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Rapport | Doc. 15548 | 06 juin 2022

Protection et prise en charge des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteure : Mme Mariia MEZENTSEVA, Ukraine, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 15112, renvoi 4520 du 26 juin 2020. 2022 - Troisième partie de session

Résumé

L’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine depuis le 24 février 2022 ainsi que l’augmentation des arrivées de demandeurs d’asile et de migrants par la mer Méditerranée ont provoqué une augmentation rapide du nombre d’enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés en Europe. Cette situation préoccupe vivement les États membres du Conseil de l’Europe qui ont l’obligation positive, en vertu de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, de protéger la vie privée et familiale, en particulier des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés qui sont particulièrement vulnérables et nécessitent une protection plus élevée.

Les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés devraient être considérés comme des enfants et leur intérêt supérieur devrait être garanti quel que soit leur statut migratoire. Une attention particulière devrait être accordée aux victimes de violence, d’abus et de traite des êtres humains, ainsi qu’aux enfants ayant des besoins spéciaux, y compris des besoins médicaux et psychologiques. Les États membres devraient adopter des solutions de protection alternatives, à titre de mesures provisoires, jusqu’au moment où les enfants pourront être réunis avec les membres de leur famille, en particulier la prise en charge par parenté, le placement en famille d’accueil et la prise en charge familiale avec des conditions de vie supervisées et indépendantes.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 3 juin 2022.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire est vivement préoccupée par l’augmentation rapide du nombre d'enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés en Europe. Ces enfants ont été séparés de leurs deux parents et du restant de leur famille et ne sont pas pris en charge par un adulte qui, selon la loi ou la coutume, en a normalement la responsabilité. Or, en vertu de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5), les États membres ont l’obligation positive de protéger la vie privée et familiale, surtout pour les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés, particulièrement vulnérables, qui nécessitent un niveau de protection plus élevé.
2. L’agression en cours de l’Ukraine par la Fédération de Russie a pour conséquence dramatique un déplacement massif d’enfants migrants ou réfugiés, dont beaucoup sont non accompagnés ou séparés. Dans ces circonstances, ils sont très exposés aux risques d’exploitation et d’abus, et tombent facilement aux mains de passeurs et de trafiquants. Il est de la plus haute importance et extrêmement urgent que les autorités compétentes des États membres du Conseil de l’Europe, y compris les parlementaires, soient pleinement conscientes des obligations juridiques qui découlent des traités internationaux et européens relatifs à la protection des enfants non accompagnés ou séparés, notamment à leur prise en charge, afin d’assurer une protection totale de ces enfants et de préserver leur intérêt supérieur dans tous les domaines.
3. L'Assemblée rappelle en particulier la Convention européenne des droits de l'homme et la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, auxquelles sont parties tous les États membres. Le Comité des droits de l’enfant de l’ONU a publié des Observations générales qui sont utiles pour aider les États membres en vue d’une mise en œuvre effective. La Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201, «Convention de Lanzarote») et la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197), toutes deux également ratifiées par l’ensemble des États membres, ainsi que la Charte sociale européenne (révisée) (STE no 163) et plusieurs textes non contraignants fournissent un vaste corpus de normes et d’orientations pour mettre en place un filet de sécurité visant à garantir la protection dont ces enfants doivent pouvoir bénéficier.
4. L'Assemblée rappelle également ses Résolution 1810 (2011) «Problèmes liés à l'arrivée, au séjour et au retour d'enfants non accompagnés en Europe », Résolution 2020 (2014) «Les alternatives au placement en rétention d’enfants migrants», Recommandation 2190 (2020) «Une tutelle efficace pour les enfants migrants non accompagnés et séparés», et Résolution 2324 (2020) «Disparitions d’enfants réfugiés ou migrants en Europe» ainsi que les conclusions de sa Campagne parlementaire pour mettre fin à la rétention d'enfants migrants (2016-2019), dans lesquelles l’Assemblée encourageait les États membres à adopter des alternatives à la rétention qui répondent à l’intérêt supérieur de l’enfant et permettent aux enfants de rester avec leur famille et/ou tuteur dans un cadre non carcéral, au sein de la collectivité, en attendant que la question de leur statut au regard de la législation sur l’immigration soit résolue.
5. L’Assemblée souligne que tous les États membres devraient adopter une approche commune en vertu de laquelle les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés seraient considérés avant tout comme des enfants. Cela implique de faire en sorte que l’intérêt supérieur de l’enfant soit la considération primordiale, quel que soit le statut migratoire de l’enfant dans le pays concerné. Dans ce contexte, les États membres doivent veiller à ce que les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés bénéficient des mesures suivantes:
5.1. toutes les garanties applicables en matière de protection de l’enfance, notamment l’identification adéquate et immédiate des enfants et l’enregistrement de leur identité et de leur situation juridique, familiale et sociale;
5.2. une évaluation sérieuse, tenant compte de la dimension de genre, de leurs besoins immédiats de protection, de soutien et de prise en charge ; une attention particulière doit être accordée aux victimes de violence, d’abus et de traite des êtres humains ainsi qu’aux enfants présentant des besoins spéciaux, notamment médicaux et psychologiques;
5.3. la désignation immédiate d’un tuteur, qui agira pour protéger l’intérêt supérieur de l’enfant et fera le lien entre l’enfant et les services compétents, pendant la recherche de ses parents et d’autres membres de sa famille;
5.4. une évaluation et détermination complète de l’intérêt supérieur de l’enfant par son tuteur, par les services de protection de l’enfance ou par les juridictions compétentes le cas échéant.
6. Par ailleurs, l’Assemblée souligne que les États membres sont juridiquement responsables des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés qui se trouvent sur leur territoire, conformément à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. À ce titre, ils devraient être dotés de solides systèmes de protection de l’enfance, qui reposent notamment sur une forte coordination entre les organes compétents en matière de protection de l’enfance et de migration, ainsi qu’avec les autres instances et les organisations concernées de la société civile. Une budgétisation appropriée et durable et un investissement dans les ressources humaines et autres peuvent permettre une protection et une prise en charge adaptées et sensibles au genre.
7. L'Assemblée considère que le Conseil de l'Europe devrait faciliter la création d’une plateforme européenne pour l'échange de connaissances, de savoir-faire pratique et de bonnes pratiques entre ses États membres aux fins de la bonne prise en charge des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés.
8. L'Assemblée invite les États membres à répondre correctement aux besoins des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés, en leur apportant une aide qui préserve l'unité familiale et qui leur permette de rester auprès de parents ou d'autres personnes qui s'occupent d'eux. À cette fin, les États membres devraient adopter, à titre de mesure provisoire, des solutions de prise en charge qui dureront jusqu’à ce que les enfants puissent être réunis avec les membres de leur famille. En conséquence, les États membres sont invités:
8.1. à créer des itinéraires sûrs, légaux et accessibles permettant aux enfants de retrouver leur famille en Europe, en leur évitant d’effectuer seuls de longs et dangereux voyages;
8.2. à adopter un cadre législatif, s’il n’est pas déjà en place, permettant le développement de mesures proactives ciblées, qui répondent aux besoins spécifiques des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés;
8.3. à veiller à ce que les demandes de regroupement familial des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés soient examinées en priorité, dans le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant;
8.4. à intégrer les systèmes d’asile et de migration dans les systèmes de prise en charge et de protection de l'enfance, en veillant à ce que les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés aient accès à la même protection et prise en charge que tous les autres enfants; à octroyer les fonds nécessaires et à désigner une autorité publique qui soit chargée de cette intégration;
8.5. à procéder à une évaluation en temps opportun des besoins spécifiques des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés, afin de fournir la meilleure prise en charge adaptée à chaque enfant;
8.6. à tenir compte de tous les aspects du nouvel environnement des enfants migrants ou réfugiés (langue, culture et conditions de vie différentes) au moment de proposer une solution de prise en charge pour ces enfants;
8.7. à s'assurer que l'opinion des enfants migrants ou réfugiés ayant besoin d'une protection de remplacement est prise en compte lors de la détermination de modalités de prise en charge qui soient dans l’intérêt supérieur de ces enfants;
8.8. à veiller à ce que l’autorité publique qui est responsable du système public de prise en charge des enfants non accompagnés ou séparés garantisse différentes possibilités de protection de remplacement et emploie un nombre suffisant de spécialistes bien formés pour fournir différents types de prise en charge; elle devrait aussi effectuer un suivi régulier des différentes solutions de protection de remplacement;
8.9. à accorder une attention particulière au recrutement des familles d'accueil, en veillant à leur sensibilité interculturelle, à leur expérience pédagogique et éducative, ainsi qu’à leur capacité à offrir un espace aux enfants. Ces familles doivent également avoir une bonne connaissance de la procédure d'asile et être en mesure de soutenir l’enfant aux différentes étapes, y compris sur le plan psychologique.
9. L’Assemblée réaffirme que, dans les cas où le retour de l’enfant dans sa famille n’est pas possible, les États membres devraient concevoir et mettre en œuvre diverses solutions de prise en charge adaptées et de qualité, qui répondent aux besoins individuels particuliers des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés. Rappelant les Lignes directrices de l’ONU relatives à la protection de remplacement pour les enfants, l’Assemblée exhorte les États membres à proposer les modèles suivants en la matière:
9.1. la prise en charge par des proches, dispositif dans lequel l’enfant vit avec un adulte qui fait partie de sa famille élargie;
9.2. le placement en famille d’accueil, dispositif dans lequel l’enfant est confié formellement à des adultes compétents qui assument la fonction de parents d’accueil;
9.3. les centres d’accueil d’urgence et de transit, dispositif utilisé dans des circonstances exceptionnelles, le temps d’examiner et de régler la situation qui est à l’origine de la séparation familiale. Si des mineurs sont placés dans des centres d’accueil d’urgence et de transit, ils ne doivent pas être placés avec des adultes.
10. Par ailleurs, les États membres devraient concevoir d’autres formes de prise en charge familiale, avec des modes de vie indépendants sous supervision, une prise en charge collective en petits groupes et, en dernier ressort, des placements adaptés dans des établissements d’hébergement, en veillant à ce que le principe de non-privation de liberté soit garanti dans tous ces dispositifs. Les Lignes directrices de l’ONU relatives à la protection de remplacement pour les enfants devraient être appliquées, en particulier la partie IX, pour déterminer la nécessité et l’opportunité des modalités de prise en charge des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés.
11. Enfin, les États membres doivent proposer des services, programmes et mesures pour aider les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés à sortir du dispositif de prise en charge et un soutien psychologique et pratique continu visant à renforcer leur autonomie; cela suppose une bonne préparation et planification avant la sortie de prise en charge, que le jeune reste dans le pays ou le quitte.
12. En ce qui concerne très spécifiquement la situation d’urgence qui touche actuellement les enfants ukrainiens, l’Assemblée fait valoir la nécessité constante pour les États membres de renforcer l’approche coordonnée au niveau européen entre les pays de première arrivée, les pays de transit et les pays d’accueil afin que les enfants soient rapidement identifiés, enregistrés et ne disparaissent pas, qu’ils bénéficient de toutes les garanties en matière de protection et qu’ils soient placés, lorsque c’est jugé nécessaire, dans des dispositifs de prise en charge adaptés et de qualité.
13. La sécurité de tous les enfants, y compris ceux dans l’attente d’un regroupement familial et qui bénéficient d’une prise en charge temporaire, doit être une priorité. L’adoption ne doit être envisagée dans aucune situation d’urgence.

B. Exposé des motifs par Mme Mariia Mezentseva, rapporteure 
			(2) 
			Je remercie Mme Mia
Dambach, directrice exécutive de Child Identity Protection, organisation
à but non lucratif, et Mme Christina Baglietto, directrice régionale
de l’organisation, pour leur aide dans le cadre de l’élaboration
du présent rapport.

(open)

1. Introduction

1. La Stratégie du Conseil de l’Europe pour les droits de l’enfant 2022-2027 récemment adoptée identifie les droits de l’enfant dans les situations de crise et d’urgence comme l’un de ses domaines prioritaires. Elle fait spécifiquement référence aux droits des enfants migrants ou réfugiés et énonce les mesures à prendre pour mettre en œuvre les normes applicables. De même, le Plan d’action du Conseil de l’Europe sur la protection des personnes vulnérables dans le contexte des migrations et de l’asile en Europe (2021-2025) fournit des orientations précieuses. Il s’agit de deux documents clés, dont le présent rapport soutient la mise en œuvre au niveau national, par le biais de la législation, des politiques et des pratiques. Par ailleurs, l’Assemblée parlementaire a également alerté sur la nécessité de protéger les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés, et la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées a abordé la question de la prise en charge des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés dans le cadre de sa Campagne parlementaire pour mettre fin à la rétention d’enfants migrants (2016-2019).
2. Le présent rapport examine les questions relatives à la protection et à la prise en charge des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés dans les États membres du Conseil de l’Europe. Il passe en revue les normes juridiques et les politiques internationales et européennes applicables ainsi que les bonnes pratiques de divers États membres du Conseil de l’Europe en matière de prise en charge et identifie plusieurs bonnes pratiques adoptées dans les États membres, les États observateurs et les États partenaires du Conseil de l’Europe en matière de prise en charge de ces enfants et adolescents, qui font prévaloir les garanties nécessaires en termes de prévention et de protection ainsi qu’une prise en charge de type familial.
3. Eu égard à la guerre en cours en Ukraine et à ses conséquences dévastatrices pour un grand nombre d’enfants – ceux qui fuient le pays avec des proches mais qui courent le risque d’être séparés, ceux qui fuient en étant non accompagnés ou séparés, ou encore ceux qui étaient déjà placés dans une structure d’accueil avant la guerre – le présent rapport aborde également la situation spécifique de ces enfants et examine certaines des premières initiatives mises en œuvre dans les pays voisins et dans d’autres pays européens pour répondre à leurs besoins de protection et de prise en charge. Les éléments clés de la procédure visant à garantir que la prise en charge est véritablement nécessaire, adéquate et de qualité trouvent ici pleinement à s’appliquer.

2. Enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés en Europe : situation actuelle

4. Par «enfant non accompagné», on entend un enfant «qui a été séparé de ses deux parents et d’autres membres proches de sa famille et n’est pas pris en charge par un adulte investi de cette responsabilité par la loi ou la coutume». Par «enfant séparé», on entend un enfant «qui a été séparé de ses deux parents ou des personnes qui en avaient la charge à titre principal auparavant en vertu de la loi ou de la coutume, mais pas nécessairement d’autres membres de sa famille. Un enfant séparé peut donc être accompagné par un autre membre adulte de sa famille» 
			(3) 
			Comité des droits de
l’enfant des Nations Unies, <a href='http://docstore.ohchr.org/SelfServices/FilesHandler.ashx?enc=6QkG1d%2FPPRiCAqhKb7yhsiQql8gX5Zxh0cQqSRzx6ZfXmRo9mdg35%2Bm8BvAjgxjO5%2Bp77UXOUHA%2FerGpkg4QulY5c50ld7haetKRPB%2B1Mw259fza6voiWpZZ1a60TdlP'>«Observation
générale n°6 (2005), Traitement des enfants non accompagnés et des
enfants séparés en dehors de leur pays d’origine</a>», CRC/GC/2005/6, 1er septembre
2005..
5. Pour l’année 2020, l’Organisation Internationale pour la Migration (OIM), le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF) et l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) ont estimé que 16 750 enfants étaient arrivés en Grèce, en Italie, en Espagne, en Bulgarie, à Chypre et à Malte; parmi eux, 10 343 (62 %) étaient des enfants non accompagnés ou séparés. En 2020, les arrivées d’enfants ont baissé de 50 % par rapport à 2019 (33 200). Dans ce contexte, il convient de noter que 52 % des personnes concernées par des procédures de réinstallation en Europe étaient des enfants. La Suède, la France, la Norvège, l’Allemagne, le Royaume-Uni et la Finlande étaient les principaux pays d’Europe étudiant des dossiers de réinstallation d’enfants. Les Syriens, les Congolais (République Démocratique du Congo), les Soudanais et les Érythréens étaient les nationalités les plus représentées chez les enfants dont le dossier était étudié par les pays européens en vue d’une réinstallation 
			(4) 
			HCR,
UNICEF et OIM, <a href='https://data2.unhcr.org/en/documents/download/87693'>«Refugee
and Migrant Children in Europe Accompanied, Unaccompanied and Separated. Overview
of Trends.» January to December 2020</a>..
6. Il convient de souligner le déplacement massif d’enfants ukrainiens auquel on assiste actuellement. À leur sujet, l’UNICEF avait déjà estimé, au 15 mars 2022, que, chaque minute, 55 enfants fuient leur pays. Chaque seconde ou presque depuis le début de la guerre, un enfant ukrainien devient réfugié. À la fin de ce même mois, l’UNICEF a déclaré que deux millions d’enfants ont désormais dû fuir l’Ukraine ; parmi eux, beaucoup ne sont pas accompagnés ou ont été séparés de leurs parents ou des membres de leur famille 
			(5) 
			UNICEF, <a href='https://www.unicef.org/press-releases/particularly-shocking-every-single-minute-55-children-have-fled-their-country'>«Particularly
shocking - Every single minute, 55 children have fled their country.
A Ukrainian child has become a refugee almost every single second
since the start of the war»</a>, 15 mars 2022; UNICEF, <a href='https://www.unicef.org/fr/communiqu%C3%A9s-de-presse/deux-millions-denfants-fuyant-la-guerre-en-ukraine-ont-franchi-les-fronti%C3%A8res'>«Deux
millions d’enfants fuyant la guerre en Ukraine ont franchi les frontières
en quête de sécurité»</a>, 30 mars 2022; UNICEF, <a href='https://www.unicef.org/fr/communiqu%C3%A9s-de-presse/Ukraine-les-enfants-non-accompagnes-et-separes-de-leur-famille-qui-fuient-lescalade-doivent-etre-proteges'>«Les enfants
non accompagnés et séparés de leur famille qui fuient l’escalade
du conflit en Ukraine doivent être protégés»</a>, 7 mars 2022.. Ces enfants sont arrivés dans d’autres États membres du Conseil de l’Europe, principalement en Pologne, Roumanie, République de Moldova, Hongrie, République slovaque et République tchèque. Cette situation sera spécifiquement abordée plus loin, dans la partie 6. En outre, un mois après le début de l’invasion de l’Ukraine par les forces russes, le nombre d’enfants déplacés dans leur propre pays atteignait 2,5 millions d’après la même Organisation 
			(6) 
			UNICEF, <a href='https://www.unicef.org/fr/communiqu%C3%A9s-de-presse/ukraine-plus-de-la-moitie-des-enfants-deplaces-apres-un-mois-de-guerre'>«En
Ukraine, plus de la moitié des enfants ont été déplacés après un
mois de guerre</a>», 24 mars 2022..

3. Normes juridiques et politiques clés applicables

7. Un vaste corpus juridique visant à protéger les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés existe aux niveaux mondial, régional et local. Il s’accompagne de politiques et de lignes directrices très utiles pour assurer sa mise en œuvre effective et garantir une protection dans les faits.

3.1. Nations Unies et autres organisations mondiales

8. La Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (1989) – l’instrument de protection des droits de l’homme qui compte le plus grand nombre d’États adhérents – énonce quatre principes généraux et une série de droits qui doivent présider à la protection de tous les enfants: l’intérêt supérieur de l’enfant (article 3), le principe de non-discrimination (article 2), le droit de l’enfant d’être entendu et de voir ses opinions dûment prises en considération (article 12) et le droit de l’enfant à la vie, à la survie et au développement (article 6). Le droit de l’enfant de préserver son identité (article 8), le droit d’être élevé par ses parents et d’entretenir des relations avec eux (article 9), notamment par le biais de la réunification familiale (article 10), le droit à la protection contre toutes les formes de violence (article 19), le droit des enfants privés de leur milieu familial à une protection et une aide spéciales (article 20), le droit des enfants cherchant à obtenir le statut de réfugié à bénéficier de la protection et de l’assistance humanitaire voulues (article 22), et le droit de ne pas être privé de liberté (article 37) revêtent notamment une importance particulière aux fins de la protection des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés.
9. En se fondant sur la Convention relative aux droits de l’enfant et sur d’autres instruments internationaux, le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies a formulé des orientations dans le cadre de son Observation générale n°6 (2005), Traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d’origine, qui définit les lignes directrices que les États doivent suivre pour garantir que les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés puissent accéder à leurs droits et en jouir pleinement. D’autres orientations sur les droits des enfants dans le contexte de la migration sont formulées dans l’Observation générale conjointe n° 3 (2017) du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et n° 22 (2017) du Comité des droits de l’enfant sur les principes généraux concernant les droits fondamentaux des enfants dans le contexte des migrations internationales, et dans l’Observation générale conjointe n° 4 (2017) du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et n° 23 (2017) du Comité des droits de l’enfant sur les obligations des États concernant les droits fondamentaux des enfants dans le contexte des migrations internationales dans les pays d’origine, de transit, de destination et de retour. Toutes deux sont étroitement liées à d’autres observations générales : l’Observation générale n° 14 (2013) qui souligne le droit de l’enfant à ce que son intérêt supérieur soit une considération primordiale, et l’Observation générale n°12 (2009) qui met l’accent sur le droit de l’enfant d’être entendu dans le cadre de toute procédure, notamment des procédures d’immigration.
10. De même, le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières (2019) promeut «le respect des obligations juridiques internationales relatives aux droits de l’enfant et voit réaffirmé le principe qui consiste à toujours privilégier l’intérêt supérieur de l’enfant, lequel doit être une considération primordiale dans toutes les situations concernant des enfants dans le contexte des migrations internationales», et renvoie aux actions visant à «protéger, à toutes les étapes de leur migration, les enfants non accompagnés ou séparés de leur famille» et à «veiller à ce que les services de protection de l’enfance soient rapidement informés lorsqu’un enfant non accompagné ou séparé traverse une frontière internationale et à ce qu’ils prennent part aux procédures visant à déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant, conformément au droit international, notamment en formant les gardes-frontières aux droits de l’enfant et aux procédures adaptées aux enfants, telles que celles qui interdisent la séparation des familles et prévoient le regroupement familial en cas de séparation». Le Pacte mondial sur les réfugiés (2018) traite également des besoins et des droits des enfants réfugiés. Concernant ces derniers, il convient de citer les Principes directeurs du HCR pour la procédure relative à l’intérêt supérieur : évaluer et déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant (2021), qui rappelle qu’il est essentiel de préserver les liens familiaux afin de faciliter la recherche et le regroupement familial.
11. Concernant plus spécifiquement la mise en place d’une protection de remplacement, les Lignes directrices des Nations Unies relatives à la protection de remplacement pour les enfants (2010) ont été élaborées pour renforcer la protection des enfants privés de protection parentale ou risquant de l’être. Elles indiquent comment éviter la séparation des familles et garantir que toute protection de remplacement est à la fois nécessaire et adaptée à chaque enfant. Les Lignes directrices comprennent des orientations spécifiquement axées sur la protection et la prise en charge des enfants se trouvant déjà à l’étranger et dans des situations d’urgence, notamment les enfants non accompagnés ou séparés. La Résolution 74/133 de l’Assemblée générale des Nations Unies du 18 décembre 2019 appelle les États à mettre en œuvre ces lignes directrices pour empêcher que les enfants soient inutilement séparés de leurs parents, et témoigne d’une vive préoccupation concernant la protection des enfants non accompagnés ou séparés.
12. Il convient également de mentionner la récente Résolution du Conseil des droits de l’homme relative aux droits de l’enfant de 2022 qui traite de la réalisation des droits de l’enfant et du regroupement familial. Cette résolution «demande aux États de privilégier, à l’égard des enfants migrants, des mesures de substitution à la détention, notamment des mesures non privatives de liberté, qui seraient mises en œuvre par des professionnels de la protection de l’enfance chargés de ces enfants et, s’il y a lieu, de leur famille»; elle «demande [aussi] aux États d’origine, de transit et de destination de répondre efficacement et rapidement aux besoins des enfants non accompagnés ou séparés de leur famille dès qu’ils sont identifiés comme tels». De même, l’Étude mondiale des Nations Unies sur les enfants privés de liberté a été lancée en novembre 2019 et indique que le placement en institution continue d’être pratiqué, bien que les conditions de vie en institution soient intrinsèquement préjudiciables aux enfants en ce qu’elles impliquent la séparation et l’isolement d’avec les familles et la communauté au sens large.
13. Enfin, au niveau mondial également, il convient de citer deux instruments élaborés par la Conférence de La Haye de droit international privé. La Convention du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants peut en effet trouver à s’appliquer à la protection et à la prise en charge des enfants non accompagnés ou séparés, dès lors qu’elle offre aux autorités compétentes les outils et la flexibilité nécessaires pour mettre en œuvre pratiquement toute solution au niveau interne ou international qui répondra à l’intérêt supérieur de ces enfants, au cas par cas. Elle pourrait, par exemple, s’appliquer aux nombreux enfants fuyant l’Ukraine, qui ont déjà été placés dans une structure d’accueil dans leur pays d’origine et dont les mesures de protection doivent être reconnues à l’étranger. La Convention du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale assortit ces procédures de garanties, mais elle ne peut s’appliquer aux enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés qu’après l’écoulement d’un long délai 
			(7) 
			Bureau permanent de
la Conférence de La Haye de droit international privé, <a href='https://assets.hcch.net/docs/acc9fb0f-7947-4766-815f-c002c289e82d.pdf'>Application
de la Convention Protection des enfants de 1996 aux enfants non
accompagnés ou séparés</a>, Septième réunion de la Commission spéciale sur le fonctionnement
pratique des Conventions Enlèvement d’enfants de 1980 et Protection
des enfants de 1996, octobre 2017; Bureau permanent de la Conférence
de La Haye de droit international privé, <a href='https://assets.hcch.net/docs/f6c3ec8f-ddb1-40aa-b5e1-6a4a84e094e8.pdf'>Enfants
privés de leur milieu familial en raison du conflit armé en Ukraine:
Protection transfrontière et adoption internationale - Note d’information
du Bureau Permanent de la HCCH</a>, 16 mars 2022. Voir aussi Bureau permanent de la Conférence
de La Haye de droit international privé, <a href='https://www.hcch.net/fr/publications-and-studies/details4/?pid=5763'>Recommandation
concernant l’application de la Convention aux enfants réfugiés</a>, 21 octobre 1994..
14. Un autre instrument applicable à la protection des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés et de leur identité est la Convention n° 34 relative à la délivrance d’extraits et de certificats plurilingues et codés d’actes de l’état civil (2014), qui promeut la reconnaissance et la circulation des documents d’identité des enfants.

3.2. Conseil de l'Europe

15. Au fil des décennies, le Conseil de l’Europe a élaboré des normes et des outils en vue de mettre en place une approche coordonnée des droits de l’enfant ainsi que des repères et des orientations précises sur la manière d’assurer que les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés ont droit à une protection et une prise en charge, à la fois par le biais d’instruments juridiquement contraignants qui définissent les droits et obligations des États et d’outils d’orientation destinés à soutenir la mise en œuvre des normes dans la pratique.
16. S’agissant des politiques en la matière, dans le cadre de son programme «Construire une Europe pour et avec les enfants», le Conseil de l’Europe promeut et protège les droits de 150 millions d’enfants en Europe. À cet égard, la nouvelle Stratégie pour les droits de l’enfant (2022-2027) traite de la protection des droits des enfants migrants de façon générale au sein de ses différents domaines prioritaires et, en particulier, dans le cadre d’un nouveau domaine prioritaire axé sur les droits de l’enfant dans les situations de crise ou d’urgence. En mai 2021, le Comité des Ministres a adopté un nouveau Plan d’action du Conseil de l’Europe sur la protection des personnes vulnérables dans le contexte des migrations et de l’asile en Europe (2021-2025). Ce plan – coordonné par le ou la Représentant·e spécial·e de la Secrétaire générale sur les migrations et les réfugiés qui promeut la coopération avec les organisations et instances internationales compétentes – traite de la protection des enfants, des alternatives à la rétention et de la réunification familiale. Ce plan d’action se fonde sur les enseignements tirés du Plan d’action du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants réfugiés et migrants en Europe (2017-2019), qui s’est achevé en 2019.
17. Concernant les instruments juridiques applicables, les droits de l’enfant sont consacrés par la Convention européenne des droits de l’homme (1950) (STE n° 5), dans le cadre de son article 8 sur le droit au respect de la vie privée et familiale, ainsi que par l’abondante jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (voir ci-après). Par ailleurs, d’autres normes contraignantes élaborées par le Conseil de l’Europe au fil du temps fournissent des indications supplémentaires à ses États membres, complétant ainsi les efforts déployés au niveau mondial. La Convention sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (2007) (STCE n° 201, «Convention de Lanzarote»), la Déclaration du Comité de Lanzarote sur la protection des enfants placés hors du milieu familial contre l’exploitation et les abus sexuels et la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains (2005) (STCE n° 197) constituent des exemples de normes applicables. En outre, la Charte sociale européenne révisée (STE n° 163) contient des dispositions spécifiquement consacrées à la protection des enfants. L’article 17 impose notamment aux États de prendre « toutes les mesures nécessaires et appropriées tendant à assurer une protection et une aide spéciale de l’État vis-à-vis de l’enfant ou de l’adolescent temporairement ou définitivement privé de son soutien familial ». En vertu de l’article 31.2 de la Charte révisée, les États doivent fournir un abri aux enfants migrants (y compris à ceux qui séjournent illégalement sur leur territoire) aussi longtemps qu’ils relèvent de leur juridiction 
			(8) 
			Comité européen des
droits sociaux, Défense des Enfants International
(DEI) c. Pays-Bas, réclamation n° 47/2008, décision sur
le bien-fondé, 20 octobre 2009, paragraphes 44 et 64..
18. Par ailleurs, dans sa Résolution 1810 (2011) «Problèmes liés à l’arrivée, au séjour et au retour d’enfants non accompagnés en Europe», l’Assemblée a encouragé les États membres à prévoir des « dispositions appropriées de prise en charge, de préférence le placement dans une famille, de manière à assurer aux enfants des conditions de vie appropriées à leurs besoins pendant la période appropriée ». L’Assemblée a aussi souligné que les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés ne sauraient être placés en rétention et doivent être traités avant tout comme des enfants, notamment dans cette même Résolution 1810 (2011), ainsi que dans sa Résolution 2020 (2014) «Les alternatives au placement en rétention d’enfants migrants et dans sa Résolution 2136 (2016) «Harmoniser la protection des mineurs non accompagnés en Europe».
19. Des textes non contraignants approuvés par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe fournissent également un vaste corpus de normes et d’orientations en vue d’améliorer la protection et la prise en charge des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés. Ainsi:
20. Comme cela a déjà été indiqué, la Convention européenne des droits de l’homme, telle qu’interprétée dans le cadre de l’abondante jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, a permis de développer et de confirmer les normes de protection des enfants devant être respectées dans le contexte de la migration. La jurisprudence applicable aborde notamment les questions suivantes 
			(10) 
			Olsson
c. Suède, requête n° 10465/83, arrêt du 24 mars 1988,
par. 59; Rahimi c. Grèce,
requête n° 8687/08, arrêt du 5 avril 2011, par. 90-95, 108; Tarakhelc.
Suisse, requête n° 29217/12, arrêt du 4 novembre 2014,
par. 99; Popovc. France, requêtes nos 39472/07
et 39474/07, arrêt du 19 janvier 2012, par. 91; Mubilanzila Maieka et Kaniki Mitunga c. Belgique, requête
n° 13178/03, arrêt du 12 octobre 2006, par. 55; Khan c. France, requête n° 12267/16,
arrêt du 28 février 2019, par. 92-95; J.R.
et autres c. Grèce, requête n° 22696/16, arrêt du 25
janvier 2018; Muskhadzhiyeva et autres
c. Belgique, requête n° 41442/07, arrêt du 19 janvier
2010, par. 58; Sh.D. et autres c. Grèce,
Autriche, Hongrie, Macédoine du Nord, Serbie et Slovénie,
requête n° 14165/16, arrêt du 13 juin 2016, par. 52-62; Tarakhelc.
Suisse, requête n° 29217/12, arrêt du 4 novembre 2014,
par. 119, reprenant, mutatis mutandis, Popovc.
France, par. 102; Abdullahi
Elmi et Aweys Abubakar c. Malte, requêtes nos 25794/13
et 28151/13, arrêt du 22 novembre 2016; K.A.
c. Finlande, requête n° 27751/95, arrêt du 14 janvier
2003; X et Y c. Pays-Bas,
requête n° 8978/80, arrêt du 26 mars 1985, par. 23-24 et 27; August c. Royaume-Uni (déc.), requête
n° 36505/02, 21 janvier 2003; M.C. c.
Bulgarie, requête n° 39272/98, arrêt du 4 décembre 2003; Abdi Ibrahim c. Norvège, requête
n° 15379/16, arrêt du 17 décembre 2019, Bistieva
et autres c. Pologne, requête n° 75157/14, arrêt du 10
avril 2018.:
  • la reconnaissance du fait que, pour un parent et son enfant, être ensemble représente un élément fondamental de la vie familiale;
  • la nécessité d’une évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant avant toute décision le concernant;
  • la situation d’extrême vulnérabilité de l’enfant qui prédomine sur sa qualité d’étranger en séjour illégal;
  • l’obligation pour les autorités de l’État d’identifier les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés et de prendre des mesures pour les placer dans un logement adéquat;
  • l’obligation de prendre des mesures adéquates pour la prise en charge et la protection des enfants, même si l’intention des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés n’est pas de demander l’asile dans l’État où ils se trouvent, mais dans un autre État;
  • la nécessité d’adapter les conditions d’accueil à l’âge de l’enfant pour lui éviter toute situation de stress et d’angoisse qui pourrait entraîner des conséquences particulièrement traumatisantes;
  • la désignation d’un tuteur ou d’un représentant légal pour chaque enfant migrant ou réfugié non accompagné ou séparé;
  • la violation des articles 3, 5 et 8 de la Convention résultant du placement d’enfants migrants ou réfugiés dans des centres de rétention fermés et de leur détention avec des adultes dans les mêmes conditions que celles d’une personne adulte, lesquelles ne sont pas adaptées à leur situation d’extrême vulnérabilité;
  • les besoins spécifiques des enfants dus notamment à leur âge et à leur dépendance, mais aussi à leur statut de demandeur d’asile;
  • le fait que les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés en séjour illégal appartiennent à «la catégorie des personnes les plus vulnérables de la société»;
  • la sauvegarde de l’intérêt supérieur de l’enfant qui implique d’une part de maintenir l’unité familiale, si tel est l’intérêt de l’enfant, et d’autre part d’envisager des alternatives à la privation de liberté;
  • l’obligation de l’État de faciliter le regroupement familial pour les enfants non accompagnés;
  • la prise en charge d’un enfant par les autorités publiques qui doit en principe être considérée comme une mesure temporaire, et tout acte d’exécution doit coïncider avec l’objectif ultime de réunir la famille naturelle;
  • l’obligation positive des États de garantir à toute personne relevant de leur juridiction et, en particulier, aux personnes vulnérables telles que les enfants, une protection effective contre les mauvais traitements;
  • la non-prise en compte de l’origine religieuse et culturelle d’un enfant et son placement dans un milieu ne permettant pas d’en assurer la continuité.

3.3. Union européenne

21. L’Union européenne s’est fixé pour objectif de promouvoir la protection des droits de l’enfant à l’article 3.3, du Traité sur l’Union européenne (2007).Sur la base de ce traité, l’article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne (2000) garantit la protection des droits de l’enfant et met l’accent sur quatre grands principes, en des termes similaires à ceux de la Convention relative aux droits de l’enfant.
22. En outre, le Conseil de l’Union européenne a adopté en 2003 le Règlement Bruxelles II bis relatif aux aspects procéduraux transfrontaliers du placement d’enfants. En particulier, l’article 56 prévoit des solutions utiles en ce qui concerne les placements transfrontaliers d’enfants Il dispose ainsi que, «lorsque la juridiction compétente […] envisage le placement de l’enfant dans un établissement ou dans une famille d’accueil et que ce placement aura lieu dans un autre État membre, elle consulte au préalable l’autorité centrale ou une autre autorité compétente de ce dernier État membre si l’intervention d’une autorité publique est prévue dans cet État membre pour les cas internes de placements d’enfants». De plus, «la décision sur le placement […] ne peut être prise dans l’État membre requérant que si l’autorité compétente de l’État requis a approuvé ce placement» 
			(11) 
			Il convient de noter
que le <a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32019R1111&from=LV'>Règlement
(UE) 2019/1111 du Conseil, du 25 juin 2019, relatif à la compétence,
la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale
et en matière de responsabilité parentale, ainsi qu’à l’enlèvement
international d’enfants (refonte)</a> entrera en vigueur en 2022, remplaçant le Règlement
Bruxelles II bis.. Dans le même sens, la Résolution du Parlement européen, du 5 avril 2022, sur la protection des droits de l’enfant dans les procédures relevant du droit civil, du droit administratif et du droit de la famille traite d’une justice adaptée aux enfants, d’un cadre de l’Union européenne pour la protection des droits de l’enfant dans les litiges civils transnationaux, ainsi que de la médiation dans les affaires concernant des enfants, et peut s’appliquer à certaines mesures de prise en charge.
23. Enfin, l’Union européenne a fixé des principes directeurs pour la protection des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés qui demandent l’asile par le biais de la Directive «conditions d’accueil» (refonte) (2013) et de la Directive «qualification» (refonte) (2011), adoptées par tous les États membres, à l’exception de l’Irlande et du Danemark. Ces deux directives prévoient que, lors de l’évaluation des demandes d’asile des mineurs et des enfants non accompagnés ou séparés, l’intérêt supérieur de l’enfant et l’unité de la famille doivent être des considérations primordiales. En vertu de l’article 23 de la directive «conditions d’accueil», les États membres doivent assurer un niveau de vie adéquat pour le développement physique et mental des enfants et prendre dûment en considération les possibilités de regroupement familial, le bien-être et le développement social des enfants, leur sécurité et leur avis. En vertu de l’article 24 de cette directive, les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés doivent recevoir une assistance et être placés auprès de parents adultes, au sein d’une famille d’accueil, dans des centres spécialisés dans l’hébergement des mineurs ou dans d’autres lieux d’hébergement adaptés à leurs besoins. En outre, l’article 31 de la directive «qualification» prévoit que les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés doivent être représentés par un tuteur légal après l’octroi d’une protection internationale, et qu’il y a lieu de tenir compte de leur avis lors du placement. Les fratries ne doivent pas être séparées et les changements de lieux de résidence doivent être limités. De plus, les États membres doivent rechercher des membres de leur famille. Le Guide de l’EASO sur les conditions d’accueil des enfants non accompagnés vise à aider les États membres à mettre en œuvre la directive relative aux conditions d’accueil tout en assurant un niveau de vie adéquat aux enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés, en tenant compte de leurs besoins particuliers en matière d’accueil et de leur intérêt supérieur 
			(12) 
			Fondation
Lumos (2020), <a href='C:\Users\simic\Downloads\Users\christinabaglietto\Desktop\Rethinking care, improving support for unaccompanied migrant, asylum-seekin…'>Rethinking
care, improving support for unaccompanied migrant, asylum-seeking
and refugee children in the European Union</a>, p. 38..
24. Dans cet esprit, il convient d’indiquer que le Parlement européen a récemment adopté une Résolution sur la protection accordée par l’Union européenne aux enfants et aux jeunes qui fuient en raison de la guerre en Ukraine pour protéger les enfants et les jeunes qui fuient la violence et faciliter leur intégration dans les communautés des pays d’accueil. Les députés «recommandent que des officiers de protection des enfants soient présents aux frontières afin d’identifier rapidement et précisément les enfants vulnérables, d’enregistrer leur identité et leur nationalité ainsi que leurs besoins spécifiques. Des services, tels qu’un soutien psychologique, un soutien à la santé maternelle, une protection contre la violence fondée sur le genre, une recherche des familles ou un soutien à la réunification des familles, devraient être fournis dans le cadre des services nationaux de protection de l’enfance, ainsi qu’un accès total à tous les services essentiels et à des soins appropriés». Ils rappellent également que «les enfants non accompagnés, séparés ou placés en institution devraient se voir désigner un tuteur». Cette résolution fait suite au communiqué de la Commission européenne sur le soutien de l’Union européenne aux États membres pour répondre aux besoins des réfugiés 
			(13) 
			Parlement
européen, <a href='https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20220401IPR26521/ukraine-l-ue-doit-proteger-tous-les-enfants-fuyant-la-guerre'>«Ukraine:
l’UE doit protéger tous les enfants fuyant la guerre</a>», Union européenne, 7 avril 2022; Commission européenne, <a href='https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_22_1946'>«Ukraine:
soutien de l’UE aux États membres pour répondre aux besoins des
réfugiés</a>», Union européenne, 23 mars 2022., dont les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés.

4. Protection et prise en charge des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés: conditions principales

25. En se référant aux bonnes pratiques existant en Europe et dans les États partenaires, le rapport fournit des orientations pour la protection des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés tout au long des différentes étapes du processus migratoire et d’asile.
26. Arrivée, détection et identification: une évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant devrait être lancée au plus vite après l’arrivée ou l’identification de l’enfant dans le pays d’asile, puis donner lieu par la suite à un contrôle, un suivi et un réexamen tout au long du cycle de déplacement. Ce processus doit permettre de répondre à l’ensemble des besoins immédiats en matière de protection et de prise en charge. Il implique l’établissement ou la confirmation de l’identité de l’enfant et la collecte de toutes les informations possibles sur sa situation, l’enregistrement de l’enfant et la coordination des services nécessaires pour préserver ses droits et répondre 
			(14) 
			HCR
et International Rescue Committee, <a href='https://www.refworld.org/cgi-bin/texis/vtx/rwmain/opendocpdf.pdf?reldoc=y&docid=4eca50642'>«Manuel
de terrain pour la mise en œuvre des principes directeurs du HCR relatifs
à la DIS</a>», 2011. à ses besoins immédiats 
			(15) 
			Service social international, <a href='https://www.iss-ssi.org/images/Childrenonthemove_Guide.pdf'>«Children
on the move: From protection towards a quality sustainable solution.
A practical guide</a>», 2017, Suisse.. Malheureusement, pour l’heure, l’identité et la situation familiale des enfants sont souvent difficiles à déterminer pleinement, en raison de l’indisponibilité et/ou de la non-reconnaissance des documents d’identité originaux (certificats de naissance ou autres documents) dans les situations de conflit ou d’urgence. Les enfants risquent ainsi de ne pas avoir accès aux services et aux procédures, de devenir apatrides ou de ne pas bénéficier d’une protection complète de leurs droits. Par exemple, avant même l’actuel conflit en Ukraine, seuls 45 % des enfants nés à Donetsk et Louhansk (zones non contrôlées par le gouvernement) et 12 % des enfants nés en Crimée disposaient d’un certificat de naissance délivré et reconnu par le Gouvernement ukrainien 
			(16) 
			Nations Unies, <a href='https://www.humanitarianresponse.info/en/operations/ukraine/document/briefing-note-birth-registration-united-nations-ukraine-march-2020'>«Briefing
Note on birth registration, Ukraine</a>», mars 2020. Dans Dambach, M. (2022), <a href='https://www.child-identity.org/images/files/CHIP-Policy-Brief-AlternativeCare-EN.pdf'>«Policy
Brief 2: Child’s right to identity in alternative care</a>», Child Identity Protection, Suisse.. Les efforts visant à garantir la protection de l’identité juridique de tous les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés permettent de prévenir l’apatridie, conformément à la cible 16.9 des objectifs de développement durable des Nations Unies 
			(17) 
			Corneloup, S. et Verhellen,
J. (2021). «SDG 16 : Peace, Justice and Strong Institutions». Dans
Michaels, R., Ruiz Abou-Nigm, V. et van Loon, H (Eds.), The Private Side of Transforming our World.
UN Sustainable Development Goals 2030 and the Role of Private International
Law, Intersentia Studies on Private International Law,
p. 512.. Missing Children Europe milite et œuvre activement pour s’assurer que les enfants, notamment les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés, ne disparaissent pas.
27. Évaluation/détermination de l’intérêt supérieur et détermination de l’âge: un rapport de l’UNICEF et du HCR indique que les évaluations de l’intérêt supérieur de l’enfant « sont normalement menées pour apporter des informations à la décision d’immigration/asile », tandis que la détermination de l’intérêt supérieur vise plutôt à déterminer « l’étendue de la solution durable », c’est-à-dire une alternative viable à long terme 
			(18) 
			HCR et UNICEF (2014),
Sain & Sauf, <a href='https://www.refworld.org/cgi-bin/texis/vtx/rwmain/opendocpdf.pdf?reldoc=y&docid=5c6678a94'>«Ce
que les États peuvent faire pour garantir l’intérêt supérieur des
enfants non accompagnés et séparés en Europe</a>», p. 44. Pour plus d’informations, voir <a href='https://www.refworld.org/cgi-bin/texis/vtx/rwmain/opendocpdf.pdf?reldoc=y&docid=6234bbb34'>«Principes
directeurs 2021 du HCR pour la procédure relative à l’intérêt supérieur:
évaluer et déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant»</a>, mai 2021. . Dans le cadre du processus d’identification, l’évaluation de l’âge importe pour plusieurs raisons. En effet, une évaluation incorrecte de l’âge des enfants les prive d’accès à l’éducation, les conduit à être hébergés avec des adultes ou à être placés dans des lieux de détention ou de rétention réservés aux adultes. Afin d’assurer la protection des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés, la procédure d’évaluation de l’âge joue un rôle capital pour identifier les personnes qui sont des enfants (qui ont moins de 18 ans). Tout au long de cette procédure, elles doivent être traitées comme des enfants conformément au principe de la présomption de minorité.
28. Désignation rapide d’un tuteur: la désignation d’un tuteur pour chaque enfant migrant ou réfugié non accompagné ou séparé est consacrée par la Recommandation CM/Rec(2019)11 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur un régime de tutelle efficace pour les enfants non accompagnés ou séparés dans le contexte de la migration. Elle est «primordia[le] pour agir dans l’intérêt supérieur de l’enfant et pour garantir le respect des droits et du bien-être de l’enfant» tout au long du processus de protection dans le cadre de la migration en prenant en considération les besoins spécifiques de ces enfants. Malheureusement, au sein de l’Union européenne par exemple, de nombreuses différences existent encore entre les États membres concernant la terminologie, la désignation, les missions dévolues, la formation et le suivi des tuteurs. Les délais de désignation varient également d’un État membre à l’autre, de même que les missions dévolues 
			(19) 
			Agence
des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) (2022), <a href='https://fra.europa.eu/sites/default/files/fra_uploads/fra-2022-guardianship-systems-developments_en.pdf'>«Guardianship
systems for unaccompanied children in the European Union – Developments
since 2014»</a>.. En vue d’améliorer les pratiques, un Réseau européen de tutelle (European Guardianship Network) a été institué et les États membres peuvent avoir recours à un outil d’auto-évaluation du régime de tutelle afin d’identifier les éventuelles lacunes existant à cet égard. Il convient également de mentionner ici la nécessité de mettre en place des mécanismes de plainte pour les enfants non accompagnés ou séparés, qui peuvent souhaiter soulever des questions ou des préoccupations au cours de leur processus de protection dans le cadre de la migration.
29. Détermination de la nécessité de la prise en charge, de son caractère adéquat et de solutions durables: la prise en charge, qui doit contribuer à préserver l’intérêt supérieur de l’enfant, peut être assurée à l’enfant migrant ou réfugié non accompagné ou séparé par sa famille élargie, par des amis proches de la famille ou par des personnes qui ne sont ni ses parents biologiques ni des membres de sa famille élargie. Elle peut être mise en place à court ou à long terme, être formelle ou informelle, et elle doit être ouverte aux enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés dès leur identification. D’après le Guide sur le placement en famille d’accueil d’enfants non accompagnés ou séparés, élaboré par le Comité directeur pour les droits de l’homme, «la prise en charge de remplacement désigne toute protection fournie aux enfants par des personnes qui n’en ont pas la responsabilité et elle peut prendre les formes suivantes:
a. arrangement informel: placement privé par lequel l’enfant est pris en charge dans un cadre familial, de manière continue ou à long terme, par des membres de la famille élargie, des amis ou d’autres personnes à titre personnel. Ce placement [...] n’a pas été ordonné par une autorité administrative ou judiciaire ou par un organisme accrédité ;
b. arrangement formel: placement ordonné par une autorité judiciaire ou administrative compétente. Les soins formels peuvent être dispensés soit dans un cadre familial, soit en institution.» 
			(20) 
			Comité directeur pour
les droits de l’homme, <a href='https://rm.coe.int/comite-directeur-pour-les-droits-de-l-homme-cddh-guide-sur-le-placemen/1680a4d5da'>«Guide
sur le placement en famille d’accueil d’enfants non accompagnés
ou séparés</a>», Conseil de l'Europe, 2021.

La prise en charge de remplacement peut s’inscrire dans l’un des cadres ci-dessous.

  • La prise en charge par des proches est assurée par la famille élargie de l’enfant ou par des amis proches de la famille. Cette prise en charge est souvent utilisée pour les enfants séparés et elle peut être formelle ou informelle.
  • Le placement familial, ou d’autres formes de prise en charge de type familial, sont assurés par des personnes sélectionnées et considérées comme qualifiées pour assurer la prise en charge dans leur cadre domestique par une autorité compétente.
  • La vie en autonomie sous supervision est une forme d’hébergement dans le cadre de laquelle un adolescent vit de manière autonome, seul ou avec un groupe d’autres adolescents. Les enfants bénéficient d’un accompagnement de la part de la communauté et de travailleurs sociaux.
  • Le placement en foyer est une prise en charge assurée dans un environnement non familial. Les enfants sont placés dans des établissements d’hébergement, mais aussi dans des structures d’hébergement de courte durée comme des refuges pour placement d’urgence et des centres de transit en situation d’urgence 
			(21) 
			HCR, <a href='https://www.refworld.org/cgi-bin/texis/vtx/rwmain/opendocpdf.pdf?reldoc=y&docid=56cad97d4'>«Protection
des enfants, note de référence sur la prise en charge alternative</a>», janvier 2014.. Le placement en foyer doit constituer une mesure de dernier ressort et n’être envisagé que dans les cas où une prise en charge de type familial n’est pas possible.
  • La prise en charge collective est un placement de petits groupes d’enfants dans un foyer où ils sont encadrés par des personnes dûment formées 
			(22) 
			Pour plus d’informations,
voir UNICEF Europe et Asie centrale (2020), <a href='https://www.unicef.org/eca/media/13261/file'>«White Paper.
The role of small-scale residential care for children in the transition
from institutional- to community-based care and in the continuum
of care in the Europe and Central Asia Region»</a>. .
  • Bien que la prise en charge institutionnelle, c’est-à-dire en grande structure d’hébergement, doive uniquement être envisagée comme une mesure de dernier ressort et être aussi brève que possible, de nombreux enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés sont placés dans des centres d’accueil ou de rétention sans leur consentement et sans dispositif de prise en charge adapté, et ils séjournent dans ces structures pendant de longues périodes, ce qui les conduit souvent à fuguer.

Comme cela est analysé plus en détail ci-après, il convient de fournir une prise en charge adaptée et de qualité, accompagnée d’un accès aux origines, d’une préparation soigneuse de la sortie du placement et de la transition vers une vie autonome, de la préservation de l’identité et de l’accès à des voies de recours.

5. Possibilités et bonnes pratiques européennes encourageantes répondant aux enjeux de la prise en charge des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés

30. De nombreux pays européens n’ont pas encore mis en œuvre à grande échelle une prise en charge adaptée des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés. Si les gouvernements ont intégré – parfois en partie seulement – les normes internationales et européennes dans leurs textes et dispositions juridiques, ils en sont souvent encore à modifier et à réformer concrètement le système de prise en charge dans la pratique, en vue de prévenir la séparation des familles et d’investir dans des solutions de prise en charge axées sur la famille. Il en résulte des différences dans la protection assurée à ces enfants par chaque État; il existe néanmoins de bonnes pratiques, dont certaines sont présentées ci-après.

5.1. La nécessité de solides systèmes de protection de l’enfance

31. Les pays européens font face à des difficultés pour mettre en place des systèmes de prise en charge adaptés et axés sur les enfants, notamment sur les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés. Par exemple, dans plusieurs pays européens, le système d’asile et de migration et le système de protection de l’enfance ne sont pas coordonnés sur le plan administratif. En conséquence, les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés demandeurs d’asile risquent d’être traités comme des adultes pendant l’instruction de leur demande, sans bénéficier de la prise en charge et de la protection nécessaires.
32. De plus, dans plusieurs pays européens, le système d’aide à la jeunesse est décentralisé et varie selon les régions, ce qui accroît la disparité des formes de prise en charge et les différences de qualité, et fait que le système repose fortement sur la participation des acteurs publics et non gouvernementaux. Par exemple, en Italie, la ville de Venise assure le placement en famille d’accueil de 50 % des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés, principalement sous la forme d’une prise en charge par des proches 
			(23) 
			Nidos, Association
suédoise des pouvoirs locaux et régionaux et CHTB, <a href='https://www.egnetwork.eu/download-attachment/595'>«Reception
and living in families. Overview of family-based reception for unaccompanied
minors in the EU Member States</a>», février 2015.. Cette situation place les organisations non gouvernementales et les associations locales, dont les ressources sont limitées, en première ligne de la protection des enfants non accompagnés ou séparés.
33. Toutefois, plusieurs États européens mettent également en œuvre des systèmes de prise en charge qui améliorent la protection des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés et visent à leur offrir le même niveau de protection que celui accordé à leurs propres ressortissants. Ces systèmes constituent de bonnes pratiques susceptibles d’inspirer d’autres pays. Par exemple, en Italie, la loi n° 47/2017 prévoit l’égalité de traitement des enfants italiens et des enfants étrangers non accompagnés ou séparés, ces derniers ayant le droit d’accéder à l’éducation, à la santé et aux services sociaux, en plus des services de prise en charge et de protection. La loi indique aussi que la prise en charge familiale est la solution la plus appropriée et privilégiée pour les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés, et prévoit la création d’une liste de tuteurs volontaires, qui sont formés par l’État et doivent passer un concours public. En Tunisie, pays partenaire du Conseil de l’Europe, le ministère de la Justice travaille sur un guide de procédure pour le placement des enfants migrants 
			(24) 
			<a href='https://www.tap.info.tn/en/Portal-Politics/14681342-ministry-of-justice'>www.tap.info.tn/en/Portal-Politics/14681342-ministry-of-justice.</a>.
34. Le Guide sur le placement en famille d’accueil d’enfants non accompagnés ou séparés du Comité directeur pour les droits de l’homme 
			(25) 
			Comité directeur pour
les droits de l’homme, op. cit. invite à mettre en place un système intégré de protection de l’enfance : il recommande d’établir un lien entre le système d’accueil dans le cadre de la migration ou de l’asile et le régime national de protection de l’enfance et ses normes afin de garantir l’équité de la protection et de la prise en charge pour tous les enfants, quel que soit leur statut au regard de l’immigration. De plus, un cadre législatif favorable qui permet de mettre au point des mesures proactives et ciblées répondant aux situations et besoins particuliers de chaque enfant est essentiel aux fins de la mise en œuvre de ce principe. Pour assurer la mise en œuvre pratique d’un système national intégré de protection de l’enfance, un financement doit être prévu dans le budget national. Il est également important de désigner un organisme public responsable de la coordination du processus entre les acteurs concernés.

5.2. Bonnes pratiques en matière de protection de remplacement de qualité pour les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés

35. Lorsque des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés ne peuvent effectivement pas retourner immédiatement auprès de leur famille, les États doivent proposer à ces enfants des formes appropriées de protection de remplacement, qui prennent en considération l’ensemble de leurs droits et de leurs besoins particuliers. Il est essentiel d’évaluer les besoins spécifiques en temps voulu (voir point 5.2 ci-dessus) afin d’offrir la solution de prise en charge la mieux adaptée à la situation particulière de chaque enfant. Tous ces éléments doivent être pris en compte dans le processus de décision concernant l’avenir de l'enfant, notamment lors de son placement en structure ou en famille d’accueil.
36. Dans de nombreux pays, la prise en charge est assurée par des organismes gouvernementaux et non gouvernementaux, c’est-à-dire dans le cadre d’un modèle mixte. En conséquence, les exemples et les pratiques qui suivent sont issus des deux secteurs et, dans certaines situations, sont assurés de manière conjointe ou coordonnée par les deux secteurs. On peut également distinguer l’accueil immédiat des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés et la détermination de leur prise en charge à moyen et long terme, en plus des autres services qui peuvent leur être proposés durant la prise en charge.
37. Une fois que la situation de l’enfant a été dûment évaluée, et qu’il a été déterminé qu’une prise en charge est nécessaire (voir point 5.2 ci-dessus), il est fondamental que chaque pays offre un éventail de formes de prise en charge, qui répondront à la variété des besoins de ces enfants à moyen ou long terme.
38. Lorsqu’on privilégie la prise en charge de type familial, la prise en charge par la famille – y compris à l’étranger – doit être examinée en priorité. En effet, il est généralement souhaitable de chercher à préserver la continuité du milieu familial, linguistique, culturel et religieux de l’enfant, même s’il convient d’évaluer dûment cette solution pour s’assurer que les droits de l’enfant sont préservés et respectés, et que cette solution est viable et conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant.
39. En outre, conformément aux normes internationales et régionales, plusieurs pays ont mis en place un système de familles d’accueil spécialisées pour les enfants non accompagnés ou séparés. Aux Pays-Bas, les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés de moins de 15 ans sont placés dans des familles d’accueil recrutées par la Fondation Nidos, l’organisme national de tutelle pour tous les enfants non accompagnés ou séparés dans le pays. Nidos a créé un réseau de familles d’accueil qui offrent à ces enfants une prise en charge familiale spécialisée, pour l’accueil initial, l’accueil à court terme et l’accueil à long terme 
			(26) 
			Nidos (2019), <a href='https://www.nidos.nl/wp-content/uploads/2019/05/OWG_ENGELS-2019-05_digitaal-bestand.pdf'>«Reception
families for unacccompanied children seeking asylum</a>». . En Belgique, l’ONG Mentor-Escale basée à Bruxelles mène plusieurs projets en faveur des enfants non accompagnés ou séparés. L’organisation trouve la famille d’accueil adéquate pour chaque enfant et dispense des formations aux familles d’accueil et aux enfants. Une formation destinée aux familles d’accueil potentielles a lieu deux fois par an. Elle couvre différents sujets tels que le droit des réfugiés et de l’asile, le rôle des tuteurs, et les besoins psychologiques et sociaux spécifiques des enfants. Les familles intéressées par l’accueil d’un enfant réfugié sont soigneusement sélectionnées sur la base d’entretiens durant lesquels les motivations et l’approche de la famille sont examinées, et les conditions de vie évaluées. En Autriche, toutes les familles d’accueil sont soumises à un test d’éligibilité comprenant des évaluations psychosociales et des visites à domicile. Les familles reçoivent des formations sur le cadre juridique, la gestion des traumatismes et la tutelle. Divers événements de mise en réseau sont organisés pour offrir des possibilités d’échange avec d’autres familles d’accueil 
			(27) 
			HCR, <a href='https://www.unhcr.org/553f58509.pdf'>«Options Paper 1:
Options for governments on care arrangements and alternatives to
detention for children and families»</a>, 2015, p. 13. . La Croix-Rouge espagnole gère également, depuis plusieurs années, un programme destiné aux familles spécialisées dans l’accueil d’enfants non accompagnés ou séparés, parallèlement à d’autres solutions de prise en charge. Ce programme a permis d’améliorer le recrutement, la formation et le suivi de ces familles. En Italie, MetaCometa Onlus dispose d’un réseau de familles d’accueil pour les enfants à leur arrivée en Sicile, et travaille avec des spécialistes, notamment des psychologues, des travailleurs sociaux et des médiateurs culturels pour favoriser l’intégration des enfants 
			(28) 
			Fondation Lumos, op. cit., p. 67.. Au niveau régional, Fostering Across Borders (FAB), un projet de l’Union européenne dirigé par l’OIM, a permis l’élaboration et la diffusion de matériels et d’un programme de formation visant à améliorer la qualité de la prise en charge de type familial dans six pays d’Europe, et à promouvoir et étendre ce type de prise en charge dans d’autres pays européens. S’appuyant sur les outils développés dans le cadre de FAB, l’OIM dirige également le projet U-Care qui vise à développer et à améliorer les systèmes de prise en charge des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés en Belgique, en Allemagne et en Grèce. Outre le placement en famille d’accueil, d’autres formes de prise en charge familiale peuvent également être encouragées. En Autriche, le projet Connecting People, mis en œuvre par l’ONG Asylkoordination Österreich, vise à mettre en relation d’(anciens) enfants non accompagnés demandeurs d’asile ou ayant déjà obtenu le statut de réfugié avec des parrains autrichiens qui les aident dans leur processus d’intégration (par exemple dans le cadre d’activités de loisirs ou d’un soutien scolaire ou administratif) 
			(29) 
			Réseau européen des
migrations (2015), <a href='https://www.ohchr.org/sites/default/files/Documents/HRBodies/HRCouncil/AdvisoryCom/Migrant/Belgium_2.pdf'>«Policies,
practices and data on unaccompanied minors in the EU Member States
and Norway. Synthesis Report: May 2015</a>», p. 36.. Le projet ALFACA (Alternative Family Care) de l’Union européenne analyse les bénéfices de ce type de prise en charge et développe des formations et des orientations sur la prise en charge de type familial.
40. Concernant la prise en charge de type familial, en particulier le placement en famille d’accueil, il convient de rappeler les travaux menés par le Comité directeur pour les droits de l’homme du Conseil de l’Europe. Celui-ci a élaboré d’importants documents consacrés aux alternatives à la rétention de migrants et aux dispositifs de prise en charge familiale des enfants non accompagnés ou séparés. Les pratiques susmentionnées constituent des exemples de mise en œuvre possible de son Guide sur le placement en famille d’accueil d’enfants non accompagnés ou séparés (2021). En plus de promouvoir l’accès à une prise en charge de qualité et à des solutions d’hébergement appropriées pour les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés et de décrire les avantages de la prise en charge familiale, le guide souligne la nécessité de promouvoir la mise en commun des connaissances, du savoir-faire et des bonnes pratiques entre États membres du Conseil de l’Europe. Il appelle notamment à prendre en compte, lors de l’identification des familles d’accueil, certains éléments essentiels tels que leur sensibilité interculturelle, leur expérience pédagogique et éducative, leur intérêt sincère pour le bien-être de l’enfant et leur capacité à créer un environnement sûr pour l’enfant. Les organismes responsables du recrutement des familles d’accueil doivent disposer d’une méthodologie bien élaborée et d’une procédure de recrutement clairement définie. En outre, le guide demande que le processus de recrutement des familles d’accueil comprenne des procédures de sélection complètes ainsi qu’une formation leur permettant de soutenir les enfants migrants dans le cadre d’une procédure d’asile ou de toute autre procédure légale et de les aider à maintenir le contact avec leur famille biologique. Les familles d’accueil doivent bénéficier d’une assistance en cas de besoin et tous les placements doivent faire l’objet d’un suivi régulier sur la base de critères spécialement définis (analyse du traitement, qualité de l’hébergement, protection des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés par les familles d’accueil, etc.). Indiquons au passage qu’un guide similaire sur le placement en famille d’accueil des enfants migrants, demandeurs d’asile ou réfugiés non accompagnés ou séparés a été élaboré au Mexique, par le gouvernement fédéral et le Réseau de familles d’accueil latino-américain 
			(30) 
			RELAF (2021), <a href='https://relaf.org/Acogimiento_familiar_de_nna_migrantes_Guia_Mexico.pdf'>«Guía
para los Programas de Acogimiento familiar para Niños, Niñas y Adolescentes
Migrantes, Refugiados y Solicitantes de Protección Internacional
Separados y no Acompañados en México»</a>..
41. Pour certains enfants – principalement les plus âgés – la possibilité de bénéficier d’un mode de vie semi-autonome ou indépendant sous supervision peut également constituer une solution de prise en charge adaptée, car elle favorise leur autonomie progressive, tout en leur permettant d’accéder à d’autres services nécessaires (éducation, formation professionnelle, accès aux soins de santé, procédures judiciaires, etc.), En Allemagne, par exemple, SOS Villages d’enfants Düsseldorf a développé un réseau complet de prise en charge des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés âgés de plus de 16 ans, qui vivent ensemble dans des appartements partagés et bénéficient d’un soutien 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 de la part de professionnels du champ socio-éducatif. En Espagne, la Croix-Rouge espagnole offre une prise en charge en établissements d’hébergement aux enfants et aux jeunes migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés par le biais de son réseau d’appartements sous supervision, tout en proposant également des projets socio-éducatifs en milieu ouvert à ceux qui éprouvent des difficultés à vivre dans ces établissements. Toujours en Espagne, la Fundació Eveho gère des «appartements de vie autonome» similaires pour les adolescents âgés de 16 à 18 ans, y compris les jeunes non accompagnés ou séparés. En Autriche, les enfants non accompagnés ou séparés qui témoignent d’un certain niveau d’indépendance et de maturité peuvent déménager dans un appartement partagé, où ils sont supervisés par des agents de l’autorité locale de protection de l’enfance 
			(31) 
			HCR, <a href='https://www.unhcr.org/553f58509.pdf'>«Options Paper 1:
Options for governments on care arrangements and alternatives to
detention for children and families»</a>, p. 14.. De même, en France, certains conseils départementaux offrent des possibilités de logement indépendant sous supervision pour les enfants plus âgés, y compris les enfants non accompagnés ou séparés, les enfants demandeurs d’asile et les enfants réfugiés. Ce service est souvent proposé en collaboration avec des organisations non gouvernementales. En Grèce, en vertu de la nouvelle loi sur la tutelle, «il existe des appartements pouvant accueillir chacun jusqu’à quatre enfants âgés de plus de 16 ans. Jusqu’au début 2020, date de création du Secrétariat spécial pour la protection des mineurs non accompagnés, qui s’est vu confier l’entière responsabilité de l’hébergement des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés, l’action était menée conjointement par le ministère du Travail, le HCR, l’UNICEF et l’OIM» 
			(32) 
			Fondation Lumos, op. cit., p. 61.. En septembre 2021, la compétence en matière de tutelle des mineurs non accompagnés a elle aussi été transférée au Secrétariat spécial 
			(33) 
			Article 2 du décret
présidentiel n° 70/2021, 9 septembre 2021. . À l’heure actuelle, il existe 90 appartements de ce type en Grèce, qui ont une capacité d’accueil totale de 364 places pour des mineurs. Les solutions de prise en charge dans le pays ne sont pas considérées simplement comme des mesures de protection, mais représentent aussi un moyen d’intégration pour les adolescents migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés pendant leur transition vers l'âge adulte; les enfants qui relèvent d’un dispositif de mode de vie semi-autonome ou indépendant sous supervision se voient assigner un mentor (c’est-à-dire un adulte ayant vécu des expériences similaires et ayant réussi à s’intégrer dans la société locale), dont le rôle est de les accompagner pendant cette transition.
42. Enfin, en ce qui concerne la prise en charge en structures d’hébergement, bien qu’il s’agisse de solutions de dernier recours, certaines pratiques méritent d’être mentionnées, car elles visent à améliorer la prise en charge qui y est proposée. Ainsi, dans certains cas, le placement d’enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés dans de petits foyers collectifs peut constituer une solution adaptée. Par exemple, en Bulgarie, neuf enfants bénéficiant d’une protection internationale ont été placés dans des petits foyers collectifs en 2018, et 14 enfants ont été placés dans ces foyers en 2017. Ces foyers peuvent accueillir jusqu’à 12 enfants et proposent toute une palette de services sociaux en mettant l’accent sur l’accompagnement individualisé, notamment en matière d’éducation, et en travaillant en lien avec des services de proximité, pour favoriser l’intégration au sein de la communauté. Cette solution est ouverte aux enfants qui ne demandent pas la protection internationale, car ils relèvent de la responsabilité de l’Agence de protection sociale, et non de l’Agence nationale pour les réfugiés, et peuvent donc être placés dans un petit foyer collectif ou bénéficier d’une autre forme de prise en charge en vertu de la loi sur la protection de l’enfance 
			(34) 
			Fondation Lumos, op. cit., p. 55.. En Irlande, selon l’Agence pour l’enfance et la famille (Tusla), tous les enfants séparés de moins de 12 ans sont immédiatement placés dans une famille d’accueil. Ceux qui ont plus de 12 ans peuvent être placés dans l’une des cinq structures d’hébergement à court ou moyen terme, qui sont des logements agréés pour accueillir des enfants. Parallèlement à la prise en charge en petits foyers collectifs, le Gouvernement irlandais a consenti des efforts supplémentaires en cherchant à recruter davantage de familles d’accueil pour les enfants séparés 
			(35) 
			Baker,
N., <a href='https://www.irishexaminer.com/news/arid-40373429.html'>«Tusla
wants foster carers for refugee children seeking protection</a>», Irish Examiner,
6 septembre 2021.. En Grèce, en quelques années depuis 2016, SOS Villages d’enfants a fourni une prise en charge et un hébergement à plus de 300 enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés dans le cadre d’une approche psychopédagogique, en créant cinq foyers collectifs à Athènes, Thessalonique et Serres. Dans toute la Grèce, il existe actuellement 1 956 places dans les centres d’hébergement pour les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés et 180 places dans les structures d’accueil d’urgence ; les centres d’hébergement se trouvent souvent dans des maisons individuelles offrant davantage une prise en charge de type familial. De même, en Finlande, SOS Villages d’enfants a également mis en place des foyers collectifs dont les frais de fonctionnement sont couverts par l’État. Aux Pays-Bas, une forme de prise en charge similaire existe également: les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés âgés de plus de 15 ans, ainsi que ceux de moins de 15 ans qui ne peuvent pas être placés dans des familles d’accueil, sont hébergés par l’Agence centrale pour l’accueil des demandeurs d’asile. Ils sont logés dans de petits centres d’accueil et bénéficient d’une supervision 24 heures sur 24.
43. Il convient de signaler que certains pays ont eu recours à des modes d’hébergement informels pour les enfants non accompagnés ou séparés, tels que des hôtels et des camps, lors de brusques dépassements de la capacité des installations officielles en raison d’un afflux inattendu de personnes 
			(36) 
			Fondation
Lumos, op. cit., p. 69-70.. Ces hébergements «d’urgence» n’ont pas la capacité, le personnel spécialisé et l’environnement nécessaires à une prise en charge de qualité de ces enfants. Il importe également d’indiquer que, si l’existence d’un éventail de solutions de prise en charge devrait pouvoir répondre aux divers besoins et situations des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés en Europe, il convient également de prendre dûment en considération les besoins particuliers des filles et des enfants et jeunes gens handicapés, afin de s’assurer que ces besoins sont pleinement satisfaits.

5.3. Accès à d’autres services

44. En général, il importe non seulement de fournir une prise en charge de qualité à ces enfants, mais également d’assurer la disponibilité et l’accès à d’autres services pertinents. Parmi ces services, il convient de mentionner l’application Miniila de Missing Children Europe, qui fournit des informations sur l’aide disponible, les droits, la protection internationale et les procédures de regroupement familial pour les enfants migrants en Europe. L’application est spécialement conçue pour apporter des réponses aux besoins des enfants migrants non accompagnés, et vise à faciliter l’accès à des informations compréhensibles sur les services spécialisés tels que les refuges, les banques alimentaires et les services de santé dans la région où ils se trouvent. L’application leur permet également de joindre facilement la ligne d’urgence pour les enfants disparus et le service d’assistance téléphonique pour les enfants. De même, l’Office fédéral allemand des migrations et des réfugiés, en collaboration avec l’Agence fédérale pour l’emploi, le Goethe-Institut et le Service public audiovisuel bavarois, a développé l’application Ankommen. Cette application fournit des informations sur la procédure d’asile, la formation professionnelle, le travail et la vie en Allemagne. En outre, l’application propose des cours d’allemand et vise à favoriser l’intégration 
			(37) 
			Frontex,
EASO, États membres de l’UE, HCR, FRA – (2016), <a href='https://www.refworld.org/docid/5804e0f44.html'>«Protection
des réfugiés et mouvements migratoires mixtes : un Plan d’action
en dix points – chapitre 5 : Mécanismes de filtrage et orientation»</a>, p. 127.. À cet égard, la Recommandation CM/Rec(2011)12 sur les droits de l’enfant et les services sociaux adaptés aux enfants et aux familles (section IV.A.) contient des orientations utiles.

5.4. La sortie de prise en charge des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés

45. Il convient également d’accorder une attention particulière à la transition des enfants non accompagnés ou séparés vers l’âge adulte, à leur autonomie et à la fin de leur prise en charge. Comme le préconise le guide du Comité directeur pour les droits de l’homme 
			(38) 
			Comité directeur pour
les droits de l’homme, op. cit., il convient d’aider les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés à mettre au point un plan de transition et un plan à plus long terme. Ce processus devrait, en principe, être géré dans le cadre de l’élaboration et de la mise en œuvre d’un « plan de sortie de prise en charge » comprenant des informations sur tous les sujets à aborder, que le jeune reste dans le pays ou le quitte. Il peut s’agir, par exemple, d’un soutien pendant la durée de la procédure de demande d’asile, d’une aide pour s’intégrer si le jeune a obtenu une protection internationale, ou pour rentrer dans son pays d’origine. Ce processus nécessite également des lignes directrices dûment élaborées et fondées sur les bonnes pratiques en matière d’aide à la transition des enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés vers l’âge adulte. Le guide appelle également à mettre en œuvre des politiques visant à garantir des solutions viables et pérennes et une intégration effective des enfants touchés plus généralement par les phénomènes migratoires. Étant donné que la tutelle prend souvent fin à l’âge de la majorité de l’enfant, il est vraiment nécessaire de se concentrer sur cette transition et de la planifier avec le tuteur, afin de s’assurer que l’enfant a été dûment préparé. Il convient de saluer le fait que certains États prévoient un soutien au-delà de l’âge de la majorité, notamment une aide financière, un hébergement, un parrainage/mentorat, un réseau de soutien, etc. adapté aux besoins et à la situation de chaque enfant non accompagné ou séparé 
			(39) 
			Agence des droits fondamentaux
de l’Union européenne, op. cit.,
partie 5.6..
46. Au Royaume-Uni, la plupart des jeunes gens séparés ont droit à des services de sortie de prise en charge en vertu de la loi de 2000 sur les enfants (qui quittent le placement) [Children (Leaving Care) Act 2000]. Cette loi vise à améliorer de plusieurs manières le soutien apporté aux jeunes qui sortent de prise en charge, notamment en veillant à ce qu’ils ne quittent pas le placement avant d’être prêts et à ce qu’ils reçoivent un soutien plus efficace après leur sortie de prise en charge 
			(40) 
			Coram Children’s
Legal Centre (2018), <a href='https://www.childrenslegalcentre.com/wp-content/uploads/2018/06/Leaving-Care-Support-June-2018-FINAL.pdf'>«Leaving
care support for migrant children and young people»</a>.. Il s’agit généralement de bénéficier d’un conseiller personnel, d’un plan de développement, d’une aide financière à la recherche d’emploi, à l’éducation ou à la formation, d’un logement et d’un suivi de la situation de l’intéressé. En Autriche, l’organisation Don Bosco gère le projet Moses, qui fournit des services de conseil et de soutien aux anciens enfants non accompagnés ou séparés qui ont dû quitter leur lieu de prise en charge à l’âge de 18 ans, ainsi qu’un logement abordable, des conseils et un soutien à une vie indépendante, notamment concernant les relations avec les autorités. En outre, il aide à trouver des centres de formation et de conseil appropriés, un soutien scolaire et une aide à l’apprentissage, ainsi qu’une aide générale à la recherche d’emploi. Aux Pays-Bas, l’organisme Nidos susmentionné a élaboré, en collaboration avec l’Association des communes néerlandaises, un manuel sur la manière de transférer les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés pris en charge par Nidos vers un hébergement indépendant géré par la municipalité lorsqu’ils atteignent l’âge de 18 ans, en mettant l’accent sur la gestion des dossiers 
			(41) 
			Vereniging van Nederlandse
Gemeenten et Nidos (2017), <a href='https://vng.nl/files/vng/20170615-handreiking-overdracht-amvs-die-18-worden-vng-nidos.pdf'>«Handreiking.
Overdracht van amv’s die 18 jaar worden</a>». . C’est le cas, par exemple, à Utrecht, où la ville soutient financièrement l’équipe locale du Conseil néerlandais pour les réfugiés chargée du suivi des anciens enfants non accompagnés ou séparés 
			(42) 
			PICUM (2022), <a href='https://picum.org/wp-content/uploads/2022/04/Turning-18-and-undocumented_EN.pdf'>«Turning
18 and undocumented: Supporting children in their transition into
adulthood</a>», p. 32.. En Belgique, les anciens enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés en situation irrégulière qui vivent dans certains centres d’accueil et atteignent l’âge de la majorité peuvent s’inscrire au programme My Future, conçu pour les aider à étudier les possibilités qui s’offrent à eux et à suivre une formation professionnelle ; certaines activités sont destinées à accroître leur résilience et leur autonomie. Cependant, comme le programme n’est disponible que dans certains centres, ils ne peuvent plus y accéder une fois qu’ils ont 18 ans et qu’ils sont transférés dans un autre centre d’accueil. En outre, l’organisation Minor-Ndako aide chaque année environ 200 enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés qui vivent tous dans de petits logements encadrés, lesquels sont considérés comme constituant une prise en charge spécialisée pour les jeunes, ce qui signifie que l’aide peut être prolongée jusqu’au 25e anniversaire du jeune et qu’un « plan de développement » est élaboré dès l’âge de 16 ans 
			(43) 
			Fedasil, <a href='https://www.fedasil.be/nl/asiel-belgie/minderjarigen/niet-begeleide-minderjarige-vreemdelingen-nbmv'>«Niet-begeleide
minderjarige vreemdelingen</a> et <a href='https://minor-ndako.be/'>Minor-Ndako</a>». Dans PICUM (2022), <a href='https://picum.org/wp-content/uploads/2022/04/Turning-18-and-undocumented_EN.pdf'>«Turning
18 and undocumented: Supporting children in their transition into
adulthood»</a>, p. 28. .

6. Considérations spécifiques aux enfants ukrainiens migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés arrivant dans les États membres du Conseil de l’Europe

47. Nous sommes confrontés en ce moment même aux conséquences de l’agression de l’Ukraine par la Fédération de Russie. L’une des conséquences directes de cette agression est un flux d’enfants non accompagnés ou séparés qui fuient la guerre, mais aussi d’enfants – dont beaucoup sont porteurs de handicap – qui bénéficiaient déjà d’une protection de remplacement en Ukraine (estimés à 100 000) 
			(44) 
			UNICEF, <a href='https://www.unicef.org/emergencies/guidance-protecting-displaced-children-ukraine'>«Guidance
for protecting displaced and refugee children in and outside of
Ukraine</a>», n.d. Voir aussi CARE, <a href='https://www.care.org/news-and-stories/press-releases/fears-for-the-plight-of-around-100000-children-living-in-institutions-across-ukraine-unable-to-escape-the-conflict/'>«Fears
for the plight of around 100,000 children living in institutions
across Ukraine, unable to escape the conflict</a>», 11 mars 2022. qui ont fui le pays avec des accompagnateurs adultes assurant temporairement leur prise en charge. Ces enfants sont davantage exposés aux risques de violence, de maltraitance, d’exploitation et de traite. L’actuelle agression de l’Ukraine par la Fédération de Russie constitue ainsi une nouvelle illustration tragique des problèmes que posent les arrivées massives d’enfants, et des risques de conditions d’accueil inadaptées. La ministre ukrainienne des Affaires sociales, Maryna Lazebna, a déclaré qu’au 19 mars 2022, 4 894 enfants de 179 institutions de placement avaient été évacués. Parmi eux, 2 522 enfants ont été relogés en Ukraine, et 2 372 enfants issus de 116 institutions ont été relogés à l’étranger 
			(45) 
			Ministère
ukrainien des Affaires sociales, <a href='https://bettercarenetwork.org/sites/default/files/2022-03/Ministry of Social Policy Press Release Evacuated Children 03192022 %282%29.pdf'>«About
5 000 children from vulnerable categories being brought up in institutional
care facilities were evacuated</a>», 19 mars 2022.. Ces chiffres n’ont cessé de croître: selon les estimations du Plan régional d’aide aux réfugiés, 36 % des plus de cinq millions de réfugiés entrés dans les pays européens au 23 avril 2022 étaient des enfants 
			(46) 
			HCR, <a href='https://data2.unhcr.org/en/documents/details/92257'>«Ukraine
Situation: Regional Refugee Response Plan – March-December 2022</a>».. En conséquence, un plan d’urgence fondé sur le Plan régional d’aide aux réfugiés est nécessaire pour faire face à cette situation, en particulier dans les États membres du Conseil de l’Europe situés aux frontières et au-delà. D’après le sous-groupe de travail sur la protection de l’enfance, des actions ont notamment été entreprises pour mettre en place des «voies de référencement» aux fins de l’identification et de l’orientation vers les services moldaves compétents en matière de protection de l’enfance et de protection contre la violence fondée sur le genre, notamment en mobilisant les autorités de tutelle à la frontière. Cette approche a également été préconisée par l’Intergroupe du Parlement européen sur les droits de l’enfant 
			(47) 
			Intergroupe
sur les droits de l’enfant, <a href='https://www.childrightsmanifesto.eu/urgent-need-for-an-eu-coordinated-approach-to-protect-ukrainian-children-at-the-border-with-the-eu/'>«Urgent
need for an EU coordinated approach to protect Ukrainian children
at the border»</a>, 23 mars 2022. ; la note de Child Circle et de KIND sur les enfants non accompagnés fuyant l’Ukraine 
			(48) 
			KIND et Child Circle
(mars 2022), <a href='https://supportkind.org/wp-content/uploads/2022/03/Note-on-Unaccompanied-Children-Fleeing-from-Ukraine_Updated.pdf'>«Note
on Unaccompanied Children Fleeing From Ukraine»</a>. recommande la mise en place d’un cadre commun de mesures, en particulier dans les pays de l’Union européenne.
48. Comme le recommande l’UNICEF, la situation d’urgence actuelle nécessite également d’accroître rapidement la capacité des dispositifs de prise en charge d’urgence et le nombre de personnes sélectionnées pour prendre en charge des enfants, et de renforcer d’autres services essentiels pour la protection des enfants, notamment contre la violence fondée sur le genre, ainsi que les mécanismes de recherche de la famille et de regroupement familial. Ces éléments sont capitaux pour les enfants non accompagnés ou séparés qui ont besoin d’une prise en charge temporaire pendant que la procédure de regroupement familial suit son cours. Selon les directives de l’UNICEF, dans ces circonstances, il convient de promouvoir la prise en charge familiale ou de proximité, le placement en institution n’étant utilisé qu’en dernier recours et pour une durée aussi brève que possible. Il appelle les pays voisins et les pays concernés à établir et renforcer les processus de détection pour identifier les enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ou séparés aux frontières, à établir et consolider les espaces sûrs pour les enfants aux postes frontières et aux autres points stratégiques, à relier les espaces sûrs aux systèmes nationaux de protection de l’enfance, et à développer rapidement la capacité des dispositifs de prise en charge familiale d’urgence et les autres services essentiels de protection de l’enfance et de lutte contre la violence fondée sur le genre 
			(49) 
			UNICEF, <a href='https://www.unicef.org/emergencies/guidance-protecting-displaced-children-ukraine'>«Guidance
for protecting displaced and refugee children in and outside of
Ukraine</a>», op. cit. Voir
aussi Nations Unies, <a href='https://news.un.org/en/story/2022/03/1113422'>«Protect
unaccompanied children fleeing Ukraine: UN agency chiefs</a>», 7 mars 2022. .
49. Comme le soulignent Child Circle et KIND, les autorités ukrainiennes s’efforcent de faire en sorte que les enfants voyagent en disposant de suffisamment d’informations sur leur identité et leurs besoins, mais il n’y a pas de certitude sur la question de savoir s’ils sont confiés à des organismes de protection de l’enfance dans leur pays d’arrivée ou de transit 
			(50) 
			KIND
et Child Circle (mars 2022), op. cit.. Cette situation suscite de nombreuses questions qui dépassent et précèdent leur prise en charge effective. En effet, l’accueil et l’évaluation initiale de la situation de ces enfants sont essentiels pour leur fournir la prise en charge temporaire la plus adaptée. Il convient donc de donner la priorité à un système de gestion de l’information centralisé et transnational pour suivre la localisation et veiller à la sécurité et au bien-être de ces enfants qui doit venir renforcer les systèmes d’identification et de suivi ainsi que les mécanismes de prise de décision et englober les enfants placés ou relogés en institution au même titre que les enfants non accompagnés ou séparés 
			(51) 
			Différentes
organisations, <a href='https://bettercarenetwork.org/sites/default/files/2022-03/FINAL_Recommendations_Children-without-family-care_22032022_0.pdf'>«Key
recommendations to uphold the rights of Ukrainian children deprived
of family care»</a>, mars 2022.. À cet égard, l’UNICEF et le HCR ont mis en place des «points bleus» («Blue Dots») dans le cadre de leurs actions le long des frontières et des principaux couloirs migratoires depuis l’Ukraine 
			(52) 
			UNICEF, <a href='https://www.unicef.org/emergencies/3-things-know-about-blue-dots'>«3
things to know about Blue Dots</a>», 21 mars 2022. . Il s’agit de lieux où des professionnels qualifiés dans le domaine du travail social, de la santé mentale, de l’aide psychosociale et de l’assistance juridique sont disponibles pour identifier les besoins sociaux et de protection urgents et répondre à ces besoins. Ils font office de premiers points de contact et offrent un exemple de coordination et de coopération avec d’autres partenaires de la protection de l’enfance. Il s’agit également de s’assurer que la mise à l’abri des enfants n’entrave pas leurs perspectives d’un futur regroupement familial. En aucun cas les familles ne doivent être séparées à la suite d’une opération de relocalisation ou d’évacuation 
			(53) 
			UNICEF, <a href='https://www.unicef.org/emergencies/guidance-protecting-displaced-children-ukraine'>«Guidance
for protecting displaced and refugee children in and outside of
Ukraine</a>», op. cit.. Changing The Way We Care a également publié des directives concernant les déplacements d’enfants pendant les crises humanitaires, notamment concernant les actions essentielles aux fins de la préparation et du déplacement des enfants et aux fins de l’accueil d’enfants ou de groupes d’enfants dans un nouveau lieu, y compris de l’autre côté des frontières 
			(54) 
			Changing
the Way We Care, <a href='https://bettercarenetwork.org/critical-considerations-for-movement-of-children-during-a-humanitarian-crisis'>«Critical
Considerations for Movement of Children During a Humanitarian Crisis
»</a>, 4 mars 2022.. En février, au cours des premières semaines du conflit, le Gouvernement ukrainien a publié une procédure actualisée pour le passage des frontières par les orphelins et les enfants privés de soins parentaux, indiquant notamment qui sont les adultes qui doivent les accompagner et leur nombre, et portant une attention particulière aux enfants handicapés. À cet égard, l’Intergroupe du Parlement européen sur les droits de l’enfant, composé de représentants gouvernementaux et d’experts non gouvernementaux, a effectué une visite de plusieurs installations à la frontière, notamment d’un centre polonais d’hébergement et d’enregistrement temporaire pour les orphelins et les enfants handicapés dans la ville de Stalowa Wola 
			(55) 
			Intergroupe
sur les droits de l’enfant, op. cit.. De même, le Réseau européen sur l’apatridie et ses partenaires recueillent également des informations sur la situation, et actualisent les informations destinées aux personnes apatrides ou menacées d’apatridie qui ont besoin de conseils et d’assistance tant en Ukraine que dans les pays limitrophes occidentaux.
50. À ce jour, les pays voisins de l’Ukraine se sont efforcés, par l’intermédiaire de leurs gouvernements et d’organisations non gouvernementales, de proposer une prise en charge adaptée à ces enfants. Il convient de mentionner, par exemple, l’action menée par SOS Villages d’enfants pour transférer les enfants de ses villages ainsi que les enfants placés dans des familles d’accueil, chez des proches et dans des internats et des établissements résidentiels en Ukraine, vers ses villages situés dans d’autres pays européens. Ainsi, environ 80 enfants et leurs familles d’accueil soutenus par SOS Villages d’enfants en Ukraine ont été relogés dans des villages SOS en Pologne; en outre, début avril, 697 enfants ukrainiens déplacés étaient déjà pris en charge par l’ONG en Autriche, en Belgique, en République tchèque, en Hongrie, en Italie, en Lituanie, en Lettonie, en Roumanie, en Estonie et en Bulgarie 
			(56) 
			SOS
Villages d’enfants International, <a href='https://www.sos-childrensvillages.org/our-work/emergency-response/war-in-ukraine'>«War
in Ukraine</a>», n.d. ; SOS Villages
d’enfants International, <a href='https://www.sos-childrensvillages.org/news/foster-families-flee-warzone-for-poland'>«Ukrainian
foster families flee warzone for Poland</a>», 28 février 2022 ; Harbage, C., Kakissis, J. et Kellman,
R., <a href='https://www.npr.org/sections/pictureshow/2022/03/07/1084460933/ukrainian-children-and-families-are-being-taken-in-by-polish-families'>«Ukrainian
children and families are being taken in by Polish families»</a>, NPR, 7 mars 2022.. En Pologne, une nouvelle loi sur l’aide aux citoyens ukrainiens permet d’assurer la prise en charge des enfants par des tuteurs temporaires, mais sa mise en œuvre dans la pratique continue de poser problème, selon l’Association polonaise de placement familial. La République slovaque et la Bulgarie rencontrent également des difficultés pour assurer un nombre suffisant de familles d’accueil, et préfèrent recourir au placement en institution, plaçant parfois les enfants avec le tuteur avec lequel ils sont arrivés 
			(57) 
			Eurochild, <a href='https://eurochild.org/news/all-children-have-the-right-to-be-protected/'>«All
children have the right to be protected. Eurochild letter to the
Heads of EU Institutions »</a>, 1er avril 2022.. Selon l’UNICEF, depuis le 24 février, environ 1 900 enfants non accompagnés sont arrivés en Roumanie, dont 255 relèvent à présent du système public de protection, et l’UNICEF œuvre à leur protection en collaboration avec le ministère de la Famille, de la Jeunesse et de l’Égalité des chances par le biais de l’Autorité nationale pour la protection des droits de l’enfant et l’adoption 
			(58) 
			UNICEF, <a href='https://www.unicef.org/romania/stories/unicef-support-romania-refugee-children-women-and-families-coming-ukraine'>«UNICEF
support in Romania for refugee children, women and families coming
from Ukraine</a>», 18 avril 2022. . En République de Moldova, début avril 2022, on estimait qu’au moins 2 % des enfants seraient séparés ou non accompagnés, ce qui signifie qu’au moins 780 enfants non accompagnés ou séparés et plus de 1 000 enfants à risque se trouvent actuellement en République de Moldova; les autorités avaient identifié 11 enfants non accompagnés et assuré leur prise en charge d’urgence. À peu près à la même époque, il a été déclaré que le ministère du Travail et de la Protection sociale a mis en place un système de tutelle pour les enfants non accompagnés ou séparés, un centre de prise en charge d’urgence pour les enfants non accompagnés a été identifié et le système de placement en famille d’accueil est ouvert aux enfants non accompagnés en cas de besoin; les autorités de tutelle, AVE Copiii, l’UNICEF et le HCR ont évalué et aidé les familles accueillant des enfants réfugiés (dans le cadre du programme de transfert aérien de familles vers plusieurs pays européens) 
			(59) 
			HCR, <a href='https://reliefweb.int/report/moldova/moldova-refugee-inter-agency-child-protection-update-01-march-2022'>«Moldova
Refugee Inter-Agency Child Protection Update #01</a>», mars 2022 ; HCR, <a href='https://data2.unhcr.org/en/documents/download/91920'>«Moldova
Refugee Response, Inter-Agency Update (2-5 April 2022)</a>», 8 avril 2022.. En Suisse, l’organisation Tipiti, en collaboration avec SOS Villages d’enfants et les autorités publiques, a également organisé le placement d’enfants ukrainiens et de leurs familles d’accueil dans le pays et d’autres placements doivent être effectués. Le Gouvernement suisse avait déjà, avant le conflit en Ukraine, publié des directives claires sur le placement international d’enfants.
51. Enfin, il convient de rappeler que les procédures d’adoption internationale ne devraient pas avoir lieu dans des situations humanitaires ou d’urgence, car il est difficile de vérifier pleinement le statut familial, social et juridique des enfants. À cet égard, la Conférence de La Haye de droit international privé a émis une note d’information contenant plusieurs recommandations. Elle rappelle qu’«en cas de conflit armé, il convient que l’accent soit mis sur des mesures de protection de l’enfant autres que l’adoption», car les enfants «ne peuvent pas être considérés comme des orphelins et / ou ayant besoin d’une adoption». En effet, «les efforts visant à réunir un enfant déplacé avec ses parents ou les membres de sa famille dans les situations provoquées par un conflit armé doivent être prioritaires» et «il convient que le conflit ne serve pas de justification pour accélérer les adoptions internationales, ni pour contourner ou ignorer les normes internationales et les garanties essentielles à une adoption sûre; il convient que les procédures d’adoption soient interdites » 
			(60) 
			Bureau permanent de
la Conférence de La Haye de droit international privé, <a href='https://assets.hcch.net/docs/f6c3ec8f-ddb1-40aa-b5e1-6a4a84e094e8.pdf'>«Enfants
privés de leur milieu familial en raison du conflit armé en Ukraine:
Protection transfrontière et adoption internationale - Note d’information
du Bureau Permanent de la HCCH»</a>, 16 mars 2022..