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Rapport | Doc. 15673 | 05 janvier 2023

La Convention d’Istanbul: progrès et défis

Commission sur l'égalité et la non-discrimination

Rapporteure : Mme Zita GURMAI, Hongrie, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 15386, Renvoi 4617 du 24 janvier 2022. 2023 - Première partie de session

Résumé

La Convention sur la protection et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, la Convention d’Istanbul, reste le meilleur cadre international pour protéger les femmes contre la violence fondée sur le genre et prévenir la violence domestique. Au cours de la décennie qui a suivi son ouverture à la signature, la convention a considérablement influencé l'évolution des législations nationales, a donné une plus grande visibilité à la nécessité urgente de lutter contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, et a conduit à des changements dans les politiques.

Malgré ces réalisations, la violence et les féminicides tragiques persistent à des niveaux alarmants, blessant et tuant des femmes et des filles dans toute leur diversité, en particulier dans le contexte de la violence entre partenaires intimes. L'Assemblée parlementaire demande aux États membres qui n'ont pas encore ratifié la Convention d'Istanbul et à l'Union européenne de le faire. Elle appelle les États parties à la convention à renforcer la mise en œuvre de ses dispositions, notamment sur la base des rapports d'évaluation du Groupe d'experts sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, le GREVIO. La violence à l'égard des femmes et la violence domestique doivent également constituer une priorité du plan d'action du 4e Sommet des chefs d'État et de gouvernement du Conseil de l'Europe, qui se tiendra à Reykjavik en mai 2023.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 1er décembre
2022.

(open)
1. La violence fondée sur le genre, forme extrême de violation des droits humains, est présente dans tous les États membres du Conseil de l'Europe. C'est une conséquence des inégalités persistantes entre les individus et les groupes à tous les niveaux, qu'elles soient sociales, économiques ou juridiques. Bien que les hommes et les garçons en soient également victimes, les femmes et les filles sont touchées de manière disproportionnée par la violence fondée sur le genre. Le risque de violence est multiplié par des facteurs sociaux et intersectionnels tels que le handicap, l'origine ethnique et l'orientation sexuelle.
2. Selon les estimations des Nations Unies, 736 millions de femmes dans le monde ont subi au moins une fois dans leur vie des violences physiques et/ou sexuelles infligées par un partenaire intime, des violences sexuelles commises par une personne autre que leur partenaire intime, ou les deux (hors harcèlement sexuel), ce qui représente 30 % des femmes âgées de 15 ans et plus. Selon les premiers constats, les violences fondées sur le genre ont augmenté pendant la pandémie de covid-19 en raison des confinements successifs qui ont enfermé les victimes dans des espaces clos avec leurs agresseurs, et qui ont en même temps compliqué l'accès des femmes et des filles à la protection et à l'assistance, dans ce qu'on a appelé une «pandémie de l'ombre».
3. Reconnaissant la nécessité de disposer de systèmes complets de prévention et de protection contre la violence fondée sur le genre et de politiques visant à éliminer la violence, en particulier à l'égard des femmes et des filles, le Conseil de l'Europe a adopté sa Convention sur la protection et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210, «Convention d'Istanbul»), ouverte à la signature le 11 mai 2011, entrée en vigueur le 1er août 2014. La convention compte désormais 37 ratifications, et 8 signatures non encore suivies de ratification.
4. L'Assemblée parlementaire se félicite du nombre élevé de ratifications de la Convention d'Istanbul à ce jour, ce qui incite à un certain optimisme quant aux progrès futurs dans l'élimination de la violence fondée sur le genre. Elle est impressionnée par l'influence de la convention sur les législations nationales de lutte contre les violences fondées sur le genre, qui ont été adaptées afin d’assurer la conformité avec la convention, et par les changements qu'elle a inspirés dans les politiques et les actions de sensibilisation. L'Assemblée félicite le Groupe d'experts sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (GREVIO) ainsi que le Comité des Parties pour leur travail à ce jour, dans le cadre du cycle de grande ampleur 2016-2023 d’évaluation de référence, ainsi que pour sa première tierce intervention devant la Cour européenne des droits de l'homme et sa première Recommandation générale sur la dimension numérique de la violence à l'égard des femmes.
5. Malgré ces réalisations, la violence et les féminicides tragiques persistent à des niveaux alarmants, blessant et tuant des femmes et des filles de tous horizons et dans toute leur diversité, en particulier dans le contexte de la violence entre partenaires intimes. Les réactions négatives contre les droits des femmes et les reculs en la matière sont monnaie courante et trouvent souvent leur origine dans un discours politique visant à maintenir les inégalités et à imposer des limites toujours plus strictes à la démocratie et aux droits humains.
6. L'Assemblée rappelle que la violence fondée sur le genre a un coût, que l'Institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes a estimé, en 2021, à 366 milliards d'euros par an, dont 79 % liés à la violence à l'égard des femmes. Les impacts physiques et émotionnels représentent 56 % de ce coût, les services de justice pénale 21 % et la perte de production économique 14 %. Dans l'intérêt de l'ensemble de la société, il faut donc intensifier les actions pour mettre fin aux inégalités qui conduisent à la violence et autonomiser les personnes en situation de vulnérabilité en leur donnant le plein accès à leurs droits.
7. Se référant à sa précédente Résolution 2289 (2019) «La Convention d'Istanbul sur la violence à l'égard des femmes: réalisations et défis», l'Assemblée réitère les recommandations énoncées dans ce texte. En outre, s’agissant d’en promouvoir la ratification, l'Assemblée:
7.1. demande instamment à l'Azerbaïdjan de la signer et de la ratifier sans plus tarder;
7.2. demande instamment aux parlements de l'Arménie, de la Bulgarie, de la Hongrie, de la Lettonie, de la Lituanie, de la République slovaque et de la République tchèque, d’intensifier leurs efforts de promotion et d’engager la procédure de ratification pour donner suite à leur signature;
7.3. demande instamment à la Türkiye, le pays qui a donné son nom à la convention et qui a figuré parmi les premières ratifications, de reconsidérer son retrait et de revenir à la convention;
7.4. encourage l'Union européenne à surmonter les obstacles juridiques à la ratification afin d'assurer la mise en œuvre de ses dispositions dans tous les États membres de l'Union européenne et de la promouvoir dans d'autres;
7.5. encourage Israël, le Kazakhstan et la Tunisie à donner suite à l’invitation du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe à adhérer à la convention et encourage les autres États non membres, observateurs et partenaires pour la démocratie à le faire dès que possible.
8. En ce qui concerne la prévention de la violence à l'égard des femmes et des filles et la violence domestique, l'Assemblée appelle tous les États parties à la Convention d'Istanbul à mettre pleinement en œuvre ses dispositions afin de garantir des lois et des politiques solides et protectrices en matière de prévention, de protection et de poursuites, ancrées dans un ensemble de politiques intégrées. A cette fin, elle appelle les parlements des États parties à la Convention d'Istanbul:
8.1. à procéder à des évaluations régulières de la législation nationale et à proposer des révisions des lois lorsqu'elles ne sont pas conformes aux dispositions de la convention;
8.2. à veiller à ce que la législation soit efficace en matière de protection contre la violence à l'égard des femmes et des filles, y compris la violence domestique, et de poursuite des auteurs de violences;
8.3. à assurer un suivi régulier de la mise en œuvre conformément à l'article 70 de la convention et accorder une visibilité appropriée aux rapports de référence du GREVIO et aux recommandations du Comité des Parties dans les débats et auditions parlementaires;
8.4. à organiser des campagnes de sensibilisation tant dans leurs parlements que dans leurs circonscriptions, et à faire rapport annuellement à l'Assemblée afin de documenter ces bonnes pratiques;
8.5. ayant à l'esprit l'obligation, en vertu de la convention, que les politiques placent les droits de la victime au centre de toutes les mesures, à assurer la coopération entre toutes les parties prenantes concernées dans la conception et la mise en œuvre des politiques et des programmes, y compris les organisations de femmes de la société civile et les diverses communautés;
8.6. à intégrer une perspective de genre dans la mise en œuvre et l'évaluation de l'impact de la convention, tel que stipulé dans son article 6.
9. En ce qui concerne la dissipation de représentations délibérément faussées des objectifs ultimes de la Convention d'Istanbul, l'Assemblée souligne que celles-ci font partie de tendances négatives plus larges dans les sociétés d'aujourd'hui portées par les mouvements anti-droits et visant à restreindre la jouissance des droits humains par les personnes appartenant à certains groupes. Elle demande à tous les parlements des États membres et observateurs du Conseil de l'Europe, ainsi qu'aux parlements qui bénéficient du statut d’observateur ou de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée:
9.1. à affirmer de manière ferme que la convention se concentre sur les femmes et les filles dans toute leur diversité en tant que personnes touchées de manière disproportionnée par la violence fondée sur le genre;
9.2. à reconnaître que la convention ne menace pas la famille nucléaire ou les valeurs familiales, ni n'impose certains modes de vie;
9.3. à tenir compte en outre du fait que la convention n'encourage pas la migration irrégulière ou illégale lorsqu'elle s'efforce de garantir que les femmes victimes de violence conjugale ne dépendent pas du statut de résidence de leurs agresseurs;
9.4. à reconnaître que la législation nationale peut être efficace, mais que la convention fournit un modèle pour les législations nationales, et un système efficace d'évaluation et d'assistance à la mise en œuvre, et que le partage des bonnes pratiques et la coopération transfrontalière et internationale sont importants dans la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique.
10. L'Assemblée se félicite de la priorité accordée à la prévention et à la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique dans le rapport du groupe de réflexion de haut niveau sur le rôle du Conseil de l'Europe face aux nouvelles réalités et défis auxquels l'Europe et le monde sont confrontés, publié en octobre 2022, qui contribuera aux thèmes retenus par le 4e Sommet des chefs d'État et de gouvernement annoncé par le Comité des Ministres pour les 16 et 17 mai 2023.
11. Rappelant que depuis 2017 elle a appelé régulièrement à ce qu’un nouveau sommet soit organisé, l'Assemblée demande que les recommandations figurant dans ce rapport soient suivies par le Comité des Ministres et que la priorité accordée par le groupe de réflexion de haut niveau soit dûment reflétée dans le plan d'action du 4e Sommet.
12. Enfin, l'Assemblée décide de tenir un échange annuel pour faire le point sur les progrès de la ratification et de la mise en œuvre de la Convention d'Istanbul, dans le cadre de ses responsabilités de suivi au titre de la convention.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet de recommandation
adopté à l’unanimité par la commission le 1er décembre
2022.

(open)
1. Se référant à sa Résolution ... (2023) «La Convention d’Istanbul: progrès et défis», l’Assemblée parlementaire félicite le Comité des Ministres de son soutien constant à la Convention sur la protection et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210, «Convention d’Istanbul»), qui a contribué à sa ratification par 37 États membres à ce jour.
2. Compte tenu de la nécessité absolue de faire davantage pour éliminer la violence à l'égard des femmes et la violence domestique en promouvant la Convention d'Istanbul en tant qu'outil unique et essentiel pour l’élaboration de législations et de politiques de prévention et de protection, et pour punir les auteurs de violence fondée sur le genre, ainsi que de la nécessité de dissiper les fausses représentations délibérées du traité, l'Assemblée invite le Comité des Ministres:
2.1. à promouvoir la ratification de la Convention d'Istanbul dans les pays qui ne l'ont pas encore ratifiée, et à encourager les États l'ayant ratifiée à lever toute réserve émise lors de l'adhésion lorsque cela est possible;
2.2. à promouvoir des politiques étrangères féministes comme moyen d'assurer l’élaboration de politiques et une action multilatérale plus représentatives et inclusives dans la lutte contre la violence fondée sur le genre, sur la base du cadre normatif international;
2.3. dans la continuité des recommandations formulées en octobre 2022 par le Groupe de réflexion de haut niveau sur le rôle du Conseil de l'Europe face aux nouvelles réalités et défis auxquels l'Europe et le monde sont confrontés, à veiller à ce que le 4e Sommet des chefs d'État et de gouvernement du Conseil de l'Europe en mai 2023 donne la priorité, dans son plan d'action, à la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique par la mise en œuvre de la Convention d'Istanbul;
2.4. à prendre des mesures afin d’assurer la mise en œuvre de la Déclaration de Dublin des Ministres du Conseil de l’Europe sur la prévention de la violence domestique, sexuelle et fondée sur le genre adoptée en septembre 2022;
2.5. à veiller à ce que la nouvelle stratégie pour l'égalité entre les femmes et les hommes (2024-2029) donne la priorité à la lutte contre la violence à l’égard des femmes et à la prévention, en s'appuyant sur les succès de la stratégie actuelle 2018-2023;
2.6. à renouveler son soutien aux activités du Conseil de l’Europe en matière d’égalité de genre et de lutte contre la violence à l’égard des femmes, ainsi qu’au Réseau parlementaire de l'Assemblée pour le droit des femmes de vivre sans violence, notamment par des contributions financières des États membres.
3. Enfin, l'Assemblée propose le lancement d’une nouvelle campagne de sensibilisation à l'échelle de l'Organisation, sur le thème des objectifs et de l’impact de la Convention d’Istanbul et sa contribution aux droits des femmes et à l’égalité de genre en Europe.

C. Exposé des motifs par Mme Zita Gurmai, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. En 2019, j'étais rapporteure du tout premier rapport de l'Assemblée parlementaire sur la mise en œuvre de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210, «Convention d’Istanbul») intitulé «La Convention d’Istanbul sur la violence à l’égard des femmes: réalisations et défis» 
			(3) 
			Voir le Doc. 14908 et la Résolution
2289 (2019).. Le rapport faisait le point sur les premières réalisations de la Convention d'Istanbul et formulait un certain nombre de recommandations, par exemple sur la coopération avec le Groupe d'experts sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (GREVIO) dans la mise en œuvre et le suivi des activités, ainsi que sur les services de prévention et de protection à fournir aux personnes à risque et aux victimes, et sur la sensibilisation et la formation des professionnel·le·s dans ce domaine.
2. L'invitation à la préparation d'un second rapport a été lancée le 23 juin 2021 lorsque, à l'initiative de l'ancien Président de l'Assemblée, Rik Daems, et en réponse au retrait de la Türkiye de la convention, l'Assemblée a organisé un panel de haut niveau et un débat interactif pour marquer les dix ans depuis son adoption, intitulé «La Convention d’Istanbul: 10 ans après». Toutes et tous les intervenant·e·s ont souligné l'importance vitale de la Convention d'Istanbul, ont salué les progrès accomplis, ont réaffirmé leur soutien et ont appelé à davantage de ratifications et à une mise en œuvre effective, en s'engageant à lutter contre les idées fausses et les réactions hostiles. En tant que Rapporteure générale sur la violence à l'égard des femmes et coordinatrice du Réseau parlementaire pour le droit des femmes de vivre sans violence, j’ai prononcé les conclusions de l’événement en rappelant l’importance de la volonté politique de changer la société et le besoin d’hommes et femmes champions de la cause de mettre fin à la violence.
3. La proposition de résolution rédigée après l'événement déclarait que le rôle moteur devait être joué par la Rapporteure générale de l'Assemblée sur la violence à l'égard des femmes, avec le soutien du Réseau parlementaire pour le droit des femmes de vivre sans violence, ce qui a abouti à ma nomination comme rapporteure. En tant que coordinatrice du Réseau, j’ai bénéficié des conseils et de l'expérience des membres du Réseau à tous les stades de la préparation du présent rapport. Le Président de l’Assemblée, Tiny Kox, a aussi été un allié important dans la promotion de ce travail au plus haut niveau.
4. A la suite de la célébration, le 11 mai, du dixième anniversaire de l’ouverture à la signature de la convention, l'événement du 23 juin 2021 et la participation de l'Assemblée au Forum Génération Égalité des Nations Unies (Paris, 30 juin-2 juillet 2021) 
			(4) 
			Voir le chapitre 5.1.
ci-dessous pour plus d’informations sur l’événement de haut niveau
et la participation au Forum Génération Égalité. ont été deux événements importants qui ont marqué une décennie d’action encadrée par la Convention d’Istanbul. Par l'intermédiaire de son Président, l'Assemblée s'est engagée auprès du forum à intensifier ses efforts de promotion de la convention par tous les moyens.

2. Portée et objectifs du rapport

5. La Convention d'Istanbul est toujours l’instrument juridique international le plus novateur et avancé qui définit le droit des femmes à vivre sans violence comme un droit humain. L'un des plus pertinents parmi les nombreux aspects uniques de la convention dans le contexte du présent rapport, est qu'elle prévoit explicitement une participation active des parlementaires au fonctionnement et au suivi du traité. Dans son article 70, les parlements nationaux et l'Assemblée du Conseil de l'Europe sont invités à participer au suivi de la mise en œuvre au niveau national et à faire régulièrement le point au sein de l'Assemblée.
6. Par conséquent, l'Assemblée a le devoir d'encourager l'implication de chacun des parlements de ses États membres et de les pousser à répondre aux attentes importantes découlant de la convention qui pèsent sur les parlementaires, à savoir s'engager dans une action positive en vue de la ratification et de la mise en œuvre de cette dernière, y compris sur la base des conclusions et des recommandations faites par les expert·e·s dans le cadre du mécanisme de suivi de la Convention d’Istanbul. Le présent rapport examine les efforts réalisés jusqu'à présent par les parlementaires aux niveaux national et international pour promouvoir les objectifs de la convention et met en évidence ceux qui ont obtenu les meilleurs résultats et les plus visibles – que ce soit dans les cadres législatifs et politiques des États pour mettre fin à la violence, ou par les preuves recueillies sur le terrain qui montrent les effets positifs dans la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique.
7. Deuxièmement, le titre du rapport indique d'emblée que l'accent devrait être mis sur un examen des progrès accomplis et sur la mise en valeur des principaux défis rencontrés au cours des huit années écoulées depuis l'entrée en vigueur de la convention. Une liste exhaustive des réalisations aurait certainement pu impressionner, mais je pense que des informations détaillées sur certains domaines d'excellence et d’autres domaines où de nouvelles stratégies ou une action plus forte sont nécessaires sera certainement plus utile à ce stade.
8. Mon travail sur ce rapport comporte une visite d'information en Türkiye, au cours de laquelle j'ai échangé avec des organisations de défense des droits des femmes et des autorités judiciaires et exécutives nationales dans le but d’examiner comment les mesures visant à protéger les femmes contre la violence avaient évolué depuis le retrait de la Convention d'Istanbul et également afin de promouvoir le retour de la Türkiye à la convention. J’ai aussi organisé une audition en commission avec la participation du Président de l'Assemblée, Tiny Kox, de la Présidente du Comité des Parties, l'Ambassadrice Marie Fontanel, Représentante permanente de la France auprès du Conseil de l'Europe, et de la Présidente du GREVIO, Iris Luarasi.
9. Dans la continuité de la disposition de la Convention d'Istanbul prévoyant une contribution de l'Assemblée, l'Assemblée souhaite également apporter son expérience et l'influence de ses membres à l'action future du Conseil de l'Europe à une grande échelle. J'espère que le rapport pourra alimenter la réflexion sur la prochaine Stratégie pour l'égalité entre les femmes et les hommes, qui sera mise en place après la fin de la stratégie actuelle (2018-2023) (voir le chapitre 3.3 ci-dessous).

3. Progrès depuis 2019

3.1. Faire progresser la convention

10. Bien des choses se sont produites depuis le rapport et le débat de 2019. Tout d’abord, et c’est un fait extrêmement positif, quatre nouveaux pays (Liechtenstein, République de Moldova, Royaume-Uni et Ukraine) ont ratifié la convention entre juin 2021 et août 2022, et le Kosovo* 
			(5) 
			*Toute
référence au Kosovo, que ce soit à son territoire, à ses institutions
ou à sa population, doit se comprendre en pleine conformité avec
la Résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies et sans préjuger
du statut du Kosovo. a pris la décision de l’appliquer sur son territoire. Trois États non membres (Israël, Kazakhstan et Tunisie) sont à présent invités à adhérer par le Comité des Ministres. L’espoir persiste de voir l’Union européenne ratifier la convention dans un futur proche, et le rêve que tous les États membres fassent de même ne semble plus être une pure fiction. Le retrait malheureux de la Türkiye de la convention en 2021 a été naturellement décevant, mais les 37 ratifications ou adhésions actuelles sont un succès significatif qui doit être célébré, et certaines des 8 signatures non encore suivies de ratification devraient conduire à des progrès prochainement.
11. Le mécanisme de suivi de la Convention d'Istanbul a pris de l'ampleur: au moment de l’adoption de ce rapport, le GREVIO a publié des rapports d'évaluation de référence pour 29 États membres et effectué des visites d'évaluation de 3 autres États. Il a également publié deux documents clé: l’analyse horizontale à mi-parcours des rapports existants du GREVIO 
			(6) 
			<a href='https://rm.coe.int/analyse-horizontale-a-mi-parcours-des-rapports-d-evaluation-de-referen/1680a5c3ab'>Analyse
horizontale à mi-parcours des rapports d’évaluation de référence
du GREVIO</a>, Conseil de l’Europe, février 2022. et sa première Recommandation générale sur la dimension numérique de la violence à l'égard des femmes.
12. De nombreux codes pénaux ont été alignés sur la convention, avec l'introduction de nouvelles infractions sur le harcèlement, les mutilations génitales féminines, le harcèlement sexuel et le mariage forcé. Plusieurs États parties disposent désormais de définitions juridiques du viol qui figure à l'article 36 de la convention comme étant tout acte sexuel non consenti, ou sont en train d'introduire des définitions fondées sur le consentement: les derniers pays ayant apporté des changements à cet égard sont le Danemark, l'Espagne, la Finlande et la Slovénie.
13. Le GREVIO est également membre fondateur des Mécanismes d'experts indépendants sur la discrimination et la violence à l'égard des femmes – la plateforme EDVAW, créée par la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes et les filles et composée de sept mécanismes mondiaux d'experts œuvrant à la lutte contre la violence à l’égard des femmes et des filles. Le GREVIO, représenté par sa présidente Iris Luarasi, préside actuellement la plateforme.
14. Concernant l'Union européenne, le Parlement européen a demandé pour la première fois à la Commission de lancer la procédure d'adhésion de l'Union européenne à la Convention d'Istanbul dans sa Résolution sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes du 25 février 2014. Depuis lors, il n'a cessé de souligner que la ratification serait une démonstration puissante de l'engagement de l'Union européenne à éradiquer la violence à l'égard des femmes et à établir un cadre juridique européen cohérent pour ce faire. La Commission von der Leyen a fait de ce dossier une priorité dans sa stratégie européenne pour l'égalité des genres 2020-2025, mais comme les progrès sont restés bloqués malgré un avis de la Cour de justice européenne selon lequel l'adhésion est possible, des propositions pour une nouvelle directive européenne ont été publiées en mars 2022 
			(7) 
			<a href='https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/aid_development_cooperation_fundamental_rights/com_2022_105_1_en.pdf'>Proposition
de directive du Parlement européen et du Conseil sur la lutte contre
la violence à l’égard des femmes et la violence domestique</a> (en anglais uniquement), COM(2022)105 final, Commission
Européenne, 8 mars 2022..
15. La proposition de directive utilise la Convention d'Istanbul comme référence et son exposé des motifs stipule que «La Convention d'Istanbul est le cadre international le plus complet pour lutter de manière globale contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique», et en outre, que «Pour les États membres qui sont parties à la Convention d'Istanbul, les mesures de l'UE soutiendraient la mise en œuvre de la convention».

3.2. La construction d’un corpus de données et d’expérience

16. Toute cette documentation, ainsi que les visites d'évaluation sur place qui permettent aux États membres de s'engager dans l'application pratique des dispositions du traité, s'accumulent pour constituer une solide ressource de pratiques, de politiques et de jurisprudence et identifier les domaines nécessitant une attention accrue.
17. En mars 2020, la Cour européenne des droits de l'homme et le GREVIO ont lancé une nouvelle base de données HUDOC-GREVIO pour permettre aux utilisatrices et utilisateurs publics d’effectuer des recherches à l'aide de filtres par article et par mot-clé (par exemple, formes de violence, groupes cibles, etc.) et de récupérer des informations à partir des rapports d'évaluation de base du GREVIO et des commentaires finaux respectifs des gouvernements; des recommandations émises par le Comité des Parties ainsi que ses conclusions; des rapports d'activité du GREVIO; et désormais des recommandations générales du GREVIO, depuis l'adoption de la première (sur la dimension numérique de la violence à l'égard des femmes) en 2022. La Cour produit également des fiches d'information sur les attributions de la convention 
			(8) 
			Voir les fiches d’informations
mises à jour sur <a href='http://www.echr.coe.int/Documents/FS_Domestic_violence_ENG.pdf'>la
violence domestique</a> et sur <a href='http://www.echr.coe.int/Documents/FS_Violence_Woman_ENG.pdf'>la
violence à l’égard des femmes </a>pour une vue d’ensemble complète des affaires pertinentes
de la Cour européenne des droits de l’homme..
18. En avril 2020, le GREVIO s’est saisi pour la première fois de sa capacité à soumettre des tierces interventions à la Cour européenne des droits de l'homme. Dans l'affaire Kurt c. Autriche (requête n° 62903/15), concernant le meurtre d'un garçon de huit ans par son père alors que sa mère avait signalé des violences domestiques, les observations du GREVIO se sont concentrées en particulier sur l'importance d'appliquer une compréhension de la violence domestique basée sur le genre, afin d'assurer une enquête efficace, la poursuite des auteurs et la protection des victimes.

3.3. La Stratégie pour l’égalité de genre 2018-2023

19. Le Conseil de l’Europe a conçu sa première stratégie afin de rassembler et de renforcer son action en faveur de l’égalité de genre, dont la Convention d’Istanbul est une partie intégrante et centrale. La stratégie, mise en œuvre dans le cadre de la Commission pour l’égalité de genre, permet un suivi constitutionnel concret des rapports d’évaluation du GREVIO, en soutien des mesures mises en place ou recommandées dans les États membres. Dans le cadre de la stratégie, des activités de soutien à l'adhésion des États qui ne sont pas encore parties à la Convention d’Istanbul sont également organisées, par exemple l'évaluation des lacunes législatives en Azerbaïdjan, en Lettonie, ainsi qu’au Kosovo, avec la possibilité d'organiser une assistance technique et une action de sensibilisation sur demande, financées en partie par la Commission européenne.
20. Ces programmes ont également permis de préserver les liens avec le gouvernement et la société civile en Türkiye. Une coopération multi-agences a été mise en place avec ONU Femmes et le réseau d'ONG WAVE (Women Against Violence Europe), qui permet de soutenir l'alignement des politiques et les échanges entre pairs en Géorgie, en République de Moldova, en Azerbaïdjan et en Arménie. Les programmes prévus pour 2023 dans les Balkans utiliseront les rapports du GREVIO comme feuille de route, puisque tous les pays concernés ont ratifié la convention.
21. Les cours HELP (Human rights Education for Legal Professionals) du Conseil de l'Europe comportent des cours en ligne sur l'accès à la justice pour les femmes, et sur la violence à l’égard des femmes pour les juristes, ainsi que sur la violence à l'égard des femmes et la violence domestique pour les forces de l'ordre (qui existe en 23 langues), adaptés sur demande à différents groupes et contextes nationaux. Le succès de ces cours est attesté par leur utilisation considérable: en Espagne, par exemple, le cours sur la violence à l'égard des femmes a été intégré dans toutes les formations destinées aux magistrat·e·s, et FRONTEX a manifesté son intérêt pour son utilisation.
22. Lors de sa réunion en novembre, la Commission pour l'égalité de genre a adopté des lignes directrices sur le rôle des hommes et des garçons dans les politiques d'égalité entre les hommes et les femmes et dans les politiques de lutte contre la violence envers les femmes. Lors de la même réunion, la Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe a proposé d'inclure la santé et les droits sexuels et reproductifs des femmes dans la prochaine stratégie pour l'égalité entre les femmes et les hommes 2024-2029, et d'accorder une attention particulière aux femmes et aux filles confrontées à la marginalisation et à la discrimination intersectionnelle. Je soutiens vivement ses propositions et les recommande à l'Assemblée.

4. La Convention d’Istanbul face à des risques tenaces et émergents

4.1. Facteurs liés au contexte

23. Malheureusement, parallèlement aux progrès et au succès considérables, il y a eu de sérieux revers pour la convention et par là-même pour la protection contre la violence fondée sur le genre. Le plus regrettable d'entre eux, pour la portée et l'efficacité directes du Conseil de l'Europe, a été le retrait du traité du pays même où il a été ouvert à la signature et qui a donné son nom à la Convention d'Istanbul: la Türkiye. Cela a des conséquences potentiellement négatives pour la lutte contre la violence sur le terrain. Ma visite d’information en Türkiye, décrite en détails ci-dessous, m’a apporté beaucoup de matière à réflexion concernant les exigences de la protection des femmes contre la violence au niveau national et l’utilité d’adhérer à la convention, d’utiliser son cadre normatif, de partager les bonnes pratiques et de bénéficier de son système de suivi.
24. Je souhaiterais faire une remarque personnelle. Les difficultés rencontrées par les femmes dans toute l’Europe, mais plus particulièrement dans certains pays, permettent en réalité de montrer à quel point ce traité est important pour la société civile partout, et à quel point il est connu dans les milieux non spécialisés. Je ne connais pas d’autre convention du Conseil de l’Europe qui ait été un slogan, voire le thème central de manifestations dans les rues pour la défense des droits des femmes (comme en Pologne et en Türkiye). C’est paradoxalement la mesure de son succès, et en même temps la démonstration d’un soutien populaire et un signe du besoin d’évolutions réelles sur le terrain.
25. Une autre menace à la protection des femmes contre la violence qui est apparue au cours de la période récente est la pandémie de covid-19. Les confinements successifs en Europe, tout en prouvant la résistance et la résilience de beaucoup de gens, ont exacerbé les tendances violentes de certains en obligeant les femmes et d'autres personnes vulnérables (les personnes handicapées, les personnes LGBTI, et plus particulièrement les jeunes dépendant de leur famille) à rester enfermés à huis clos avec des auteurs potentiels de violences dans le contexte de leur foyer. La crise de la santé publique a révélé la fragilité des mesures de protection contre la violence et la nécessité de veiller à ce que ces mesures soient mieux adaptées et coordonnées, tant dans l'espace public que dans les sphères privées. Alors que la pandémie recule et que l’Europe porte son attention sur les nouvelles crises au fur et à mesure de leur apparition, les enseignements tirés de la covid-19 sur la nécessité d’empêcher l’isolement et de faciliter l’accès à une aide d’urgence dans les situations familiales de violence ne doivent pas être oubliés.
26. Enfin, tout récemment, la guerre ouverte a de nouveau éclaté sur notre continent avec l’horrible agression de l’Ukraine par la Russie, entraînant l’exclusion de cette dernière du Conseil de l’Europe le 14 mars 2022. La Convention d'Istanbul renvoie à la Recommandation CM/Rec(2010)10 du Comité des Ministres aux États membres sur le rôle des femmes et des hommes dans la prévention et la résolution des conflits et la consolidation de la paix. Elle rappelle aussi dans son préambule «les violations constantes des droits de l'homme en situation de conflits armés affectant la population civile, et en particulier les femmes, sous la forme de viols et de violences sexuelles généralisés ou systématiques et la potentialité d'une augmentation de la violence fondée sur le genre aussi bien pendant qu'après les conflits» et précise que «[l]a présente convention s'applique en temps de paix et en situation de conflit armé».
27. La guerre se poursuit, et avec elle son lot d’atrocités; nous constatons de nouvelles preuves de la fragilité des droits humains que l’on pensait acquis, et plus particulièrement ceux des personnes et groupes vulnérables. Les femmes se trouvent souvent physiquement à la croisée de nombreux types différents de vulnérabilités et sont donc particulièrement en danger. Le rapport élaboré par Petra Bayr (Autriche, SOC) fera des recommandations spécifiques sur les violences sexuelles liées aux conflits, notamment en relation avec la Convention d'Istanbul, et les rapport et résolution de Yevheniia Kravchuk «Justice et sécurité pour les femmes dans les processus de paix et de réconciliation» 
			(9) 
			Doc. 15525 et Résolution
2450 (2022). donnent des indications sur la manière dont les femmes doivent être autonomisées et protégées dans les situations de conflit afin de pouvoir occuper pleinement leur juste place dans les sociétés en temps de paix.

4.2. Des représentations délibérément fausses et un recul

28. Les représentations fausses et la désinformation sur la Convention d'Istanbul sont courantes, notamment dans les pays où les valeurs et les cultures traditionnelles rendent l'évolution et l'adaptation aux défis modernes particulièrement compliquées et où les forces politiques conservatrices et populistes cherchent à préserver les sociétés patriarcales (qui restreignent les droits des femmes mais aussi des hommes). Les recherches montrent qu’«il existe un mouvement transnational très organisé, bien doté financièrement, qui s’efforce de saper les droits des femmes» 
			(10) 
			Voir, par exemple, <a href='https://centreforfeministforeignpolicy.org/countering-antigender-campaigns'>Centre
for Feminist Foreign Policy</a> à l’adresse <a href='https://centreforfeministforeignpolicy.org/'>centreforfeministforeignpolicy.org</a>.: il est important de le savoir pour comprendre le contexte et l'origine des critiques intenses, des interprétations erronées et des déformations des objectifs de la convention. Le premier rapport sur les activités du GREVIO attirait l'attention sur ce phénomène, l'identifiant comme une diversion à la lutte contre la violence envers les femmes. Il a certainement donné lieu à des retours en arrière et des contrecoups qui ne peuvent que mettre les victimes encore plus en danger.
29. La convention est le premier traité international à contenir une définition du genre, reconnaissant que les femmes et les hommes ne sont pas seulement biologiquement femmes ou hommes, mais qu'il existe également une catégorie de genre socialement construite qui attribue aux femmes et aux hommes des rôles et des comportements particuliers, ce qui peut contribuer à rendre acceptable la violence à l'égard des femmes. Établir une différenciation entre les termes «sexe» et «genre», en plus de poser certains problèmes d'interprétation 
			(11) 
			Dans certaines langues,
le même mot est utilisé pour désigner le «sexe» et le «genre», ce
qui nécessite une explication des concepts. est qualifié par les détracteurs de promotion d’une «idéologie du genre destructrice», alors qu'il s'agit de travailler sur ces conceptions sociales aux conséquences négatives sans pour autant remplacer une définition biologique.
30. Un autre discours faux concerne la convention et l’identité de genre. Son intention est de protéger toutes les femmes et les filles de la violence, y compris les femmes LBTI. Elle ne couvre pas la reconnaissance juridique du genre, mais prévoit que toutes les femmes et les filles, y compris celles exposées à de la discrimination intersectionnelle fondée sur leur orientation sexuelle ou leur identité de genre, bénéficient de la série de mesures qui assurent leur sécurité et leur apportent un soutien. D’autres types d'opposition ne sont pas limités à la Convention d'Istanbul mais sont un phénomène des sociétés polarisées d'aujourd'hui. Les identités non binaires font partie de notre monde moderne et l'accès à l'égalité des droits devra évoluer et s'adapter pour inclure ces identités; la Convention d'Istanbul se concentre sur les femmes – dans toute leur diversité – qui sont visées par les violences basées sur le genre de manière disproportionnée simplement parce qu’elles sont des femmes.
31. On dit aussi que la Convention d'Istanbul «menace la famille nucléaire et les valeurs familiales traditionnelles», alors qu'elle n’exprime pas du tout de telles thèses et que la ratification ne contraint pas les hommes ou les femmes à adopter un certain mode de vie. Elle stipule simplement que les femmes victimes de violence basée sur le genre ou de violence domestique ont le droit de recevoir la protection et le soutien dont elles ont besoin pour quitter une relation violente. Les fausses allégations affirment également que la convention encourage la migration illégale, ce qui découle des dispositions de son chapitre 7 (articles 59 à 61, sur le statut de séjour, les demandes d'asile fondées sur le sexe et le non-refoulement) qui visent à découpler le statut de séjour des femmes victimes de celui de leurs agresseurs.
32. Enfin, certains pays affirment disposer déjà d'une législation nationale suffisante. La convention porte sur l'élimination de tous les types de violence à l'égard des femmes et de violence domestique, dont aucun pays n'est à l'abri; la convention fournit un modèle pour la législation nationale et possède une valeur ajoutée spécifique à cet égard par rapport aux traités internationaux précédents. Les rapports d'évaluation du GREVIO ont montré qu'elle établit des normes, dans la législation et les politiques, vers lesquelles les approches nationales doivent continuer à tendre. Ses dispositions complètes permettent aux États parties d'atteindre le niveau nécessaire de prévention, de protection et de soutien, et d'assurer des réponses efficaces des forces de l'ordre et du système judiciaire pour envoyer le message que la violence à l'égard des femmes est inacceptable. Le contrôle efficace et constructif et le partage des meilleures pratiques, ainsi que la coopération transnationale, sont parmi les nombreux avantages de la ratification.
33. Les parlementaires ont le devoir de contrer ces tentatives de remise en cause de l'importance de la Convention d'Istanbul par des actions de sensibilisation qui utilisent des éléments de langage compréhensibles par toutes et tous, afin de contrer le narratif négatif et promouvoir une meilleure compréhension. Lors des séminaires entre pairs, les parlementaires cherchant à persuader leur pays d'adhérer à la convention ont régulièrement demandé de l’aide afin de formuler des arguments leur permettant de contredire les contradicteurs et de démystifier les mythes.
34. D'autres politiques et pratiques contribuent à la réorientation des priorités qui est une condition préalable à la réduction des violences basées sur le genre: certains pays, comme la France par exemple, ont initié des politiques étrangères féministes qui représentent un pas en avant significatif vers l’égalité et la mise en place d’une perspective de genre intégrée. Je me réfère dans ce contexte à l'excellent rapport de notre collègue Petra Stienen, sur la dimension de genre dans la politique étrangère 
			(12) 
			Doc. 14627 et Résolution
2351 (2020) «La dimension de genre dans la politique étrangère»..
35. Dans les cas où les États membres ne peuvent pas concilier leurs politiques et législations avec certaines dispositions mais souhaitent ratifier la convention, un système de réserves permet la dénonciation d'un ou plusieurs articles, à condition que celles-ci soient dûment justifiées. Elles sont sujet à une révision en vue d'un éventuel renouvellement tous les cinq ans. Celles-ci sont différemment perçues par les parties prenantes à la convention.

5. L'Assemblée parlementaire et la Convention d’Istanbul

5.1. Les parlements pour la promotion de la convention

5.1.1. Le Réseau parlementaire pour le droit des femmes de vivre sans violence 
			(13) 
			Voir <a href='https://pace.coe.int/fr/pages/network-violence-women'>pace.coe.int/fr/pages/network-violence-women</a>.

36. Créé en 2006, soit plusieurs années avant l’adoption de la Convention d’Istanbul, le Réseau parlementaire pour le droit des femmes de vivre sans violence offre un forum parlementaire vital pour les travaux du Conseil de l’Europe visant à mettre fin à la violence fondée sur le genre, faisant activement campagne pour la ratification de la convention aux niveaux national, européen et mondial et sa mise en œuvre effective dans la pratique. Il est très largement connu chez des partenaires comme l’ONU (ONU femmes) et l’Union européenne, et c’est pourquoi il est présent autour de la table aux plus hauts niveaux du dialogue international autour des droits des femmes.
37. Le réseau maintient une forte présence dans tous les forums, notamment sur les réseaux sociaux, et les contributions financières volontaires des parlements et des gouvernements lui fournissent les moyens de mener des actions et développer des outils, comme le manuel à l’usage des parlementaires sur la convention. Le réseau saisit aussi l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, le 25 novembre, pour lancer des «mini-campagnes» de soutien à la convention.

5.1.2. Panel de haut niveau et débat, mercredi 23 juin 2021 – «La Convention d’Istanbul: 10 ans après»

38. Le mercredi 23 juin 2021, l’Assemblée a tenu un panel de haut niveau et un débat interactif sur le thème «La Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul): 10 ans après», présidé et modéré par Rik Daems alors Président de l’Assemblée, panel qui a donné l'impulsion pour le présent rapport. Parmi les participant·e·s figuraient Nadia Mourad, militante des droits humains d’origine yézidie, lauréate du Prix des droits de l’homme Václav Havel 2016, du prix Nobel de la paix 2018 et du Prix Sakharov pour la liberté de la pensée, Marija Pejčinović-Burić, Secrétaire Générale du Conseil de l'Europe, Alexander De Croo, Premier ministre belge, Anca Dana Dragu, Présidente du Sénat roumain, Élisabeth Moreno, Ministre déléguée auprès du Premier ministre français chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, et Dubravka Šimonovic, Rapporteure spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes et les filles, ses causes et ses conséquences.
39. Nadia Murad a souligné que la Convention d’Istanbul a le potentiel «d'apporter des changements significatifs pour les survivantes comme les Yézidis et les femmes du monde entier en modifiant les normes internationales relatives à la violence fondée sur le genre». Elle a fait remarquer qu’afin de prévenir les violences sexuelles en temps de guerre, il fallait créer un fondement solide pour l’égalité entre les femmes et les hommes en temps de paix.
40. Pour le Premier ministre belge, Alexander De Croo, auteur d'un livre intitulé Le siècle de la femme: Comment le féminisme libère aussi les hommes, la Convention d’Istanbul permet à chaque femme et à chaque fille de connaître ses droits et de savoir à qui s'adresser pour les faire respecter. Mme Anca Dana Dragu, première femme à présider le Sénat de Roumanie, a expliqué comment la législation et les politiques publiques avaient été révisées après la ratification de la Convention et comment de nouveaux partenariats avaient été créés avec la société civile. Mme Élisabeth Moreno, ministre délégué à l'Égalité entre les femmes et les hommes, à la Diversité et à l'Égalité des chances, a déclaré que la France avait fait de l'universalisation de la Convention d'Istanbul l’un des objectifs majeurs de sa diplomatie féministe.
41. Dubravka Šimonovic, Rapporteure spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes et les filles, travaille avec la Convention d’Istanbul, entre autres cadres de législation modèle sur l’incrimination du viol et les poursuites en la matière. La Secrétaire Générale du Conseil de l'Europe, Mme Marija Pejčinović-Burić, a souligné qu’aucun gouvernement ne peut à lui seul recréer la protection qu’apporte ce traité multilatéral avec son mécanisme de suivi international unique en son genre, qui contribue à amener des changements, difficiles, certes, mais positifs.

5.1.3. Forum Génération Égalité, France et Mexique, 28 juin-1er juillet 2021 
			(14) 
			Voir <a href='https://forum.generationequality.org/fr'>forum.generationequality.org/fr</a>.

42. En 2021, le Mexique et la France ont co-organisé le Forum Génération Égalité des Nations Unies, qui marquait les 25 années écoulées depuis la quatrième conférence mondiale sur les femmes de Beijing et son plan d’action, la Plateforme de Beijing. Les organisations, les ONG et le secteur privé ont été invités à s’engager à agir pour autonomiser les femmes et promouvoir et protéger leurs droits. Les événements ont été l’occasion pour l’Assemblée de renouveler son engagement à mettre fin à la violence contre les femmes, et le président Rik Daems a participé à la cérémonie officielle ouverte par le Président français Emmanuel Macron.
43. L’Assemblée a pris un engagement de cinq ans concernant la violence contre les femmes, qui était l’une des six «coalitions d’action» du forum, entièrement axé sur la Convention d’Istanbul. Les objectifs sont d’inciter tous les États membres du Conseil de l’Europe à signer et ratifier la convention et de veiller à ce qu’elle soit pleinement et effectivement mise en œuvre dans les États parties. Cette action, qui sera mise en avant par l’intermédiaire de la Commission sur l'égalité et la non-discrimination et du Réseau parlementaire pour le droit des femmes de vivre sans violence, inclut des activités de sensibilisation des parlementaires mettant en évidence les progrès accomplis par la convention dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes; elle comprend aussi l’organisation de séminaires d’information et de formation entre pairs dans les parlements nationaux à l’aide du manuel à l’usage des parlementaires sur la Convention révisé en 2019 
			(15) 
			Voir les
différentes versions linguistiques du <a href='https://pace.coe.int/fr/pages/network-violence-women'>manuel
ici</a>. Une partie de l’action concrète dans le cadre de l’engagement
du Forum Génération Égalité était de le traduire en 11 langues (pour
le moment il est disponible en 10 langues et sera publié dans 3
autres d’ici la fin de l’année 2022)., et des activités visant à encourager les parlementaires à appliquer pleinement l’article 70 de la Convention qui prévoit un contrôle parlementaire. Un mécanisme a été mis en place afin de suivre la mise en œuvre des engagements pris.

5.1.4. Des outils et une action concertée

44. Le manuel révisé pour les parlementaires a été un outil efficace de sensibilisation et de promotion, et sert de base pour des séminaires et ateliers entre pairs dans les parlements nationaux. Ceux-ci n'ont pas été possibles en 2020 et 2021 en raison des restrictions dues à la covid, mais sont actuellement en cours de reprise, avec un atelier à Rabat, au Maroc, le 5 décembre 2022, ayant pour but d’examiner les changements législatifs et politiques nécessaires à l'adhésion. Au cours de la période, plusieurs webinaires en ligne ont été organisés sur différents aspects de la violence à l'égard des femmes, co-organisés par la commission sur l'égalité et la non-discrimination et le Réseau parlementaire pour le droit des femmes de vivre sans violence.
45. Cette dynamique devrait être maintenue, en particulier grâce au travail de la commission et du Réseau parlementaire, et en conformité avec l’article 13 de la convention qui demande aux parties de promouvoir ou mener des campagnes de sensibilisation, en coopération notamment avec des organisations de femmes. Il est essentiel de maintenir une grande visibilité et de tirer parti de la reconnaissance mondiale déjà très importante de la Convention d’Istanbul parmi les organisations partenaires et surtout le grand public. C’est la voie à suivre pour ajouter aux quatre piliers de la Convention d’Istanbul – prévention, protection, poursuites et politiques – le cinquième «P», pour parlements, en tant que législateurs et garants de la conformité, comme le dit le texte lui-même.

5.2. Les parlementaires en tant que législateurs

46. Lors de son analyse horizontale à mi-parcours 2022 des rapports d'évaluation de référence du GREVIO 
			(16) 
			<a href='https://rm.coe.int/analyse-horizontale-a-mi-parcours-des-rapports-d-evaluation-de-referen/1680a5c3ab'>Analyse
horizontale à mi-parcours des rapports d’évaluation de référence
du GREVIO</a>, op. cit., le groupe indépendant d'experts sur la convention a noté que la ratification incitait un certain nombre de pays à modifier leurs politiques et législations qui ne portent pas seulement sur la violence domestique mais ciblent les diverses formes de violence couvertes par la convention. L’Espagne en est un exemple, qui a pris des mesures visant à étendre son action contre toutes les formes de violence à l’égard des femmes, au-delà de la violence domestique. En Andorre, en Autriche, à Malte, à Monaco et au Portugal, des normes législatives et politiques plus exigeantes ont été introduites, ce qui montre bien, selon le GREVIO, «la dynamique engendrée par la Convention d’Istanbul en faveur du changement ainsi que le degré élevé d’engagement des parties» 
			(17) 
			Ibid.: voir page 17
à propos de l'article 2: champ d’application de la convention..
47. De nombreux autres changements et des pratiques prometteuses dans la législation sont mis en lumière dans l’analyse horizontale, à la fois des mesures transversales et de la réglementation spécifique. En Belgique, par exemple, une loi du 12 janvier 2007 connue sous le nom de «Gender Mainstreaming», prévoit d’intégrer les principes fondamentaux d’égalité entre les femmes et les hommes et de non‑discrimination dans les politiques publiques, de leur élaboration à leur évaluation, en particulier dans leur exécution par les pouvoirs publics et leurs agents. Ce type de législation a été introduite dans plusieurs autres pays. Dans des domaines spécifiques comme la migration, un certain nombre de pays ont traduit dans la loi le droit d’une femme requérant l’asile à demander que la personne chargée de l’entretien et l’interprète soient des femmes – il s’agit de l’Autriche, de la Belgique, du Danemark, du Monténégro, des Pays-Bas, de la Suède et de la Serbie, où la loi a été amendée après ratification de la Convention d’Istanbul. En France, la réforme de l’asile lancée après la ratification de la Convention d’Istanbul offre aux demandeurs la possibilité non seulement de requérir que l’interprète et la personne chargée de l’entretien soient des femmes, mais aussi d’être accompagnés d’une tierce personne lors de l’entretien lié à l’entretien d’asile, qu’il s’agisse d’un avocat ou d’une avocate, ou d’un conseiller ou une conseillère membre d’une ONG spécialisée. D’autres législations relatives à des articles de la convention ont été introduites, comprenant des sujets tels que la protection et le soutien des victimes et des témoins, la priorisation des enquêtes sur la violence domestique et les crimes liés à la violence sexuelle, les problèmes de consentement, et bien d’autres.
48. Ce sont seulement quelques exemples des évolutions positives inspirées par la convention et mises en place grâce à des propositions de nouvelle législation. Toutefois, il ressort clairement des chapitres de l’analyse à mi-parcours consacrés aux défis de la mise en œuvre qu’il reste encore beaucoup à faire. La conclusion de cette analyse indique: «Il ressort clairement de ce qui précède que si toutes les Parties ont pris des mesures concrètes pour mettre en œuvre la convention, il leur reste encore des difficultés à surmonter, ce qui sera possible à condition qu’il y ait une volonté politique soutenue d’appliquer la convention et de lui donner un sens à l’échelon national. Cette analyse se veut donc un exercice d’état des lieux autant qu’un appel à l’action, aussi bien à l’intention des gouvernements qui ont déjà fait l’objet d’une évaluation que des prochains sur la liste du GREVIO». J’appelle toutes et tous mes collègues parlementaires à prendre note de cet appel résolu à l’action.

5.3. Le contrôle parlementaire de la mise en œuvre – essentiel pour le progrès sur le terrain

49. Dans son rapport d’évaluation de référence sur la Belgique, le GREVIO a considéré comme prometteuse et conforme à l’article 70, paragraphe 1, de la convention, la pratique émergente consistant à soumettre au parlement national ainsi qu’aux parlements des entités fédérées des rapports d’avancement sur la mise en œuvre du plan d’action national de lutte contre les violences à l’égard des femmes. Cela devrait être promu de manière généralisée par les parlementaires et fait partie des recommandations qui accompagnent ce rapport. La remise des rapports aux parlements, la priorité donnée à la discussion des conclusions et au suivi législatif le cas échéant constituent des phases essentielles d'une mise en œuvre efficace.
50. L'Assemblée devrait prévoir un examen annuel de l'action de mise en œuvre de la Convention d'Istanbul, invitant les membres à soumettre des informations sur cette action tant dans le cadre des rapports du GREVIO qu'en dehors des cycles d'évaluation, en vue d'améliorer la connaissance institutionnelle de ses dispositions et leur application dans les États Parties et l'amélioration de leur mise en œuvre par un large partage de pratiques et d'exemples de mesures législatives. Les recommandations du Comité des Parties à la Convention devraient être incluses dans cet examen. Sans une nouvelle visibilité et une priorité accordée à la mise en œuvre, les progrès indéniables des mesures de protection et de prévention affichés par le mécanisme de contrôle continueront d'être contredits par les statistiques toujours choquantes sur la violence à l'égard des femmes et la violence domestique.

6. Les défis à relever au niveau national – une étude de cas de la Türkiye

51. Les 6 et 7 juin 2022, j’ai effectué une visite d’information à Istanbul et Ankara, qui a été précieuse car elle m'a permis d'avoir une bonne vue d'ensemble des réponses nationales à la violence à l'égard des femmes dans ce pays, qui correspondent dans de nombreux domaines à celles des autres États membres du Conseil de l'Europe. Ma visite dans un pays qui ne fait plus partie de la convention peut ne pas paraître pertinente, mais un de mes objectifs était de militer pour le retour du pays, ce que j’ai pu faire sans rencontrer de réactions hostiles de la part des autorités que j’ai rencontrées. En tout cas, je suis revenue de cette visite encore plus convaincue des avantages de l'adhésion à la Convention d'Istanbul, tout en prenant note des politiques de lutte contre la violence mises en place, et je continuerai à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour encourager une nouvelle ratification de la part de la Türkiye.
52. Je tiens à remercier tout particulièrement le président de la délégation turque auprès de l’Assemblée, M. Ahmet Yildiz, pour avoir facilité mes rencontres à Ankara et pour la réunion bilatérale substantielle et ouverte que nous avons eue. Mes sincères remerciements vont également au secrétariat de la délégation, en particulier à Mme Handan Karakaş pour l'organisation efficace de la visite. J'ai également pu participer à un déjeuner de travail avec des membres du Parlement turc et de la délégation auprès de l'Assemblée – Sena Nur Çelik, Emine Nur Günay, Feleknas Uca ainsi que Fatma Aksal.
53. À Istanbul et à Ankara, j'ai rencontré un grand nombre de femmes professionnelles très dévouées et déterminées, travaillant pour des ONG défendant les droits des femmes dans tout le pays. Le jour même de ma visite à Ankara le Conseil d'État, la plus haute juridiction administrative de la Türkiye, tenait des audiences dans le cadre de plus de 200 recours demandant l'annulation de la décision du Président Erdoğan de retirer la Türkiye de la Convention d'Istanbul 
			(18) 
			Le 19 juillet, le Conseil
d’État a prononcé la légalité de la décision de retrait, malgré
le fait que le juge d’instruction, le procureur et deux des cinq
juges de la cour aient déclaré la décision du Président illégale.
Voir la déclaration de Eşik Platform (en anglais), qui promet des
appels contre la décision et «une action juridique y compris auprès
de la Cour européenne des Droits de l’Homme». “<a href='https://esikplatform.net/en/category/english/73929/we-give-up-not-a-word-of-the-istanbul-convention-despite-the-council-of-state-s-decision'>We
Give Up NOT A WORD of the Istanbul Convention, despite the Council
of State’s Decision!</a>”, The Women’s Platform for Equality – EŞİK, 22 juillet
2022.. Ainsi j’ai pu profiter de la présence de nombreuses avocates militantes de toute la Türkiye et échanger avec un groupe de 30 d'entre elles le soir, après avoir passé la journée à rencontrer les autorités compétentes. A Istanbul, j'ai eu la chance de bénéficier des locaux de la Fondation Refuge pour Femmes Mor Çatı (Toit Pourpre) 
			(19) 
			La Fondation s’engage
dans un travail essentiel, qui comprend conseil et assistance juridique,
en plus de ses actions concrètes d’hébergement de femmes. Ses soumissions
régulières aux Nations Unies servent de référence, par exemple le
rapport «Combating violence against women during the Coronavirus
outbreak» soumis à la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur
la violence contre les femmes et les filles. Voir <a href='https://en.morcati.org.tr/'>en.morcati.org.tr.</a> pour rencontrer et échanger avec la Fondation et avec d'autres ONG sur leur travail et les défis auxquels elles font face.
54. À la Fondation Mor Çatı, j'ai rencontré des représentantes de l'Association du barreau d'Istanbul, du Lobby européen des femmes, de la Coordination de la coalition des femmes pour la Türkiye, de Women for Women's Human Rights-New Ways, de la Fondation Bibliothèque et du Centre d'information des femmes et de l'Association Red Pepper. Lors d’une réunion ultérieure à Ankara, j'ai entendu et échangé avec d'autres représentantes du Lobby européen des femmes et de la Coalition des femmes, notamment pour les femmes handicapées, la Plateforme des femmes pour l'égalité Eşik Platform, l'Association de recherche et de solidarité culturelle gay et lesbienne KAOS-GL, l'Union des femmes turques (Türk Kadınlar Birliği), la Fédération des associations de femmes turques et le Barreau Hatice Demir Diyarbakir.
55. J'ai également rencontré Emma Sinclair-Webb, directrice associée et directrice de Human Rights Watch en Türkiye, qui a présenté un rapport tout récemment publié intitulé «La Türkiye échoue auprès des victimes de violence domestique» 
			(20) 
			<a href='https://www.hrw.org/fr/news/2022/05/26/la-turquie-ne-protege-pas-les-victimes-de-violence-domestique'>La
Turquie ne protège pas les victimes de violence domestique</a>, Human Rights Watch, 26 mai 2022. et a participé à la discussion. Elle m’a informée sur certaines des menaces qui pèsent sur les droits des femmes dans le pays, et je recommande vivement de consulter cette publication, dont j'ai également pu faire la promotion lors de ma rencontre au ministère de la Famille, où j’ai reçu l’assurance que l’ONG serait prochainement invitée à faire une présentation.
56. Mes entretiens avec les autorités turques visaient à examiner les dispositions actuelles en matière de protection des femmes contre la violence, afin de déterminer si la nouvelle législation nationale entrée en vigueur récemment est efficace pour lutter contre la violence à l'égard des femmes, et si elle reste inspirée des dispositions de la Convention. J'ai rencontré la Procureure, Mme Emine Avcıoğlu, M. Murat Çetinkaya, M. Ahmet Hamdi Taşyapan et Mme Elif Çelik au ministère de la Justice, le Dr Sibel Ozdemir, chef du département de lutte contre la violence à l'égard des femmes et de la famille de la police nationale turque, M. Şeref Malkoç, Médiateur en chef de Türkiye, avec Mme Fatma Benli Yalcin et Mme Celile Özlem Tunçak, Médiatrices, Mme Fatma Aksal, Présidente du Comité sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes et Mme Öznur Çalık, Présidente du Comité de recherche du parlement sur la violence contre les femmes, et enfin avec Mme Gülser Ustaoğlu, Chef de la Direction de la Condition Féminine au Ministère de la Famille et des Politiques Sociales.
57. De toute évidence, lorsqu'on utilise la Convention d'Istanbul comme curseur, les positions de la société civile et des autorités nationales s'opposent radicalement sur le besoin d’appartenir à la convention. En réalité, je crois que sur beaucoup des questions débattues, notamment celles concernant les mesures, actions et moyens déployés sur le terrain, les approches pourraient être moins irréconciliables et les manquements tragiques dans la protection des femmes contre la violence pourraient être mieux résolus par la coopération entre la société civile et les autorités nationales et régionales.
58. Cependant, des divergences culturelles et politiques – déjà présentes dans la société turque dans son ensemble – sont des obstacles au dialogue et au progrès, en particulier lorsqu'il s'agit de la protection contre la violence fondée sur le genre pour des groupes spécifiques tels que les femmes en situation de handicap, les femmes LBT et les minorités, et de l’accès de toutes les femmes à la santé et aux droits sexuels et reproductifs fondamentaux. La Convention d’Istanbul reste le meilleur cadre pour la protection, et dans certaines régions de la Türkiye, les autorités locales et les organisations de femmes continuent de modeler des politiques sur ses dispositions. Je serais extrêmement satisfaite si les autorités turques se rendaient compte que la convention n'a que des avantages pour la protection des femmes contre la violence et la prévention de la violence domestique et prenaient la décision de redevenir un État partie.

7. Conclusions

59. La Convention d'Istanbul est l'un des traités les plus jeunes et les plus dynamiques du Conseil de l'Europe. Ce fut un plaisir de faire le point sur la façon dont sa portée s'est développée au cours des huit dernières années depuis son entrée en vigueur et continue de se développer. Je félicite tous les intervenant·e·s qui ont travaillé pour assurer ce succès.
60. Tous les États membres du Conseil de l'Europe devraient ratifier et mettre en œuvre la convention si nous voulons avoir une chance de réduire la violence sexiste en Europe.
61. L'Assemblée et les parlements nationaux doivent intensifier leurs efforts pour promouvoir la Convention d'Istanbul et s'opposer fermement à ses détracteurs.
62. Le 4e Sommet des chefs d'État et de gouvernement du Conseil de l'Europe, annoncé pour mai 2023, sera une bonne occasion pour l'Organisation d'accorder une priorité renouvelée à la protection des femmes et des filles contre la violence et de faire avancer la mise en œuvre de la Convention d'Istanbul comme le meilleur moyen d'accomplir ce progrès. L'Assemblée espère que ce sera le cas.