disponibles à ce jour et est donc
similaire à l'efficacité des vaccins dans la prévention de la covid-19
sévère. D'autres données montrent que même chez les personnes qui
deviennent positives à un test PCR ou sont infectées de manière
asymptomatique malgré la vaccination, la charge virale est significativement
réduite et l'excrétion virale est raccourcie. Globalement, les données
suggèrent que la vaccination réduit significativement la probabilité
de transmission». L’étude souligne néanmoins que les ressources
scientifiques sont encore peu nombreuses, émanent d’un petit nombre
de pays (principalement USA, Royaume-Uni et Israël) et portant essentiellement
sur le vaccin de BioNTech/Pfizer, que la plupart des études n’ont
pas encore été soumises à des analyses de pairs (
peer-review), qu’elles n’offrent
pour l’heure que peu ou pas d’information sur les variants du virus,
à l’exception du variant dit britannique, et qu’elles ne disent
encore rien sur la durée de cette protection
.
En d’autres termes, au moment de la rédaction du présent rapport,
les travaux scientifiques sont encore loin d’être concluants et
les effets de la vaccination sur le risque de transmission ne peuvent
être établis avec suffisamment de certitude pour que des décisions
politiques durables soient prises sur des questions de santé publique.
Cependant, la situation évolue rapidement et les dernières études
laissent penser que l’on disposera bientôt d’éléments suffisamment
probants.
17. Le 19 avril, l’OMS a publié des lignes directrices très claires
à l’intention des États: «Ne pas exiger de preuve de vaccination
comme condition d’entrée, dans la mesure où l’on dispose d’un nombre
limité (bien que croissant) de données sur la capacité des vaccins
de réduire la transmission et qu’il persiste des inégalités dans
la distribution des vaccins à travers le monde. Les États Parties
sont fortement encouragés à reconnaître qu’exiger une preuve de
vaccination peut accroître les inégalités et promouvoir une liberté
de circulation différenciée»
.
18. Le 21 avril 2021, le Centre européen de prévention et de contrôle
des maladies (ECDC) a lui écrit: «Le risque de contracter une forme
grave de la covid-19 pour un adulte non vacciné ayant été en contact
avec une personne complètement vaccinée exposée à une infection
par le SRAS-CoV-2 est entre très faible et faible chez les adultes
jeunes et d’âge moyen ne présentant pas de facteurs de risque de
forme grave de la covid-19, et modérée chez les adultes plus âgés
ou les personnes présentant des facteurs de risque sous-jacents (les
données l’attestant sont limitées pour le moment).» L’ECDC a en
outre indiqué que les exigences en matière de tests et de quarantaine
imposées aux voyageurs, ainsi que la pratique de tests réguliers
sur le lieu de travail, pouvaient être supprimées ou modifiées pour
les personnes totalement vaccinées dès lors que la circulation de
variants capables d’échappement immunitaire était inexistante ou
très faible. Il ajoute que «dans le contexte épidémiologique actuel
dans l’Union européenne/Espace économique européen, dans l’espace public
et à l’occasion de grands rassemblements, notamment pendant les
voyages, les INP (interventions non pharmacologiques, telles que
le port du masque et la distanciation physique) devraient être maintenues
quel que soit le statut vaccinal des individus». Le rapport de l’ECDC
s’appuie sur une étude écossaise selon laquelle «la vaccination
d’un membre du foyer réduit le risque d’infection chez les membres
du foyer d’au moins 30 %» et sur des données montrant que «la vaccination
réduit de façon significative la charge virale, la durée de l’excrétion
du virus et les contaminations symptomatiques/asymptomatiques chez
les personnes vaccinées, ce qui pourrait se traduire par une réduction
de la transmission, bien que ces effets puissent varier en fonction
du produit vaccinal, du groupe cible et des variants du SRAS-CoV-2»
.
19. L’état des connaissances scientifiques concernant l’immunité
à la covid-19 acquise à la suite d’une infection et la possibilité
que cette immunité acquise empêche l’individu concerné d’agir comme
un vecteur de transmission est également incertain. Pour ce qui
est des résultats négatifs des tests, certains tests sont plus fiables
que d’autres. Les tests PCR sont considérés comme la technique de
référence, en raison de leur très bonne précision. Ils ont même
été critiqués pour leur trop grande sensibilité, notamment au cours
de la dernière phase de l’infection, lorsque la personne est moins
contagieuse
. Les tests antigéniques
rapides, en revanche, produiraient entre 30 et 40 % de faux négatifs,
selon que le patient est symptomatique ou non
.
20. Il semble que la Commission européenne, dans sa proposition
relative à un CVN, n’a pas tenu compte de l’importance potentielle
des différences entre les personnes qui ont été vaccinées, celles
qui se sont remises d’une contamination ou celles qui ont été testées
négatives, ni n’a évalué les incidences de ces trois statuts sur
le risque de transmission. Le CVN n’aborde donc pas un grand nombre
des questions juridiques fondamentales et relatives aux droits humains
qui sont en jeu. En effet, il est possible que ce document soit conçu
principalement comme un outil d’harmonisation administrative et
d’interopérabilité technique. Néanmoins, on peut supposer qu’un
document produit sous l’autorité et sous l’égide de l’Union européenne serait
perçu comme crédible et fiable par une majeure partie de la population,
qui pourrait lui accorder plus d’importance que prévu. Cela pourrait
entraîner une augmentation involontaire des comportements à risque chez
les personnes qui détiennent un pass covid, les prestataires de
services liés au tourisme, par exemple, et les autorités publiques
dans les pays de destination de voyages, ce qui pourrait avoir des
conséquences dévastatrices pour la campagne visant à mettre fin
à la pandémie de covid-19 et à éviter la propagation de nouveaux
variants. Alors que les personnes vaccinées ou guéries sont elles-mêmes
largement protégées, ce n’est en outre pas le cas des personnes
testées négatives. Si celles-ci participent à un événement où se trouvent
malgré tout une ou des personnes contagieuses, ce seront ces personnes
qui seront les plus à risque d’être infectées. Toute communication
sur le pass covid doit être claire sur ce point, car ces personnes
doivent savoir qu’elles s’exposent à un risque résiduel malgré le
pass. Celui-ci n’a en effet pas pour vocation un risque zéro pour
les individus, il a pour vocation la diminution du risque collectif
de nouvelles flambées épidémiques. La Commission européenne autant
que les autorités nationales devraient prendre des mesures appropriées pour
prendre en compte ces éléments.
21. Les amendements récemment apportés par le Parlement européen
à la proposition de la Commission européenne concernant un règlement
relatif à un «certificat vert numérique» semblent toutefois tirer
des conclusions sur les preuves scientifiques disponibles. Il est
ainsi indiqué dans une proposition d’amendement que, «selon l’état
actuel des connaissances médicales», les personnes qui ont été vaccinées
ou qui présentent un test négatif récent ou un test positif à des
anticorps spécifiques «présentent un risque considérablement réduit»
de contamination d’autres personnes par le SRAS-CoV-2. Pourtant,
l’amendement suivant dispose qu’«il est encore difficile de savoir
si les vaccins empêchent la transmission de la Covid-19. De même,
il n’existe pas suffisamment de preuves sur la durée de la protection
effective contre la Covid-19 à la suite de la guérison après une
infection antérieure». Ces deux énoncés sont difficilement conciliables,
ce qui souligne la nécessité d’être prudent avant de tirer des conclusions
juridiques ou politiques d’une situation
.
4. Utilisations
envisageables du document
22. Un «pass/certificat covid»
peut essentiellement viser trois finalités. Tout d’abord, il pourrait
servir de document établissant officiellement le statut vaccinal
d’un individu, en incluant des informations sur la date de la vaccination
ainsi que sur le type et le lot du vaccin qui a été administré.
Ces informations pourraient être utilisées à des fins médicales,
par exemple pour contribuer à l’étude de l’efficacité des différents
vaccins et régimes de vaccination ou de leurs éventuels effets secondaires.
Cette utilisation correspondrait davantage à la description d’un
«certificat de vaccination». La deuxième finalité de ce document
pourrait être de certifier qu’une personne est protégée contre la
maladie et qu’elle peut donc continuer de se livrer à certaines
activités avec un risque sensiblement réduit de tomber malade. Enfin,
la troisième option serait de certifier qu’un individu présente
un risque sensiblement réduit de transmettre le SRAS-CoV-2 à autrui.
Ces deux derniers objectifs pourraient conduire certaines personnes
à être exemptées des restrictions aux droits et aux libertés destinées
à empêcher la propagation de la maladie, et donc à être autorisées
à reprendre certaines activités (pénétrer dans certains lieux, se
réunir en groupe avec d’autres personnes, exercer certaines fonctions, voyager,
etc.).
23. Si la première utilisation, dans un but médical, d’un «certificat
de vaccination» est clairement légitime et présente en effet une
utilité à des fins de recherche, les autres emplois des «pass covid»
soulèvent des questions complexes et délicates sur les plans juridique,
éthique et des droits humains. Je les étudierai plus en détail ci-dessous.
5. Principales
questions éthiques et relatives aux droits humains
5.1. Traitement
différencié et discrimination
24. S’ils sont utilisés à des fins
non médicales, les pass covid – qu’ils soient établis sur la base
du statut vaccinal, du rétablissement après une contamination ou
d’un test négatif récent – engendreront nécessairement des différences
de traitement entre ceux qui en sont titulaires et ceux qui ne le
sont pas. Ce serait même précisément leur objectif. Ces différences
auraient des répercussions sur des droits et des libertés protégés,
ce qui signifie qu’elles doivent avoir un fondement juridique clair.
25. En vertu de la Convention européenne des droits de l’homme,
une différence de traitement peut constituer une discrimination
si elle est dépourvue de justification objective et raisonnable.
Cette justification suppose que la mesure à l’origine du traitement
différencié (i) ait un but légitime et (ii) soit proportionnée.
La proportionnalité exige de ménager un juste équilibre entre la
protection des intérêts de la collectivité (le but légitime) et
le respect des droits et des libertés de toute personne.
26. La discrimination peut être due, soit au traitement différent
des personnes sur la base d’une distinction dépourvue de pertinence,
soit au traitement identique de personnes qui présentent des différences pertinentes.
27. Dans le cas des pass covid octroyés aux personnes qui ont
été vaccinées, une différence de traitement est déjà à signaler.
Dans la plupart des pays européens, du moins jusqu’à maintenant
(et il en sera probablement de même dans un avenir proche), les
vaccins n’ont pas été mis à la disposition de tout un chacun sans
distinction; au contraire, la priorité a été accordée aux groupes
les plus vulnérables sur le plan médical. Dans la pratique, il peut
y avoir des groupes qui auraient pu ou dû être prioritaires, mais
qui, pour une raison ou une autre, n’ont pas été vaccinés. Cette
situation peut résulter d’une définition inappropriée des groupes prioritaires,
du trop grand éloignement des centres de vaccination ou de leur
inaccessibilité pour certaines personnes vulnérables sur le plan
médical. La non-vaccination de ces groupes peut être discriminatoire.
Il est donc essentiel que la définition des groupes prioritaires
soit fondée sur des critères objectifs, en tenant pleinement compte
de l’avis des experts scientifiques et des recommandations de l’OMS.
28. Aux fins de la présente analyse, toutefois, je partirai du
principe (sans préjudice de la situation réelle dans tout État membre)
que la vaccination ciblée a visé un but légitime et a été proportionnée,
et qu’elle ne constitue donc pas une discrimination. Cette hypothèse
de travail est valide même si un pass covid établi selon le statut
vaccinal entraînerait un double avantage: non seulement certaines
personnes bénéficieraient d’une plus grande protection de leur santé
par rapport à d’autres, mais elles pourraient aussi reprendre certaines activités,
ce qui ne serait pas le cas des autres. Je reviendrai sur ce problème
du «double avantage» ci-après.
29. Cela ne résout pas complètement la situation des personnes
qui n’ont pas pu être vaccinées pour des raisons médicales ni de
celles qui refusent de se faire vacciner, ou qui y sont réticentes,
notamment pour des motifs liés à leur liberté de pensée, de conscience
et de conviction. J’examinerai plus loin la situation de ces personnes.
30. En supposant que la vaccination ciblée n’est pas discriminatoire,
la question est de déterminer si le statut vaccinal (ou le fait
d’être rétabli après une contamination précédente, ou encore un
test négatif récent) est une différence pertinente qui nécessite
un traitement différencié s’agissant des restrictions visant à empêcher
la propagation de la covid-19. Le statut vaccinal (ou la guérison
après une contamination précédente, ou encore un test négatif récent)
n’est pertinent que s’il remplit le même objectif que les restrictions,
à savoir empêcher la propagation de la maladie. Or, cela ne peut
être déterminé que sur la base d’éléments scientifiques clairs et
bien établis. Comme indiqué précédemment, on ne dispose pas encore
de ces preuves scientifiques.
31. Par ailleurs, il est probable que l’effet de la vaccination
sur le risque de transmission dépende du type de vaccin administré
et du régime de vaccination, notamment selon que la personne a reçu
une seule ou deux injections sur les deux qui sont recommandées.
De fait, si les différences d’effet entre les différents vaccins
ou régimes de vaccination s’avéraient significatives, il pourrait
être nécessaire d’établir une distinction non seulement entre les
personnes vaccinées et celles qui ne le sont pas, mais aussi entre
les différents vaccins et régimes de vaccination. Il pourrait même
être nécessaire de faire une distinction entre les pass covid en subordonnant
leur validité à la prévalence des variants du SRAS-CoV-2 dans la
région où ils seraient utilisés et de l’efficacité du vaccin spécifique
(ou de l’immunité acquise à la suite d’une contamination) sur ces
variants.
32. En effet, tant que l’on ne dispose pas de ces éléments, il
pourrait bien s’avérer discriminatoire de lever les restrictions
au profit de ceux qui ont été vaccinés, tout en les maintenant pour
ceux qui ne l’ont pas été. Le seul motif de distinction entre les
deux groupes serait alors le critère retenu pour cibler la vaccination.
Mais ce seul critère – la vulnérabilité à une forme grave de la
covid-19 – ne serait pas pertinent pour lever les restrictions destinées
à enrayer la propagation de la maladie. Ainsi, le deuxième volet
du «double avantage» n’aurait plus sa propre justification distincte
et pourrait donc devenir discriminatoire.
33. Lorsque l’on cherche à déterminer si un traitement différencié
est proportionné, il convient aussi d’examiner si le même but pourrait
être atteint par d’autres moyens impliquant un traitement moins
différencié. Cet aspect est également lié au degré d’efficacité
de la mesure qui sous-tend le traitement différencié, dans le cadre
de la recherche d’un juste équilibre entre la réalisation de l’objectif
de la mesure et l’atteinte aux droits individuels qu’elle engendre.
Les autorités nationales devraient par exemple se demander si la
vaccination est suffisamment efficace dans la limitation de la transmission
pour justifier une différence de traitement significative entre
les personnes vaccinées et non vaccinées. À l’inverse, si un test
négatif récent est nettement moins efficace pour limiter la transmission,
elles devraient se demander s’il ne serait pas insuffisant pour justifier
la même différence de traitement. Il peut donc être discriminatoire
de traiter les personnes ayant un pass covid établi sur la base
d’un test de manière sensiblement différente de celles qui n’ont
pas de pass covid.
34. Comme indiqué précédemment, certaines personnes n’ont pas
été vaccinées parce qu’elles ne peuvent ou ne veulent pas l’être,
et non parce qu’elles ne font pas partie d’un groupe prioritaire.
Tout risque de discrimination pourrait être atténué par la mise
en place de garanties, notamment en proposant à ces personnes d’autres
moyens pour bénéficier elles aussi du rétablissement de certains
droits. C’est la principale raison pour laquelle le débat sur les
«pass vaccinaux» s’est élargi pour inclure les pass covid établis
sur la base de la guérison après contamination et/ou sur les résultats
négatifs des tests. Même si la mesure dans laquelle il est prudent
de lever les restrictions peut être différente entre ces trois groupes,
il est important que les autorités nationales réduisent autant que
possible les différences de traitement entre ceux qui ont eu accès à
la vaccination et ceux qui n’y ont pas eu accès, afin de limiter
le risque de discrimination.
35. Pour que ces trois catégories soient traitées de la même manière,
et différemment des autres, elles doivent être suffisamment similaires
les unes aux autres sur certains aspects pertinents, et suffisamment différentes
des autres. Si les différences relatives en matière de risque de
transmission ne sont pas suffisantes pour justifier que ces catégories
bénéficient du même traitement sensiblement différencié, il peut
en résulter une discrimination injustifiée entre les personnes détenant
un pass covid établi sur la base des résultats des tests et celles
qui n’en ont pas.
36. On pourrait soutenir que les tests de dépistage de la covid-19
sont si largement disponibles et, dans de nombreux pays, si bon
marché que, dans la pratique, une certaine forme de pass covid est
déjà accessible à tous, que l’on soit vacciné ou guéri après avoir
contracté la maladie, ou que cela ne soit pas le cas. Pour déterminer
dans quelle mesure cette affirmation est exacte, il convient de
déterminer si les personnes doivent payer pour obtenir un test –
et si oui, combien – et s’il est acceptable d’exiger d’elles qu’elles
subissent une procédure quelque peu invasive physiquement pour qu’elles
puissent jouir pleinement de leurs droits et libertés. Même si le
fait d’accepter les résultats de tests négatifs signifie que (presque)
tout le monde peut obtenir un pass covid, cela ne signifie pas que
chaque type de pass doit apporter les mêmes avantages – comme indiqué
précédemment, la vaccination ou la guérison après contamination
peuvent offrir une protection durable contre la transmission, qui
ne peut être assurée par un test dont le résultat est négatif.
37. Le caractère objectif et raisonnable – et, en particulier,
proportionné – de la justification d’un traitement différencié dépend
de la nature du droit ou de la liberté en question et de la gravité
de l’ingérence. Sur cette base, il conviendrait peut-être de faire
une distinction entre les voyages pour raisons familiales et les
voyages de loisirs. De même, si des acteurs privés, tels que des
salons de coiffure, des magasins, des musées ou des enceintes sportives,
devaient être en mesure d’exiger une preuve du statut vaccinal (ou
de la guérison après une contamination antérieure, ou encore d’un
test négatif récent) avant de fournir des biens ou des services, une
distinction devrait être établie entre les biens et services essentiels
et non essentiels. (Même si en pratique, cet exercice peut être
assez subjectif et controversé, et peut dépendre de circonstances
spécifiques – pour une personne qui vit loin de son lieu de travail,
par exemple, la cantine de son entreprise peut être la seule solution
dont elle dispose pour déjeuner). L’accès à certains services fournis
par l’État ou en son nom – tels que les soins de santé, les services
sociaux ou les transports publics – ne devrait pas être limité aux détenteurs
d’un pass covid; il en va de même pour l’exercice du droit de vote,
par exemple. L’obligation, imposée aux employés, d’être vaccinés
pour exercer certains emplois a suscité de nombreuses controverses; cette
mesure peut être justifiable s’il est possible de proposer d’autres
tâches aux personnes qui ne peuvent ou ne veulent pas être vaccinées.
L’essentiel est que toute application des pass covid doit tenir
compte de l’importance relative des différents cas d’utilisation,
ce qui est utile pour évaluer le caractère proportionné de ces mesures.
38. De la même manière, la validité des pass covid délivrés selon
des critères différents devrait également tenir compte du contexte
dans lequel ils sont utilisés. Un pass covid établi sur la base
des résultats des tests pourrait être considéré comme suffisant
pour que son titulaire puisse être admis dans un lieu où seuls d’autres titulaires
de pass covid sont présents et pour une période relativement courte,
par exemple pendant un concert – en d’autres termes, des endroits
où le risque de contagion ou de transmission peut être très faible.
En revanche, il peut être considéré comme insuffisant dans un contexte
où le titulaire côtoierait des personnes qui n’ont pas été vaccinées
ou contaminées antérieurement, et qui n’ont pas non plus de tests
négatifs récents à fournir, par exemple lors de vacances à l’étranger
– les risques de contagion et de transmission étant alors beaucoup
plus élevés. Cette situation serait particulièrement vraie en cas
de prévalence de nouveaux variants de la covid-19 dans la région
concernée.
39. La durée de validité du «passeport vert» israélien varie en
fonction du statut sanitaire sur la base duquel il est établi. Un
passeport vert est valable pendant six mois pour les personnes complètement
vaccinées ou celles qui se sont rétablies après une contamination
et qui ont reçu une seule dose de vaccin (pour un vaccin administré
en deux doses), jusqu’au 30 juin 2021 pour les personnes guéries
dont l’infection a été confirmée par sérologie et pendant 72 heures
pour les personnes qui ont un test PCR négatif
.
40. Si les pass covid sont introduits, il conviendra de veiller
à éviter toute discrimination indirecte. Un pass covid qui ne serait
disponible que sur smartphone, par exemple, pourrait entraîner une
discrimination indirecte à l’encontre des personnes âgées et des
membres de groupes socio-économiquement défavorisés, qui sont peut-être
moins à même d’utiliser un smartphone. Les autorités nationales
devraient donc veiller à ce que les pass covid soient également
disponibles au format papier et dans ce cas que des garanties techniques adaptées
soient prévues contre la contrefaçon et le détournement.
5.2. L’absence
de levée des restrictions en tant qu’atteinte à des droits protégés
41. L’Institut européen du droit
(en anglais European Law Institute (ELI)) a analysé cette situation
juridique sous l’angle des limitations imposées aux droits individuels
plutôt que sous l’angle de la discrimination, ce qui est, pour certains,
l’aspect le plus important: la levée des restrictions et la réouverture
de la société et de l’économie dès que possible. L’ELI fait d’abord
valoir que des restrictions générales ne devraient pas être imposées
aux personnes «au-delà de ce qui est nécessaire et proportionné»,
et qu’il pourrait être nécessaire de les lever si «le risque épidémiologique
posé par la personne est faible». Il existe un «risque épidémiologique faible»
lorsqu’il y a, «au vu du cas particulier et des preuves scientifiques,
des raisons suffisantes de croire que la personne ne propagera aucun
variant du virus actuellement en circulation». Si l’analyse juridique
peut être légèrement différente, la conclusion essentielle est la
même: la levée des restrictions, qu’elle soit envisagée pour une
personne en particulier ou comme traitement différencié entre plusieurs
groupes, dépend des éléments scientifiques relatifs au risque de
transmission.
42. L’ELI soutient en outre que les limitations des droits devraient
être levées s’il n’existe pas de «raisons impérieuses d’intérêt
public d’appliquer les restrictions à tous les individus de manière
égale, indépendamment du risque réel». Ces raisons impérieuses «peuvent
notamment concerner des difficultés pratiques pour vérifier tout
certificat pertinent dans les circonstances, un éventuel effet démoralisant
ou perturbateur sur d’autres personnes ou un besoin de sécurité
particulièrement important»
. Je développerai ce point
dans la partie suivante.
5.3. Considérations
d’ordre public pouvant faire obstacle à l’instauration des pass
covid
43. Il existe également un certain
nombre de raisons d’ordre public potentiellement valables qui peuvent s’opposer
à la mise en place des pass covid, même si les données scientifiques
suffisaient à justifier leur caractère non discriminatoire. En d’autres
termes, il y a d’autres facteurs qui pourraient faire pencher la balance
dans l’autre sens.
44. Jusqu’à présent, la pandémie a frappé de façon largement indifférenciée
et les restrictions ont été générales, ce qui donne l’impression
que «tout le monde est dans le même bateau» – malgré le fait qu’en raison
des inégalités sociales préexistantes, tout le monde n’a pas connu
la même souffrance. Même la vaccination ciblée n’a pas fondamentalement
remis en cause ce pacte social, puisque l’on considère en général
qu’il est justifié que les personnes les plus à risque soient vaccinées
en premier – d’autant plus qu’elles sont aussi celles qui ont été
obligées de prendre les précautions les plus importantes et les
plus contraignantes.
45. Le Comité de bioéthique du Conseil de l’Europe (DH-BIO) explique
l’importance de la solidarité pour les politiques de santé publique
visant à lutter contre la covid-19 de la façon suivante: «La vaccination
peut être une illustration du lien indissociable entre droits de
l’Homme – dans ce cas le droit à la protection de la santé – responsabilité
– à savoir celle de protéger ceux qui ne peuvent bénéficier d’une
vaccination – et solidarité – en tant qu’intervention réalisée pour
un bénéfice de santé publique. L’utilisation de «pass» à des fins
non-médicales serait susceptible de porter atteinte à ce lien fondamental
entre droits de l’Homme, responsabilité et solidarité, si essentiel
dans la gestion des risques sanitaires auxquels toutes nos sociétés
sont confrontées. La santé publique et l’approche collective de
la compréhension et de la gestion des risques sanitaires pourraient
être supplantée par une approche individualisée du risque susceptible
d’accroître les inégalités déjà exacerbées par la pandémie»
.
46. Une fois que les restrictions sont levées sur la base d’un
certain statut individuel qui n’est pas également accessible à tous,
alors la solidarité commence à céder la place à l’individualisme.
La capacité d’acceptation des restrictions peut diminuer si d’autres
personnes ne sont plus liées par celles-ci. Les gens peuvent percevoir une
conception binaire qui s’impose comme une certitude: les personnes
vaccinées sont saines et les personnes non vaccinées présentent
un risque. Cette situation pourrait créer une fausse impression
de sécurité chez les personnes vaccinées et les personnes non vaccinées
qui sont en contact avec elles, ce qui pourrait entraîner des comportements
à risque inopportuns. Tant que l’immunité collective n’est pas atteinte
et que des interventions non pharmacologiques sont encore nécessaires
pour garder le contrôle de la pandémie, cela pourrait sérieusement
remettre en cause les bénéfices du programme de vaccination pour
la santé publique.
47. La levée des restrictions pour les détenteurs de pass covid,
en particulier si elle était fondée sur le statut vaccinal, créerait
une différence socialement significative qui pourrait contribuer
à la stigmatisation des personnes non vaccinées. L’OMS définit la
stigmatisation sociale comme «l’association négative entre une personne
ou un groupe de personnes qui partagent certaines caractéristiques
et une maladie spécifique. Dans le cadre d’une épidémie, cela peut
signifier que des personnes sont cataloguées, victimes de stéréotypes
et de discrimination et traitées séparément et/ou qu’elles perdent
leur statut social en raison du lien supposé qu’elles auraient avec
une maladie». L’OMS relève qu’il est possible que la stigmatisation
liée à la covid-19 provienne du fait qu’il s’agit d’une maladie
nouvelle présentant beaucoup d’aspects inconnus, puisque les gens ont
peur de l’inconnu et qu’ils peuvent facilement associer cette peur
à «autrui». Elle indique que «la stigmatisation peut ébranler la
cohésion sociale et provoquer l’isolement social de certains groupes,
ce qui pourrait donner lieu à une situation dans laquelle les risques
que le virus se propage sont plus importants, et non moindres. Ce
phénomène peut faire apparaître des problèmes de santé plus graves
et engendrer des difficultés pour contrôler la propagation de la
maladie»
.
48. Il convient aussi de prendre en compte le coût d’un système
de pass covid. Les autorités publiques disposent de ressources limitées
pour financer les dépenses de santé publique – surtout compte tenu
des répercussions de la pandémie sur l’économie, sur les recettes
fiscales et sur les dépenses publiques. Les dépenses occasionnées
par un système de pass covid risquent de détourner des ressources
spécialisées qui auraient dû être consacrées à d’autres mesures
de prévention contre la covid-19. Comme l’indique l’Institut Ada
Lovelace, les pass covid peuvent «supplanter des politiques plus
importantes visant à rouvrir la société plus rapidement pour tout
le monde, telles que le déploiement des campagnes de vaccination
et de dépistage, les programmes de traçage et d’isolement et d’autres
mesures de santé publique»
. Si un système
de pass covid devait s’avérer exagérément coûteux, avec des répercussions
négatives sur d’autres mesures de santé publique, cet aspect devrait
également être pris en compte pour déterminer s’il y a une justification
suffisante pour traiter différemment ceux qui ont un pass covid
et ceux qui n’en ont pas.
49. La conjoncture favorable dans laquelle les pass covid présentent
une utilité pourrait être de relativement courte durée: entre le
moment où l’efficacité de la vaccination (ou de l’immunité après
une contamination) est établie avec suffisamment de certitude pour
justifier des restrictions différenciées et le moment où un nombre suffisant
de personnes ont été vaccinées pour que les restrictions puissent
être considérablement assouplies de façon générale. Étant donné
que la majeure partie du coût engendré par le système de pass covid
est un coût fixe initial (infrastructure, formation, etc.), il peut
s’avérer disproportionné compte tenu de la durée de l’utilisation
du document.
50. Comme le relève l’ELI, les considérations précédentes peuvent
constituer des «raisons impérieuses» de maintenir des restrictions
générales, même si certaines personnes ne représentent plus le risque
de transmission que les restrictions visent à limiter. Les autorités
devraient en tenir compte dans leur décision d’instaurer ou non
un système de pass covid.
5.4. Traitement
différencié et vaccination obligatoire
51. Si certaines justifications
de refuser d’être vacciné peuvent être plus raisonnables que d’autres,
il n’en reste pas moins que la vaccination contre la covid-19 n’est
pas obligatoire. L’Assemblée a déjà exprimé son opposition à la
vaccination obligatoire contre la covid-19 dans sa
Résolution 2361 (2021) «Vaccins contre la covid-19: considérations éthiques,
juridiques et pratiques». Sur le plan des droits humains, l’argument
contre la vaccination obligatoire est qu’elle porte atteinte au
droit au respect de la vie privée (garanti par l’article 8 de la
Convention) et à la liberté de pensée, de conscience et de religion
(garanti par l’article 9). Aucun de ces droits n’est toutefois absolu,
et des limitations peuvent leur être appliquées dans l’intérêt de
la protection de la santé publique. En effet, dans l’affaire
Vavřička c. République tchèque,
la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que l’obligation
que les enfants soient vaccinés contre une série de maladies pour
pouvoir fréquenter l’école maternelle ne portait pas atteinte à
la Convention, car elle ne constituait pas une ingérence disproportionnée
dans l’exercice des droits en question – il n’était simplement pas
permis aux enfants de fréquenter l’école maternelle, et les sanctions
imposées aux parents n’étaient pas excessives
.
52. L’analyse de la Cour dans l’affaire Vavřička évoque également
la possibilité d’une «méthode indirecte» d’obligation. Les conséquences
du refus de la vaccination, notamment le maintien des restrictions
imposées à la jouissance des libertés, et la stigmatisation peuvent
être si graves qu’elles suppriment l’élément de liberté de choix
dans cette décision. La vaccination peut alors devenir quasiment
une obligation, ou être perçue comme telle (ce qui revient au même
lorsqu’il s’agit de contrainte). Cette situation peut constituer
une ingérence dans l’exercice d’un droit protégé. Si cette ingérence
est disproportionnée, elle peut être considérée comme une violation
du droit en question ou comme une discrimination dans l’exercice
de ce droit, ou encore les deux à la fois. En outre, comme l’indique
l’Institut Ada Lovelace, les pass covid établis sur la base de la vaccination
«pourraient réduire la confiance et accroître l’hésitation à se
faire vacciner si le système est perçu comme instaurant une vaccination
obligatoire par des moyens détournés. Ce problème pourrait être particulièrement
sensible au sein des groupes marginalisés qui sont susceptibles
de faire preuve d’un niveau de méfiance plus élevé»
.
53. Si les pass covid établis sur la base des tests étaient exclus
au motif que les tests n’offrent pas une protection relative suffisante
contre la transmission pour justifier un traitement différencié,
les deux éléments restants permettant l’obtention d’un pass covid
seraient la vaccination et la guérison après une infection. Tant que
la vaccination ne sera pas accessible à l’ensemble de la population,
les personnes non vaccinées ne pourront obtenir un pass covid que
si elles ont contracté la maladie et sont guéries. Si les avantages
offerts par le pass covid étaient suffisamment importants, on peut
s’interroger sur la possibilité que certaines personnes y voient
une incitation à se faire contaminer. Bien que cette éventualité
soit assez improbable, et qu’il s’agirait sans doute tout au plus
d’un phénomène très marginal et certainement dangereux, elle ne
peut être totalement exclue – il suffit d’observer le nombre de
personnes qui refusent de porter un masque ou de respecter une distanciation
physique suffisante pour se représenter à quel point l’appréciation
du risque peut être différente d’une personne à l’autre
.
54. À la mi-février 2021, selon un sondage réalisé en Israël,
31 % des personnes qui n’avaient pas l’intention de se faire vacciner
auparavant déclaraient que l’instauration imminente du système de
«passeport vert» les persuaderait peut-être ou certainement de le
faire
.
5.5. Jurisprudence
nationale
55. Le 1er avril
2021, le Conseil d’État français a jugé que, même s’il était vraisemblable
que la vaccination assurait une protection efficace, les personnes
vaccinées pouvaient cependant demeurer porteuses du virus et ainsi
contribuer à sa propagation dans une mesure à ce stade difficile
à quantifier, ce qui ne permettait donc pas d’affirmer que seules
les interventions non pharmacologiques limiteraient suffisamment
ce risque. En conséquence, l’atteinte à la liberté individuelle
résultant des mesures de couvre-feu et de confinement en vigueur
ne pouvait pas, en l’état, au regard des objectifs poursuivis, être
regardée comme disproportionnée, en tant qu’elles s’appliquent aux
personnes vaccinées
. Le
raisonnement qui sous-tend cette décision serait clairement applicable
aux pass covid établis sur la base de la vaccination; il est naturellement
fondé sur les éléments disponibles à l’époque, et une conclusion
différente pourrait être dégagée à mesure que les connaissances
scientifiques évoluent.
6. Questions
relatives à la protection des données et au respect de la vie privée
56. Qu’il s’agisse d’informations
sur le statut vaccinal, sur une contamination antérieure, sur le
statut concernant les anticorps ou sur les résultats des tests,
un pass ou un certificat covid contiendrait des données personnelles
sensibles. Le traitement de ces données est soumis à des normes
internationales strictes et bien établies, notamment à celles de
la Convention 108 et de la Convention 108+ du Conseil de l’Europe.
57. Le Comité consultatif de la Convention 108 (T-PD) a publié
des orientations utiles qui font autorité sur cette question et
que je résumerai de la façon suivante:
- Le traitement des données, en particulier le traitement
de données aussi sensibles que les informations médicales personnelles,
doit être encadré par la loi.
- Le but légitime dans lequel les données sont traitées,
en l’occurrence le rétablissement de la liberté de circulation,
doit être clairement défini.
- La loi doit préciser les circonstances dans lesquelles
la présentation du pass covid peut être exigée.
- Le spectre des personnes, des autorités et des organismes
publics et privés qui peuvent être autorisés à accéder aux données
doit être clairement défini, ainsi que l’étendue de l’accès accordé
à chacun d’entre eux.
- Une analyse d’impact doit être réalisée préalablement
au traitement.
- Le respect de la vie privée doit être garanti dès la conception
et des mesures appropriées doivent être adoptées pour assurer la
sécurité des données.
- Le traitement doit être nécessaire et proportionné au
but recherché, et seul le minimum de données strictement nécessaire
doit être traité.
- Les personnes concernées – les titulaires du pass covid
– doivent être informées du traitement des données à caractère personnel
qui les concernent.
- Les données à caractère personnel ne doivent pas être
conservées plus longtemps que la période pendant laquelle l’utilisation
des attestations visant à faciliter l’exercice de la liberté de
circulation est autorisée.
- Les personnes concernées doivent être en mesure d’exercer
leurs droits de manière effective.
- Les autorités chargées de la protection des données doivent
contrôler le respect des exigences en matière de protection des
données.
- L’augmentation constante des connaissances relatives à
la covid-19, les effets de la vaccination et la durée de l’immunité
après la contamination exigent que l’on veille à ce que toutes les
données recueillies soient exactes et régulièrement mises à jour.
58. La protection des données vise à protéger la vie privée de
la personne concernée, tel que le garantit l’article 8 de la Convention
européenne des droits de l’homme. Comme l’a relevé la Cour européenne
des droits de l’homme, «[l]e simple fait de mémoriser des données
relatives à la vie privée d’un individu constitue une ingérence
au sens de l’article 8. (…) Peu importe que les informations mémorisées
soient ou non utilisées par la suite»
. La Cour
a également observé que «[l]e respect du caractère confidentiel
des informations sur la santé constitue un principe essentiel du
système juridique de toutes les Parties contractantes à la Convention.
Il est capital non seulement pour protéger la vie privée des malades
mais également pour préserver leur confiance dans le corps médical
et les services de santé en général.»
7. Criminalité
organisée: contrefaçon et corruption
59. Depuis maintenant plusieurs
mois, différentes sources spécialisées mettent en garde contre les
risques liés à la criminalité organisée en ce qui concerne les vaccins,
les certificats de vaccination et les pass covid. Début février 2021,
Europol a ainsi lancé l’avertissement suivant: «La découverte de
faux certificats de test négatif à la covid-19 confirme que les
délinquants – qu’il s’agisse de groupes criminels organisés ou d’escrocs opportunistes
individuels – saisissent les occasions de faire des profits dès
qu’elles se présentent. Tant que les restrictions de circulation
resteront en vigueur en raison de la situation liée à la pandémie
de covid-19, il est fort probable que la production et la vente
de faux certificats de test perdureront. Grâce à des moyens technologiques
largement répandus, tels que des imprimantes de haute qualité et
différents logiciels, les fraudeurs sont en mesure de produire des
documents contrefaits, falsifiés ou faux de haute qualité.»
60. De faux certificats de vaccination seraient vendus par des
commerçants anonymes sur les sites du «dark web» pour seulement
125 €
et
des arrestations ont déjà eu lieu en France, en Espagne et au Royaume-Uni
. Selon l’entreprise de cybersécurité Check
Point, ce n’est qu’une question de temps avant que des pirates ne
trouvent le moyen de produire de faux pass covid. Il a également
été suggéré que si l’instauration des pass de vaccination donne
aux gens l’impression qu’ils sont obligés de se faire vacciner,
ceux qui y sont réticents pourraient être davantage incités à falsifier
des informations, ce qui alimenterait le marché des documents contrefaits.
Cette tendance se traduit d’ailleurs dans le contenu de la publicité
en ligne
.
61. Comme indiqué dans le document établi par la Secrétaire Générale
du Conseil de l’Europe, «[l]es mesures prévues par la Convention
du Conseil de l’Europe sur la contrefaçon des produits médicaux
et les infractions similaires menaçant la santé publique (Convention
MEDICRIME), ainsi que par la Convention sur la cybercriminalité
(Convention de Budapest), visent notamment à prévenir et combattre
de telles activités»
.
8. Risques
pour l’avenir
62. Le rapport de l’Institut Ada
Lovelace s’intéresse également aux risques qui pourraient découler
à l’avenir de l’instauration des pass covid. Il s’attarde en particulier
sur le risque d’une normalisation de la surveillance de l’état de
santé par la création d’une infrastructure dotée d’une mission à
long terme en réaction à une crise limitée dans le temps, exprimant
un «pessimisme quant à la probabilité que les technologies des passeports vaccinaux
soient ‘désactivées’ une fois la crise passée». Observant qu’«une
fois qu’une route est construite, il n’y a pas de raison qu’elle
ne soit pas empruntée», l’Institut poursuit en suggérant que «le
fait de construire ces routes pourrait entraîner une dépendance
à l’itinéraire ainsi tracé: une fois qu’une infrastructure est construite,
elle rendra à l’avenir certaines options plus favorables et empêchera
le développement de certaines autres... Cela pourrait être particulièrement
problématique si le statut relatif à d’autres problèmes de santé devait
être ajouté»
.
63. Il existe un autre risque envisageable relatif à la protection
des données et à la manière dont les informations recueillies et
mises à la disposition d’une grande variété de parties prenantes,
tant publiques que privées, pourraient être «réutilisées». Ce point
souligne l’importance, mentionnée plus haut, de veiller à ce que l’étendue
de l’accès de chaque utilisateur des données soit strictement défini
et contrôlé, et à ce que les données à caractère personnel ne soient
pas conservées plus longtemps que la durée d’exploitation de tout système
de pass covid (c’est-à-dire qu’elles soient supprimées lorsque le
système n’est plus en vigueur).
9. Conclusions
et recommandations
64. Le coût socio-économique des
restrictions liées à la covid-19 est indéniable et la pression politique
qui s’exerce pour les réduire et les lever est compréhensible. Pour
autant, la covid-19 est un problème qui est toujours pleinement
d’actualité. En Europe, la situation s’améliore peut-être aujourd’hui
dans de nombreuses régions, mais cela s’est déjà produit par le
passé et elle reste très précaire – la covid-19 est toujours une maladie
qui peut facilement échapper à tout contrôle et provoquer bon nombre
de formes graves ou de décès. À long terme, les vaccinations semblent
pour l’instant être la meilleure solution pour espérer maîtriser durablement
la maladie, mais trop peu de personnes ont été vaccinées jusqu’à
présent, la durée de l’immunité après la vaccination reste incertaine
et il existe toujours un risque que de nouveaux variants soient
résistants aux vaccins.
65. En outre, il apparaît clairement que la vaccination ne suffit
pas à elle seule à protéger la collectivité contre la covid-19,
du moins pas tant qu’une immunité collective forte et globale n’est
pas atteinte. Le Chili a enregistré un nombre record de cas à la
mi-avril 2021, bien qu’il ait l’un des taux de vaccination par habitant les
plus élevés au monde, 40 % de la population ayant reçu au moins
une dose. Un spécialiste des maladies infectieuses de l’université
du Chili a fait la déclaration suivante: «Au début de la campagne
de vaccination, le gouvernement a fait circuler un message indiquant
que les vaccins étaient en route et que la pandémie allait donc
bientôt prendre fin. Tout le monde a cessé de faire attention et
de porter des masques, et de grandes foules se sont réunies pendant
les vacances.»
66. Les questions juridiques et relatives aux droits humains qui
sont soulevées par l’instauration des pass covid sont d’une complexité
trompeuse, notamment celles qui concernent le traitement différentiel
et le risque de discrimination illégale. Ni moi, en qualité de rapporteur,
ni l’Assemblée dans son ensemble ne sommes en mesure de dire aux
États membres comment procéder dans ce domaine, car chacun d’entre
eux est dans une situation différente sur les plans épidémiologique,
social, économique et politique, que les autorités locales sont
les mieux à même d’appréhender.
67. Le présent rapport tend plutôt à identifier les divers facteurs
que les États doivent prendre en compte pour que leur politique
relative aux pass covid soit compatible avec les normes fondamentales
du Conseil de l’Europe en matière de droits humains. Ces normes
exigent en effet que des mesures de ce type, ayant des incidences
sur les droits humains, reposent sur un fondement juridique clair,
complet et spécifique et soient assorties de garanties juridiques
et institutionnelles contre les abus ou les conséquences inattendues
qu’elles pourraient avoir. Il est également nécessaire de procéder
à une évaluation et à une mise en balance attentives des enjeux
pour s’assurer que le résultat final représente un juste équilibre
entre des intérêts concurrents, tout en protégeant – et c’est peut-être
le plus important – la santé publique contre ce qui reste un défi
sans précédent de mémoire d’homme.
68. Cela signifie qu’aucune initiative qui pourrait avoir une
incidence sur des mesures de santé publique ne devrait être menée
sans qu’elle s’appuie avec suffisamment de certitude sur des preuves
scientifiques. Cette certitude commence seulement à émerger en ce
qui concerne les effets, sur le risque de transmission, de la vaccination
ou de la guérison après une contamination antérieure. Ce n’est que
lorsque l’on aura la certitude des effets de la vaccination, de
la guérison après une infection et des résultats négatifs des tests
sur le risque de transmission (incluant notamment des informations
sur l’efficacité des différents vaccins, la durée de protection
et la situation face aux différents variants) qu’il sera possible
d’évaluer la pertinence de l’instauration de pass covid à des fins
non médicales et de définir les limites de leur utilisation. Même
dans ce cas, les effets potentiellement négatifs des pass covid
devraient être pris en compte au moment de décider si les avantages de
ces documents l’emportent sur les inconvénients qu’ils présentent
pour la réponse de santé publique dans son ensemble et si tel est
le cas quelles limites doivent être posées à leur utilisation. Si
les pass covid sont mis en place, il devra être possible de modifier
rapidement leur durée d’application et les cas dans lesquels leur utilisation
est valide à la lumière de l’évolution des connaissances scientifiques
et il sera important de prévoir d’emblée une utilisation limitée
dans le temps d’un tel système.