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Rapport | Doc. 15362 | 10 septembre 2021

Examen des questions de responsabilité civile et pénale dans le contexte du changement climatique

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteur : M. Ziya ALTUNYALDIZ, Turquie, NI

Origine - Renvoi en commission: Décision du Bureau, Renvoi 4530 du 15 septembre 2020. 2021 - Quatrième partie de session

Résumé

Le changement climatique est devenu une préoccupation mondiale pour l’humanité et, en adhérant aux traités internationaux pertinents, les États membres du Conseil de l’Europe ont reconnu leur responsabilité juridique en la matière. Ainsi, le droit pénal et le droit civil jouent un rôle important dans le «contentieux climatique».

La commission des questions juridiques et des droits de l’homme regrette que deux traités du Conseil de l’Europe qui visent à renforcer la protection de l’environnement – la Convention sur la protection de l’environnement par le droit pénal (STE n° 172) de 1998 et la Convention sur la responsabilité civile des dommages résultant d’activités dangereuses pour l’environnement (STE n° 150) de 1993 – n’aient pas obtenu le nombre de ratifications nécessaires pour entrer en vigueur.

Elle appelle les États membres à réfléchir à la nécessité de réviser ou de remplacer ces traités, notamment la Convention n° 172, afin de les adapter aux défis actuels du changement climatique. Il importe que les infractions environnementales les plus graves soient punies avec la sévérité qui s’impose. Les États devraient envisager d’incorporer le crime d’écocide dans leur droit pénal national et de reconnaître le principe de compétence universelle en la matière.

Ils devraient également ratifier la Convention n° 150 et renforcer la responsabilité civile pour les dommages causés à l’environnement en modifiant la législation nationale en matière de droit civil.

Enfin, il importe de donner accès à des recours juridictionnels aux parties prenantes concernées, aussi bien pour prévenir que pour indemniser les dommages causés par le changement climatique.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté par la commission le 17 mai 2021.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire est convaincue de l’importance d’un environnement sain et durable. Elle observe que le changement climatique est devenu une préoccupation mondiale pour l’humanité: il met en péril l’intégrité de tous les écosystèmes et de la biodiversité et fait peser de graves menaces sur la jouissance des droits humains et des libertés fondamentales des individus, notamment le droit à la vie et le droit au respect de la vie privée et familiale, garantis par les articles 2 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5). L’humanité se trouve ainsi face à des défis urgents dont les organes du Conseil de l’Europe doivent se saisir sans plus attendre.
2. L’Assemblée rappelle qu’en adhérant à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques de 1992, les États membres du Conseil de l’Europe se sont engagés à stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique. En outre, en ratifiant l’Accord de Paris de 2015, les États membres ont pris l’engagement de limiter le réchauffement climatique à un niveau bien inférieur à 2, de préférence à 1,5 degré Celsius, par rapport au niveau préindustriel.
3. Ainsi, en adhérant à ces deux traités, les États membres du Conseil de l’Europe ont reconnu leur responsabilité juridique en matière de changement climatique aux niveaux national, européen et international, et donc indirectement la notion de «justice climatique». Si le droit relatif aux droits humains peut s’avérer utile pour assurer la protection de l’environnement et lutter contre le changement climatique, d’autres domaines du droit, notamment le droit pénal et le droit civil, jouent un rôle de plus en plus important dans le «contentieux climatique». L’affaire néerlandaise Fondation Urgenda c. Pays-Bas, dans laquelle les tribunaux nationaux ont confirmé l’obligation faite à l’État de prévenir les effets dommageables du changement climatique et de réduire davantage ses émissions de GES, montre clairement que ce type de recours peut aboutir.
4. L’Assemblée s’est toujours efforcée de promouvoir la protection de l’environnement et le rôle du Conseil de l’Europe, qui a notamment élaboré la Convention sur la protection de l’environnement par le droit pénal (STE no 172, 1998) et la Convention sur la responsabilité civile des dommages résultant d’activités dangereuses pour l’environnement (STE no 150, 1993). Elle regrette donc que ces deux conventions n’aient pas obtenu le nombre de ratifications nécessaires pour entrer en vigueur.
5. Par conséquent, l’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe à porter sans tarder une attention nouvelle à ces deux traités. Dans le contexte actuel, les États membres doivent réfléchir d’urgence à la nécessité de réviser ou de remplacer ces traités afin de les adapter aux défis actuels du changement climatique.
6. Par ailleurs, rappelant les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme: mise en œuvre du cadre de référence «protéger, respecter et réparer» («les Principes directeurs des Nations Unies»), la Recommandation CM/Rec(2016)3 du Comité des Ministres sur les droits humains et les entreprises et ses propres Résolution 2311 (2019) et Recommandation 2166 (2019) «Droits de l’homme et entreprises: quelles suites donner à la Recommandation CM/Rec(2016)3 du Comité des Ministres?», l’Assemblée souligne qu’il est désormais largement admis que les entreprises ont des responsabilités en matière de violations des droits humains, y compris en matière d’environnement, et que les victimes de ces violations doivent avoir accès à un recours effectif.
7. Par conséquent, l’Assemblée invite les États membres du Conseil de l’Europe:
7.1. à veiller à ce qu’il existe des instruments juridiques pertinents pour répondre aux atteintes à l’environnement et aux autres dommages causés par le changement climatique. A cet égard, l’accès aux recours juridictionnels (civils, pénaux et administratifs) est essentiel, tant pour prévenir que pour réparer les dommages causés par le changement climatique en rapport avec les actes ou omissions des États et des personnes physiques et/ou morales;
7.2. à exécuter les décisions rendues par les juridictions nationales dans les affaires de contentieux climatique;
7.3. à veiller à ce que les ONG qui œuvrent en faveur de la protection de l’environnement et de la protection des droits humains aient le droit d’engager des procédures contre les États et les entités privées pour des comportements susceptibles d’avoir un impact sur le changement climatique;
7.4. à assurer un environnement propice aux défenseurs des droits humains environnementaux et à s'abstenir de tout acte d'intimidation ou de représailles à leur encontre;
7.5. à renforcer la responsabilité des personnes morales en instaurant un devoir de vigilance des entreprises qui les oblige à préciser leurs activités qui ont une incidence sur l’environnement, et donc sur le changement climatique;
7.6. à veiller à ce que la responsabilité sociale des entreprises en matière de prévention et de réparation des dommages causés à l’environnement soit prise en compte dans les marchés publics et l’octroi d’aides publiques;
7.7. à veiller à ce que toute personne intéressée par le contentieux climatique ait un accès effectif aux informations pertinentes sur les questions environnementales et les risques liés au changement climatique;
7.8. à proposer aux juges et aux praticiens du droit des formations et des ateliers sur les spécificités du droit de l’environnement et les aspects du changement climatique.
8. En ce qui concerne le renforcement de la responsabilité pénale pour des actes ou omissions susceptibles d’avoir un impact sur le changement climatique ou de causer des dommages sérieux à l’environnement, l’Assemblée invite les États membres du Conseil de l’Europe:
8.1. à renforcer leur coopération pour mettre en œuvre une politique pénale commune visant à protéger l’environnement;
8.2. à donner la priorité à l’harmonisation de la législation relative à la responsabilité pour les dommages causés à l’environnement, en accordant une attention particulière à la définition des infractions environnementales et des sanctions correspondantes;
8.3. à réviser ou remplacer, dès que possible, la Convention no 172 afin de disposer d’un instrument juridique mieux adapté aux défis actuels;
8.4. à veiller à ce que les infractions environnementales les plus graves soient punies avec la sévérité qui s’impose, en prévoyant des sanctions appropriées dans leur législation pénale et en poursuivant efficacement les auteurs de ces infractions;
8.5. à envisager d’incorporer le crime d’écocide dans leur droit pénal, si ce n’est déjà fait;
8.6. à envisager de reconnaître le principe de compétence universelle pour l’écocide et les infractions environnementales les plus graves, notamment dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (1998).
9. En ce qui concerne le renforcement de la responsabilité civile pour des actes ou omissions susceptibles d’avoir un impact sur le changement climatique ou de causer des dommages sérieux à l’environnement, l’Assemblée invite les États membres:
9.1. à ratifier la Convention no 150 et à prendre les mesures nécessaires pour l’adapter aux défis actuels;
9.2. à renforcer la responsabilité civile pour les dommages causés à l’environnement en modifiant le cas échéant la législation nationale en matière de droit civil, en particulier en allégeant la charge de la preuve, en établissant notamment la présomption de fait du lien de causalité pour les personnes qui demandent réparation d’un préjudice; en ajoutant des dispositions particulières relatives à la responsabilité pour préjudice écologique; et/ou en élargissant le champ d’application de la responsabilité objective aux situations liées aux dommages causés à l’environnement.
10. L’Assemblée invite par ailleurs les États membres du Conseil de l’Europe qui sont également membres de l’Union européenne à promouvoir la révision des instruments juridiques pertinents de l’Union européenne relatifs à la responsabilité pour dommages causés à l’environnement, notamment la Directive 2008/99/CE du Parlement européen et du Conseil relative à la protection de l’environnement par le droit pénal et la Directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil sur la responsabilité environnementale, afin de les adapter aux défis actuels (dont le changement climatique), conformément aux normes internationales pertinentes et à celles du Conseil de l’Europe.
11. L’Assemblée appelle aussi les États membres du Conseil de l’Europe à respecter tous leurs engagements découlant de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et de l’Accord de Paris.
12. Elle les invite également à renforcer leur coopération avec d’autres organisations internationales, notamment les Nations Unies, la Banque mondiale, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et l’Union européenne, afin de codifier des normes cohérentes relatives à la responsabilité juridique pour les comportements susceptibles d’avoir un impact sur le changement climatique et de promouvoir la mise en œuvre des Principes directeurs des Nations Unies. En particulier, les États membres du Conseil de l’Europe devraient soutenir l’adoption de l’instrument juridiquement contraignant relatif aux activités des entreprises et aux droits humains, en cours d’examen par le Groupe intergouvernemental à composition non limitée sur les entreprises et les droits de l’homme des Nations Unies.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet de recommandation
adopté à l'unanimité, par la commission le 17 mai 2021.

(open)
1. Se référant à sa Résolution … (2021) «Examen des questions de responsabilité civile et pénale dans le contexte du changement climatique», l’Assemblée parlementaire se félicite de la mise en place par le Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC) du Groupe de Travail sur l’Environnement et le Droit Pénal (CDPC-EC).
2. Gardant à l’esprit les travaux récemment entamés par le CDPC-EC, elle recommande au Comité des Ministres d’élaborer sans attendre un nouvel instrument juridique pour remplacer la Convention sur la protection de l’environnement par le droit pénal (STE no 172), qui n’est toujours pas mise en œuvre en raison du nombre insuffisant de ratifications. Il importe que le nouvel instrument juridique tienne compte des dernières évolutions de la situation environnementale (y compris le changement climatique) et vise à actualiser et à améliorer la convention existante. Il s’agit de combiner les principes fondamentaux du droit pénal et du droit de l’environnement et d’essayer d’atteindre un niveau minimal d’harmonisation des définitions des infractions pénales et des sanctions correspondantes, conformément aux principes suivants:
2.1. les infractions et les sanctions doivent être régies par le principe de légalité, c’est-à-dire qu’elles doivent être définies en des termes clairs et précis;
2.2. les sanctions doivent être nécessaires et proportionnées;
2.3. la reconnaissance de l’intérêt général de la protection de l’environnement est le principe fondamental;
2.4. un mécanisme de sanctions harmonisé doit se fonder sur la solidarité des États et l’existence de règles communes pour développer une coopération internationale en droit pénal;
2.5. le coût du changement climatique et de l'inaction face aux défis en matière d'environnement, doivent être bien définis et des mesures et politiques efficaces doivent être prises dans un cadre global et inclusif, en coopération avec d'autres organisations internationales, en particulier les Nations Unies, la Banque mondiale, l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) et l'Union européenne.
3. L’Assemblée recommande également au Comité des Ministres:
3.1. de réaliser une étude sur la notion d’écocide, son incorporation dans le droit national et son éventuelle reconnaissance universelle;
3.2. de s’interroger sur les raisons pour lesquelles la Convention sur la responsabilité civile des dommages résultant d’activités dangereuses pour l’environnement (STE no 150) n’a été ratifiée par aucun État, et d’encourager les États membres à la ratifier;
3.3. d’examiner l’opportunité de réviser cette convention (en particulier en mettant à jour son annexe I sur les substances dangereuses) ou de la remplacer par un autre instrument juridique mieux adapté aux défis environnementaux actuels;
3.4. de réaliser une étude sur les procédures nationales de contentieux climatique;
3.5. de réfléchir, en faisant le point sur la mise en œuvre de sa Recommandation CM/Rec(2016)3 sur les droits de l’homme et les entreprises, à la manière dont les questions environnementales sont prises en compte par les États membres du Conseil de l’Europe, notamment pour l’accès à un recours effectif et les procédures relatives au devoir de vigilance.

C. Exposé des motifs par M. Ziya Altunyaldiz, rapporteur

(open)

1. Introduction

1.1. Procédure

1. La commission m’a nommé rapporteur le 9 novembre 2020 et a décidé d’adresser un questionnaire aux délégations nationales, par l’intermédiaire du Centre européen de recherche et de documentation parlementaires (CERDP). Les réponses à ce questionnaire sont résumées en annexe du présent rapport. Lors de sa réunion du 19 janvier 2021, la commission a procédé à l’audition de Mme Sibel Kulaksiz, économiste principale et cheffe du Groupe de travail, Banque mondiale; Mme Marta Torre-Schaub, directrice de recherche, Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne; et M. Jesper Hjortenberg, président du Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC) du Conseil de l’Europe.

1.2. Impact économique du changement climatique et le coût de l’inaction

2. Le changement climatique une menace grave pour l’économie, notamment le développement mondial et la prospérité partagée. Il présente des risques élevés pour le développement à long terme, la croissance économique et la stabilité des pays. Les sécheresses, les vagues de chaleur, les inondations et d'autres événements extrêmes causent d'énormes dégâts, annulant souvent les gains de développement durement acquis. À moyen et long terme, le changement climatique a des conséquences cruciales sur le niveau de vie, la sécurité alimentaire, la santé, la productivité et la qualité de vie.
3. Les changements climatiques amplifieront les défis actuels posés par la pauvreté, la faiblesse des institutions gouvernementales, les conditions de vie défavorables, la forte dépendance à l'agriculture et aux ressources naturelles, la croissance démographique rapide et une capacité globale limitée à faire face à la variabilité et aux changements du climat.
4. Le coût de l'inaction est élevé. Les efforts mondiaux actuels ne donnent pas de résultats assez rapidement. Si les mesures correctives se poursuivent au rythme actuel, les effets du changement climatique pousseront 100 millions de personnes supplémentaires dans la pauvreté d'ici 2030. En outre, le changement climatique forcera 140 millions de personnes à migrer d'ici 2050. À ce jour, seules 26 Parties, représentant 40 pays, ont adopté un objectif net zéro. Cela ne représente que 14,4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) (selon Climate Watch Net-Zero Tracker). Près de 90% des stocks de poissons marins sont exploités (selon l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture des Nations Unies), mettant en danger les 3 milliards de personnes qui dépendent de l'océan pour leur subsistance (selon le Programme pour le développement des Nations Unies).
5. Une augmentation persistante de la température mondiale moyenne de 0,04°C par an, en l'absence de politiques d'atténuation, réduira le produit intérieur brut mondial réel par habitant de 7% d'ici 2100. D'ici 2050, les dommages cumulatifs dus au changement climatique pourraient atteindre 8.000 milliards de dollars américains. Déjà, en 2019, le changement climatique a contribué à des événements météorologiques extrêmes causant 100 milliards de dollars américains de dommages. L'agriculture sera le secteur le plus touché. Plus de la moitié du PIB mondial – environ 44 billions de dollars américains – dépend fortement ou modérément de la nature (selon le Forum économique mondial).
6. Assurer une transition réussie vers une économie à faibles émissions de carbone peut permettre une croissance économique durable tout en créant des emplois. Une étude a révélé que 23 billions de dollars américains créent des opportunités d'investissement pour financer les engagements nationaux en matière d'action climatique de 21 marchés émergents, y compris des investissements dans des infrastructures résilientes en Asie du Sud (selon le rapport annuel de 2016 de la Société financière internationale – International Finance Corporation). L'action climatique pourrait également débloquer 26 billions de dollars américains en investissements dans le monde et créer 65 millions d'emplois supplémentaires d'ici 2030 (selon un rapport de la Commission mondiale sur l'économie et le climat – Global Commission on the Economy and Climate – de 2018).

1.3. Questions en jeu

7. Bien que le climat de la Terre ait toujours fluctué, il est désormais scientifiquement incontesté que les émissions de GES d’origine humaine contribuent à ces fluctuations et sont déjà la cause d’un réchauffement de la planète d’environ 1°C par rapport à la période préindustrielle. Le changement climatique est donc devenu une préoccupation mondiale. Il provoque, entre autres, des catastrophes naturelles et des phénomènes météorologiques extrêmes de plus en plus fréquents, tels que l’élévation du niveau de la mer, les vagues de chaleur, les sécheresses, la pénurie d’eau, la propagation accrue des maladies et une perte de la biodiversité. D’après les projections, ces impacts négatifs devraient s’accentuer dans un futur proche 
			(3) 
			Pour
plus d’informations sur les répercussions et les futurs risques
possibles du changement climatique, ainsi que sur les solutions
d’adaptation et d’atténuation, voir les évaluations de l’état des
connaissances scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental
sur l’évolution du climat:<a href='about:blank'> www.ipcc.ch/</a>.. Une hausse continue des températures serait catastrophique et pourrait avoir des effets directs, comme le caractère inhabitable de certaines régions ou la perte de bétail et d’approvisionnement alimentaire, et des effets indirects, comme la disparition des moyens d’existence et des services essentiels, l’aggravation des inégalités ou l’intensification des flux migratoires massifs. Les vagues de chaleur sont une conséquence particulièrement problématique du changement climatique. Selon une analyse de la Commission européenne, on estime qu’une augmentation de la température de plus de 2 degrés d’ici 2100 pourrait causer 132 000 décès supplémentaires dus à des vagues de chaleur au sein de l’Union européenne, contre seulement 58 000 si la température augmente de moins de 2°C 
			(4) 
			Rossinot, Hélène, <a href='about:blank'>«Impacts of climate change
and air pollution on the health of the EU population»</a>, novembre 2020, Parlement européen, p. 2.. L’augmentation de la résistance aux antimicrobiens, c’est-à-dire la résistance des bactéries aux antibiotiques, est une conséquence moins connue de la hausse des températures. La résistance aux antimicrobiens tue 33 000 personnes en Europe chaque année; l’inaction face au changement climatique devrait alourdir encore ce bilan 
			(5) 
			Ibid.. En outre, une expansion des aires protégées en Antarctique avec un niveau de protection écologique élevé semble être une question centrale pour la planète entière et également pour l'Europe, malgré la distance géographique considérable; cette région est cruciale pour le climat mondial et la préservation de la biodiversité. L'Antarctique et l'ensemble de l'océan Austral constituent un écosystème extrêmement riche en biodiversité mais aussi fragile, qui subit une pression économique croissante. En même temps, l'écosystème antarctique souffre du réchauffement climatique mondial; il est donc très important d'améliorer la résilience climatique. Le changement climatique fait clairement peser de graves menaces sur l’exercice des droits humains, notamment le droit à la vie et le droit au respect de la vie privée et familiale, consacrés par les articles 2 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5, «la Convention») 
			(6) 
			Pour plus d’informations
sur la façon dont le changement climatique menace l’exercice des
droits humains, voir la <a href='about:blank'>Résolution
du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies A/HRC/RES/41/21
«Droits de l’homme et changements climatiques»</a>, adoptée le 12 juillet 2019 lors de la 41e session
du Conseil des droits de l’homme..
8. Un environnement sain et durable est en fin de compte une condition préalable non seulement de la prospérité et du bien-être mais aussi de la pleine jouissance de tous les droits humains. Les violations des droits humains causées par le changement climatique placent l’humanité face à des défis urgents dont les organes du Conseil de l’Europe doivent se saisir. Cependant, l’engagement du Conseil de l’Europe en faveur de la protection de l’environnement n’est pas nouveau. Diverses normes juridiques internationales ont été élaborées et ont influencé les progrès réalisés dans le traitement des problèmes environnementaux 
			(7) 
			Voir par exemple<a href='about:blank'> la Charte sociale européenne</a> (STE n° 35, 18 octobre 1961), et<a href='about:blank'> la Convention relative à la conservation
de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe</a> (STE n° 104, 19 septembre 1979).. L’Assemblée elle-même a adopté de nombreuses recommandations relatives à la protection de l’environnement par le droit des droits humains 
			(8) 
			Par exemple, Recommandation 1614 (2003) “Environnement et droits de l’homme”..
9. Bien que la Convention ne garantisse pas expressément le droit à un environnement sain, la Cour européenne des droits de l’homme («la Cour») a développé une jurisprudence étendue sur le sujet 
			(9) 
			Voir Cour européenne
des droits de l’homme,<a href='about:blank'> Fiche
thématique – Environnement et Convention européenne des droits de
l’homme</a>, mars 2020., principalement en s’appuyant sur la notion d’obligation positive qui découle de l’article 2 (droit à la vie) et de l’article 8 (droit au respect de la vie privée) de la Convention. Cependant, les violations d’autres articles de la Convention, tels que les articles 6, 10 et l’article 1 du Protocole no 1, peuvent également être pertinentes. L’applicabilité de la Convention aux questions environnementales a toutefois ses limites. Dans une affaire ayant opposé Greenpeace et d’autres à l’Allemagne, les requérants, dont les locaux étaient situés à proximité d’axes routiers très passants, estimaient que l’État allemand n’avait pas pris suffisamment de mesures pour réduire les effets néfastes des émissions des véhicules à moteur diesel sur l’environnement et que cela constituait une violation de leurs droits garantis par l’article 8. La Cour a néanmoins estimé que l’affaire était manifestement mal fondée. Elle a rappelé que le «droit à un environnement sain et calme» n’était pas expressément reconnu et a observé que les autorités avaient pris des mesures pour réduire les émissions de diesel des véhicules et que les États disposaient d’une vaste marge d’appréciation quant à la manière dont ils souhaitent traiter les questions environnementales 
			(10) 
			<a href='about:blank'>Greenpeace e.V. et autres c. Allemagne</a>, requête n° 18215/06, décision du 12 mai 2009..
10. Dans l’affaire Boudaïeva et autres c. Russie, la Cour a conclu à une violation de l’article 2 de la Convention du fait de l’insuffisance des mesures prises pour protéger la vie des requérants face à une coulée de boue qui a dévasté Tyrnyauz, une ville située dans la zone montagneuse proche du Mont Elbrouz 
			(11) 
			<a href='about:blank'>Boudaïeva et autres c. Russie</a>, requête n° 15339/02+, arrêt du 20 mars 2008.. Une question similaire a été soulevée dans l’affaire Murillo Saldias et autres c. Espagne 
			(12) 
			<a href='about:blank'>Murillo Saldias et autres c. Espagne</a>, requête n° 76973/01, décision du 28 novembre 2006., dans laquelle une inondation torrentielle avait dévasté un camping espagnol en août 1996, faisant 96 morts. Les requérants affirmaient que les autorités espagnoles n’avaient pas pris suffisamment de mesures de prévention pour protéger la vie des campeurs. La Cour a toutefois conclu à l’irrecevabilité de la requête aux motifs de l’absence de la qualité de victime (pour le premier requérant) et du non-épuisement des voies de recours internes (pour les autres requérants). Pour autant, les problèmes engendrés par les conditions et les phénomènes climatiques extrêmes seront de plus en plus présents dans les affaires liées au changement climatique et, tôt ou tard, la Cour rendra des arrêts sur ces questions.
11. Le 3 septembre 2020, six enfants et jeunes adultes portugais ont introduit une requête devant la Cour contre 33 États parties à la Convention. Ils affirment que l’impact du changement climatique présumé résulter du non-respect par les États de leurs engagements au titre de l’Accord de Paris de 2015 (dont l’objectif est de limiter le réchauffement climatique à un niveau bien inférieur à 2, de préférence à 1,5°C, par rapport au niveau préindustriel) a violé leurs droits garantis par les articles 2, 8 et 14 de la Convention (interdiction de toute discrimination), et demandent qu’une décision de justice ordonne à ces 33 gouvernements «de prendre les mesures urgentes qui s’imposent pour mettre fin à la crise du climat» 
			(13) 
			Cláudia Duarte
Agostinho et autres c. Portugal et 32 autres États, requête
n° <a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>39371/20</a>, portée à la connaissance des gouvernements le 13 novembre
2020.. À la fin du mois d’octobre 2020, une requête similaire a été déposée devant la Cour par un groupe de femmes âgées suisses 
			(14) 
			Verein Klimaseniorinnen Schweiz et autres c. Suisse,
requête no <a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>53600/20</a>, portée à la connaissance du gouvernement le 17 mars
2021.. Les requérantes affirment que l’intensification des vagues de chaleur due au changement climatique représente une menace pour leur santé. Elles demandent aussi aux autorités fédérales suisses de modifier leur politique en matière de climat afin d’atteindre les objectifs climatiques 
			(15) 
			Greenpeace
International, <a href='about:blank'>Communiqué
de presse du 27 octobre 2020</a>.. Une autre requête a été récemment introduite devant la Cour par un Autrichien atteint d’une forme de sclérose en plaques sensible à la température, qui affirme que le changement climatique et l’inaction des autorités autrichiennes ont gravement affecté sa vie quotidienne, sa dignité et son bien-être 
			(16) 
			<a href='https://abcnews.go.com/Health/wireStory/ms-patient-sues-austria-health-impact-climate-change-76198981'>https://abcnews.go.com/Health/wireStory/ms-patient-sues-austria-health-impact-climate-change-76198981</a> (2 mars 2021)..
12. La reconnaissance de la responsabilité juridique en matière de changement climatique aux niveaux national, européen et international apparaît dès 1992, avec la signature de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques 
			(17) 
			Voir son article 4., et varie fortement d’un État à l’autre. Si le droit relatif aux droits humains est essentiel pour garantir la protection de l’environnement – et de plus en plus souvent invoqué pour lutter contre le changement climatique –, il importe de ne pas négliger d’autres domaines du droit. Le droit administratif, le droit des sociétés, le droit de la responsabilité délictuelle, le droit constitutionnel et le droit pénal (international) sont tout aussi importants dans la lutte contre le changement climatique. Bien que l’efficacité de leurs mécanismes juridiques varie considérablement et qu’ils soient utilisés de manière inégale, ils sont de plus en plus utilisés et le contentieux climatique joue un rôle de plus en plus crucial.
13. Conformément au titre du document renvoyé en commission, mon rapport porte sur les aspects de la responsabilité pénale et civile dans le contexte du changement climatique. Le Conseil de l’Europe a adopté deux conventions dans ce domaine: la Convention de 1998 sur la protection de l’environnement par le droit pénal (STE n° 172) et la Convention de Lugano de 1993 sur la responsabilité civile des dommages résultant d’activités dangereuses pour l’environnement (STE n° 150). Ces conventions visent à améliorer la protection de l’environnement au niveau européen, respectivement en recourant au droit pénal pour dissuader et prévenir les comportements susceptibles de nuire à l’environnement, et en assurant une réparation adéquate des dommages résultant d’activités dangereuses pour l’environnement. Toutefois, peu d’États ont ratifié ces deux conventions depuis leur ouverture à la signature, ce qui signifie qu’il n’existe pas encore de régime européen de responsabilité pour les effets néfastes sur le climat.
14. Alors que les poursuites judiciaires relatives au changement climatique sont devenues monnaie courante au XXIe siècle et que le rôle central de la réglementation pour faire face au changement climatique a été reconnu, la question de la responsabilité doit être abordée au niveau européen, dans le cadre des normes juridiques communes du Conseil de l’Europe. Les États membres du Conseil de l’Europe doivent non seulement prendre d’urgence des mesures ambitieuses – et coordonnées – pour minimiser leur impact sur le changement climatique, mais aussi élaborer des normes internationales cohérentes et une réglementation efficace pour mettre les organismes publics et privés face à leurs propres responsabilités. La responsabilité peut servir d’outil à la fois pour prévenir et réparer les dommages causés par le changement climatique. Toutefois, la nature mondiale du changement climatique oppose un argument juridique non négligeable au «contentieux climatique»: le changement climatique nuit à tous, mais à personne en particulier. Cela signifie que les victimes et les responsables des dommages doivent être nommés et que les dispositions relatives à la responsabilité pénale et civile doivent être invoquées.

2. Les questions de responsabilité pénale et civile

2.1. Généralités

15. La manière d’aborder les atteintes à l’environnement dans le droit interne a fondamentalement changé au cours des trente dernières années. Dans les années 1970, lorsque le droit pénal de l’environnement est apparu dans de nombreux États membres du Conseil de l’Europe, il avait un caractère essentiellement administratif. Il s’agissait, par exemple, d’imposer aux exploitants qu’ils demandent une autorisation et mènent leurs activités dans les conditions prévues par cette autorisation. Les dispositions pénales visaient uniquement à imposer des sanctions pénales à ceux qui enfreignaient ces obligations administratives. C’est ce que l’on a appelé la «dépendance administrative du droit pénal de l’environnement» 
			(18) 
			Faure, M., «The Revolution
in Environmental Criminal Law in Europe». Virginia Environmental
Law Journal, 2017, Vol. 35(2): p. 321-356.. Ainsi, à leurs débuts, les infractions environnementales ne tenaient pas compte de la véritable nature du danger pour l’environnement que revêtait un acte ou un comportement en particulier. On considérait que l’environnement devait uniquement être géré sur le plan administratif et, comme le droit administratif n’était pas prioritaire, les infractions environnementales restaient souvent impunies.
16. Aujourd’hui, les États membres du Conseil de l’Europe envisagent les atteintes à l’environnement sous un autre angle. Au lieu d’être ajoutées au droit administratif de l’environnement, les dispositions pénales font désormais souvent partie du droit pénal matériel, sous forme de dispositions autonomes. Cette technique législative permet de mieux protéger l’environnement. Les États membres privilégient davantage la mise en danger et les atteintes portées à l’environnement ou à l’intégrité physique des individus, et moins les infractions administratives. La responsabilité pénale ne résulte donc plus d’une violation des obligations administratives. Si certains États membres du Conseil de l’Europe ont codifié les infractions environnementales dans des codes spéciaux de l’environnement 
			(19) 
			Voir par exemple, les
dispositions pénales de la loi sur la protection de l’environnement
de 1991 au Danemark., d’autres les ont intégrées dans leur code pénal général 
			(20) 
			Par
exemple l’Allemagne en 1980 et les Pays-Bas en 1989..
17. On observe par ailleurs une tendance à considérer les infractions environnementales comme une composante d’une «boîte à outils», où le droit pénal n’est qu’un instrument coercitif parmi d’autres. Ainsi, la mise en danger et les atteintes à l’environnement sont traitées par le biais de sanctions civiles et administratives, tandis que le droit pénal s’applique aux cas les plus graves et est donc utilisé en dernier ressort (ultima ratio) 
			(21) 
			«The Revolution in
Environmental Criminal Law in Europe» op. cit..

2.2. La Convention sur la protection de l’environnement par le droit pénal de 1998

18. Le recours au droit pénal en dernier ressort afin de dissuader et de prévenir les comportements les plus préjudiciables pour l’environnement n’est pas une nouveauté au niveau européen. Le 4 novembre 1998, la Convention sur la protection de l’environnement par le droit pénal (ci-après la «Convention no 172») a été ouverte à la signature. Son préambule souligne «qu’il est nécessaire de protéger la vie et la santé des êtres humains, le milieu naturel ainsi que la flore et la faune par tous les moyens possibles». Il s’agissait de la première convention internationale contraignante consacrée à l’harmonisation du droit pénal en matière d’environnement. Elle visait à instaurer un cadre pour sanctionner les infractions environnementales aux niveaux mondial, régional et national, un objectif important puisque la pollution de l’environnement ne connaît pas de frontières. Elle cherchait à améliorer la protection de l’environnement en harmonisant les législations nationales dans le domaine des infractions environnementales pour, à terme, renforcer et faciliter la coopération internationale. Cette convention oblige ainsi les États contractants à introduire des dispositions spécifiques dans leur droit pénal ou à modifier les dispositions existantes (article 5). Elle est ouverte à l’adhésion des États tiers. Alors qu’il suffirait de seulement trois ratifications pour qu’elle entre en vigueur, l’Estonie est à ce jour le seul État à l’avoir ratifiée (en 2002); 13 autres États membres du Conseil de l’Europe l’ont signée (l’Ukraine étant la dernière signataire, en 2006), mais pas encore ratifiée 
			(22) 
			Pour connaître l’état
des signatures et ratifications au 19 avril 2021, voir: 
			(22) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/treaty/172/signatures?p_auth=8rw9V6nz'>www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/treaty/172/signatures?p_auth=8rw9V6nz.</a>. Néanmoins, cette convention a été qualifiée d’un des «acquis les plus remarquables du Conseil de l’Europe» 
			(23) 
			Lambert, Elisabeth, <a href='about:blank'>Environnement et droits de
l’homme. Rapport introductif à la Conférence de haut niveau «Protection
environnementale et droits de l’homme»</a>, Strasbourg, 27 février 2020, p. 6. en matière de protection de l’environnement.
19. La Convention no 172 crée des obligations législatives en matière de droit pénal matériel et procédural. En ce qui concerne le droit matériel, elle érige tout d’abord en infraction pénale un certain nombre d’actes commis aux niveaux national et transnational, intentionnellement ou par négligence, causant ou susceptibles de causer des dommages durables à la qualité de l’air, du sol, des eaux, à des animaux ou à des végétaux, ou entraînant la mort de personnes ou de graves lésions à celles-ci (articles 2 à 4). Elle sanctionne la mise en danger abstraite et concrète de l’environnement, tout en prévoyant une infraction distincte en cas de pollution ayant des conséquences graves (article 2). Cette orientation rejoint l’idée susmentionnée de boîte à outils et le principe de dernier ressort (également évoqué dans le préambule). En outre, les comportements illégaux qui ne sont pas couverts par les articles 2 et 3 de la convention sont passibles de sanctions ou d’autres mesures en tant qu’infractions pénales ou administratives (article 4). La convention définit la notion de responsabilité pénale des personnes physiques et morales et fait de la responsabilité (pénale ou administrative) des entreprises une mesure non obligatoire (article 9). Les sanctions possibles comprennent l’emprisonnement et les sanctions pécuniaires (article 6) et peuvent inclure la remise en l’état de l’environnement (articles 6 et 8), une disposition facultative mais révolutionnaire pour l’époque. La convention précise en outre les mesures que les États contractants peuvent adopter, en cas d’infraction pénale, pour confisquer les instruments et les produits ou les biens dont la valeur correspond à ces produits (article 7). Elle favorise la participation des groupes, des fondations et des associations aux procédures pénales, par le biais de l’actio popularis (article 11) et encourage la coopération judiciaire internationale (article 12) 
			(24) 
			Pour plus d’informations,
voir <a href='about:blank'>la Convention n°
172</a> et son <a href='about:blank'>Rapport
explicatif</a>..
20. Bien que la Convention no 172 ait intégré des approches jugées novatrices au moment de son adoption, on lui a reproché plus récemment d’être trop vague, d’avoir omis des questions importantes, telles que la récidive internationale, les infractions environnementales transnationales et le changement climatique, et de ne pas avoir mis en place de mécanisme de suivi. L’établissement de la responsabilité des entreprises devrait être rendu obligatoire pour permettre la sanction des entreprises qui contribuent à la dégradation de l’environnement. Le faible taux de ratification montre par ailleurs que la convention a besoin d’être révisée ou remplacée par un autre instrument juridique actualisé.
21. Le Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC) a publié récemment un document de travail sur la protection de l’environnement par le droit pénal (ci-après «document de travail du CDPC»), dans lequel il indique envisager la rédaction du texte d’une nouvelle convention 
			(25) 
			Comité
européen pour les problèmes criminels, <a href='about:blank'>CDPC(2020)9, Document de travail sur la
protection de l’environnement par le droit pénal</a>, Strasbourg, 16 septembre 2020.. Il décrit les principales difficultés auxquelles se heurte la convention existante, son orientation et ses principes généraux, ainsi que le travail mené par l’Union européenne autour de la protection de l’environnement par le droit.
22. Comme le souligne le document de travail du CDPC, l’une des principales difficultés qui se pose du point de vue du droit de l’environnement est l’existence en droit national et international d’une multitude de règles contraignantes mais désordonnées, souvent dénuées de dispositions pénales précises et éparses à différents niveaux. Depuis la seconde moitié du XXe siècle, le droit de l’environnement connaît une véritable inflation des textes juridiques internationaux et européens. On dénombre aujourd’hui plus de 300 traités internationaux multilatéraux portant sur des problèmes qui concernent des régions entières, sinon toute la planète, et plus de 900 traités internationaux bilatéraux relatifs aux pollutions transfrontières 
			(26) 
			V. M. Prieur, Droit de l’environnement, Précis
Dalloz, 8e édition, 2019; R. Romi, Droit international et européen de l’environnement,
LGDJ Montchrestien, Domat Droit public, 3e édition,
2017; et C. Roche, L’essentiel du droit
de l’environnement, Gualino, Lextenso éditions, 11e édition,
2020-2021, cité dans <a href='about:blank'>CDPC(2020)9</a> op. cit., p. 2.. En outre, une autre série de dispositions a été élaborée au niveau de l’Union européenne.
23. Le document de travail du CDPC reconnaît donc que le droit pénal de l’environnement apparaît vaste et complexe, et surtout difficile à transposer pénalement en droit national et à unifier. Du fait de ses particularités, la problématique environnementale s’accorde difficilement avec les principes universels du droit pénal. Les principaux obstacles sont la définition en des termes clairs et précis de ce qui constitue une atteinte à l’environnement (principe de légalité des délits et des peines), du degré à partir duquel elle devient grave et sérieuse (principe de nécessité de la peine) et du «prix» de la nature (principe de proportionnalité de la peine). Les systèmes nationaux de droit pénal sont très divers et utilisent des notions juridiques différentes. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que le droit pénal est intrinsèquement régalien et que la protection de l’environnement est également garantie par des sanctions administratives et civiles.
24. Le document de travail du CDPC précise aussi que l’éventuelle future convention devrait combiner les principes fondamentaux du droit pénal et du droit de l’environnement. Ainsi, du point de vue du droit pénal, les incriminations et les peines retenues doivent être soumises au principe de légalité – et doivent donc être rédigées en des termes clairs et précis – et les sanctions doivent être nécessaires et proportionnées. La solidarité des États et l’existence de règles communes pour développer une coopération pénale internationale sont indispensables à la mise en place d’un dispositif répressif harmonisé, en raison notamment de la dimension transnationale des infractions environnementales. Du point de vue spécifique de l’environnement, la reconnaissance de l’intérêt général lié à la protection de l’environnement est le principe fondateur. Face aux défis actuels, les États sont invités à rénover les bases juridiques de la coopération internationale dans ce domaine, en particulier pour garantir la sûreté de la planète, l’équilibre de la biosphère, la sauvegarde de la biodiversité et des écosystèmes, et à établir des règles minimales pour une protection plus efficace de l’environnement. Par conséquent, «[…] le dispositif pénal doit s’inscrire dans une approche à la fois sectorielle et systémique afin d’englober l’ensemble des comportements et activités portant ou susceptibles de porter les atteintes les plus graves à l’environnement» 
			(27) 
			<a href='about:blank'>CDPC(2020)9</a> op. cit., p. 3.. En ce qui concerne la définition des incriminations, le CDPC recommande de définir des infractions de non-respect de règles spéciales préétablies – de nature législative ou administrative – qui renvoient à des actes «illicites» spécifiques (concernant l’eau, l’air, la faune, la flore, les déchets, la pollution, etc.), et des «infractions plus générales de mise en danger de l’environnement» qui recouvrent les atteintes massives, les plus graves, à l’environnement et qui, pour l’heure, ne connaissent pas de sanctions suffisamment dissuasives (par exemple la déforestation des forêts tropicales, la pollution des sols et des eaux liée aux forages de puits de pétrole ou encore le risque environnemental créé par des cargos transportant des matières dangereuses et qui pénètrent dans des aires marines protégées) 
			(28) 
			Ibid., p. 5..
25. Le CDPC a créé un Groupe de travail sur l’environnement et le droit pénal (CDPC-EC), composé d’experts représentant les États membres du Conseil de l’Europe et d’un expert scientifique, afin de discuter de la possibilité de réaliser des progrès plus concrets en matière de protection de l’environnement par le droit pénal et d’évaluer l’opportunité de procéder à une révision de la Convention no 172 ou à l’élaboration d’un nouvel instrument du Conseil de l’Europe 
			(29) 
			Voir le document de
travail <a href='https://rm.coe.int/cdpc-2021-4-document-de-travail-groupe-de-travail-l-environnement-et-l/1680a1cb87'>CDPC(2021)4</a> du 25 mars 2021 et l’ordre du jour de la première réunion, <a href='https://rm.coe.int/cdpc-ec-2021-oj1-bil-draft-agenda-project-d-ordre-du-jour/1680a1cb92'>CDPC-EC(2021)OJ1
du 22 mars 2021.</a>. Sa mission consistera, entre autres, à analyser les raisons de l’échec de la Convention no 172, à identifier les défis/risques environnementaux actuels et futurs auxquels les États sont confrontés et à mener une analyse de droit comparé. Le groupe de travail déterminera les axes majeurs de l’éventuel nouvel instrument, ou de l’instrument actualisé, à savoir: les concepts environnementaux à intégrer et à définir; le droit pénal substantiel et procédural; les mesures de prévention, de protection et de coopération internationale; et les mécanismes de suivi de la mise en œuvre de l’instrument. Le CDPC-EC a tenu sa première réunion les 20 et 21 avril 2021, par visioconférence.

2.3. Directive de l’Union européenne 2008/99/CE

26. Au sein de l’Union européenne, plus de 250 textes, essentiellement des directives, fixent des normes et des limites dans le domaine de l’environnement. La Convention no 172 a largement influencé l’adoption de certains de ces instruments, notamment la Directive 2008/99/CE du Parlement européen et du Conseil relative à la protection de l’environnement par le droit pénal 
			(30) 
			La <a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32008L0099&from=FR'>Directive
2008/99/CE</a> est en cours de révision. La directive révisée sera
proposée par la Commission européenne au cours du quatrième trimestre
2021. Voir <a href='about:blank'>Programme
de travail de la Commission pour 2021, Annexe II</a>, p. 16. («Directive 2008/99/CE») et la Directive 2009/123/CE relative à la pollution causée par les navires 
			(31) 
			Vagliasindi,
G.M. (2015), <a href='about:blank'>Directive
2008/99/CE relative à la protection de l’environnement par le droit
pénal et Directive 2009/123/CE sur la pollution causée par les navires</a>. Étude réalisée dans le cadre du projet de recherche EFFACE
(European Union Action to Fight Environmental Crime), Catane, Université
de Catane, p. 7..
27. A cet égard, la Directive 2008/99/CE est particulièrement importante, car elle fixe les règles minimales que doivent suivre les États membres de l’Union européenne dans le domaine du droit pénal de l’environnement. Son objectif: pour «garantir une protection efficace de l’environnement, il est absolument nécessaire d’instaurer des sanctions plus dissuasives à l’égard des activités préjudiciables à l’environnement, qui entraînent généralement ou sont susceptibles d’entraîner une dégradation substantielle de la qualité de l’air, y compris la stratosphère, du sol et de l’eau ainsi que de la faune et de la flore, notamment en termes de conservation des espèces» 
			(32) 
			Préambule de la directive,
5e paragraphe.. Tout manquement à une obligation d’agir doit être soumis à des sanctions appropriées et être considéré comme une infraction pénale dans toute l’Union européenne, qu’il soit délibéré ou qu’il relève d’une négligence grave 
			(33) 
			Ibid., 6e et 7e paragraphes.. L’article 3 de la directive dresse la liste des actes qui constituent une infraction pénale lorsqu’ils sont illicites (c’est-à-dire lorsqu’ils enfreignent la législation pertinente de l’Union européenne ou une loi, une réglementation administrative ou une décision nationale) et sont commis intentionnellement ou au moins par négligence grave (par exemple le rejet, l’émission ou l’introduction d’une quantité de substances ou de radiations ionisantes dans l’atmosphère, le sol ou les eaux, le traitement et le transfert de déchets, la destruction d’espèces de la faune et de la flore sauvages protégées, etc.). Son article 6 précise que les États membres de l’Union européenne doivent veiller à ce que les personnes morales puissent être tenues pour responsables de telles infractions. Toutefois, selon le document de travail du CDPC, le contenu de la directive reste «timide et léger», en grande partie parce que la définition des infractions pénales se résume à ajouter des sanctions pénales à des sanctions administratives et ne reconnaît pas les crimes et délits dits autonomes contre l’environnement 
			(34) 
			<a href='about:blank'>CDPC(2020)9</a> op. cit, p. 5.. En outre, elle n’aborde pas suffisamment les difficultés liées à la participation accrue de groupes criminels organisés et la nécessité d’encourager davantage la coopération transfrontalière.

2.4. Écocide

28. Depuis les années 1970, plusieurs appels ont été lancés en faveur du renforcement de la protection de l’environnement par le droit pénal international, dont l’un s’est traduit par l’incorporation d’un cinquième crime dans le Statut de Rome, à savoir «l’écocide». De nombreux universitaires et professionnels s’étaient prononcés en faveur de son inclusion et, en avril 2010, l’avocate britannique Polly Higgins a soumis une proposition à la Commission juridique des Nations Unies pour modifier le Statut de Rome. Mme Higgins définit l’écocide comme «la destruction partielle ou totale d’un écosystème sur un territoire donné, les dommages massifs générés par l’action humaine ou toute autre cause, ayant pour effet d’empêcher les habitants du territoire concerné d’en jouir en toute quiétude» 
			(35) 
			Higgins, P., D. Short
et N. South, «Protecting the planet: A proposal for a law of ecocide».
Crime, Law and Social Change, 2013, Vol. 59(3): 251 – 266, p. 257.. Il n’existe cependant pas encore de définition juridique universellement admise de ce crime. Dans sa proposition, Mme Higgins identifie deux types d’écocide – l’un causé par l’activité humaine, l’autre survenant de façon naturelle – et demande l’application des principes de responsabilité supérieure et de responsabilité objective. La prévention de l’écocide naturel devrait relever de la compétence des gouvernements, tandis que la prévention de l’écocide d’origine humaine devrait incomber aux gouvernements et aux entreprises. Grâce à la mise en place d’un devoir de vigilance (duty of care), les États seraient légalement tenus d’agir avant que la destruction massive ne se produise et d’aider les pays dont l’écosystème menace de s’effondrer. Le crime d’écocide, en interdisant les dommages massifs et la destruction des écosystèmes et en imposant une obligation légale de vigilance aux personnes en position de responsabilité supérieure, pourrait devenir une mesure préventive qui empêche les grands pollueurs de contribuer au changement climatique.
29. La mise en œuvre de propositions telles que celle de Mme Higgins a été examinée à maintes reprises dans le passé, et plusieurs États ont incorporé l’écocide dans leur code pénal 
			(36) 
			Par exemple, les trois
États membres du Conseil de l’Europe que sont la Géorgie, la République
de Moldova et l’Ukraine..

3. Responsabilité civile

3.1. Généralités

30. Le deuxième régime de responsabilité, plus courant, est celui de la voie civile. Si la responsabilité pénale est utilisée comme un outil judiciaire en dernier ressort, la responsabilité civile est destinée à avoir une portée plus large et à être plus facilement applicable. Les acteurs privés comme les acteurs publics peuvent être amenés à rendre des comptes sur la base de l’engagement de leur responsabilité civile. Les pays de common law et les pays de droit civil interprètent souvent leur régime de responsabilité civile différemment, et certains pays européens présentent des différences avec ces deux cultures juridiques.
31. Il existe deux régimes communs de responsabilité civile: la responsabilité pour faute et la responsabilité objective. La responsabilité pour faute implique, comme son nom l’indique, qu’une ou plusieurs personnes aient agi d’une manière qui ne correspond pas à la norme de comportement attendu dans une situation donnée. Le non-respect de cette norme peut survenir de manière volontaire, c’est-à-dire intentionnelle, ou par négligence, c’est-à-dire en violation du devoir de vigilance. La responsabilité objective d’une personne peut être engagée en l’absence de tout comportement volontaire ou négligent. La notion juridique de responsabilité objective a été introduite après la révolution industrielle. La diffusion de nouvelles machines, d’installations industrielles et d’autres technologies à haut risque a entraîné une augmentation des préjudices auxquels aucune faute directe ne pouvait être imputée. Les personnes ayant subi un préjudice à la suite d’accidents industriels devaient néanmoins être indemnisées. Les entreprises ont largement profité de la révolution industrielle, qui a accru leur efficacité et leurs revenus, mais il existait un déséquilibre entre les profits qu’elles réalisaient et leurs effets néfastes sur la société qui les entourait. La responsabilité objective a donc été instaurée pour que soit engagée, en cas de préjudice, la responsabilité de ceux qu’il paraissait le plus raisonnable de tenir pour responsables.

3.2. Convention sur la responsabilité civile des dommages résultant d’activités dangereuses pour l’environnement

32. La Convention de Lugano de 1993 sur la responsabilité civile des dommages résultant d’activités dangereuses pour l’environnement (ci-après la «Convention no 150») vise à assurer une possibilité de réparation adéquate des dommages résultant des activités dangereuses pour l’environnement (telles que définies dans son article 2, section 1 
			(37) 
			Est qualifiée d’activité
dangereuse une activité menée à titre professionnel impliquant des
substances dangereuses (dont la liste figure en Annexe 1 de la convention),
des organismes génétiquement modifiés ou des micro-organismes ainsi
que les opérations portant sur des déchets. Voir le Rapport explicatif
de la Convention de Lugano de 1993 sur la responsabilité civile
des dommages résultant d’activités dangereuses pour l’environnement,
paragraphe 9.) et prévoit également des moyens de prévention et de remise en l’état. Au sens de cette convention, les dommages peuvent concerner non seulement «l’altération de l’environnement», mais aussi les personnes (décès ou lésions corporelles) et les biens, et peuvent inclure le coût des mesures prises pour les prévenir. Les dommages couverts peuvent résulter «d’un fait instantané, d’un fait continu ou d’une succession de faits» 
			(38) 
			Ibid., paragraphe 6.. Comme l’indique son préambule, un des éléments essentiels de cette convention, qui figure dans la plupart des législations environnementales, est le principe du «pollueur payeur», qui consiste essentiellement à faire peser la charge économique des dommages sur ceux qui en sont véritablement responsables.
33. La Convention no 150 applique le régime de la responsabilité objective aux dommages causés à l’environnement et prévoit donc une protection plus stricte. Elle prend également en compte toutes les activités professionnelles dangereuses exercées par des entités tant publiques que privées 
			(39) 
			Voir ses articles 6
et 7. La personne responsable est la personne qui exerce le contrôle
de l’activité dangereuse («l’exploitant»).. En outre, le locus standi est élargi pour inclure les associations et fondations de protection de l’environnement (article 18). En effet, ce sont souvent les ONG et les fondations de protection de l’environnement qui disposent des ressources et de la volonté nécessaires pour porter les litiges relatifs au changement climatique devant une juridiction. Il est donc essentiel que ces entités aient qualité pour agir lorsque l’on cherche à imputer la responsabilité des dommages et/ou des dégradations de l’environnement causés par le changement climatique à des acteurs privés et/ou publics. La convention traite également de l’accès à l’information (voir son Chapitre III). Tenir un acteur public ou privé responsable d’un impact négatif sur le climat impose de présenter des éléments de preuve scientifiques et techniques solides. Dans un litige relatif au changement climatique, il est très difficile de déterminer l’ampleur réelle des dommages, d’identifier ceux qui contrôlaient le ou les risques et d’établir le lien de causalité. En fournissant un accès suffisant aux informations sur les détails techniques des acteurs et exploitants, on atténue, au moins dans une certaine mesure, cette difficulté.
34. La Convention no 150 est un instrument juridique qui pourrait servir de cadre efficace aux recours relatifs aux effets négatifs sur le climat. Elle est ouverte à la ratification d’États non membres du Conseil de l’Europe, ce qui est important et nécessaire, compte tenu de la nature transfrontalière des effets du changement climatique. Toutefois, cette convention a été adoptée en 1993, à une époque où la conscience environnementale et le changement climatique n’en étaient qu’à leurs débuts. Elle aurait besoin d’être mise à jour par rapport aux nouvelles connaissances scientifiques et à l’évolution des instruments politiques et juridiques pour être mieux adaptée à l’imputation de la responsabilité civile des effets négatifs sur le climat. Comme le propose Mme le Professeur Marta Torre-Schaub, la convention pourrait être élargie aux questions climatiques, notamment en modifiant la liste des substances dangereuses (Annexe I) en y ajoutant les gaz à effet de serre, dont le dioxyde de carbone (CO2) 
			(40) 
			C’est ce qui a été
fait aux États-Unis après l’arrêt de la Cour suprême du 2 avril
2007 dans l’affaire Massachusetts c. Environmental
Protection Agency: la loi sur la pollution atmosphérique
a élargi la liste des produits toxiques pouvant causer des dommages
en ajoutant le CO2.. Il importe de rappeler que la Convention no 150 n’a été ratifiée par aucun État membre du Conseil de l’Europe et qu’elle n’a été signée que par neuf d’entre eux 
			(41) 
			Pour connaître l’état
des signatures et ratifications au 19 avril 2021, voir: 
			(41) 
			<a href='about:blank'>www.coe.int/en/web/conventions/full-list/-/conventions/treaty/150/signatures?p_auth=5C1qRIMx.</a>. Cela s’explique peut-être par le fait que le principe du «pollueur-payeur» soit au cœur de la Directive 2004/35/CE de l’Union européenne du 21 avril 2004 «sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux», qui a été mise en œuvre par les États membres du Conseil de l’Europe qui sont aussi membres de l’Union européenne (bien que cette directive traite principalement de la responsabilité administrative des personnes morales). Il semble évident que la Convention no 150 doit être révisée et faire l’objet de plus d’attention et de publicité, ou qu’elle doit être remplacée par un nouvel instrument juridique.

4. Le contentieux climatique

4.1. Actions en justice engagées contre les États

35. Aujourd’hui, les États sont visés par les poursuites judiciaires engagées contre des politiques de protection du climat inadéquates et la non-application des conventions internationales sur le climat. Ces poursuites se fondent principalement sur le droit relatif aux droits humains et sur le droit public international. Les plaignants réclament souvent une mobilisation plus anticipatrice contre le changement climatique, telle qu’un changement de politique énergétique ou une réduction plus ambitieuse des émissions de GES. Toutefois, les récentes évolutions montrent que certaines de ces poursuites se fondent non seulement sur le droit public, mais aussi sur le droit civil (en particulier le droit de la responsabilité civile).
36. L’affaire néerlandaise Urgenda (Fondation Urgenda c. Pays-Bas) est connue pour avoir été la première affaire de contentieux climatique qui ait abouti devant des tribunaux nationaux. L’affaire avait été introduite au nom de 886 citoyens néerlandais et se fondait sur la Convention européenne des droits de l’homme, la Constitution des Pays-Bas et le devoir non écrit de vigilance (duty of care) qui découlait du Code civil néerlandais. Elle a été examinée par trois instances.
37. Le 24 juin 2015, le tribunal de première instance de La Haye a conclu que l’État des Pays-Bas devait limiter, ou faire limiter, le volume annuel conjoint des émissions de GES des Pays-Bas de 25 % (au lieu de 17 %) d’ici fin 2020 par rapport à 1990 
			(42) 
			<a href='about:blank'>Fondation Urgenda c. Pays-Bas</a>, 24 juin 2015, Tribunal de première instance de La Haye,
paragraphe 5.1..Le tribunal a estimé qu’on pouvait supposer l’existence d’un lien de causalité suffisant entre les émissions de GES des Pays-Bas, le changement climatique mondial et leurs effets (actuels et futurs) sur le climat néerlandais. Il a également conclu que l’État avait agi avec négligence, et donc illégalement, envers Urgenda en définissant un objectif de réduction inférieur à 25 % en 2020, par rapport à 1990. Bien que le Gouvernement néerlandais ait invoqué l’atteinte au principe de séparation des pouvoirs, le tribunal a conclu que les aspects associés à ce principe de séparation des trois pouvoirs (trias politica) ne faisaient pas obstacle à la recevabilité de la demande. Les requérants se sont également appuyés sur une interprétation de l’article 2 et de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme: le tribunal de première instance a jugé cet argument convaincant, mais ne l’a pas expressément invoqué 
			(43) 
			Ibid. Voir aussi Suryapratim,
Woerdman Dr, «Situating Urgenda v the Netherlands within comparative
climate change litigation», Journal of
Energy & Natural Resources Law, 2016, Vol.34(2):
165-189, p. 172..
38. Après l’appel interjeté par le gouvernement, la Cour d’appel de La Haye a confirmé le 9 octobre 2018 le jugement rendu en première instance, mais en se fondant sur des motifs juridiques différents 
			(44) 
			<a href='about:blank'>Fondation Urgenda c. Pays-Bas</a>, 9 octobre 2018, Cour d’appel de La Haye.. Le jugement définitif dans cette affaire a été rendu le 20 décembre 2019 par la Cour suprême des Pays-Bas, qui a confirmé l’arrêt de la Cour d’appel.
39. La Cour d’appel et la Cour suprême ont conclu que les articles 2 et 8 de la Convention imposaient à l’État néerlandais l’obligation positive de protéger le droit à la vie de ses habitants, ainsi que leur droit au respect de la vie privée et familiale. Le raisonnement des deux tribunaux faisait valoir que le changement climatique devait être considéré comme une menace «réelle et immédiate» pour la génération qui réside actuellement aux Pays-Bas 
			(45) 
			<a href='about:blank'>Fondation Urgenda c. Pays-Bas</a>, 20 décembre 2019, Cour suprême des Pays-Bas.. L’État a l’obligation de protéger le droit à la vie et le droit au respect de la vie privée et familiale de ses résidents lorsqu’il existe une menace réelle. Par ailleurs, la Cour d’appel et la Cour suprême se sont toutes deux écartées de la conclusion du tribunal de première instance sur l’applicabilité de la décision dans l’espace et dans le temps. Elles se sont exclusivement concentrées sur la protection des résidents actuels des Pays-Bas, sans inclure les générations futures ni les personnes vivant ailleurs. Ces décisions de justice présentent un autre aspect important, puisqu’elles précisent que les États ne peuvent pas «se soustraire» à leurs responsabilités en matière de réduction des émissions de GES, même si les réductions réalisées à l’échelle d’un pays peuvent sembler minimes à l’échelle de la planète. Dans le cas contraire, ont fait valoir les juridictions, aucun État ne serait tenu responsable de la réduction des émissions des GES. Par conséquent, chaque État doit assumer sa part de responsabilité 
			(46) 
			Ibid. Voir aussi Backes
et van der Veen, «Urgenda: The final judgment of the Dutch Supreme
Court», Journal for European Environmental
& Planning Law, vol. 17 (2020): 307 – 321, p. 309..
40. Les médias, les professionnels et les universitaires affirment aujourd’hui que cette affaire a créé un précédent juridique mondial, qui pourrait permettre à d’autres affaires relatives au changement climatique d’aboutir devant la justice en Europe et dans le monde. D’aucuns s’inquiètent cependant de l’implication désormais trop politique du pouvoir judiciaire dans l’élaboration des politiques environnementales, qui bafoue de fait le principe fondamental de la séparation des pouvoirs. En outre, certains détracteurs pensent qu’il n’appartient pas à la justice de se prononcer sur un tel sujet, considérant qu’il est «trop vaste pour faire l’objet d’un procès» 
			(47) 
			Loth, Marc, «Too Big
to Trial? Lessons from the Urgenda case», janvier 2018, SSRN Electronic
Journal, pp. 1-15..
41. Cependant, après l’affaire Urgenda, des affaires similaires ont été portées par des ONG devant la justice dans d’autres pays européens (notamment en Belgique, en France, en Norvège, au Royaume-Uni et en Suisse). En Belgique, en 2015, l’ONG Klimaatzaak a saisi le tribunal civil de première instance de Bruxelles contre l’État fédéral et les trois régions belges (Flandre, Wallonie et Bruxelles) afin de contraindre les autorités belges à respecter leurs engagements internationaux en matière de climat, dont certains découlent de la Convention relative aux droits de l’enfant. Le procès s’est tenu du 16 au 26 mars 2021 
			(48) 
			<a href='https://www.natura-sciences.com/environnement/klimatzaak-affaire-climat-belgique-tribunal.html'>www.natura-sciences.com/environnement/klimatzaak-affaire-climat-belgique-tribunal.html.</a>. Par ailleurs, en 2016, plusieurs citoyens ont intenté une action en justice contre la région de Bruxelles-Capitale, dénonçant la mauvaise qualité de l’air.
42. En France, à la suite d’un procès intenté par quatre ONG (Notre affaire à tous, Greenpeace, Oxfam et la Fondation Nicolas Hulot) contre l’inaction de l’État au regard de ses obligations découlant de l’Accord de Paris (carence fautive), un arrêt historique (l’Affaire du siècle) a été rendu par le tribunal administratif de Paris le 3 février 2021 
			(49) 
			L’arrêt
rendu par le tribunal administratif de Paris est disponible <a href='http://paris.tribunal-administratif.fr/content/download/179360/1759761/version/1/file/1904967190496819049721904976.pdf'>ici</a>., qui a reconnu la responsabilité de l’État français dans son inaction face au changement climatique. Le tribunal a conclu que l’État n’avait pas respecté ses engagements de réduire les émissions de GES entre 2015 et 2018 et qu’il pouvait être tenu responsable d’un «préjudice écologique». Il a reporté de deux mois sa décision d’injonction sur les mesures devant être ordonnées à l’État, dans l’attente de l’issue d’une affaire similaire introduite devant le Conseil d’État par la commune de Grande-Synthe (dans le département du Nord). Au titre de ce «préjudice moral», l’État français a été condamné à verser un euro symbolique aux quatre ONG dont l’action en justice avait été soutenue par 2,3 millions de personnes à travers le pays.
43. En Norvège, en 2016, plusieurs ONG ont intenté un procès contre l’État pour contester la validité de la décision d’accorder dix licences d’exploitation pétrolières en mer de Barents dans le cadre du 23e tour d’attribution des licences (Greenpeace Norvège et Natur og Ungdom [Nature et Jeunesse] c. Norvège/ministère du Pétrole et de l’Énergie – également connue comme l’affaire Peuple c. Pétrole dans l’Arctique). Les requérants ont invoqué la violation de l’article 112 de la Constitution (qui stipule que les citoyens ont droit à un environnement sûr et sain et que l’État doit mettre en œuvre des mesures pour garantir ce droit) et des articles 2 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. La Cour suprême a rendu son arrêt le 22 décembre 2020 
			(50) 
			La traduction
de l’arrêt est disponible <a href='https://lovdata.no/dokument/HRENG/avgjorelse/hr-2020-2472-p-eng'>ici</a>. Voir aussi: <a href='https://www.greenpeace.org/international/press-release/46140/outrage-after-judgement-in-favour-of-the-norwegian-oil-state/'>www.greenpeace.org/international/press-release/46140/outrage-after-judgement-in-favour-of-the-norwegian-oil-state/</a> et Libell H. et Kwai I., <a href='about:blank'>«Norway’s Supreme Court Hears Rights Challenge
to Artic Oil Drilling»</a>, 5 novembre 2020, The New
York Times en ligne. et a rejeté l’appel, bien qu’une minorité de juges ait estimé que des vices de procédure avaient entaché l’octroi des licences de forage pétrolier. C’était la première fois que la Cour suprême se prononçait sur une affaire d’une telle ampleur au sujet de la nouvelle version de l’article 112 de la Constitution.
44. En Suisse, en mai 2020, le Tribunal fédéral a rejeté le recours déposé par l’ONG Aînées pour le climat, représentant un groupe de femmes âgées, qui demandait au Gouvernement suisse de respecter ses engagements internationaux découlant de l’Accord de Paris 
			(51) 
			L’ONG a ensuite saisi
la Cour européenne des droits de l’homme (voir ci-dessus paragraphe
11): <a href='https://www.greenpeace.ch/fr/communique-de-presse/59049/ainees-cour-europeenne/'>www.greenpeace.ch/fr/communique-de-presse/59049/ainees-cour-europeenne/.</a>.
45. Au Royaume-Uni, un certain nombre d’affaires ont été jugées, ou sont en cours, qui impliquent le Gouvernement britannique à propos de la compatibilité de ses politiques avec le droit national et international 
			(52) 
			Pour plus d’informations,
voir la page de la <a href='http://climatecasechart.com/non-us-jurisdiction/united-kingdom/'>base
de données</a> Climate Change Litigation
Databases consacrée au Royaume-Uni et le site de Practical
Law, <a href='https://uk.practicallaw.thomsonreuters.com/Topic/6-103-2064?comp=pluk&sv=5-203-9927&transitionType=Default&contextData=(sc.Default)'>Contentieux
climatique 2021</a>.. En 2018 par exemple, Plan B, un groupe d’action juridique sur le changement climatique, a intenté une action en justice contre le ministère des Transports. Il lui reprochait de ne pas tenir compte de l’Accord de Paris et de l’objectif de limitation de la hausse des températures à 1,5 °C. Plan B a initialement perdu son procès devant la Haute Cour, mais la cour d’appel a annulé cette décision. Finalement, à la suite de l’appel interjeté par Heathrow Airport Limited, la Cour suprême a estimé en décembre 2020 que le gouvernement n’avait pas omis de prendre en compte l’Accord de Paris 
			(53) 
			Pour plus d’informations
sur l’affaire, voir <a href='https://planb.earth/plan-b-v-heathrow-expansion/'>Plan
B c. Heathrow Expansion</a>.. De nombreuses autres affaires liées à l’aménagement du territoire ont été portées devant des juridictions supérieures pour contester des octrois de permis de construire au motif qu’ils ne tenaient pas suffisamment compte des politiques environnementales et des effets du changement climatique. Une de ces affaires concernait la conversion de la centrale électrique de Drax, l’une des plus grandes du Royaume-Uni, du charbon au gaz. Cette conversion avait été autorisée par le secrétaire d’État à l’Énergie en octobre 2019. L’organisation Client Earth a contesté cette décision, mais son action a échoué devant la cour d’appel en janvier 2021. Client Earth estime toutefois que l’affaire a permis d’établir que «cette décision de justice annule les conclusions de la Haute Cour selon laquelle les grands projets énergétiques britanniques ne peuvent être rejetés pour des raisons climatiques» 
			(54) 
			Pour lire l’intégralité
de l’arrêt, voir <a href='https://www.judiciary.uk/judgments/clientearth-v-secretary-of-state-for-business-energy-and-industrial-strategy/'>ClientEarth
c. Secretary of State for Business, Energy and Industrial Strategy</a>, 21 janvier 2021..

4.2. Responsabilité des personnes morales

46. Les notions de «responsabilité sociale des entreprises» et de «droits humains et entreprises» émanent d’une pression exercée par la société pour tenir les entreprises commerciales responsables des dommages sociaux et environnementaux que leur activité commerciale inflige à leur environnement 
			(55) 
			Pour une explication
approfondie du sujet, voir le Doc. 12361 «Droits de l’homme et entreprises».. Bien que ces notions aient essentiellement reposé sur des approches volontaires ces dernières décennies, il est désormais largement reconnu que les entreprises ont des responsabilités dans ce domaine. Les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme: mise en œuvre du cadre de référence «protéger, respecter et réparer» approuvés par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies en 2011 et par la Recommandation CM/Rec(2016)3 du Comité des Ministres sur les droits de l’homme et les entreprises le 2 mars 2016, ont marqué une avancée considérable à cet égard. Ils soulignent non seulement la nécessité pour les États de réglementer le respect des droits humains par les entreprises (notamment par le respect des lois environnementales pertinentes), mais également la responsabilité qui incombe aux entreprises de respecter les droits humains, notamment par la mise en œuvre de procédures relatives au devoir de vigilance dans ce domaine (et, dans certaines situations, par des évaluations de l’impact sur l’environnement). Les Principes directeurs des Nations Unies précisent par ailleurs que les États doivent prendre des mesures appropriées pour garantir, par le biais de moyens judiciaires (civils et pénaux), administratifs, législatifs ou autres, l’accès à un recours effectif en cas d’atteinte commise par des entreprises (principe 25). Par conséquent, la reconnaissance de la responsabilité sociale des entreprises en cas d’atteinte aux droits humains joue un rôle essentiel dans le contentieux environnemental, car les dommages causés à l’environnement peuvent également entraîner une violation des droits humains.
47. L’évolution récente en matière de responsabilité sociale des entreprises est liée aux procès intentés à des entreprises pour des dommages qu’elles auraient causés au climat. Depuis 2005, des ONG, des États et des citoyens du monde entier ont intenté plus de 1 200 actions en justice contre des organisations privées 
			(56) 
			Marchand, Oliver, «<a href='about:blank'>Climate Change: a growing liability
for companies and investors</a>», The Emission,
27 avril 2019, Carbon Delta. (principalement des entreprises d’exploitation de combustibles fossiles 
			(57) 
			De Wit E., Quinton
A. et Meehan F., <a href='about:blank'>«Climate
change litigation update</a>», Norton Rose Fulbright, 25 mars 2019.). Les procès intentés contre des entreprises ont un caractère différent de ceux intentés contre des États. Dans le premier cas, les requérants réclament généralement une réparation économique des dommages causés à leurs cultures, biens immeubles, infrastructures, etc. et imputables au changement climatique, en cas d’inondation ou de vague de chaleur, par exemple 
			(58) 
			Novel,
Anne-Sophie, «<a href='about:blank'>Le climat,
nouveau sujet du droit</a>», Le Courrier de l’UNESCO,
mars 2019., alors que dans les actions intentées contre des États, fondées sur le droit public, ils demandent le paiement d’une somme symbolique ou une déclaration publique.
48. La responsabilité des entreprises en matière de changement climatique peut reposer sur divers régimes juridiques. Le droit de la responsabilité civile, la fraude, le droit de l’urbanisme et le droit des sociétés ont tous été invoqués 
			(59) 
			Clarke M. et Hussain
T., «<a href='about:blank'>Climate Change Litigation:
a new class of action</a>», 13 novembre 2018, White & Case.. En Europe, les actions engagées par des ONG contre Total en France 
			(60) 
			<a href='https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/energie/le-petrolier-total-attaque-en-justice-pour-inaction-climatique-par-des-ong_AN-202001280250.html'>www.bfmtv.com/economie/entreprises/energie/le-petrolier-total-attaque-en-justice-pour-inaction-climatique-par-des-ong_AN-202001280250.html.</a> et Royal Dutch Shell aux Pays-Bas ne visent pas une réparation économique. Les requérants cherchent principalement à obtenir des décisions de justice qui obligeraient les entreprises du secteur de l’énergie à réduire leurs émissions de GES, conformément à l’Accord de Paris. L’affaire néerlandaise présente des similitudes frappantes avec l’affaire Urgenda (voir plus haut). La partie demanderesse fonde son argumentation sur le devoir de vigilance (duty of care) de Shell, qui découle du Code civil des Pays-Bas et de la jurisprudence nationale pertinente, ainsi que des articles 2 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme 
			(61) 
			<a href='https://www.theguardian.com/business/2020/nov/30/shell-in-court-over-claims-it-hampered-fossil-fuels-phase-out'>www.theguardian.com/business/2020/nov/30/shell-in-court-over-claims-it-hampered-fossil-fuels-phase-out.</a>. Par ailleurs, en Allemagne en 2015, un agriculteur péruvien, Saul Luciano Lliuya, a attaqué en justice l’opérateur énergétique allemand RWE. M. Lliuya vit dans la ville de Huaraz, au pied du glacier Palcaraju dont les eaux de fonte alimentent le lac Palcacocha. Selon lui, les émissions de GES des centrales électriques au charbon de RWE sont en partie responsables de la fonte accélérée du glacier, dont les eaux menacent de faire monter le niveau du lac Palcacocha et d’inonder sa maison. Il estime par conséquent que RWE doit contribuer financièrement à toutes les mesures de protection nécessaires. En première instance, la plainte a été rejetée par le tribunal régional (Landgericht) de Hamm le 15 décembre 2016. M. Lliuya ayant interjeté appel, l’affaire est désormais pendante devant la Cour d’appel (Oberlandesgericht) de Hamm 
			(62) 
			«<a href='about:blank'>Climate change litigation update</a>» op. cit. et <a href='https://www.preventionweb.net/news/view/75982'>www.preventionweb.net/news/view/75982</a>..

5. Conclusion

49. Compte tenu de l’urgence de la crise climatique et de l’importance qu’il y a à tenir les acteurs privés et publics responsables de leurs contributions au changement climatique, il convient de privilégier la dissuasion et la justice corrective pour adopter des instruments qui préviennent, corrigent et réparent les dommages causés par le changement climatique, même si les dommages potentiels exacts sont encore inconnus au moment où les émissions de GES ont lieu. Toutefois, les cadres juridiques internationaux, européens et nationaux en matière de responsabilité sont très inégaux et problématiques, en particulier pour déterminer l’obligation juridique de l’État.
50. Du point de vue économique, il est possible de mettre le monde sur la voie de l'objectif net zéro. Les pays peuvent parvenir à une économie favorable à la nature en investissant davantage dans les infrastructures vertes et l'énergie propre. Les autorités peuvent également augmenter progressivement les prix du carbone. Cela encouragera le passage aux technologies propres. Les revenus du carbone devraient être investis dans les personnes afin que les ménages ne soient pas affectés par la hausse des prix. La transition vers une économie verte doit être équitable, inclusive et favorable à la croissance. La reprise verte oblige les gouvernements à agir ensemble de manière décisive. La Commission européenne pourrait être une force motrice derrière cela en collaboration avec des organisations internationales telles que l'ONU, la Banque mondiale, le Fonds Monétaire International et l'Organisation de coopération et de développement économiques.
51. Pour aller de l'avant, outre les actions économiques, des mesures juridiques fortes sont nécessaires. Il faut aussi une collaboration mondiale renforcée pour atteindre les objectifs. Les actions juridiques et économiques doivent aller de pair pour mettre en œuvre l'agenda. Les citoyens réclament maintenant des moyens juridiques pour lutter contre des problèmes de longue date. Engager la responsabilité pénale et civile sera un changement innovant avant la prochaine étape et contribuera à la dissuasion. Alors que les dommages environnementaux entraînent un coût économique élevé, une compensation est nécessaire.
52. En ce qui concerne la responsabilité pénale, il existe dans les États membres du Conseil de l’Europe une grande diversité de lois nationales qui régissent l’engagement de responsabilité pour les dommages causés à l’environnement. Dans la majorité des pays, la plupart des dispositions (mais pas toutes) qui régissent cette responsabilité figurent dans les codes pénaux. Elles mentionnent généralement les dommages environnementaux les plus graves et prévoient la responsabilité pénale des entreprises, mais ne précisent pas les types de comportements susceptibles d’avoir un impact sur le changement climatique. Au niveau international et européen, l’actuel arsenal conventionnel présente une multitude de textes généraux qui ne comportent pas en leur sein de dispositif pénal propre à garantir le respect des normes qu’ils fixent, ce qui hypothèque sérieusement leur efficacité. Il est nécessaire de repenser l’approche actuelle du droit pénal de l’environnement et d’en adopter une nouvelle. Compte tenu de la diversité des législations nationales, il convient d’essayer d’identifier ce qui existe déjà dans les systèmes pénaux nationaux et qui pourrait être complété par des éléments répressifs novateurs afin de répondre plus efficacement aux défis environnementaux actuels (réchauffement climatique, érosion de la biodiversité, épuisement des ressources naturelles, multiplication des infractions environnementales, etc.).
53. En conséquence, il convient de mettre en place un dispositif pénal unifié pour permettre l’adoption de définitions communes des infractions pénales et des sanctions correspondantes, y compris des sanctions financières dissuasives, afin de parvenir à un niveau minimal d’harmonisation en Europe et d’assurer l’efficacité des règles. L’élaboration d’une telle d’approche permettrait de répondre aux préoccupations actuelles et aux critiques exprimées par l’opinion publique et tiendrait compte des progrès du droit interne et de la jurisprudence nationale et internationale en matière de protection de l’environnement. Etant donné que la pollution et les autres actes ou phénomènes susceptibles d’avoir un impact sur le changement climatique ne connaissent pas de frontières, la coopération internationale dans le domaine du droit pénal de l’environnement, y compris la coopération judiciaire, doit également être renforcée. Les infractions environnementales les plus graves doivent être punies avec la sévérité qui s’impose. Les États devraient envisager de reconnaître le principe de compétence universelle pour ces infractions, notamment dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (1998), et d’introduire le crime d’écocide dans leur droit pénal.
54. C’est au niveau du droit civil que le contentieux climatique dispose de plusieurs leviers intéressants. À partir du moment où le changement climatique cause des dommages, des pertes, des risques et des préjudices aux personnes et aux biens (portant par là même atteinte aux droits de la propriété individuelle), la responsabilité civile des différents acteurs peut être engagée, principalement selon les règles générales du droit de la responsabilité civile et de la responsabilité pour faute. Dans un petit nombre d’États membres du Conseil de l’Europe seulement, le droit national contient des dispositions spécifiques sur la responsabilité civile pour les dommages causés à l’environnement, y compris sur la responsabilité objective dans certaines situations. Les derniers développements des recours introduits dans d’autres pays européens montrent le grand potentiel du contentieux climatique. L’affaire Urgenda a été particulièrement novatrice car, en combinant le droit public et le droit civil, elle a établi le devoir de vigilance de l’État sur la base de la Convention européenne des droits de l’homme.
55. Cependant, le recours à la responsabilité civile pose plusieurs problèmes: la difficulté d’établir un lien de causalité entre un dommage et sa cause, la charge de la preuve, la légitimité de la victime au procès et la recherche de sanctions pénales significatives. Il existe plusieurs façons de renforcer la responsabilité civile dans ce domaine: 1) par un changement de traité (en révisant la Convention no 150 ou en la remplaçant par un autre traité); 2) au niveau national – en renforçant le devoir de vigilance des entreprises pour les obliger à détailler leurs activités ayant un impact sur l’environnement, et donc sur le changement climatique (une directive de l’Union européenne sur le devoir de vigilance et la responsabilité des entreprises entrera bientôt en vigueur 
			(63) 
			Adoptée par le Parlement
européen le 10 mars 2021: <a href='https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2021-0073_FR.html'>www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2021-0073_FR.html</a>) et/ou en ajoutant à la responsabilité civile classique une responsabilité pour préjudice écologique, dans un double objectif de prévention et de sanction (comme dans le Code civil français).
56. Bien que l’efficacité des mécanismes juridiques existants varie considérablement et que leur application soit inégale, ils sont de plus en plus utilisés et jouent un rôle de plus en plus crucial. L’actualité judiciaire récente de certains pays européens montre qu’il existe un fort potentiel d’utilisation du contentieux climatique – fondé sur le droit public et le droit civil – contre les États et les entreprises commerciales. Il sera donc intéressant de suivre l’évolution de la jurisprudence nationale dans un avenir proche. Par ailleurs, afin de mieux explorer les différentes possibilités de mise en cause de la responsabilité juridique des États et des entreprises devant les tribunaux, il est important d’étudier les textes juridiques, le droit coutumier, les grands principes du droit et la jurisprudence.
57. En conclusion, on ne peut que regretter que les deux conventions du Conseil de l’Europe – la Convention no 172 et la Convention no 150 – aient obtenu si peu de ratifications. Les États membres du Conseil de l’Europe doivent accorder une attention nouvelle à ces traités et déterminer s’il y a lieu de les réviser ou de les remplacer par de nouveaux instruments juridiques, mieux adaptés aux défis actuels. De nombreuses conséquences du changement climatique étant irréversibles, au moins à court et moyen terme, la révision ou le remplacement de ces traités doit impérativement être considéré comme une priorité absolue du Conseil de l’Europe.

Annexe

(open)

Introduction

1. Les parlements de 29 États membres du Conseil de l’Europe ont répondu au questionnaire envoyé par l’intermédiaire du Centre européen de recherche et de documentation parlementaires (CERDP) 
			(64) 
			Voir
requête 4594 du 18 décembre 2020., en précisant les dispositions légales et la jurisprudence nationales relatives à la responsabilité pénale et civile pour les dommages environnementaux, y compris dans des situations susceptibles d’avoir un impact sur le changement climatique. Les pays suivants ont répondu au questionnaire: Albanie, Autriche, Allemagne, Belgique, Bulgarie, Croatie, Chypre, Espagne, Estonie, Finlande, France, Géorgie, Grèce, Hongrie, Islande, Italie, Lettonie, Lituanie, Norvège, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse, Turquie.

1. Comment la législation de votre pays régit-elle la responsabilité pénale des dommages causés à l’environnement, y compris dans les situations susceptibles d’avoir un impact sur le changement climatique?

1. Dans la majorité des pays, la plupart des dispositions régissant la responsabilité pénale pour les dommages environnementaux figurent dans les codes pénaux. Elles mentionnent généralement les formes les plus graves de dommages environnementaux et ne précisent pas les types d’activités susceptibles d’avoir un impact sur le changement climatique.
2. Les dispositions contenues dans les codes pénaux sont souvent complétées par une législation particulière sur l’environnement (Allemagne, Belgique, Finlande, Islande, République tchèque, et Turquie).
3. En France, il n’existe pas d’incrimination générale des atteintes à l’environnement en droit pénal. La plupart des infractions environnementales sont prévues, en plus du Code pénal, dans d’autres textes de lois tels que le Code rural, le Code de la santé publique, le Code de l’urbanisme ou le Code de l’environnement.
4. À Chypre, en Grèce, en Norvège, en Roumanie, en Suède et en Suisse, les différents types d’infractions environnementales figurent essentiellement dans des lois particulières (sur l’environnement). En Italie, la responsabilité pénale pour les infractions environnementales est principalement régie par le Code de l’environnement, qui a été modifié par la loi no 68/2015 de 2015, et la notion d’«éco-crimes» y a été introduite, ainsi que dans le Code pénal 
			(65) 
			Voir
le Titre VI-bis du code pénal italien..
5. Au Royaume-Uni, diverses infractions environnementales figurent dans différents textes de loi (en Angleterre et au Pays de Galles – principalement dans la loi sur la protection de l’environnement de 1990 et dans la loi sur la faune, la flore et l’espace rural de 1981). Certaines infractions sont également prévues par le régime d’autorisation environnementale: la loi sur la prévention et le contrôle de la pollution de 1999 et le règlement sur les permis environnementaux de 2016 (Angleterre et Pays de Galles).
6. En ce qui concerne les dispositions relatives aux situations qui peuvent avoir un impact (indirect) sur le changement climatique, en Belgique, le code de la navigation sanctionne les comportements susceptibles d’entraîner une détérioration de l’air, et la loi du 20 janvier 1999 interdit l’incinération en milieu marin. Les réglementations visant à protéger l’air et la couche d’ozone (par exemple, les codes pénaux de la République tchèque et de la République slovaque ou du Royaume-Uni) entrent également dans ce cadre. En Suisse, les infractions relatives à la taxe carbone et à l’importation de véhicules figurent dans la loi fédérale sur la réduction des émissions de CO2.

2. Les personnes morales (entreprises) peuvent-elles être tenues responsables de telles infractions?

1. Dans presque tous les États dont les parlements ont répondu au questionnaire, les personnes morales peuvent être tenues responsables des infractions environnementales en vertu du droit pénal.

3. Quels types d’infractions environnementales votre législation pénale prévoit-elle?

1. Dans les pays dont les parlements ont répondu à cette question, les infractions contre l’environnement sont définies de manière plus ou moins détaillée dans leur Code pénal. L’infraction la plus courante consiste à causer, intentionnellement ou par négligence, des dommages à l’environnement (Autriche, Croatie, Hongrie et République tchèque), y compris en provoquant des décès ou des lésions (Autriche, Italie et République Slovaque), en causant une «catastrophe écologique» (Italie), en «portant atteinte à l’environnement ou en le détruisant» (Slovénie) ou en enfreignant la réglementation sur la protection de l’environnement (Espagne, Islande, Lettonie et Lituanie) ou de l’eau et de l’air (République slovaque). Plusieurs codes pénaux prévoient l’infraction de «pollution de l’environnement» (définie au sens large ou par des dispositions détaillées sur la pollution de l’air, du sol et de l’eau) (Albanie, Allemagne, Croatie, Estonie, Géorgie, Grèce, Hongrie, Italie, Norvège, Pologne, Portugal et Turquie). D’autres infractions principales, qui peuvent être commises intentionnellement ou par négligence, concernent:
  • la mise en danger de la couche d’ozone (Albanie, Autriche, Croatie, Estonie, Grèce, Hongrie, Lituanie, République tchèque, Royaume-Uni, République slovaque et Slovénie);
  • le traitement ou l’élimination des déchets d’une manière qui présente des risques pour l’environnement (Allemagne, Albanie, Autriche, Croatie, Espagne, Estonie, Grèce, Hongrie, Norvège, Pologne, Royaume-Uni, Slovaquie et République tchèque);
  • le traitement ou l’élimination des matières nucléaires ou autres substances dangereuses d’une manière qui présente des risques pour l’environnement (Albanie, Allemagne, Grèce, Hongrie, Italie, Pologne et Slovénie);
  • l’exploitation d’une usine d’une manière qui présente des risques pour l’environnement (Allemagne, Autriche, Croatie, Espagne, Estonie et Grèce);
  • les dommages causés aux espèces animales ou végétales (Albanie, Autriche, Croatie, Estonie, Géorgie, Grèce, Italie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Portugal, Royaume-Uni, République slovaque, Slovénie et République tchèque);
  • les dommages causés aux habitats dans les zones protégées et autres mises en danger d’espèces animales ou végétales (Albanie, Allemagne, Autriche, Croatie, Espagne, Géorgie, Grèce, Hongrie, Italie, Lituanie, Norvège, Pologne, Portugal, Slovénie et République tchèque).
2. Dans certains pays, le code pénal définit également certaines infractions spécifiques qui visent des activités manifestement illégales (Croatie, Estonie, Géorgie, Lituanie, Pologne, Portugal Royaume-Uni et Turquie). En outre, l’entrave aux missions d’inspection environnementale constitue une infraction environnementale en Espagne et en Italie.
3. En France, la seule infraction environnementale prévue par le code pénal est l’acte de terrorisme environnemental, défini comme «le fait d’introduire dans l’atmosphère, sur le sol, dans le sous-sol, dans les aliments ou les composants alimentaires ou dans les eaux, y compris celles des eaux territoriales, une substance de nature à mettre en péril la santé de l’homme ou des animaux ou le milieu naturel», intentionnellement et dans le «but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur» 
			(66) 
			Voir
l’article 421-2 du code pénal français..

4. La législation pénale de votre pays définit-elle le crime d’«écocide»?

1. La Géorgie est le seul pays dont la délégation a répondu positivement à cette question. L’article 49 de son code pénal mentionne «l’écocide, c’est-à-dire la contamination de l’atmosphère, du sol, des ressources en eau, la destruction massive de la faune ou de la flore, ou tout autre acte qui pourrait conduire à une catastrophe écologique».
2. En outre, en Belgique et en France, les gouvernements ont entrepris d’incorporer le crime d’écocide dans le droit national.
3. En Italie, le crime d’écocide n’est pas défini, mais une notion spécifique qui renvoie au crime organisé a été créé: le terme «écomafia» désigne les activités criminelles illicites contre l’environnement, en particulier dans les domaines du trafic et du dépôt illégal de déchets, des constructions illégales et des activités illégales dans le secteur agroalimentaire.

5. Comment la législation de votre pays régit-elle la responsabilité civile des dommages causés à l’environnement, y compris dans les situations susceptibles d’avoir un impact sur le changement climatique?

1. D’après la majorité des réponses, la responsabilité civile pour les dommages environnementaux (principalement fondée sur le droit de la responsabilité civile) pourrait être engagée conformément aux dispositions générales en matière de responsabilité prévues dans les textes de droit civil. Certains pays ont également adopté une législation particulière dans ce domaine (comme la Croatie – la loi sur la protection environnementale; l’Espagne – la loi 26/2007 sur la responsabilité environnementale en Espagne; la Pologne – la loi sur la protection de l’environnement; la Slovénie – la loi sur la protection environnementale; et la Suisse – la loi fédérale sur la protection de l’environnement). En Turquie, la loi sur l’environnement prévoit deux types de responsabilité civile du pollueur 
			(67) 
			Selon
l’article 2 de la loi sur l’environnement, le pollueur est défini
comme suit: «Toute personne physique ou morale qui provoque une
pollution de l’environnement, une rupture de l’équilibre écologique
et des dommages environnementaux, directement ou indirectement,
pendant ou à la suite de ses activités».: la responsabilité des institutions et organisations publiques et la responsabilité des autres personnes dont la pollution cause des dommages.
2. Dans certains pays, le Code pénal contient des dispositions spécifiques sur la responsabilité civile pour les dommages causés à l’environnement (en Albanie – article 624 du Code civil; et en Slovaquie – article 420a du Code civil). En France, l’article 1247 du Code civil définit le préjudice écologique comme «une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement». L’article 1246 dispose quant à lui: «Toute personne responsable d’un préjudice écologique est tenue de le réparer».
3. Des dispositions générales sur la réparation des dommages en droit civil s’appliquent, en privilégiant la réparation du dommage ou l’indemnisation pécuniaire. La notion de responsabilité objective est retenue dans certaines situations spécifiques, principalement dans le cas d’exploitants de certaines installations relevant d’une législation en particulier (par exemple, la loi allemande sur la responsabilité environnementale), ou en cas de pollution (par exemple, les dispositions pertinentes de l’ordonnance d’urgence du gouvernement roumain no 195/2005 sur la protection de l’environnement).
4. Les propriétaires de biens immobiliers peuvent demander à la personne ayant porté atteinte à leur bien de supprimer l’atteinte (qui peut également être un dommage environnemental) ou de procéder à sa réparation, indépendamment de la question de la faute (voir article 1004, paragraphe 1, du Code civil allemand), ou peuvent demander une indemnisation (article 2926 du Code civil tchèque).
5. Au Royaume-Uni, la loi de 2008 sur le respect de la réglementation et les sanctions (Regulatory Enforcement and Sanctions Act 2008) confère à certains organismes de réglementation environnementale (dont l’Agence pour l’environnement, Natural Resources Wales, Natural England et les autorités locales) le pouvoir de recourir à des sanctions civiles comme mesure coercitive et en remplacement des poursuites pour certaines infractions environnementales. Les sanctions civiles peuvent comprendre des sanctions pécuniaires fixes ou variables, des avis de conformité, des avis de cessation et des avis de rétablissement.
6. Les délégations de plusieurs États membres de l’Union européenne (Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Grèce, Italie, Lettonie et Portugal) ont indiqué que leurs pays avaient mis en œuvre la Directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux.
7. Il n’existe pas de réglementation spécifique sur l’engagement de la responsabilité civile dans les situations où leurs actes pourraient avoir un impact sur le changement climatique.

6. Des affaires pénales ou civiles ont-elles été portées devant les juridictions nationales pour des actes ou des omissions susceptibles d’avoir un impact sur le changement climatique?

1. La majorité des pays ont indiqué qu’aucune affaire pénale ou civile n’avait été portée devant les juridictions nationales pour des actes ou des omissions susceptibles d’avoir un impact sur le changement climatique. Toutefois, l’Allemagne, la Belgique, la Norvège, le Royaume-Uni et la Suisse ont fourni des informations sur plusieurs affaires de contentieux climatique (voir le chapitre 4 du rapport).
2. D’autres États ont évoqué des cas de dommages environnementaux qui ne sont pas directement liés au changement climatique: des affaires pénales concernant des infractions contre l’environnement en Autriche, en Espagne, en France, en Italie, en Lettonie, en Roumanie et en Slovénie; et des affaires civiles en Belgique, en France, en Lituanie et en République tchèque (principalement dues à la pollution). En Belgique, une action a été intentée contre Volkswagen dans le cadre du «Dieselgate», et une autre contre Apple au sujet de l’obsolescence programmée de ses appareils. En France, dans la célèbre affaire de l’Erika, un pétrolier qui avait coulé et laissé échapper sa cargaison, la Cour de cassation a reconnu la responsabilité de la société pétrochimique Total dans cette catastrophe écologique, et l’a condamnée à verser 171 millions d’euros de dommages-intérêts, dont treize millions au titre du préjudice écologique. Elle a également reconnu pour la première fois la notion de «préjudice écologique».