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Rapport | Doc. 15890 | 05 janvier 2024

Développements récents au Moyen-Orient: l’attaque terroriste du Hamas contre Israël et la réponse d'Israël

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Piero FASSINO, Italie, SOC

Origine - Renvoi en commission: Décision du Bureau, Renvoi 4494 du 31 janvier 2020. 2024 - Première partie de session

Résumé

L'Assemblée parlementaire devrait fermement condamner l'attaque terroriste menée par le Hamas et d'autres milices contre Israël le 7 octobre 2023, exprimant son soutien à Israël et affirmant son droit à la légitime défense.

L'Assemblée devrait également exprimer une profonde préoccupation face au nombre alarmant de victimes civiles et à la situation humanitaire désastreuse dans la bande de Gaza. De plus, les autorités israéliennes devraient s'engager de manière urgente et résolue pour lutter contre la violence des colons et la prévenir en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.

Il est impératif de garantir la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages, ainsi qu'un cessez-le-feu immédiat et prolongé pour permettre un accès complet, rapide, sûr et sans entrave à l'aide humanitaire pour la population de Gaza.

Il est également crucial de reprendre les négociations de paix sur la base d’une solution à deux États, avec la participation des parties prenantes concernées et l’appui de la communauté internationale pour parvenir à une paix juste et durable dans la région.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 13 décembre
2023.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire condamne sans équivoque et avec la plus grande fermeté l’attaque barbare menée par le Hamas et d’autres milices contre Israël le 7 octobre 2023. Les actes des assaillants – qui ont massacré et mutilé des centaines de personnes, violé des femmes et pris 239 otages, y compris des enfants, des personnes handicapées et des personnes âgées – ne laissent aucun doute sur la nature terroriste du Hamas et des autres groupes affiliés qui ont participé à ce carnage, et ne peuvent être justifiés pour quelque motif que ce soit. L’Assemblée exprime son soutien à Israël face à l’attaque terroriste la plus brutale de son histoire, affirme son droit à la légitime défense et exprime sa plus profonde sympathie à toutes celles et tous ceux qui ont été touchés. L’Assemblée condamne fermement le terrorisme et l’extrémisme violent sous toutes leurs formes et manifestations, où qu’ils se produisent.
2. En réponse à cette attaque, le Gouvernement israélien a lancé une guerre contre le Hamas, avec le double objectif déclaré d’anéantir le Hamas et de libérer les otages. La réponse militaire d’Israël a entraîné la perte de milliers de vies, des déplacements massifs et la destruction généralisée de biens et d’infrastructures civils à Gaza. Le bilan humain élevé n’est pas seulement dû aux opérations militaires menées dans des zones densément peuplées, mais aussi à l’utilisation de la population palestinienne comme boucliers humains par le Hamas, après avoir construit un labyrinthe de tunnels souterrains et placé des armes offensives à proximité immédiate des bâtiments civils, y compris les écoles et les hôpitaux.
3. L’Assemblée exprime sa tristesse et sa consternation devant le nombre alarmant de victimes innocentes dans la bande de Gaza. L’Assemblée est également consciente du fait que, pour beaucoup, le déplacement de la moitié de la population de Gaza, causé par la guerre actuelle, a ravivé les souvenirs de la Nakba.
4. La situation humanitaire déjà désastreuse à Gaza a été exacerbée par le nombre insuffisant de convois transportant de l’aide humanitaire, des vivres, des médicaments et du carburant devant atteindre les personnes dans le besoin depuis plusieurs semaines, en raison de la fermeture des points frontaliers. L’évacuation par le poste frontière de Rafah avec l’Égypte d’environ 7 000 binationaux et personnes nécessitant des soins médicaux d’urgence, y compris des nouveau-nés, a été une exception.
5. L’Assemblée souligne qu’au-delà de Gaza, la situation en matière de sécurité est tendue et instable dans le reste d’Israël, en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Des manifestations violentes ont éclaté et les épisodes de violence des colons contre les Palestiniens se sont transformés en une tendance inquiétante, causant de nombreux décès. En outre, depuis le 7 octobre, des centaines de Palestiniens ont été arrêtés pour des raisons de sécurité. Dans le nord, les échanges de tirs avec le Hezbollah de l’autre côté de la frontière avec le Liban ont causé des victimes et des déplacements de part et d’autre. Le risque d’une expansion du conflit ne peut être exclu, compte tenu du soutien dont bénéficient le Hamas et le Hezbollah de la part de certains acteurs régionaux.
6. Le 22 novembre 2023, à travers la médiation de l’Égypte, du Qatar et des États-Unis, un accord a été conclu entre Israël et le Hamas qui a permis une pause de quatre jours dans les hostilités, au cours de laquelle le Hamas devait libérer 50 otages israéliens en échange de la libération de 150 détenus palestiniens, principalement des femmes et des enfants dans les deux cas. L’accord a été prolongé à plusieurs reprises; au total 110 otages ont été libérés en échange de 240 détenus. Un certain nombre de convois humanitaires ont été autorisés à entrer dans Gaza. Tout en se félicitant de l’accord, l’Assemblée appelle à prendre des initiatives similaires, car un soutien humanitaire accru est nécessaire pour répondre aux besoins fondamentaux de la population civile.
7. L’Assemblée craint que cette guerre – comme beaucoup d’autres flambées de violence ayant précédé – ne réussisse pas à briser la spirale de la haine et ne suffise pas à parvenir à une paix et à une sécurité durables au Moyen-Orient. Pour atteindre ce résultat, il est nécessaire que les Israélien·ne·s et les Palestinien·ne·s s’engagent en faveur d’une solution à deux États, qui permettra aux deux peuples d’exercer leur droit à l’autodétermination et de vivre dans la dignité. La communauté internationale doit être unanime, résolue et cohérente en appuyant ce plan d’action. Il est également nécessaire que les dirigeants politiques des deux côtés s’abstiennent d’utiliser une rhétorique incendiaire qui déshumanise l’autre peuple, nie ses droits et empêche toute perspective de réconciliation future.
8. À la lumière de ces considérations, l’Assemblée:
8.1. appelle à la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages pris lors de l'attaque terroriste du 7 octobre 2023;
8.2. appelle à un cessez-le-feu immédiat et prolongé afin de permettre à la population de Gaza d’avoir un accès complet, rapide, sûr et sans entrave à l’aide humanitaire;
8.3. appelle toutes les parties aux hostilités à respecter strictement le droit international et le droit international humanitaire, conformément aux principes de distinction, de nécessité, de proportionnalité et de précaution, et rappelle leur obligation de respecter et de protéger le personnel humanitaire.
9. L’Assemblée appelle à la reprise des négociations de paix sur la base d’une solution à deux États, avec la participation des parties prenantes concernées et l’appui de la communauté internationale pour parvenir à une paix juste et durable dans la région. Dans ce contexte, l’Assemblée:
9.1. rappelle les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations Unies et la nécessité pour toutes les parties de s’acquitter de leurs obligations et responsabilités juridiques en vertu du droit international;
9.2. réitère d’urgence son appel à toutes les parties pour qu’elles s’abstiennent de toute mesure unilatérale qui compromette les perspectives du processus de paix;
9.3. appelle les autorités israéliennes à s’engager d’urgence et résolument à prévenir la violence des colons et s’abstenir de construire de nouvelles colonies et d’étendre les anciennes, de démolir des habitations, d’expulser par la force et de confisquer des terres dans les territoires occupés;
9.4. souligne que l'Autorité palestinienne est un interlocuteur essentiel dans les négociations de paix;
9.5. appelle l’Autorité palestinienne à s’engager à prévenir toutes formes de violences dans les territoires sous sa responsabilité.
10. Soutenant la Cour pénale internationale comme partie intégrante de l’ordre international fondé sur des règles et en tant qu’institution centrale dans la lutte contre l’impunité et la poursuite de la justice, qui sont des éléments essentiels d’une paix, d’une sécurité et d’une réconciliation durables, l’Assemblée appelle toutes les parties concernées à coopérer avec les enquêtes sur l'attaque terroriste du 7 octobre 2023 et sur les crimes présumés commis à Gaza, à Jérusalem-Est et en Cisjordanie.
11. En ce qui concerne le rôle des États membres du Conseil de l’Europe, l’Assemblée les appelle:
11.1. à aider Israël à fournir une assistance spécialisée aux familles de celles et ceux qui sont encore détenus en captivité, ainsi qu’aux otages libérés, prenant en compte les besoins particuliers de certains groupes, y compris les enfants;
11.2. à renforcer l’aide humanitaire à la population civile de Gaza et à soutenir les initiatives pertinentes de l’Organisation des Nations Unies, de ses institutions spécialisées, du Comité international de la Croix-Rouge et d’autres acteurs humanitaires;
11.3. à désigner le Hamas en tant qu’organisation terroriste et à prendre les mesures appropriées pour contrecarrer sa capacité opérationnelle;
11.4. à prêter leur plein appui diplomatique à une solution à deux États et à la création des conditions préalables à une paix viable et durable au Moyen-Orient.
12. Profondément préoccupée par la recrudescence alarmante des incidents antisémites en Europe depuis le début de la guerre en cours, l’Assemblée souligne son rejet de toutes les formes d’incitation à la violence et déplore la haine et l’intolérance sous toutes leurs formes, y compris l’intolérance religieuse, le racisme, la xénophobie, l’antisémitisme et l’islamophobie, en Europe et dans le monde. L’Assemblée renvoie à sa Résolution 2447 (2022) «La prévention et la lutte contre l’antisémitisme en Europe» et réitère toutes ses recommandations, y compris son appel aux États membres pour qu’ils adoptent des stratégies et mesures nationales de lutte contre l’antisémitisme. L'Assemblée affirme son soutien au travail du Bureau du Représentant spécial de la Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe sur les crimes de haine antisémites et anti-musulmans et toute forme d’intolérance religieuse, ainsi qu'à celui de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) sur cette question, y compris la Recommandation de politique générale no 9 révisée en 2021 sur la prévention et la lutte contre l’antisémitisme.
13. Ayant pris note du fait que certains États membres du Conseil de l’Europe ont interdit les manifestations organisées par des groupes pro-palestiniens pour éviter les troubles publics, l’Assemblée appelle à la mise en œuvre scrupuleuse de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en matière de liberté d’expression et de réunion. Elle appelle également à la prudence et à la diligence dans le traitement des manifestations non autorisées, afin d’éviter les excès qui risqueraient d’alimenter les tensions.
14. En ce qui concerne ses propres activités, l’Assemblée:
14.1. encourage les membres de la Knesset et du Conseil national palestinien à poursuivre leur engagement dans les travaux de l’Assemblée, en particulier dans le cadre de la sous-commission sur le Proche-Orient et le monde arabe, en utilisant la position unique de l’Assemblée, à savoir disposer à la fois d’une délégation israélienne d’observateurs et d’une délégation palestinienne partenaire pour la démocratie;
14.2. intensifiera ses efforts pour promouvoir le dialogue entre la Knesset, le Conseil national palestinien et les parlements des États membres du Conseil de l’Europe;
14.3. cherchera à intensifier ses relations avec les parlements et les institutions dans la région;
14.4. devrait continuer à suivre la situation au Moyen-Orient et, en particulier, les progrès du processus de paix israélo-palestinien et la situation des droits humains, de la démocratie et de l’État de droit dans la région.

B. Exposé des motifs par M. Piero Fassino, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. L’attaque du Hamas contre Israël lancée le 7 octobre 2023 a été perpétrée sur plusieurs fronts contre des villes israéliennes, résultant en d’horribles scènes de violence. La brutalité et le caractère impitoyable des actions des terroristes du Hamas ont provoqué le plus grand nombre de morts en une seule journée dans l'histoire d'Israël. Cette attaque a été motivée par l’objectif injustifiable de détruire l’État d’Israël.
2. Le monde entier a été secoué par ces images glaçantes. Des enfants tués dans leur sommeil, des centaines de jeunes massacrés alors qu'ils assistaient à un concert, des familles assassinées dans leurs maisons, des femmes brutalement violées, des maisons rasées et des centaines de citoyen·ne·s kidnappés – pris en otages.
3. Rien ne peut justifier la violence brutale et aveugle du Hamas qui, à travers ses actes, a confirmé être une organisation terroriste. Sur ce point, il ne peut y avoir aucune ambiguïté.
4. Lors du débat d'actualité de l'Assemblée parlementaire intitulé «Escalade de la violence au Proche-Orient suite à l’attaque récente du Hamas contre Israël», tenu le 11 octobre 2023, j'ai été clair sur ce point : tout doit être fait pour mettre fin à l'agression du Hamas et obtenir la libération des otages. Dans le même temps, reconnaissant le droit d'Israël à se défendre, j'ai appelé les autorités israéliennes à ne pas faire payer au peuple palestinien les actes de ces terroristes et à veiller à ce que l'aide humanitaire et les biens essentiels parviennent à celles et ceux qui en ont besoin.
5. La campagne militaire lancée par Israël en réponse aux attaques du 7 octobre vise explicitement à démanteler le Hamas et à assurer la libération des otages. L'ampleur de cette opération a rendu une grande partie du nord de Gaza inhabitable, déplacé la grande majorité de la population et entraîné, directement et indirectement, des pertes humaines parmi le peuple palestinien. Le blocus des ressources essentielles telles que la nourriture, l'eau, le carburant, l'électricité et les médicaments a créé une catastrophe humanitaire sans précédent, comme l'a déclaré l'Organisation des Nations Unies (ONU).
6. L’immense tragédie du 7 octobre et les conséquences de la guerre qui a suivi creusent encore plus profondément le fossé de l’incommunicabilité, du ressentiment et de la haine, il convient toutefois de garder à l’esprit une perspective à long terme. Malgré et pendant une guerre, il est nécessaire de tisser les liens d’une solution qui permettra aux Israéliens et aux Palestiniens de vivre en paix les uns avec les autres. Vaincre la méfiance et la haine exige une détermination extraordinaire, et les efforts devraient commencer dès maintenant.

2. Contexte et portée

7. Force est de constater avec inquiétude que l’ensemble de la Méditerranée élargie – du détroit d’Ormuz au détroit de Gibraltar – est en proie à une succession de crises : la situation critique de l’Iran, la fragilité de l’Irak, les guerres civiles en Syrie et au Yémen, l'effondrement économique au Liban, la question chypriote non résolue, l'instabilité de la Corne de l'Afrique et la crise libyenne. Sans oublier la situation critique au Sahel, région en proie à des coups d’État et une présence djihadiste.
8. Depuis que l’Assemblée a tenu le 30 janvier 2020 un débat d’actualité sur «Les développements récents en Libye et au Moyen-Orient : quelles conséquences pour l’Europe?», le processus de paix entre Israël et la Palestine est resté au point mort, avec une augmentation considérable de la violence et des discours négatifs au cours des deux dernières années. Les attaques lancées par le Hamas le 7 octobre 2023 sont une escalade sans précédent de cette situation, causant massivement des morts, des destructions et une instabilité entraînant un changement de paradigme dans la région.
9. L'Assemblée n'a cessé de réitérer son soutien à une solution à deux États fondée sur les frontières de 1967 et aux aspirations légitimes des deux parties: le droit d'Israël à être reconnu et à vivre en sécurité, et le droit des Palestiniens à disposer d'un État indépendant, viable et contigu 
			(2) 
			Résolution 1940 (2013) «La situation au Proche-Orient».. Dans sa dernière résolution sur la question, adoptée en 2018, l'Assemblée a souligné la nécessité pour toutes les parties concernées de respecter leurs obligations et responsabilités juridiques en vertu du droit international et de s'abstenir de toute mesure unilatérale qui compromette les perspectives de paix. Elle a décidé de continuer à promouvoir le dialogue et l'instauration de la confiance entre les représentants de la Knesset et le Conseil national palestinien 
			(3) 
			Résolution 2202 (2018) «Le processus de paix israélo-palestinien: le rôle du
Conseil de l'Europe»..
10. Ces efforts ont été menés notamment dans le cadre de sa sous-commission sur le Proche-Orient et le monde arabe. L'Assemblée a également établi des relations avec d'autres parlements de la région, à la lumière des perspectives de coopération offertes par le statut de partenaire pour la démocratie.
11. En juin 2023, la sous-commission sur le Proche-Orient et le monde arabe a repris ses échanges avec la délégation israélienne d'observateurs et la délégation palestinienne partenaire pour la démocratie après une pause de quatre ans. Le 11 octobre 2023, les délégations respectives se sont adressées à l’Assemblée lors du débat d’actualité sur l’«Escalade de la violence au Proche-Orient suite à l’attaque récente du Hamas contre Israël».

3. Attaque terroriste du Hamas du 7 octobre 2023

12. Le matin du 7 octobre 2023, le Hamas a lancé une attaque depuis Gaza contre Israël. L'infiltration sur plusieurs fronts depuis Gaza a donné lieu à des attaques contre des soldats sur 22 sites à l'extérieur de Gaza, ainsi qu'à des attaques aveugles contre des civils.
13. La dévastation et la violence ont été stupéfiantes par leur cruauté et leur ampleur. Les autorités israéliennes estiment que 1 200 Israélien·ne·s et citoyen·ne·s étrangers ont été tués. Des personnes originaires de 36 pays en provenance de tous les continents ont été tuées ou sont portées disparues. Le ministère israélien de la Santé a indiqué que le nombre de blessés hospitalisés s'élevait à plus de 5 500 personnes. Des actes généralisés de torture et de mutilation, de personnes brûlées vives, de décapitations, de viols, de violences sexuelles et de mutilations de cadavres ont été commis et, dans certains cas, filmés par les auteurs.
14. Au cours de l'attaque, plus de 200 personnes ont été prises en otage, dont des personnes âgées et des enfants.
15. Les attaques ont anéanti des communautés, comme au kibboutz Beeri, où 10% de la ville, soit 108 personnes, ont été assassinées par le Hamas.
16. Les tirs aveugles de roquettes depuis Gaza le 7 octobre ont entraîné le lancement de plus de 5 000 missiles et se sont poursuivis dans la matinée du 8 octobre. Un hôpital a même été endommagé dans la ville israélienne d'Ashkelon. Toujours le 8 octobre, les forces du Hezbollah ont annoncé avoir tiré des roquettes et des pièces d’artillerie depuis le sud du Liban sur trois positions israéliennes dans les fermes de Chebaa «en solidarité» avec le peuple palestinien 
			(4) 
			<a href='https://www.reuters.com/world/middle-east/israel-strikes-lebanon-after-hezbollah-hits-shebaa-farms-2023-10-08/'>«Israel,
Hezbollah exchange artillery, rocket fire»</a>, Reuters, 8 octobre
2023 (anglais seulement)..
17. Les tirs continus de roquettes vers Israël ont entraîné, le 14 novembre 2023, l'évacuation de 250 000 Israélien·ne·s des communautés proches de Gaza et le long de la frontière nord 
			(5) 
			<a href='https://apnews.com/article/israel-hamas-war-news-11-14-2023-42d3e99d81672d166e720e7520796c41'>«Palestinians
call for evacuation of hundreds of patients and newborns from Gaza’s
largest hospital</a>», AP News, 14 novembre
2023 (anglais seulement)..
18. En réponse à l'attaque du Hamas, les autorités israéliennes ont déclaré l'état de guerre et rappelé les réservistes militaires. Dans l'après-midi du 7 octobre, les Forces de défense d’Israël (FDI) ont lancé l'opération «Épées de fer» avec des frappes aériennes, terrestres et maritimes sur la bande de Gaza.

3.1. Réactions à l'attaque du Hamas

19. Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, a déclaré que le Hamas avait déclenché une «guerre brutale et perverse», que les FDI utiliseraient toutes leurs forces pour détruire les capacités du Hamas et que la guerre à venir prendrait du temps 
			(6) 
			<a href='https://www.gov.il/en/departments/news/event-statement071023'>Déclaration
du Premier ministre Benjamin Netanyahou</a>, 7 octobre 2023 (anglais seulement)..
20. Le Président palestinien Mahmoud Abbas a affirmé que le peuple palestinien avait le droit de se défendre contre «la terreur des colons et des troupes d'occupation» 
			(7) 
			«<a href='https://www.reuters.com/article/israel-palestinians-abbas-idAFS8N3AU0AU/'>Abbas:
Palestinian people have the right to defend themselves</a>», Reuters, 7 octobre
2023 (anglais seulement).. Les autorités palestiniennes ont publié le 7 octobre une déclaration rappelant avoir mis en garde contre «les conséquences du blocage de l'horizon politique et de l'incapacité du peuple palestinien à exercer son droit légitime à l'autodétermination», ajoutant que la «poursuite de l'injustice et de l'oppression auxquelles le peuple palestinien est exposé est la raison de cette situation explosive» 
			(8) 
			<a href='https://twitter.com/pmofa/status/1710630801379922370'>Déclaration</a>, Ministère des Affaires étrangères de l’État de Palestine,
7 octobre 2023.. Le président Abbas, s'exprimant de la Jordanie le 12 octobre 2023, a regretté les pertes civiles des deux côtés, sans toutefois condamner explicitement l’attaque du Hamas 
			(9) 
			«<a href='https://www.reuters.com/world/middle-east/palestinian-president-says-he-rejects-killing-civilians-both-sides-conflict-2023-10-12/#:%7E:text=%22We%20reject%20the%20practices%20of,Wafa%20quoted%20Abbas%20as%20saying.'>Palestinian
President Abbas condemns violence against civilians</a>», Reuters, 12
octobre 2023..

3.2. La communauté internationale

21. La déclaration de l'Union européenne du 7 octobre a condamné dans les termes les plus fermes les attaques multiples et aveugles du Hamas à travers Israël. Elle a appelé à la cessation immédiate des attaques et des violences, qui, selon elle, ne feraient qu'accroître les tensions sur le terrain et porter gravement atteinte aux aspirations palestiniennes à la paix. L'Union européenne a rappelé l'importance d'œuvrer en faveur d'une paix durable grâce à des efforts redynamisés dans le cadre du processus au Proche-Orient 
			(10) 
			<a href='https://www.consilium.europa.eu/en/press/press-releases/2023/10/07/statement-by-the-high-representative-on-behalf-of-the-european-union-on-the-attacks-against-israel/'>Déclaration
du haut représentant, au nom de l'Union européenne, sur les attaques
contre Israël</a>, 7 octobre 2023..
22. Le Secrétaire général des Nations Unies a condamné dans les termes les plus fermes cette attaque. Consterné par les informations selon lesquelles des civils auraient été attaqués et enlevés dans leurs propres maisons, il a exprimé sa profonde préoccupation pour la population civile et a instamment appelé à la plus grande retenue, appelant au respect et à la protection des civils, conformément au droit international humanitaire, à tout moment. Il a appelé à tous les efforts diplomatiques pour éviter une conflagration plus large.
23. Le Brésil, qui assurait la présidence du Conseil de sécurité de l'ONU, a annoncé qu'il convoquerait une réunion d'urgence du Conseil de sécurité le 8 octobre pour faire face à l'escalade de la violence, et a exhorté les parties à éviter une escalade de la situation.
24. Le chef de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, a appelé à l'arrêt immédiat des opérations militaires à Gaza et du cycle d'affrontements armés entre les deux parties, affirmant que les actions d'Israël avaient privé la région de toute opportunité sérieuse de stabilité. Le roi Mohammed VI du Maroc, pays qui assure actuellement la présidence du Conseil de la Ligue arabe, a convoqué une réunion urgente de l'organisme le 8 octobre pour coordonner et trouver des moyens de freiner cette grave escalade.
25. À l’échelle mondiale, les représentant·e·s d’une centaine de pays ont réagi. Le suivi des réponses internationales par le Washington Institute for Near East Policy indique qu’au 11 octobre 2023, au moins 44 pays avaient condamné sans équivoque le Hamas et noté explicitement que ses actes constituaient du terrorisme. Des déclarations explicites sur le droit d'Israël à se défendre ont été faites par une vingtaine de pays. D'autres pays, dont le Qatar, l'Arabie Saoudite, le Koweït, la Syrie et l'Irak, ont évoqué la responsabilité d'Israël dans ces attaques sans condamner l’attaque du Hamas 
			(11) 
			L'Institut
de Washington pour la politique au Proche-Orient, <a href='https://www.washingtoninstitute.org/policy-analysis/international-reactions-hamas-attack-israel'>Analyse
politique</a>, Réactions internationales à l’attaque du Hamas contre
Israël, 11 octobre 2023.. Le ministère iranien des Affaires étrangères a déclaré que l'attaque était une initiative spontanée des groupes de résistance et du peuple palestinien pour défendre ses droits inaliénables, et a réaffirmé le droit des Palestinien·ne·s à se défendre 
			(12) 
			Iran,
ministère des Affaires étrangères, <a href='https://en.mfa.ir/portal/newsview/730903'>Communiqué
de presse</a>, 8 octobre 2023..

4. La réponse militaire d'Israël

26. La déclaration du Premier ministre Netanyahou dans la soirée du 7 octobre 2023 selon laquelle le pays était en guerre a été suivie de l’approbation de la situation de guerre par le Cabinet de sécurité israélien, y compris l’approbation de «mesures militaires significatives» 
			(13) 
			Cabinet du Premier
ministre, <a href='https://www.gov.il/en/departments/news/spoke-war081023'>Communiqué
de presse</a>, «Le Cabinet de sécurité approuve la situation de guerre», 8 octobre
2023..
27. Les objectifs de l'action militaire, comme l'a déclaré le Premier ministre Netanyahou, sont l'élimination du Hamas en détruisant ses capacités militaires et gouvernementales, et de faire tout le possible pour ramener les captifs chez eux 
			(14) 
			Cabinet du Premier
ministre, <a href='https://www.gov.il/en/departments/news/spoke-statement251023'>Communiqué
de presse</a>, «Déclaration du Premier ministre Benjamin Netanyahou», 25 octobre
2023..
28. Israël a lancé les recherches pour retrouver les otages, a lancé des centaines de frappes aériennes contre des sites du Hamas à Gaza décrites par les FDI comme son «infrastructure opérationnelle», a mobilisé environ 360 000 réservistes, soit entre 3 et 4% de la population totale d'Israël, et a repositionné les forces terrestres près de Gaza. Le gouvernement israélien a presque complètement interrompu l'approvisionnement en électricité, en nourriture, en eau et en carburant vers Gaza, qui, avant le conflit, était déjà confrontée à des conditions de crise économiques et humanitaires 
			(15) 
			Voir, par exemple, Résolution 2142 (2017) «La crise humanitaire à Gaza»..
29. Le 13 octobre 2023, les FDI ont annoncé qu’elles «appelaient» à l’évacuation de tous les civils de la ville de Gaza au nord de Gaza, «de leurs maisons vers le sud pour leur propre sécurité et protection».
30. Israël n'a accepté la réouverture du passage de Rafah entre l'Égypte et Gaza pour une aide humanitaire limitée qu'à la suite de négociations le 18 octobre 2023 entre l'Égypte, Israël et les États-Unis. Néanmoins cela n’autorisait pas la circulation des personnes à travers la frontière. Quelque 1 096 camions sont entrés à Gaza entre le 21 octobre et le 13 novembre 2023. Le 1er novembre 2023, le poste frontière a été également ouvert «pour des périodes limitées» afin de permettre à près de 500 ressortissants étrangers et Palestiniens blessés d’entrer quotidiennement en Égypte 
			(16) 
			«Rafah crossing: First
Britons leave Gaza but others face nervous wait», BBC, 1 novembre 2023..
31. Israël a initié les opérations terrestres le 28 octobre 2023.
32. Suite aux efforts de médiation entrepris par l'Égypte, les États-Unis et le Qatar, un accord de pause humanitaire a été annoncé le 22 novembre 2023, prévoyant la libération de 50 femmes et enfants civils otages détenus dans la bande de Gaza en échange de la libération d'un certain nombre de femmes et d’enfants palestiniens détenus dans les prisons israéliennes 
			(17) 
			Ministère
des Affaires étrangères du Qatar, <a href='https://twitter.com/MofaQatar_EN?ref_src=twsrc%5Egoogle%7Ctwcamp%5Eserp%7Ctwgr%5Eauthor'>Déclaration</a>, 22 novembre 2023.. Cette pause devait durer quatre jours, et le Bureau du Premier ministre israélien a noté que la libération de dix otages supplémentaires entraînerait une journée supplémentaire de pause. Elle était également prévue pour permettre à un plus grand nombre de convois humanitaires et d'aide d'urgence d'entrer à Gaza.

4.1. Situation humanitaire

33. Au 10 novembre 2023, 11 078 morts avaient été dénombrés à Gaza. Les données disponibles laissent à penser que près de la moitié de ces décès (4 506) sont des enfants tués suite aux actions militaires israéliennes 
			(18) 
			OCHA, «<a href='https://ochaopt.org/content/hostilities-gaza-strip-and-israel-flash-update-25'>Hostilités
dans la bande de Gaza et en Israël – impact signalé – Jour 38</a>», 13 novembre 2023. 
			(19) 
			Depuis l'adoption de
ce rapport, le nombre de morts signalés à Gaza s’élevait à 22 185
au 2 janvier 2024. Il n’existe pas encore de chiffres complets,
vérifiés et provenant de sources indépendantes concernant les victimes..
34. Le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (UNOCHA) a indiqué que l'ONU n'avait jusqu'à présent pas été en mesure de produire des chiffres indépendants, complets et vérifiés concernant les victimes; les chiffres actuels ont été fournis par le ministère palestinien de la Santé à Gaza et par les autorités israéliennes et doivent être vérifiés de manière plus approfondie. Les chiffres cumulés des victimes fournis par le ministère palestinien de la Santé à Gaza ont été arrêtés au 11 novembre 2023 suite à l'effondrement des services et des communications dans les hôpitaux du nord.
35. Au 20 novembre 2023, on estime que 1,7 million de personnes à Gaza (près de 75% des 2,3 millions habitants du territoire) étaient déplacées à l'intérieur de leur propre pays, et que 900 000 d'entre elles résidaient dans quelque 154 abris de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). Des problèmes aigus de surpeuplement existeraient dans les abris, notamment en termes d'accès aux installations sanitaires et de propagation de maladies 
			(20) 
			OCHA,
«<a href='https://www.ochaopt.org/content/hostilities-gaza-strip-and-israel-flash-update-45'>Hostilités
dans la bande de Gaza et en Israël – mise à jour Flash #45</a>», 20 novembre 2023.. Le manque de capacité dans les abris a également contraint des milliers de personnes déplacées à dormir dehors, la situation étant aggravée par l'exposition aux fortes pluies.
36. Les attaques contre des bâtiments résidentiels et des infrastructures sont nombreuses. Au 13 novembre 2023, l'UNOCHA a signalé que 45 % des logements de Gaza étaient détruits ou endommagés, que 22 hôpitaux étaient hors service, que la situation en matière de nourriture, d'eau et d'assainissement était catastrophique et que le manque de carburant exacerbait encore davantage la fourniture de soins de santé et des services de base 
			(21) 
			OCHA,
«<a href='https://ochaopt.org/content/hostilities-gaza-strip-and-israel-flash-update-25'>Hostilités
dans la bande de Gaza et en Israël – impact signalé – Jour 38</a>», 13 novembre 2023.. Dans le même temps, la bande de Gaza est confrontée à une pénurie d'électricité depuis le 11 octobre 2023 après que les autorités israéliennes ont coupé l'approvisionnement en électricité et que les réserves de carburant pour l'unique centrale électrique de Gaza se sont épuisées.
37. Le 20 novembre 2023, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a réagi après que l'hôpital indonésien de Beit Lahiya (au nord de Gaza) a été attaqué pour la cinquième fois depuis le début des hostilités. Il a indiqué que de multiples attaques contre des établissements de santé avaient entraîné des évacuations massives forcées des hôpitaux, et causé de multiples morts et blessés parmi les patients et les personnes cherchant refuge dans les hôpitaux. L'OMS a recensé 335 attaques contre les établissements de soins de santé dans la bande de Gaza et en Cisjordanie depuis le 7 octobre. Ces attaques, combinées aux pénuries de carburant, de médicaments, d'eau et d'autres ressources essentielles, auraient réduit la capacité en lits d'hôpitaux à Gaza de 3 500 à 1 400 lits. L’OMS a rappelé aux parties au conflit l'obligation, en vertu du droit international humanitaire, de respecter le caractère sacré des établissements de santé et de les protéger activement 
			(22) 
			Organisation Mondiale
de la Santé, <a href='https://www.emro.who.int/media/news/who-appalled-by-latest-attack-on-indonesian-hospital-in-gaza.html'>Communiqué
de presse</a>, 20 novembre 2023.. Des hôpitaux comme celui d’Al-Shifa n'étant plus en mesure de fonctionner faute de produits de première nécessité et de carburant, une trentaine de prématurés ont été évacués vers l'Égypte le 20 novembre 2023.
38. Les bureaux de l'ONU dans le monde entier ont mis les drapeaux en berne le 13 novembre 2023, déplorant la perte de 101 membres du personnel de l'UNRWA tués depuis le début de l'escalade des hostilités à Gaza. Le Secrétaire général de l'ONU a déclaré que, dans toute l'histoire de l'Organisation, c’est là que le plus grand nombre de travailleurs humanitaires des Nations Unies ont été tués.
39. Le 21 novembre 2023, le Comité pour la protection des journalistes a documenté de manière préliminaire que, depuis le 7 octobre, 53 journalistes et professionnels des médias avaient été tués pendant le conflit, dont 46 Palestiniens, 4 Israéliens et 3 Libanais, ce qui en fait la période la plus meurtrière pour les journalistes depuis que le Comité a commencé à collecter des données en 1992 
			(23) 
			Comité pour la protection
des journalistes, «<a href='https://cpj.org/2024/01/journalist-casualties-in-the-israel-gaza-conflict/'>Journalist
casualties in the Israel-Gaza war</a>», 21 novembre 2023. 
			(24) 
			Depuis l'adoption de
ce rapport, le Comité pour la protection des journalistes a mis
à jour les chiffres provisoires au 3 janvier 2024 faisant état de
77 décès de journalistes et de professionnels des médias depuis
le début du conflit..
40. Le Hamas et Israël se rejettent mutuellement la responsabilité du terrible coût humain et des terribles conditions humanitaires à Gaza. Les actions d'Israël ont fait des victimes et limité les ressources vitales, tandis que le Hamas à Gaza et d'autres milices contribuent à mettre en danger les zones et les installations civiles, notamment les hôpitaux, en opérant à l'intérieur ou à proximité d'elles, en les utilisant comme boucliers, au mépris total du droit international ainsi que de la sécurité des civils palestiniens 
			(25) 
			Service de recherche
du Congrès,<a href='https://www.documentcloud.org/documents/24124427-israel-and-hamas-2023-conflict-in-brief-overview-us-policy-and-options-for-congress-nov-1-2023'> «Le
conflit entre Israël et le Hamas en 2023 en bref: aperçu, politique
américaine et options pour le Congrès»</a>, 1 novembre 2023..

4.2. Réactions

41. Les perceptions radicalement différentes du conflit, de ses causes et de ses implications ont défini les réactions internationales.
42. Le Secrétaire général de l’ONU, s’adressant au Conseil de sécurité de l’ONU, a appelé à un cessez-le-feu humanitaire immédiat le 24 octobre 2023 pour «atténuer la grande souffrance, rendre l’acheminement de l’aide plus facile et plus sûr et faciliter la libération des otages» 
			(26) 
			Secrétaire général
de l'ONU, <a href='https://www.un.org/sg/en/content/sg/speeches/2023-10-24/secretary-generals-remarks-the-security-council-the-middle-east%C2%A0'>Remarques</a>, 24 octobre 2023.. Les efforts de recherche de positions communes pour gérer la crise en vue d’adopter en octobre une résolution au Conseil de sécurité des Nations Unies ont échoué. Les désaccords portaient sur l’appel à un cessez-le-feu humanitaire inconditionnel, sur des pauses humanitaires ou sur un langage lié au droit de légitime défense 
			(27) 
			Rapport du Conseil
de sécurité, «<a href='https://www.securitycouncilreport.org/whatsinblue/2023/10/the-middle-east-including-the-palestinian-question-vote-on-competing-draft-resolutions-2.php'>The
Middle East, including the Palestinian Question: Vote on Competing
Draft Resolutions</a>», 25 octobre 2023..
43. La première réponse formelle des Nations Unies à l'escalade de la violence en Israël et en Palestine depuis les attaques terroristes du Hamas s’est traduite par l'adoption, à une large majorité, d'une résolution le 26 octobre 2023 par l'Assemblée générale des Nations Unies. Cette résolution appelait à une «trêve humanitaire immédiate, durable et soutenue conduisant à la cessation des hostilités» 
			(28) 
			Assemblée générale
des Nations Unies, <a href='https://undocs.org/Home/Mobile?FinalSymbol=A%2FES-10%2FL.25&Language=E&DeviceType=Desktop&LangRequested=False'>Résolution
ES-10/21</a>, 26 octobre 2023..
44. Face au nombre croissant de vies perdues depuis le 7 octobre, les dirigeant·e·s du Comité permanent inter-organisations ont publié le 5 novembre 2023 une déclaration appelant à la nécessité d'un cessez-le-feu humanitaire immédiat 
			(29) 
			IASC, <a href='https://interagencystandingcommittee.org/inter-agency-standing-committee/we-need-immediate-humanitarian-ceasefire-statement-principals-inter-agency-standing-committee'>Déclaration</a>, 5 novembre 2023..
45. Le Conseil de sécurité de l'ONU a pu adopter le 15 novembre 2023 une résolution par laquelle il appelait à des pauses humanitaires urgentes et prolongées et à des couloirs à travers la bande de Gaza pour faciliter la fourniture de biens et services essentiels. Le Conseil de sécurité a également appelé à la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages détenus par le Hamas et d'autres groupes, et a exhorté les parties à s'abstenir de priver les civils de Gaza de services vitaux et d'assistance humanitaire. Les États-Unis et le Royaume-Uni se sont abstenus lors du vote, affirmant qu'ils ne pouvaient pas voter en faveur d’un texte ne condamnant pas le Hamas, et les États-Unis ont en outre regretté que le texte ne réaffirmait pas le droit des États membres à protéger leurs citoyen·ne·s contre des attaques terroristes. La Fédération de Russie s’est également abstenue, invoquant l’absence d’appel à un cessez-le-feu immédiat 
			(30) 
			ONU, <a href='https://press.un.org/en/2023/sc15496.doc.htm'>Communiqué
de presse</a>, 9479e séance, 15 novembre
2023..
46. Le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) s'est exprimé depuis le terminal de Rafah, en Égypte, le 30 octobre 2023, pour exhorter les États parties à la CPI et les États non parties «à contribuer collectivement à faire respecter les Conventions de Genève, au respect collectif des principes du droit international coutumier et des principes du Statut de Rome, à partager les éléments de preuve concernant toute allégation de crime afin que [la CPI puisse] enquêter comme il se doit sur ces crimes présumés et en poursuivre les auteurs le cas échéant». Il a ajouté que toute attaque touchant des civils innocents ou des biens protégés doit être menée conformément aux lois et coutumes de la guerre 
			(31) 
			Procureur de la CPI, <a href='https://www.icc-cpi.int/fr/news/declaration-du-procureur-de-la-cpi-karim-aa-khan-kc-depuis-le-caire-sur-la-situation-dans'>Déclaration
sur la situation dans l'État de Palestine et en Israël</a>, 30 octobre 2023..
47. Le Procureur de la CPI a confirmé le 17 novembre 2023 la réception d'une saisine sur la situation dans l'État de Palestine émanant du Bangladesh, de la Bolivie, des Comores, de Djibouti et de l'Afrique du Sud. En réponse, le Bureau du Procureur a confirmé qu'il enquêtait depuis le 3 mars 2021 sur des comportements susceptibles de constituer des crimes visés par le Statut de Rome commis depuis le 13 juin 2014 à Gaza et en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et que cette enquête était continue et s’étendait à l’escalade des hostilités et de la violence depuis le 7 octobre 
			(32) 
			Procureur de la CPI<a href='https://www.icc-cpi.int/news/statement-prosecutor-international-criminal-court-karim-aa-khan-kc-situation-state-palestine'>,
Déclaration</a>, 17 novembre 2023..
48. À l'initiative du président Macron, la France a organisé le 9 novembre 2023 une conférence internationale pour l'aide humanitaire à la population civile de Gaza. Cela visait à promouvoir le respect du droit international et le renforcement de l’accès humanitaire, avec des appels à travailler pour la protection des civils.
49. Le Sommet extraordinaire conjoint arabo-islamique, organisé en Arabie Saoudite le 12 novembre 2023, a exigé la fin immédiate de « l’agression », rejetant que l’action militaire d’Israël soit justifiée par le principe de légitime défense, sans toutefois condamner l’attaque du Hamas. Il a condamné les deux poids, deux mesures dans l'application du droit international, et a déclaré que cela portait atteinte à la crédibilité de l'action multilatérale et faisait preuve de sélectivité dans l'application du système de valeurs humanitaires 
			(33) 
			Sommet extraordinaire
conjoint arabo-islamique, <a href='https://www.spa.gov.sa/en/N1996072'>Résolution sur l'agression
israélienne contre le peuple palestinien</a>, 12 novembre 2023..
50. L'Union européenne a adopté une déclaration le 12 novembre 2023 exprimant sa grave préoccupation face à l'aggravation de la crise humanitaire à Gaza. Soulignant à nouveau le droit d'Israël à se défendre conformément au droit international et au droit humanitaire international, l'Union européenne a appelé à une pause immédiate dans les hostilités et à l'établissement de couloirs humanitaires afin que l'aide humanitaire puisse atteindre la population de Gaza. Elle a en outre condamné l'utilisation d'hôpitaux, et l’utilisation de civils comme boucliers humains par le Hamas et a rappelé les principes selon lesquels les hôpitaux doivent être protégés.

5. Répercussions

5.1. Processus de paix au Moyen-Orient

51. L'Assemblée n'a cessé d'affirmer son soutien à deux aspirations tout aussi légitimes: le droit d’Israël d’être reconnu et d’exister en toute sécurité, et le droit des Palestiniens d’avoir un État indépendant et viable 
			(34) 
			Voir par exemple, Résolution 2202 (2018) «Le processus de paix israélo-palestinien: le rôle du
Conseil de l'Europe».. L’escalade de la violence suite aux atrocités du 7 octobre 2023 marque un nouvel achoppement des efforts visant à résoudre une histoire de conflit entre Israël et la Palestine.
52. C’est en septembre 1993 que Yitzhak Rabin et Yasser Arafat signaient à Washington un accord qui aurait dû conduire en cinq ans à une solution de paix basée sur le principe d’Israël et d’un État palestinien viable vivant côte à côte dans la paix, la sécurité et la reconnaissance mutuelle. Trente ans se sont écoulés et les espoirs suscités par cet accord ont peu à peu cédé la place à la déception, au désenchantement, à la frustration et à la colère, ouvrant un espace à ceux – le Hamas et le Jihad islamique – qui n'ont jamais accepté cet accord, qui contestent l'idée même de coexistence entre deux États, et n'ont pas hésité à déclencher une agression atroce contre Israël pour tenter d'empêcher toute forme de coexistence entre Israéliens et Palestiniens, qui semble aujourd'hui encore plus lointaine. L'engagement continu du Hamas pour le recours à la force contre Israël, la non-reconnaissance d'Israël et son objectif visant à la création d'un État palestinien islamique à la place d'Israël a conduit le Hamas à être longtemps désigné comme organisation terroriste par les États-Unis, l'Union européenne, le Royaume-Uni et bien d’autres.
53. Un certain nombre de facteurs ont grandement entravé les efforts visant à résoudre le conflit israélo-palestinien. Premièrement, la politique continue d'Israël consistant à construire et à étendre ses colonies en Cisjordanie va à l'encontre de la solution à deux États fondée sur les frontières de 1967 et est illégale au regard du droit international. Deuxièmement, les profonds schismes politiques au sein des dirigeants palestiniens ont affaibli les aspirations à un État et ont empêché la tenue d'élections présidentielles et législatives depuis 2006. Les efforts du Fatah et du Hamas pour parvenir à un accord en vue d'élections futures et de réconciliation ont été intermittents au cours de la dernière décennie, avec un accord en Algérie en octobre 2022 suggérant que des élections législatives seraient organisées d'ici un an et que l'Organisation de libération de la Palestine serait le seul représentant légitime du peuple palestinien.
54. Le conflit actuel a exacerbé toutes les tensions, toutes les lignes de fracture qui traversent le processus de paix. Dans le dernier rapport du Secrétaire général des Nations Unies sur la mise en œuvre de la Résolution 2334 du Conseil de sécurité de l'ONU, le coordinateur spécial pour le processus de paix au Moyen-Orient, Tor Wennesland, a regretté la violence quotidienne dans la région. Les incidents mortels survenus entre juin et septembre 2023 se sont inscrits dans une tendance à l’augmentation des tensions, de la violence et du nombre de morts observée au cours des années précédentes.
55. Le rapport du 15 mars 2023 du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme sur les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est et le Golan syrien occupé, relève que les actes de violence perpétrés par les colons atteignent les niveaux les plus élevés enregistrés par les Nations Unies, et déclare que les échecs répétés à protéger les Palestiniens et leurs biens ont contribué à aggraver l'environnement coercitif et la discrimination à l'égard des Palestiniens. Les attaques terroristes du Hamas du 7 octobre ont été suivies par une exacerbation de la violence de la part des colons en Cisjordanie, avec des incidents qui, en six semaines après les attaques du Hamas, ont dépassé les niveaux de violence observés sur toute l’année. L’augmentation des actes de violence perpétrés par les colons et des restrictions d'accès (notamment les exigences de laissez-passer et la désignation de zones comme restreintes ou fermées) a forcé le déplacement d'au moins 1 014 Palestinien·ne·s en Cisjordanie occupée au cours des six semaines précédant le 20 novembre 2023 
			(35) 
			OCHA, <a href='https://www.ochaopt.org/content/hostilities-gaza-strip-and-israel-flash-update-46'>Mise
à jour Flash #46</a>, 21 novembre 2023.. Les actes de violence perpétrés par les colons d’un taux déjà élevé de trois incidents par jour sont passés cette année à sept par jour 
			(36) 
			OCHA, <a href='https://www.ochaopt.org/content/other-mass-displacement-while-eyes-are-gaza-settlers-advance-west-bank-herders'>«The
other mass displacement: settlers advance on West Bank herders»</a>, 1 novembre 2023.. Le 16 novembre 2023, le secrétaire d’État américain a appelé les autorités israéliennes à prendre d’urgence des mesures pour désamorcer les tensions en Cisjordanie et la montée des «violences extrémistes des colons» 
			(37) 
			Département d'État
américain, <a href='https://www.state.gov/secretary-blinkens-call-with-israeli-minister-gantz/'>Déclaration</a>, 16 novembre 2023.. Après une visite au Moyen-Orient, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme a exprimé sa profonde préoccupation face à l'intensification de la violence et a déclaré qu'il «tirait la sonnette d'alarme la plus forte possible concernant la Cisjordanie occupée» 
			(38) 
			Bureau du Haut-Commissariat
aux droits de l'homme, <a href='https://www.ohchr.org/en/statements-and-speeches/2023/11/un-human-rights-chief-volker-turk-briefs-states-his-visit-middle'>Compte
rendu</a>, 16 novembre 2023..
56. Les dirigeants palestiniens, en rejetant progressivement les propositions avancées par la partie israélienne depuis de nombreuses années, ont miné la crédibilité de l'Autorité nationale palestinienne au profit du Hamas. La responsabilité est également partagée en raison de l'approche des autorités israéliennes consistant à accélérer l'expansion des colonies en Cisjordanie, de leur refus d'entamer des négociations et de la montée des discours incendiaires de la part des représentants du gouvernement 
			(39) 
			Voir Conseil de sécurité
de l'ONU, <a href='https://press.un.org/en/2023/sc15424.doc.htm'>Couverture
des réunions</a>, 9425e séance, 27 septembre
2023..
57. La communauté internationale et ses principaux protagonistes n’ont pas moins de responsabilité. Le Quatuor pour le Moyen-Orient, composé des Nations Unies, de l’Union européenne, des États-Unis et de la Fédération de Russie, n’a jamais réussi à donner une réelle impulsion aux solutions de paix et ne s’est pas réuni depuis novembre 2021 
			(40) 
			UNSCO, <a href='https://unsco.unmissions.org/mideast-quartet'>Déclarations</a>, Quatuor pour le Moyen-Orient.. La forte influence de l'Iran sur le Hamas réduit davantage l'espace réservé aux initiatives de médiation.
58. La recherche d’alternatives pour la paix dans la région – comme par le biais des Accords d'Abraham établissant des relations diplomatiques et normalisées sur la base de la reconnaissance mutuelle entre Israël, les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Maroc et le Soudan – est désormais confrontée à d'énormes obstacles et la perspective d'établir de nouvelles relations est réduite au minimum.

5.2. Répercussions internationales et inquiétudes concernant l’élargissement régional du conflit

59. L'incapacité à trouver un consensus et une position commune sur le conflit au Conseil de sécurité de l'ONU jusqu'à l'adoption de la cinquième résolution proposée le 15 novembre 2023 a davantage mis en lumière les tensions qui bloquent une action efficace pour maintenir la paix et la sécurité internationales, soulignées également dans la Résolution 2515 (2023) «Le rôle du Conseil de l'Europe dans la prévention des conflits, le rétablissement de la crédibilité des institutions internationales et la promotion de la paix dans le monde» de l’Assemblée.
60. Les propositions avancées par Emmanuel Macron et Charles Michel visant à introduire des mécanismes suspendant le droit de veto dans certaines situations restent aussi pertinentes aujourd'hui qu'elles l'étaient lorsqu'elles ont été formulées lors du débat de haut niveau à l'Assemblée générale de l'ONU du 20 au 26 septembre 2022.
61. Les appels du ministre israélien des Affaires étrangères à la démission du Secrétaire Général de l'ONU, M. Guterres, après ses commentaires du 25 octobre 2023 selon lesquels «les attaques du Hamas ne se sont pas produites en vase clos» ont montré les tensions particulières qui existent au niveau international, s’agissant d’appeler à un cessez-le-feu dans le contexte de la crise humanitaire à Gaza. Cette même tension dans l’appel à un cessez-le-feu s’est reproduite au niveau de l’Union européenne, où les appels à inclure une formulation ayant pour effet un «cessez-le-feu humanitaire» n’ont pas pu faire l’objet d’un accord lors de la réunion du Conseil européen du 26 octobre 2023 
			(41) 
			<a href='https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2023/10/26/european-council-conclusions-on-middle-east-26-october-2023/'>Conclusions
du Conseil européen sur le Moyen-Orient</a>, 26 octobre 2023..
62. Les liens militaires, économiques et politiques entre le Hamas, le Hezbollah et l’Iran font craindre une aggravation du conflit actuel. Le coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient, dans son exposé d'urgence au Conseil de sécurité de l'ONU le 18 octobre 2023, a souligné «la crainte que nous soyons au bord d'un abîme profond et dangereux qui pourrait changer la trajectoire du conflit israélo-palestinien, voire du Moyen-Orient dans son ensemble», qualifiant le risque d'une expansion de ce conflit de «très réel et extrêmement dangereux» 
			(42) 
			<a href='https://reliefweb.int/report/israel/tor-wennesland-un-special-coordinator-middle-east-peace-process-emergency-briefing-security-council-18-october-2023'>Compte
rendu</a>, Tor Wennesland, coordonnateur spécial des Nations Unies
pour le processus de paix au Moyen-Orient, rapport d'urgence au
Conseil de sécurité, 18 octobre 2023..
63. Le 8 octobre 2023, le Hezbollah au Liban a lancé des missiles et mené des attaques d’artillerie sur certains sites militaires du nord d’Israël «en solidarité» avec le Hamas. Israël a riposté par des tirs d'artillerie. Bien qu’il n’y ait pas eu de mouvements à grande échelle, de petits affrontements ont été signalés à la frontière et Israël a ordonné l’évacuation de plus de 40 communautés dans le nord d’Israël.
64. De hauts responsables iraniens ont exprimé leur soutien à l'offensive du Hamas. Alors que le secrétaire d’État américain Antony Blinken, s’exprimant en octobre 2023, a déclaré que «rien» ne suggérait que l’Iran était «directement impliqué dans cette attaque [du Hamas contre Israël], dans sa planification ou dans sa mise en œuvre» 
			(43) 
			Département d'État
américain, <a href='https://www.state.gov/secretary-antony-j-blinken-with-kristen-welker-of-nbcs-meet-the-press/'>Le
secrétaire Antony J Blinken avec Kristen Welker</a>, 8 octobre 2023., le soutien financier et la formation de longue date fournis par l’Iran au Hamas ont été largement documentés 
			(44) 
			Voir,
par exemple, Département d'État américain, «Country Reports on Terrorism
2021», et Fondation Méditerranéenne d'Études Stratégiques, «Atlas
Stratégique», Édition 2022..
65. Depuis le 7 octobre, des attaques contre les forces américaines dans la région ont été perpétrées par des groupes alignés sur l'Iran en Irak, en Syrie et au Yémen. Israël a intercepté un certain nombre de missiles balistiques lancés depuis le Yémen par le mouvement Houthi, qui a également abattu un drone américain le 8 novembre 2023 et détourné un cargo en mer Rouge 
			(45) 
			<a href='https://www.reuters.com/world/middle-east/us-drone-shot-down-near-yemen-officials-2023-11-08/'>«Un
drone américain abattu près du Yémen »</a>, Reuters, 8 novembre
2023..
66. Outre le risque d’escalade régionale, les divergences évidentes dans les positions des acteurs régionaux et internationaux en réponse au conflit pourraient avoir des conséquences à long terme sur la coopération et la cohésion internationales. En cas d'escalade du conflit, l’insécurité mondiale pourrait encore s’accroître face aux risques sur les marchés de l'énergie et aux chocs sur les prix des matières premières, et s'ajouterait aux effets perturbateurs sur l'économie mondiale causés par la guerre d'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine 
			(46) 
			Banque mondiale, <a href='https://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2023/10/26/commodity-markets-outlook-october-2023-press-release'>communiqué
de presse</a>, «Le conflit au Moyen-Orient pourrait provoquer un double
choc sur les marchés mondiaux des produits de base», 30 octobre
2023..

5.3. Racisme, intolérance et haine

67. L’impact global de la situation au Proche-Orient est incontestable. Le débat féroce qu’elle engendre est une source de grande sensibilité, et les citoyen·ne·s de toute l’Europe ont réagi à la crise de multiples façons, y compris par des manifestations publiques de solidarité et de protestation. Dans le même temps, ces réponses posent un risque pour le tissu social de nos communautés, notre cohésion et la paix civile. La pression exercée sur les communautés juive et musulmane est profondément préoccupante et est d’autant plus intolérable qu’aucun membre de ces communautés ne porte la responsabilité des événements au Moyen-Orient.

5.3.1. Antisémitisme

68. L’Assemblée notait en 2022 à quel point l’antisémitisme est construit sur des stéréotypes néfastes qui font de la communauté juive un bouc émissaire pour les crises émergentes 
			(47) 
			Résolution 2447 (2022) «La prévention et la lutte contre l’antisémitisme
en Europe».. Cela a été le cas lors de la pandémie de covid-19 
			(48) 
			Secrétaire
général des Nations Unies, «<a href='https://news.un.org/en/story/2021/01/1082872'>La montée
de l’antisémitisme pendant la pandémie montre que nous ne pouvons
jamais baisser la garde</a>», 25 janvier 2021 (anglais seulement)., au début de la guerre d'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine 
			(49) 
			Conseil
de l'Europe, CDADI, <a href='https://rm.coe.int/-study-on-preventing-and-combating-hate-speech-in-times-of-crisis/1680ad393b'>«Étude
sur la prévention et la lutte contre les discours de haine en temps
de crise»</a>, novembre 2023 (anglais à ce jour)., et c'est encore le cas ici. Il convient de rappeler que les Juifs du monde entier ne devraient pas être tenus responsables des paroles et des actions du Gouvernement israélien ou de tout autre gouvernement.
69. Les répercussions alarmantes des attaques terroristes du Hamas du 7 octobre et du conflit qui a suivi ont été observées dans les rues d’Europe avec une forte augmentation des incidents antisémites enregistrés à travers le continent, sur fond d’avertissements répétés de montée de l’antisémitisme depuis des années.
70. L'ampleur de ces incidents est très vaste: des manifestations ont eu lieu lors desquelles actions odieuses du Hamas ont été saluées, des synagogues et des sites juifs ont été attaqués, des affiches des otages pris par le Hamas ont été dégradées ou déchirées, des contenus antisémites ont été diffusés et prolifèrent en ligne et des menaces ont été proférées contre l’intégrité physique des citoyen·ne·s juifs. Des gardes armés accompagnent par mesure de protection les rassemblements en période de Shabbat, et la protection des écoles juives, des centres communautaires et des synagogues n’est plus une mesure sécuritaire, mais une réponse à cette montée en flèche des incidents antisémites.
71. Selon le ministre de l'Intérieur de la France, 1 518 incidents ont été enregistrés dans le pays concernant des actes et propos antisémites entre le 7 octobre et le 14 novembre 2023. Il s’agit d’une multiplication par trois par rapport à l’ensemble de l’année 2022 ayant conduit à 571 arrestations. Au Royaume-Uni, le Community Service Trust, une organisation qui enregistre les incidents antisémites depuis 1984, a enregistré un total de 1 324 incidents sur 40 jours dans tout le Royaume-Uni, ce qui représente le nombre le plus élevé sur la même période dans toute l'histoire de l'organisation. Les organismes de surveillance ont constaté cette tendance en Europe et en Amérique du Nord 
			(50) 
			UNESCO,
«Augmentation des discours de haine antisémite», 21 novembre 2023., mais l’effet a été mondial, avec des incidents tels que la traque de passagers arrivant d’Israël à destination du Daghestan, en Russie, et la prolifération massive de contenus antisémites sur les plateformes en ligne chinoises 
			(51) 
			«Chine:
l’antisémitisme en ligne augmente au milieu de la guerre entre Israël
et le Hamas», DW, 13 novembre
2023..

5.3.2. Islamophobie

72. L’Assemblée est profondément préoccupée par l’augmentation constante des signes d’islamophobie en Europe, avec une augmentation spectaculaire ces dernières années, comme l’ont dénoncé de nombreux organismes de défense des droits humains et de l’égalité aux niveaux européen et mondial 
			(52) 
			Résolution 2457 (2022) «Sensibiliser et combattre l'islamophobie, ou
racisme anti-musulman, en Europe»..
73. Les conséquences des attentats terroristes meurtriers ont créé un environnement profondément hostile, en ligne et hors ligne, pour les communautés musulmanes de nombreux pays européens. De nombreux pays ont été témoins d’incidents racistes croissants, d’attaques verbales, d’attaques de mosquées et d’un volume considérable de propos déshumanisants, radicalisés et violents à l’égard des musulman·e·s.

5.4. Liberté d'expression et de réunion

74. Le conflit a eu de graves conséquences sur la sécurité des journalistes dans la région. Le Comité pour la protection des journalistes a signalé qu'au moins 53 journalistes et professionnels des médias avaient été tués, 8 blessés et 3 avaient disparu au 21 novembre 2023 alors qu'ils couvraient le conflit 
			(53) 
			Depuis l'adoption de
ce rapport, le Comité pour la protection des journalistes a mis
à jour les chiffres provisoires au 3 janvier 2024 faisant état de
77 décès de journalistes et de professionnels des médias depuis
le début du conflit.. Les journalistes qui opèrent dans les zones de conflit effectuent un travail vital et sont protégés par le droit international humanitaire.
75. Les Conventions de Genève de 1949 et leurs Protocoles additionnels établissent des règles visant à protéger les personnes qui ne participent pas aux combats et celles qui ne peuvent plus combattre. Le Protocole additionnel I précise que les journalistes engagés dans des missions professionnelles dans des zones de conflit armé doivent être considérés comme des civils et doivent être protégés en tant que tels tant qu'ils ne prennent aucune mesure portant atteinte à leur statut de civils. Cela signifie que toutes les parties à un conflit doivent protéger les journalistes, éviter les attaques délibérées contre eux et faire respecter leurs droits au cas où ils seraient capturés.
76. En Europe, depuis le 7 octobre, des centaines de milliers de personnes ont exercé leurs droits lors de manifestations liées au conflit. Un certain nombre d’incidents liés à la liberté de réunion survenus en octobre 2023 ont mis en évidence la nécessité d’une proportionnalité et d’une évaluation minutieuse pour guider les réponses aux manifestations, aux reportages et aux déclarations publiques. Les États doivent continuer à équilibrer soigneusement les impératifs de sécurité publique et de lutte contre les discours de haine antisémites et antimusulmans, avec la protection de la liberté d’expression et de réunion.
77. Les interdictions de manifester par crainte de risques de troubles à l’ordre public doivent être soigneusement équilibrées pour respecter les normes en matière de liberté de réunion. La décision du Conseil d'État français, la plus haute juridiction administrative du pays, du 18 octobre 2023 a réaffirmé que les interdictions de manifester doivent être prises au cas par cas, et que les autorités locales devraient continuer à fournir des justifications détaillées pour toute décision d'interdiction de manifestations sur leur territoire 
			(54) 
			<a href='https://www.conseil-etat.fr/actualites/manifestations-de-soutien-a-la-cause-palestinienne-il-revient-aux-prefets-d-apprecier-au-cas-par-cas-si-le-risque-de-troubles-a-l-ordre-public'>Communiqué
de presse</a>, Conseil d'État, Décision de justice, 18 octobre 2023..

6. Conclusions

78. Nous sommes confrontés à l’un des moments les plus difficiles de l’histoire israélienne et palestinienne. C’est un défi pour la région, c’est un défi pour la communauté internationale et c’est un défi pour l’Europe et nos sociétés.
79. L’horreur de la violence inhumaine et brutale des attaques terroristes du Hamas du 7 octobre 2023 est inexcusable, injustifiable et a choqué le monde. Les États membres du Conseil de l’Europe et l’Assemblée doivent être clairs dans leur condamnation de ces actes de terreur ignobles et dans leur demande de libération de tous les otages dès que possible.
80. Israël, en menant une guerre en réponse à ces attaques doit agir dans les limites du droit international humanitaire. Les vies des Palestinien·ne·s qui n’ont rien à voir avec les actions terroristes du Hamas ne devraient en aucun cas être des dommages collatéraux dans ce conflit.
81. Les risques de conflagration régionale restent élevés. Il est nécessaire de continuer à collaborer avec les partenaires régionaux et internationaux pour empêcher une nouvelle escalade.
82. La crise dramatique que traverse le Proche-Orient est une confirmation que la quête de la paix nécessite plutôt des initiatives opportunes, des médiations courageuses et une recherche inlassable de solutions. En fin de compte, la seule façon de garantir que cette crise ne se reproduise plus est de commencer à créer les conditions d’une paix et d’une sécurité durables. La diplomatie parlementaire pour la région devrait œuvrer dans ce sens. En Europe, et au sein de l’Assemblée, nous devons également continuer à promouvoir ce dialogue, guidés par le soutien aux aspirations tout aussi légitimes d’Israël à être reconnu et à vivre en sécurité, et de celles des Palestinien·ne·s à avoir un État indépendant et viable.