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Rapport | Doc. 15795 | 20 juin 2023

Guerre d’agression contre l’Ukraine – Participation des athlètes russes et bélarussiens aux Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024?

Commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias

Rapporteure : Mme Linda Hofstad HELLELAND, Norvège, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: décision du Bureau, Renvoi 4743 du 19 juin 2023. 2023 - Troisième partie de session

Résumé

Toutes les institutions et organisations qui prétendent sincèrement défendre les droits fondamentaux et les valeurs démocratiques doivent soutenir l’Ukraine sans réserve, doute ou hésitation. Les pays doivent montrer l’exemple, mais tous les acteurs de la société mondiale ont un rôle à jouer. Cela s’applique à la communauté sportive et au Mouvement olympique, dont le rôle est essentiel et dont les décisions ont une immense résonance et de profondes répercussions à l’échelle mondiale.

Pour la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias, la participation des athlètes russes et bélarussiens aux Jeux olympiques et paralympiques de Paris dans le contexte actuel est inconcevable: cette participation serait certainement utilisée comme outil de propagande et elle empêcherait de facto d’autres athlètes, notamment les athlètes ukrainiens, d’y participer. Les efforts du Comité International Olympique (CIO) pour définir un ensemble de critères acceptables permettant la participation des athlètes russes et bélarussiens en tant que concurrents neutres et individuels ne peuvent pas fournir les garanties nécessaires et ne constitueront pas une réponse digne des valeurs de dignité humaine et de paix consacrées par la Charte olympique.

Surtout, les arguments en faveur de la participation des athlètes russes et bélarussiens, fondés sur la neutralité, l’indépendance du mouvement sportif et la non-discrimination, ne résistent pas face à l'impératif de condamner et de rejeter les atrocités commises et de démontrer le soutien total et indéfectible de la communauté internationale à l’Ukraine tandis que l'offensive se poursuit.

En conséquence, les représentants nationaux du CIO et les fédérations sportives nationales et internationales devraient exprimer leur opposition à la proposition du CIO d'autoriser les athlètes russes et bélarussiens à participer aux prochains Jeux olympiques et paralympiques de Paris. Le CIO devrait maintenir la position exprimée en 2022 et interdire la participation des athlètes russes et bélarussiens aux Jeux olympiques et paralympiques et à toutes les autres grandes manifestations sportives tant que la guerre d'agression se poursuivra.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 19 juin
2023.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire condamne une fois de plus, dans les termes les plus forts, la guerre d’agression totale engagée par la Fédération de Russie contre l’Ukraine, avec la complicité du régime bélarussien. Les conséquences de ce mépris délibéré du droit international se répercutent bien au-delà des frontières de l’Ukraine ou même de l’Europe: toutes les régions du monde sont affectées.
2. Il ne faut lésiner sur aucun moyen pour montrer notre rejet total des régimes et dirigeants russes et bélarussiens. Les responsables politiques et les pouvoirs publics doivent montrer la voie à suivre, mais les organisations et institutions majeures agissant dans les sphères publique et privée devraient également faire entendre leur voix, apportant le poids de leur autorité morale et de leur renommée à la prise de conscience publique.
3. Le monde du sport est un acteur sociétal influent qui, aux niveaux national, régional et mondial, exerce une influence économique, sociale voire politique considérable, et dont les décisions ont une immense résonance et de profondes répercussions à l’échelle mondiale. Le sport, dans ce qu’il a de meilleur, rassemble les pays, les sociétés, les peuples et les cultures sur un terrain de jeu où les différences peuvent être mises de côté et où les échanges se fondent sur des valeurs telles que le respect mutuel, la diversité, l’égalité et l'inclusion. Pour ces mêmes raisons, l’Assemblée considère que le monde du sport doit aujourd’hui jouer son rôle en réagissant à une situation où une grande puissance mondiale a balayé ses obligations en vertu du droit international, avec des conséquences tellement dévastatrices.
4. En avril 2022, la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias de l’Assemblée s’est félicitée des appels lancés par le Comité international olympique (CIO), qui a exhorté toutes les fédérations internationales de sports à déplacer ou à annuler leurs manifestations sportives prévues en Fédération de Russie ou au Bélarus et a recommandé aux fédérations internationales de sports et aux organisateurs d'événements sportifs de ne pas inviter ni d’autoriser la participation d’athlètes et d’officiels russes ou bélarussiens aux compétitions internationales. En outre, la 17e Conférence du Conseil de l'Europe des ministres responsables du sport (Antalya, Türkiye) a adopté le 26 octobre 2022 une résolution dans laquelle les ministres condamnent l'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine et considèrent que la Fédération de Russie et le Bélarus ne devraient pas être représentés dans le sport international tant que cette agression se poursuivra.
5. Préoccupée par le débat qui a lieu au sein du CIO sur la possibilité pour les athlètes munis d’un passeport russe ou bélarussien de participer aux Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 en tant qu’«athlètes neutres», cette même commission a organisé une audition en avril 2023 avec la participation d’invités actifs dans les discussions en cours sur cette question. Lors de cette audition, les membres de l’Assemblée ont entendu différents points de vue, y compris des positions sur la nécessité de garantir la non-discrimination dans le sport, le souhait que le sport demeure indépendant et distinct de la politique et de toute intervention de l’État, ainsi que d'autres informations sur les critères d'une participation neutre actuellement en cours d'examen par le CIO et sur la manière dont différents organismes sportifs peuvent en fin de compte adopter des positions différentes sur cette question. La Commission permanente de l’Assemblée, réunie à Riga le 25 mai 2023, a tenu un débat d’actualité sur cette question.
6. Tout en reconnaissant la complexité des enjeux, et que les opinions sur la meilleure approche peuvent varier, l’Assemblée maintient que la participation des athlètes russes et bélarussiens aux Jeux olympiques et paralympiques dans le contexte actuel est inconcevable, qu’elle serait certainement utilisée comme outil de propagande et qu’elle empêcherait dans les faits d’autres athlètes, notamment les athlètes ukrainiens, d’y participer.
7. Après avoir pris en compte tous les points de vue et arguments soulevés, l’Assemblée est convaincue que les efforts du CIO pour définir un ensemble de critères acceptables permettant la participation des athlètes russes et bélarussiens en tant que concurrents neutres et individuels aux Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 ne peuvent pas fournir les garanties nécessaires et ne constitueront pas une réponse digne des valeurs de dignité humaine et de paix consacrées par la Charte olympique.
8. L’expérience passée des Jeux olympiques de Beijing et de Sotchi a montré que le régime russe est plus que prêt à abuser de la trêve olympique. Sachant que les athlètes d'élite russes et bélarussiens reçoivent des salaires de l’État et font souvent partie d’équipes sportives militaires, il semble impossible qu’ils puissent prouver leur neutralité et leur distance par rapport aux régimes, et encore moins faire une déclaration quelconque contre la guerre. En effet, les athlètes qui souhaiteraient le faire se mettraient certainement dans une situation dangereuse. En outre, les décisions individuelles de chaque organisme sportif d’autoriser ou non les athlètes russes et bélarussiens à participer aux compétitions concernées en tant qu’athlètes neutres ne pourraient que conduire à la confusion et à l'inégalité de traitement et ces dernières semaines ont montré que les régimes russe et bélarussien utiliseront néanmoins les victoires de ces athlètes «neutres» dans leur propagande.
9. Surtout, les arguments en faveur de la participation des athlètes russes et bélarussiens, fondés sur la neutralité, l’indépendance du mouvement sportif et la non-discrimination, ne résistent pas face à l'impératif de condamner et de rejeter les atrocités commises et de démontrer le soutien total et indéfectible de la communauté internationale à l’Ukraine tandis que l'offensive se poursuit. Le combat ukrainien pour la liberté est notre combat; cela ne devrait pas être oublié ou négligé, et devrait continuer à guider nos réponses à la guerre d’agression russe.
10. L’Assemblée, en conséquence:
10.1. invite instamment les représentants nationaux du CIO et les fédérations sportives nationales et internationales à exprimer leur opposition à la proposition du CIO d'autoriser les athlètes russes et bélarussiens à participer aux prochains Jeux olympiques et paralympiques de Paris;
10.2. appelle le CIO et ses organismes sportifs constitutifs à maintenir la position exprimée en 2022 et à interdire la participation des athlètes russes et bélarussiens aux Jeux olympiques et paralympiques de Paris et à toutes les autres grandes manifestations sportives tant que la guerre d'agression se poursuivra. Une telle interdiction ne peut que renforcer et promouvoir davantage les objectifs louables de paix et d'égalité incarnés par le Mouvement olympique et par le sport en général. Elle ne représente ni un affaiblissement ni un relâchement de l'indépendance et des valeurs du sport.

B. Exposé des motifs par Mme Linda Hofstad Helleland, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. Le 24 février 2022, à la suite de l’attaque meurtrière russe contre l’Ukraine, le Comité international olympique (CIO) a fermement condamné la violation de la trêve olympique par le Gouvernement russe 
			(2) 
			Disponible <a href='https://olympics.com/cio/news/le-cio-condamne-fermement-la-violation-de-la-treve-olympique'>ici</a>.. Le 25 février 2022, sa commission exécutive a exhorté toutes les fédérations internationales de sports à déplacer ou à annuler leurs manifestations sportives prévues en Russie ou au Bélarus 
			(3) 
			Disponible <a href='https://olympics.com/cio/news/la-ce-demande-aux-federations-de-deplacer-ou-annuler-manifestations-sportives-prevues-en-russie-ou-au-belarus'>ici</a>., et a demandé de ne pas déployer le drapeau national russe ou bélarussien et de ne pas jouer l’hymne russe ou bélarussien dans le cadre de manifestations sportives internationales. Le 28 février, la commission exécutive du CIO a recommandé aux fédérations internationales de sports et aux organisateurs d’événements sportifs de ne pas inviter ni d’autoriser d’athlètes et d’officiels russes et bélarussiens aux compétitions internationales 
			(4) 
			Disponible <a href='https://olympics.com/cio/news/la-commission-executive-du-cio-recommande-de-ne-pas-autoriser-la-participation-d-athletes-et-d-officiels-russes-et-belarussiens'>ici</a>. Si cela était impossible à court terme pour des raisons
organisationnelles ou juridiques, la commission exécutive du CIO
a demandé instamment aux fédérations internationales de sports et
aux organisateurs d’événements sportifs à travers le monde de faire
tout ce qui était en leur pouvoir pour qu’aucun athlète ou officiel
sportif russe ou bélarussien ne soit autorisé à concourir sous le
nom de la Russie ou du Bélarus. Elle a ajouté que les ressortissants russes
ou bélarussiens, que ce soit à titre individuel ou par équipes,
ne devraient être acceptés qu’en tant qu’athlètes ou équipes neutres,
et qu’aucun symbole, couleur, drapeau ou hymne national ne devraient
être présents. La commission exécutive du CIO a également pris la
décision ad hoc de retirer
l’Ordre olympique à toutes les personnes qui occupent une fonction
importante au sein du Gouvernement de la Fédération de Russie ou
un autre poste de haut rang lié au gouvernement, notamment M. Vladimir
Poutine, M. Dmitry Chernyshenko et M. Dmitry Kozak..
2. En avril 2022, la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias a soutenu ces appels du CIO, constatant que les autorités russes réduisaient – et réduisent encore – au silence toutes les formes d’opposition et de pensée critique, et qu’il n’y avait pas d’autre solution que d’imposer des interdictions strictes qui pourraient obliger le peuple russe à regarder en face l’horreur de cette guerre que la propagande russe cherchait à dissimuler.
3. Aujourd’hui, le CIO envisage la possibilité, pour les athlètes munis d'un passeport russe ou bélarussien, de participer aux Jeux olympiques de Paris 2024 en tant qu’«athlètes neutres», et l’Association des fédérations internationales des sports olympiques d’été (ASOIF) ainsi que de nombreuses fédérations sportives (mais pas toutes) semblent enclines à suivre cette approche. Cependant, qu’est-ce qui a changé depuis février 2022? Seize mois après le début de la guerre d’agression contre l’Ukraine, la situation ne s’est certainement pas améliorée. Tragiquement, les événements récents montrent même une escalade de la violence.
4. Les conséquences de cette guerre d’agression sont effroyables. Des milliers de victimes civiles ont perdu la vie aux côtés des dizaines de milliers de soldats ukrainiens qui sont morts en défendant leur pays, et plus de 14 millions d’Ukrainiens ont dû quitter leur foyer. Outre la destruction massive d’infrastructures civiles 
			(5) 
			Y compris, par exemple,
la destruction récente du barrage de Kakhovka sur le fleuve Dniepr,
avec ses conséquences dévastatrices pour des milliers de personnes,
pour l’économie agricole et pour l’environnement dans la région
de Kherson ainsi que les risques pour la sécurité de la centrale
nucléaire de Zaporijjia. En effet, même s’il n’y a pas de certitude absolue
sur les causes de cet événement, il est probable qu’il ait été provoqué
par l’armée russe qui contrôle cette zone, dans le cadre de sa stratégie
pour entraver la contre-offensive ukrainienne., des actes de barbarie et des crimes de guerre honteux ont été commis par l’armée russe, notamment la déportation d’enfants ukrainiens.
5. Aujourd’hui, il semble exister peu de raisons d’espérer que cette agression atroce et injustifiable va cesser. Le régime russe est résolu à mettre le peuple ukrainien à genoux, et brandit sans cesse la menace d’une escalade, comme le confirme l’annonce d’un déploiement d’armes nucléaires tactiques sur le territoire bélarussien.
6. Pour nombre d’entre nous, le débat en cours au sein du CIO sur la possibilité que les athlètes ayant un passeport russe ou bélarussien participent aux Jeux olympiques de Paris 2024 en tant qu’«athlètes neutres» est donc difficile à comprendre. Cependant, le CIO n’est pas le seul à justifier la nécessité de revenir sur l’interdiction pesant sur les athlètes russes et bélarussiens. La commission a tenu une audition publique le 25 avril 2023 
			(6) 
			Audition publique avec
la participation de Mme Natallia Pinchuk,
épouse d’Ales Bialiatski, militant bélarussien des droits humains,
emprisonné, et lauréat du Prix Václav Havel; Mme Amélie
Oudéa-Castéra, Ministre des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques,
France (message vidéo); Mme Lucy Frazer
KC MP, Secrétaire d’État à la Culture, aux Médias et aux Sports,
Royaume-Uni (message vidéo), représentée par M. Adam Conant, Chef
du service des sports – Ministère de la culture, des médias et des
sports, Royaume-Uni; M. Andriy Chesnokov, Vice-ministre de la jeunesse
et des sports de l'Ukraine pour l'intégration européenne (en ligne);
Mme Alexandra Xanthaki, Rapporteuse spéciale
des Nations Unies dans le domaine des droits culturels (message
vidéo); M. Francesco Ricci Bitti, Président de l’Association des
fédérations internationales olympiques des sports d'été (ASOIF);
M. Gerd Kanter, Président de la Commission des athlètes des Comités
Olympiques Européens, Estonie (en ligne); des Représentants du Comité
international olympique (CIO): M. Arsen Julfalakyan (Arménie), médaillé
d'argent olympique, champion d'Europe et du monde de lutte gréco-romaine,
président de la Commission des Athlètes de United World Wrestling
(UWW); et Mme Gaby Ahrens (Namibie), Olympienne,
Tir, Présidente de la Commission des Athlètes de l'Association des
comités nationaux olympiques d'Afrique (ACNOA). La vidéo de l’audition
est disponible <a href='https://pace.coe.int/fr/news/9061/strong-views-at-a-pace-hearing-on-whether-athletes-from-russia-and-belarus-should-be-excluded-from-the-paris-olympics-'>ici</a>., avec la participation d’invités actifs dans les discussions en cours sur cette question. Lors de cette audition, nous avons entendu différents points de vue, y compris des positions sur la nécessité de garantir la non-discrimination dans le sport, le souhait que le sport demeure indépendant et distinct de la politique et de toute intervention de l’État, ainsi que d'autres informations sur les critères d'une participation neutre actuellement en cours d'examen par le CIO et sur la manière dont différents organismes sportifs peuvent en fin de compte adopter des positions différentes sur cette question. Par la suite, la Commission permanente de l’Assemblée, réunie à Riga le 25 mai 2023, a tenu un débat d’actualité sur cette question.
7. Le présent rapport émane d’une demande de débat d’urgence présentée par les présidents des cinq groupes politiques de l’Assemblée; il vise à analyser les principaux arguments avancés pour justifier le retrait de l’interdiction et la participation des athlètes russes et bélarussiens aux Jeux olympiques de Paris 2024, bien que sous des conditions strictes de «neutralité», et à y répondre. Étant donné la complexité des questions juridiques et politiques en jeu, et du calendrier serré pour élaborer ce rapport urgent, cette analyse ne prétend pas être exhaustive; elle est cependant suffisamment détaillée pour expliquer la conclusion à laquelle je suis arrivée sur la nécessité de maintenir l’interdiction actuelle, qui, je l’espère, sera suivie par la commission, l’Assemblée, puis le CIO.
8. J’ai identifié quatre questions clés permettant de structurer cette analyse, à savoir:
  • L’interdiction pesant sur les athlètes russes et bélarussiens constitue-t-elle une violation de leurs droits fondamentaux?
  • Cette interdiction est-elle cohérente avec les valeurs olympiques?
  • Un appel de l’Assemblée au CIO à maintenir l’interdiction serait-il contraire au principe d’autonomie du sport?
  • Un tel appel, ainsi que les déclarations de la plupart des États membres du Conseil de l’Europe qui ont exprimé des réserves concernant le retrait de l’interdiction serait-il incohérent ou autocentré, sachant que d’autres conflits n’ont pas provoqué les mêmes réactions de leur part?
9. J’examinerai l’une après l’autre ces différentes questions, bien qu’elles soient interconnectées et puissent se chevaucher partiellement. J’ai jugé que la première question nécessitait des explications plus détaillées, dont certaines sont également utiles pour répondre aux autres questions.

2. L’interdiction constitue-t-elle une violation des droits fondamentaux des athlètes russes et bélarussiens?

10. Le réexamen de la sanction adoptée par le CIO en février 2022 pourrait bien être dû à une communication adressée au CIO le 14 septembre 2022 par deux expertes des Nations Unies, Mme Alexandra Xanthaki, Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels, et Mme E. Tendayi Achiume, Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée 
			(7) 
			Disponible <a href='https://spcommreports.ohchr.org/TMResultsBase/DownLoadPublicCommunicationFile?gId=27552'>ici</a>. Les rapporteurs spéciaux font partie de ce qui est
connu sous <a href='https://www.ohchr.org/fr/special-procedures-human-rights-council'>Procédures
spéciales</a> du Conseil des droits de l’homme. Les Procédures spéciales,
le plus grand groupe d’experts indépendants du système des droits humains
des Nations Unies, sont le nom général donné aux mécanismes d’enquête
et de suivi indépendants du Conseil. Elles portent sur des pays
ou sur des thèmes spécifiques partout dans le monde. Les experts
des Procédures spéciales travaillent sur la base du volontariat;
ils ne font pas partie du personnel des Nations Unies et ne perçoivent
pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout
gouvernement ou de toute organisation et s’engagent à titre individuel. 
			(7) 
			Le
CIO a répondu le 11 novembre 2022 (voir <a href='https://spcommreports.ohchr.org/TMResultsBase/DownLoadFile?gId=37249'>ici</a>).. Les deux expertes ont reconnu que «le déplacement ou l’annulation de manifestations prévues dans la Fédération de Russie et au Bélarus ainsi que la recommandation de ne pas déployer le drapeau national russe ou bélarussien et de ne pas jouer l’hymne russe ou bélarussien dans le cadre de manifestations sportives internationales sont des sanctions qui peuvent être jugées légitimes, étant donné qu’elles ciblent directement ces États ou leurs représentations officielles». Toutefois, elles ont aussi exprimé de «sérieuses préoccupations concernant la recommandation d’exclure les athlètes et les officiels russes et bélarussiens tels que les arbitres des compétitions internationales du seul fait de leur nationalité, par principe», car elles ont estimé que cette interdiction soulevait «de graves questions de non-discrimination».
11. Mme Xanthaki nous a envoyé un message vidéo à l’occasion de l’audition du 25 avril 2023 
			(8) 
			Le message vidéo a
été publié sur le site internet de la commission, avec la vidéo
de l’audition (disponible <a href='https://pace.coe.int/fr/news/9061/strong-views-at-a-pace-hearing-on-whether-athletes-from-russia-and-belarus-should-be-excluded-from-the-paris-olympics-'>ici</a>). La transcription envoyée par le bureau de Mme Xanthaki
est jointe au procès-verbal de l’audition (disponible <a href='https://rm.coe.int/projet-d-addendum-au-proces-verbal-de-la-reunion-tenue-a-strasbourg-le/1680aba9c6'>ici</a>).. Par la suite, elle a également envoyé un document écrit intitulé «Questions-réponses concernant la participation des athlètes russes et bélarussiens aux compétitions sportives internationales», qui reprend les arguments avancés dans son message vidéo. J’ai décidé de joindre ce document au présent rapport (voir annexe), car je le trouve informatif et pertinent.
12. Je peux en effet souscrire à la plupart des éléments de l’analyse de Mme Xanthaki. Je pense que chacun d’entre nous ne peut qu’être d’accord avec ce qui suit:
  • Le CIO et ses membres doivent respecter les droits humains.
  • Le sport est l'une des nombreuses pratiques culturelles par lesquelles les personnes se développent et s'expriment, apprennent des autres et appartiennent à une communauté, et le droit de participer à la vie culturelle, qui est protégé par le droit international, inclut le droit de participer aux sports.
  • La non-discrimination constitue un principe fondamental et général relatif à la protection des droits humains, et les droits humains doivent être exercés sans discrimination d’aucune sorte, notamment fondée sur la nationalité.
  • Un traitement différencié fondé sur un des motifs interdits sera considéré comme discriminatoire, à moins que la justification de la différenciation ne soit raisonnable et objective. Cela comprendra une évaluation visant à déterminer si le but et les effets des mesures ou omissions sont légitimes, compatibles avec les normes des droits humains et visent uniquement à promouvoir le bien-être général dans une société démocratique. En outre, un rapport clair et raisonnable de proportionnalité doit exister entre le but recherché et les mesures ou omissions et leurs effets 
			(9) 
			Comme
c’est le cas pour toute restriction apportée aux droits humains
individuels dans l’intérêt de la société dans son ensemble, la différence
de traitement doit être appréciée en fonction de l’équilibre entre
l’importance de ses buts légitimes et ses effets négatifs sur les
droits des individus concernés. Les mesures spécifiques doivent
être nécessaires (ce qui signifie qu'il ne doit pas y avoir d'autres
mesures moins intrusives qui permettraient d’atteindre le même but)
et proportionnées (ce qui signifie que les effets des mesures doivent
rester dans des limites raisonnablement acceptables, eu égard à
l'importance des buts poursuivis). Selon la Cour européenne des
droits de l'homme, des motifs très sérieux doivent être avancés
pour considérer comme compatible avec la Convention une différence
de traitement fondée exclusivement sur la nationalité..
13. Cependant, je ne parviens pas à suivre le raisonnement de Mme Xanthaki lorsqu’elle affirme que la restriction des droits des athlètes russes et bélarussiens découlant de l’interdiction de leur participation aux Jeux olympiques n’est pas justifiable et enfreint leur droit de pratiquer le sport.
14. Pour commencer, il convient de clarifier que le droit de pratiquer le sport, en tant qu’expression du droit à participer à la vie culturelle, ne devrait pas être confondu avec le droit de participer aux Jeux olympiques ou à des compétitions sportives mondiales majeures.
15. En effet, la Charte olympique défend le droit de pratiquer le sport et affirme, dans son principe fondamental no 4, que «la pratique du sport est un droit de l’homme» et «que chaque individu doit avoir la possibilité de faire du sport sans discrimination d’aucune sorte».
16. Tous les États membres du Conseil de l’Europe ont reconnu le «droit au sport» dans sa globalité. Selon l’article 10 de la Charte européenne du sport révisée (la Charte) 
			(10) 
			Annexe à la Recommandation <a href='https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?Reference=CM/Rec(2021)5'>CM/Rec(2021)5.</a> sur le «droit au sport», «1. L’accès au sport pour tous est considéré comme un droit fondamental. Tout être humain a le droit inaliénable d’accéder au sport dans un environnement sain, à l’intérieur et à l’extérieur des établissements scolaires; le sport est essentiel pour le développement personnel et il joue un rôle majeur dans l’exercice des droits à la santé, à l’éducation, à la culture et à la participation à la vie de la communauté» 
			(11) 
			Selon l’article 2 de
la Charte: «Aux fins de la présente charte, on entend par «sport»
toutes formes d’activités physiques qui, à travers une participation
organisée ou non, ont pour objectif le maintien ou l’amélioration
de la condition physique et psychique, le développement des relations
sociales ou l’obtention de résultats en compétition à tous niveaux».. La même disposition précise que «2. Aucune discrimination fondée sur la race, la couleur, la langue, la religion, le genre ou l’orientation sexuelle, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation n’est autorisée dans l’accès aux installations sportives ou aux activités sportives».
17. Je peux concevoir que la possibilité pour les athlètes de haut niveau de participer à des manifestations sportives majeures relève également de leur droit au sport, mais il ne s’agit là que d’un aspect du droit au sport (ou à la pratique du sport) et non de son «essence même», qui est le «droit d’accéder au sport dans un environnement sain». À vrai dire, on pourrait raisonnablement soutenir que l’essence même du droit d’accès au sport en toute sécurité est aujourd’hui refusée non pas aux athlètes russes et bélarussiens, mais plutôt aux athlètes et aux citoyens ukrainiens.
18. Au vu de cette clarification, la restriction (d’un élément) du droit au sport des athlètes russes et bélarussiens de haut niveau constitue-t-elle une discrimination interdite par le droit international?
19. Mme Xanthaki fait valoir que «les limitations au droit de participer à la vie culturelle, y compris sportive, doivent être déterminées par la loi, poursuivre un but légitime, être compatibles avec la nature du droit et strictement nécessaires à la promotion du bien-être général dans une société démocratique. Toute limitation doit donc être proportionnée, c’est-à-dire que les mesures les moins restrictives doivent être prises lorsque plusieurs types de limitation peuvent être imposés.
20. Nous connaissons bien le triple test de légalité, de but légitime, et de proportionnalité dans la mesure où la Cour européenne des droits de l’homme exige que ces conditions soient réunies pour apporter des limitations aux droits consacrés par la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5), tels que le droit au respect de la vie privée garanti par son article 8, auquel le droit au sport peut également être rattaché.
21. Il semble que pour Mme Xanthaki, la question essentielle soit l’absence de «nécessité» ou de «proportionnalité» de l’interdiction, qu’elle juge «disproportionnée au but qu’elle cherche à atteindre». Je suis en désaccord, non pas avec l’exigence d'évaluer la nécessité et la proportionnalité de l'interdiction, mais avec les conclusions de Mme Xanthaki.
22. Pour commencer, il convient de préciser quel est le but légitime en jeu. Mme Xanthaki se contente d’évoquer l’objectif poursuivi par la Commission exécutive du CIO, à savoir protéger l’intégrité des compétitions sportives mondiales et la sécurité de tous les participants. Or, le «bien-être général dans une société démocratique» auquel se réfère Mme Xanthaki inclut assurément la «protection des droits et libertés d’autrui» qui constitue l’un des buts légitimes spécifiques susceptibles d’être visés, selon la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5), par une restriction à un droit humain non absolu. Et au même titre que Mme Xanthaki, je suis absolument convaincue que les instances sportives devraient s’engager à protéger et à respecter les droits humains internationalement reconnus.
23. À cet égard, la guerre d’agression menée contre l’Ukraine compromet de manière inacceptable le droit à l’autodétermination du peuple ukrainien. Elle emporte la violation effroyable de toute une série de droits fondamentaux dont sont victimes des millions d’Ukrainiens. Ainsi, nous avons d’un côté une limitation du droit de participer aux Jeux olympiques qui touche un nombre restreint d’athlètes russes et bélarussiens de haut niveau, et de l’autre, les droits fondamentaux d’un pays entier et de ses millions d’habitants, dont leur droit à la vie et à la sécurité, et bien naturellement leur «droit d’accéder au sport dans un environnement sain».
24. Peut-on sérieusement avancer qu’une interdiction adoptée en réaction aux violations massives de ces droits n’est pas «nécessaire» ou qu’elle est «disproportionnée» au regard du but poursuivi? Rappelons d’abord le but poursuivi par l’exclusion des athlètes russes et bélarussiens: à savoir envoyer un signal clair non seulement aux dirigeants russes et bélarussiens, mais aussi à l’ensemble de la population des deux États. Les peuples de Russie et du Bélarus sont soumis chaque jour à une propagande visant à leur faire croire que la soi-disant «opération militaire spéciale» est nécessaire pour protéger la Russie et le monde entier d’une menace de «nazisme» émanant de l’Ukraine. Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris offrent une occasion unique d’envoyer à tous les Russes et Bélarussiens le message fort que la communauté internationale dans son ensemble désapprouve la guerre d'agression contre l’Ukraine et qu’il faut mettre fin à cette guerre avant que la Russie et le Bélarus puissent réintégrer la scène mondiale, y compris le monde du sport, en tant que partenaires respectés.
25. Une exclusion des athlètes russes et bélarussiens destinée à sauvegarder les droits du peuple ukrainien ne saurait être considérée comme disproportionnée que si une autre solution moins radicale permettait d’aboutir aux mêmes résultats.
26. Si une telle solution existait, je la soutiendrais sans hésitation. Mais je ne vois pas de mesure moins radicale qui permettrait d’atteindre le même but. Bien au contraire, une décision de lever l’interdiction et d’autoriser les athlètes russes et bélarussiens à concourir aux Jeux olympiques de Paris 2024, même en tant qu’«athlètes neutres» enverrait le signal inverse à celui qui doit être envoyé. Elle serait immédiatement utilisé par la propagande pro-guerre de M. Poutine comme un signe d’acceptation, par la communauté internationale, de «l’opération militaire spéciale»; et chaque médaille remportée par des athlètes russes et bélarussiens viendrait alimenter davantage sa propagande nationaliste. Ainsi, la population russe pourrait être amenée à croire plus longtemps que la guerre contre l’Ukraine est justifiée, voire reconnue comme légitime par la communauté sportive et la communauté internationale dans son ensemble, ou du moins qu’elles ne s’y opposent pas vraiment. Le risque d’un tel résultat n’est que trop réel et nous ne devons pas le laisser se réaliser.
27. Étant donné qu’en Russie et au Bélarus, le sport et la politique sont indissociables, 35 gouvernements ont fait part de leurs sérieux doutes quant à la faisabilité, pour les athlètes olympiques russes et bélarussiens, de concourir en tant que «neutres» alors qu’ils sont directement financés et soutenus par leurs États. Les liens et affiliations solides entre les athlètes russes et l’armée russe suscitent également de vives inquiétudes 
			(12) 
			Selon une <a href='https://www.gov.uk/government/publications/statement-on-russias-war-on-ukraine-and-international-sport/statement-on-russias-war-on-ukraine-and-international-sport'>déclaration
sur la guerre menée par la Russie contre l'Ukraine et le sport international</a>, signée par 35 États et publiée le 20 février 2023,
la proposition du CIO quant à la possibilité de réintégrer les athlètes
russes et bélarussiens dans la compétition soulève de nombreuses
questions et inquiétudes. Mme Amélie Oudéa-Castéra,
et Mme Lucy Frazer KC MP, ont réitéré
cette position dans leurs messages vidéo respectifs..
28. Le CIO estime que les questions liées à la définition de la neutralité d’athlètes munis d’un passeport russe ou bélarussien ont été pleinement prises en compte dans les recommandations qu’il a adressées aux Fédérations Internationales (FI) et aux organisateurs de manifestations sportives internationales concernant la participation de ces athlètes aux compétitions internationales. D’après ces recommandations:
1. Les athlètes possédant un passeport russe ou bélarussien ne peuvent concourir qu’en tant qu’athlètes individuels neutres.
2. La participation d’équipes dont les athlètes sont munis d’un passeport russe ou bélarussien ne peut être envisagée.
3. Les athlètes qui soutiennent activement la guerre ne peuvent pas concourir. Le personnel d’encadrement qui soutient activement la guerre ne peut pas être inscrit aux compétitions.
4. Les athlètes qui sont sous contrat avec l’armée russe ou bélarussienne ou avec des agences de sécurité nationales ne peuvent pas concourir. Le personnel d’encadrement qui est sous contrat avec l’armée russe ou bélarussienne ou avec des agences de sécurité nationales ne peut pas être inscrit aux compétitions.
5. Tous les athlètes individuels neutres, à l’instar des autres concurrents en lice, doivent satisfaire à toutes les exigences en matière de lutte contre le dopage qui leur sont applicables et, plus particulièrement, à celles énoncées dans les règles antidopage des FI.
6. Les sanctions prises à l’encontre de ceux qui sont responsables de la guerre – les États et gouvernements russes et bélarussiens – doivent rester en place:
a. Aucune manifestation sportive internationale ne doit être organisée ni soutenue par une FI ou un comité national olympique en Russie ou au Bélarus.
b. Aucun drapeau, aucun hymne, aucune couleur ni aucune autre identification de quelque nature que ce soit de ces pays ne doivent être présents lors de rencontres ou de manifestations sportives, y compris sur le site même de ces événements.
c. Aucun(e) représentant(e) des gouvernements ou des États russes et bélarussiens ne peut être invité(e) ni accrédité(e) à une rencontre ou une manifestation sportive internationale 
			(13) 
			Voir à cet égard: <a href='https://olympics.com/cio/news/questions-reponses-concernant-la-declaration-sur-la-solidarite-avec-l-ukraine-sur-les-sanctions-a-l-encontre-de-la-russie-et-du-belarus'>Questions-réponses
concernant la participation d'athlètes porteurs d'un passeport russe
ou bélarussien aux compétitions internationales</a>..
29. À mon sens, ces recommandations soulèvent encore de nombreux problèmes, quasi insolubles:
  • en ce qui concerne la définition de la neutralité, car cette question ne peut être examinée uniquement sous l’angle de la position formelle de chaque individu à un moment donné (par exemple, qu’en est-il des athlètes qui ne sont pas sous contrat avec l’armée russe ou bélarussienne ou avec des agences de sécurité nationales lorsqu’ils s’inscrivent à une compétition, mais qui l’étaient au moment où la guerre a éclaté? De même, qu’en est-il des athlètes qui ont bénéficié durant leur carrière du soutien financier de l’État russe, grâce à des fonds publics versés par d’autres organismes publics? Et qu’en est-il des athlètes qui pourraient exprimer leur soutien à la guerre une fois les Jeux terminés ou participer à des cérémonies de célébration de la guerre par le régime?);
  • en ce qui concerne la possibilité d’assurer leur mise en œuvre effective avant, pendant et après les Jeux de Paris, car comme nous ne le savons que trop bien, nous pouvons difficilement compter sur les autorités russes et bélarussiennes et sur leur coopération réelle à tout mécanisme de contrôle.
30. Par ailleurs, la participation d’athlètes russes et bélarussiens sous bannière neutre – et dans les conditions susmentionnées du CIO de non-identification avec leur pays – ne répondrait pas vraiment à l’objection de traitement discriminatoire émise par Mme Xanthaki. De son point de vue, seuls les athlètes faisant de la propagande en faveur de la guerre (quelle que soit leur nationalité) devraient être exclus. Cette vision est clairement trop étroite: nous ne pouvons pas nous contenter d’examiner le comportement volontaire individuel, car les régimes autoritaires transforment facilement le sport en un instrument de propagande, comme l’histoire l’a montré, et la propagande est un outil clé du régime de M. Poutine, dont les athlètes individuels ne sont pas libres de se dissocier.
31. Si les conditions étaient suffisamment fortes pour éviter toute propagande, par exemple en exigeant des athlètes qu’ils ou elles condamnent publiquement la guerre d’agression, il y a fort à parier que les athlètes russes et bélarussiens ne seraient pas autorisés par leurs autorités à participer aux Jeux, ou qu’ils seraient eux-mêmes incapables d’accepter ces conditions contraignantes, car elle les exposeraient certainement ainsi que leurs familles à un risque de représailles de la part de leurs autorités.
32. N’oublions pas que nous ne parlons pas de pays où les droits humains sont reconnus et protégés, mais de dictatures oppressives dans lesquelles une adolescente de 13 ans qui fait un dessin anti-guerre peut être placée dans un orphelinat et son père se trouver condamné pour avoir jeté le discrédit sur les forces armées 
			(14) 
			Je fais référence à
la triste affaire de Maria et Alexeï Moskalyov.. Dans ces pays, comment des athlètes pourraient-ils être réellement neutres ou affirmer leur neutralité? Et comment pourrions-nous empêcher que leurs succès éventuels soient finalement instrumentalisés?
33. En résumé, rien ne permet d’affirmer qu’une mesure moins stricte que l’exclusion pure et simple des athlètes russes et bélarussiens soit propice à envoyer le message fort voulu visant, en fin de compte, à mettre fin à la guerre et à parvenir à une paix juste pour l’Ukraine. La solution du CIO, telle que décrite ci-dessus, ne peut être mise en œuvre et contrôlée de manière efficace et ne changerait en aucun cas le fait que des différences de traitement fondées sur la nationalité subsistent.
34. En ces heures sombres, nous devons défendre fermement nos valeurs. Et c’est justement ce que nous faisons en demandant le maintien de l’interdiction. La seule exception que je pourrais envisager concerne les athlètes, s’il y en a, qui ont fui la Russie ou le Bélarus et qui sont connus pour leur opposition à la guerre et aux régimes en place dans ces pays. Ces athlètes, qui ont déjà volontairement accepté les risques liés à leur dissidence, méritent notre plus grand respect et notre soutien. Leur participation ne pourrait être instrumentalisée à des fins de propagande en faveur de la guerre et il n’y aurait aucune raison de leur appliquer une sanction dont le but est de s’opposer à la guerre. Ces athlètes pourraient peut-être rejoindre une «équipe de réfugiés», comme cela a pu être le cas dans le passé, notamment au plus fort du conflit syrien.

3. L’interdiction est-elle cohérente avec les valeurs olympiques?

35. La Charte olympique énonce:
  • «Le but de l’Olympisme est de mettre le sport au service du développement harmonieux de l’humanité en vue de promouvoir une société pacifique, soucieuse de préserver la dignité humaine» (Principes fondamentaux de l’Olympisme, paragraphe 2);
  • «Le but du Mouvement olympique est de contribuer à la construction d’un monde meilleur et pacifique en éduquant la jeunesse par le biais d’une pratique sportive en accord avec l’Olympisme et ses valeurs» (article 1.1);
  • Le rôle du CIO est notamment «de coopérer avec les organisations et les autorités publiques ou privées compétentes aux fins de mettre le sport au service de l’humanité et de promouvoir ainsi la paix» (article 2.4).
36. L’interdiction a été décidée par le CIO principalement en raison de la violation de la trêve olympique par le Gouvernement russe et le Gouvernement bélarussien, qui le soutient 
			(15) 
			Voir «<a href='https://olympics.com/cio/news/la-commission-executive-du-cio-recommande-de-ne-pas-autoriser-la-participation-d-athletes-et-d-officiels-russes-et-belarussiens'>La
commission exécutive du CIO recommande de ne pas autoriser la participation
d’athlètes et d’officiels russes et bélarussiens</a>.». Le CIO a clairement indiqué que ses décisions de février 2022 avaient été prises avant tout «parce que l’invasion de l’Ukraine par la Russie constitue une violation flagrante de la Trêve olympique, qui était encore en vigueur pour les Jeux olympiques et paralympiques d’hiver de Beijing 2022, et donc une violation des Principes fondamentaux de l’Olympisme, consacrés par la Charte olympique. Si les Jeux olympiques d’hiver venaient tout juste de s’achever, les Jeux Paralympiques d’hiver étaient sur le point de commencer 
			(16) 
			Voir <a href='https://olympics.com/cio/news/questions-reponses-concernant-la-declaration-sur-la-solidarite-avec-l-ukraine-sur-les-sanctions-a-l-encontre-de-la-russie-et-du-belarus'>«Questions-réponses
concernant la participation d’athlètes porteurs d’un passeport russe
ou bélarussien aux compétitions internationales</a>.»».
37. Le CIO a également justifié ses mesures par d’autres motifs, notamment le fait que’«[alors que] des athlètes russes et bélarussiens peuvent continuer à prendre part à des événements sportifs, de nombreux athlètes ukrainiens sont dans l’impossibilité de le faire en raison des attaques menées contre leur pays 
			(17) 
			Voir <a href='https://olympics.com/cio/news/la-commission-executive-du-cio-recommande-de-ne-pas-autoriser-la-participation-d-athletes-et-d-officiels-russes-et-belarussiens'>«La
commission exécutive du CIO recommande de ne pas autoriser la participation
d’athlètes et d’officiels russes et bélarussiens</a>.»», de même que la nécessité «[d’]assurer la sécurité et l’intégrité des compétitions et [de] faire en sorte que la qualification pour participer à une compétition internationale repose sur le mérite sportif et non sur des décisions politiques telles qu’un refus de visa ou des menaces adressées aux athlètes, aux fédérations nationales ou aux Comités Nationaux Olympiques 
			(18) 
			Voir <a href='https://olympics.com/cio/news/questions-reponses-concernant-la-declaration-sur-la-solidarite-avec-l-ukraine-sur-les-sanctions-a-l-encontre-de-la-russie-et-du-belarus'>«Questions-réponses
concernant la participation d’athlètes porteurs d’un passeport russe
ou bélarussien aux compétitions internationales</a>.»».
38. Je ne m’attarderai pas sur l’analyse de ces possibles justifications supplémentaires (à savoir les préoccupations relatives à la sûreté et à la sécurité des athlètes, y compris des athlètes russes et bélarussiens, et à l’intégrité des compétitions), ni sur la question de savoir si elles sont toujours d’actualité; je noterai toutefois que la guerre continue certainement d’avoir une grande incidence sur la possibilité pour de nombreux athlètes ukrainiens de préparer correctement leurs épreuves de qualification et leur participation aux Jeux olympiques de Paris. Ils ont certainement d’autres sujets de préoccupation en ce moment, à commencer par celui de rester en vie et de protéger leur famille et leur pays.
39. Mais le point essentiel est et doit rester le fait que la guerre d’agression menée contre l’Ukraine constitue une violation flagrante – et toujours en cours – de la trêve olympique, et que cette guerre représente une menace majeure pour la paix et la dignité humaine. Par conséquent, se concentrer sur l’intégrité des compétitions sportives et la sécurité des participants est finalement un faux débat.
40. Non seulement l’argument principal en faveur de la décision initiale d’interdire la participation des athlètes russes et bélarussiens est toujours valable, mais la situation s’est aggravée. L’interdiction doit être maintenue pour montrer que nous continuons tous à refuser de cautionner la guerre d’agression menée contre l’Ukraine. La neutralité du sport – un principe que le CIO revendique – ne peut pas et ne doit pas aboutir à des décisions qui méconnaissent l’obligation qui incombe à l’ensemble du Mouvement olympique et au CIO de sauvergarder la dignité humaine et les droits fondamentaux.
41. La levée de l’interdiction ne contribuerait pas à construire la paix et la stabilité mondiale, bien au contraire. Elle augmenterait le risque de voir la guerre s’intensifier et se prolonger, car la participation des athlètes russes et bélarussiens serait récupérée par la propagande de Poutine et une situation intolérable serait éventuellement «normalisée» sans qu’aucune mesure ou condition ne permette d’éviter cela.

4. Un appel de l’Assemblée au CIO porterait-il atteinte à l’autonomie du sport?

42. Le présent rapport, compte tenu de son calendrier serré, n’a pas pour objet d'examiner le sens et la portée de «l’autonomie du sport» ni les répercussions de ce principe important sur les relations entre le sport (et les instances sportives) et la politique. J’espère que cette question fondamentale sera dûment abordée avec nos partenaires dans le cadre du rapport «Exclusion des athlètes et des dirigeants de la Fédération de Russie et du Bélarus de la participation au mouvement olympique international» (Rapporteure: Mme Denisa Elena Neagu, Roumanie, ADLE).
43. Ce rapport ne remet pas en cause l’autonomie et la compétence du CIO pour prendre une décision sur la question de la participation des athlètes russes et bélarussiens aux Jeux olympiques et paralympiques de Paris, ni ne conteste le droit des fédérations internationales de sports de gérer librement les épreuves de qualification dont elles ont la charge.
44. Certaines FSI, comme World Athletics ou la FIFA, partagent nos préoccupations et leurs déclarations et décisions correspondent complètement à nos attentes. L’Assemblée ne peut pas adopter de mesures contre les FSI qui suivent une autre approche. Je dirais que l’autonomie du sport est davantage menacée dans les pays où les valeurs démocratiques et les droits humains ne sont pas garantis que dans le travail très précieux du Conseil de l’Europe dans le domaine du sport ou dans les positions de ses États membres.
45. Cependant, le CIO ne peut pas s’attendre à ce qu’un retrait de l’interdiction prononcée à l’encontre des athlètes russes et bélarussiens soit «approuvé» en silence par nos gouvernements. Il existe des principes fondamentaux beaucoup plus importants que l’autonomie du sport. Ce qui est en jeu ici, c’est la préservation de la paix, la stabilité mondiale, la protection de l’ordre juridique international, le destin d’un pays et les droits humains de la population ukrainienne. Nous avons tous l’obligation de les défendre.

5. La position de ceux qui demandent le maintien de l’interdiction actuelle est-elle incohérente ou autocentrée, sachant que d’autres conflits ne provoquent pas la même réaction de leur part?

46. Le CIO note avec une certaine insistance que: «[é]tant donné qu’il y a malheureusement beaucoup trop de guerres, de conflits armés et de crises dans le monde, nous avons vu, dans presque toutes les éditions des Jeux, des athlètes s’affronter malgré le fait que leurs nations soient en guerre ou en conflit. Il y a actuellement 70 conflits armés, guerres ou crises en cours dans le monde, y compris les situations au Moyen-Orient, dans la Corne de l’Afrique et dans le Sud-Caucase. Les [comités nationaux olympiques] des régions frappées par ces conflits armés et ces guerres respectent les principes de la Charte olympique. Ces derniers ne demandent pas l’exclusion des athlètes de l’autre partie au conflit armé ou à la guerre, et ils autorisent leurs athlètes à participer aux compétitions sportives internationales, et ce sans restriction. Le Yémen en est un exemple. Selon l’UNICEF, huit années de conflit acharné, d’effondrement économique et d’un système de soutien social malmené ont dévasté le pays et laissé environ 11 millions d’enfants ayant besoin d’une aide humanitaire. Quelque 2,2 millions d’enfants souffrent de malnutrition aiguë» 
			(19) 
			Voir <a href='https://olympics.com/cio/news/questions-reponses-concernant-la-declaration-sur-la-solidarite-avec-l-ukraine-sur-les-sanctions-a-l-encontre-de-la-russie-et-du-belarus'>«Questions-réponses
concernant la participation d’athlètes porteurs d’un passeport russe
ou bélarussien aux compétitions internationales</a>.».
47. Si je déplore l’existence de tous ces conflits, qui ne bénéficient sûrement pas d’une attention suffisante de la part de la communauté internationale, je ne peux souscrire à cette justification. La guerre d’agression menée contre l’Ukraine est d’une nature et d’une ampleur complètement différentes des autres conflits en cours. Nous ne parlons pas d’une «guerre civile», comme celle qui a cours au Yémen, nous parlons d’une guerre menée par une grande puissance mondiale, membre du Conseil de sécurité des Nations Unies, et dont les conséquences sont déjà planétaires. Elle comporte des risques sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale – notamment ceux d’une escalade nucléaire, compte tenu aussi de l’installation récente d’armes nucléaires au Bélarus, ou de voir d’autres pays européens devenir la «prochaine cible; soutenir le contraire n’aurait aucun sens.
48. Les valeurs et les principes défendus par le Conseil de l’Europe sont les mêmes que ceux proclamés dans la Charte des Nations Unies. Cette guerre d’agression met à mal l’ordre juridique international existant et le monde entier devrait se tenir fermement et sans réserve aux côtés de l’Europe, pour l’Ukraine et pour son peuple, voire dans l’intérêt de la communauté internationale toute entière.
49. Par ailleurs, si le CIO estime que d’autres conflits – y compris des conflits internes – appellent des sanctions plus sévères à l’encontre de certains pays du Mouvement olympique, je pense qu’il peut compter sur le soutien du Conseil de l’Europe et de son Assemblée parlementaire, tant que les objectifs poursuivis par le CIO sont la démocratie, les droits humains, le respect du droit international et la paix, et que ses sanctions sont conformes à ces objectifs.

6. Conclusions

50. L’Ukraine et le peuple ukrainien, malgré leurs pertes, leurs souffrances et leur douleur, continuent de résister courageusement à leurs agresseurs, avec ardeur et détermination. Ils ont besoin de notre aide et de notre solidarité. Ils ont besoin de sentir que, même loin des champs de bataille, nous les soutenons de tout notre cœur et de toutes les manières possibles.
51. Toutes les institutions et organisations qui prétendent sincèrement défendre les droits fondamentaux et les valeurs démocratiques doivent soutenir l’Ukraine sans réserve, doute ou hésitation. Les pays doivent montrer l’exemple, mais tous les acteurs de la société mondiale ont un rôle à jouer. Cela s’applique à la communauté sportive et au Mouvement olympique, dont le rôle est essentiel et dont les décisions ont une immense résonance et de profondes répercussions à l’échelle mondiale.
52. Il ne fait aucun doute que les organisations sportives et le CIO devraient rester neutres sur le plan politique. Toutefois, la neutralité politique n’implique pas de négliger les valeurs sur lesquelles le Mouvement olympique s’est construit et qu’il s’efforce de défendre. Nous ne pouvons pas nier que le sport est de facto un outil politique très efficace et un «soft power» influent. La Russie utilise la diplomatie du sport pour corroborer une fausse image de sa guerre d’agression menée contre l’Ukraine, mais nous ne laisserons pas le sport devenir un outil de propagande.
53. Nous sommes conscients que nous ne pouvons pas rechercher la justice en agissant injustement envers des personnes qui ne sont coupables d’aucun crime. Nous ne cherchons pas à nous venger et notre souhait n’est pas que les populations russe et bélarussienne, y compris les athlètes, soient punies pour les horreurs de la guerre que leurs dirigeants ont déclenchée et pour la douleur qu’elle provoque.
54. Néanmoins, ce que nous refusons par-dessus tout et que nous devons empêcher, c’est que l’Ukraine et le peuple ukrainien souffrent encore davantage et que la Russie et le Bélarus fassent du «sportswashing» pour soutenir leur guerre d’agression contre l’Ukraine, que ce soit dans leurs relations internationales ou dans leur propagande interne destinée aux citoyens russes et bélarussiens.
55. Le risque que cela se produise est si grand que nous sommes convaincus qu’il n’existe pas de solution plus efficace que celle d’interdire aux athlètes russes et bélarussiens de participer aux prochains Jeux olympiques de Paris 2024 et aux compétitions internationales de qualification qui les précèdent. Le maintien de l’interdiction marquera l’esprit des populations et des dirigeants de ces deux pays et enverra un message fort sur les valeurs incarnées par le Mouvement olympique.
56. Pour toutes ces raisons, nous devons exhorter le CIO à maintenir l’exclusion des athlètes russes et bélarussiens et à ne pas les autoriser à participer aux Jeux olympiques de Paris 2024.
57. Cependant, les citoyens russes et bélarussiens qui partagent nos valeurs, s’opposent à la guerre contre l’Ukraine et respectent son intégrité territoriale doivent être soutenus par les pays démocratiques européens. Nous pensons que cela pourrait également être perçu comme un geste de soutien par les personnes qui, en Russie et au Bélarus, espèrent encore voir un changement se produire dans leur pays. En conséquence, les athlètes russes et bélarussiens qui ont fui leur pays en signe de contestation contre les régimes despotiques qui les gouvernent pourraient être autorisés à participer aux Jeux olympiques de Paris 2024 sous bannière olympique neutre ou en tant que réfugiés 
			(20) 
			Le Président de la
Fédération russe de lutte, Mikhail Mamiashvili, commentant la possible
admission d'athlètes russes aux Jeux olympiques de 2024 à Paris
avec le statut de réfugié, a déclaré que «ceux qui proposent cela
devraient être envoyés dans un endroit connu de tous. S'ils veulent
nous voir aux Jeux olympiques en tant qu'équipe de réfugiés, alors
nous devrons aller à Paris dans des chars (...). Une autre option,
non» (voir la citation de RIA Novosti (en anglais) <a href='https://athletistic.com/other-sports/300829.html'>ici</a>)'.. Dans ce cas, le CIO devrait publier une déclaration pour indiquer que les athlètes (quelle que soit leur nationalité) qui concourent sous bannière olympique neutre s’engagent sans réserve à respecter les valeurs du Mouvement olympique et se joignent aux appels du CIO en faveur d’un arrêt immédiat de la guerre d’agression déclenchée et menée par la Fédération de Russie et d’une paix juste pour l’Ukraine, dans le respect de son intégrité territoriale.

Annexe – Document envoyé par la Rapporteuse spéciale des Nations Unies dans le domaine des droits culturels, Mme Alexandra Xanthaki: «Questions et Réponses sur la participation des athlètes russes et bélarussiens aux compétitions sportives (4 May 2023)»

(open)

1. Quelle est la chronologie de l’engagement de la Rapporteuse spéciale des Nations Unies avec la décision du Comité international olympique (CIO) concernant la participation des athlètes russes et bélarussiens aux compétitions sportives?

Le 14 septembre 2022, la Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels, avec la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciales, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée ont envoyé une lettre au Comité international olympique (CIO) (AL OTH 90/2022) exprimant leur inquiétude quant à la recommandation de la commission exécutive du CIO du 28 février 2022 d'exclure tous les athlètes russes et bélarussiens des compétitions sportives.

Cette recommandation faisait suite à une déclaration de la commission exécutive du 25 février 2022, au lendemain de l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie et de la violation de la trêve olympique, recommandant à toutes les fédérations internationales de sport de:

  • «déplacer ou d’annuler leurs manifestations sportives actuellement prévues en Russie ou au Bélarus» et
  • «de ne pas déployer le drapeau national russe ou bélarussien et de ne pas jouer l’hymne russe ou bélarussien dans le cadre de manifestations sportives internationales».

Le 28 février 2022, le CIO recommandait aux fédérations internationales de sport et aux organisateurs d’événements sportifs

  • «de ne pas inviter ni autoriser la participation d'athlètes et d'officiels russes et bélarussiens aux compétitions internationales”, et
  • lorsque cela est impossible à court terme pour des raisons organisationnelles ou juridiques, «de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour qu'aucun(e) athlète ou officiel(le) sportif(ve) russe ou bélarussien(ne) ne soit autorisé(e) à concourir sous le nom de la Russie ou du Bélarus». 
			(21) 
			La
résolution souligne que les ressortissants russes ou bélarussiens,
que ce soit à titre individuel ou par équipes, ne devraient être
acceptés «qu'en tant qu'athlètes ou équipes neutres» et qu’aucun
symbole, couleur, drapeau ou hymne national ne devrait être affiché,
hissé ou interprété.

Dans leur lettre du 14 septembre 2022 au CIO, les deux Rapporteuses spéciales notaient que certaines des décisions prises par la commission exécutive – telles que le déplacement ou l’annulation des évènements prévus en Fédération de Russie ou au Bélarus ou la recommandation de ne pas déployer les drapeaux nationaux et de ne pas jouer les hymnes nationaux de la Fédération de Russie et du Bélarus dans le cadre des évènements sportifs internationaux – pouvaient être considérées comme légitimes, puisqu’elles visaient directement les Etats directement ou indirectement impliqués dans l’invasion de l’Ukraine. En revanche, la recommandation d’exclure les athlètes et les officiels russes ou bélarussiens des compétitions internationales sur la seule base de leur nationalité soulevait de sérieuses préoccupations au regard du principe de non-discrimination et du droit de participer à la vie culturelle.

En février 2022, le CIO a répondu aux inquiétudes des Rapporteuses spéciales, expliquant le dilemme auquel il était confronté – s’efforcer de protéger la mission du mouvement olympique en tant que force unificatrice mais ne voyant aucune autre solution que d’exclure les athlètes russes et bélarussiens – et exprimant sa volonté d’explorer des manières de le surmonter.

2. Pourquoi le Comité international Olympique et ses membres devraient-ils respecter les droits humains?

Le CIO est une organisation internationale indépendante à but non lucratif. En tant que chef de file du Mouvement olympique, le CIO agit comme un catalyseur de la collaboration entre toutes les parties prenantes olympiques, y compris les athlètes, les Comités nationaux olympiques, les Fédérations internationales, les Comités d'organisation des Jeux Olympiques, les Partenaires olympiques mondiaux et les partenaires de diffusion olympique. Il collabore également avec les autorités publiques et privées, y compris les Nations Unies et d'autres organisations internationales.

En septembre 2022, le CIO a affirmé dans son Cadre stratégique en matière de droits humains son engagement à respecter les droits humains dans le champ de son mandat, conformément aux Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme (2012). Pour répondre à ces attentes en pratique, le CIO s'est engagé à continuer d'exercer une diligence raisonnable en matière de droits humains: un processus continu de gestion des risques pour identifier, prévenir, atténuer et rendre compte de tout impact négatif sur les droits humains dans l'ensemble de ses activités pertinentes. L'interdiction de la discrimination directe est depuis longtemps considérée comme un principe de droit international si important qu'il s'applique horizontalement, à toutes les entités, publiques et privées.

3. Qu’ont les droits culturels à voir avec le sport?

La préoccupation de la Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels concernant l'exclusion des athlètes russes et bélarussiens des manifestations sportives fait partie de sa préoccupation plus large concernant les exclusions inutiles et continues des Russes et des Bélarussiens de la participation à la vie culturelle. Les artistes ont également été exclus des événements culturels, festivals et autres plateformes en raison de leur nationalité et leur liberté artistique a été restreinte.

Le sport est l'une des nombreuses pratiques culturelles par lesquelles les personnes se développent et s'expriment, apprennent des autres et appartiennent à une communauté. Le droit de participer à la vie culturelle, qui est protégé par le droit international ainsi que par de nombreuses constitutions à travers le monde, inclut le droit de participer aux sports. Cela a été affirmé, entre autres, par le Comité des Nations Unies sur les droits économiques, sociaux et culturels et par les précédentes titulaires de ce mandat.

Dans la lettre adressée au CIO, les expertes soulignent que, conformément au droit international des droits humains, chacun a le droit de participer à la vie culturelle. Ce droit est consacré à l'article 15 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et à l'article 27, paragraphe 1, de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Des références aux droits culturels sont également incluses dans un grand nombre d'instruments relatifs aux droits humains. 
			(22) 
			Voir
par exemple l’art. 5 (e) (vi) de la Convention internationale sur
l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale; art.
13 (c) de la Convention pour l’élimination de toutes les formes
de discrimination à l’égard des femmes; art. 31, par. 2, de la Convention
sur les droits de l’enfant; art. 43, par. 1 (g) de la Convention
internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs
migrants et des membres de leur famille; et art. 30, par. 1, de
la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Dans l'Observation générale n° 21 (2009), le Comité des droits économiques, sociaux et culturels observe que «la culture est un concept large et inclusif englobant toutes les manifestations de l'existence humaine» (par. 11), y compris, entre autres, «le sport et les jeux» (par. 13). Le Comité observe également que le droit de participer ou de prendre part à la vie culturelle comprend trois composantes principales interdépendantes: (a) la participation à, (b) l'accès à, et (c) la contribution àla vie culturelle. Le droit international des droits humains interdit toute discrimination dans l'exercice des droits culturels.

La Charte olympique reconnaît expressément, dans son Principe fondamental 4, que «la pratique du sport est un droit de l'homme» et prévoit que tout individu «doit avoir la possibilité de pratiquer le sport, sans discrimination d'aucune sorte».

4. Pourquoi la décision du CIO d'interdire les athlètes et officiels russes et bélarussiens des compétitions internationales est-elle discriminatoire et incompatible avec la responsabilité du CIO de respecter les droits humains?

La non-discrimination constitue un principe fondamental et général relatif à la protection des droits humains. Il est inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et dans pratiquement tous les principaux traités relatifs aux droits humains, y compris le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (article 2, paragraphe 1) et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (article 2, paragraphe 2).

Les droits humains doivent être exercés sans discrimination d’aucune sorte.

La «discrimination» constitue toute distinction, exclusion, restriction ou préférence ou autre traitement différentiel qui est directement ou indirectement fondé sur des motifs de discrimination interdits et qui a l'intention ou l'effet d'annuler ou d'entraver la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice égal des droits humains.

Un traitement différencié fondé sur un des motifs interdits sera considéré comme discriminatoire, à moins que la justification de la différenciation ne soit raisonnable et objective. Cela comprendra une évaluation visant à déterminer si le but et les effets des mesures ou omissions sont légitimes, compatibles avec les normes des droits humains et uniquement dans le but de promouvoir le bien-être général dans une société démocratique. En outre, un rapport clair et raisonnable de proportionnalité doit exister entre le but recherché et les mesures ou omissions et leurs effets.

5. Dans quelles circonstances le droit de participer à la vie culturelle, incluant le sport, peut-il être limité?

Le droit international autorise des limitations ou des restrictions à la plupart des droits humains, mais dans des conditions précises.

Les limitations au droit de participer à la vie culturelle, y compris sportive, doivent être déterminées par la loi, poursuivre un but légitime, être compatibles avec la nature du droit et être strictement nécessaires à la promotion du bien-être général dans une société démocratique. Toute limitation doit donc être proportionnée, c'est-à-dire que les mesures les moins restrictives doivent être prises lorsque plusieurs types de limitation peuvent être imposés,

Lorsque les restrictions s'accompagnent d'une violation du principe de non-discrimination, c'est-à-dire qu'elles ne s'appliquent qu'à certaines personnes, il existe une forte présomption d'incompatibilité avec le droit international et le test doit être plus strict.

6. Comment cela s’applique-t-il à l’exclusion des athlètes russes et bélarussiens aux compétitions sportives?

Une exclusion générale fondée uniquement sur la nationalité est la mesure la plus restrictive, et non la moins restrictive, comme l'exige le droit international des droits humains. Elle est disproportionnée au but qu'elle cherche à atteindre. Pour cette raison, elle est contraire au droit international des droits de l'homme, à la fois en tant que restriction des droits culturels et plus encore en tant que mesure créant une discrimination directe.

La Rapporteuse spéciale n'exclut pas la possibilité d'une série de mesures progressivement plus restrictives au cas par cas et si nécessaire, en fonction de l'évolution de la situation. Cependant, des mesures moins restrictives, telles que l'inclusion d'athlètes russes et bélarussiens, ou du moins de certains de ces athlètes, sous bannière neutre, doivent être adoptées en premier. Il importe notamment de privilégier les exclusions fondées sur des comportements individuels, quelle que soit la nationalité, plutôt que les interdictions collectives, pour lesquelles le seuil de nécessité est élevé. En outre, toute mesure doit avoir un effet clair sur l'objectif spécifique qu'elle vise à atteindre, tel que le maintien de la paix.

7. Est-ce que le droit international des droits humains permet des restrictions pour combattre les discours haineux et la propagande en faveur de la guerre?

Veiller à ce que les événements sportifs ne deviennent pas des plates-formes de propagande en faveur de la guerre est une préoccupation légitime. Les normes internationales relatives aux droits humains fournissent des orientations précises et claires.

Les athlètes faisant de la propagande en faveur de la guerre, quelle que soit leur nationalité, peuvent être exclus. Ce serait une restriction légitime des droits culturels. L'article 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques stipule que toute propagande en faveur de la guerre est interdite par la loi. Tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l'hostilité ou à la violence est interdit par la loi

Qui plus est, l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques autorise les restrictions à la liberté d'expression si elles sont prévues par la loi, nécessaires au respect des droits ou de la réputation d'autrui, ou pour la protection de la sécurité nationale ou de l'ordre public, ou de la santé ou de la morale publiques, et lorsqu’elles sont proportionnées pour atteindre ces objectifs. Ainsi, les athlètes s'engageant dans des discours qui ne constituent pas de la propagande en faveur de la guerre en tant que telle mais qui viole les droits d'autrui ou l'ordre public peuvent également voir leur liberté d’expression et leur participation restreintes.

En outre, en vertu de l'article 4 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, toute incitation à, ou acte de, discrimination raciale doivent être éradiqués.

Là encore, comme mentionné ci-dessus, les mesures les moins restrictives doivent être adoptées.

La Rapporteuse spéciale des Nations Unies est d'avis que la mise en œuvre efficace des dispositions ci-dessus peut grandement contribuer à répondre aux préoccupations à l'origine de l'exclusion générale des athlètes russes et bélarussiens. Combiné à l'interdiction de la Fédération de Russie et du Bélarus et au soutien actif aux athlètes ukrainiens, cet ensemble de mesures donnerait le bon message et garantirait que les droits humains l'emportent sur l'agression et l'illégalité.

8. Peut-on demander aux athlètes russes et bélarussiens de signer un formulaire exprimant leur désaccord avec la guerre en Ukraine?

Une distinction doit être faite entre la liberté d'opinion et la liberté d'expression. Alors que cette dernière peut être soumise à des restrictions, la première est un droit absolu et ne peut faire l'objet d'aucune exception ou restriction. Dans le cas du sport, cela signifie qu'aucun athlète ne doit être exclu sur la base de son opinion sur la guerre, mais uniquement en ce qui concerne l'expression de cette opinion. Par conséquent, toute question des associations sportives concernant le soutien des athlètes à la guerre franchirait cette ligne.

9. Les athlètes russes et bélarussiens peuvent-ils être interdits des compétitions sportives pour des raisons de sécurité et pour protéger la sécurité et le bien-être physique et émotionnel des athlètes ukrainiens?

La Rapporteuse spéciale comprend la détresse émotionnelle causée par l'agression contre l'Ukraine, ainsi que par l'idée que les athlètes ukrainiens pourraient rivaliser avec des athlètes russes et bélarussiens si ceux-ci sont autorisés à concourir.

Le droit international des droits humains autorise des restrictions à la plupart des droits humains, y compris le droit de participer à la vie culturelle par le sport, pour des raisons de sécurité ainsi que pour protéger les droits d'autrui. Les mêmes normes s'appliquent toujours. Les restrictions doivent être déterminées par la loi, être nécessaires et proportionnées pour poursuivre un objectif légitime. Comme précisé ci-dessus, les mesures les moins restrictives doivent être adoptées en priorité.

De nombreux athlètes du monde entier viennent de zones de conflit et peuvent se rencontrer lors de compétitions sportives. Les fédérations sportives internationales ont l'habitude d'adopter des mesures de protection et d'atténuation dans de telles circonstances. Il existe déjà de nombreuses expériences de tensions, de conflits et de catastrophes naturelles auxquelles le monde du sport a été confronté, et les mesures adoptées pour y faire face pourraient être reprises et adaptées à la situation actuelle.

10. Quels pourraient être des critères légitimes pour justifier l’exclusion d’athlètes individuels aux compétitions sportives?

Lors de ses discussions avec le CIO, la Rapporteuse spéciale a proposé que, si toutes les mesures d'atténuation échouent et qu'une décision est prise d'exclure des athlètes individuels, les critères suivants s'appliquent:

  • Toute interdiction ou restriction doit s'appliquer à tous les athlètes, quelle que soit leur nationalité/origine nationale (ainsi que pour tout motif interdit par le droit international). Aucune restriction ne devrait être appliquée à un athlète qui ne s'applique pas à tous.
  • Toute restriction doit être fondée sur une évaluation transparente, équitable et non discriminatoire, chaque cas étant évalué selon ses propres mérites, et des dispositions claires pour une procédure d'appel équitable et indépendante doivent être comprises.
  • Toute mesure doit traiter chaque situation et chaque cas individuel sur une base ad hoc, évitant ainsi les «punitions collectives».
  • Toute décision doit s'appuyer sur des normes concernant d'éventuelles limitations des droits humains en vertu du droit international. Cela comprend notamment les:
    a. Exclusions fondées sur l'article 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques: toute propagande en faveur de la guerre et tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse constituant une incitation à la discrimination, à l'hostilité ou à la violence.
    b. Exclusions fondées sur l'article 4 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale concernant l'élimination de toute incitation à ou acte de discrimination raciale.
    c. Exclusions dans les situations où il existe des allégations graves et crédibles de crimes de droit international (crimes de guerre, crimes contre l'humanité, génocide, agression, torture, discrimination raciale…)
    d. Exclusions en cas de soutien ouvert à ces crimes ou guerres d'une manière permettant une qualification en vertu de ce qui précède.

11. Les militaires qui participent activement à la guerre devraient-ils être exclus de toute participation aux compétitions sportives internationales?

La Rapporteuse spéciale note que, dans sa recommandation du 28 mars 2023, le CIO a recommandé que les athlètes qui soutiennent activement la guerre ne puissent concourir. Les athlètes qui sont sous contrat avec l'armée russe ou bélarussienne ou les agences de sécurité nationale sont considérés comme soutenant la guerre et ne peuvent donc pas concourir.

La Rapporteuse spéciale est d’avis que limiter les athlètes qui seront exclus à ceux qui sont militaires de carrière est un pas dans la bonne direction. Cela correspond à son point de vue selon lequel la seule conscription forcée, par exemple, ne suffirait pas à priver un athlète de la possibilité de concourir. Le financement par l'État ne doit pas non plus être assimilé à un soutien à la guerre, de la même manière que d'autres athlètes d'autres États ne sont pas présumés soutenir les décisions de leur gouvernement en raison de leur financement.

La Rapporteuse spéciale souligne également qu'à mesure que la situation évolue et que les athlètes russes et bélarussiens sont réintégrés dans les compétitions sportives en tant qu'athlètes neutres, le CIO pourrait adopter une série de mesures progressive ment plus restrictives si cela s'avérait nécessaire. Il est également de la responsabilité du CIO de lever les mesures restrictives, lorsque cela est possible, notamment en ce qui concerne les équipes d'athlètes.

12. La Rapporteuse spéciale voit-elle des violations des droits humains dans les autres mesures recommandées par le CIO concernant l’interdiction de la Russie et du Bélarus aux évènements sportifs internationaux et le soutien aux athlètes ukrainiens?

Non. Dans leur lettre de septembre 2022, les Rapporteuses spéciales comprenaient le déplacement ou l'annulation d'événements prévus en Fédération de Russie et au Bélarus, ainsi que la recommandation de ne pas déployer les drapeaux nationaux et de ne pas jouer les hymnes russes ou bélarussiens lors de manifestations sportives internationales, comme des sanctions pouvant être considérées comme légitimes, car elles visent directement ces États ou leurs représentations officielles.

La distinction entre les États et les individus est d'une importance primordiale. Les droits humains ont été établis et adoptés par toutes les nations pour protéger les individus et les groupes contre les abus de pouvoir des États et contre la tyrannie des majorités. Punir des individus uniquement sur la base de leur nationalité pour les actes odieux de dirigeants sur lesquels ils n'ont aucun contrôle, saperait cette distinction. Mais interdire ces États des événements sportifs peut être une mesure légitime.

En outre, les mesures soutenant activement les athlètes ukrainiens sont accueillies par la Rapporteuse spéciale comme des mesures positives et autorisées par le droit international pour garantir une égalité réelle.

13. Qu'en est-il des États qui ont appelé au boycott des compétitions sportives internationales si les athlètes russes et bélarussiens sont admis en tant qu'athlètes neutres?

Compte tenu de la discussion ci-dessus sur les questions relatives aux droits humains, les États qui envisagent un boycott compétions sportives internationales devraient considérer comment un tel boycott serait compatible avec leurs obligations en matière de droits humains. Une telle restriction des droits de leurs propres athlètes sera-t-elle une réponse proportionnée à la participation de certains athlètes russes qui rempliraient les conditions de neutralité fixées, alors même que les États agresseurs seraient exclus? Est-ce la mesure la moins restrictive à laquelle ces États peuvent penser pour déclarer leur désaccord avec la guerre illégale en Ukraine ou/et la violation de la trêve olympique par la Fédération de Russie?

La Rapporteuse spéciale exhorte tous les États à participer aux compétitions sportives internationales et à respecter les principes de non-discrimination et d'universalité des droits humains, principes au cœur de notre coexistence commune en tant qu'humanité.

14. Finalement, que fait la Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels concernant les violations des droits culturels en Ukraine par la Fédération de Russie?

Depuis le début de l‘invasion, la Rapporteuse spéciale a fait plusieurs déclarations publiques concernant les effets de la guerre sur le patrimoine culturel en Ukraine et sur les droits culturels des personnes vivant en Ukraine ou ayant été chassées de l'Ukraine à cause de la guerre. Elle a critiqué la Fédération de Russie pour avoir violé le droit à l'autodétermination et les droits culturels des Ukrainiens. Elle a également critiqué la destruction intentionnelle du patrimoine culturel et a demandé instamment que les droits culturels soient respectés 
			(23) 
			Voir
la déclaration de la Rapporteuse spéciale au Conseil des droits
de l’homme le 8 mars 2022 ainsi que les communiqués de presse publiés
le <a href='https://eur02.safelinks.protection.outlook.com/?url=https%3A%2F%2Fcas5-0-urlprotect.trendmicro.com%2Fwis%2Fclicktime%2Fv1%2Fquery%3Furl%3Dhttps%253a%252f%252fwww.ohchr.org%252fen%252fpress-releases%252f2022%252f02%252fun-experts-call-end-russian-aggression-against-ukraine-and-urgent-protection%26umid%3D9b1d4a13-2aa6-4747-b7e0-9e7fbf012993%26auth%3D46a1f23b31ad4d906c7168e0690ac7e1cc74e87d-b425e72fb3d8bafdb8165dc7a6a5b0e3e1f7558c&data=05%7C01%7CJohanne.bouchard%40un.org%7C4d9668719a744a817c9008db0d01e57c%7C0f9e35db544f4f60bdcc5ea416e6dc70%7C0%7C0%7C638118074027006128%7CUnknown%7CTWFpbGZsb3d8eyJWIjoiMC4wLjAwMDAiLCJQIjoiV2luMzIiLCJBTiI6Ik1haWwiLCJXVCI6Mn0%3D%7C3000%7C%7C%7C&sdata=6H9PYhVkGxidy8ffK4VR88a2vT9q0jH7SVdNOSzKvds%3D&reserved=0'>28
février 2022,</a><a href='https://eur02.safelinks.protection.outlook.com/?url=https%3A%2F%2Fcas5-0-urlprotect.trendmicro.com%2Fwis%2Fclicktime%2Fv1%2Fquery%3Furl%3Dhttps%253a%252f%252fwww.ohchr.org%252fen%252fpress-releases%252f2022%252f03%252fukraine-protecting-life-must-be-priority-un-human-rights-experts%26umid%3D9b1d4a13-2aa6-4747-b7e0-9e7fbf012993%26auth%3D46a1f23b31ad4d906c7168e0690ac7e1cc74e87d-0d0e301b48e72c71e48199c0ffd82d8b25375635&data=05%7C01%7CJohanne.bouchard%40un.org%7C4d9668719a744a817c9008db0d01e57c%7C0f9e35db544f4f60bdcc5ea416e6dc70%7C0%7C0%7C638118074027006128%7CUnknown%7CTWFpbGZsb3d8eyJWIjoiMC4wLjAwMDAiLCJQIjoiV2luMzIiLCJBTiI6Ik1haWwiLCJXVCI6Mn0%3D%7C3000%7C%7C%7C&sdata=4LiLTRhxLh40QxEQx1wSg7h8PFC7dU0YzrJRnsnPf6o%3D&reserved=0'>8
mars 2022</a> et <a href='https://eur02.safelinks.protection.outlook.com/?url=https%3A%2F%2Fcas5-0-urlprotect.trendmicro.com%2Fwis%2Fclicktime%2Fv1%2Fquery%3Furl%3Dhttps%253a%252f%252fwww.ohchr.org%252fen%252fpress-releases%252f2022%252f05%252fukrainerussia-violations-cultural-rights-will-impede-post-war-healing-un%26umid%3D9b1d4a13-2aa6-4747-b7e0-9e7fbf012993%26auth%3D46a1f23b31ad4d906c7168e0690ac7e1cc74e87d-4c0b62f5b5a1e163e72323b85ce5ef05cd4147c5&data=05%7C01%7CJohanne.bouchard%40un.org%7C4d9668719a744a817c9008db0d01e57c%7C0f9e35db544f4f60bdcc5ea416e6dc70%7C0%7C0%7C638118074027006128%7CUnknown%7CTWFpbGZsb3d8eyJWIjoiMC4wLjAwMDAiLCJQIjoiV2luMzIiLCJBTiI6Ik1haWwiLCJXVCI6Mn0%3D%7C3000%7C%7C%7C&sdata=LG%2BGpmNbN5wk5iE9lJByvsPP2Y63msz6DQ223NGpmNQ%3D&reserved=0'>25
mai 2022,</a> conjointement avec d’autres titulaires de mandats de
procédures spéciales.. À cet égard, elle salue le soutien actif et efficace apporté aux athlètes ukrainiens et la recommandation du CIO pour que ce soutien se poursuive. De telles mesures contribuent à l'égalité réelle, telle qu’établie dans le droit international des droits humains.