1. Introduction
1. Le présent rapport repose sur
une décision du Bureau du 24 juin 2022. La commission des questions juridiques
et des droits de l’homme m’a nommé rapporteur lors de sa réunion
du 11 octobre 2022. Ce travail s’inscrit dans le contexte de deux
récents projets de loi au Royaume-Uni, en particulier le projet
de Charte des droits humains (
Bill of
Rights Bill) et le projet de loi sur l’immigration illégale
(
Illegal Migration Bill),
et des préoccupations que ces projets de loi «contiennent des dispositions
qui bafouent ouvertement les obligations du Royaume-Uni en vertu
de la Convention européenne des droits de l'homme»
.
2. Lors de sa réunion du 12 décembre 2022, la commission a tenu
un échange de vues avec la Commission mixte des droits de l'homme
du Parlement britannique (CMDH). La commission a tenu une nouvelle
audition le 22 mars 2023 avec la participation de Mme Sanchita
Hosali, directrice de l’Institut britannique des droits de l’homme
(Royaume-Uni), et a entendu un exposé préparé, par la baronne Hale, ancienne
présidente de la Cour suprême du Royaume-Uni, en son absence.
3. J'ai effectué une visite utile au Royaume-Uni les 28 et 29 mars
2023, au cours de laquelle j'ai rencontré des représentants d'organisations
de la société civile, des universitaires, des parlementaires, des
membres de la commission pour l'égalité et les droits de l'homme,
des responsables relevant de plusieurs ministères et le ministre
chargé des droits de l'homme. Je remercie également la commission
écossaise des droits de l'homme, la commission nord-irlandaise des
droits de l'homme et les organisations de la société civile pour
les informations qu'elles m'ont communiquées séparément.
4. Je commencerai par énoncer quelques principes de base relatifs
aux différentes manières dont les États membres donnent effet à
la Convention européenne des droits de l’homme (ETS no 5),
y compris le principe de subsidiarité (selon lequel les droits humains
devraient, en principe, être garantis par des mécanismes nationaux
plutôt que par le recours à la Cour européenne des droits de l’homme).
J'examinerai ensuite la manière dont le Royaume-Uni donne actuellement
effet à la Convention européenne des droits de l'homme par le biais
de la loi de 1998 sur les droits de l'homme (LDH); les principaux
éléments du projet de Charte des droits humains tel qu'il a été
présenté à la Chambre des Communes le 22 juin 2022; avant d’évaluer
les répercussions, du point de vue de la conformité avec les normes
internationales en matière de droits humains, y compris la Convention
européenne des droits de l’homme, du projet de loi sur l'immigration
illégale actuellement examiné par le Parlement britannique. Aux
fins du présent rapport, j'ai cherché à mettre l'accent sur les
propositions les plus pertinentes pour d’autres États également,
pour le respect de l'État de droit (y compris le respect du droit
international) et pour le système de la Convention européenne des
droits de l'homme.
2. L’obligation de garantir le respect
des droits humains et d’offrir un recours effectif en cas de violation
des droits humains: le principe de subsidiarité et l’application
des droits consacrés par la Convention européenne des droits de
l’homme dans les États membres
5. Tous les États membres du Conseil
de l’Europe sont parties contractantes à la Convention européenne des
droits de l’homme et, à ce titre, sont tenus en vertu du droit international
de respecter de bonne foi les obligations qui en découlent, notamment
l’obligation faite à chaque État de respecter les droits de l’homme énoncés
dans la Convention européenne des droits de l'homme pour «toute
personne» relevant de sa juridiction (article 1 de la Convention)
, ainsi que celle d’offrir
un recours effectif à toute personne dont les droits et libertés
ont été violés par cet État (article 13 de la Convention)
.
L’article 13 vise à garantir que les justiciables puissent obtenir,
au niveau national, la réparation des violations des droits consacrés
par la Convention, sans avoir à mettre en branle le mécanisme international
de grief devant la Cour européenne des droits de l'homme. L’article 13
exige l’existence d’un recours interne auprès d’une «instance nationale compétente»
offrant la possibilité d’obtenir l’examen du contenu d’un «grief
défendable» fondé sur la Convention et l’octroi de la réparation
appropriée
. Les États contractants disposent néanmoins
d’une certaine marge d’appréciation quant à la manière de se conformer
à leurs obligations nées de l’article 13
.
Lorsque les recours internes sont ineffectifs et ne satisfont pas
aux exigences de l’article 13, les justiciables sont contraints de
soumettre à la Cour européenne des droits de l'homme des griefs
qui auraient dû être examinés au sein de l’ordre juridique interne,
et le nombre d’affaires traitées par la Cour européenne des droits
de l'homme contre l’État concerné augmente. À l’inverse, lorsque
le système national d’application des droits consacrés par la Convention
européenne des droits de l'homme – et en particulier du droit à
un recours effectif – est efficace, le nombre d’affaires portées
devant la Cour européenne des droits de l'homme est naturellement
plus bas, de même que le nombre de violations constatées contre
cet État membre. Le recours à la Cour européenne des droits de l'homme
(article 34 de la Convention) ne devrait donc être nécessaire que
sous forme de procédure de secours à des fins de supervision
.
6. La mise en œuvre et le respect des droits et libertés consacrés
par la Convention européenne des droits de l’homme incombe avant
tout aux autorités nationales – et non à la Cour européenne des
droits de l’homme. Cela implique aussi que chaque État prenne des
mesures pour mettre en place un système d’application pratique et
efficace des droits de la Convention au niveau national, y compris
des voies de recours adéquates en cas de violation. Le principe
de subsidiarité s’exprime dans le nouveau considérant du préambule
de la Convention, ajouté par le Protocole 15 (STCE no 213):
«[a]ffirmant qu’il incombe au premier chef aux Hautes Parties contractantes,
conformément au principe de subsidiarité, de garantir le respect
des droits et libertés définis dans la présente Convention et ses
protocoles, et que, ce faisant, elles jouissent d’une marge d’appréciation,
sous le contrôle de la Cour européenne des droits de l’homme instituée
par la présente Convention».
7. La manière dont les États donnent effet à la Convention européenne
des droits de l’homme dépend de leurs constitutions et de leurs
systèmes juridiques respectifs. Certains États membres ont un système
moniste, c’est-à-dire qu’ils considèrent que les obligations de
droit international sont directement contraignantes en droit interne
(souvent à condition que le traité soit directement applicable)
. Cependant, même dans
les États monistes, il est généralement possible d’approfondir la
réflexion sur le meilleur moyen de donner effet aux droits protégés
par la Convention européenne des droits de l’homme, et d’assurer
leur application pratique. D’autres États membres ont des systèmes
dualistes, dans lesquels les obligations juridiques internationales doivent
être transposées ou incorporées d’une façon ou d’une autre en droit
interne afin d’avoir un effet juridique complet au niveau national.
En
pratique, de nombreux États ont opté pour un système mixte, entre monisme
et dualisme. Comme l'a noté M. George Katrougalos dans l'exposé
des motifs de son rapport intitulé «Convention européenne des droits
de l’homme et constitutions nationales», «ni le monisme ni le dualisme n’apportent
une réponse suffisante pour déterminer les facteurs qui influencent
l’intégration des traités relatifs aux droits de l’homme en droit
interne, et les États peuvent très bien réussir à mettre en œuvre
ces traités, quelle que soit l’approche adoptée
».
Il est important de noter qu’indépendamment du système et de la
marge d’appréciation, un État ne peut pas invoquer son droit interne,
y compris son système constitutionnel, pour justifier le non-respect
de ses obligations de droit international au titre de la Convention
européenne des droits de l’homme
.
3. La
loi britannique de 1998 sur les droits de l’homme (Human Rights
Act)
8. Jusqu’à l’adoption en 1998
de la loi sur les droits de l’homme, le Royaume-Uni n’avait pas
directement incorporé les droits consacrés par la Convention européenne
des droits de l'homme dans son droit interne
. Certains
droits étaient protégés par les lois ordinaires, ou par le droit
commun britannique (la
common law),
et la Convention européenne des droits de l'homme avait un certain
effet en droit interne, mais elle n’était pas directement applicable
. Les justiciables avaient
donc plus souvent besoin de recourir à la protection de la Cour
européenne des droits de l'homme pour faire valoir leurs droits,
ce qui était un processus à la fois long et coûteux. En outre, en
raison de l’absence d’incorporation, les tribunaux nationaux ne
prenaient que rarement en considération l’étendue des droits consacrés
par la Convention européenne des droits de l'homme et ne tenaient
donc que rarement compte de la jurisprudence de la Cour européenne
des droits de l'homme – cette dernière et les tribunaux nationaux
abordaient donc souvent les affaires avec une méthodologie et un argumentaire
différents.
9. La LDH a cherché à résoudre ces problèmes et à «rapatrier»
ces droits au niveau national en créant un meilleur système d’application
des droits consacrés par la Convention européenne des droits de
l'homme, étroitement lié à la méthodologie du système de la Convention
.
Cette approche a permis de porter les recours relatifs aux droits
humains devant les tribunaux nationaux et d’intégrer les réflexions
sur les droits humains dans l’élaboration des politiques et les
activités opérationnelles des pouvoirs publics. Dans ma note introductive,
j'ai exposé les principaux éléments de la LDH et leur mode de fonctionnement
. Comme
indiqué par la baronne Hale, ancienne présidente de la Cour suprême
du Royaume-Uni, dans sa déclaration à la commission, la LDH répond
à l'obligation qui incombe au Royaume-Uni de disposer d'un recours
interne effectif pour garantir le respect des droits garantis par
la Convention, par les moyens suivants:
a. Incorporer les droits consacrés par la Convention dans
le droit britannique;
b. Prévoir qu’il est contraire à loi, pour toute autorité
publique, d’agir d’une façon qui n’est pas compatible avec les droits
consacrés par la Convention;
c. Donner aux victimes la possibilité de déposer un recours
devant les cours et tribunaux britanniques;
d. Exiger que les cours et tribunaux britanniques «tiennent
compte» des arrêts et décisions de la Cour européenne des droits
de l'homme et d'autres organes du Conseil de l'Europe;
e. Exiger que chacun «interprète et applique» la législation
britannique sous toutes ses formes et chaque fois qu'elle est adoptée
d'une manière compatible avec les droits consacrés par la Convention
«dans la mesure du possible»;
f. Si cela n'est pas possible, habiliter les cours et tribunaux
à ignorer les dispositions incompatibles de la réglementation d’application,
mais pas celles des lois du Parlement britannique, qui restent valables;
g. Exiger que tout ministre du gouvernement responsable d’un
projet de loi présenté au parlement fasse une déclaration dans laquelle
il/elle indique si ce projet est compatible ou non avec les droits
consacrés par la Convention .
10. Les données sur les affaires britanniques portées devant la
Cour européenne des droits de l’homme illustrent l’efficacité de
la LDH pour ce qui est de faire appliquer les droits humains au
niveau national, ce qui nécessite peu de recours au rôle de supervision
de la Cour européenne des droits de l'homme en la matière. Les statistiques
récentes montrent que le Royaume-Uni détient le plus faible nombre
de requêtes introduites à son encontre, par habitant, de tous les
États membres, ainsi que le plus faible nombre de requêtes recevables
et le plus faible nombre de violations
. Les organisations de la société
civile qui représentent des groupes marginalisés ont également souligné
l’importance de la LDH pour permettre aux justiciables de faire valoir
leurs droits.
4. Réforme
de la loi britannique sur les droits de l'homme et le projet de
Charte des droits humains
11. La réforme de la LDH est à
l'ordre du jour depuis une vingtaine d'années, comme je l'ai indiqué
dans ma note introductive
. À
la suite du manifeste du Parti conservateur de 2019, le gouvernement
a mis en place un panel indépendant d’évaluation de la loi sur les
droits de l'homme (IHRAR) en décembre 2020, présidé par Sir Peter
Gross. Le panel a publié son rapport contenant une analyse détaillée
le 14 décembre 2021. Ce rapport proposait d’apporter de très légères
modifications à la LDH et indiquait que «la grande majorité des observations»
qu’il avait reçues «étaient extrêmement favorables à la LDH»
.
12. Le 22 juin 2022, le Gouvernement britannique a présenté à
la Chambre des communes le projet de Charte des droits humains,
qui contenait des changements assez importants en matière de protection
des droits humains au Royaume-Uni. Ces modifications étaient très
différentes des recommandations énoncées dans le rapport de l’IHRAR
.
Le projet, qui a reçu un faible soutien, n'a toujours pas connu
d’avancées au sein du parlement, et beaucoup doutent qu'il y parvienne
.
Le projet de Charte des droits humains est supposé abroger et remplacer
la LDH. Il contient la même liste de droits que l’annexe de la LDH,
et un grand nombre de ses dispositions sont très similaires (sinon
identiques) à celles de la LDH. Il apporte toutefois des changements
significatifs qui semblent restreindre la protection des droits
humains au Royaume-Uni à certains égards. Il s’agit là d’un rare
exemple de Charte des droits humains qui semble limiter, plus qu’améliorer,
un système de protection des droits.
13. De façon inhabituelle, le projet de charte contient un certain
nombre de dispositions qui ne semblent pas véritablement modifier
le droit sur le fond, mais qui créent potentiellement une grande
confusion ou incertitude juridique. Comme l’a écrit la CMDH, le
projet de Charte «affaiblit la protection des droits, il sape l’universalité des
droits, il fait preuve de mépris pour nos obligations juridiques
internationales; il crée une insécurité juridique et entrave l’efficacité
de l’application; il entraînera une augmentation du nombre d’affaires
à Strasbourg; et nuira à notre réputation internationale en tant
que gardiens des droits humains»
.
Le projet de Charte des droits humains est également controversé
sur le plan du principe de dévolution, étant donné le rôle spécial accordé
à la LDH dans les accords de dévolution de l’Irlande du Nord, de
l’Écosse et du Pays de Galles, ainsi que la place particulière des
droits humains dans le processus de paix en Irlande du Nord
.
14. Dans ma note introductive, j'ai exposé les éléments principaux
du projet de Charte des droits humains et analysé leur incidence
sur la mise en œuvre des droits humains au Royaume-Uni
. Dans
un souci de concision, je n'ai pas repris ici l’intégralité de cette
analyse. Les principaux éléments de la Charte des droits humains
(et de différence avec l'actuelle LDH) sont les suivants:
a. Le projet de charte dissocierait
l’interprétation des droits consacrés par la Convention européenne
des droits de l’homme, de la jurisprudence de la Cour européenne
des droits de l’homme [article 3 (ancien article 2 de la LDH)].
b. Le projet de charte abrogerait l’obligation d’interprétation
[article 3 de la LDH] qui exige des tribunaux et des pouvoirs publics
une interprétation de la législation compatible avec les droits
consacrés par la Convention européenne des droits de l’homme «dans
la mesure du possible». [Voir l’analyse dans le paragraphe 16 ci-après].
c. Le projet de charte exigerait qu'un «poids important»
soit accordé à certaines considérations, y compris la liberté d'expression
[article 4] et la protection du public [article 6], d'une manière
qui pourrait perturber un exercice d'équilibre approprié impliquant
d'autres droits qualifiés dans la Convention européenne des droits
de l’homme.
d. Le projet de charte réduirait la capacité des tribunaux
britanniques à faire respecter les obligations positives de l’État
en matière de protection des droits humains [article 5]. (Voir l'analyse
aux paragraphes 18 et 19 ci-après).
e. Le projet de charte viserait à renforcer le rôle du parlement
par rapport à celui des tribunaux dans la recherche d’un équilibre
autour du respect des droits humains avec le risque qui en découlerait
de conduire à des résultats «incompatibles avec les obligations
du Royaume-Uni en vertu de la Convention» [article
7]; or, parallèlement, il semble affaiblir la capacité du parlement
à obtenir des informations de l’exécutif sur la compatibilité des
projets de loi avec les droits humains [abrogation de l'article
19 de la LDH], et crée une obligation spécifique pour le Secrétaire
d’État de notifier au parlement tout arrêt défavorable rendu par
la Cour européenne des droits de l'homme contre le Royaume-Uni,
ou bien une déclaration unilatérale du Royaume-Uni [article 25].
f. Le projet de charte contiendrait des dispositions relatives
à deux difficultés juridiques particulières que présente l’expulsion
des étrangers. L’article 8 vise à réduire la capacité d’un «délinquant
étranger» (ressortissant non britannique condamné à plus de 12 mois
d’emprisonnement) à invoquer le droit au respect de sa vie privée
et familiale (article 8 de la Convention) lorsqu’il conteste la
compatibilité de la législation relative à l’expulsion des étrangers.
Comme l'a noté la CMDH, il le fait d'une manière qui «reviendrait
à supprimer presque entièrement les droits de l'article 8» et serait
«probablement incompatible avec les exigences procédurales de l'article
8» . L’article 20 vise à limiter le pouvoir
des tribunaux, dans les cas d’expulsion «assortie d’assurances»,
d’autoriser les recours déposés par des «criminels étrangers» contre
des décisions d’expulsion pour des motifs qui remettent en question
la nature des garanties relatives au droit à un procès équitable.
Bien que l'impact de cet article soit probablement limité, «l'absence
d'évaluation adéquate du caractère suffisant des garanties en cas d’expulsion
peut constituer une violation de l'article 6 et de l'article 13» .
g. L’article 14 supprimerait la possibilité pour les victimes
de violations des droits humains commises à l’occasion d’une opération
militaire à l’étranger de faire valoir leurs droits en vertu de
la Convention européenne des droits de l’homme. Toutefois, cet article
est subordonné à une disposition qui prévoit qu’il entrera en vigueur
uniquement si le ministre est convaincu qu’il est compatible avec
les obligations du Royaume-Uni en matière de droits humains [clause 39].
[Voir l'analyse aux paragraphes 21 et 22 ci-après.]
h. L’article 24 prévoirait qu’il ne doit être tenu compte
d’aucune mesure provisoire «aux fins de déterminer, en vertu du
droit interne, les droits et obligations» d’une autorité publique
ou de toute autre personne. [Voir l’analyse au paragraphe 23 ci-après.]
i. Un certain nombre de dispositions visent à limiter l’accès
aux recours en réparation ou aux dommages et intérêts pour ceux
qui intentent des actions en justice fondées sur des violations
des droits humains. L’article 15 introduit une nouvelle étape d’autorisation
avant qu’une procédure puisse être engagée sur la base de la Charte
des droits humains; il prévoit en effet que le requérant doit avoir
subi un «préjudice important» (à moins que l’affaire ne présente
un «intérêt public exceptionnel»), une exigence qui compromettrait
l’engagement du Royaume-Uni de garantir les droits humains et violerait
les obligations de droit international lui incombant au titre de
la Convention . L'article 18 limite
l'octroi de dommages-intérêts en cas de violation des droits humains,
notamment en tenant compte du comportement de la victime, ce qui
s'écarte de la jurisprudence de la Convention européenne des droits
de l'homme et semble aller à l'encontre du principe de l'universalité
des droits humains.
j. D'autres articles portent sur des droits spécifiques:
l’article 9, par exemple, prévoit que l'un des moyens de garantir
le droit à un procès équitable (article 6 de la Convention) au Royaume-Uni
est le procès avec jury, et l’article 21 rendrait plus difficile
la possibilité pour les tribunaux d'exiger la divulgation des sources journalistiques.
15. Je tiens à souligner les préoccupations spécifiques concernant
l'abrogation de l'obligation d'interprétation de l'article 3 de
la LDH, l'impact sur les obligations positives, les violations des
droits humains résultant d'opérations militaires à l'étranger et
les mesures provisoires.
4.1. L'abrogation
de l'article 3 de la LDH
16. La suppression de l'obligation
d'interprétation [article 3 de la LDH] qui exige que les tribunaux
et les autorités publiques interprètent la législation de manière
compatible avec les droits consacrés par la Convention européenne
des droits de l'homme, «dans la mesure du possible», mérite un examen
plus approfondi. Cette disposition est d’autant plus pertinente
parce que des dispositions similaires ont été introduites par la
suite dans d’autres projets de loi déposés devant le parlement,
notamment l’article 1(5) du projet de loi sur l’immigration illégale,
et les articles 42, 43 et 44 du projet de loi sur les victimes et
les détenus, supprimant l'obligation d'interprétation de l'article
3 de la LDH pour cette législation.
17. Cette disposition semble inutile car «l'article 3 ne porte
pas atteinte à la souveraineté parlementaire»
. À la suite de
cette abrogation, les principes d’interprétation de la
common law resteraient applicables
et contribueraient à garantir que les dispositions législatives
ambiguës ou imprécises soient interprétées de manière compatible
avec les droits consacrés par la Convention européenne des droits
de l'homme
. Toutefois, l’abrogation de l’article
3 de la LDH réduirait la portée de l’obligation d’interprétation
aux seules dispositions ambiguës, incertaines ou excessivement générales.
Cela signifie qu’il est probable qu’un plus grand nombre de lois
seront interprétées d’une manière incompatible avec les droits consacrés
par la Convention européenne des droits de l'homme, ce qui pourrait
nécessiter davantage de déclarations d’incompatibilité et de requêtes
devant la Cour européenne des droits de l'homme, et accroître la
pression exercée sur le parlement et le gouvernement pour qu’ils
consacrent suffisamment de temps à la résolution de ces incompatibilités.
Le projet de charte crée également une certaine confusion quant
au statut des interprétations préexistantes de la loi fondées sur
l’article 3 de la LDH
.
Cela ajoute au risque de voir émerger une période d’incertitude
juridique après l’entrée en vigueur de la Charte des droits humains.
Certes, le projet de Charte des droits humains pourrait ne pas entrer
en vigueur, mais la disposition équivalente du projet de loi sur
l’immigration illégale et du projet de loi sur les victimes et les
détenus pourrait bien, quant à elle, l’être, ce qui écarterait l'obligation
d'interprétation de l'article 3 de la LDH pour ces projets de loi.
Il en résultera un risque accru d'interprétations incompatibles
de ces lois et la nécessité de saisir les tribunaux nationaux et
la Cour européenne des droits de l'homme pour régler de nouveaux
litiges.
4.2. Obligations
positives
18. La charte réduirait la capacité
des tribunaux britanniques à faire respecter les obligations positives
de l’État en matière de protection des droits humains. L’article
5 interdirait aux tribunaux britanniques d’appliquer toute nouvelle
obligation positive développée par la jurisprudence de la Cour européenne
des droits de l'homme après la promulgation de la Charte des droits
humains. Cette disposition semble aller clairement à l'encontre
de la doctrine de l'instrument vivant. Elle gèlerait le développement
d'obligations positives, de sorte qu'à terme, aucune nouvelle obligation
positive ne pourrait être directement appliquée au Royaume-Uni sans modification
de la législation britannique. L’article 5 exigerait par ailleurs
que les tribunaux, lorsqu’ils appliquent une obligation positive
existante, accordent un «poids important» à l’évitement de certains
problèmes, y compris la nécessité d’éviter de nuire à la capacité
d’une autorité publique d’exercer ses fonctions ou celle d’éviter
une interprétation qui déterminerait les priorités opérationnelles
de la police, ou exigerait un niveau déraisonnable d’enquête ou
d’instruction, ou serait en conflit avec des questions relatives
à l’allocation des ressources
. Cela limiterait également l’application
des obligations positives existantes dans le droit interne britannique.
19. L’article 5 semble encourager une application plus limitée
des obligations positives que celle définie dans la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l'homme. La CMDH précise à cet
égard que «les obligations positives découlant de la Convention
figurent expressément ou implicitement dans les droits consacrés
par la Convention et constituent un mécanisme important pour assurer
la protection des droits de toutes les personnes relevant de la
juridiction de l'État», et note leur importance dans la protection
des personnes victimes de violence familiale, de violences «motivées
par des considérations d'honneur» ou de harcèlement. Elle conclut
ensuite que l’article 5 est «très susceptible» de conduire à des
divergences d’interprétation des droits consacrés par la Convention
au Royaume-Uni et par la Cour européenne des droits de l'homme,
ainsi qu'à une incertitude et à une augmentation des litiges
. La baronne Hale
constate que ce point est «particulièrement préoccupant pour les
droits absolus et auxquels on ne peut pas déroger des articles 2,
3 et 4», à savoir l’interdiction de tuer, de torturer et de réduire
en esclavage, chacun d'entre eux étant assorti d'une série d'obligations
positives «de disposer d’un système de textes législatifs et réglementaires
pour protéger le droit, d'enquêter sur les violations éventuelles
et de traduire leurs auteurs en justice et, dans certaines circonstances,
de protéger les victimes à risques
».
L'impact potentiel sur les victimes de violence domestique, de violence
à l'égard des femmes ou sur les personnes pouvant faire l’objet
d’attaques ciblées a été jugé préoccupant
.
20. Il existe un risque non négligeable que cette disposition
oblige les individus à former un recours devant la Cour européenne
des droits de l'homme pour faire valoir leurs droits, et entraîne
une augmentation des arrêts défavorables rendus par la Cour européenne
des droits de l'homme à l’encontre du Royaume-Uni.
4.3. Opérations
militaires à l’étranger
21. La compétence extraterritoriale
en cas de conflit en dehors de l’espace territorial européen est
jugée discutable en raison des difficultés pratiques que représente
la garantie des droits humains dans une zone sur laquelle un État
a un contrôle limité et en raison des différences entre le droit
international des droits humains et la lex
specialis – le droit international humanitaire. Cependant,
étant donné la jurisprudence de la Cour européenne des droits de
l'homme sur l’article 1 relatif à la «compétence extraterritoriale»,
il est clair que l'exclusion, dans l’article 14 du projet de Charte,
de la responsabilité pour les actes commis par des agents de l'État
durant les opérations militaires à l'étranger, sans mettre en place
un mécanisme alternatif d’accès à un recours effectif, ne serait
pas compatible avec l’obligation du Royaume-Uni de fournir un mécanisme
d’accès à un recours effectif (articles 1, 13 de la Convention,
etc.) en cas de violation d’un droit consacré par la Convention.
22. Comme l'a déclaré Edward Fitzgerald KC, «cette situation est
tout à fait contraire aux exigences de la Convention et du droit
international, et créerait une divergence entre les obligations
[du Royaume-Uni] nées des dispositions des traités et du droit interne»
.
Il est à noter que l'examen indépendant de la loi sur les droits de
l'homme
et le document de
consultation du Gouvernement britannique
semblent tous deux indiquer que le Gouvernement
britannique pourrait souhaiter entamer un débat sur l'étendue de
la compétence au titre de l'article 1 de la Convention pour les
opérations militaires à l'étranger. Or la bonne manière de procéder,
tout en respectant l'État de droit, consiste à débattre de ces questions
au niveau international plutôt que de chercher à légiférer unilatéralement
d'une manière qui laisse entendre une intention de ne pas se conformer
au droit international. La mise en place dans la législation d'une
disposition telle que l’article 14, qui, si elle entrait en vigueur,
violerait les obligations internationales qui incombent au Royaume-Uni
au titre de la Convention européenne des droits de l'homme, pose
problème pour le respect de l'État de droit et des droits humains.
4.4. Mesures
provisoires
23. Les mesures provisoires sont
destinées à prévenir tout dommage irréparable dans une affaire pendante devant
la Cour européenne des droits de l'homme. Celle-ci prend des mesures
provisoires lorsqu’elle estime qu’il existe un «risque imminent
de dommage irréparable» susceptible d’empêcher un requérant d’introduire une
requête ou de rendre cette requête sans objet. Les mesures provisoires
ne sont pas expressément mentionnées dans la Convention européenne
des droits de l'homme, mais la Cour européenne des droits de l'homme
a élaboré une jurisprudence et une pratique en vertu desquelles
les mesures provisoires émises au titre de l'article 39 du règlement
de la Cour sont contraignantes en droit international afin de donner
pleinement effet au droit de requête individuelle prévu à l'article
34 de la Convention
.
L'article 34 de la Convention n'a pas été incorporé en tant que
tel dans le droit national britannique, mais le Gouvernement britannique
a mis en place des procédures pour se conformer aux mesures provisoires
selon le droit international
.
Le Gouvernement britannique, qui respecte généralement les mesures
provisoires, semble accepter qu’elles soient contraignantes selon
le droit international, nonobstant certaines opinions politiques
exprimées à ce sujet. L’article 24 du projet de Charte des droits
humains prévoit qu’il ne doit être tenu compte d’aucune mesure provisoire
«aux fins de déterminer, en vertu du droit interne, les droits et
obligations» d’une autorité publique ou de toute autre personne.
Cette disposition pourrait être interprétée comme une affirmation
forte du dualisme indiquant qu'il n'y aurait pas de véritable changement
dans la conduite future du Royaume-Uni en matière de mesures provisoires.
Toutefois, certains craignent qu'elle puisse indiquer une approche
différente et, à première vue, elle a créé une certaine confusion
en conduisant à se demander s’il fallait y voir un signe que le Royaume-Uni
ne respecterait pas les mesures provisoires. L'ancien juge de la
Cour suprême du Royaume-Uni, Lord Mance, a déclaré qu' «il est extraordinaire
de voir une législation proposant d'interdire à l'avenir à tout
tribunal national de tenir compte de toute mesure provisoire émise
par la Cour européenne des droits de l'homme»
.
Cette clause ne semble pas avoir d'autre effet que de semer la confusion
et de suggérer un mépris potentiel de l'État de droit. Un article
récemment inséré dans le projet de loi sur l'immigration illégale
à ce sujet (voir les paragraphes 47-49 ci-dessous) n’a fait qu’ajouter
à la confusion.
4.5. Commentaires
généraux relatifs au projet de Charte des droits humains
24. Le projet de Charte des droits
humains a fait l’objet de critiques et de scepticisme importants.
La plupart, sinon la totalité, des organisations de la société civile
du Royaume-Uni ont exprimé leur grande inquiétude et leur opposition
à ce projet de loi, que beaucoup qualifient de «projet de loi de
suppression des droits»
. Sir Peter Gross, qui a présidé
les travaux du panel d'experts de l'IHRAR, a déclaré: «En général,
une charte des droits reflète des valeurs fondamentales et durables
et constitue un document édifiant, qui exige et inspire un large
consensus. Ce projet de Charte des droits humains n’est pas une
charte des droits humains. L'étiqueter comme tel ne sert qu'à encourager
le cynisme»
.
25. Certaines des clauses semblent être peu effectives mais créeraient
très certainement une incertitude juridique et des obstacles potentiels
à l’application des droits humains. D’autres clauses sont plus manifestement
problématiques, comme celles qui imposent des limites à l’application
des obligations positives ou à la prise en compte des violations
des droits humains liées aux opérations militaires à l’étranger.
Des doutes ont été exprimés quant à la conformité du projet de charte
avec la Convention européenne des droits de l'homme. Lord Pannick
QC a déclaré à cet égard qu’«aucune personne sérieuse ne peut raisonnablement penser
que le projet de Charte des droits humains est conforme à la Convention
européenne des droits de l’homme»
.
26. Lord Mance a noté un certain nombre de préoccupations pertinentes
concernant les dispositions de ce projet de charte, tout en soulignant
le rôle important que doit jouer l'État de droit, ainsi que la souveraineté parlementaire,
en tant que deux piliers de la démocratie britannique. Il s'inquiète
du fait que le projet de loi semble «inviter ou influencer les tribunaux
à ‘s'écarter plus librement’ de la Cour de Strasbourg», et qu’il pourrait,
«au niveau international, changer la relation de ce pays avec la
Convention européenne des droits de l'homme et avec la Cour européenne
des droits de l’homme en particulier
». Les dispositions
du projet de charte des droits humains sont globalement susceptibles
d'augmenter le nombre d'arrêts défavorables de la Cour européenne
des droits de l'homme à l'encontre du Royaume-Uni et d'accroître
le degré d'incompatibilité de la législation britannique avec les
droits humains (ainsi que les retards dans la résolution de ces incompatibilités).
Compte tenu du caractère potentiellement ambigu de certaines dispositions
du projet de charte (par exemple l’article relatif aux mesures provisoires)
et de l'augmentation globale du nombre d’arrêts défavorables, il
est probable que le projet de charte aura pour incidence principale
d'entraver l'application effective des droits humains au Royaume-Uni
et d'accroître les tensions politiques qui leur sont liées. La baronne
Hale a fait remarquer à ce sujet que le projet de charte «réduira
la protection actuellement accordée aux droits consacrés par la
Convention dans le droit britannique, dissociera le droit britannique
des droits de l'homme de celui de Strasbourg, et soulèvera des doutes
sur l’existence en droit britannique d’un recours interne effectif
en cas de violation des droits consacrés par la Convention»
.
27. Le projet de charte a fait couler beaucoup d'encre et je salue
en particulier l'analyse et les conclusions de la CMDH sur ce sujet
. Il est bon que
le parlement dispose d'analyses aussi détaillées de l'incidence
de la législation qui lui est soumis sur les droits humains. Une
telle approche est conforme à la
Résolution 1823 (2011) «Les parlements nationaux: garants des droits de l’homme
en Europe», qui, à son paragraphe 6.4, «appelle tous les États membres
à prévoir des procédures parlementaires adéquates pour vérifier systématiquement
la compatibilité des projets de législation avec les normes de la
Convention et éviter de futures violations de la Convention».
28. Il est peut-être possible de veiller à ce que l’analyse fournie
initialement au parlement lors de la présentation d’un projet de
loi du gouvernement soit à la fois suffisamment indépendante du
gouvernement et de ses priorités politiques, et suffisamment franche
et transparente. Bien que le Bureau de l’Attorney
General joue un rôle interne au gouvernement en examinant
la compatibilité des projets de loi du gouvernement avec l’État
de droit, y compris le droit international, l’objectivité de tels
conseils pourrait être perçue comme étant affectée par l’attitude
du ministre (l’Attorney General)
responsable de ce département à l’époque considérée. De plus, le
fait que l’avis de l’Attorney General ne
soit pas publié n’aide pas le législateur à déterminer si un projet
de loi dont il est saisi risque de porter atteinte à l’État de droit.
L’analyse qui est ensuite publiée par le gouvernement dans le mémorandum
de la Convention européenne des droits de l'homme (ou les notes explicatives)
risque donc d’être considérée comme une image partielle pouvant
être politiquement motivée – et peut être indûment orientée sur
les droits consacrés par la Convention européenne des droits de
l’homme, au détriment d’autres considérations importantes relatives
à l’État de droit et aux droits humains. Alors que les commissions
parlementaires, y compris la CMDH, tentent de pallier ce manque
d’analyse objective, on pourrait réfléchir à la meilleure façon
d’améliorer l’impartialité et la transparence de l’analyse initialement
fournie. D’autres États ont des solutions alternatives avec, par
exemple, un Conseil d’État fournissant des avis, habituellement
publiés, sur les projets de loi. Une approche plus indépendante
et transparente peut permettre de démontrer qu’un niveau approprié
d’analyse a été entrepris pour s’assurer que les incidences de la législation
sur l’État de droit ont été pleinement considérées. C’est sans doute
d’autant plus important dans un pays sans constitution écrite où
l’analyse de l’État de droit remplit donc une fonction encore plus
importante.
29. Le Parlement et le Gouvernement du Royaume-Uni souhaiteront
peut-être examiner la possibilité d’améliorer les mécanismes permettant
d’assurer l’indépendance, la transparence et les délais de dépôt
des évaluations des incidences des projets de loi sur l’État de
droit et les droits humains. Les Chambres du Parlement voudront
peut-être aussi examiner la meilleure façon de veiller à ce que
ces évaluations relatives aux incidences des projets de loi sur
l’État de droit et les droits humains, y compris sous la forme de
rapports utiles existants des commissions parlementaires, puissent
être dûment prises en considération et en temps opportun lorsque
le parlement légifère.
5. Le
projet de loi sur l'immigration illégale
30. Le projet de loi sur l’immigration
illégale a été présenté à la Chambre des communes le 7 mars 2023. Alors
que les questions de migration relèvent de l'examen spécialisé de
la commission des migrants, des réfugiés et des personnes déplacées
de l'Assemblée parlementaire, le projet de loi soulève un certain
nombre de questions fondamentales relatives au respect du droit
international, notamment de la Convention européenne des droits
de l'homme, en lien avec les thèmes relatifs à la réforme de la
législation britannique en matière de droits humains
. En outre, si le processus
législatif du projet de Charte des droits humains semble ralenti
au sein du parlement, le projet de loi sur l’immigration illégale,
quant à lui, a progressé à un certain rythme. Il est donc opportun
d'examiner certains aspects de ce projet de loi dans le cadre de
ces travaux.
31. Le projet de loi sur l'immigration illégale contient des dispositions
relatives, en particulier, au renvoi; aux griefs et recours à effet
suspensif et non suspensif; aux restrictions des droits des victimes
de l'esclavage moderne et de la traite des êtres humains; aux demandes
d'asile irrecevables; aux recours provisoires et aux mesures provisoires;
à la détention; aux enfants; aux restrictions aux permis d'entrée
et de séjour et à l'obtention de la nationalité; aux itinéraires
d'accès sûrs et légaux. De nombreuses dispositions de ce texte (y compris
celles relatives aux mesures provisoires) ont été déposées en tant
que «clauses suspensives» (en effet, les clauses proprement dites
ont été introduites à un stade ultérieur dans l'examen parlementaire
du projet de loi), nuisant à un contrôle parlementaire efficace.
32. Le projet de loi soulève des préoccupations quant à la compatibilité
avec la Convention européenne des droits de l'homme, la Convention
de 1951 relative au statut des réfugiés et son Protocole de 1967
(la Convention des Nations Unies sur les réfugiés), la Convention
du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains
(STCE n° 197) et la Convention des Nations Unies relative aux droits
de l’enfant
.
Comme l'a déclaré le Haut Commissaire des Nations Unies pour les
réfugiés (HCR), «le projet de loi, s'il était adopté, enfreindrait
les obligations du Royaume-Uni découlant de la Convention sur les
réfugiés, de la Convention de 1954 relative au statut des apatrides,
de la Convention de 1961 sur la réduction des cas d'apatridie et
du droit international en matière de droits humains»
.
En outre, d’aucuns estiment que «le projet de loi est utilisé comme
prétexte pour créer un différend avec la Cour européenne des droits
de l'homme sur la mise en oeuvre de tout arrêt défavorable ou déclaration
d'incompatibilité devant les tribunaux nationaux, ce qui pourrait précipiter
les propositions de retrait de la Convention»
.
33. Le Gouvernement britannique a exprimé son inquiétude compréhensible
face au nombre de demandeurs d'asile qui entreprennent des voyages
dangereux, souvent sur de petites embarcations précaires, à travers
la Manche. De tels trajets présentent en eux-mêmes un risque pour
le droit à la vie (article 2), étant donné leur nature périlleuse
dans l'une des voies de navigation les plus fréquentées au monde
et souvent dans des eaux agitées
. Toutefois, il est important que
toutes les mesures prises pour répondre à ces préoccupations respectent
elles-mêmes les droits humains, y compris les droits des enfants,
des réfugiés et des personnes exploitées par les trafiquants d'êtres
humains. Comme l'a noté le HCR, l'un des moyens d'y parvenir pourrait
être d'assurer une prise de décision rapide, équitable et efficace
au sein du système d'asile
.
34. Dans une déclaration adoptée à l’unanimité le 24 avril 2023,
la commission des migrants, des réfugiés et des personnes déplacées
de l’Assemblée a déjà exprimé son inquiétude quant aux conséquences
du projet de loi sur l’immigration illégale
. Elle y indique que «les
dispositions de ce projet de loi constituent une distorsion délibérée
des conventions fondamentales des Nations Unies et européennes,
que le Royaume-Uni a lui-même contribué à élaborer. Ces dispositions
compromettraient le droit à un recours effectif, violeraient le principe
de non-refoulement, mettraient en danger les victimes du travail
forcé et de l'esclavage moderne, et priveraient les demandeurs d’une
protection internationale de leur droit à demander l'asile, sans
tenir compte de l'intérêt supérieur de l'enfant». La commission
a poursuivi en notant que «La non-discrimination, la non-pénalisation
et le non-refoulement sont les piliers de la Convention relative
au statut des réfugiés qui exigent un accès effectif à des procédures
équitables et individualisées. Dans la pratique, l'application de
ces principes fondamentaux peut s'avérer difficile pour les autorités
nationales et locales lorsqu'il s'agit de statuer équitablement
sur les demandes individuelles. Néanmoins, les changements législatifs
répétés au Royaume-Uni aboutissent à la suppression d'une protection
indispensable pour les réfugiés et les victimes de la traite, ce
qui constitue un grave manque de respect des normes fondamentales
relatives aux droits humains. De telles mesures ne constituent pas
une réponse politique valable au regard des questions en jeu». Je
partage pleinement ces préoccupations.
35. La déclaration de la commission des migrations fait suite
à l’adoption de la
Résolution
2408 (2021) «70e anniversaire de la Convention de 1951 relative
au statut des réfugiés: le Conseil de l’Europe et la protection internationale
des réfugiés», dans laquelle l’Assemblée soulignait «l’urgence de
renforcer l’engagement des États membres du Conseil de l’Europe
à veiller au respect des droits fondamentaux des personnes qui fuient leurs
pays d’origine pour des motifs spécifiés dans la Convention de 1951
relative au statut des réfugiés»
. La même année, l’Assemblée, dans
sa
Résolution 2379 (2021) «Rôle des parlements dans la mise en œuvre des pactes
mondiaux des Nations Unies pour les migrants et les réfugiés», a
réitéré son appel «à protéger et promouvoir les droits des personnes
en situation de déplacement, conformément aux normes internationales en
matière de protection humanitaire, de droits de l’homme, de démocratie
et d’État de droit»
.
36. Le projet de loi sur l’immigration illégale est la troisième
occasion depuis l'entrée en vigueur de la LDH qu'un ministre fait
une «déclaration au titre de l'alinéa 19(1)(b)» selon laquelle il
n’est pas «en mesure» de déclarer que les dispositions du projet
de loi sont compatibles avec les droits garantis par la Convention
. Le gouvernement
a expliqué que cela ne signifie pas que les dispositions du projet
de loi sont incompatibles avec les droits consacrés dans la Convention,
mais qu'il y a plus de 50 % de chances qu'elles le soient
. Fait important et inhabituel,
cette déclaration faite au titre de l'alinéa 19(1)(b) ne vise pas
seulement une question complexe ou problématique. Les mémorandums
sur la Convention européenne des droits de l'homme élaborés par
le ministère de l'Intérieur indiquent clairement qu'un certain nombre
de dispositions du projet de loi sur l’immigration illégale ont
empêché le gouvernement d'affirmer que le projet de loi est conforme
aux obligations du Royaume-Uni découlant de la Convention. D'importantes
questions ont été soulevées quant à la compatibilité avec un certain
nombre de droits énoncés dans la Convention, ce qui montre une tendance accrue
au sein du Gouvernement britannique à ne pas se conformer à l'État
de droit. Le projet de loi est passé de la Chambre des communes
à la Chambre des lords le 27 avril 2023, à la suite d'un certain
nombre d'amendements. C'est sur cette version du projet de loi que
sont fondées les considérations que je présente ci-après
.
37. Les mémorandums sur la Convention européenne des droits de
l'homme élaborés par le Gouvernement britannique présentent une
analyse de la compatibilité du projet de loi sur l’immigration illégale
avec les normes internationales en matière de droits humains
. Le gouvernement considère
que les droits à la vie (article 2), l'interdiction des traitements
inhumains ou dégradants (article 3), l'interdiction de l'esclavage
(article 4), le droit à la liberté et à la sûreté (article 5), le
droit à un procès équitable (article 6), le droit au respect de
la vie privée et familiale (article 8), le droit à un recours effectif
(article 13), l'interdiction de la discrimination (article 14) et
le droit à l'éducation (article 2 du protocole additionnel à la
Convention (STE no 9)) sont pertinents
pour l'analyse du projet de loi. Le fait que le Gouvernement britannique
soumette une analyse de ses projets de loi au parlement est une
pratique à saluer. Elle aide à débattre en connaissance de cause
de la conformité de la législation proposée aux obligations internationales
qui incombent au Royaume-Uni, et en particulier à ses obligations
en matière de droits humains, notamment celles qui découlent de
la Convention européenne des droits de l'homme. Les États du Conseil
de l'Europe pourraient être encouragés à appliquer cette bonne pratique
nationale. Toutefois, je réitère les commentaires formulés aux paragraphes
28 et 29 selon lesquels une réflexion plus approfondie pourrait
être menée, dans le cadre du système constitutionnel britannique,
afin de savoir si ce mécanisme pourrait être encore amélioré pour
garantir l’indépendance et la transparence de ces évaluations, en
particulier à la lumière de l’absence de tout autre contrôle de
la «constitutionnalité» ou de «l’État de droit» au sein du système
constitutionnel du Royaume-Uni.
5.1. Renvoi
38. La loi créerait l'obligation
de prendre des dispositions pour expulser les personnes qui entrent
au Royaume-Uni sans l'autorisation requise et qui ne sont pas «venues
directement» d'un territoire où leur vie ou leur liberté était menacée
(ce qui exclut les personnes qui ont transité par un pays sûr ou
qui s'y sont arrêtées
). Ces personnes seraient renvoyées
«dès que cela est raisonnablement possible», soit vers leur pays
d'origine, soit vers le pays d'où elles sont arrivées, soit vers
un pays où elles seront admises, à condition qu'il s'agisse d'un
pays considéré comme sûr en général
. Il n'y aurait donc pas d'évaluation
individualisée permettant de déterminer si l'expulsion vers ce pays
est sans danger pour la personne concernée, ce qui fait craindre
une violation des droits humains et du droit des réfugiés dans des
cas individuels
. À cet
égard, je rappelle la résolution et la recommandation adoptées par
l’Assemblée parlementaire en octobre 2022 sur des pays sûrs pour
les demandeurs d’asile, dans lesquelles l’Assemblée soulignait qu'«aucune
présomption absolue de sûreté ne peut être établie» et encourageait
l’élaboration de règles de procédure au niveau du Conseil de l’Europe
afin que les demandeurs d’asile aient une possibilité équitable
de réfuter la présomption de sûreté»
.
39. Cette obligation d'éloignement dans le projet de loi s'applique
indépendamment de toute demande d'asile, de toute allégation de
violation des droits humains, ou d'esclavage ou de traite des êtres
humains
. Outre
les préoccupations relatives aux préjudices graves qu'une personne
peut subir à son retour ou à l’impact sur les victimes de l'esclavage
ou de la traite des êtres humains, la compatibilité de cette disposition
avec le droit de demander l'asile au titre de la Convention relative
au statut des réfugiés
et le droit relatif aux
droits humains suscite des inquiétudes solidement étayées.
5.2. Demandes
et recours à effet suspensif et non suspensif
40. La loi limiterait la possibilité
(et les délais) de faire appel d'un renvoi vers un pays tiers sûr,
et rendrait la plupart des recours non suspensifs (c'est-à-dire
qu'une personne pourrait être renvoyée dans l'attente de l'issue
de son recours). Cela pourrait soulever des préoccupations quant
à la compatibilité de ces dispositions avec les droits humains,
y compris le droit à un recours effectif en vertu de l’article 13
de la Convention.
41. Lorsqu'il existe un «risque réel, imminent et prévisible»
de «préjudice grave et irréversible», une personne peut présenter
un «recours suspensif pour préjudice grave» dans les huit jours
à compter de la réception de son avis de renvoi. Cette disposition
vise à garantir que les mesures d'éloignement ne contreviennent
pas aux exigences de la Convention relative au statut des réfugiés,
en particulier le principe de non-refoulement, et de la Convention
européenne des droits de l'homme (en particulier les articles 2
et 3), et le critère a pour but de tenir compte du seuil appliqué
par la Cour européenne des droits de l'homme pour l'octroi de mesures
provisoires
.
Cependant, on craint que cela ne soit pas compatible avec les exigences
du droit relatif aux droits humains, par exemple en ce qui concerne
un risque réel de préjudice grave et irréversible pour la santé
d’une personne.
Une personne peut
également présenter un «recours suspensif factuel» contre l'éloignement,
en faisant valoir qu'une erreur factuelle a été commise lorsqu'il
a été décidé qu’elle remplissait les conditions d'éloignement.
42. Le délai normal dont dispose le secrétaire d'État pour statuer
sur ces demandes est de quatre jours; si elle obtient gain de cause,
la personne ne sera pas renvoyée
. Il est possible
de faire appel devant la juridiction supérieure d'une décision portant
sur le caractère suspensif du recours (ce qui impose d’obtenir l'autorisation
de faire appel dans une procédure dont la nature «manifestement
infondée» est avérée) – cet appel devrait prendre au total moins
de 30 jours
. Il existe des obstacles
procéduraux à la présentation de nouveaux arguments, informations
ou éléments de preuve au cours des différentes étapes de l'appel,
sauf s’il existe des «motifs impérieux» justifiant un tel retard
dans la présentation de nouveaux arguments. Une personne ne peut
pas être éloignée pendant les périodes durant lesquelles la demande
de recours suspensif est examinée ou peut être contestée
. Il est à
craindre que la suppression de certains niveaux de recours (par exemple
le contrôle juridictionnel) soit incompatible avec l'article 13
de la Convention
.
5.3. Restrictions
des droits des victimes de l'esclavage moderne et de la traite des
êtres humains
43. L'obligation d'éloignement
s'applique indépendamment du fait que la personne soit ou non une
victime de l'esclavage moderne ou de la traite des êtres humains
. Le projet
de loi restreint également l'assistance et le soutien dont pourraient
bénéficier les victimes de l'esclavage moderne ou de la traite des
êtres humains. Toutefois, les dispositions limitant cette assistance
et ce soutien comportent une «clause de caducité» qui indique qu'elles
peuvent être conçues comme des mesures temporaires
.
44. L'article 4 de la Convention (interdiction de l'esclavage
et du travail forcé) s'applique à la traite des êtres humains
et
exige des États i) qu'ils mettent en place un cadre législatif et
administratif pour se assurer une protection contre les violations
de l'article 4; ii) qu'ils prennent des mesures opérationnelles
(par exemple pour protéger et soutenir les victimes et pour empêcher
d’agir ceux qui cherchent à exploiter les victimes); et iii) qu'ils
enquêtent sur les violations présumées de l'interdiction de l'esclavage.
Des protections similaires sont prévues dans les dispositions détaillées
de la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite
des êtres humains. La loi risquerait d'enfreindre ces obligations
de prendre des mesures pour protéger les victimes et d'enquêter
sur les infractions commises. Comme la loi a pour objectif la détention
et l’expulsion des victimes (potentiellement vers des lieux où elles
pourraient être à nouveau victimes de la traite), il ne permet pas
de leur accorder une protection réelle ni de prendre des mesures
d’enquête et de sanction contre les trafiquants. Comme l’a déclaré
le Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains
(GRETA), «s'il était adopté, le projet de loi irait à l'encontre
des obligations du Royaume-Uni en vertu de la Convention contre
la traite, en matière de prévention de la traite des êtres humains
ainsi que pour l’identification et la protection des victimes de
la traite, sans discrimination»
.
45. Le Gouvernement britannique affirme qu'il peut prendre cette
mesure pour renvoyer les victimes de la traite des êtres humains
et de l'esclavage moderne au motif qu'elles constituent une «menace
pour l'ordre public, née des circonstances exceptionnelles liées
à l'entrée illégale au Royaume-Uni»
. Le fait qu'une personne soit
entrée au Royaume-Uni par le biais de la traite des êtres humains
ne fait pas d'elle une menace pour l'ordre public. Par ailleurs,
la mention de l‘«ordre public» se rapporte à l'article 13, paragraphe
3, de la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la
traite des êtres humains, et non à la protection accordée aux victimes
de l'esclavage et de la traite en vertu de l'article 4 de la Convention.
Le Gouvernement britannique fait valoir que cette disposition est
néanmoins compatible avec l'article 4 de la Convention dans la mesure
où une personne ne doit pas être renvoyée si elle coopère à une
enquête (même s’il faut des «circonstances impérieuses» pour qu'elle
soit présente au Royaume-Uni pour que cette règle s’applique); une demande
peut être suspensive si la personne est exposée à un «risque réel
de préjudice grave et irréversible» et le gouvernement doit veiller
à ce que les pays d'accueil puissent enquêter sur les allégations
de traite et apporter un soutien direct aux victimes
. En résumé, il n’est pas certain
que, dans l’ensemble, les dispositions de la nouvelle loi assurent
une protection adéquate des victimes de l'esclavage moderne ou de
la traite des êtres humains, conformément aux obligations du Royaume-Uni
en vertu de l'article 4 de la Convention et de la Convention du
Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains.
5.4. Demandes
d'asile irrecevables
46. Le projet de loi sur l’immigration
illégale prévoit que les demandes de protection et de respect des
droits humains qui émanent de personnes faisant l'objet d'une mesure
d'expulsion et ne venant pas directement d'un territoire où elles
sont menacées sont irrecevables, de même que les demandes déposées
par les ressortissants de certains États membres du Conseil de l'Europe
. Comme l'a déclaré le
HCR, cela «supprimerait pratiquement le droit de demander l'asile
au Royaume-Uni» et priverait effectivement les réfugiés de la protection
dont ils ont besoin, tout en risquant de les laisser dans l'incertitude
si, en réalité, ils ne peuvent pas être expulsés du Royaume-Uni
.
5.5. Mesures
provisoires et réparations provisoires
47. L’article 52 interdit à une
juridiction nationale d'accorder une réparation provisoire qui empêcherait
ou retarderait l'expulsion d'une personne du Royaume-Uni. L’article
53 prévoit que lorsque la Cour européenne des droits de l'homme
indique des mesures provisoires liées à l'expulsion d'une personne
du Royaume-Uni dans le cadre du projet de loi sur l’immigration
illégale, un ministre peut décider (en tenant compte de toute question
qu'il juge pertinente, y compris la procédure de mesure provisoire
et son calendrier probable) de ne pas expulser cette personne. L'obligation
d'expulser une personne ne s'applique pas tant que le ministre n'a pas
décidé de prendre ou non une décision après indication des mesures
provisoires [clause 53(9)]. À moins que le ministre n'écarte l'obligation
d'éloignement, il est expressément interdit à l'exécutif et aux
tribunaux de tenir compte de la mesure provisoire lorsqu'ils prennent
des décisions relatives au renvoi de cette personne du Royaume-Uni.
Comme nous l’avons précisé ci-dessus, la Cour européenne des droits
de l'homme a clairement indiqué que le non-respect de mesures provisoires,
notamment celles qui empêchent l'expulsion d'une personne lorsqu'elle
court un risque réel de subir un préjudice grave, constitue en soi
une violation des articles 1 et 34 de la Convention. L'article 52
risque donc clairement de mettre le Royaume-Uni en infraction avec
les obligations que lui impose la Convention.
48. Dans une déclaration conjointe publiée le 26 avril 2023, George
Katrougalos (Grèce, GUE), rapporteur sur la «Convention européenne
des droits de l'homme et les constitutions nationales», et Constantinos Efstathiou
(Chypre, SOC), rapporteur sur «La mise en œuvre des arrêts de la
Cour européenne des droits de l'homme», se sont inquiétés du fait
que l'article 52, s'il était adopté, «inscrirait dans la loi une
disposition qui envisage que le Gouvernement britannique viole délibérément
son obligation internationale de se conformer aux mesures provisoires»
. Ils ont jugé «très préoccupant
de constater que ce projet de loi prévoit que le Royaume-Uni enfreindra
le droit international, sapant ainsi l'État de droit. Si une telle
disposition devient une loi, cela enverra un message négatif, non
seulement au Royaume-Uni mais aussi au niveau international». Je soutiens
pleinement leur déclaration et partage leurs préoccupations.
49. Certains commentateurs ont laissé entendre que les critères
auxquels un ministre peut se référer pour déterminer s'il convient
ou non de ne pas appliquer l'obligation d'éloignement à la suite
de l'indication de mesures provisoires par la Cour européenne des
droits de l'homme ressemblent à une initiative de «négociation par
voie de législation» similaire aux préoccupations exprimées à propos
de l’article relatif aux opérations militaires à l'étranger du projet
de Charte des droits humains
.
Si les États doivent être en mesure de coopérer concrètement avec
les instances du Conseil de l'Europe pour améliorer les processus,
la négociation par voie de législation est une approche qui ne semble
pas favorable à l'État de droit et qui se dirige plutôt vers un
conflit de normes. Le fait de légiférer unilatéralement d'une manière
qui risquerait d’amener cet État à ne pas respecter ses obligations
au titre de la Convention européenne des droits de l'homme n’est
pas, semble-t-il, la meilleure méthode pour entamer un dialogue
constructif et sincère sur ces questions. Cette façon de procéder
n’apparaît pas non plus conforme aux obligations d'un État de mettre
en œuvre de bonne foi ses obligations conventionnelles
.
5.6. Détention
50. La loi prévoit la détention
des personnes qui, «n’arrivant pas directement» d’un territoire
où leur vie ou leur liberté était menacée, entrent au Royaume-Uni
sans l'autorisation requise et qui pourraient donc faire l’objet
d’un renvoi en vertu de la loi sur l’immigration illégale. La détention
est prévue pour des périodes parfois longues dans l'attente de l'éloignement
(ou d'une décision)
.
Si les personnes concernées peuvent demander une libération sous
caution au Secrétaire d'État, elles ne peuvent pas contester le
refus qui leur est opposé devant les tribunaux pendant les 28 premiers
jours de leur détention, sachant qu’elles peuvent toujours demander
une ordonnance d'
habeas corpus pour
contester leur mise en détention
. Il est important
de noter dans ce contexte qu’on continue de s’inquiéter, au Royaume-Uni,
de l’adéquation des conditions dans certains lieux de détention
.
51. Ces pouvoirs de détention mettent clairement en jeu le droit
à la liberté prévu à l’article 5 de la Convention et il est à craindre
que la détention puisse ainsi être déterminée sans garanties procédurales suffisamment
indépendantes. Si l'on peut espérer qu'un recours en habeas corpus permette aux tribunaux
de contester la légalité de la détention, on peut se demander s’il
ordonnera le moyen d'évaluer correctement la conformité de la mesure
avec l'article 5. Il semble étonnant que l’habeas
corpus, méthode de contestation de la détention illégale
qui date du XIIe siècle, ait été choisie pour traiter ces affaires
au détriment d’autres procédures plus modernes et plus adaptées
qui permettent de contester les décisions de mise en liberté sous caution
dans le cadre de l'immigration. Cette méthode devrait sans doute
être «développée» par les tribunaux eu égard aux obligations que
leur impose l'article 6 de la LDH d'agir dans le respect des droits
garantis par la Convention afin de se conformer de manière adéquate
aux obligations qui incombent au Royaume-Uni en vertu de l'article
5 de la Convention. En outre, compte tenu des difficultés prévisibles
à trouver un pays vers lequel renvoyer les détenus, il existe un
risque réel que de nombreuses personnes (y compris des enfants,
des femmes enceintes et des adultes vulnérables) soient effectivement
détenues pour une durée indéterminée. La compatibilité de ces dispositions
avec le droit à la liberté protégé par l'article 5 de la Convention
suscite donc de vives inquiétudes.
52. Il existe également des pouvoirs de perquisition et de saisie
de documents électroniques qui concernent une personne détenue [articles
14, 60(2) et annexe 2]. On peut se demander si leur utilisation
relève de l'une des justifications prévues à l'article 8, paragraphe
2, de la Convention
. En effet, ces dispositions
sont l'une des raisons pour lesquelles le ministre de l'Intérieur
n'a pas été en mesure de déclarer que le projet de loi était compatible
avec la Convention européenne des droits de l'homme (et en particulier
au respect du droit à la vie privée (article 8 de la Convention)
et le droit de jouir paisiblement de ses biens (article 1 du Protocole
1)).
5.7. Enfants
53. Plusieurs dispositions concernent
spécifiquement les enfants
, notamment
l'obligation de prendre des dispositions en vue de l'éloignement,
qui est facultative (et non obligatoire) pour les mineurs non accompagnés (mais
devient obligatoire à l’âge de 18 ans), et obligatoire pour les
mineurs accompagnés. La détention perturbe les enfants et peut avoir
de profondes répercussions négatives sur leur développement. Une
réflexion poussée est nécessaire pour déterminer si le fait de placer
un enfant en détention pour des raisons d’immigration permet de
respecter les droits de l'enfant, tels que protégés par la Convention
des Nations Unies relative aux droits de l’enfant. Le mémorandum
du ministère de l'Intérieur sur la Convention européenne des droits
de l'homme indique qu'un certain nombre de droits humains pourraient
être mis en cause par la détention d'enfants (et de femmes enceintes),
mais conclut que «les groupes familiaux seront détenus ensemble
dans des locaux appropriés, les femmes enceintes et les mineurs
non accompagnés seront détenus dans des locaux adéquats et des dispositions
appropriées seront prises pour répondre aux besoins éducatifs et
à tous les besoins de soutien pertinents».
54. La non-application de l'obligation de consulter le Comité
indépendant sur le retour des familles pour les enfants qui font
l'objet d'un renvoi dans le cadre de la loi est censée faciliter
le renvoi rapide des enfants et de leurs familles, mais peut évidemment
réduire les garanties procédurales et les protections prévues pour
les enfants. Il existe également des dispositions relatives à l'hébergement
et au soutien des enfants non accompagnés, ainsi que des dispositions
relatives à l'évaluation de leur âge.
55. Il convient de noter en particulier que le ministère de l'Intérieur
déclare que le ministre n'a pas été «en mesure de faire une déclaration»
de compatibilité avec la Convention européenne des droits de l'homme
à propos de l'article 55 (qui limite les recours contre la décision
relative à l’évaluation de l'âge des personnes soumises à l'expulsion)
parce qu’il risque de ne pas être compatible avec l'article 6 de
la Convention, même si le gouvernement «est convaincu que la disposition
est susceptible d'être appliquée de manière compatible avec l'article
6 de la Convention
». La compatibilité de cette disposition
avec le droit à un recours effectif prévu à l'article 13 de la Convention
semble susciter des préoccupations similaires.
56. En droit britannique, l'article 55 de la loi de 2009 sur les
frontières, la citoyenneté et l'immigration exige que toute fonction
gouvernementale concernée par l'immigration, l'asile ou la nationalité
soit exercée «en tenant compte de la nécessité de sauvegarder et
de promouvoir le bien-être des enfants qui se trouvent au Royaume-Uni».
Cela devrait contribuer à garantir que l'intérêt supérieur de l'enfant
soit une considération primordiale dans toutes les décisions gouvernementales
qui concernent les enfants (comme l'exige l'article 3 de la Convention
des Nations Unies relative aux droits de l'enfant). Toutefois, compte
tenu de certaines exigences, par exemple en matière de détention
ou d’éloignement d'enfants, un examen plus approfondi peut être
nécessaire pour garantir que le bien-être des enfants est effectivement
protégé de manière satisfaisante lorsqu'il s'agit d'enfants migrants.
57. Assurer le respect des droits des enfants migrants a été une
préoccupation pour l’Assemblée
. Plus récemment,
l’Assemblée, dans sa
Résolution
2449 (2022) «Protection et prise en charge des enfants migrants ou
réfugiés non accompagnés ou séparés», a appelé les États membres
«à répondre correctement aux besoins des enfants migrants ou réfugiés
non accompagnés ou séparés, en leur apportant une aide qui préserve
l'unité familiale et qui leur permette de rester auprès de parents
ou d'autres personnes qui s'occupent d'eux. À cette fin, les États
membres devraient adopter, à titre de mesures provisoires, des solutions
de prise en charge qui dureront jusqu’à ce que les enfants puissent
être réunis avec les membres de leur famille»
.
5.8. Les restrictions à l'entrée, au séjour
et à l'obtention de la nationalité
58. La loi interdirait définitivement
aux personnes qui entrent au Royaume-Uni sans l’autorisation requise «n’arrivant
pas directement» d’un territoire où leur vie ou leur liberté était
menacée, de revenir légalement au Royaume-Uni, d'obtenir l'autorisation
d’y rester ou de s'y installer, ou d'obtenir la nationalité par
la naturalisation ou l'enregistrement
. Ces dispositions
sont assorties de réserves relatives au respect des obligations
découlant de la Convention européenne des droits de l'homme.
5.9. Des itinéraires sûrs et légaux
59. Le ministre de l'Intérieur
est tenu de publier un rapport sur les itinéraires sûrs et légaux
par lesquels des personnes peuvent entrer au Royaume-Uni et doit
fixer un nombre annuel de personnes qui pourront s’y installer après
avoir emprunté des itinéraires sûrs et légaux
. À cet égard,
il est important de noter que, selon le HCR, «en réalité, pour la
plupart des demandeurs d'asile, il n'existe pas d’itinéraires sûrs
et légaux pour entrer au Royaume-Uni» et que «aucune disposition
de la loi ne propose la création de tels itinéraires
». Étant donné
que le gouvernement condamne les réfugiés qui arrivent au Royaume-Uni
par des moyens irréguliers, il conviendrait peut-être de réfléchir
davantage à la possibilité d'offrir à ces personnes des itinéraires
sûrs et légaux. Les Gouvernements français et britannique devraient
notamment examiner attentivement les raisons pour lesquelles des
personnes risquent leur vie en traversant la Manche depuis la France,
ainsi que les mécanismes améliorés qui pourraient être mis en place,
tant en France qu'au Royaume-Uni, pour protéger les réfugiés confrontés
à de tels dilemmes.
5.10. Terminologie
60. Les réfugiés disposent rarement
d'itinéraires sûrs et légaux pour quitter le pays où ils sont persécutés. C'est
pour cette raison que la Convention relative au statut des réfugiés
prévoit que les réfugiés ne devraient pas être pénalisés «du fait
de leur entrée ou de leur séjour irréguliers» lorsqu'ils arrivent
«directement d'un territoire où leur vie ou leur liberté était menacée»,
«sous la réserve qu'ils se présentent sans délai aux autorités et
leur exposent des raisons reconnues valables de leur entrée ou présence
irrégulières» [article 31 de la Convention sur les réfugiés]. Cependant,
la loi mentionne une «immigration illégale» et le mémorandum sur
la Convention européenne des droits de l'homme évoque une «délinquance
liée à l'immigration». S'il est normal que les États veuillent contrôler
leurs frontières, il est parfaitement inutile de faire l'amalgame
entre les migrants et les réfugiés, d'une part, et les délinquants,
d'autre part. Les migrants et les réfugiés peuvent se trouver dans
une situation irrégulière pour les documents d'immigration, mais
cela ne fait pas d'eux des délinquants. Confondre le statut d'immigrant
avec la délinquance risque de conduire à la déshumanisation de certaines
des personnes les plus vulnérables de la société. Les réfugiés méritent
d'être traités avec humanité. Les États et les acteurs publics devraient
s'abstenir d'utiliser une terminologie qui associe le sort des réfugiés à
la délinquance.
6. Conclusions
61. Il se peut que certaines dispositions
du projet de Charte des droits humains n'aient jamais force de loi et
que d'autres soient interprétées par les tribunaux d'une manière
qui ne soit pas aussi préjudiciable aux droits humains qu’on puisse
le craindre. Mais la teneur générale de certaines de ces récentes
propositions de réforme est préoccupante, en particulier l'apparente
volonté d'aller à l'encontre des obligations juridiques internationales
du Royaume-Uni. Comme l'a indiqué la baronne Hale, «c'est pour le
moins surprenant dans un pays qui a toujours été fier de défendre
l'ordre juridique international».
62. Il est essentiel de reconnaître l’importance centrale des
principes de subsidiarité et de la marge d’appréciation dans la
manière dont les États membres choisissent de donner effet à leurs
obligations en leur qualité de Parties à la Convention européenne
des droits de l'homme, ainsi que de reconnaître les différences que
présentent les ordres juridiques constitutionnels des États membres
du Conseil de l’Europe. Néanmoins, tous les États auraient grand
intérêt à mieux connaître leurs systèmes respectifs visant à donner
effet aux droits humains protégés par la Convention européenne des
droits de l'homme.
63. Le système mis en place par le Royaume-Uni en vertu de la
LDH pour donner effet aux droits humains protégés par la Convention
européenne des droits de l'homme est manifestement efficace, étant
donné que la grande majorité des préoccupations relatives aux droits
humains sont traitées de manière adéquate au niveau national, avec
tous les avantages d’une meilleure compréhension des lois, des pratiques
et des sensibilités nationales qu’implique le traitement au niveau
national. En conséquence, le Royaume-Uni affiche l’un des plus faibles
nombres de violations de la Convention européenne des droits de
l'homme constatées par la Cour européenne des droits de l'homme,
rapporté au nombre d’habitants. Les éléments de la LDH particulièrement pertinents
pour obtenir ce résultat concernent la relation entre la jurisprudence
nationale et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de
l’homme; l’obligation pour les pouvoirs publics d’agir de manière
compatible avec les droits consacrés par la Convention européenne
des droits de l'homme; et l’obligation d’interpréter la législation,
dans la mesure du possible, de manière compatible avec les droits
consacrés par la Convention européenne des droits de l'homme. Bien
qu’il n’existe pas d’obligation juridique qui impose au Royaume-Uni de
conserver cette méthode pour donner effet aux droits humains, il
serait regrettable de perdre un système qui fonctionne manifestement
si bien, comme modèle pour d’autres pays également d’application
effective des droits humains au niveau national (plutôt qu’international).
On peut se demander quel précédent cela crée au niveau international
en matière de respect des droits humains et de l'État de droit,
y compris le respect du droit international.
64. À cet égard, je me félicite du processus de participation
des parlementaires à l'analyse des droits humains au Royaume-Uni,
notamment grâce aux informations fournies au parlement par le gouvernement
et à l'analyse des droits humains effectuée par la commission des
droits de l'homme du Parlement britannique. Une telle approche pourrait
être une source d'inspiration pour d'autres pays lorsqu'ils évaluent
la conformité de leur législation nationale avec les normes internationales
en matière de droits humains lors de son adoption par leur parlement.
Je proposerais toutefois de réfléchir davantage, y compris au Royaume-Uni,
sur les moyens d’assurer que les évaluations initiales fournies
au Parlement soient suffisamment indépendantes et transparentes
et à la mise en place de méthodes plus structurées, en vue de garantir
que ce travail utile d'examen de la compatibilité des projets de
loi avec le droit international des droits humains garantis par
le droit international soit pleinement pris en compte au cours des
débats parlementaires. Cette méthode pourrait contribuer à améliorer
le respect de l'État de droit, qui suppose nécessairement le respect
du droit international.
65. Certains articles du projet de Charte des droits humains seraient
particulièrement préoccupants s’ils entraient en vigueur et devraient
faire l'objet d'une attention particulière, notamment i) la compatibilité
de l’article 5 et le respect des obligations positives; ii) la compatibilité
et les motifs de l’article 14 relatif aux opérations militaires
à l'étranger; et iii) les motifs et l'impact prévu de l’article
24 relatif aux mesures provisoires. Plus généralement, cependant,
le projet de Charte des droits humains risque de créer une période
d'instabilité et d'incertitude juridiques pendant laquelle les juridictions
nationales devront interpréter et appliquer les nouvelles dispositions,
ce qui risque d'entraver l'application effective des droits humains.
66. Au cours de ce travail, j'ai également été frappé par le manque
apparent de compréhension de la valeur intrinsèque de principes
fondamentaux tels que État de droit, institutions démocratiques
solides et garanties efficaces de protection des droits humains.
Cette lacune semble être associée à l’importante vague de désinformation
qui vise les droits humains et l'État de droit.
67. Il conviendrait donc de redoubler d’efforts pour intégrer
l’éducation aux droits humains, notamment en élaborant des initiatives
d’éducation et de formation sur les droits humains et l’État de
droit afin de promouvoir une culture qui comprenne et respecte le
rôle important que jouent l’État de droit et les droits humains
dans une démocratie saine. Cela devrait inclure des outils améliorés
permettant de mieux expliquer ce que la Convention européenne des
droits de l'homme et la LDH ont permis de réaliser jusqu’à présent,
y compris pour le Royaume-Uni, et la manière dont ces réalisations
peuvent être préservées et développées au mieux.
68. En particulier, j’estime que les États membres et le Conseil
de l’Europe pourraient faire davantage pour veiller à ce que des
processus adéquats soient en place pour corriger les malentendus
ou la mésinformation concernant l’État de droit et l’impact du système
de la Convention européenne des droits de l’homme; et utiliser les
informations disponibles sur le fonctionnement du système de la
Convention européenne des droits de l'homme.
69. À cet égard, je salue des initiatives telles que le travail
visant à mettre en évidence
l’impact
du système de la Convention européenne des droits de l'homme et j’encourage une plus grande utilisation de ces supports de
communication. J’encourage également la poursuite de la réflexion
sur la meilleure façon de renforcer le travail de communication
en ce qui concerne le rôle de la Cour européenne des droits de l’homme
et la mise en œuvre de ses arrêts.
70. Quant au projet de loi sur l'immigration illégale, il suscite
clairement de nombreuses préoccupations au sujet de sa compatibilité
avec le droit international, notamment la Convention des Nations
Unies relative au statut des réfugiés, la Convention européenne
des droits de l'homme, la Convention sur l'apatridie et la Convention
du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains.
Dans ce rapport, je n’ai pas examiné les détails du projet de loi
– les questions de migration sont traitées plus en détail par la
commission des migrants, des réfugiés et des personnes déplacées
et, de plus, les détails du projet de loi relèvent nécessairement
de la compétence des autorités britanniques. Cependant, il existe
manifestement des préoccupations importantes, exprimées notamment
par le HCR: ce projet de loi conduirait le Royaume-Uni à ne pas
respecter ses obligations internationales. À ce sujet, il convient
de souligner que la crise des réfugiés représente une question de
portée internationale, qui pourrait sans doute être résolue plus
efficacement par des méthodes internationales de règlement des problèmes
communs. Les tentatives unilatérales de légiférer pour se soustraire
à des obligations internationales contraignantes ont peu de chances
de faire progresser la paix et la coopération internationales, ainsi
que la protection des personnes les plus vulnérables dans le monde.
À cet égard, il est important de rappeler que le droit international
fait partie de l'État de droit et que nous devons tous nous efforcer
de l'apprécier et de l'aborder en toute bonne foi. Si ce rapport
est surtout consacré à la législation britannique, les points d’ordre
général que j'y ai soulevés sont, je l'espère, tout aussi pertinents
pour tous les États qui cherchent à trouver le meilleur moyen de
protéger les droits humains.