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Rapport | Doc. 15901 | 24 janvier 2024

La situation des enfants d’Ukraine

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Rapporteure : Mme Olena KHOMENKO, Ukraine, CE/AD

Origine - Renvoi en commission: renvoi 4784 du 22 janvier 2024. 2024 - Première partie de session

Résumé

Aucun enfant d’Ukraine n’a été épargné par la guerre. Les enfants ukrainiens, victimes particulièrement vulnérables, ne sauraient en aucune circonstance être utilisés comme des moyens de pression ou des trophées de guerre. Le rapport rappelle que tous les enfants d’Ukraine ont le droit de jouir des droits et libertés consacrés par les instruments internationaux des droits humains pertinents et que les droits et l’intérêt supérieur de l’enfant doivent prévaloir dans toute prise de décision les concernant.

Le rapport exprime une préoccupation particulière quant au sort des enfants déportés et transférés de force vers les territoires ukrainiens temporairement occupés, la Fédération de Russie et le Bélarus. A ce jour, la plateforme «Children of War» gérée par le Gouvernement ukrainien indique avoir recueilli des informations sur plus de 19 546 enfants qui ont été signalés comme ayant été déportés ou transférés de divers endroits, et dont 388 seulement sont rentrés chez eux.

Le rapport insiste sur la nécessité d’une coopération renforcée des différents acteurs et mécanismes existants de façon à agréger les efforts en vue du retour des enfants, et reposant sur une tierce intervention qui offre des garanties d’impartialité et d’efficacité. Il est essentiel d’avoir un accès à la Fédération de Russie, au Bélarus et aux territoires ukrainiens temporairement occupés, afin d’accélérer le processus d’identification, de localisation et de rapatriement des enfants ukrainiens déportés et transférés de force. L’Assemblée devrait s’engager à continuer son rôle de facilitateur, y compris en réfléchissant à la structure ou au(x) mécanisme(s) de l’Assemblée qui pourraient être utilisés pour soutenir les autorités ukrainiennes et les diverses acteurs et organisations internationales afin de déterminer les moyens les plus rapides pour identifier et permettre une recherche efficace des enfants, à l’aide d’éléments les plus complets possibles quant à leur identité et aux conditions de leur déportation ou de leur transfert forcé.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 23 janvier
2024.

(open)
1. Rappelant sa Résolution 2495 (2023) «Déportations et transferts forcés d’enfants et d’autres civils ukrainiens vers la Fédération de Russie ou les territoires ukrainiens temporairement occupés: créer les conditions de leur retour en toute sécurité, mettre fin à ces crimes et sanctionner leurs auteurs», l’Assemblée parlementaire réitère fermement sa condamnation de la guerre d’agression totale menée par la Fédération de Russie contre l’Ukraine et des violations massives des droits des enfants d’Ukraine, victimes particulièrement vulnérables de cette guerre. Les enfants ne sauraient en aucune circonstance être utilisés comme des moyens de pression ou des trophées de guerre.
2. Aucun enfant en Ukraine n’a été épargné par la guerre, et l’Assemblée rappelle que tous les enfants d’Ukraine ont le droit de jouir des droits et libertés ancrés consacrés par les instruments internationaux des droits humains pertinents et que les droits et l’intérêt supérieur de l’enfant doivent prévaloir dans toute prise de décision les concernant.
3. L’Assemblée exprime sa gratitude aux États membres du Conseil de l’Europe qui ont mis en place de bonnes conditions d’accueil pour les enfants ukrainiens, certains bénéficiant du système de protection temporaire accordée par les États membres de l’Union européenne.
4. L’Assemblée souligne qu’il est essentiel que ces enfants bénéficient d’une éducation et de soins de santé, y compris un soutien en matière de santé mentale, adaptés à leur situation particulière, et maintiennent les liens avec leur langue et leur culture, ce qui facilitera leur retour futur en Ukraine, en tenant compte de l’intérêt supérieur de l’enfant.
5. A cet égard, l’Assemblée soutient le Groupe Consultatif du Conseil de l’Europe sur les enfants d’Ukraine et se tient prête à coopérer pleinement aux activités de ce groupe.
6. L’Assemblée salue les efforts de l’Ukraine en vue de rapatrier les enfants déportés ou transférés de force, y compris la mise en œuvre du plan d’action “Bring Kids Back UA” et la création de la Coalition Internationale de pays pour le retour des enfants ukrainiens figurant dans la formule de paix du Président Zelensky.
7. L’Assemblée reconnaît l’engagement de l’Ukraine à protéger les enfants vulnérables, y compris en établissant le Centre de protection des droits des enfants, qui agit sous le contrôle du Commissaire aux droits humains du Parlement ukrainien et aborde les questions relatives au recueil d’éléments attestant des crimes contre les enfants soumis à un transfert forcé et à la déportation, évalue les besoins des enfants, les place en foyer familial si nécessaire, et entreprend d’autres mesures en vue de leur réintégration.
8. L’Assemblée est particulièrement préoccupée par le sort des enfants transférés de force et déportés vers les territoires ukrainiens temporairement occupés, la Fédération de Russie et le Bélarus. Ces pratiques constituent des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité voire, comme l’a noté l’Assemblée dans sa Résolution 2482 (2023) «Questions juridiques et violations des droits de l'homme liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine», un génocide éventuel dans la mesure où des actes tels que «notamment les meurtres et le transfert forcé d'enfants d'un groupe à un autre groupe à des fins de russification, au moyen de l’adoption par des familles russes et/ou du transfert vers des orphelinats sous gestion russe ou des structures d’accueil comme des camps d’été» pourraient relever de l'article II de la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide.
9. L’Assemblée déplore et condamne les déportations et transferts forcés d’enfants ukrainiens, pratiques fondamentalement contraires au droit international, notamment la Convention de Genève (IV)relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre et le Protocole additionnel relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux, dont sont signataires la Fédération de Russie et l’Ukraine.
10. A ce jour, la plateforme «Children of War» gérée par le Gouvernement ukrainien indique avoir recueilli des informations sur plus de 19 546 enfants qui ont été signalés comme ayant été déportés ou transférés de divers endroits, et dont 388 seulement sont rentrés chez eux.
11. L’Assemblée note que plus le temps passe, plus les chances de retrouver ces enfants s’amenuisent, pouvant même conduire à l’irrémédiabilité de leur situation. Elle souligne la particulière vulnérabilité des orphelins qui n’ont pas d’aide ou de représentation juridique. Les conséquences dramatiques sur la santé mentale et physique et le bien-être des enfants se cristallisent. La nationalité et le nom de ces enfants ont parfois été changés par les autorités russes. Certains ont été adoptés illégalement. Beaucoup ne sont pas localisables et n’ont aucun moyen de contact avec leur pays ou leur famille. Tous ont fait l’objet d’une ou l’autre forme d’endoctrinement, et une nouvelle culture et une nouvelle langue leur ont été imposées. Des enfants ont subi des agressions psychologiques et/ou physiques. Ces actes constituent autant de violations de leur droit de préserver leur identité, y compris leur nationalité, leur nom et leurs relations familiales, de s’exprimer librement, ainsi que de leur droit à une éducation et de jouir de leur propre culture tels que garantis par la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant.
12. Au vu de ces éléments et de l’urgence de mettre fin à ces crimes, l’Assemblée réitère son appel à la Fédération de Russie et au Bélarus à cesser immédiatement ces déportations illégales, détentions et transferts forcés d’enfants et à faciliter le retour des enfants dans les meilleurs délais et les meilleures conditions possibles.
13. L’Assemblée se félicite des discussions et conclusions qui ont émergé de la réunion que la commission ad hoc de son Bureau a tenu le 15 décembre 2023 à Paris qui portait sur le retour des enfants ukrainiens déplacés et transférés de force vers les territoires ukrainiens temporairement occupés, la Fédération de Russie et le Bélarus ainsi que sur la situation des enfants résidant temporairement sous la protection des États membre du Conseil de l’Europe et d’autres pays d’accueil.
14. En conséquence, l’Assemblée demande à nouveau à la Fédération de Russie et au Bélarus:
14.1. de cesser immédiatement et inconditionnellement ces pratiques de déportation et de transfert forcé vers les territoires ukrainiens temporairement occupés, la Fédération de Russie et le Bélarus, d’arrêter le transfert d’enfants ukrainiens en vue de l’adoption ou vers des familles d’accueil, de ne plus imposer la citoyenneté russe ni changer les noms, et de rétablir les liens de contact entre ces enfants et leurs parents ou tuteurs, ou en cas de disparition des parents ou tuteurs, les autorités ukrainiennes compétentes, afin de les rapatrier immédiatement dans leur pays d’origine ou de leur permettre de rejoindre un pays tiers sûr;
14.2. de fournir aux autorités ukrainiennes ou à une partie tiers (un État ou une organisation internationale) des informations complètes et fiables sur le nombre et la localisation des enfants ukrainiens dans cette situation, leurs noms et prénoms, leur origine et la destination de la déportation, de façon à garantir leur retour en Ukraine en toute sécurité;
14.3. d’assurer un accès sans entrave, immédiat et sécurisé aux enfants par les représentants des organes compétents des Nations Unies et d’autres organisations et mécanismes internationaux d’intervention humanitaire et de protection des droits humains, comme l’Unicef, le Haut-Commissariat aux Réfugiés, le Haut-Commissariat aux Droits de l’homme et d’autres agences compétentes des Nations Unies, et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).
15. L’Assemblée considère qu’assurer le retour des enfants déportés et transférés de force vers l’Ukraine, en particulier lorsque la réunification familiale est impossible, est conforme au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant.
16. L’Assemblée appelle les États membres, ainsi que les États observateurs et les États dont les parlements bénéficient du statut d’observateur ou de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée ainsi que l’ensemble de la communauté internationale de bonne volonté, et leurs services diplomatiques:
16.1. à adopter, dans leurs parlements nationaux, des déclarations et/ou résolutions condamnant les crimes de guerre contre les enfants et reconnaissant les déportations, les transferts forcés, et le retard injustifié pour le rapatriement des enfants ukrainiens, y compris des orphelins, des enfants privés de soins parentaux, et d’autres enfants non accompagnés sous le contrôle de la Fédération de Russie, comme crime de génocide, tout en soulignant la nécessité d’un retour rapide des enfants déportés et transférés de force vers l’Ukraine, conformément au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant;
16.2. à tout mettre en œuvre pour clarifier le sort de plusieurs milliers d’enfants disparus, à savoir les identifier, les localiser et les rapatrier en Ukraine, et pour les réunir avec leur famille et leurs tuteurs;
16.3. à soutenir l’Ukraine dans ses efforts visant à documenter et à établir la situation de chaque enfant, y compris l’identification des enfants orphelins ou handicapés, ou privés de soins parentaux, déportés ou transférés de force, et à établir une liste étayée, complète et utilisable des enfants disparus;
16.4. à travailler avec les forces de l’ordre d’Ukraine et à établir des mécanismes pour documenter les cas de déportation et transfert d’enfants ukrainiens;
16.5. à avoir recours aux instruments de compétence universelle pour enregistrer les faits de crimes commis, assurer la justice et créer les conditions pour prévenir la survenance de tels crimes dans le futur, et à employer différentes formes de coopération juridique internationale pour échanger les données sur les faits de transferts forcés et déportations d’enfants;
16.6. à informer les autorités compétentes d’Ukraine, via une autorité référente dûment désignée dans chaque pays, des cas de passages de la frontière par des citoyens de la Fédération de Russie qui ont illégalement adopté ou obtenu la tutelle sur un enfant ukrainien, en vue du retour de l’enfant en question sur le territoire de l’Ukraine;
16.7. à offrir un appui politique, logistique et financier à l’établissement d’un mécanisme juridique efficace, rapide et sûr d’identification, de localisation et de rapatriement des enfants, et à renforcer la coordination avec toutes les institutions nationales ukrainiennes concernées et le Commissaire aux droits humains du Parlement ukrainien;
16.8. à apporter un soutien global aux organisations gouvernementales et non gouvernementales ukrainiennes compétentes qui s’occupent de catégories d’enfants déplacés à l’intérieur de leur propre pays, de personnes ayant besoin de soins institutionnels, d’orphelins, d’enfants de soldats tombés au combat et d’anciens combattants, et de personnes physiquement et psychologiquement touchées par la guerre, en particulier dans leurs efforts pour assurer un accès complet à l’éducation et aux soins de santé, y compris la réadaptation physique et psychologique, et la réinsertion;
16.9. à imposer des sanctions contre la Fédération de Russie et le Bélarus et à les respecter davantage, ainsi qu’à inclure, dans les listes de sanctions, les personnes impliquées dans l’expulsion, le transfert forcé et le retard injustifiable dans le rapatriement d’enfants ukrainiens;
16.10. à évaluer, par l’intermédiaire de leurs autorités nationales compétentes, la participation de journalistes ou d’autres représentants des médias à des campagnes de propagande organisées par la Fédération de Russie ou le Bélarus concernant des enfants ukrainiens déportés et transférés de force par la Fédération de Russie, en vue d’appliquer les mesures appropriées dans de tels cas, par exemple en ce qui concerne le refus d’accréditation et d’accès à des manifestations publiques;
16.11. à favoriser un échange complet d’informations concernant les enfants ukrainiens placés en institution et assurer une coopération étroite à cet égard entre les autorités compétentes de l’Ukraine et les États membres.
17. L’Assemblée souligne la nécessité d’une coopération renforcée des différents mécanismes existants, y compris de la société civile, de façon à agréger les efforts en vue du retour des enfants, reposant notamment sur une tierce intervention qui peut offrir des garanties d’impartialité et d’efficacité. À cet égard, elle invite les différentes organisations, dont le mandat basé sur une position de neutralité permet d’avoir un accès à la Fédération de Russie, au Bélarus et aux territoires occupés de l’Ukraine, à contribuer au processus d’identification, de localisation et de rapatriement des enfants ukrainiens déportés et transférés de force et à travailler de manière étroite avec l’Ukraine et tous les États qui pourraient faciliter le retour des enfants.
18. A cet égard, l’Assemblée s’engage à continuer son rôle de facilitateur, y compris en réfléchissant à la structure ou au(x) mécanisme(s) de l’Assemblée qui pourraient être utilisés pour soutenir les autorités ukrainiennes et les diverses organisations internationales tel que le CICR, afin de déterminer les moyens les plus rapides pour identifier et permettre une recherche efficace des enfants, à l’aide d’éléments les plus complets possibles quant à leur identité et aux conditions de leur déportation ou de leur transfert forcé par la Fédération de Russie.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet de recommandation
adopté à l’unanimité par la commission le 23 janvier 2024.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire se réfère à sa Résolution … (2024) «Situation des enfants d’Ukraine». Elle salue la mise en place du Groupe consultatif du Conseil de l’Europe sur les enfants d’Ukraine dont le mandat couvre les mineurs non accompagnés et séparés arrivant dans les États membres du Conseil de l’Europe, les enfants évacués d’une structure d’accueil et accompagnés par des adultes et les enfants accompagnés par un parent ou une personne s’en occupant.
2. L’Assemblée recommande au Comité des Ministres de créer un mandat de Rapporteur Spécial sur la situation et le retour des enfants ukrainiens déportés et transférés de force par la Fédération de Russie et le Bélarus. La mission du Rapporteur devrait inclure des propositions afin de mener à bien le retour de tous les enfants d’Ukraine, en considérant leur intérêt supérieur, en particulier les orphelins et les enfants privés de soins parentaux, y compris les fratries, et tous les enfants non accompagnés qui se retrouvent sous le contrôle de la Fédération de Russie.
3. L’Assemblée recommande au Comité des Ministres de créer et d’assurer le fonctionnement d’un registre conjoint des personnes qui ont été incluses dans les listes de sanctions des États membres du Conseil de l’Europe, ainsi que dans les listes de sanctions de l’Union européenne, en raison de leur participation à la déportation, au transfert forcé, au retard injustifiable dans le rapatriement d’enfants ukrainiens ainsi qu’à l’adoption illégale ou à l’établissement d’une tutelle sur des enfants ukrainiens. Un tel registre aurait pour but d’harmoniser la politique de sanctions, de contrôler et d’améliorer l’efficacité des mesures restrictives imposées.
4. L’Assemblée recommande au Comité des Ministres de prendre dûment en considération les besoins éducatifs, médicaux et sociaux spécifiques des enfants ukrainiens. Elle reconnaît l’engagement de l’Ukraine à passer d’un système fondé sur la prise en charge institutionnelle à un système qui vise à garantir le droit de chaque enfant d’être élevé dans un environnement familial. Elle recommande que, lors de la mise en œuvre de son Cadre Stratégique, les États membres du Conseil de l’Europe qui sont parties à l’Accord partiel sur la Banque de développement du Conseil de l’Europe (CEB) envisagent la mise en place d’un programme conjoint global entre l’Ukraine et la CEB, destiné à répondre aux besoins individuels des enfants ukrainiens en ce qui concerne leur réadaptation, la réunification familiale ou leur placement dans un foyer familial, et leur réintégration dans leur pays d’origine, mis en œuvre par les autorités ukrainiennes compétentes conformément aux normes internationales pertinentes.

C. Exposé des motifs par Mme Olena Khomenko, rapporteure

(open)

1. La situation actuelle des enfants déportés: développements depuis avril 2023

1. Je me réfère aux faits décrits dans le rapport de M. Paolo Pisco (Portugal, SOC) sur «Déportations et transferts forcés d’enfants et d’autres civils ukrainiens vers la Fédération de Russie ou les territoires ukrainiens temporairement occupés: créer les conditions de leur retour en toute sécurité, mettre fin à ces crimes et sanctionner leurs auteurs» qui a été débattu lors de la partie de session d’avril 2023 de l’Assemblée parlementaire et qui a conduit à l’adoption de la Résolution 2495 (2023) et de la Recommandation 2253 (2023).
2. Les développements depuis avril 2023 ne font malheureusement que confirmer le constat fait dans ce rapport: des enfants ont été déportés et transférés de force vers la Fédération de Russie ou les territoires ukrainiens temporairement occupés par la Fédération de Russie, pratiques relevant du crime de guerre, du crime contre l’humanité et du génocide 
			(3) 
			Voir
la <a href='https://www.child-identity.org/fr/voix-chip-in/experts-chip-fr/1201-video-effacement-didentite-lors-de-deportations-denfants-dukraine-a-la-russie.html'>vidéo</a> produite par l’ONG Child Identity Protection (CHIP)
intitulée «Effacement d’identité par le biais de déportations forcés
d’enfants d’Ukraine vers la Russie» contenant l’avis de M. Raul
Pangalangan, ancien juge de la Cour pénale internationale, 6 décembre
2023.. Des informations supplémentaires indiquent que des enfants ont également été déportés vers le Bélarus ou avec l’aide des autorités bélarussiennes. Un rapport du Laboratoire de recherche de l’École en Santé Publique de Yale du 16 novembre 2023 montre la collaboration du Bélarus avec la Fédération de Russie quant au déplacement et à l’endoctrinement de milliers d’enfants ukrainiens, y compris sur le territoire Bélarussien. En outre, ce rapport démontre l’implication centrale de personnes issues du monde politique, des services de sécurité, de la société civile et des affaires dans la déportation systématique et la rééducation de milliers d’enfants d’Ukraine.
3. Si le nombre d’enfants concernés reste imprécis, selon la plateforme «Children of War» gérée par le Gouvernement ukrainien, plus de 19546 enfants sont classés comme «déportés», dont 388 seulement sont rentrés chez eux (selon le Bureau national d’information d’Ukraine).
4. Il existe plusieurs problèmes majeurs dans le processus de retour des enfants:
  • Le temps, étant donné que chaque nouveau jour éloigne les enfants de la possibilité de rentrer dans la mesure où les autorités russes modifient l’identité des enfants ukrainiens;
  • Le côté russe ne cesse de demander des documents supplémentaires, difficiles à produire pour les parents ou tuteurs qui veulent chercher les enfants;
  • Le retour des orphelins qui n’ont pas de famille en Ukraine est particulièrement difficile. Dans la mesure où les enfants sont sous la protection de l’État ukrainien, le concept de réunification familiale ne doit pas être érigé en principe unique; le droit à une identité garanti par la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant doit alors prévaloir;
  • Le processus de retour peut aussi être entravé par le déplacement de l’endroit où se trouve l’enfant, par les modifications de son statut ou de ses données personnelles;
  • Les enfants et leurs parents peuvent ne pas avoir d’endroit où retourner vivre, leur logement pouvant être sous occupation ou détruit;
  • Les enfants qui vivent dans les territoires occupés ou qui ont déportés vers la Fédération de Russie ou le Bélarus ont manqué d’importantes phases de leur scolarité qu’il faut combler avec un soutien important (tuteurs, inscription dans des établissements scolaires, etc);
  • La réinsertion et l’assistance psychologique sont essentiels sur le long terme.
5. Dans la Déclaration de Reykjavík adoptée lors du 4e Sommet (16-17 mai 2023), les chefs d’État et de gouvernement appellent «la Fédération de Russie à libérer immédiatement tous les civils transférés de force ou illégalement déportés vers le territoire de la Fédération de Russie ou vers des zones temporairement contrôlées ou occupées par la Fédération de Russie, en particulier les enfants, et [demandent] au Conseil de l’Europe de prendre des mesures concernant la situation des enfants d’Ukraine, comme indiqué à l’annexe II» qui renvoie à la Déclaration sur la situation des enfants d’Ukraine: les États membres appellent à soutenir les autorités ukrainiennes pour assurer le retour immédiat des enfants transférés de force et déportés par les forces russes. Tous les auteurs de tels actes criminels commis à l’encontre d’enfants devront être traduits en justice. Il convient également de fournir une assistance aux États membres qui accueillent temporairement des enfants ukrainiens.
6. J’ai moi-même participé à la première réunion de la Coalition internationale pour le retour des enfants ukrainiens le 8 décembre 2023 en tant que vice-présidente de l’Assemblée représentant son Président. Selon M. Dmytro Lubinets, Commissaire aux droits humains du Parlement ukrainien, cette Coalition a été créée à son initiative et celle du Gouvernement canadien lors de discussions à Malte sur la mise en œuvre de la formule de paix du Président ukrainien Zelensky. Elle tend à déterminer des étapes pratiques pour soutenir l’Ukraine dans sa mission de ramener les enfants déportés et transférés de force. Elle a aussi pour but d’engager les pays de la Coalition à mettre en œuvre des projets spécifiques et à assurer le rapatriement sûr, la réinsertion et la réintégration des enfants concernés 
			(4) 
			Voir l’information
sur le site internet BringKidsbackUA: <a href='https://www.bringkidsback.org.ua/media/kyiv-hosts-the-inaugural-meeting-of-the-international-coalition-of-countries-for-the-return-of-ukrainian-children'>Kyiv
hosts the inaugural meeting of the International Coalition of Countries
for the Return of Ukrainian Children</a>.. La Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a également participé à cette réunion, soulignant le risque considérable pris par les personnes qui tentent de faire revenir les enfants et l’urgence à remédier à cette situation 
			(5) 
			Voir le <a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/let-us-keep-doing-our-utmost-to-bring-all-ukrainian-children-back-home'>discours
de la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe</a>, 8 décembre 2023..
7. Aujourd’hui, il est nécessaire de définir des mesures concrètes pour les pays de la Coalition soutenant l’Ukraine dans ses efforts pour ramener les enfants déportés et transférés de force, et d’impliquer ces pays afin qu’ils participent à des projets spécifiques pour garantir le rapatriement sûr, la réinsertion et la réintégration des enfants concernés.

2. L’engagement de l’Assemblée parlementaire pour le retour des enfants ukrainiens déportés ou transférés de force

8. L’Assemblée a soutenu l’Ukraine dès le début de la guerre d’agression de la Fédération de Russie. Elle continue à traiter en priorité la situation des enfants d’Ukraine. Dans ses Résolutions 2482 (2023) «Questions juridiques et violations des droits de l'homme liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine» et 2495 (2023) «Déportations et transferts forcés d’enfants et d’autres civils ukrainiens vers la Fédération de Russie ou les territoires ukrainiens temporairement occupés: créer les conditions de leur retour en toute sécurité, mettre fin à ces crimes et sanctionner leurs auteurs», l’Assemblée a mis l’accent sur la politique systématique de la Fédération de Russie de déportation et de transfert forcés de civils, notamment des enfants, et l’a fermement dénoncée. Dans le cadre du suivi de ces résolutions, elle a constitué une commission ad hoc du Bureau le 15 décembre 2023 pour discuter de la situation des enfants ukrainiens et en particulier traiter de la question des enfants déportés et transférés de force 
			(6) 
			Voir le <a href='https://rm.coe.int/projet-de-programme-reunion-sur-les-enfants-d-ukraine-15-decembre-2023/1680ad7be9'>projet
de programme</a>.. Les discussions 
			(7) 
			Voir le lien vers la <a href='https://pace.coe.int/fr/news/9324/-nous-avons-le-devoir-de-deployer-tous-les-efforts-possibles-pour-faciliter-le-retour-des-enfants-ukrainiens-deportes-et-transferes-de-force-a-declare-le-president-de-l-apce'>news</a> avec les enregistrements du matin et de l’après-midi
de la réunion de la commission ad hoc du Bureau
de l’Assemblée le 15 décembre 2023 à Paris. ont été particulièrement instructives et conclusives, et un échange fructueux a eu lieu lors de la session à huis clos avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).
9. Je remercie l’Assemblée de son engagement aux côtés de l’Ukraine pour aborder ce sujet sensible pour tous les Ukrainiens et toute la communauté internationale. Je souhaite qu’au-delà de ce débat d’urgence, l’Assemblée continue son rôle de facilitateur visant une solution spécifique et efficace permettant le retour des enfants déportés et transférés de force. Je propose en conséquence de réfléchir à la structure et à des mécanismes adaptés de l’Assemblée pour soutenir les efforts de l’Ukraine en vue de rapatrier ses enfants.

3. Une coopération renforcée entre tous les acteurs œuvrant ensemble en vue de faciliter le retour des enfants

10. Je suis bien consciente que chaque tentative individuelle de retour des enfants ukrainiens constitue un danger considérable que doivent affronter les individus ou les organisations concernés, comme cela a été indiqué par les représentants des organisations non gouvernementales et de la société civile ainsi que les journalistes qui ont participé à la réunion de la commission ad hoc du 15 décembre 2023 mais aussi par la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe lors de sa participation à la Coalition 
			(8) 
			Voir
aussi le rapport de <a href='https://hrwf.eu/ukraine-russia-a-teenager-deported-from-mariupol-to-russia-back-home-testifies/'>Human
Rights Without Frontiers (HRWF) intitulé «Ukrainian children in
search of a way home from Russia»</a>, 15 décembre 2023, soumis au Comité des Nations Unies
pour les droits de l’enfant.. Ces actions sont souvent entravées par le contexte hostile et extrêmement difficile et les subterfuges dont use la Fédération de Russie dans la mise en œuvre de ces pratiques. De telles actions, telles qu’un retard injustifiable dans le rapatriement des enfants ukrainiens, pourraient à elles seules être constitutives de crime de guerre.
11. Je me joins aux autorités et ONG qui demandent un soutien accru de la part de la communauté internationale en vue du retour des enfants.
12. Je considère qu’il est essentiel de renforcer et d’améliorer les conditions de coopération avec les agences pertinentes des Nations Unies ainsi que d’autres organisations internationales d’intervention humanitaire et de protection des droits humains, telles que l’Unicef, le Haut-Commissariat aux réfugiés, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme et le CICR. Je souligne qu’une confiance renforcée et une communication fluide entre les autorités ukrainiennes, la population et de telles organisations répondra à l’objectif primordial qui est d’identifier les enfants, de les contacter, et in fine de maximiser les chances de leur retour.
13. De nombreux exemples révèlent que le Qatar a pu jouer un rôle important de médiateur dans des négociations avec les autorités russes et ukrainiennes qui ont abouti au retour des enfants. Par exemple, en octobre 2023, le retour réussi de quatre enfants a été négocié avec son assistance. L’Ukraine est ouverte à de telles initiatives de médiation de la part de la communauté internationale. En même temps, il est de l’intérêt supérieur des enfants ukrainiens de renforcer la coopération politique au moyen d’accords juridiques contraignants qui définiront les obligations précises des parties en ce qui concerne le retour, la réinsertion et la réintégration des enfants. Il semble en outre pertinent que les organisations internationales humanitaires, dans le cadre de leur mandat respectif, mettent leur expertise à disposition de toutes les entités, pays ou organisations qui jouent un rôle dans le retour des enfants.
14. Pour cette raison, j’insiste sur l’importance de renforcer le dialogue avec les agences pertinentes des Nations Unies et les autres organisations internationales d’intervention humanitaire et de protection des droits humains afin de bâtir la coopération la plus efficace possible avec les autorités ukrainiennes et tout autre acteur engagé dans le processus de retour des enfants, en vue notamment d’établir une liste fiable et opérationnelle des enfants disparus.

4. Conclusions

15. En tant que rapporteure je souhaite mettre l’accent sur la possibilité pour l’Assemblée de continuer à fournir toute son expérience de diplomatie parlementaire, au service des enfants ukrainiens. Je propose donc que l’Assemblée facilite les conditions de coopération entre les autorités ukrainiennes et les différentes parties prenantes à la mise en place d’un mécanisme juridique efficace ayant pour objectif le retour dans les meilleurs délais et aux meilleures conditions de sécurité des enfants ukrainiens.
16. Je propose également que le Comité des Ministres crée une fonction de Rapporteur Spécial sur la situation et le retour des enfants ukrainiens déportés et transférés de force par la Fédération de Russie et le Bélarus.