1. Introduction
1. La
Stratégie
du Conseil de l’Europe pour les droits de l’enfant 2022-2027 récemment adoptée identifie les droits de l’enfant dans
les situations de crise et d’urgence comme l’un de ses domaines
prioritaires. Elle fait spécifiquement référence aux droits des
enfants migrants ou réfugiés et énonce les mesures à prendre pour mettre
en œuvre les normes applicables. De même, le Plan d’action du Conseil
de l’Europe sur la protection des personnes vulnérables dans le
contexte des migrations et de l’asile en Europe (2021-2025) fournit
des orientations précieuses. Il s’agit de deux documents clés, dont
le présent rapport soutient la mise en œuvre au niveau national,
par le biais de la législation, des politiques et des pratiques.
Par ailleurs, l’Assemblée parlementaire a également alerté sur la
nécessité de protéger les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés
ou séparés, et la commission des migrations, des réfugiés et des
personnes déplacées a abordé la question de la prise en charge des
enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés dans le
cadre de sa Campagne parlementaire pour mettre fin à la rétention
d’enfants migrants (2016-2019).
2. Le présent rapport examine les questions relatives à la protection
et à la prise en charge des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés
ou séparés dans les États membres du Conseil de l’Europe. Il passe en
revue les normes juridiques et les politiques internationales et
européennes applicables ainsi que les bonnes pratiques de divers
États membres du Conseil de l’Europe en matière de prise en charge
et identifie plusieurs bonnes pratiques adoptées dans les États
membres, les États observateurs et les États partenaires du Conseil
de l’Europe en matière de prise en charge de ces enfants et adolescents,
qui font prévaloir les garanties nécessaires en termes de prévention
et de protection ainsi qu’une prise en charge de type familial.
3. Eu égard à la guerre en cours en Ukraine et à ses conséquences
dévastatrices pour un grand nombre d’enfants – ceux qui fuient le
pays avec des proches mais qui courent le risque d’être séparés,
ceux qui fuient en étant non accompagnés ou séparés, ou encore ceux
qui étaient déjà placés dans une structure d’accueil avant la guerre
– le présent rapport aborde également la situation spécifique de
ces enfants et examine certaines des premières initiatives mises
en œuvre dans les pays voisins et dans d’autres pays européens pour répondre
à leurs besoins de protection et de prise en charge. Les éléments
clés de la procédure visant à garantir que la prise en charge est
véritablement nécessaire, adéquate et de qualité trouvent ici pleinement
à s’appliquer.
2. Enfants migrants ou réfugiés non accompagnés
ou séparés en Europe : situation actuelle
4. Par «enfant non accompagné»,
on entend un enfant «qui a été séparé de ses deux parents et d’autres membres
proches de sa famille et n’est pas pris en charge par un adulte
investi de cette responsabilité par la loi ou la coutume». Par «enfant
séparé», on entend un enfant «qui a été séparé de ses deux parents
ou des personnes qui en avaient la charge à titre principal auparavant
en vertu de la loi ou de la coutume, mais pas nécessairement d’autres
membres de sa famille. Un enfant séparé peut donc être accompagné
par un autre membre adulte de sa famille»
.
5. Pour l’année 2020, l’Organisation Internationale pour la Migration
(OIM), le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF) et l’Agence
des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) ont estimé que 16 750
enfants étaient arrivés en Grèce, en Italie, en Espagne, en Bulgarie,
à Chypre et à Malte; parmi eux, 10 343 (62 %) étaient des enfants
non accompagnés ou séparés. En 2020, les arrivées d’enfants ont
baissé de 50 % par rapport à 2019 (33 200). Dans ce contexte, il
convient de noter que 52 % des personnes concernées par des procédures
de réinstallation en Europe étaient des enfants. La Suède, la France,
la Norvège, l’Allemagne, le Royaume-Uni et la Finlande étaient les
principaux pays d’Europe étudiant des dossiers de réinstallation d’enfants.
Les Syriens, les Congolais (République Démocratique du Congo), les
Soudanais et les Érythréens étaient les nationalités les plus représentées
chez les enfants dont le dossier était étudié par les pays européens
en vue d’une réinstallation
.
6. Il convient de souligner le déplacement massif d’enfants ukrainiens
auquel on assiste actuellement. À leur sujet, l’UNICEF avait déjà
estimé, au 15 mars 2022, que, chaque minute, 55 enfants fuient leur
pays. Chaque seconde ou presque depuis le début de la guerre, un
enfant ukrainien devient réfugié. À la fin de ce même mois, l’UNICEF
a déclaré que deux millions d’enfants ont désormais dû fuir l’Ukraine
; parmi eux, beaucoup ne sont pas accompagnés ou ont été séparés
de leurs parents ou des membres de leur famille
. Ces enfants sont arrivés
dans d’autres États membres du Conseil de l’Europe, principalement
en Pologne, Roumanie, République de Moldova, Hongrie, République
slovaque et République tchèque. Cette situation sera spécifiquement
abordée plus loin, dans la partie 6. En outre, un mois après le
début de l’invasion de l’Ukraine par les forces russes, le nombre
d’enfants déplacés dans leur propre pays atteignait 2,5 millions
d’après la même Organisation
.
3. Normes
juridiques et politiques clés applicables
7. Un vaste corpus juridique visant
à protéger les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés
existe aux niveaux mondial, régional et local. Il s’accompagne de
politiques et de lignes directrices très utiles pour assurer sa
mise en œuvre effective et garantir une protection dans les faits.
3.1. Nations
Unies et autres organisations mondiales
8. La
Convention
des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (1989) – l’instrument de protection des droits de l’homme
qui compte le plus grand nombre d’États adhérents – énonce quatre
principes généraux et une série de droits qui doivent présider à
la protection de tous les enfants: l’intérêt supérieur de l’enfant
(article 3), le principe de non-discrimination (article 2), le droit
de l’enfant d’être entendu et de voir ses opinions dûment prises
en considération (article 12) et le droit de l’enfant à la vie,
à la survie et au développement (article 6). Le droit de l’enfant
de préserver son identité (article 8), le droit d’être élevé par
ses parents et d’entretenir des relations avec eux (article 9),
notamment par le biais de la réunification familiale (article 10),
le droit à la protection contre toutes les formes de violence (article
19), le droit des enfants privés de leur milieu familial à une protection
et une aide spéciales (article 20), le droit des enfants cherchant
à obtenir le statut de réfugié à bénéficier de la protection et
de l’assistance humanitaire voulues (article 22), et le droit de
ne pas être privé de liberté (article 37) revêtent notamment une
importance particulière aux fins de la protection des enfants migrants
ou réfugiés non accompagnés ou séparés.
10. De même, le
Pacte
mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières (2019) promeut «le respect des obligations juridiques
internationales relatives aux droits de l’enfant et voit réaffirmé
le principe qui consiste à toujours privilégier l’intérêt supérieur
de l’enfant, lequel doit être une considération primordiale dans toutes
les situations concernant des enfants dans le contexte des migrations
internationales», et renvoie aux actions visant à «protéger, à toutes
les étapes de leur migration, les enfants non accompagnés ou séparés
de leur famille» et à «veiller à ce que les services de protection
de l’enfance soient rapidement informés lorsqu’un enfant non accompagné
ou séparé traverse une frontière internationale et à ce qu’ils prennent
part aux procédures visant à déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant,
conformément au droit international, notamment en formant les gardes-frontières
aux droits de l’enfant et aux procédures adaptées aux enfants, telles
que celles qui interdisent la séparation des familles et prévoient
le regroupement familial en cas de séparation». Le
Pacte
mondial sur les réfugiés (2018) traite également des besoins et des droits des
enfants réfugiés. Concernant ces derniers, il convient de citer
les
Principes
directeurs du HCR pour la procédure relative à l’intérêt supérieur :
évaluer et déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant (2021), qui rappelle qu’il est essentiel de préserver
les liens familiaux afin de faciliter la recherche et le regroupement
familial.
11. Concernant plus spécifiquement la mise en place d’une protection
de remplacement, les
Lignes directrices
des Nations Unies relatives à la protection de remplacement pour
les enfants (2010) ont été élaborées pour renforcer la protection
des enfants privés de protection parentale ou risquant de l’être.
Elles indiquent comment éviter la séparation des familles et garantir
que toute protection de remplacement est à la fois nécessaire et
adaptée à chaque enfant. Les Lignes directrices comprennent des
orientations spécifiquement axées sur la protection et la prise
en charge des enfants se trouvant déjà à l’étranger et dans des
situations d’urgence, notamment les enfants non accompagnés ou séparés.
La
Résolution
74/133 de l’Assemblée générale des Nations Unies du 18 décembre
2019 appelle les États à mettre en œuvre ces lignes directrices
pour empêcher que les enfants soient inutilement séparés de leurs
parents, et témoigne d’une vive préoccupation concernant la protection
des enfants non accompagnés ou séparés.
12. Il convient également de mentionner la récente
Résolution
du Conseil des droits de l’homme relative aux droits de l’enfant
de 2022 qui traite de la réalisation des droits de l’enfant
et du regroupement familial. Cette résolution «demande aux États
de privilégier, à l’égard des enfants migrants, des mesures de substitution
à la détention, notamment des mesures non privatives de liberté,
qui seraient mises en œuvre par des professionnels de la protection
de l’enfance chargés de ces enfants et, s’il y a lieu, de leur famille»;
elle «demande [aussi] aux États d’origine, de transit et de destination
de répondre efficacement et rapidement aux besoins des enfants non
accompagnés ou séparés de leur famille dès qu’ils sont identifiés
comme tels». De même, l’
Étude
mondiale des Nations Unies sur les enfants privés de liberté a été lancée en novembre 2019 et indique que le placement
en institution continue d’être pratiqué, bien que les conditions
de vie en institution soient intrinsèquement préjudiciables aux
enfants en ce qu’elles impliquent la séparation et l’isolement d’avec les
familles et la communauté au sens large.
13. Enfin, au niveau mondial également, il convient de citer deux
instruments élaborés par la Conférence de La Haye de droit international
privé. La
Convention
du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable,
la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité
parentale et de mesures de protection des enfants peut en effet trouver à s’appliquer à la protection
et à la prise en charge des enfants non accompagnés ou séparés,
dès lors qu’elle offre aux autorités compétentes les outils et la
flexibilité nécessaires pour mettre en œuvre pratiquement toute
solution au niveau interne ou international qui répondra à l’intérêt
supérieur de ces enfants, au cas par cas. Elle pourrait, par exemple,
s’appliquer aux nombreux enfants fuyant l’Ukraine, qui ont déjà
été placés dans une structure d’accueil dans leur pays d’origine
et dont les mesures de protection doivent être reconnues à l’étranger.
La
Convention
du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en
matière d’adoption internationale assortit ces procédures de garanties, mais elle ne peut
s’appliquer aux enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou
séparés qu’après l’écoulement d’un long délai
.
3.2. Conseil
de l'Europe
15. Au fil des décennies, le Conseil
de l’Europe a élaboré des normes et des outils en vue de mettre
en place une approche coordonnée des droits de l’enfant ainsi que
des repères et des orientations précises sur la manière d’assurer
que les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés
ont droit à une protection et une prise en charge, à la fois par
le biais d’instruments juridiquement contraignants qui définissent les
droits et obligations des États et d’outils d’orientation destinés
à soutenir la mise en œuvre des normes dans la pratique.
18. Par ailleurs, dans sa
Résolution
1810 (2011) «Problèmes liés à l’arrivée, au séjour et au retour
d’enfants non accompagnés en Europe», l’Assemblée a encouragé les
États membres à prévoir des « dispositions appropriées de prise
en charge, de préférence le placement dans une famille, de manière
à assurer aux enfants des conditions de vie appropriées à leurs
besoins pendant la période appropriée ». L’Assemblée a aussi souligné
que les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés
ne sauraient être placés en rétention et doivent être traités avant
tout comme des enfants, notamment dans cette même
Résolution 1810 (2011), ainsi que dans sa
Résolution 2020 (2014) «Les alternatives au placement en rétention d’enfants migrants
et dans sa
Résolution
2136 (2016) «Harmoniser la protection des mineurs non accompagnés
en Europe».
19. Des textes non contraignants approuvés par le Comité des Ministres
du Conseil de l’Europe fournissent également un vaste corpus de
normes et d’orientations en vue d’améliorer la protection et la
prise en charge des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés
ou séparés. Ainsi:
20. Comme cela a déjà été indiqué, la Convention européenne des
droits de l’homme, telle qu’interprétée dans le cadre de
l’abondante jurisprudence de la Cour européenne
des droits de l’homme, a permis de développer et de confirmer
les normes de protection des enfants devant être respectées dans
le contexte de la migration. La jurisprudence applicable aborde
notamment les questions suivantes
:
- la
reconnaissance du fait que, pour un parent et son enfant, être ensemble
représente un élément fondamental de la vie familiale;
- la nécessité d’une évaluation de l’intérêt supérieur de
l’enfant avant toute décision le concernant;
- la situation d’extrême vulnérabilité de l’enfant qui prédomine
sur sa qualité d’étranger en séjour illégal;
- l’obligation pour les autorités de l’État d’identifier
les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés et de
prendre des mesures pour les placer dans un logement adéquat;
- l’obligation de prendre des mesures adéquates pour la
prise en charge et la protection des enfants, même si l’intention
des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés n’est
pas de demander l’asile dans l’État où ils se trouvent, mais dans
un autre État;
- la nécessité d’adapter les conditions d’accueil à l’âge
de l’enfant pour lui éviter toute situation de stress et d’angoisse
qui pourrait entraîner des conséquences particulièrement traumatisantes;
- la désignation d’un tuteur ou d’un représentant légal
pour chaque enfant migrant ou réfugié non accompagné ou séparé;
- la violation des articles 3, 5 et 8 de la Convention résultant
du placement d’enfants migrants ou réfugiés dans des centres de
rétention fermés et de leur détention avec des adultes dans les
mêmes conditions que celles d’une personne adulte, lesquelles ne
sont pas adaptées à leur situation d’extrême vulnérabilité;
- les besoins spécifiques des enfants dus notamment à leur
âge et à leur dépendance, mais aussi à leur statut de demandeur
d’asile;
- le fait que les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés
ou séparés en séjour illégal appartiennent à «la catégorie des personnes
les plus vulnérables de la société»;
- la sauvegarde de l’intérêt supérieur de l’enfant qui implique
d’une part de maintenir l’unité familiale, si tel est l’intérêt
de l’enfant, et d’autre part d’envisager des alternatives à la privation
de liberté;
- l’obligation de l’État de faciliter le regroupement familial
pour les enfants non accompagnés;
- la prise en charge d’un enfant par les autorités publiques
qui doit en principe être considérée comme une mesure temporaire,
et tout acte d’exécution doit coïncider avec l’objectif ultime de
réunir la famille naturelle;
- l’obligation positive des États de garantir à toute personne
relevant de leur juridiction et, en particulier, aux personnes vulnérables
telles que les enfants, une protection effective contre les mauvais traitements;
- la non-prise en compte de l’origine religieuse et culturelle
d’un enfant et son placement dans un milieu ne permettant pas d’en
assurer la continuité.
3.3. Union
européenne
21. L’Union européenne s’est fixé
pour objectif de promouvoir la protection des droits de l’enfant
à l’article 3.3, du
Traité
sur l’Union européenne (2007).Sur la base de ce
traité, l’article 24 de la
Charte
des droits fondamentaux de l’Union Européenne (2000) garantit la protection des droits de l’enfant
et met l’accent sur quatre grands principes, en des termes similaires
à ceux de la Convention relative aux droits de l’enfant.
22. En outre, le Conseil de l’Union européenne a adopté en 2003
le
Règlement
Bruxelles II bis relatif aux aspects procéduraux transfrontaliers du
placement d’enfants. En particulier, l’article 56 prévoit des solutions utiles
en ce qui concerne les placements transfrontaliers d’enfants Il
dispose ainsi que, «lorsque la juridiction compétente […] envisage
le placement de l’enfant dans un établissement ou dans une famille
d’accueil et que ce placement aura lieu dans un autre État membre,
elle consulte au préalable l’autorité centrale ou une autre autorité
compétente de ce dernier État membre si l’intervention d’une autorité
publique est prévue dans cet État membre pour les cas internes de
placements d’enfants». De plus, «la décision sur le placement […]
ne peut être prise dans l’État membre requérant que si l’autorité
compétente de l’État requis a approuvé ce placement»
. Dans le même sens, la
Résolution
du Parlement européen, du 5 avril 2022, sur la protection des droits
de l’enfant dans les procédures relevant du droit civil, du droit
administratif et du droit de la famille traite d’une justice adaptée aux enfants, d’un cadre
de l’Union européenne pour la protection des droits de l’enfant
dans les litiges civils transnationaux, ainsi que de la médiation
dans les affaires concernant des enfants, et peut s’appliquer à
certaines mesures de prise en charge.
23. Enfin, l’Union européenne a fixé des principes directeurs
pour la protection des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés
ou séparés qui demandent l’asile par le biais de la
Directive
«conditions d’accueil» (refonte) (2013) et de la
Directive
«qualification» (refonte) (2011), adoptées par tous les États membres, à l’exception
de l’Irlande et du Danemark. Ces deux directives prévoient que,
lors de l’évaluation des demandes d’asile des mineurs et des enfants
non accompagnés ou séparés, l’intérêt supérieur de l’enfant et l’unité
de la famille doivent être des considérations primordiales. En vertu
de l’article 23 de la directive «conditions d’accueil», les États
membres doivent assurer un niveau de vie adéquat pour le développement
physique et mental des enfants et prendre dûment en considération
les possibilités de regroupement familial, le bien-être et le développement
social des enfants, leur sécurité et leur avis. En vertu de l’article 24
de cette directive, les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés
ou séparés doivent recevoir une assistance et être placés auprès
de parents adultes, au sein d’une famille d’accueil, dans des centres
spécialisés dans l’hébergement des mineurs ou dans d’autres lieux
d’hébergement adaptés à leurs besoins. En outre, l’article 31 de
la directive «qualification» prévoit que les enfants migrants ou
réfugiés non accompagnés ou séparés doivent être représentés par
un tuteur légal après l’octroi d’une protection internationale,
et qu’il y a lieu de tenir compte de leur avis lors du placement.
Les fratries ne doivent pas être séparées et les changements de
lieux de résidence doivent être limités. De plus, les États membres
doivent rechercher des membres de leur famille. Le
Guide
de l’EASO sur les conditions d’accueil des enfants non accompagnés vise à aider les États membres à mettre en œuvre la
directive relative aux conditions d’accueil tout en assurant un
niveau de vie adéquat aux enfants migrants ou réfugiés non accompagnés
ou séparés, en tenant compte de leurs besoins particuliers en matière d’accueil
et de leur intérêt supérieur
.
24. Dans cet esprit, il convient d’indiquer que le Parlement européen
a récemment adopté une
Résolution sur
la protection accordée par l’Union européenne aux enfants et aux
jeunes qui fuient en raison de la guerre en Ukraine pour protéger les enfants
et les jeunes qui fuient la violence et faciliter leur intégration
dans les communautés des pays d’accueil. Les députés «recommandent
que des officiers de protection des enfants soient présents aux
frontières afin d’identifier rapidement et précisément les enfants
vulnérables, d’enregistrer leur identité et leur nationalité ainsi
que leurs besoins spécifiques. Des services, tels qu’un soutien psychologique,
un soutien à la santé maternelle, une protection contre la violence
fondée sur le genre, une recherche des familles ou un soutien à
la réunification des familles, devraient être fournis dans le cadre
des services nationaux de protection de l’enfance, ainsi qu’un accès
total à tous les services essentiels et à des soins appropriés».
Ils rappellent également que «les enfants non accompagnés, séparés
ou placés en institution devraient se voir désigner un tuteur». Cette
résolution fait suite au communiqué de la Commission européenne
sur le soutien de l’Union européenne aux États membres pour répondre
aux besoins des réfugiés
,
dont les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés.
4. Protection
et prise en charge des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés
ou séparés: conditions principales
25. En se référant aux bonnes pratiques
existant en Europe et dans les États partenaires, le rapport fournit des
orientations pour la protection des enfants migrants ou réfugiés
non accompagnés ou séparés tout au long des différentes étapes du
processus migratoire et d’asile.
26. Arrivée, détection et identification:
une évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant devrait être lancée au
plus vite après l’arrivée ou l’identification de l’enfant dans le
pays d’asile, puis donner lieu par la suite à un contrôle, un suivi
et un réexamen tout au long du cycle de déplacement. Ce processus
doit permettre de répondre à l’ensemble des besoins immédiats en
matière de protection et de prise en charge. Il implique l’établissement
ou la confirmation de l’identité de l’enfant et la collecte de toutes
les informations possibles sur sa situation, l’enregistrement de
l’enfant et la coordination des services nécessaires pour préserver
ses droits et répondre
à ses besoins immédiats
. Malheureusement,
pour l’heure, l’identité et la situation familiale des enfants sont
souvent difficiles à déterminer pleinement, en raison de l’indisponibilité
et/ou de la non-reconnaissance des documents d’identité originaux
(certificats de naissance ou autres documents) dans les situations
de conflit ou d’urgence. Les enfants risquent ainsi de ne pas avoir
accès aux services et aux procédures, de devenir apatrides ou de
ne pas bénéficier d’une protection complète de leurs droits. Par exemple,
avant même l’actuel conflit en Ukraine, seuls 45 % des enfants nés
à Donetsk et Louhansk (zones non contrôlées par le gouvernement)
et 12 % des enfants nés en Crimée disposaient d’un certificat de naissance
délivré et reconnu par le Gouvernement ukrainien
.
Les efforts visant à garantir la protection de l’identité juridique
de tous les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés
permettent de prévenir l’apatridie, conformément à la cible 16.9
des objectifs de développement durable des Nations Unies
.
Missing Children Europe milite et œuvre activement pour s’assurer que les enfants,
notamment les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés,
ne disparaissent pas.
27. Évaluation/détermination de l’intérêt
supérieur et détermination de l’âge: un rapport de l’UNICEF et
du HCR indique que les évaluations de l’intérêt supérieur de l’enfant
« sont normalement menées pour apporter des informations à la décision
d’immigration/asile », tandis que la détermination de l’intérêt
supérieur vise plutôt à déterminer « l’étendue de la solution durable »,
c’est-à-dire une alternative viable à long terme
. Dans le cadre du processus
d’identification, l’évaluation de l’âge importe pour plusieurs raisons.
En effet, une évaluation incorrecte de l’âge des enfants les prive
d’accès à l’éducation, les conduit à être hébergés avec des adultes
ou à être placés dans des lieux de détention ou de rétention réservés
aux adultes. Afin d’assurer la protection des enfants migrants ou
réfugiés non accompagnés ou séparés, la procédure d’évaluation de
l’âge joue un rôle capital pour identifier les personnes qui sont
des enfants (qui ont moins de 18 ans). Tout au long de cette procédure,
elles doivent être traitées comme des enfants conformément au principe
de la présomption de minorité.
28. Désignation rapide d’un tuteur:
la désignation d’un tuteur pour chaque enfant migrant ou réfugié
non accompagné ou séparé est consacrée par la
Recommandation CM/Rec(2019)11
du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur un régime de
tutelle efficace pour les enfants non accompagnés ou séparés dans
le contexte de la migration. Elle est «primordia[le] pour agir dans l’intérêt supérieur
de l’enfant et pour garantir le respect des droits et du bien-être
de l’enfant» tout au long du processus de protection dans le cadre
de la migration en prenant en considération les besoins spécifiques
de ces enfants. Malheureusement, au sein de l’Union européenne par
exemple, de nombreuses différences existent encore entre les États
membres concernant la terminologie, la désignation, les missions
dévolues, la formation et le suivi des tuteurs. Les délais de désignation
varient également d’un État membre à l’autre, de même que les missions
dévolues
. En vue d’améliorer les pratiques,
un
Réseau
européen de tutelle (European Guardianship Network) a été institué et les États membres peuvent avoir recours
à un
outil
d’auto-évaluation du régime de tutelle afin d’identifier les éventuelles lacunes existant à
cet égard. Il convient également de mentionner ici la nécessité
de mettre en place des mécanismes de plainte pour les enfants non
accompagnés ou séparés, qui peuvent souhaiter soulever des questions
ou des préoccupations au cours de leur processus de protection dans
le cadre de la migration.
29. Détermination de la nécessité
de la prise en charge, de son caractère adéquat et de solutions durables:
la prise en charge, qui doit contribuer à préserver l’intérêt supérieur
de l’enfant, peut être assurée à l’enfant migrant ou réfugié non
accompagné ou séparé par sa famille élargie, par des amis proches
de la famille ou par des personnes qui ne sont ni ses parents biologiques
ni des membres de sa famille élargie. Elle peut être mise en place
à court ou à long terme, être formelle ou informelle, et elle doit
être ouverte aux enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou
séparés dès leur identification. D’après le
Guide
sur le placement en famille d’accueil d’enfants non accompagnés
ou séparés, élaboré par le Comité directeur pour les droits de l’homme,
«la prise en charge de remplacement désigne toute protection fournie
aux enfants par des personnes qui n’en ont pas la responsabilité
et elle peut prendre les formes suivantes:
a. arrangement informel: placement privé par lequel l’enfant
est pris en charge dans un cadre familial, de manière continue ou
à long terme, par des membres de la famille élargie, des amis ou
d’autres personnes à titre personnel. Ce placement [...] n’a pas
été ordonné par une autorité administrative ou judiciaire ou par
un organisme accrédité ;
b. arrangement formel: placement ordonné par une autorité
judiciaire ou administrative compétente. Les soins formels peuvent
être dispensés soit dans un cadre familial, soit en institution.»
La prise en charge de remplacement peut s’inscrire dans l’un
des cadres ci-dessous.
- La prise en charge par des proches est
assurée par la famille élargie de l’enfant ou par des amis proches
de la famille. Cette prise en charge est souvent utilisée pour les
enfants séparés et elle peut être formelle ou informelle.
- Le placement familial, ou
d’autres formes de prise en charge de type familial, sont
assurés par des personnes sélectionnées et considérées comme qualifiées
pour assurer la prise en charge dans leur cadre domestique par une
autorité compétente.
- La vie en autonomie sous supervision est
une forme d’hébergement dans le cadre de laquelle un adolescent
vit de manière autonome, seul ou avec un groupe d’autres adolescents.
Les enfants bénéficient d’un accompagnement de la part de la communauté
et de travailleurs sociaux.
- Le placement en foyer est
une prise en charge assurée dans un environnement non familial.
Les enfants sont placés dans des établissements d’hébergement, mais
aussi dans des structures d’hébergement de courte durée comme des
refuges pour placement d’urgence et des centres de transit en situation
d’urgence . Le placement en
foyer doit constituer une mesure de dernier ressort et n’être envisagé
que dans les cas où une prise en charge de type familial n’est pas
possible.
- La prise en charge collective est
un placement de petits groupes d’enfants dans un foyer où ils sont encadrés
par des personnes dûment formées .
- Bien que la prise en charge
institutionnelle, c’est-à-dire en
grande structure d’hébergement, doive uniquement être
envisagée comme une mesure de dernier ressort et être aussi brève
que possible, de nombreux enfants migrants ou réfugiés non accompagnés
ou séparés sont placés dans des centres d’accueil ou de rétention
sans leur consentement et sans dispositif de prise en charge adapté,
et ils séjournent dans ces structures pendant de longues périodes,
ce qui les conduit souvent à fuguer.
Comme cela est analysé plus en détail ci-après, il convient
de fournir une prise en charge adaptée et de qualité, accompagnée
d’un accès aux origines, d’une préparation soigneuse de la sortie
du placement et de la transition vers une vie autonome, de la préservation
de l’identité et de l’accès à des voies de recours.
5. Possibilités
et bonnes pratiques européennes encourageantes répondant aux enjeux
de la prise en charge des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés
ou séparés
30. De nombreux pays européens
n’ont pas encore mis en œuvre à grande échelle une prise en charge adaptée
des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés. Si
les gouvernements ont intégré – parfois en partie seulement – les
normes internationales et européennes dans leurs textes et dispositions juridiques,
ils en sont souvent encore à modifier et à réformer concrètement
le système de prise en charge dans la pratique, en vue de prévenir
la séparation des familles et d’investir dans des solutions de prise
en charge axées sur la famille. Il en résulte des différences dans
la protection assurée à ces enfants par chaque État; il existe néanmoins
de bonnes pratiques, dont certaines sont présentées ci-après.
5.1. La
nécessité de solides systèmes de protection de l’enfance
31. Les pays européens font face
à des difficultés pour mettre en place des systèmes de prise en
charge adaptés et axés sur les enfants, notamment sur les enfants
migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés. Par exemple, dans
plusieurs pays européens, le système d’asile et de migration et
le système de protection de l’enfance ne sont pas coordonnés sur
le plan administratif. En conséquence, les enfants migrants ou réfugiés
non accompagnés ou séparés demandeurs d’asile risquent d’être traités
comme des adultes pendant l’instruction de leur demande, sans bénéficier
de la prise en charge et de la protection nécessaires.
32. De plus, dans plusieurs pays européens, le système d’aide
à la jeunesse est décentralisé et varie selon les régions, ce qui
accroît la disparité des formes de prise en charge et les différences
de qualité, et fait que le système repose fortement sur la participation
des acteurs publics et non gouvernementaux. Par exemple, en Italie,
la ville de Venise assure le placement en famille d’accueil de 50 %
des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés, principalement
sous la forme d’une prise en charge par des proches
. Cette situation
place les organisations non gouvernementales et les associations
locales, dont les ressources sont limitées, en première ligne de
la protection des enfants non accompagnés ou séparés.
33. Toutefois, plusieurs États européens mettent également en
œuvre des systèmes de prise en charge qui améliorent la protection
des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés et visent
à leur offrir le même niveau de protection que celui accordé à leurs
propres ressortissants. Ces systèmes constituent de bonnes pratiques
susceptibles d’inspirer d’autres pays. Par exemple, en Italie, la
loi
n° 47/2017 prévoit l’égalité de traitement des enfants italiens
et des enfants étrangers non accompagnés ou séparés, ces derniers
ayant le droit d’accéder à l’éducation, à la santé et aux services
sociaux, en plus des services de prise en charge et de protection.
La loi indique aussi que la prise en charge familiale est la solution
la plus appropriée et privilégiée pour les enfants migrants ou réfugiés
non accompagnés ou séparés, et prévoit la création d’une liste de
tuteurs volontaires, qui sont formés par l’État et doivent passer
un concours public. En Tunisie, pays partenaire du Conseil de l’Europe,
le ministère de la Justice travaille sur un guide de procédure pour
le placement des enfants migrants
.
34. Le
Guide
sur le placement en famille d’accueil d’enfants non accompagnés
ou séparés du Comité directeur pour les droits de l’homme
invite
à mettre en place un système intégré de protection de l’enfance : il
recommande d’établir un lien entre le système d’accueil dans le
cadre de la migration ou de l’asile et le régime national de protection
de l’enfance et ses normes afin de garantir l’équité de la protection
et de la prise en charge pour tous les enfants, quel que soit leur
statut au regard de l’immigration. De plus, un cadre législatif favorable
qui permet de mettre au point des mesures proactives et ciblées
répondant aux situations et besoins particuliers de chaque enfant
est essentiel aux fins de la mise en œuvre de ce principe. Pour
assurer la mise en œuvre pratique d’un système national intégré
de protection de l’enfance, un financement doit être prévu dans
le budget national. Il est également important de désigner un organisme
public responsable de la coordination du processus entre les acteurs
concernés.
5.2. Bonnes
pratiques en matière de protection de remplacement de qualité pour
les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés
35. Lorsque des enfants migrants
ou réfugiés non accompagnés ou séparés ne peuvent effectivement
pas retourner immédiatement auprès de leur famille, les États doivent
proposer à ces enfants des formes appropriées
de protection de remplacement, qui prennent en considération l’ensemble
de leurs droits et de leurs besoins particuliers. Il
est essentiel d’évaluer les besoins spécifiques en temps voulu (voir point 5.2
ci-dessus) afin d’offrir la solution de prise en charge la mieux
adaptée à la situation particulière de chaque enfant. Tous ces éléments
doivent être pris en compte dans le processus de décision concernant l’avenir
de l'enfant, notamment lors de son placement en structure ou en
famille d’accueil.
36. Dans de nombreux pays, la prise en charge est assurée par
des organismes gouvernementaux et non gouvernementaux, c’est-à-dire
dans le cadre d’un modèle mixte. En conséquence, les exemples et
les pratiques qui suivent sont issus des deux secteurs et, dans
certaines situations, sont assurés de manière conjointe ou coordonnée
par les deux secteurs. On peut également distinguer l’accueil immédiat
des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés et la
détermination de leur prise en charge à moyen et long terme, en
plus des autres services qui peuvent leur être proposés durant la
prise en charge.
37. Une fois que la situation de l’enfant a été dûment évaluée,
et qu’il a été déterminé qu’une prise en charge est nécessaire (voir
point 5.2 ci-dessus), il est fondamental que chaque pays offre un éventail de formes de prise en charge,
qui répondront à la variété des besoins de ces enfants à moyen ou
long terme.
38. Lorsqu’on privilégie la prise en charge de type familial, la prise en charge par la famille – y compris à
l’étranger – doit être examinée en priorité. En effet,
il est généralement souhaitable de chercher à préserver la continuité
du milieu familial, linguistique, culturel et religieux de l’enfant,
même s’il convient d’évaluer dûment cette solution pour s’assurer
que les droits de l’enfant sont préservés et respectés, et que cette
solution est viable et conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant.
39. En outre, conformément aux normes internationales et régionales,
plusieurs pays ont mis en place un
système
de familles d’accueil spécialisées pour les enfants non
accompagnés ou séparés. Aux
Pays-Bas, les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou
séparés de moins de 15 ans sont placés dans des familles d’accueil
recrutées par la Fondation Nidos, l’organisme national de tutelle
pour tous les enfants non accompagnés ou séparés dans le pays. Nidos
a créé un réseau de familles d’accueil qui offrent à ces enfants une
prise en charge familiale spécialisée, pour l’accueil initial, l’accueil
à court terme et l’accueil à long terme
. En Belgique, l’ONG Mentor-Escale
basée à Bruxelles mène plusieurs projets en faveur des enfants non accompagnés
ou séparés. L’organisation trouve la famille d’accueil adéquate
pour chaque enfant et dispense des formations aux familles d’accueil
et aux enfants. Une formation destinée aux familles d’accueil potentielles a
lieu deux fois par an. Elle couvre différents sujets tels que le
droit des réfugiés et de l’asile, le rôle des tuteurs, et les besoins
psychologiques et sociaux spécifiques des enfants. Les familles
intéressées par l’accueil d’un enfant réfugié sont soigneusement
sélectionnées sur la base d’entretiens durant lesquels les motivations
et l’approche de la famille sont examinées, et les conditions de
vie évaluées. En Autriche, toutes les familles d’accueil sont soumises
à un test d’éligibilité comprenant des évaluations psychosociales
et des visites à domicile. Les familles reçoivent des formations
sur le cadre juridique, la gestion des traumatismes et la tutelle. Divers
événements de mise en réseau sont organisés pour offrir des possibilités
d’échange avec d’autres familles d’accueil
. La
Croix-Rouge
espagnole gère également, depuis plusieurs années, un programme destiné
aux familles spécialisées dans l’accueil d’enfants non accompagnés
ou séparés, parallèlement à d’autres solutions de prise en charge.
Ce programme a permis d’améliorer le recrutement, la formation et
le suivi de ces familles. En Italie,
MetaCometa Onlus dispose d’un réseau de familles d’accueil pour les enfants à
leur arrivée en Sicile, et travaille avec des spécialistes, notamment
des psychologues, des travailleurs sociaux et des médiateurs culturels
pour favoriser l’intégration des enfants
.
Au niveau régional,
Fostering Across
Borders (FAB), un projet de l’Union européenne dirigé par l’OIM, a
permis l’élaboration et la diffusion de matériels et d’un programme
de formation visant à améliorer la qualité de la prise en charge
de type familial dans six pays d’Europe, et à promouvoir et étendre
ce type de prise en charge dans d’autres pays européens. S’appuyant
sur les outils développés dans le cadre de FAB, l’OIM dirige également
le
projet
U-Care qui vise à développer et à améliorer les systèmes de
prise en charge des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou
séparés en Belgique, en Allemagne et en Grèce. Outre le placement
en famille d’accueil,
d’autres formes de
prise en charge familiale peuvent également être encouragées.
En Autriche, le projet Connecting People, mis en œuvre par l’ONG
Asylkoordination Österreich, vise à mettre en relation d’(anciens)
enfants non accompagnés demandeurs d’asile ou ayant déjà obtenu
le statut de réfugié avec des parrains autrichiens qui les aident
dans leur processus d’intégration (par exemple dans le cadre d’activités
de loisirs ou d’un soutien scolaire ou administratif)
. Le projet
ALFACA
(Alternative Family Care) de l’Union européenne analyse les bénéfices de ce type
de prise en charge et développe des formations et des orientations
sur la prise en charge de type familial.
40. Concernant la prise en charge de type familial, en particulier
le placement en famille d’accueil, il convient de rappeler les travaux
menés par le Comité directeur pour les droits de l’homme du Conseil
de l’Europe. Celui-ci a élaboré d’importants documents consacrés
aux alternatives à la rétention de migrants et aux dispositifs de prise
en charge familiale des enfants non accompagnés ou séparés. Les
pratiques susmentionnées constituent des exemples de mise en œuvre
possible de son Guide sur le placement en famille d’accueil d’enfants
non accompagnés ou séparés (2021). En plus de promouvoir l’accès
à une prise en charge de qualité et à des solutions d’hébergement
appropriées pour les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés
ou séparés et de décrire les avantages de la prise en charge familiale,
le guide souligne la nécessité de promouvoir la mise en commun des
connaissances, du savoir-faire et des bonnes pratiques entre États membres
du Conseil de l’Europe. Il appelle notamment à prendre en compte,
lors de l’identification des familles d’accueil, certains éléments
essentiels tels que leur sensibilité interculturelle, leur expérience
pédagogique et éducative, leur intérêt sincère pour le bien-être
de l’enfant et leur capacité à créer un environnement sûr pour l’enfant.
Les organismes responsables du recrutement des familles d’accueil
doivent disposer d’une méthodologie bien élaborée et d’une procédure
de recrutement clairement définie. En outre, le guide demande que
le processus de recrutement des familles d’accueil comprenne des
procédures de sélection complètes ainsi qu’une formation leur permettant
de soutenir les enfants migrants dans le cadre d’une procédure d’asile ou
de toute autre procédure légale et de les aider à maintenir le contact
avec leur famille biologique. Les familles d’accueil doivent bénéficier
d’une assistance en cas de besoin et tous les placements doivent
faire l’objet d’un suivi régulier sur la base de critères spécialement
définis (analyse du traitement, qualité de l’hébergement, protection
des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés par
les familles d’accueil, etc.). Indiquons au passage qu’un guide
similaire sur le placement en famille d’accueil des enfants migrants,
demandeurs d’asile ou réfugiés non accompagnés ou séparés a été
élaboré au Mexique, par le gouvernement fédéral et le Réseau de
familles d’accueil latino-américain
.
41. Pour certains enfants – principalement les plus âgés – la
possibilité de bénéficier d’un
mode
de vie semi-autonome ou indépendant sous supervision peut
également constituer une solution de prise en charge adaptée, car
elle favorise leur autonomie progressive, tout en leur permettant
d’accéder à d’autres services nécessaires (éducation, formation
professionnelle, accès aux soins de santé, procédures judiciaires, etc.),
En Allemagne, par exemple,
SOS
Villages d’enfants Düsseldorf a développé un réseau complet de prise en charge des
enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés âgés de
plus de 16 ans, qui vivent ensemble dans des appartements partagés
et bénéficient d’un soutien 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 de
la part de professionnels du champ socio-éducatif. En Espagne, la
Croix-Rouge
espagnole offre une prise en charge en établissements d’hébergement
aux enfants et aux jeunes migrants ou réfugiés non accompagnés ou
séparés par le biais de son réseau d’appartements sous supervision,
tout en proposant également des projets socio-éducatifs en milieu
ouvert à ceux qui éprouvent des difficultés à vivre dans ces établissements. Toujours
en Espagne, la
Fundació
Eveho gère des «appartements de vie autonome» similaires pour
les adolescents âgés de 16 à 18 ans, y compris les jeunes non accompagnés
ou séparés. En Autriche, les enfants non accompagnés ou séparés
qui témoignent d’un certain niveau d’indépendance et de maturité
peuvent déménager dans un appartement partagé, où ils sont supervisés
par des agents de l’autorité locale de protection de l’enfance
. De même, en France, certains
conseils départementaux offrent des possibilités de logement indépendant
sous supervision pour les enfants plus âgés, y compris les enfants
non accompagnés ou séparés, les enfants demandeurs d’asile et les
enfants réfugiés. Ce service est souvent proposé en collaboration
avec des organisations non gouvernementales. En Grèce, en vertu
de la nouvelle loi sur la tutelle, «il existe des appartements pouvant
accueillir chacun jusqu’à quatre enfants âgés de plus de 16 ans.
Jusqu’au début 2020, date de création du Secrétariat spécial pour
la protection des mineurs non accompagnés, qui s’est vu confier
l’entière responsabilité de l’hébergement des enfants migrants ou
réfugiés non accompagnés ou séparés, l’action était menée conjointement
par le ministère du Travail, le HCR, l’UNICEF et l’OIM»
.
En septembre 2021, la compétence en matière de tutelle des mineurs
non accompagnés a elle aussi été transférée au Secrétariat spécial
.
À l’heure actuelle, il existe 90 appartements de ce type en Grèce,
qui ont une capacité d’accueil totale de 364 places pour des mineurs.
Les solutions de prise en charge dans le pays ne sont pas considérées
simplement comme des mesures de protection, mais représentent aussi
un moyen d’intégration pour les adolescents migrants ou réfugiés
non accompagnés ou séparés pendant leur transition vers l'âge adulte;
les enfants qui relèvent d’un dispositif de mode de vie semi-autonome
ou indépendant sous supervision se voient assigner un mentor (c’est-à-dire
un adulte ayant vécu des expériences similaires et ayant réussi
à s’intégrer dans la société locale), dont le rôle est de les accompagner
pendant cette transition.
42. Enfin, en ce qui concerne la prise en charge en
structures d’hébergement, bien
qu’il s’agisse de solutions de dernier recours, certaines pratiques
méritent d’être mentionnées, car elles visent à améliorer la prise
en charge qui y est proposée. Ainsi, dans certains cas, le placement
d’enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés dans de
petits foyers collectifs peut constituer
une solution adaptée. Par exemple, en Bulgarie, neuf enfants bénéficiant
d’une protection internationale ont été placés dans des petits foyers collectifs
en 2018, et 14 enfants ont été placés dans ces foyers en 2017. Ces
foyers peuvent accueillir jusqu’à 12 enfants et proposent toute
une palette de services sociaux en mettant l’accent sur l’accompagnement individualisé,
notamment en matière d’éducation, et en travaillant en lien avec
des services de proximité, pour favoriser l’intégration au sein
de la communauté. Cette solution est ouverte aux enfants qui ne
demandent pas la protection internationale, car ils relèvent de
la responsabilité de l’Agence de protection sociale, et non de l’Agence
nationale pour les réfugiés, et peuvent donc être placés dans un
petit foyer collectif ou bénéficier d’une autre forme de prise en
charge en vertu de la loi sur la protection de l’enfance
.
En Irlande, selon
l’Agence
pour l’enfance et la famille (Tusla), tous les enfants séparés de moins de 12 ans sont immédiatement placés
dans une famille d’accueil. Ceux qui ont plus de 12 ans peuvent
être placés dans l’une des cinq structures d’hébergement à court
ou moyen terme, qui sont des logements agréés pour accueillir des
enfants. Parallèlement à la prise en charge en petits foyers collectifs,
le Gouvernement irlandais a consenti des efforts supplémentaires
en cherchant à recruter davantage de familles d’accueil pour les
enfants séparés
. En Grèce, en quelques années
depuis 2016,
SOS
Villages d’enfants a fourni une prise en charge et un hébergement à plus
de 300 enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés dans
le cadre d’une approche psychopédagogique, en créant cinq foyers
collectifs à Athènes, Thessalonique et Serres. Dans toute la Grèce,
il existe actuellement 1 956 places dans les centres d’hébergement
pour les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés
et 180 places dans les structures d’accueil d’urgence ; les centres d’hébergement
se trouvent souvent dans des maisons individuelles offrant davantage
une prise en charge de type familial. De même, en Finlande,
SOS
Villages d’enfants a également mis en place des foyers collectifs dont
les frais de fonctionnement sont couverts par l’État. Aux
Pays-Bas, une forme de prise en charge similaire existe également:
les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés âgés
de plus de 15 ans, ainsi que ceux de moins de 15 ans qui ne peuvent
pas être placés dans des familles d’accueil, sont hébergés par l’Agence
centrale pour l’accueil des demandeurs d’asile. Ils sont logés dans
de petits centres d’accueil et bénéficient d’une supervision 24
heures sur 24.
43. Il convient de signaler que certains pays ont eu recours à
des modes d’hébergement informels pour les enfants non accompagnés
ou séparés, tels que des hôtels et des camps, lors de brusques dépassements
de la capacité des installations officielles en raison d’un afflux
inattendu de personnes
.
Ces hébergements «d’urgence» n’ont pas la capacité, le personnel
spécialisé et l’environnement nécessaires à une prise en charge
de qualité de ces enfants. Il importe également d’indiquer que,
si l’existence d’un éventail de solutions de prise en charge devrait
pouvoir répondre aux divers besoins et situations des enfants migrants
ou réfugiés non accompagnés ou séparés en Europe, il convient également
de prendre dûment en considération les besoins particuliers des
filles et des
enfants et jeunes gens handicapés,
afin de s’assurer que ces besoins sont pleinement satisfaits.
5.3. Accès
à d’autres services
44. En général, il importe non
seulement de fournir une prise en charge de qualité à ces enfants,
mais également d’assurer la disponibilité et l’accès à d’autres
services pertinents. Parmi ces services, il convient de mentionner
l’application
Miniila de Missing Children Europe, qui fournit des informations
sur l’aide disponible, les droits, la protection internationale
et les procédures de regroupement familial pour les enfants migrants
en Europe. L’application est spécialement conçue pour apporter des
réponses aux besoins des enfants migrants non accompagnés, et vise
à faciliter l’accès à des informations compréhensibles sur les services
spécialisés tels que les refuges, les banques alimentaires et les
services de santé dans la région où ils se trouvent. L’application
leur permet également de joindre facilement la ligne d’urgence pour
les enfants disparus et le service d’assistance téléphonique pour
les enfants. De même, l’Office fédéral allemand des migrations et
des réfugiés, en collaboration avec l’Agence fédérale pour l’emploi,
le Goethe-Institut et le Service public audiovisuel bavarois, a
développé l’application
Ankommen. Cette application fournit des informations sur la procédure
d’asile, la formation professionnelle, le travail et la vie en Allemagne.
En outre, l’application propose des cours d’allemand et vise à favoriser
l’intégration
. À cet égard, la
Recommandation
CM/Rec(2011)12 sur les droits de l’enfant et les services sociaux
adaptés aux enfants et aux familles (section IV.A.) contient des orientations utiles.
5.4. La
sortie de prise en charge des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés
ou séparés
45. Il convient également d’accorder
une attention particulière à la
transition
des enfants non accompagnés ou séparés vers l’âge adulte, à leur
autonomie et à la fin de leur prise en charge. Comme le
préconise le guide du Comité directeur pour les droits de l’homme
,
il convient d’aider les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés
ou séparés à mettre au point un plan de transition et un plan à
plus long terme. Ce processus devrait, en principe, être géré dans
le cadre de l’élaboration et de la mise en œuvre d’un « plan de
sortie de prise en charge » comprenant des informations sur tous
les sujets à aborder, que le jeune reste dans le pays ou le quitte.
Il peut s’agir, par exemple, d’un soutien pendant la durée de la
procédure de demande d’asile, d’une aide pour s’intégrer si le jeune
a obtenu une protection internationale, ou pour rentrer dans son pays
d’origine. Ce processus nécessite également des lignes directrices
dûment élaborées et fondées sur les bonnes pratiques en matière
d’aide à la transition des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés
ou séparés vers l’âge adulte. Le guide appelle également à mettre
en œuvre des politiques visant à garantir des solutions viables
et pérennes et une intégration effective des enfants touchés plus
généralement par les phénomènes migratoires. Étant donné que la
tutelle prend souvent fin à l’âge de la majorité de l’enfant, il
est vraiment nécessaire de se concentrer sur cette transition et
de la planifier avec le tuteur, afin de s’assurer que l’enfant a
été dûment préparé. Il convient de saluer le fait que certains États
prévoient un soutien au-delà de l’âge de la majorité, notamment
une aide financière, un hébergement, un parrainage/mentorat, un
réseau de soutien, etc. adapté aux besoins et à la situation de
chaque enfant non accompagné ou séparé
.
46. Au Royaume-Uni, la plupart des jeunes gens séparés ont droit
à des services de sortie de prise en charge en vertu de la loi de
2000 sur les enfants (qui quittent le placement) [
Children (Leaving Care) Act 2000]. Cette
loi vise à améliorer de plusieurs manières le soutien apporté aux
jeunes qui sortent de prise en charge, notamment en veillant à ce
qu’ils ne quittent pas le placement avant d’être prêts et à ce qu’ils
reçoivent un soutien plus efficace après leur sortie de prise en
charge
. Il s’agit généralement de bénéficier
d’un conseiller personnel, d’un plan de développement, d’une aide
financière à la recherche d’emploi, à l’éducation ou à la formation,
d’un logement et d’un suivi de la situation de l’intéressé. En Autriche,
l’organisation Don Bosco gère le
projet
Moses, qui fournit des services de conseil et de soutien aux
anciens enfants non accompagnés ou séparés qui ont dû quitter leur
lieu de prise en charge à l’âge de 18 ans, ainsi qu’un logement
abordable, des conseils et un soutien à une vie indépendante, notamment
concernant les relations avec les autorités. En outre, il aide à
trouver des centres de formation et de conseil appropriés, un soutien
scolaire et une aide à l’apprentissage, ainsi qu’une aide générale
à la recherche d’emploi. Aux Pays-Bas, l’organisme Nidos susmentionné
a élaboré, en collaboration avec l’Association des communes néerlandaises,
un manuel sur la manière de transférer les enfants migrants ou réfugiés
non accompagnés ou séparés pris en charge par Nidos vers un hébergement
indépendant géré par la municipalité lorsqu’ils atteignent l’âge
de 18 ans, en mettant l’accent sur la gestion des dossiers
. C’est le cas, par exemple, à
Utrecht, où la ville soutient financièrement l’équipe locale du
Conseil néerlandais pour les réfugiés chargée du suivi des anciens
enfants non accompagnés ou séparés
. En Belgique, les anciens
enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés en situation
irrégulière qui vivent dans certains centres d’accueil et atteignent
l’âge de la majorité peuvent s’inscrire au programme My Future,
conçu pour les aider à étudier les possibilités qui s’offrent à
eux et à suivre une formation professionnelle ; certaines activités
sont destinées à accroître leur résilience et leur autonomie. Cependant,
comme le programme n’est disponible que dans certains centres, ils
ne peuvent plus y accéder une fois qu’ils ont 18 ans et qu’ils sont
transférés dans un autre centre d’accueil. En outre, l’organisation
Minor-Ndako aide chaque année environ 200 enfants migrants ou réfugiés
non accompagnés ou séparés qui vivent tous dans de petits logements
encadrés, lesquels sont considérés comme constituant une prise en
charge spécialisée pour les jeunes, ce qui signifie que l’aide peut
être prolongée jusqu’au 25e anniversaire du jeune et qu’un « plan
de développement » est élaboré dès l’âge de 16 ans
.
6. Considérations spécifiques aux enfants
ukrainiens migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés arrivant
dans les États membres du Conseil de l’Europe
47. Nous sommes confrontés en ce
moment même aux conséquences de l’agression de l’Ukraine par la Fédération
de Russie. L’une des conséquences directes de cette agression est
un flux d’enfants non accompagnés ou séparés qui fuient la guerre,
mais aussi d’enfants – dont beaucoup sont porteurs de handicap –
qui bénéficiaient déjà d’une protection de remplacement en Ukraine
(estimés à 100 000)
qui ont fui le pays avec
des accompagnateurs adultes assurant temporairement leur prise en
charge. Ces enfants sont davantage exposés aux risques de violence,
de maltraitance, d’exploitation et de traite. L’actuelle agression de
l’Ukraine par la Fédération de Russie constitue ainsi une nouvelle
illustration tragique des problèmes que posent les arrivées massives
d’enfants, et des risques de conditions d’accueil inadaptées. La
ministre ukrainienne des Affaires sociales, Maryna Lazebna, a déclaré
qu’au 19 mars 2022, 4 894 enfants de 179 institutions de placement
avaient été évacués. Parmi eux, 2 522 enfants ont été relogés en
Ukraine, et 2 372 enfants issus de 116 institutions ont été relogés
à l’étranger
. Ces chiffres n’ont
cessé de croître: selon les estimations du Plan régional d’aide
aux réfugiés, 36 % des plus de cinq millions de réfugiés entrés
dans les pays européens au 23 avril 2022 étaient des enfants
. En conséquence, un plan d’urgence
fondé sur le Plan régional d’aide aux réfugiés est nécessaire pour
faire face à cette situation, en particulier dans les États membres
du Conseil de l’Europe situés aux frontières et au-delà. D’après
le sous-groupe de travail sur la protection de l’enfance, des actions
ont notamment été entreprises pour mettre en place des «voies de référencement»
aux fins de l’identification et de l’orientation vers les services
moldaves compétents en matière de protection de l’enfance et de
protection contre la violence fondée sur le genre, notamment en
mobilisant les autorités de tutelle à la frontière. Cette approche
a également été préconisée par l’Intergroupe du Parlement européen
sur les droits de l’enfant
; la note de Child
Circle et de KIND sur les enfants non accompagnés fuyant l’Ukraine
recommande la mise en place d’un
cadre commun de mesures, en particulier dans les pays de l’Union
européenne.
48. Comme le recommande l’UNICEF, la situation d’urgence actuelle
nécessite également d’accroître rapidement la capacité des dispositifs
de prise en charge d’urgence et le nombre de personnes sélectionnées pour
prendre en charge des enfants, et de renforcer d’autres services
essentiels pour la protection des enfants, notamment contre la violence
fondée sur le genre, ainsi que les mécanismes de recherche de la
famille et de regroupement familial. Ces éléments sont capitaux
pour les enfants non accompagnés ou séparés qui ont besoin d’une
prise en charge temporaire pendant que la procédure de regroupement
familial suit son cours. Selon les directives de l’UNICEF, dans
ces circonstances, il convient de promouvoir la prise en charge
familiale ou de proximité, le placement en institution n’étant utilisé
qu’en dernier recours et pour une durée aussi brève que possible.
Il appelle les pays voisins et les pays concernés à établir et renforcer
les processus de détection pour identifier les enfants migrants
ou réfugiés non accompagnés ou séparés aux frontières, à établir
et consolider les espaces sûrs pour les enfants aux postes frontières
et aux autres points stratégiques, à relier les espaces sûrs aux
systèmes nationaux de protection de l’enfance, et à développer rapidement
la capacité des dispositifs de prise en charge familiale d’urgence
et les autres services essentiels de protection de l’enfance et
de lutte contre la violence fondée sur le genre
.
49. Comme le soulignent Child Circle et KIND, les autorités ukrainiennes
s’efforcent de faire en sorte que les enfants voyagent en disposant
de suffisamment d’informations sur leur identité et leurs besoins,
mais il n’y a pas de certitude sur la question de savoir s’ils sont
confiés à des organismes de protection de l’enfance dans leur pays
d’arrivée ou de transit
.
Cette situation suscite de nombreuses questions qui dépassent et
précèdent leur prise en charge effective. En effet, l’accueil et
l’évaluation initiale de la situation de ces enfants sont essentiels
pour leur fournir la prise en charge temporaire la plus adaptée.
Il convient donc de donner la priorité à un système de gestion de
l’information centralisé et transnational pour suivre la localisation
et veiller à la sécurité et au bien-être de ces enfants qui doit
venir renforcer les systèmes d’identification et de suivi ainsi
que les mécanismes de prise de décision et englober les enfants
placés ou relogés en institution au même titre que les enfants non
accompagnés ou séparés
. À cet égard, l’UNICEF
et le HCR ont mis en place des «
points bleus» («
Blue Dots»)
dans le cadre de leurs actions le long des frontières et des principaux
couloirs migratoires depuis l’Ukraine
. Il s’agit de lieux
où des professionnels qualifiés dans le domaine du travail social,
de la santé mentale, de l’aide psychosociale et de l’assistance
juridique sont disponibles pour identifier les besoins sociaux et
de protection urgents et répondre à ces besoins. Ils font office
de premiers points de contact et offrent un exemple de coordination
et de coopération avec d’autres partenaires de la protection de
l’enfance. Il s’agit également de s’assurer que la mise à l’abri
des enfants n’entrave pas leurs perspectives d’un futur regroupement
familial. En aucun cas les familles ne doivent être séparées à la
suite d’une opération de relocalisation ou d’évacuation
.
Changing The Way We Care a également publié des directives concernant les
déplacements d’enfants pendant les crises humanitaires, notamment
concernant les actions essentielles aux fins de la préparation et
du déplacement des enfants et aux fins de l’accueil d’enfants ou
de groupes d’enfants dans un nouveau lieu, y compris de l’autre
côté des frontières
. En février, au cours
des premières semaines du conflit, le
Gouvernement
ukrainien a publié une procédure actualisée pour le passage des frontières
par les orphelins et les enfants privés de soins parentaux, indiquant
notamment qui sont les adultes qui doivent les accompagner et leur
nombre, et portant une attention particulière aux enfants handicapés.
À cet égard, l’Intergroupe du Parlement européen sur les droits
de l’enfant, composé de représentants gouvernementaux et d’experts
non gouvernementaux, a effectué une visite de plusieurs installations
à la frontière, notamment d’un centre polonais d’hébergement et
d’enregistrement temporaire pour les orphelins et les enfants handicapés
dans la ville de Stalowa Wola
.
De même, le
Réseau
européen sur l’apatridie et ses
partenaires recueillent également des informations sur la situation,
et
actualisent
les informations destinées aux personnes apatrides ou menacées d’apatridie qui ont besoin de conseils et d’assistance tant en Ukraine que
dans les pays limitrophes occidentaux.
50. À ce jour, les pays voisins de l’Ukraine se sont efforcés,
par l’intermédiaire de leurs gouvernements et d’organisations non
gouvernementales, de proposer une prise en charge adaptée à ces
enfants. Il convient de mentionner, par exemple, l’action menée
par SOS Villages d’enfants pour transférer les enfants de ses villages ainsi
que les enfants placés dans des familles d’accueil, chez des proches
et dans des internats et des établissements résidentiels en Ukraine,
vers ses villages situés dans d’autres pays européens. Ainsi, environ 80
enfants et leurs familles d’accueil soutenus par SOS Villages d’enfants
en Ukraine ont été relogés dans des villages SOS en Pologne; en
outre, début avril, 697 enfants ukrainiens déplacés étaient déjà
pris en charge par l’ONG en Autriche, en Belgique, en République
tchèque, en Hongrie, en Italie, en Lituanie, en Lettonie, en Roumanie,
en Estonie et en Bulgarie
. En Pologne, une
nouvelle loi sur l’aide aux citoyens ukrainiens permet d’assurer
la prise en charge des enfants par des tuteurs temporaires, mais
sa mise en œuvre dans la pratique continue de poser problème, selon
l’Association polonaise de placement familial. La République slovaque
et la Bulgarie rencontrent également des difficultés pour assurer
un nombre suffisant de familles d’accueil, et préfèrent recourir
au placement en institution, plaçant parfois les enfants avec le
tuteur avec lequel ils sont arrivés
.
Selon l’UNICEF, depuis le 24 février, environ 1 900 enfants non
accompagnés sont arrivés en Roumanie, dont 255 relèvent à présent
du système public de protection, et l’UNICEF œuvre à leur protection en
collaboration avec le ministère de la Famille, de la Jeunesse et
de l’Égalité des chances par le biais de l’Autorité nationale pour
la protection des droits de l’enfant et l’adoption
. En République
de Moldova, début avril 2022, on estimait qu’au moins 2 % des enfants
seraient séparés ou non accompagnés, ce qui signifie qu’au moins
780 enfants non accompagnés ou séparés et plus de 1 000 enfants
à risque se trouvent actuellement en République de Moldova; les
autorités avaient identifié 11 enfants non accompagnés et assuré leur
prise en charge d’urgence. À peu près à la même époque, il a été
déclaré que le ministère du Travail et de la Protection sociale
a mis en place un système de tutelle pour les enfants non accompagnés
ou séparés, un centre de prise en charge d’urgence pour les enfants
non accompagnés a été identifié et le système de placement en famille
d’accueil est ouvert aux enfants non accompagnés en cas de besoin;
les autorités de tutelle, AVE Copiii, l’UNICEF et le HCR ont évalué
et aidé les familles accueillant des enfants réfugiés (dans le cadre
du programme de transfert aérien de familles vers plusieurs pays
européens)
. En Suisse, l’organisation
Tipiti,
en collaboration avec SOS Villages d’enfants et les autorités publiques, a également organisé le placement d’enfants ukrainiens
et de leurs familles d’accueil dans le pays et d’autres placements doivent
être effectués. Le
Gouvernement
suisse avait déjà, avant le conflit en Ukraine, publié des
directives claires sur le placement international d’enfants.
51. Enfin, il convient de rappeler que les procédures d’adoption
internationale ne devraient pas avoir lieu dans des situations humanitaires
ou d’urgence, car il est difficile de vérifier pleinement le statut
familial, social et juridique des enfants. À cet égard, la Conférence
de La Haye de droit international privé a émis une note d’information
contenant plusieurs recommandations. Elle rappelle qu’«en cas de
conflit armé, il convient que l’accent soit mis sur des mesures
de protection de l’enfant autres que l’adoption», car les enfants «ne
peuvent pas être considérés comme des orphelins et / ou ayant besoin
d’une adoption». En effet, «les efforts visant à réunir un enfant
déplacé avec ses parents ou les membres de sa famille dans les situations
provoquées par un conflit armé doivent être prioritaires» et «il
convient que le conflit ne serve pas de justification pour accélérer les
adoptions internationales, ni pour contourner ou ignorer les normes
internationales et les garanties essentielles à une adoption sûre;
il convient que les procédures d’adoption soient interdites »
.