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Rapport | Doc. 15821 | 05 septembre 2023

Le rôle du Conseil de l'Europe dans la prévention des conflits, le rétablissement de la crédibilité des institutions internationales et la promotion de la paix dans le monde

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteure : Mme Lesia VASYLENKO, Ukraine, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Doc. 15479, Renvoi 4643 du 28 avril 2022. 2023 - Quatrième partie de session

Résumé

Le coût d’une guerre dépasse toujours le coût de sa prévention. Bien que les questions relatives à la défense soient explicitement exclues de son champ de compétences, le Conseil de l’Europe a, tout au long de ses 74 ans d’existence, joué un rôle clé dans la prévention des conflits sur le continent européen, contribuant ainsi à la sécurité démocratique. Ce rôle est d’autant plus crucial dans le contexte sécuritaire à risque.

Le Conseil de l’Europe devrait renforcer les outils dont il dispose et lancer une politique de sécurité démocratique commune visant à garantir la pleine utilisation des dispositifs d’alerte précoce et des mesures de confiance, à améliorer les processus d’élaboration des politiques, à renforcer l’obligation de rendre des comptes et à prévenir les conflits dans l’avenir.

L’Assemblée parlementaire devrait contribuer à la réforme de l’architecture de sécurité mondiale et utiliser davantage la diplomatie parlementaire, car les résultats auront un impact direct sur la sécurité démocratique des États membres du Conseil de l’Europe.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 11 mai 2023.

(open)
1. Le prix d’une guerre sera toujours bien plus élevé que celui de sa prévention. Au long de ses 74 ans d’existence, le Conseil de l'Europe a joué un rôle actif dans la prévention des conflits sur le continent européen. À cette fin, il a utilisé toute une série d’outils, dont l’alerte précoce et le suivi, le renforcement de la confiance et la promotion de valeurs communes. Cependant, la paix a récemment été fondamentalement remise en question.
2. Après une baisse progressive, le nombre de conflits armés dans le monde est reparti à la hausse en 2010. Quelque 35 conflits sont actuellement en cours. Plusieurs facteurs contribuent à cette recrudescence, notamment l’effondrement de l’État de droit, la fragilité des institutions étatiques, l’exploitation non durable des ressources naturelles qui exacerbe le changement climatique, l’érosion du bien-être social, l’affaiblissement du multilatéralisme et la passivité de la communauté internationale face aux nouvelles menaces – tout ceci étant susceptible de contribuer à la montée des régimes autoritaires. L'ordre international est menacé dans ses fondements par l'agression russe en cours contre l'Ukraine, qui a débuté le 20 février 2014 et s'est considérablement intensifiée le 24 février 2022.
3. Le Statut du Conseil de l’Europe (STE no 1) énonce dans son préambule que «la consolidation de la paix fondée sur la justice et la coopération internationale est d’un intérêt vital pour la préservation de la société humaine et de la civilisation». Aux termes de l’article premier du Statut, «le but du Conseil de l’Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses Membres afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun et de favoriser leur progrès économique et social». Or une union plus étroite ne peut être réalisée sans paix.
4. De fait, le Conseil de l'Europe est un projet pour la paix qui vise à s'attaquer, de manière structurelle et systématique, aux causes profondes des tensions et des différends avant qu'ils ne dégénèrent en conflits.
5. L'Assemblée parlementaire rappelle que la sécurité est un concept plus étendu que la défense et qu'elle repose dans une large mesure sur le respect des processus démocratiques, des droits humains et de l’État de droit. Bien que les questions relatives à la défense nationale soient explicitement exclues de son champ de compétences, le Conseil de l’Europe est un précurseur en matière de protection de la sécurité démocratique. Cette notion, approuvée pour la première fois par les chefs d'État et de gouvernement du Conseil de l'Europe lors du Sommet de Vienne en 1993, ainsi que le concept de «sécurité indivisible», figurant dans la Charte de sécurité européenne (Istanbul, 1999) de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), sont aujourd'hui plus pertinents que jamais.
6. Dans ce nouveau contexte sécuritaire à risque, les États membres du Conseil de l'Europe devraient renouveler leur engagement en faveur des valeurs de la démocratie, des droits humains et de l’État de droit. Ils devraient réitérer leur soutien au Conseil de l'Europe en tant qu'organisation européenne fondamentale pour développer un espace partagé où ces valeurs peuvent s'épanouir, aux fins de la consolidation de la paix fondée sur la justice et la coopération internationale.
7. L'Assemblée estime que le Conseil de l'Europe devrait élaborer des outils supplémentaires pour promouvoir la sécurité démocratique, notamment une politique de sécurité démocratique commune visant à intensifier les efforts du Conseil de l’Europe en matière de protection et de renforcement de la sécurité internationale. Cette politique devrait garantir que les dispositifs d’alerte précoce et les mesures de confiance sont pleinement utilisés, améliorer les processus d’élaboration des politiques, renforcer l’obligation de rendre des comptes et permettre de prévenir les conflits dans l’avenir. Cette politique devrait être élaborée et mise en œuvre dans le cadre du mandat juridique et politique du Conseil de l'Europe, en complémentarité avec les activités des autres organisations internationales compétentes dans ce domaine.
8. L'Assemblée devrait tirer pleinement parti de son grand potentiel afin de contribuer à la réforme de l'architecture de sécurité mondiale, car son bon fonctionnement aura un impact direct sur la sécurité démocratique de ses États membres. Ce faisant, l'Assemblée devrait promouvoir la coordination et la coopération entre le Conseil de l'Europe et d'autres organisations internationales.
9. L'Assemblée souligne aussi l'importance de la procédure complémentaire conjointe, qui permet aux organes statutaires du Conseil de l'Europe d'agir ensemble en cas de violation flagrante par un État membre de ses obligations statutaires.
10. En outre, l'Assemblée souligne le rôle des parlements nationaux dans l’exercice de leur fonction essentielle, qui est de défendre la démocratie représentative en Europe, de réfléchir et de donner des conseils sur les meilleurs moyens de faire avancer les démocraties modernes et de préserver la sécurité démocratique.
11. Compte tenu de ces considérations, l'Assemblée recommande aux États membres du Conseil de l'Europe, en ce qui concerne la sécurité et la résilience démocratiques:
11.1. de garantir le respect de l'État de droit et des droits et libertés fondamentaux, afin d'instaurer la confiance dans les institutions publiques de chaque État membre;
11.2. d’engager un dialogue sur l’état de la démocratie en Europe, de manière à consolider le rôle du Conseil de l’Europe en tant que garant de la démocratie au sein de la grande Europe;
11.3. de réfléchir à la manière dont le débat public peut être organisé dans les États membres pour sensibiliser à la sécurité démocratique et d’examiner les moyens de renforcer la résilience démocratique;
11.4. de privilégier les relations de bon voisinage et de s'engager à résoudre les différends et les désaccords par le dialogue et la diplomatie;
11.5. de donner la priorité à l’utilisation des dispositifs d’alerte précoce et des mesures de confiance;
11.6. de s'engager en faveur d'un règlement pacifique des différends en reconnaissant comme obligatoire la juridiction des tribunaux internationaux, en renforçant leurs capacités et en rationalisant leurs procédures;
11.7. d’assurer l'accès rapide des décideurs à l'expertise juridique internationale pour guider les politiques nationales;
11.8. d’intensifier la coopération avec la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) et de soutenir ses activités;
11.9. de soutenir la coopération transfrontalière et les autres efforts visant à désamorcer les tensions et de promouvoir la compréhension au niveau local, notamment auprès de la société civile;
11.10. de promouvoir le dialogue multilatéral et de contribuer à harmoniser les positions des différentes organisations internationales, ce qui ouvrira la voie à une réponse commune forte aux violations du droit international;
11.11. d’entamer un dialogue visant à consolider les positions des États membres sur la réforme des institutions cruciales de sécurité, en particulier le Conseil de sécurité des Nations Unies, et de mener une politique active et concertée pour initier le changement;
11.12. d’investir dans tous les aspects d'une approche globale de la sécurité, y compris la sécurité profonde/douce, la sécurité humaine et la résilience démocratique;
11.13. de reconnaître que la notion de sécurité est étroitement liée à de nombreux défis, tels que la dépendance énergétique et le changement climatique;
11.14. de préserver leurs sociétés des attaques contre le bon fonctionnement de la démocratie, y compris la désinformation et la mésinformation, et en particulier des tentatives internes ou externes d’entrave ou d’ingérence dans les processus électoraux;
11.15. de promouvoir le rôle de la société civile, en trouvant des moyens d'associer les citoyens aux processus décisionnels et en garantissant la liberté d'association;
11.16. de veiller à ce que la capacité d'accéder à l'information et de la diffuser soit protégée, notamment en garantissant un environnement médiatique indépendant et pluraliste;
11.17. de s'attaquer aux inégalités socio-économiques, qui menacent la stabilité démocratique de nos pays et entament la confiance des citoyens dans la politique;
11.18. de réfléchir, par exemple dans le cadre du Forum mondial de la Démocratie qui se tiendra à Strasbourg en novembre 2023, aux moyens de renforcer la démocratie en l’ancrant plus profondément dans l’État à tous ses niveaux, et en la consolidant au niveau transnational;
12. En ce qui concerne le rôle du Conseil de l'Europe, l'Assemblée recommande à ses États membres:
12.1. de souscrire pleinement au multilatéralisme fondé sur des règles, tout en œuvrant pour le renforcer davantage;
12.2. de veiller à ce que l'architecture multilatérale européenne soit plus réactive et plus efficace pour relever les défis actuels;
12.3. de donner un nouvel élan et d’apporter un soutien politique au rôle central du Conseil de l’Europe en tant que garant des droits humains, de la démocratie et de l’État de droit en Europe et en tant que plateforme pour le dialogue politique, la diplomatie et le multilatéralisme;
12.4. de soutenir le développement des travaux du Conseil de l'Europe dans le domaine de la sécurité et de la résilience démocratiques;
12.5. d’encourager toutes les initiatives visant à assurer l’obligation de rendre des comptes en cas de violations du droit international, en reconnaissant la compétence de la Cour pénale internationale, en levant toutes les limites juridictionnelles pour la poursuite du crime d'agression et, lorsque cela est nécessaire, de garantir la pleine responsabilité des actes commis, en établissant des tribunaux ad hoc dotés d'une compétence étroitement définie, tels qu'un tribunal spécial pour le crime d'agression contre l'Ukraine;
12.6. de faire respecter l'obligation d'indemniser la victime de l’agression, notamment au moyen de mesures légales de confiscation de biens appartenant à l’État et de biens appartenant à des personnes privées;
12.7. de soutenir la contribution active du Conseil de l'Europe à la promotion des réformes destinées à rendre le fonctionnement d’autres organisations plus efficace;
12.8. d’allouer les financements nécessaires pour assurer la viabilité financière du Conseil de l'Europe;
12.9. de donner une suite concrète au Sommet de Reykjavik des chefs d'État et de gouvernement du Conseil de l'Europe;
12.10. d’allouer les ressources nécessaires pour que le Conseil de l'Europe puisse développer ses travaux sur les mesures de confiance et ainsi contribuer à jeter les bases d'une paix durable.
13. En ce qui concerne ses propres activités, l'Assemblée devrait:
13.1. mettre davantage l'accent sur la diplomatie parlementaire, outil permettant de désamorcer les tensions, de promouvoir le dialogue, de renforcer la compréhension mutuelle et la confiance, et de mieux prévenir les conflits;
13.2. contribuer aux efforts du Conseil de l'Europe en matière d'alerte précoce afin de faire face aux situations qui risquent de constituer une menace pour l'État de droit, la sécurité démocratique et les relations de bon voisinage;
13.3. renforcer les éléments relatifs à la prévention et la résolution des conflits ainsi qu’à la sécurité démocratique dans les mandats de ses commissions et sous-commissions;
13.4. accorder une plus grande attention aux nouveaux défis en matière de sécurité et à leur lien avec la démocratie, les droits humains et l'État de droit et mobiliser la volonté politique pour s’attaquer aux facteurs structurels qui érodent les institutions démocratiques;
13.5. développer la coopération sur le renforcement de la confiance et la prévention des conflits avec d’autres assemblées parlementaires internationales, notamment le Parlement européen, l’Assemblée parlementaire de l’OSCE et l’Assemblée parlementaire de l’Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN);
13.6. consolider la coopération et mener des activités conjointes avec les parlements nationaux sur le renforcement de la confiance et la prévention des conflits.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet de recommandation
adopté à l’unanimité par la commission le 11 mai 2023.

(open)
1. Rappelant sa Résolution ... (2023) «Le rôle du Conseil de l'Europe dans la prévention des conflits, le rétablissement de la crédibilité des institutions internationales et la promotion de la paix dans le monde», l'Assemblée parlementaire estime que le Conseil de l'Europe devrait élaborer des outils supplémentaires pour promouvoir la sécurité démocratique. Si les questions relatives à la défense nationale sont explicitement exclues du champ de compétences du Conseil de l’Europe, ce dernier joue un rôle crucial dans le renforcement de la sécurité démocratique.
2. L'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine est toutefois l'exemple le plus récent et l'un des plus extrêmes de l'efficacité limitée des mécanismes actuels du Conseil de l'Europe lorsqu'il s'agit de garantir la sécurité en tant que condition préalable essentielle à la protection de la démocratie, des droits humains et de l'État de droit.
3. Pour remédier à cette faiblesse, l'Assemblée propose la création d'une politique de sécurité démocratique commune du Conseil de l'Europe, qui catalyserait les efforts de ce dernier en matière de protection et de renforcement de la sécurité internationale et renforcerait son impact dans ce domaine. Cette politique devrait garantir que les dispositifs d’alerte précoce et les mesures de confiance sont pleinement utilisés, améliorer les processus d’élaboration des politiques, renforcer l’obligation de rendre des comptes et permettre de prévenir les conflits dans l’avenir.
4. Au vu de ce qui précède, l'Assemblée invite le Comité des Ministres à envisager l'élaboration d'une politique de sécurité démocratique commune visant à renforcer le rôle et l'impact du Conseil de l'Europe en matière de sécurité démocratique et dans la prévention des conflits et à créer des conditions préalables pour une paix durable. Cette politique devrait être élaborée et mise en œuvre dans le cadre du mandat juridique et politique du Conseil de l'Europe, en complémentarité avec les activités des autres organisations internationales compétentes dans ce domaine.

C. Exposé des motifs par Mme Lesia Vasylenko, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. Le rôle du Conseil de l’Europe dans la prévention des conflits et la gestion des crises est défini dans son Statut (STE no 1), adopté en 1949 par les gouvernements européens fondateurs.
2. Le Statut du Conseil de l’Europe énonce dans son préambule que «la consolidation de la paix fondée sur la justice et la coopération internationale est d’un intérêt vital pour la préservation de la société humaine et de la civilisation». En effet, l’Organisation cible une prévention structurelle des conflits grâce à ses instruments multilatéraux, dont la collecte et l’analyse des informations sur les causes profondes des conflits avant qu’ils n’éclatent, et le développement de stratégies de prévention des conflits en coordination avec d’autres organisations internationales.
3. Par ailleurs, aux termes de l’article 1er du Statut, «le but du Conseil de l’Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses Membres afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun et de favoriser leur progrès économique et social». Pour atteindre cet objectif d’une union plus étroite, le Conseil de l’Europe doit œuvrer activement à la prévention des conflits.
4. Enfin, si les questions relatives à la défense nationale sont explicitement exclues du champ de compétences du Conseil de l’Europe, ce dernier a joué un rôle actif dans la protection de la sécurité démocratique. La sécurité est un concept plus étendu que la défense, et repose dans une large mesure sur le respect des processus démocratiques, des droits humains et de l’État de droit.
5. Cependant, la paix en Europe a récemment été fondamentalement remise en question. Après une baisse progressive, le nombre de conflits armés est reparti à la hausse en 2010. Quelque 35 conflits sont actuellement en cours dans le monde. Plusieurs facteurs contribuent à cette recrudescence, notamment l’effondrement de l’État de droit, la fragilité des institutions étatiques, l’exploitation non durable des ressources naturelles qui exacerbe le changement climatique, l’érosion du bien-être social, l’affaiblissement du multilatéralisme et la passivité de la communauté internationale face aux nouvelles menaces – tout ceci étant susceptible de contribuer à la montée des régimes autoritaires.

2. Enjeux en matière de sécurité démocratique

6. Le prix d’une guerre sera toujours bien plus élevé que celui de sa prévention. Depuis l’escalade de l’agression russe qui a débouché sur une invasion massive le 24 février 2022, la guerre a fait, au 2 avril 2023, au moins 8 451 morts 
			(3) 
			<a href='https://www.ohchr.org/en/news/2023/04/ukraine-civilian-casualty-update-3-april-2023'>www.ohchr.org/en/news/2023/04/ukraine-civilian-casualty-update-3-april-2023</a>., dont 501 enfants 
			(4) 
			<a href='https://kyivindependent.com/un-at-least-501-children-killed-in-ukraine-since-start-of-full-scale-invasion/'>https://kyivindependent.com/un-at-least-501-children-killed-in-ukraine-since-start-of-full-scale-invasion/</a>., et 14 156 blessés parmi les civils, et 10 villes ont été rasées, notamment Marioupol, Bakhmout et Volnovakha 
			(5) 
			<a href='https://www.slovoidilo.ua/2023/02/03/infografika/suspilstvo/tudy-pryjshov-ruskyj-myr-yaki-mista-ukrayiny-buly-povnistyu-abo-chastkovo-zrujnovani-vijny'>www.slovoidilo.ua/2023/02/03/infografika/suspilstvo/tudy-pryjshov-ruskyj-myr-yaki-mista-ukrayiny-buly-povnistyu-abo-chastkovo-zrujnovani-vijny.</a>. Plus de 3 500 établissements scolaires et autres structures d’éducation ont été soit complètement détruits soit endommagés 
			(6) 
			<a href='https://reliefweb.int/report/ukraine/attacks-education-and-military-use-education-facilities-ukraine-2022-february-2023'>https://reliefweb.int/report/ukraine/attacks-education-and-military-use-education-facilities-ukraine-2022-february-2023</a> et la scolarité de plus de 5 millions d’enfants est perturbée 
			(7) 
			<a href='https://news.un.org/en/story/2023/01/1132757'>https://news.un.org/en/story/2023/01/1132757</a>.. Les attaques contre le système de santé ukrainien ont entraîné la destruction d’au moins 218 hôpitaux et cliniques 
			(8) 
			<a href='https://phr.org/our-work/resources/russias-assault-on-ukraines-health-care-system/'>https://phr.org/our-work/resources/russias-assault-on-ukraines-health-care-system/</a>.. Plus de 13 millions d’Ukrainien·ne·s ont été contraints de quitter leur foyer: environ 5 millions ont été déplacés à l’intérieur du territoire ukrainien et 8 millions ont dû chercher refuge à l’étranger 
			(9) 
			<a href='https://www.unhcr.org/fr/news/press/2023/2/63fccfc2a/hcr-annee-apres-linvasion-troupes-russes-linsecurite-entrave-retour-ukrainiens.html'>www.unhcr.org/fr/news/press/2023/2/63fccfc2a/hcr-annee-apres-linvasion-troupes-russes-linsecurite-entrave-retour-ukrainiens.html</a>..
7. L'agression russe contre l'Ukraine ayant débuté le 20 février 2014 avec l'annexion de la Crimée, puis l'occupation des régions de Donetsk et de Louhansk, il faut aussi inclure dans le bilan total les plus de 14 000 personnes tuées et les près de 39 000 personnes blessées au cours des huit années ayant précédé février 2022 
			(10) 
			<a href='https://ukraine.un.org/sites/default/files/2022-02/Conflict-related civilian casualties as of 31 December 2021 %28rev 27 January 2022%29 corr EN_0.pdf'>https://ukraine.un.org/sites/default/files/2022-02/Conflict-related%20civilian%20casualties%20as%20of%2031%20December%202021%20%28rev%2027%20January%202022%29%20corr%20EN_0.pdf</a>..
8. Ces chiffres effrayants représentent des drames individuels, des familles séparées et une nation déchirée. Malheureusement, ils augmentent chaque jour avec la poursuite de l’agression russe. Ce bilan ne tient pas non plus compte des pertes et des dommages subis dans les territoires ukrainiens sous occupation russe, auxquels la Fédération de Russie empêche toutes les missions d'observation indépendantes d’accéder.
9. Les crimes commis par la Russie en Ukraine ont des répercussions qui s'étendent bien au-delà du continent européen. Ainsi que l’a souligné l’Agence internationale de l’énergie, le monde est confronté à sa première «crise énergétique véritablement mondiale», conséquence des effets à long terme de l’invasion massive de l’Ukraine par la Russie 
			(11) 
			<a href='https://www.bbc.com/news/business-63400384'>www.bbc.com/news/business-63400384.</a>. En outre, la Russie a constamment poursuivi une politique de militarisation politique et économique de son commerce des hydrocarbures.
10. La Russie continue de bloquer l'exportation des céréales ukrainiennes. En conséquence, l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient souffrent de graves pénuries alimentaires. L'accord sur les céréales, conclu le 22 juillet 2022 avec l'aide de la Türkiye et des Nations Unies, a permis d'exporter partiellement des céréales, des produits alimentaires connexes et des engrais depuis les ports ukrainiens d'Odessa, de Yuzhny et de Chornomorsk. Cependant, le problème persiste car la partie russe perturbe et limite constamment l’activité. Les prix des denrées alimentaires ont atteint leur niveau le plus élevé depuis 10 ans 
			(12) 
			<a href='https://www.mei.edu/publications/potential-impact-ukraine-russia-conflict-mena-region'>www.mei.edu/publications/potential-impact-ukraine-russia-conflict-mena-region</a>. et, rien qu’en Afrique, plus de 346 millions de personnes manqueront de nourriture en 2023 
			(13) 
			The
Economist, The World Ahead 2023..
11. Le montant total des travaux de reconstruction à réaliser en Ukraine va déjà de 410 milliards d'euros 
			(14) 
			<a href='https://www.rferl.org/a/ukraine-reconstruction-costs-411-billion/32329833.html'>www.rferl.org/a/ukraine-reconstruction-costs-411-billion/32329833.html</a>. à plus de 1 000 milliards d'euros 
			(15) 
			<a href='https://www.politico.eu/article/time-start-rebuild-ukraine-war-yulia-svydyrenko/'>www.politico.eu/article/time-start-rebuild-ukraine-war-yulia-svydyrenko/</a>.. Tandis que la guerre fait toujours rage, le coût de la reconstruction augmente chaque jour. Les activités de déminage à elles seules pourraient durer 30 ans; il faudra donc attendre des décennies avant que l'économie d'après-guerre ne revienne à la normale.
12. Pour blanchir ses crimes, la Fédération de Russie mène une campagne de désinformation active contre l'Ukraine et le monde démocratique. La propagande russe est particulièrement active dans toute la partie sud et s’apparente à une tentative de déformer la perception qu'a le monde de sa guerre d'agression illégale 
			(16) 
			<a href='https://www.economist.com/international/2022/09/22/how-russia-is-trying-to-win-over-the-global-south'>www.economist.com/international/2022/09/22/how-russia-is-trying-to-win-over-the-global-south</a>.. Parallèlement aux cyberactivités malveillantes, les tentatives d'influencer l'opinion publique constituent un problème persistant posé par la politique étrangère agressive de la Russie, comme en témoignent de manière éclatante les tentatives d'ingérence dans les élections présidentielles aux États-Unis et en France et dans le référendum sur le Brexit au Royaume-Uni 
			(17) 
			Parlement européen,
Résolution 2020/2268(INI), <a href='https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2022-0064_FR.html'>www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2022-0064_FR.html</a>.. Avec le développement des plateformes en ligne internationales, les citoyen·ne·s européens sont de plus en plus exposés aux activités d'espionnage et aux campagnes de désinformation menées par les régimes autoritaires, tout particulièrement la Russie et la Chine 
			(18) 
			Ibid..
13. L’agression de la Russie contre l’Ukraine, à ses différents stades et sous ses différents aspects, avec les souffrances qu’elle entraîne, est soigneusement documentée dans les résolutions et l’avis de l’Assemblée parlementaire et les débats qui les ont accompagnés: Résolution 1988 (2014) «Développements récents en Ukraine: menaces pour le fonctionnement des institutions démocratiques», Résolution 2063 (2015) «Examen de l'annulation des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation de la Fédération de Russie (suivi du paragraphe 16 de la Résolution 2034 (2015))», Résolution 2133 (2016) «Recours juridiques contre les violations des droits de l’homme commises dans les territoires ukrainiens se trouvant hors du contrôle des autorités ukrainiennes», Résolution 2132 (2016) «Conséquences politiques de l'agression russe en Ukraine», Résolution 2145 (2017) «Le fonctionnement des institutions démocratiques en Ukraine», Résolution 2198 (2018) «Les conséquences humanitaires de la guerre en Ukraine», Résolution 2292 (2019) «Contestation, pour des raisons substantielles, des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation parlementaire de la Fédération de Russie», Avis 300 (2022) «Conséquences de l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine», Résolution 2433 (2022) «Conséquences de l'agression persistante de la Fédération de Russie contre l'Ukraine: rôle et réponse du Conseil de l'Europe», Résolution 2436 (2022) «L'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine: faire en sorte que les auteurs de graves violations du droit international humanitaire et d’autres crimes internationaux rendent des comptes», Résolution 2448 (2022) «Conséquences humanitaires et déplacements internes et externes en lien avec l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine» et Résolution 2482 (2023) «Questions juridiques et violations des droits de l'homme liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine».
14. L'Ukraine est l'exemple le plus récent et l'un des plus extrêmes de l'efficacité limitée des procédures du Conseil de l'Europe lorsqu'il s'agit de garantir la sécurité en tant qu'élément fondamental de la protection de la démocratie et des droits humains, mais ce n'est pas le seul.
15. L'agression menée par la Russie contre la Géorgie en 2008 a coûté la vie à 405 personnes, et 192 000 personnes ont été déplacées. La Russie a créé dans la région un conflit gelé, qu'elle peut rallumer à tout moment, à sa convenance, et porter au niveau d'une véritable guerre. L’Assemblée a réagi en adoptant la Résolution 1633 (2008) «Conséquences de la guerre entre la Géorgie et la Russie», dans laquelle elle tenait cependant les deux parties pour responsables de l’escalade des tensions. L’Assemblée notait de plus que le déclenchement de cette guerre avait surpris la plupart de ses membres, reconnaissant ainsi l’inefficacité des systèmes d’alerte précoce et des autres outils de prévention des conflits. Les tensions et les différends dans les Balkans, en Irlande du Nord, à Chypre, dans le Caucase et en République de Moldova sont également des sources de préoccupation majeurs.
16. En 1949, le Conseil de l’Europe a été créé dans le but de promouvoir la coexistence pacifique entre les nations. Dans le préambule du Statut de l’Organisation, il est indiqué que «la consolidation de la paix fondée sur la justice et la coopération internationale est d’un intérêt vital pour la préservation de la société humaine et de la civilisation». Bien que le Conseil de l’Europe ne soit pas une organisation de défense, son mandat est directement lié à la sécurité. En effet, le concept de sécurité est à la base des principes fondamentaux des droits humains, de la démocratie et de l'État de droit, et ces principes sont aussi les composantes du concept de sécurité. La notion de sécurité démocratique, approuvée pour la première fois par les chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe en 1993, lors du Sommet de Vienne, est aujourd’hui plus que jamais d’actualité.
17. Au fil des ans, le Conseil de l’Europe a mis au point toute une série d’outils destinés à prévenir les conflits: renforcement de la confiance, alerte précoce et contrôle de conformité, limitation des droits des auteurs d’actes répréhensibles, ou encore suspension de la qualité de membre.
18. La prévention des conflits est l'option évidente et préférable, qui permet de sauver des vies et d'économiser de l'argent. Mais, alors que les États membres disposent d’une gamme si riche d'outils de prévention des conflits, pourquoi échoue-t-elle?
19. Si l’on veut que le Conseil de l'Europe parvienne à protéger la sécurité démocratique, il faut revoir les règles de l’Organisation et de ses différents organes et les faire évoluer. Le présent rapport s'appuie sur les recommandations et résolutions antérieures, et sur l'analyse d’événements historiques et de faits intervenus récemment, pour tenter de proposer des moyens de changer de manière significative les règles et les méthodes du Conseil de l'Europe, afin qu’il puisse agir de bonne foi et conformément aux objectifs définis dans son Statut.
20. Pour que ce rapport ait une signification pratique, un effort cohérent de renforcement de la sécurité démocratique est nécessaire de la part de nos parlements et gouvernements respectifs. Cela suppose de faire preuve de volonté politique, individuellement, au niveau de chaque parlement national, et collectivement, au niveau de notre Assemblée. Afin de garantir un engagement durable et des efforts concertés dans un certain domaine, le Statut du Conseil de l'Europe permet au Comité des Ministres d’adopter une politique commune: l’article 15.a du Statut prévoit en effet la possibilité de «l’adoption par les Gouvernements d’une politique commune à l’égard de questions déterminées».

3. Une politique de sécurité démocratique commune

21. L'Assemblée devrait recommander au Comité des Ministres d'adopter une politique de sécurité démocratique commune, c’est-à-dire une politique commune visant à renforcer le rôle du Conseil de l'Europe dans la prévention des conflits et à créer les conditions préalables pour une paix durable. Cette politique de sécurité démocratique commune devrait comprendre les volets suivants:
  • donner un nouvel élan à l’action préventive;
  • faciliter l'élaboration de politiques équilibrées;
  • promouvoir le multilatéralisme;
  • renforcer l’obligation de rendre des comptes;
  • faire respecter l'obligation d'indemnisation.
22. Le Conseil de l'Europe devrait jouer un rôle actif pour réformer l'architecture internationale de la sécurité démocratique. L'Assemblée devrait être une plateforme où les peuples d'Europe peuvent exprimer leurs attentes légitimes vis-à-vis des organisations internationales. Naturellement, le Conseil de l’Europe devrait éviter les interférences avec les travaux d’autres organisations multilatérales et s’attacher plutôt à coordonner les initiatives de ses États membres pour les améliorer, et à concilier les points de vue et les efforts des États membres concernant cette réforme. À l’heure où le fonctionnement d'organisations internationales aussi fondamentales que l’ONU et l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) est entravé par l’attitude de l’un de leurs membres qui fait de l’obstruction, il est plus nécessaire que jamais que le Conseil de l'Europe joue un rôle de soutien pour préserver l'État de droit international et la prise de décision démocratique.
23. Dans le même temps, le Conseil de l'Europe devrait avoir une capacité institutionnelle qui lui permette de mettre en œuvre cette politique. La Secrétaire Générale du Conseil de l'Europe, assistée d’une équipe dédiée composée d’agent·e·s du Secrétariat, devrait coordonner tous les processus prévus par la résolution contenue dans le présent rapport et veiller à ce que le Conseil de l'Europe puisse se faire entendre sur les questions concernant la réforme de l'architecture internationale de la sécurité.
24. La Secrétaire Générale devrait réagir aux signes de détérioration de la protection des droits humains ou des relations interétatiques, en jouant un rôle proactif de médiation, en appelant à la prudence et en négociant une solution au conflit qui soit acceptable pour toutes les parties.
25. Il incombe au Conseil de l'Europe d’aider ses États membres à aligner leurs positions et à coordonner leurs actions dans le cadre de la mise en œuvre d’une politique de sécurité démocratique commune.
26. Il conviendrait de mener une révision semestrielle des développements, des réalisations et des échecs liés à la mise en œuvre de la politique de sécurité démocratique commune du Conseil de l’Europe. La révision pourrait porter sur tous les aspects de la résolution contenue dans le présent rapport, de la diplomatie préventive à la réforme de l’ONU en passant par l’obligation de rendre des comptes. La révision pourrait aussi servir de base à l’élaboration d’un «bulletin de sécurité démocratique», destiné à informer les décideurs et le grand public des mesures prises par le Conseil de l’Europe pour prévenir les conflits et assurer la sécurité démocratique.
27. La sous-commission des relations extérieures de la commission des questions politiques et de la démocratie devrait jouer un rôle actif dans la mise en œuvre de la politique de sécurité démocratique commune. La sous-commission devrait promouvoir activement la diplomatie parlementaire et le multilatéralisme, communiquer les préoccupations des citoyen·ne·s des États membres du Conseil de l'Europe aux autres États et organisations internationales, et promouvoir les normes et les outils du Conseil de l'Europe dans le monde entier. Les activités menées par la sous-commission dans ces domaines devraient venir compléter les mesures prises par le Comité des Ministres pour mettre en œuvre la politique de sécurité démocratique commune.
28. Le volet de suivi de la politique de sécurité démocratique commune, dirigé par la Secrétaire Générale du Conseil de l'Europe, devrait s’appuyer sur les travaux de la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi) et du Bureau du Commissaire aux droits de l'homme, avec lesquels il devrait être coordonné.

4. Donner un nouvel élan à l’action préventive

29. Tout au long de ses 74 ans d'existence, le Conseil de l'Europe a joué un rôle actif dans la prévention des conflits sur le continent européen. À cette fin, il a utilisé toute une série d’outils, dont l’alerte précoce et le suivi, le renforcement de la confiance et la promotion de valeurs communes. Une nouvelle politique de sécurité démocratique commune dépendra fortement de l’amélioration de ces outils et du renforcement de l’action préventive menée par les États membres du Conseil de l'Europe.

4.1. Alerte précoce

30. Le Conseil de l’Europe et ses États membres doivent se doter d’une capacité d’alerte sophistiquée permettant de repérer le recul de la démocratie, les discours de haine et tout signe de tension et d’hostilité dans les États membres et entre eux.
31. Le Conseil de l'Europe a réalisé des progrès significatifs dans l’observation des évolutions dans ses États membres, notamment grâce aux travaux de la commission de suivi et du Bureau du Commissaire aux droits de l'homme.
32. D’autres améliorations pourraient consister à accélérer les procédures de détection et d’alerte et à mettre en place un système d’évaluation des risques basé sur un modèle d’escalade des différends et sur une notification publique immédiate aux États membres et à leurs populations.
33. À cet égard, nous devrions répéter les appels à renforcer la procédure d’alerte précoce lancés dans la Recommandation 2235 (2022) «La sécurité en Europe face à de nouveaux défis: quel rôle pour le Conseil de l’Europe?». L’Assemblée devrait aussi saluer la réponse donnée à cette recommandation par le Comité des Ministres, qui a indiqué qu’il pourrait envisager d’entamer des discussions sur un éventuel mécanisme d’alerte précoce, et appeler à des discussions concrètes, fondées sur des textes, pour examiner les propositions portant sur une telle procédure.

4.2. Mesures de confiance

34. Depuis sa création, le Conseil de l’Europe a beaucoup investi dans le renforcement de la confiance en développant l’idée d’un «patrimoine européen commun». Le renforcement de la confiance grâce à la promotion de cette idée est au cœur même de la Convention-cadre du Conseil de l'Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société (STCE no 199, «Convention de Faro», adoptée en 2005) et du «Programme de coopération et d’assistance techniques relatives à la conservation intégrée du patrimoine culturel», qui contribue à la mise en œuvre des principes des conventions et des valeurs de l’Organisation sur le terrain.
35. Le Conseil de l'Europe, et notamment son Assemblée, devraient donner une forte impulsion politique en vue de favoriser un recours accru aux mesures de confiance. En coopération avec les assemblées parlementaires de l'OSCE, de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN) et d'autres organisations, le Conseil de l'Europe devrait élaborer un ensemble de mesures de confiance, englobant le suivi et la coopération entre les membres de la société civile.
36. Dans ce contexte, l’Assemblée devrait condamner en particulier la décision irresponsable de la Fédération de Russie (annoncée le 21 février 2023) de suspendre sa participation au traité New Start sur la réduction et la limitation des armes stratégiques offensives.
37. L’Assemblée devrait recommander au Comité des Ministres de poursuivre ses efforts de renforcement de la confiance. Bien que ces mesures ne puissent pas, à elles seules, empêcher les guerres, elles constituent un élément important de l'architecture globale de prévention des conflits.

4.3. Devoir de prévenir l’agression

38. Divers mécanismes internationaux de protection des droits prévoient des mesures préventives et l'obligation d'en faire bon usage. En particulier, l'article premier de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide définit l'obligation juridique de prévenir le génocide incombant aux États signataires de la Convention. De manière analogue, l’article 2 de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants impose aux États l’obligation d’empêcher que soient commis des actes de torture et d’autres traitements inhumains ou dégradants.
39. L’article premier de la Charte des Nations Unies appelle explicitement à prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d'agression. En fonction du contexte, ce devoir doit entraîner l'obligation, pour les États, de négocier activement afin d'éviter l'escalade. En cas d'imminence d'une attaque non provoquée, des mécanismes de défense collective doivent être mobilisés pour fournir d'urgence une assistance appropriée, y compris militaire, aux victimes potentielles de l'agression.
40. La défense et la sécurité collectives, évoquées à l'article 51 de la Charte des Nations Unies, devraient être accessibles à tous les pays, et non réservées aux membres de l'OTAN. Nous devrions encourager un dialogue sur le système de sécurité collective afin de mettre en œuvre les dispositions de cette Charte.
41. Pendant huit ans, l'Ukraine a dû se défendre contre l'agression russe avec des moyens très limités. Avant 2014 et avant 2022, un certain nombre de services de renseignement étrangers étaient au courant des projets d’agression de la Fédération de Russie. Pourtant, l'aide apportée à l'Ukraine a été insuffisante. Si l'Ukraine avait reçu une aide militaire plus importante avant le début de l'invasion à grande échelle, cela aurait pu constituer un puissant moyen de dissuader la Russie de mettre ses projets à exécution.
42. Le Conseil de l'Europe devrait promouvoir le devoir de prévenir l'agression en tant qu'obligation juridique parmi ses États membres et faciliter sa mise en œuvre par le biais de la politique de sécurité démocratique commune.

5. Faciliter l'élaboration de politiques équilibrées

43. Durant les premières phases d’élaboration des politiques, la détérioration des normes démocratiques et des droits humains peut être évitée au moyen de conseils politiques et de changements législatifs opportuns. La Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) sert d’organe consultatif majeur et de source d’expertise pour éclairer les processus législatifs à un stade précoce de l’élaboration des politiques dans de nombreux États du continent.
44. Le Conseil de l'Europe devrait intensifier ses efforts pour mieux faire connaître la Commission de Venise, promouvoir ses travaux, tant dans les États membres du Conseil de l'Europe que dans ses relations extérieures, inviter davantage d'États à la rejoindre en tant que membres à part entière et à utiliser davantage la possibilité de lui demander des avis, renforcer sa capacité institutionnelle à réagir rapidement à ces demandes et accroître son impact et son rayonnement internationaux.
45. Les juridictions internationales peuvent jouer un rôle similaire. Leurs avis consultatifs peuvent éclairer les responsables politiques et prévenir l'émergence de différends. Le pouvoir de la Cour européenne des droits de l'homme de donner des avis consultatifs pourrait être élargi pour répondre aux préoccupations encore plus tôt, au stade de l'élaboration des politiques.

6. Promouvoir le multilatéralisme

46. Le monde devrait renouer avec l’esprit oublié du multilatéralisme et de la coopération mutuellement bénéfique. À cette fin, un respect strict des règles est indispensable. Les règles placent en effet tous les acteurs sur un pied d’égalité. Nous devons également repenser la notion de dialogue. Le processus décisionnel international devrait être plus égalitaire, de sorte qu'aucun pays ne puisse jouir d'une position privilégiée susceptible d'entraîner des abus et des déséquilibres.

6.1. Coordination interinstitutionnelle

47. Souvent, les institutions internationales et leurs organes, comme l’ONU et son Assemblée générale, le Conseil de l'Europe, l'OTAN, l'OSCE et leurs assemblées parlementaires, le Parlement européen ou encore l'Union interparlementaire, agissent isolément les uns des autres. Peu soucieux de l'opinion des uns et des autres, les gouvernements et les parlements adoptent des positions fragmentées et ne parviennent pas à élaborer de réponse concertée aux agressions et aux violations des droits humains.
48. Les organisations internationales devraient coordonner leurs travaux dans la mesure du possible. À cette fin, les membres de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe pourraient être régulièrement informés par le secrétariat de l'évolution récente de la situation à l'Assemblée générale et au Conseil de sécurité des Nations Unies, au Parlement européen, à l'Union interparlementaire, à l’Assemblée parlementaire de l'OTAN et à l’Assemblée parlementaire de l'OSCE.

6.2. Repenser le dialogue

49. Il ne fait aucun doute que le dialogue est essentiel au règlement pacifique des différends. Cependant, insister sur le compromis conduit parfois à mettre sur un pied d’égalité une victime et un agresseur.
50. Ces dernières années, le dialogue est devenu une fin en soi, une panacée et un cliché néfaste. Cette erreur de jugement n'a pas apporté la paix sur le continent européen. Il convient de rappeler que la Fédération de Russie a lancé une véritable guerre malgré des années d’apaisement, et alors même qu’elle avait été autorisée à réintégrer l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe en 2019.
51. Il est important que chacun puisse exprimer ses opinions lors d’un échange ouvert. Toutefois, la communauté internationale n'a aucun intérêt à parvenir à un semblant de compromis si les plateformes internationales sont utilisées à mauvais escient pour diffuser de fausses nouvelles et pour justifier des guerres d'agression. Par conséquent, les règles de toutes les organisations internationales devraient prévoir qu'une majorité de membres puisse décider de limiter les droits de vote et de parole d'une délégation si un membre enfreint gravement le droit international et les principes de l’organisation.

6.3. Respecter les règles

52. Le respect des règles, qui s’oppose à la prise de décision arbitraire, est essentiel pour construire et préserver un cadre multilatéral sain, où règne un climat de paix et de compréhension mutuelle.
53. Malheureusement, dans bien des contextes, nous n'avons pas réussi à préserver cette clarté procédurale. Un exemple frappant est celui de l'ONU: la Fédération de Russie a été admise comme membre des Nations Unies et du Conseil de sécurité après la dissolution de l'Union soviétique sans vote au titre de l'article 4 de la Charte des Nations Unies, alors que la Yougoslavie, qui était dans la même situation, a dû se soumettre à une procédure qui a duré huit ans. L'Assemblée devrait saluer les efforts visant à attirer l'attention sur ces incohérences qui sapent la légitimité des institutions internationales, par exemple la Résolution 2787-IX du Parlement ukrainien 
			(19) 
			<a href='https://zakon.rada.gov.ua/laws/show/2787-20?lang=en'>https://zakon.rada.gov.ua/laws/show/2787-20?lang=en#Text</a>. et la Déclaration du ministère ukrainien des Affaires étrangères 
			(20) 
			<a href='https://mfa.gov.ua/en/news/zayava-mzs-ukrayini-shchodo-nelegitimnosti-perebuvannya-rosijskoyi-federaciyi-v-radi-bezpeki-oon-ta-organizaciyi-obyednanih-nacij-u-cilomu'>https://mfa.gov.ua/en/news/zayava-mzs-ukrayini-shchodo-nelegitimnosti-perebuvannya-rosijskoyi-federaciyi-v-radi-bezpeki-oon-ta-organizaciyi-obyednanih-nacij-u-cilomu</a>. sur l'illégitimité de la présence de la Fédération de Russie au Conseil de sécurité des Nations Unies et à l’ONU dans son ensemble, qui sont déjà soutenues par l'Estonie 
			(21) 
			<a href='https://twitter.com/UrmasReinsalu/status/1608112125905612800?s=20'>https://twitter.com/UrmasReinsalu/status/1608112125905612800?s=20</a>. et la Pologne 
			(22) 
			<a href='http://www.frontnews.ge/en/news/details/49315'>http://www.frontnews.ge/en/news/details/49315</a>..
54. En 2019, notre Assemblée, en vertu d’un vote à la majorité, a dérogé à son Règlement en invitant les parlements des États membres du Conseil de l’Europe «qui [n’étaient] pas représentés par une délégation à l’Assemblée» à présenter leurs pouvoirs en cours de la partie de session de juin 2019 
			(23) 
			<a href='https://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTML-fr.asp?fileid=27980&lang=fr'>Résolution
2287 (2019).</a>. Cette dérogation a consacré une application inégale du Règlement, taillée sur mesure pour le retour de la Fédération de Russie, État agresseur, au sein de l'Assemblée. Les conséquences de cette mesure dangereuse sont bien connues. Il est grand temps d’en tirer la conclusion que les règles et leur application égale à tous sont d’une importance cruciale 
			(24) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/portal/-/pace-affirms-its-members-rights-to-vote-to-speak-and-to-be-represented-in-the-assembly-and-its-bodies-'>«L’APCE
affirme le droit de ses membres ‘de voter, de prendre la parole
et d’être représentés à l’Assemblée et dans ses organes’»</a>, actualités de l’Assemblée, 25 juin 2019..

6.4. Rendre l’ONU plus égalitaire et plus efficace

55. L’ONU n’a pas réussi à empêcher l’agression russe ni à y mettre fin. Le Conseil de sécurité (organe spécifiquement investi de la responsabilité du maintien de la paix et de la sécurité internationales) a été complètement paralysé en raison de l’utilisation abusive du droit de veto par la Fédération de Russie.
56. En conséquence, l’Assemblée devrait soutenir les propositions faites par Emmanuel Macron et par Charles Michel lors du débat à haut niveau qui a eu lieu à l’Assemblée générale des Nations Unies du 20 au 26 septembre 2022: certains événements, tels que la perpétration de crimes de masse internationaux ou le déclenchement d’une guerre d’agression, d’ailleurs condamnée par l’Assemblée générale, devraient entraîner la suspension du droit de veto.
57. L’Assemblée devrait appeler une nouvelle fois à organiser un vote à l’Assemblée générale pour demander à la Cour internationale de Justice de rendre un avis consultatif sur les possibilités de limiter le droit de veto qui sont implicites dans les buts et principes de la Charte des Nations Unies ou dans les principes généraux du droit. Cet appel de l’Assemblée figure déjà dans sa Résolution 2436 (2022) «L'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine: faire en sorte que les auteurs de graves violations du droit international humanitaire et d’autres crimes internationaux rendent des comptes». Les restrictions au droit de veto pourraient se fonder sur l’article 2, paragraphe 2, de la Charte, qui prévoit que les membres de l’ONU, afin d’assurer à tous la jouissance des droits et avantages résultant de leur qualité de Membre, doivent remplir de bonne foi leurs obligations.
58. L'Assemblée générale devrait jouer un rôle plus important dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Elle a une responsabilité subsidiaire dans ce domaine en cas de blocage du Conseil de sécurité. Elle devrait exercer ces pouvoirs plus activement, qui consistent notamment à recommander une action collective en vue d'imposer des sanctions dans le cadre des résolutions «L’union pour le maintien de la paix», à créer des tribunaux ad hoc afin de garantir l’obligation de rendre des comptes, à déployer des forces de maintien de la paix et éventuellement à déférer des situations à la Cour pénale internationale. La promotion d’un rôle plus actif de l’Assemblée générale, qui est une question de culture juridique et d’application plutôt que de modification de la loi, devrait devenir partie intégrante des efforts de plaidoyer déployés par le Conseil de l’Europe dans le cadre de la politique de sécurité démocratique commune.

7. Renforcer l’obligation de rendre des comptes

59. L’obligation de rendre des comptes joue un rôle dissuasif. Sachant qu'ils devront inévitablement assumer les conséquences de leurs actes illicites, les agresseurs seront dissuadés de perpétrer toute forme de violation.

7.1. Renforcer la justice internationale

60. Les juridictions internationales devraient disposer d’une compétence large et obligatoire pour demander des comptes aux auteurs de violations du droit international. Plus il y aura de pays qui reconnaîtront la compétence des juridictions internationales (Cour internationale de Justice, Cour européenne des droits de l’homme, Cour pénale internationale), moins il y aura de décisions unilatérales donnant lieu à une escalade de la violence et à une agression.
61. Nous devons donner un nouvel élan à la reconnaissance de la compétence des juridictions internationales. Telle est aussi la conclusion tirée le 12 janvier 2023, lors du débat ministériel tenu au Conseil de sécurité de l’ONU sur le thème «Promotion et renforcement de l’État de droit dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales: l’État de droit entre les nations», par Joan E. Donoghue, présidente de la Cour internationale de Justice, et par Dapo Akande, professeur à l’université d’Oxford 
			(25) 
			<a href='https://www.un.org/sg/en/content/sg/speeches/2023-01-12/secretary-generals-remarks-the-security-council-the-promotion-and-strengthening-of-the-rule-of-law-the-maintenance-of-international-peace-and-security-the-rule-of-law'>www.un.org/sg/en/content/sg/speeches/2023-01-12/secretary-generals-remarks-the-security-council-the-promotion-and-strengthening-of-the-rule-of-law-the-maintenance-of-international-peace-and-security-the-rule-of-law</a>..
62. Cependant, le renforcement de la justice internationale comporte en fait deux aspects. En ce qui concerne l’efficacité de la justice internationale, la rapidité et la durée des procédures sont des facteurs décisifs. Les États membres devraient faciliter les discussions sur la rationalisation de la justice internationale et prendre en compte les expériences pertinentes, telles que la pratique consistant à fixer des délais clairs pour l'obtention d'une décision, intégrée dans le mémorandum d'accord sur le règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce.

7.2. Étendre la compétence de la Cour pénale internationale

63. Le droit pénal international et l’obligation de rendre des comptes sont des facteurs importants du système général de dissuasion. Actuellement, le Statut de Rome confère à la Cour pénale internationale (CPI) une compétence à l’égard de quatre crimes internationaux: le crime de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et le crime d’agression.
64. L’obligation de répondre du crime d’agression est considérablement limitée par des modalités particulières d’exercice de la compétence, qui ont été instaurées dans le cadre des amendements apportés au Statut de Rome lors de la conférence de Kampala. Contrairement à ce qui se passe pour les autres crimes, la CPI peut exercer sa compétence à l’égard du crime d’agression uniquement si les auteurs de ce crime sont des ressortissants d’un État qui a ratifié le Statut de Rome ou si le Conseil de sécurité en a saisi la CPI. Bien souvent, le crime d’agression n’est pas sanctionné et l’agresseur jouit de l’impunité. L'exemple le plus marquant est l'agression russe contre l'Ukraine.
65. Deux solutions parallèles sont nécessaires. Premièrement, il est nécessaire de modifier le Statut de Rome et de faire en sorte que les règles d’exercice de la compétence soient les mêmes à l’égard des quatre crimes internationaux. Rien ne justifie de créer des régimes différents pour les crimes internationaux les plus graves.
66. Deuxièmement, le Statut de Rome devrait conférer aussi à l’Assemblée générale, et pas seulement au Conseil de sécurité, le pouvoir de saisir la CPI de certaines situations. En effet, l’Assemblée générale a, elle aussi, même si ce n’est qu’à titre subsidiaire, la responsabilité du maintien de la paix et de la sécurité internationales.

7.3. Tribunaux ad hoc

67. Les solutions décrites ci-dessus sont des moyens véritablement efficaces de garantir l’obligation de rendre des comptes mais elles requièrent une planification rigoureuse et des efforts considérables et ne peuvent être mises en œuvre immédiatement. Or, c’est en ce moment que des crimes sont commis.
68. En conséquence, une solution complémentaire est nécessaire dans l’intervalle pour combler les lacunes du système actuel: créer un tribunal ad hoc, par exemple un tribunal spécial pour le crime d’agression contre l’Ukraine. Un tel tribunal (mis en place par l’intermédiaire de l’ONU ou du Conseil de l'Europe) devrait refléter la volonté de l’ensemble de la communauté internationale de faire en sorte que les auteurs de ce crime répondent de leurs actes 
			(26) 
			<a href='https://www.justsecurity.org/84017/the-case-for-creating-a-special-tribunal-to-prosecute-the-crime-of-aggression-committed-against-ukraine-part-vi-on-the-non-applicability-of-personal-immunities/'>www.justsecurity.org/84017/the-case-for-creating-a-special-tribunal-to-prosecute-the-crime-of-aggression-committed-against-ukraine-part-vi-on-the-non-applicability-of-personal-immunities/</a>.. Sur cette base, le tribunal sera compétent pour poursuivre de hauts responsables russes 
			(27) 
			CIJ, arrêt rendu dans
l’affaire du mandat d’arrêt (République démocratique du Congo c. Belgique)..
69. Le tribunal devrait être pleinement international car, si l’on optait pour un tribunal hybride, cela soulèverait de sérieuses questions constitutionnelles en droit ukrainien et compliquerait considérablement les poursuites 
			(28) 
			<a href='https://www.justsecurity.org/80958/ukraines-constitutional-constraints-how-to-achieve-accountability-for-the-crime-of-aggression/'>www.justsecurity.org/80958/ukraines-constitutional-constraints-how-to-achieve-accountability-for-the-crime-of-aggression/</a>.. Ce point de vue est exprimé dans le rapport qui accompagne la Résolution 2482 (2022) «Questions juridiques et violations des droits de l'homme liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine» 
			(29) 
			<a href='https://pace.coe.int/files/31576/pdf'>https://pace.coe.int/files/31576/pdf</a>..
70. Le tribunal spécial n’interférera pas avec l’action de la CPI mais la complétera et la facilitera 
			(30) 
			<a href='https://www.justsecurity.org/83757/forging-a-cooperative-relationship-between-intl-crim-court-and-a-special-tribunal-for-russian-aggression-against-ukraine/'>www.justsecurity.org/83757/forging-a-cooperative-relationship-between-intl-crim-court-and-a-special-tribunal-for-russian-aggression-against-ukraine/</a>.. Le Conseil de l'Europe devrait définir toutes les modalités avec le Gouvernement ukrainien et procéder rapidement à la création du tribunal, sur la base des principes susmentionnés et selon une feuille de route convenue d'un commun accord. L'engagement de l'ONU est hautement souhaitable; sa contribution concrète dépendra de la possibilité de réunir un soutien en faveur de la création d'un tel tribunal à l'Assemblée générale. Le Conseil de l'Europe devrait utiliser ses contacts extérieurs pour assurer un soutien au tribunal spécial au-delà de ses propres membres.

7.4. Une politique de sanctions économiques

71. Enfin, la responsabilité financière de l'agresseur devrait aussi se traduire par des sanctions sévères. Certes, les efforts déployés actuellement pour réduire la capacité de la Russie à financer la guerre, qui prennent la forme de 10 trains de sanctions adoptés par l'Union européenne, constituent une étape importante vers la paix, mais cette guerre aurait pu être évitée si des sanctions sérieuses avaient été imposées immédiatement après l'annexion illégale de la Crimée ou même déjà après l'agression menée par la Russie contre la Géorgie.
72. Par conséquent, les États membres du Conseil de l'Europe devraient considérer que des mesures économiques restrictives, proportionnées et opportunes, sont un moyen important de garantir la sécurité démocratique.

8. Faire respecter l'obligation d'indemnisation

73. Le principe fondamental du droit international coutumier selon lequel les États sont tenus de réparer le préjudice causé par leurs faits internationalement illicites est affirmé dans la jurisprudence de la Cour internationale de Justice et dans les articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite élaborés par la Commission du droit international.
74. Si un État qui enfreint le droit international refuse de se conformer à l'obligation d'indemnisation, la communauté internationale devrait faire respecter cette obligation. La confiscation de biens appartenant à l'État et de biens appartenant à des personnes privées qui contribuent à une violation du droit international devrait être considérée comme une sanction légale.
75. La Fédération de Russie refuse de verser des indemnisations à l’Ukraine pour les dommages colossaux qu’elle cause. Par conséquent, ses avoirs ainsi que les avoirs des oligarques sanctionnés pour leur soutien à l'agression contre l'Ukraine devraient être confisqués et le produit de leur vente devrait être utilisé pour la reconstruction de l'Ukraine.
76. Si les biens appartenant à l'État sont protégés par l’immunité souveraine, cette protection n’est cependant pas absolue. L'immunité n’est pas synonyme d'impunité.
77. L’immunité souveraine ne peut pas servir à éviter à un État agresseur d’assumer les conséquences de ses actes. Tout État est habilité à prendre des contre-mesures en réponse à une guerre d’agression. La confiscation des réserves souveraines russes et d’autres biens appartenant à l’État constitue une mesure pleinement proportionnée et conforme au droit international si ces biens confisqués sont consacrés à la reconstruction de l’Ukraine.
78. Il convient de mentionner que le Parlement européen, dans sa résolution du 19 janvier 2023, a accepté la possibilité de «priv[er] [l]es avoirs [souverains de l’État russe] de la protection de l’immunité souveraine ou [de limiter] cette protection au regard de la gravité de ces violations» 
			(31) 
			<a href='https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2023-0015_FR.html'>www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2023-0015_FR.html</a>..
79. En outre, les biens de personnes privées déjà soumises à des sanctions pourraient être confisqués selon une procédure sans condamnation. L’application d’une telle procédure doit être assortie des garanties nécessaires: il faut notamment prouver que ces personnes ont soutenu l’agression et les crimes de guerre et respecter leurs droits de propriété, leur droit à un procès équitable et tous leurs autres droits humains. La Cour européenne des droits de l'homme a considéré une procédure sans condamnation comme légale dans plusieurs affaires, en particulier dans des affaires concernant la mafia italienne 
			(32) 
			Raimondo
c. Italie, Cour européenne des droits de l'homme, requête
n° 12954/87, arrêt du 22 février 1994; Arcuri
et trois autres c. Italie, Cour européenne des droits
de l'homme, décision sur la recevabilité de la requête n° 52024/99, rendue
le 5 juillet 2001..
80. Certains pays ont déjà commencé à confisquer des avoirs russes. Le Canada a approuvé des dispositions législatives suffisamment étendues pour permettre la confiscation de biens appartenant à l’État et de biens appartenant à des personnes privées. Il importe de noter que, selon le critère retenu par le Canada, une personne peut se voir confisquer ses biens si elle figure sur la liste des personnes soumises à des sanctions pour avoir contribué à l’agression russe contre l’Ukraine. Dans sa Résolution 2434 (2022) «Comment faire bon usage des avoirs confisqués d’origine criminelle?», l’Assemblée appelle à confisquer les avoirs des citoyen·ne·s et des entreprises publiques russes frappés de sanctions ciblées en raison de leurs responsabilités dans la guerre d’agression lancée contre l’Ukraine par la Fédération de Russie. L’Estonie a fait part, elle aussi, de son intention de prendre des mesures de confiscation 
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			<a href='https://www.bloomberg.com/news/articles/2023-01-09/estonia-to-move-ahead-of-eu-with-plans-to-seize-russian-assets'>www.bloomberg.com/news/articles/2023-01-09/estonia-to-move-ahead-of-eu-with-plans-to-seize-russian-assets</a>..
81. Compte tenu de ce qui précède, nous devons renouveler notre forte pression politique en faveur d'une confiscation étendue mais légale. C’est une politique profondément juste: il s’agit de faire payer à l’agresseur les dommages qu’il a causés, d’établir des principes de responsabilité solides, qui continueront à s’appliquer au-delà de cette guerre, et d’empêcher que d’autres agressions se produisent dans l’avenir.

9. Conclusions

82. La plupart des solutions proposées dans ce rapport sont bien connues et loin d'être nouvelles. Cependant, ce rapport, qui en fait la synthèse, se veut aussi novateur, dans la mesure où il tend à générer un nouvel élan, à donner une nouvelle impulsion pour un changement global. Il propose, pour le Conseil de l’Europe, une feuille de route pour ses activités liées à la sécurité démocratique.
83. Le rapport s’attache à promouvoir une idée nouvelle: l’adoption d’une politique de sécurité démocratique commune, visant à intensifier les efforts consacrés par le Conseil de l'Europe à la protection et au renforcement de la sécurité internationale. Cette politique devrait garantir que les dispositifs d’alerte précoce et les mesures de confiance sont pleinement utilisés, améliorer les processus d’élaboration des politiques, renforcer l’obligation de rendre des comptes et permettre de prévenir les conflits dans l’avenir.
84. La mobilisation des efforts dans le domaine de la sécurité est pleinement justifiée car il est impossible de garantir les droits humains en l’absence de sécurité démocratique.
85. Le Conseil de l'Europe devrait promouvoir le dialogue multilatéral constructif et contribuer à harmoniser les positions de ses États membres sur le fonctionnement et la réforme d’autres organisations internationales. Cela permettra d’élaborer une réponse commune forte aux violations du droit international.
86. Le Conseil de l'Europe devrait encourager toutes les initiatives – allant du renforcement de la justice internationale à l'élimination des lacunes en matière de compétence pénale internationale – visant à obliger les responsables de violations du droit international à répondre de leurs actes.
87. L’immunité n’est pas synonyme d'impunité. Par conséquent, le Conseil de l'Europe devrait faire respecter l'obligation d'indemniser la victime de l’agression, notamment au moyen de mesures légales de confiscation de biens appartenant à l’État ou à des personnes privées.
88. Atteindre ces objectifs requiert un engagement ferme et une volonté de vaincre la résistance au changement. Le Conseil de l'Europe devrait tirer pleinement parti de son potentiel afin de contribuer à la réforme de l'architecture de sécurité mondiale car les résultats de cette réforme auront un impact direct sur la sécurité démocratique de ses États membres.