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Rapport | Doc. 15828 | 22 septembre 2023

La prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes en situation de handicap

Commission sur l'égalité et la non-discrimination

Rapporteure : Mme Béatrice FRESKO-ROLFO, Monaco, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Doc.15531, renvoi 4658 du 20 juin 2022. 2023 - Quatrième partie de session

Résumé

Les personnes en situation de handicap, dans toute leur diversité, sont particulièrement vulnérables face aux violences et aux discriminations. L’invisibilisation des femmes en situation de handicap et l’entretien d’une dépendance économique et sociale créent un contexte de vulnérabilité accrue.

Les femmes en situation de handicap sont souvent infantilisées et on ne leur reconnaît pas le droit de faire des choix éclairés concernant leur vie, notamment en matière de santé et de droits sexuels et reproductifs. Les violences faites aux femmes en situation de handicap, notamment les violences sexuelles, les stérilisations et avortements forcés, demeurent un sujet tabou.

Des mesures concrètes peuvent être prises afin de prévenir et de lutter contre ces violences. La formation des professionnel·le·s de santé et des travailleurs sociaux sur les droits, la dignité, l’autonomie et les besoins des femmes en situation de handicap est essentielle. Le contrôle des établissements recevant des personnes en situation de handicap, par des instances indépendantes, doit être renforcé. La priorisation de l’inclusion dans la société, dès le plus jeune âge, de l’accessibilité des structures et de l’information, de la désinstitutionnalisation et du soutien à la vie autonome sont des moyens efficaces de prévenir ces violences.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 14 septembre
2023.

(open)
1. La question du handicap, qui comprend une multitude de réalités, a une portée universelle. Une personne sur cinq dans le monde se trouve en situation de handicap au cours de sa vie. L’inclusion des personnes en situation de handicap au sein de la société, l’objectif principal de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, a connu des avancées significatives ces dernières années. Néanmoins, elle n’est pas encore pleinement réalisée dans les États membres du Conseil de l’Europe.
2. La pandémie de covid-19 a entraîné un isolement plus important et une dépendance accrue des personnes en situation de handicap. Les possibilités de participation pour toutes et tous à la vie sociale, économique et politique demeurent limitées et les obstacles à la réalisation de l’inclusion sont nombreux. Les personnes en situation de handicap, dans toute leur diversité, demeurent particulièrement vulnérables face aux violences et aux discriminations.
3. Les violences fondées sur le genre faites aux femmes et aux filles trouvent leur origine dans les inégalités des genres profondément ancrées. L’invisibilisation des femmes en situation de handicap et l’entretien d’une dépendance économique et sociale créent un contexte de vulnérabilité accrue qui s’ajoute à ces inégalités. En outre, les violences faites aux femmes en situation de handicap, qu’elles soient physiques, sexuelles, psychologiques, structurelles ou économiques, demeurent un sujet tabou, et ce malgré la prise de conscience généralisée de l’urgence à prévenir et lutter contre les violences sexuelles avec le mouvement #metoo.
4. La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210, «Convention d’Istanbul») souligne dans son article 4.3 que la protection et le soutien fournis en vertu de la Convention doivent être accessibles à toutes les femmes sans discrimination, y compris en ce qui concerne leur âge, leur handicap, leur statut marital, leur appartenance à une minorité nationale, leur statut de migrant ou de réfugié, leur identité de genre ou leur orientation sexuelle. L’Assemblée parlementaire réitère son soutien indéfectible à la Convention d’Istanbul et à sa Résolution 2479 (2023) «La Convention d’Istanbul: progrès et défis». La prévention et la lutte contre les violences faites aux femmes en situation de handicap doivent devenir une priorité politique. L’accessibilité des campagnes de prévention, des informations pour les survivantes, de l’aide juridique et des structures d’accueil doit être garantie. L’Assemblée reconnaît par ailleurs que la violence à l’égard des femmes et des filles en situation de handicap a une dimension intersectionnelle. L’intersection du handicap avec le genre, l’origine, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, l’expression de genre, les caractéristiques sexuelles, le statut migratoire ou la religion doit être prise en compte.
5. La société infantilise les femmes en situation de handicap en ne leur permettant pas de faire des choix éclairés sur leur vie, notamment en matière de santé et de droits sexuels et reproductifs. Les stérilisations forcées, encore constatées en Europe, sont un reflet du validisme de la société qui érige en norme sociale la personne «valide» et de la prééminence du système patriarcal et augmentent le risque de violences sexuelles. Elles sont une forme de violence condamnée par la Convention d’Istanbul. L’Assemblée rappelle sa Résolution 1945 (2013) «Mettre fin aux stérilisations et castrations forcées» et réitère son appel à l’interdiction de ces pratiques.
6. Une société qui isole les personnes ayant un handicap n’est ni pleinement démocratique, ni inclusive. L’Assemblée regrette l’absence de priorisation des politiques d’accompagnement des personnes en situation de handicap vers l’inclusion. L’Assemblée rappelle sa Résolution 2431 (2022) «La désinstitutionnalisation des personnes handicapées», sa Résolution 2291 (2019) «Mettre fin à la contrainte en santé mentale: nécessité d'une approche fondée sur les droits humains» et sa Résolution 2258 (2019) «Pour une population active intégrant les personnes handicapées». Elle réitère son appel à la désinstitutionnalisation des personnes en situation de handicap et souligne que leur participation à la vie sociale, économique et politique de nos pays est bénéfique à de multiples niveaux. Elle appelle à un changement systémique afin de parvenir à l’inclusion effective et de prévenir les violences faites aux personnes en situation de handicap, dans toute leur diversité.
7. À la lumière de ces considérations, l’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe ainsi que les États observateurs, et les États dont les parlements bénéficient du statut d’observateur ou de partenaire pour la démocratie:
7.1. à ratifier et mettre en œuvre, s’ils ne l’ont pas encore fait, la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique;
7.2. à interdire, si cela n’a pas encore été fait, les stérilisations forcées et les avortements forcés, et à assurer l’octroi d’indemnisations aux personnes ayant subi ces formes de violence;
7.3. à mettre en œuvre la Recommandation CM/Rec(2012)6 du Comité des Ministres aux États membres sur la protection et la promotion des droits des femmes et des filles handicapées, qui les appelle à mettre en place des mesures spécifiques afin d’améliorer l’accès des femmes en situation de handicap à la justice et de les protéger contre les violences;
7.4. à mettre en œuvre la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées et à poursuivre le processus de désinstitutionnalisation des personnes en situation de handicap, ou à l’initier si cela n’a pas encore été fait;
7.5. à effectuer des collectes de données sur la violence fondée sur le genre en tenant compte du handicap, et à soutenir des travaux de recherche sur les violences fondées sur le genre faites aux femmes en situation de handicap.
8. En ce qui concerne la prévention de la violence à l’égard des femmes en situation de handicap, l’Assemblée appelle ces États:
8.1. à faire de l’inclusion des personnes en situation de handicap une priorité, en soutenant leur accès à l’éducation, à l’emploi et à la culture, en investissant dans l’accessibilité et en promouvant de leur participation à la vie économique, culturelle, politique et publique, et en soutenant en particulier l’empouvoirement des femmes en situation de handicap;
8.2. à déconjugaliser l’aide aux personnes en situation de handicap, les rendant ainsi moins dépendantes sur le plan financier;
8.3. à adopter des stratégies ou des plans d’action nationaux inclusifs visant à prévenir et combattre la violence fondée sur le genre, tenant compte du handicap et des intersections entre genre, âge, origine, orientation sexuelle, identité de genre, expression de genre, caractéristiques sexuelles, statut migratoire et handicap, et en garantissant la participation de membres d’organisations représentant les personnes en situation de handicap à leur élaboration;
8.4. à inclure une dimension de genre dans les politiques nationales du handicap;
8.5. à mener des campagnes de prévention des violences fondées sur le genre qui sont inclusives et accessibles aux personnes en situation de handicap, et à mener des actions spécifiques de prévention des violences au sein des établissements recevant des personnes en situation de handicap;
8.6. à former les professionnel·le·s de la santé et les travailleuses et travailleurs sociaux sur les droits, la dignité, l’autonomie et les besoins des femmes en situation de handicap, dans toute leur diversité;
8.7. à renforcer les contrôles dans les établissements recevant des personnes en situation de handicap par des instances indépendantes et à assurer la protection des membres du personnel de ces établissements qui dénonceraient des faits de violence;
8.8. à mener des actions de sensibilisation sur la question des mariages forcés de femmes en situation de handicap, notamment en temps de conflit;
8.9. à fournir des informations sur les droits sexuels et reproductifs dans des formats accessibles;
8.10. à mener des campagnes de sensibilisation sur la question des violences au sein des familles afin de prévenir les incestes, notamment commis contre les filles en situation de handicap;
8.11. à mener des campagnes de lutte contre les stéréotypes à l’encontre des personnes en situation de handicap, en tenant compte de la diversité des handicaps.
9. En ce qui concerne le soutien aux survivantes de violences fondées sur le genre en situation de handicap, l’Assemblée appelle ces États:
9.1. à fournir des informations inclusives et accessibles sur les services d’assistance et de soutien pour les survivantes de violences;
9.2. à assurer la formation du personnel travaillant dans les services spécialisés pour les survivantes de violences fondées sur le genre, sur la prise en compte du handicap et l’accueil inclusif, et à garantir l’accessibilité de ces structures ainsi que des lignes d’assistance;
9.3. à former la police et les juges aux spécificités du handicap et aux normes internationales en matière de protection des droits des personnes en situation de handicap, et assurer que des outils de communication adaptés aux personnes en situation de handicap soient mis à disposition;
9.4. à prendre les mesures nécessaires pour éliminer les obstacles en matière d’accès à la justice rencontrés par les femmes en situation de handicap, en veillant à ce qu’elles bénéficient de procédures et d’aménagements adaptés à leur handicap, ainsi que de l’accessibilité à toutes les procédures;
9.5. à assurer l’accès aux soins post-traumatiques, y compris au soutien psychologique sur le long-terme, à toutes les survivantes de violences fondées sur le genre, en tenant compte des besoins spécifiques de survivantes de violences sexuelles en situation de handicap en temps de conflit.
10. L’Assemblée encourage les Etats membres à soutenir financièrement les organisations non-gouvernementales œuvrant à la promotion de l’inclusion des personnes en situation de handicap, à la prévention et la lutte contre les violences fondées sur le genre et au soutien des survivantes.
11. L’Assemblée appelle les parlements nationaux à assurer l’accessibilité de leurs structures et de leurs travaux aux personnes en situation de handicap, si tel n’est pas encore le cas, et les partis politiques à encourager la participation des femmes en situation de handicap à la vie politique.
12. L’Assemblée appelle ses membres à tenir des débats au sein de leurs parlements nationaux sur les progrès et défis dans la réalisation de l’inclusion des personnes en situation de handicap, et sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes en situation de handicap.

B. Exposé des motifs, par Mme Béatrice Fresko-Rolfo, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. L’inclusion des personnes en situation de handicap a fait l’objet de nombreuses stratégies et des progrès importants ont été réalisés ces dernières années. La Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées a marqué un véritable tournant en faisant de l’inclusion et de la participation des priorités. Les personnes en situation de handicap demeurent néanmoins particulièrement vulnérables face aux violences et aux discriminations multiples.
2. Le mouvement #metoo a appelé toutes et tous à dénoncer les violences sexuelles faites aux femmes dans de nombreux domaines et a contribué à une prise de conscience collective de l’urgence à les combattre. Nous avons cependant constaté que la situation des femmes en situation de handicap n’a pas été suffisamment relayée par le mouvement et reste méconnue de manière générale. Un #metoohandicap a été créé mais n’a pas été largement utilisé. Les violences faites aux femmes en situation de handicap demeurent un sujet tabou.
3. Les femmes en situation de handicap sont invisibilisées dans nos sociétés et le contexte les vulnérabilise. Elles ne sont pas reconnues comme des survivantes de violence, ou comme des actrices de la lutte contre la violence fondée sur le genre. Les aménagements ne sont pas systématiquement prévus afin de permettre leur participation aux manifestations de lutte contre les violences faites aux femmes. Les femmes en situation de handicap ne sont pas encore reconnues par tous et par toutes comme des citoyennes à part entière, pouvant vivre leur vie et faire leurs choix. Il est temps de dénoncer les violences et discriminations dont elles peuvent être victimes, dans certains cas quotidiennement, et d’agir afin de les prévenir et de les combattre.
4. Les femmes en situation de handicap peuvent être victimes de violences à leur domicile, dans la rue, au travail ou au sein des institutions où elles peuvent résider. Ces violences peuvent prendre différentes formes (physiques, sexuelles, psychologiques, économiques). Le délaissement, la maltraitance et le défaut de soins peuvent aussi être considérés comme des violences. Elles se produisent le plus souvent dans des lieux clos et la situation de handicap accroît le risque de violences. D’une manière générale, la pandémie de covid-19 et les confinements successifs ont eu un impact négatif, sur les personnes en situation de handicap, les plaçant dans un isolement plus important et engendrant une dépendance accrue.
5. La parole des femmes en situation de handicap est moins écoutée et moins relayée. Elles peuvent aussi ne pas avoir conscience d’être victimes de violences. La situation de dépendance, économique ou en matière de soins, peut être un obstacle à la dénonciation des violences. La peur de quitter le domicile et d’être placée dans une institution est un obstacle à la libération de la parole.
6. La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE n° 210, «Convention d’Istanbul») mentionne clairement la situation des femmes en situation de handicap. Dans son article 4.3, la Convention consacre le principe de non-discrimination. «[L]a protection et le soutien fournis en vertu de la Convention d'Istanbul doivent être accessibles à toutes les femmes sans discrimination, y compris en ce qui concerne leur âge, leur handicap, leur statut marital, leur association avec une minorité nationale, leur statut de migrant ou de réfugié, leur identité de genre ou leur orientation sexuelle.» 
			(2) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/istanbul-convention/key-facts'>Faits
importants concernant la Convention d'Istanbul</a>, Conseil de l’Europe, consulté le 9 septembre 2022. Une victime de violences doit pouvoir avoir accès aux services d’assistance et de protection. La Convention reconnaît que les femmes en situation de handicap rencontrent des obstacles spécifiques dans leur accès à la protection et aux services et demande que des réponses appropriées soient apportées.
7. Au cours de ses visites d’évaluation, le Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (GREVIO, l’organe spécialisé indépendant chargé de veiller à la mise en œuvre de la Convention d’Istanbul) a constaté le nombre limité de données, de recherches et d’études sur la prévalence de la violence à l’égard des femmes en situation de handicap et l’absence de coordination entre les politiques nationales sur la violence à l’égard des femmes et les politiques sur les droits des personnes en situation de handicap 
			(3) 
			Intervention
de Mme Iris Luarasi, ancienne présidente
du GREVIO, audition tenue le 25 avril 2023 à Strasbourg.. Parmi les exemples, l’Observatoire des violences sexistes et sexuelles de Nouvelle Aquitaine a publié une enquête «Les femmes victimes de violences en situation de handicap en Nouvelle-Aquitaine» 
			(4) 
			Centre Régional d’Études
d’Actions et d’Informations (CREAI Hauts-de-France), <a href='http://www.creaihdf.fr/content/les-femmes-victimes-de-violences-en-situation-de-handicap-en-nouvelle-aquitaine'>«Les
femmes victimes de violences en situation de handicap en Nouvelle-Aquitaine»</a>, décembre 2021, consulté le 9 septembre 2022. en novembre 2021, sur la base de 39 entretiens. 90% des femmes interviewées ont déclaré avoir subi des violences verbales et psychologiques, 90% de violences physiques et 50% de violences sexuelles. 80% des professionnel·le·s interrogé·e·s connaissent au moins une femme en situation de handicap victime de violences. Elles sont surexposées à toutes les formes de violences.
8. La Recommandation CM/Rec(2012)6 du Comité des Ministres aux États membres sur la protection et la promotion des droits des femmes et des filles handicapées appelle les États à mettre en place des mesures spécifiques afin d’améliorer l’accès des femmes en situation de handicap à la justice et de les protéger contre les violences. La Recommandation générale n° 35 sur la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes des Nations Unies (CEDAW) souligne la nécessité de prendre en compte les besoins des femmes en situation de handicap.

2. Portée du rapport

9. La proposition de résolution à l’origine du présent rapport demande à l’Assemblée d’examiner les mesures qui pourraient être renforcées afin de prévenir et de lutter contre les violences faites aux femmes en situation de handicap. Elle note que de bonnes pratiques pourraient être recueillies afin de préparer des recommandations à l’attention des États membres.
10. Je tiens à souligner qu’il y a une multitude de handicaps et que cette diversité doit être prise en compte dans l’élaboration de politiques. J’ai examiné les obstacles auxquels les femmes en situation de handicap doivent faire face et les moyens concrets de les surmonter. J’ai collecté des données sur les violences, les discriminations multiples, les mesures de prévention telles que les campagnes d’information, la formation des professionnel·le·s, le soutien apporté aux survivantes, notamment par des structures d’accueil accessibles, et leur accès à la justice.
11. J’ai utilisé une approche intersectionnelle dans mes travaux. Comme c’est le cas dans toute la société, il y a aussi des groupes marginalisés parmi les femmes en situation de handicap, victimes de discriminations fondées sur leur origine sociale ou ethnique, leur langue ou religion. Dans sa Résolution sur la situation des femmes handicapées 
			(5) 
			<a href='https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-8-2018-0484_FR.html'>Résolution
du Parlement européen du 29 novembre 2018 sur la situation des femmes
handicapées (2018/2685(RSP))</a>., le Parlement européen a attiré l’attention sur la double discrimination dont souffrent les femmes et les filles en situation de handicap, car elles se trouvent à l’intersection du genre et du handicap, et sur leur exposition à des discriminations multiples en raison de l’intersection du genre et du handicap avec l’orientation sexuelle, l’identité de genre, le pays d’origine, le statut social, le statut migratoire, l’âge, la religion ou l’origine ethnique. Le Conseil fédéral suisse, dans son rapport sur les violences subies par des personnes handicapées en Suisse, a noté que les violences structurelles faites aux personnes en situation de handicap pouvaient prendre une dimension intersectionnelle. «Les femmes et les filles handicapées, mais aussi les personnes handicapées âgées, migrantes, LGBTIQ+ et ou/appartenant à d’autres minorités font potentiellement l’objet de discriminations multiples renforçant les violences à leur égard» 
			(6) 
			«Violences subies par
des personnes handicapées en Suisse», Rapport du Conseil fédéral
donnant suite au postulat 20.3886 Roth Franziska du 19 juin 2020,
16 juin 2023..
12. J’ai également essayé d’approfondir la question des stérilisations forcées de personnes en situation de handicap, qui ont été reconnues comme une forme de violence faite aux femmes en situation de handicap. Ces stérilisations forcées sont encore autorisées dans treize États membres de l’Union européenne selon les données collectées par Inclusion Europe 
			(7) 
			<a href='https://www.edf-feph.org/publications/forced-sterilisation-eu/'>«Report
on forced sterilisation in the European Union</a>», Forum Européen des Personnes Handicapées, 2022..
13. Rien ne devrait être fait à l’attention des personnes en situation de handicap sans elles. J’ai donc aussi été régulièrement en contact avec des femmes en situation de handicap et des organisations les représentant. J’espère que ce rapport contribuera à lutter contre l’invisibilisation des femmes en situation de handicap, sensibiliser les parlementaires sur cette question et appeler à l’action.
14. Le 11 octobre 2022, la Sous-commission sur le handicap et la discrimination multiple et intersectionnelle de la commission sur l’égalité et la non-discrimination (la commission) a tenu une audition conjointement avec le Réseau parlementaire pour le droit des femmes de vivre sans violence, sur la lutte contre les violences faites aux femmes en situation de handicap, avec la participation de Reem Alsalem, Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes et les filles, ses causes et ses conséquences; Helen Portal, Responsable du plaidoyer et des politiques auprès de Inclusion Europe; Elisa Rojas, avocate au Barreau de Paris (en ligne); et Claire Desaint, Vice-présidente de l’association Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir 
			(8) 
			L’enregistrement vidéo
de l’audition est disponible en ligne: <a href='http://www.youtube.com/watch?v=rvnSlh2UeDk'>www.youtube.com/watch?v=rvnSlh2UeDk</a>..
15. J’ai tenu une réunion bilatérale virtuelle avec Pirkko Mahlämaki, représentante du Forum européen des personnes handicapées (FEPH) pour la Finlande, le 21 mars 2023. J’ai pu échanger au sujet du rapport avec Yolanda Iriarte et Natalija Ostojic du Bureau régional de l’ONU Femmes pour l’Europe et l’Asie Centrale le 23 mars 2023. Le 28 mars 2023, je me suis entretenue avec Marine Uldry, coordinatrice de politiques, FEPH. J’ai aussi pu tenir une réunion bilatérale virtuelle avec Gerard Quinn, Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées, le 14 avril 2023.
16. Le 25 avril 2023, la commission a tenu une audition avec la participation d’Ana Peláez Narváez, Présidente du CEDAW, Secrétaire Générale du Forum européen des personnes handicapées et Vice-Présidente de la Fondation CERMI pour les femmes, et Iris Luarasi, présidente du GREVIO, qui a présenté les travaux du GREVIO sur cette question. Nous avons eu l’occasion de discuter des bonnes pratiques visant à prévenir et à lutter contre les violences faites aux femmes en situation de handicap, recueillies notamment lors des visites du GREVIO.
17. J’ai pu discuter des violences faites aux femmes LBTI en situation de handicap avec Akram Kubanychbekov (virtuellement) et Cianán B. Russell (en présentiel), responsables du plaidoyer auprès d’ILGA Europe, le 27 avril 2023.
18. J’ai effectué une visite d’information au Danemark les 12 et 13 juin 2023, lors de laquelle j’ai pu m’entretenir avec des représentant·e·s de divers ministères, d’organisations œuvrant à la lutte contre les violences fondées sur le genre et d’organisations représentant les personnes en situation de handicap. J’ai tenu une réunion virtuelle avec Lars Ahlburg, représentant de l’Association danoise des personnes sourdes, le 19 juin 2023.
19. Le 21 juin 2023, j’ai rencontré Thomas Foehrlé, directeur de l’association SOS Femmes Solidarités à Strasbourg et membre du Haut Conseil à l’Égalité. J’ai pu discuter de la collecte de données sur la violence fondée sur le genre avec Sami Nevala et Sanja Jovicic de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA), et Diego Costa de l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE), le 29 juin 2023. Le 20 juillet 2023, j’ai échangé lors d’une réunion virtuelle sur la dimension intersectionnelle de la lutte contre les violences faites aux femmes en situation de handicap avec Monjurul Kabir, conseiller sénior et chef de l’équipe égalité de genre, inclusion et handicap auprès de l’ONU Femmes à New York. Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont pris le temps de me rencontrer afin de partager leur expertise et leurs recherches.

3. Obstacles rencontrés par les femmes en situation de handicap

20. Les personnes en situation de handicap rencontrent de nombreuses difficultés liées au manque d’accessibilité des infrastructures, des bâtiments et des informations. Claire Desaint a souligné lors de notre audition, que les femmes en situation de handicap doivent «sans cesse s’organiser dans un environnement peu accessible et une culture sociale peu favorable pour surmonter les obstacles afin d’avoir un logement, un emploi, une vie sociale, et des soins de santé». Ce manque d’accessibilité crée des dépendances, et ces dépendances fragilisent encore indéniablement les femmes en situation de handicap.
21. La vulnérabilité des femmes en situation de handicap est encore trop souvent présentée comme une cause pouvant expliquer les violences. Selon Elisa Rojas, «il est dangereux d’enfermer les femmes handicapées dans la vulnérabilité et la notion de vulnérabilité ne devrait pas servir à les essentialiser». Elle a aussi rappelé qu’une part de cette vulnérabilité était construite socialement, car les femmes en situation de handicap sont soumises à une dépendance financière, matérielle et familiale organisée. «La société impose aux femmes en situation de handicap des conditions d’existence et des représentations qui les transforment en proies privilégiées et garantit l’impunité aux agresseurs».
22. Elisa Rojas a également souligné lors de notre audition que les femmes en situation de handicap n’étaient pas systématiquement considérées comme femmes à part entière ou des adultes. «Le handicap peut certes affecter la perception du danger, entraver la défense et la communication. L’exposition aux violences est d’autant plus grande si le handicap d’une personne l’éloigne du langage oral ou facilite la manipulation». Elle a aussi indiqué que «les femmes autistes ou ayant un handicap psychosocial sont particulièrement touchées par les violences. Le manque d’informations peut rendre la notion de consentement floue».
23. Selon Helen Portal, «lorsque la société considère et traite une personne comme une personne de moindre valeur, ou de manière inégale, les barrières qui protègent cette personne contre la violence psychologique, physique ou sexuelle sont réduites». Elle a présenté trois catégories de violences dont les femmes en situation de handicap peuvent être victimes: la violence directe, lorsqu’il y a une intention de blesser quelqu’un; l’attitude négligente lorsqu’une personne est blessée car elle dépend d’une autre personne qui ne se soucie pas d’elle; et la violence structurelle lorsqu’une personne est blessée par un système, des règles ou la structure sociétale. Elle a aussi souligné que peu de femmes ayant un handicap intellectuel parlaient des violences car elles avaient peur de ne pas être crues, de perdre les soins ou d’être blessées. Elles peuvent aussi avoir peur de la personne qui a commis les violences, ou peur de devoir changer d’environnement ou d’établissement. Elles peuvent craindre des représailles. L’instauration d’un climat de confiance est primordiale.
24. Reem Alsalem a constaté que les femmes en situation de handicap courraient un risque plus élevé de subir des violences sexuelles que les femmes qui ne le sont pas. Elle a déploré le fait que dans la plupart des pays on ne «donne pas aux femmes en situation de handicap les moyens de prendre des décisions concernant leur propre santé reproductive et sexuelle, ce qui entraîne des pratiques hautement discriminatoires et préjudiciables». Elle a aussi souligné que les barrières quotidiennes telles que le manque d’accessibilité physique, les obstacles à la mise en œuvre des mesures d'hygiène de base, le coût des soins de santé, les limitations de l'assurance maladie, les lois discriminatoires et la stigmatisation, peuvent mettre leur vie en danger dans un contexte de pandémie mondiale. Lors de la pandémie de covid-19, les personnes en situation de handicap se sont retrouvées dans une dépendance accrue à l’égard de la famille et des soignant·e·s, ce qui a pu les pousser à ne pas porter plainte.
25. Il est essentiel de mettre fin au tabou sur les violences sexuelles. Pirkko Mahlamäki a parlé d’un mur de silence autour des violences sexuelles faites aux femmes en situation de handicap dans les institutions et a présenté le travail effectué en Finlande pour briser ce mur. D’après elle, des personnes ne dénoncent pas des faits de violences sexuelles par peur de devoir quitter l’institution où elles résident ou de renoncer aux soins qu’elles reçoivent. Selon les travaux du GREVIO, la prévalence des violences sexuelles, notamment du viol, est plus élevée chez les femmes en situation de handicap, et plus particulièrement si elles vivent en institution. De plus, elles disposent de peu de moyens de recours et sont très mal informées sur ces derniers. Selon les données présentées par Thomas Foehrlé, 30% des agressions sexuelles dont sont victimes les femmes en situation de handicap sont perpétrées au sein des institutions 
			(9) 
			«Violences – Femmes
en situation de handicap», Rapport de recherches, mars 2022, Clinique
de Droit international des droits de l’homme, <a href='http://www.aixglobaljustice.org/'>www.aixglobaljustice.org</a>..
26. Les auteurs des violences peuvent aussi être le ou la conjoint·e ou un·e membre de l’entourage familial. Peu d’attention est portée aux jeunes filles en situation de handicap victimes d’inceste. Dans certains cas, «les femmes en situation de handicap sont utilisées pour assouvir les besoins sexuels des membres de la famille», a indiqué Thomas Foerhlé. L’étude de la FRA 
			(10) 
			<a href='https://fra.europa.eu/en/data-and-maps/2021/frs?visualisation=country&topic=3&indicator=a_a29&answer=0&subset=fltr_gender&subsetValue=01.%20women&subsetB=fltr_activitylimitation&subsetBValue=01.%20severelylimited&country=EU27'>Fundamental
rights survey, analysis of data on violence and harassment</a>, FRA, 2019. démontre que les auteurs de violences à l’encontre des femmes en situation de handicap sont le plus souvent issus de leur entourage familial.
27. Lorsqu’une survivante de violences souhaite porter plainte, elle peut être confrontée à un manque de temps ou de compétence adéquate de la police, ou au manque d’accessibilité des infrastructures. Les procédures sont encore trop souvent inadaptées et les formations de sensibilisation à la prise en compte du handicap ne sont pas encore systématisées. La présence d’un interprète en langue des signes n’est pas systématiquement garantie, et le personnel accueillant les survivantes n’a pas toujours reçu une formation prenant en compte le handicap. Les informations concernant les services d’assistance et de soutien aux survivantes de violences fondées sur le genre ne sont pas systématiquement proposées dans un format accessible.
28. Gerard Quinn a lui aussi souligné l’importance de l’accès à la justice. Le manque d’inclusion et d’accessibilité amplifie les difficultés rencontrées par les femmes en situation de handicap survivantes de violences. Mme Margreet De Boer (Pays-Bas, SOC), ancienne membre de notre commission, a travaillé en tant qu’avocate pour les survivantes de violences fondées sur le genre. Elle a notamment travaillé sur certains cas de violence à l’égard des femmes ayant un handicap psychosocial et a déclaré à la commission que ces cas n'étaient malheureusement pas pris très au sérieux. Dans un cas, un juge a décidé que le préjudice subi ne serait pas indemnisé puisque la survivante n'avait pas souffert en raison de son handicap. Lorsqu’une personne est mise sous tutelle, sa parole est parfois remise en question. L’aide à la prise de décision devrait être soutenu et progressivement remplacer la mise sous tutelle.
29. Les femmes LBTI en situation de handicap sont particulièrement vulnérables aux violences fondées sur le genre. Selon les données fournies par ILGA Europe, les femmes transgenres en situation de handicap sont exposées à des risques importants d’être victimes de violences sexuelles et physiques, ainsi que de discrimination et de harcèlement. Les personnes intersexes en situation de handicap et les femmes transgenres en situation de handicap auraient 10 fois plus de risques d’être exposées à une attaque que les personnes LGBTI n’ayant pas un handicap 
			(11) 
			ILGA-Europe
(2022). FRA LGBTI Survey II (2019) data disaggregation. <a href='https://www.ilga-europe.org/files/uploads/2022/08/FRA-LGBTI-Survey-II-data-disaggregation-tables.pdf'>www.ilga-europe.org/files/uploads/2022/08/FRA-LGBTI-Survey-II-data-disaggregation-tables.pdf.</a>.
30. Une femme en situation de handicap qui porterait plainte contre son conjoint pour violences, pourrait se retrouver sans soutien au quotidien. Elle pourrait donc hésiter à effectuer ces démarches et à demander la mise en place d’une ordonnance de protection. Au cours de ses travaux ces dernières années, le GREVIO a également constaté l’absence de services d’accompagnement pour signaler les violences à la police et aider les intéressées à participer aux procédures judiciaires. Un accompagnement devrait être assuré pour que personne ne craigne de porter plainte 
			(12) 
			Intervention de Mme Iris
Luarasi, ancienne présidente du GREVIO, audition de la commission
tenue le 25 avril 2023..

4. Dispositifs de soutien aux femmes en situation de handicap survivantes de violences fondées sur le genre

31. L’environnement devrait s’adapter aux personnes en situation de handicap, et non l’inverse. Un environnement favorable encourage les personnes en situation de handicap à exercer leurs droits et à participer aux procédures pénales. Garantir l’accessibilité des bâtiments et la présence d’interprètes en langues des signes devrait être une priorité.
32. Lors de notre audition, Claire Desaint a présenté les activités de l’association Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir, qui a créé un point d’écoute spécifique avec un numéro de téléphone dédié 01 40 47 06 06 (en France) et propose une assistance juridique et psychologique afin d’assurer un soutien et un suivi aux bénéficiaires. Les services d’assistance aux survivantes de violences devraient obtenir un soutien financier pérenne afin de pouvoir fonctionner dans les meilleures conditions et de garantir leur accessibilité. Les services d’aide liés au handicap et les services de lutte contre la violence fondée sur le genre devraient être qualifiés de services essentiels si cela n’est pas encore le cas.
33. Il y a peu de campagnes d’information inclusives, s’adressant à toutes et à tous. La participation de personnes en situation de handicap à l’élaboration de programmes visant à leur apporter un soutien est très importante. Les informations concernant les services d’aide et les procédures à suivre devraient être distribuées dans plusieurs formats accessibles, tout comme les campagnes d’information et de sensibilisation.
34. En Géorgie, les femmes en situation de handicap bénéficient d’une aide juridique gratuite. En Islande, des agent·e·s de protection des droits informent les personnes en situation de handicap de leurs droits et assurent le respect de ceux-ci. La police doit contacter l’un·e de ces agent·e·s si une femme en situation de handicap porte plainte pour violence. L’Association des refuges pour femmes a passé un accord avec des hôtels qui accueillent les femmes victimes de violence en vue d’en garantir l’accessibilité à celles qui se trouvent en situation de handicap.
35. En Serbie, une application dénommée «Sound of Soul» possède une interface secrète, qui permet à ses utilisateurs et utilisatrices d’avoir une conversation en ligne avec des professionnel·le·s des secteurs social et juridique afin d’obtenir de l’aide lorsqu’ils ou elles sont victimes de violences. Cette application se veut d’ailleurs inclusive puisqu’elle est disponible en plusieurs langues et accessible aux personnes en situation de handicap visuel et auditif.
36. L’expérience des maisons des femmes, initiée en France, me semble intéressante. Elles proposent un accompagnement global aux femmes survivantes de violences, et l’accessibilité des nouvelles maisons est garantie. Des équipements, comme des tables d’examen gynécologique, devraient être adaptés aux besoins des personnes en situation de handicap.

5. Mettre fin aux stérilisations forcées

37. La question des stérilisations forcées des personnes en situation de handicap doit retenir toute notre attention. Les stérilisations forcées impliquent qu’une femme en situation de handicap ne devrait pas «se reproduire». Selon Marine Uldry, cela reflète le système patriarcal et le validisme de la société. Il s’agit d’une forme de violence grave, par laquelle on enlève la possibilité de procréer à une personne sans l’informer ou en lui donnant des informations partielles. La personne peut aussi être forcée à le faire pour avoir accès à des services. Lors de notre audition, Helen Portal a souligné l’importance d’interdire les stérilisations forcées. Selon Ana Peláez Narváez, la stérilisation forcée, elle-même un acte de violence, expose les femmes en situation de handicap à des risques accrus de violences sexuelles par la suite.
38. La Convention d’Istanbul condamne clairement les stérilisations forcées et les avortements forcés dans son article 39. Lors de ses visites d’évaluation, le GREVIO appelle à mettre fin à ces pratiques si elles sont encore autorisées. Des stérilisations forcées ont été faites à des personnes en situation de handicap, des personnes transgenres, des femmes roms ou des personnes considérées comme «inadaptées». Dans son rapport d’évaluation (de référence) sur l’Islande, le GREVIO a exhorté «les autorités islandaises à s’assurer que, pour toute stérilisation de femmes en situation de handicap mental ou physique, leur accord préalable et éclairé est obtenu sur la base d’une compréhension exhaustive de la procédure.» 
			(13) 
			<a href='https://rm.coe.int/grevio-inf-2022-26-fre-rapport-final-sur-l-islande/1680a8efb0'>Rapport
d’évaluation (de référence) du GREVIO sur les mesures d’ordre législatif
et autres mesures donnant effet aux dispositions de la Convention
du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence
à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul),
Islande</a>, 13 octobre 2022. GREVIO/Inf(2022)26. Dans son rapport d’évaluation de référence sur la Serbie, le GREVIO a exhorté «les autorités serbes à veiller à ce que les tuteurs légaux et les professionnels de la santé respectent, en toutes circonstances, la nécessité d'agir sur la base du consentement libre et éclairé des femmes à l’exécution d’interventions médicales telles que l’avortement et la stérilisation, et de faire respecter ce consentement, en particulier concernant les femmes en situation de handicap dans les institutions de soins.» 
			(14) 
			<a href='https://rm.coe.int/rapport-du-grevio-sur-la-serbie/16809987e4'>Rapport
d’évaluation (de référence) du GREVIO sur les mesures d’ordre législatif
et autres mesures donnant effet aux dispositions de la Convention
du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence
à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul),
Serbie</a>, 29 novembre 2019, GREVIO/Inf(2019)20. Le GREVIO a aussi encouragé «les autorités allemandes à collecter des données sur le nombre d’avortements et de stérilisations forcés, afin de connaître leur ampleur, et à prendre d’éventuelles mesures nécessaires.» 
			(15) 
			<a href='https://rm.coe.int/rapport-sur-l-allemagne-pour-publication/1680a86938'>Rapport
d’évaluation (de référence) du GREVIO sur les mesures d’ordre législatif
et autres mesures donnant effet aux dispositions de la Convention
du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence
à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul),
Allemagne</a>, 24 juin 2022, GREVIO/Inf(2022)21.
39. Dans son rapport ««La stérilisation forcée des personnes en situation de handicap dans l’Union européenne» 
			(16) 
			<a href='https://www.edf-feph.org/content/uploads/2022/09/Final-Forced-Sterilisarion-Report-2022-European-Union-copia_compressed.pdf'>«Forced
sterilisation of persons with disabilities in the European Union</a>», FEPH, 2022. publié en septembre 2022, le FEPH a constaté que la stérilisation forcée est pénalisée en tant qu’infraction distincte dans le code pénal dans 9 États membres de l’Union européenne. Certaines formes de stérilisation forcée sont autorisées dans 13 États membres de l’Union européenne. Le consentement à la stérilisation est donné par un·e représentant·e légal·e, un médecin ou un tuteur ou une tutrice.
40. Des pressions peuvent être exercées afin d’accepter cette pratique. Le FEPH recommande la pénalisation de la stérilisation forcée dans tous les États, et d’assurer l’accès à la justice, ainsi qu’une compensation pour les victimes. La contraception forcée peut être annoncée comme une condition pour l’institutionnalisation, même si cela ne figure pas dans un règlement intérieur (en Belgique, France et en Hongrie selon le FEPH).
41. Je souhaite noter que des progrès ont été effectués en Suède, en République tchèque et en République Slovaque, avec notamment l’octroi d’indemnisations à des victimes de stérilisations forcées.

6. Etude de cas: le Danemark

42. Le Danemark a fait de l’inclusion des personnes en situation de handicap une priorité. Sachant cela, j’ai demandé à la commission l’autorisation d’y effectuer une visite d’information afin de pouvoir discuter des mesures prises afin de prévenir les violences faites aux femmes en situation de handicap, de la collecte de données, de l’accueil des survivantes de violences et de leur accompagnement, et de l’inclusivité des structures.
43. Je me suis rendue au Danemark les 12 et 13 juin 2023 où j’ai tenu des réunions avec des représentant·e·s des ministères des Affaires sociales, de l’Égalité et de la Justice, des représentant·e·s d’ONGs et de travailleurs et travailleuses sociaux. Cette visite d’information m’a permis de découvrir le système danois de couverture universelle et de soutien aux personnes en situation de handicap. Ce système suit le principe selon lequel une personne en situation de handicap ne devrait pas avoir à compenser son handicap par ses propres moyens. La société a le devoir de la soutenir et de «compenser».
44. De nombreuses actions sont menées afin d’assurer l’inclusion à l’école. Le soutien aux personnes en situation de handicap relève de la responsabilité des municipalités et de nombreuses structures d’accompagnement sont mises en place. Une assistance pour l’emploi est également fournie. Par exemple, une personne sourde/malentendante peut être accompagnée d’un·e interprète en langue des signes 20 heures par semaine pour aller travailler.
45. L’inclusion des personnes en situation de handicap à l’école et sur le marché du travail est relativement avancée. Néanmoins, la question des violences faites aux femmes en situation de handicap demeure un tabou. «Nous faisons l’expérience du silence», m’a dit une activiste. «Quand une personne a un handicap, elle perd sa sexualité, elle est moins considérée, sa parole est décrédibilisée», a-t-elle poursuivi.
46. Le Conseil des femmes a reconnu qu’il y avait un manque de connaissances et de données sur la situation des femmes en situation de handicap. Il n’y a pas de données par genre dans les rapports sur les violences faites aux personnes en situation de handicap et pas de données concernant le handicap dans les rapports sur les violences fondées sur le genre.
47. Selon les représentants de l’Institut danois des droits de l’homme avec qui j’ai pu m’entretenir, la violence fondée sur le genre n’est pas encore reconnue comme un problème systémique dans le pays. Leur étude sur les violences et agressions sexuelles dans les institutions démontre que le risque pour une personne en situation de handicap qui résiderait dans ce type d’institution d’être victime d’une agression sexuelle est sept fois plus important que pour une personne qui ne résiderait pas dans ce type d’institution 
			(17) 
			<a href='https://menneskeret.dk/files/media/document/Seksulle overgreb p%C3%A5 botilbud. Analyse%2C Institut for Menneskerettigheder%2C ecember 2022.pdf'>«Sexual
Assault in Residential Care Facilities – Analysis of Vulnerability
for People with Disabilities</a>» (DIHR 2022), en danois, résumé en anglais, page 8.. Une autre recherche de l’Institut aurait démontré qu’une personne sur cinq victime d’un crime violent avait un handicap psychosocial 
			(18) 
			<a href='https://menneskeret.dk/sites/menneskeret.dk/files/media/document/Hovedrapport_WEB_Voldsofre med handicap_tilg%C3%A6ngelig.pdf'>«Victims
of Violence with Psychological and Cognitive Disabilities</a>» (DIHR 2020), en danois, résumé en anglais, page 68..
48. Les représentant·e·s d’associations de personnes en situation de handicap ont parlé de la peur de perdre l’assistance reçue au quotidien si une plainte pour violence était déposée. La peur de perdre la garde des enfants après avoir porté plainte, en se retrouvant dans une situation de plus grande vulnérabilité, a également été mentionnée.
49. Sur les 73 refuges pour survivantes de violence au Danemark, 23 sont accessibles aux personnes en situation de handicap. Il y a peu de demandes d’accueil de la part de femmes en situation de handicap. L’assistance juridique et soutien psychologique sont gratuits. L’organisation LEV apporte une aide juridique gratuite à toutes les survivantes de violences. La ligne d’assistance est ouverte 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, la visioconférence par Skype est possible pour avoir une conversation en langue des signes. Un groupe de femmes sourdes et malentendantes ont créé l’organisation non gouvernementale «Signing out of violence» (Signer pour sortir de la violence), qui propose des thérapies de groupe en langue des signes danoise aux survivantes de violence.
50. Nous avons aussi pu discuter de l’importance de l’éducation sexuelle à l’école et dans les institutions, afin de donner des informations notamment sur le consentement, la prévention des maladies sexuellement transmissibles et la contraception. Je me suis entretenue sur ce sujet avec l’association danoise des jeunes en situation de handicap.

7. Étude de cas: l’Espagne

51. L’Espagne a fait de la prévention et de la lutte contre les violences fondées sur le genre une priorité ces dernières années. Le site internet de la Délégation gouvernementale contre la violence fondée sur le genre 
			(19) 
			<a href='https://violenciagenero.igualdad.gob.es/'>Site internet
de la Délégation gouvernementale contre la violence de genre</a>. offre de nombreuses ressources utiles afin de prévenir et de s’informer sur la violence fondée sur le genre. Ce site, accessible en lecture à voix haute, diffuse de nombreux guides, numéros de contact, ou encore des statistiques et données à ce sujet.
52. Selon les chiffres du ministère espagnol pour l’Égalité 
			(20) 
			<a href='https://violenciagenero.igualdad.gob.es/violenciaEnCifras/macroencuesta2015/pdf/Macroencuesta_2019_estudio_investigacion.pdf'>«Macroencuesta
de violencia contra la mujer</a>», 2019., 20,7% des femmes en situation de handicap ont été exposées à des violences physiques ou sexuelles par l’un de leur partenaire, contre 13,8% pour les femmes n’ayant pas un handicap. 40,4% des femmes en situation de handicap ont subi des violences, quel que soit leur type, au sein d’une relation de couple, contre 31,9% pour les femmes n’ayant pas un handicap. 23,4% des femmes en situation de handicap affirment que leur handicap est une conséquence des violences physiques ou sexuelles commises par un partenaire ou ex-partenaire. 13,7% des survivantes de violences en situation de handicap ont recours à une assistance juridique.
53. La loi-cadre du 28 décembre 2004 relative aux mesures de protection intégrale contre la violence de genre 
			(21) 
			<a href='https://boe.es/buscar/act.php?id=BOE-A-2004-21760'>Ley
Orgánica 1/2004, de 28 de diciembre, de Medidas de Protección Integral
contra la Violencia de Género</a>. a entraîné la mise en place de nombreuses initiatives. Des agent·e·s de police spécialisés sur les violences faites aux femmes 
			(22) 
			A
titre d’exemple, 380 agent·e·s spécialisés agissent sur le territoire
de Madrid. Il y a aussi les «EMUME» qui sont des agent·e·s spécialisé·e·s
pour la protection des femmes et des mineur·e·s, qui ont également
comme mission la prise en charge des femmes en situation de handicap
cognitif. sont disponibles à tout moment pour recueillir la parole des personnes concernées. Différentes unités territoriales de la Guardia civil ont reçu un guide 
			(23) 
			Ce <a href='https://sid-inico.usal.es/idocs/F8/FDO26832/Guia_intervencion_DI.pdf'>guide</a> peut être consulté en ligne. à propos de l’accueil et de la prise en charge par la police des personnes en situation de handicap cognitif. Des tribunaux spécialisés sont présents sur tout le territoire et avec une compétence tant civile que pénale. Les bracelets électroniques antirapprochements pour les auteurs de violence, avec une géolocalisation en temps réel, ont été diffusés à grande échelle. Plus de 25 000 de ces bracelets ont été attribués en 2020.
54. L’ensemble de ces mesures a été renforcé par le «Pacto de Estado» 
			(24) 
			Texte
en <a href='https://violenciagenero.igualdad.gob.es/pactoEstado/docs/FolletoPEVGengweb.pdf'>version
anglaise</a>. ratifié en décembre 2017 par les groupes parlementaires, les communautés autonomes et entités locales, contenant 292 mesures concrètes réparties en 10 axes d’action afin de lutter efficacement contre les violences faites aux femmes. Un milliard d’euros, réparti entre les différentes communautés autonomes, a été alloué exclusivement pour lutter contre ces violences. La loi dite «solo sí es sí» 
			(25) 
			La loi
officielle, entrée en vigueur le 7 octobre 2022, s’intitule «<a href='https://www.boe.es/buscar/act.php?id=BOE-A-2022-14630'>Ley
de garantía integral de libertad sexual</a>». consacre une place centrale au consentement et renverse la charge de la preuve, en permettant aux femmes survivantes de violences de ne plus avoir à apporter la preuve d’une violence ou intimidation pour qu’une agression sexuelle soit considérée comme telle. Cependant, cette loi a également fait l’objet de critiques, notamment car elle a supprimé l’ancienne distinction qui était faite entre les cas d’abus sexuels et d’agressions sexuelles, désormais tous les cas étant considérés systématiquement comme des agressions sexuelles passibles d’un à quatre ans d’emprisonnement 
			(26) 
			Faute de dispositions
transitoires, l’entrée en vigueur de cette loi a permis des remises
de peine et sorties de prison pour des détenus ayant précédemment
été incarcérés pour des infractions sexuelles..
55. L’ONG CERMI Mujeres 
			(27) 
			<a href='https://www.fundacioncermimujeres.es/es/w/cermi-mujeres-publica-un-amplio-informe-sobre-violencia-contra-las-mujeres-con-discapacidad'>Rapport
de la CERMI sur les violences faites aux femmes en situation de
handicap</a>, 2022. encourage à également prendre en compte les autres violences liées à l’incapacité juridique, à l’institutionnalisation ou à la pauvreté. De plus, même si des progrès sont observables, tel que la suppression de la mention à l’article 156 du Code pénal selon laquelle il était légal de procéder à une stérilisation non consentie à l’égard des personnes dont l’incapacité juridique a été reconnue par un·e juge, CERMI Mujeres recommande tout de même dans son rapport d’aller plus loin en visibilisant davantage dans les formes de violences, la stérilisation forcée, l’avortement forcé, ou encore l’institutionnalisation. Marine Uldry a souligné lors de notre entretien que l’Espagne avait utilisé la Convention d’Istanbul pour procéder au changement de législation sur les stérilisations forcées.
56. Les femmes victimes de violences ont à leur disposition une ligne d’écoute, le 016, une adresse mail, un numéro WhatsApp ainsi qu’un chat en ligne 
			(28) 
			<a href='https://violenciagenero.igualdad.gob.es/informacionUtil/recursos/telefono016/home.htm'>Informations
sur la ligne d’écoute et d’assistance</a>.. La ligne d’écoute est accessible en 53 langues, est gratuite et confidentielle. Elle permet aux femmes concernées de bénéficier d’informations, de conseils juridiques mais aussi d’une assistance psychosociale délivrée par des personnes qualifiées. Cette ligne est accessible aux femmes en situation de handicap auditif ou lié à la parole, via l’utilisation d’outils spécialisés comme SVIsual ou Telesor, mais aussi aux personnes malvoyantes.
57. En outre, l’accessibilité des services de police est progressivement rendue possible grâce à des initiatives de certaines communautés autonomes, comme aux Asturies 
			(29) 
			<a href='https://www.interior.gob.es/opencms/en/detail-pages/article/La-Policia-Nacional-instala-en-Asturias-los-servicios-SVisual-y-bucles-magneticos-para-promover-la-accesibilidad-de-personas-con-discapacidad-auditiva/'>Informations
sur les actions entreprises aux Asturies</a>., qui mettent en place des formations et développent l’utilisation de SVIsual ou encore de boucles auditives pour permettre une meilleure prise en charge des personnes en situation de handicap.
58. Dans son rapport 2020 d’évaluation (de référence) sur l’Espagne, le GREVIO a émis quelques préoccupations sur la prise en compte des femmes en situation de handicap dans les politiques et législations relatives à la lutte contre la violence fondée sur le genre 
			(30) 
			Rapport d’évaluation
(de référence) du GREVIO sur les mesures d’ordre législatif et autres
donnant effet aux dispositions de la Convention du Conseil de l’Europe
sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmeset la
violence domestique (Convention d’Istanbul), Espagne, 25 novembre
2020, <a href='https://rm.coe.int/rapport-du-grevio-sur-l-espagne/1680a08aa1'>GREVIO/Inf(2020)19</a>, paragraphe 22.. La politique espagnole de lutte contre les violences faites aux femmes prend progressivement en compte les violences spécifiques et multiples perpétrées à l’encontre des femmes en situation de handicap. Il y a eu des efforts en termes de visibilisation et de prise en compte des problématiques spécifiques qui découlent de la discrimination et des violences multiples subies par les femmes en situation de handicap. Certaines communautés autonomes prennent d’ailleurs des initiatives encourageantes afin de visibiliser et de lutter contre ces violences 
			(31) 
			On peut ici citer par
exemple l’Andalousie qui a créé un <a href='https://www.codisa.org/wp-content/uploads/2021/02/CODISA_GUIA-DE-RECURSOS-PARA-MUJERES-CON-DISCAPACIDAD-VICTIMAS-DE-VIOLENCIA-DE-GENERO.pdf'>guide</a> détaillant les recours possibles pour les femmes en situation
de handicap victimes de violences ou encore le Pays-Basque qui a
créé un <a href='https://www.osakidetza.euskadi.eus/contenidos/informacion/violencia_coordinacion/es_def/adjuntos/recomendaciones_16_nov_cas.pdf'>guide
de recommandations pour l’accompagnement et la prise en charge des
femmes en situation de handicap victimes de violences</a>., tout comme des ONG, par exemple la Fundación CERMI Mujeres qui permet une assistance juridique pour les femmes en situation de handicap victimes de violences. Néanmoins, ces constats sont à nuancer puisque des efforts sont encore nécessaires, notamment pour visibiliser certaines violences spécifiques aux femmes en situation de handicap, mais aussi pour garantir encore davantage leur accès aux services de police et de justice 
			(32) 
			En effet, d’après l’enquête
«<a href='https://violenciagenero.igualdad.gob.es/violenciaEnCifras/estudios/investigaciones/2020/pdfs/violenciag_discapacidad.pdf'>Mujer,
discapacidad y violencia de genero</a>» de la Délégation gouvernementale contre la violence
de genre, 10,4% des femmes en situation de handicap cognitif, auditif,
ou lié à la surdi-cécité, n’ont pas recours aux services de police
ou de justice à cause du manque d’accessibilité pour communiquer
avec les forces de police ou les juges..

8. Femmes en situation de handicap en temps de conflit

59. En Ukraine, la majorité des résident·e·s en institution sont des femmes et des filles en situation de handicap. Selon Ana Peláez Narváez, elles courent un risque important de tomber dans l’exploitation sexuelle, car la majorité des personnes placées en institution ne sont pas inscrites à l’état civil et n’ont pas de carte d’identité, les rendant plus vulnérables à toute forme d’exploitation.
60. J’ai aussi reçu des informations du bureau régional de l’ONU Femmes pour l’Europe et l’Asie Centrale concernant des mariages forcés de femmes en situation de handicap en Ukraine. Le mariage forcé serait utilisé pour permettre à des hommes de quitter le pays. J’ai contacté le bureau de l’ONU Femmes afin d’obtenir plus d’informations sur la situation des femmes en situation de handicap en Ukraine. J’encourage la commission à poursuivre les travaux sur ce sujet.

9. Recommandations visant à prévenir et à lutter contre les violences faites aux femmes en situation de handicap

61. L’inclusion et le soutien à la vie autonome sont des moyens efficaces de prévenir les violences faites aux femmes en situation de handicap. Cela passe par l’inclusion des personnes en situation de handicap à l’école, dès le plus jeune âge, afin d’être intégré dans la société et de pouvoir se faire des ami·e·s. La mise en œuvre de politiques d’inclusion dès le plus âge a un impact sur le long terme, et contribue à l’inclusion des personnes en situation de handicap sur le marché du travail. Une inclusion pleine et effective va limiter les situations de dépendance qui peuvent mettre les personnes en situation de handicap en danger. L’inclusion doit être mise en œuvre de manière effective et être visible. Gerard Quinn a souligné à plusieurs reprises l’importance du lien social. Avoir un ou plusieurs ami·e·s est une forme de protection contre les violences et une démonstration de l’inclusion dans la société. Une mise à l’écart des personnes en situation de handicap, y compris à l’école, est un acte lourd de conséquences.
62. Lors de notre audition, Elise Rojas a souligné que les femmes en situation de handicap sont mises en danger via l’institutionnalisation. Elles vivent dans des lieux fermés, encadrées par des professionnel·le·s en situation d’autorité, avec un faible suivi et contrôle extérieurs. Elles y sont exposées aux abus et aux violences de la part du personnel encadrant ou des autres résidents. La promotion de la désinstitutionnalisation est une recommandation importante. L’Assemblée s’est déjà exprimée à ce sujet, appelant à mettre en œuvre la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées. La Convention met l’accent sur le choix du lieu de vie par les personnes en situation de handicap. Néanmoins de nombreux États hésitent à se lancer dans la voie de la désinstitutionnalisation. Selon Ana Peláez Narváez, un argument économique ne saurait être acceptable pour garder les personnes en situation de handicap dans des institutions. «On a le droit de vivre et d’être inclus dans la société, quel qu’en soit le coût», a-t-elle souligné lors de notre audition.
63. Près de 1,3 million de personnes en situation de handicap vivent dans des institutions en Europe et sont particulièrement vulnérables aux violences. Elles sont souvent privées de leur capacité juridique dès leur entrée dans une institution. Des actions préventives devraient par conséquent aussi être menées au sein des institutions. Les personnes en situation de handicap qui résident dans ces institutions devraient recevoir des informations sur la prévention des violences fondées sur le genre, dans un format accessible. La formation des travailleurs et travailleuses sociaux et du personnel médical sur les droits, la dignité, l’autonomie et les besoins des femmes en situation de handicap, dans toute leur diversité, est essentielle pour une meilleure compréhension des éléments constitutifs des violences institutionnelles et leurs conséquences.
64. Le contrôle des établissements recevant des personnes en situation de handicap, par des instances indépendantes, devrait être renforcé. Les membres du personnel qui dénoncent des violences devraient être écoutés et protégés. Il faudrait pallier le manque de personnel dans ces structures, qui peut mettre les résident·e·s dans une situation problématique. L’accès aux soins gynécologiques devrait être facilité, en dehors des établissements dans la mesure du possible. Des initiatives telles que la tenue d’ateliers sur la question du consentement, la vie affective et sexuelle, ainsi que les droits sexuels et reproductifs, devraient être encouragées.
65. L’autonomie financière des femmes en situation de handicap est un facteur déterminant de la prévention et de la lutte contre les violences. Une femme en situation de handicap devrait recevoir directement ses revenus, dont les aides qu’elles perçoit, et ne pas devoir passer par un membre de sa famille. La déconjugalisation de l’allocation adulte handicapé·e en France permet à la personne en situation de handicap de recevoir directement l’allocation, indépendamment du statut du conjoint. Cette mesure soutient directement l’empouvoirement.
66. Dans leurs observations, le CEDAW et le Comité des droits des personnes handicapées (CDPH) ont à plusieurs reprises souligné que les femmes en situation de handicap sont particulièrement touchées par les discriminations à l’embauche. Cette situation de dépendance entraîne des difficultés concrètes puisqu’elle limite les possibilités d’action des femmes en situation de handicap, notamment lorsqu’il s’agit de porter plainte pour violences. Des mesures accompagnant l’inclusion sur le marché du travail devraient être encouragées.
67. Il est important d’avoir des données chiffrées sexuées afin de fournir l’assistance nécessaire. La prise en compte du handicap devrait être systématique lors des enquêtes sur les violences faites aux femmes. Le CEDAW a effectué cette demande à de nombreuses reprises.
68. La lutte contre les préjugés à l’encontre des personnes en situation de handicap, notamment au sein des forces de l’ordre, me semble primordiale. Des associations telles que Droit pluriel en France ont demandé à ce que policiers et gendarmes reçoivent des formations sur les spécificités du handicap, et qu’ils aient des outils de communication adaptés aux différents types de handicap 
			(33) 
			<a href='https://www.liberation.fr/societe/droits-des-femmes/surexposees-aux-violences-sexuelles-les-femmes-handicapees-victimes-dune-triple-peine-20230327_P2N53AW5ZJHRFK5APNWXE4E62Y/'>«Surexposées
aux violences sexuelles, les femmes handicapées victimes d’une «triple
peine»</a>», Libération,
27 mars 2023.. Les survivantes de violences fondées sur le genre, dont les femmes en situation de handicap, se heurtent à des obstacles considérables dans l’accès à l’aide et à la justice. La Fédération Femmes Solidarités prône l’inversion de la charge de la preuve. L’accès aux traitements post-traumatiques devrait être assuré à toutes les survivantes de violences, y compris les femmes en situation de handicap.
69. L’éducation à la vie sexuelle et affective est encore trop souvent mise de côté pour les personnes en situation de handicap. Elle permet de mieux connaître son corps, ses droits et le fonctionnement de relations dans le respect de l’autre. Les femmes en situation de handicap devraient bénéficier d’un accompagnement adéquat pour prendre des décisions plus autonomes concernant leur santé. Le GREVIO a souligné que les droits reproductifs des personnes en situation de handicap devaient être respectées et que l’ensemble des moyens de contraception devaient être proposés. Les stérilisations et avortements forcés doivent être interdits.
70. Elisa Rojas a souligné que les femmes en situation de handicap étaient souvent infantilisées et qu’elles n’étaient pas supposées avoir une sexualité adulte 
			(34) 
			Entretien
dans le podcast La Poudre <a href='https://open.spotify.com/episode/7nS6ewWx1qmD1vspVYUvx8?flow_id=6429685d-8717-4093-b7e1-3631e95ad243%3A1680641164&creation_point=https://open.spotify.com/?sp_cid=2641212f101ef16bff85dcbf8b2b7150&device=desktop'>«Épisode
Bonus – Présent·e·s avec Elisa Rojas</a>», mars 2020.. «On leur demande de rester des petites filles pour les exclure de la sexualité et de la maternité (…) On pense communément que les femmes handicapées seraient victimes de violences uniquement car elles sont vulnérables, alors qu'elles le sont également parce que ce sont des femmes». Une part de la vulnérabilité des femmes en situation de handicap est organisée, car elles ne sont pas inclues dans les campagnes de sensibilisation et sont moins informées. Cette vulnérabilité est supposée par la société en général et renforcée par le manque d’inclusion. Les campagnes d’information sur la prévention des violences fondées sur le genre, et les droits sexuels et reproductifs, devraient être inclusives et accessibles aux personnes en situation de handicap, dans toute leur diversité.
71. Lors de notre audition, l’ancienne présidente du GREVIO, Iris Luarasi, a souligné l’importance de construire la confiance des survivantes de violences, y compris des femmes en situation de handicap. La question de la confiance est effectivement déterminante et devrait être prise en compte par toutes les personnes qui accompagnent les personnes en situation de handicap. Une personne en mesure de faire confiance à sa famille, au personnel socio-médical, aux forces de l’ordre et au système judiciaire sera plus forte.
72. La situation des femmes âgées en situation de handicap est particulièrement préoccupante. La commission pourrait tenir dans les prochains mois un échange de vues sur leurs besoins spécifiques avec Claudia Mahler, Experte indépendante des Nations Unies sur les droits des personnes âgées.

10. Conclusions

73. Les femmes en situation de handicap, dans toute leur diversité, sont invisibilisées et mises à l’écart dans nos sociétés. La réflexion sur la lutte contre les violences faites aux femmes en situation de handicap amène à une réflexion plus large sur la façon dont les personnes en situation de handicap sont considérées.
74. Une société qui isole les personnes en situation de handicap n’est ni pleinement démocratique, ni inclusive. Les personnes en situation de handicap ont le droit de vivre en pleine inclusion dans la société. Leur participation à la vie sociale, économique et politique de nos pays est bénéfique à de multiples niveaux. Cette participation doit être soutenue et progresser. La réduction des dépendances peut contribuer à réduire les facteurs de risque. Une logique d’accompagnement et de soutien à la prise de décision autonome visant à l’inclusion dans la société devrait remplacer une logique d’assistance.
75. Afin d’obtenir des résultats tangibles, la prévention et la lutte contre les violences faites aux femmes en situation de handicap doivent devenir une priorité politique. La question du handicap devrait systématiquement être prise en compte lors de l’élaboration de politiques d’égalité des genres et de prévention et de lutte contre les violences fondées sur le genre, et les politiques du handicap devraient intégrer une dimension de genre. Les femmes en situation de handicap devraient pouvoir participer aux processus décisionnels qui les concernent.
76. Un changement systémique est nécessaire afin de lutter contre les causes structurelles et de prévenir les violences fondées sur le genre faites aux femmes en situation de handicap. Nous devons lutter contre les visions stéréotypées des femmes en situation de handicap et œuvrer à faire advenir une société pleinement inclusive, qui va promouvoir l’égalité, prévenir l’isolement, la violence et les discriminations multiples, et mettre fin à l’impunité des auteurs de violences.