Imprimer
Autres documents liés

Rapport | Doc. 15993 | 31 mai 2024

Protéger les défenseuses des droits humains en Europe

Commission sur l'égalité et la non-discrimination

Rapporteure : Mme Petra BAYR, Autriche, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 15642, Renvoi 4701 du 23 janvier 2023. 2024 - Troisième partie de session

Résumé

Les défenseuses des droits humains sont en première ligne dans le combat pour les droits humains et l’égalité des genres. Il s’agit d’individus ou de groupes qui agissent, de manière pacifique et légale, pour promouvoir et protéger les droits humains. Ce sont des militantes, des membres d'organisations non gouvernementales, des professionnelles de santé, des actrices du secteur privé, des chercheuses, des avocates, des étudiantes, des enseignantes, des artistes, des syndicalistes, des blogueuses, des fonctionnaires ou des journalistes. Elles jouent un rôle essentiel qui devrait être largement reconnu.

Dans un contexte général de recul des droits des femmes, elles sont confrontées à de multiples défis. Les défenseuses des droits humains, dans toute leur diversité, sont exposées à une violence spécifique au genre, en ligne et hors ligne, y compris l’humiliation publique, la divulgation de données personnelles (doxing, en anglais) et les insultes sexuelles. Elles sont souvent victimes de formes croisées de discriminations. L'objectif du harcèlement et des violences à l’encontre des défenseuses des droits humains est de saper leur crédibilité et de les décourager de poursuivre leurs actions.

L’Assemblée parlementaire devrait exprimer un soutien fort aux défenseuses des droits humains, appeler les États membres du Conseil de l’Europe à abroger les lois et à mettre fin aux politiques et aux pratiques qui affectent les défenseuses des droits humains et qui restreignent indûment leurs activités, et à mettre fin à l’impunité des auteurs de toute forme de violence à leur encontre.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 16 avril
2024.

(open)
1. Les défenseuses des droits humains, dans toute leur diversité, jouent un rôle essentiel dans la promotion et la protection des droits humains, y compris les droits des femmes et des personnes LGBTI, et dans la promotion de l'égalité des genres. Il s’agit d’individus ou de groupes qui agissent, de manière pacifique et légale, pour promouvoir et protéger les droits humains. Ce sont des militantes, des membres d'organisations non gouvernementales, des professionnelles de santé, des actrices du secteur privé, des chercheuses, des avocates, des étudiantes, des enseignantes, des artistes, des syndicalistes, des blogueuses, des fonctionnaires ou des journalistes. Elles sont une source d'inspiration pour le changement sociétal.
2. Dans un contexte de rétrécissement de l’espace civique, les défenseuses des droits humains manquent souvent de reconnaissance, et leur contribution est minimisée, une situation qui n’est pas facilitée par l’extrême diversité de leurs statuts et domaines d’activité. L'Assemblée parlementaire reconnaît l’importance de leur travail, y compris celui des jeunes défenseuses des droits humains, et demande qu'elles soient davantage soutenues.
3. Les défenseuses des droits humains sont confrontées à de multiples défis et risques; elles sont souvent menacées et attaquées pour ce qu’elles font, pour les idées qu’elles défendent, pour ce qu’elles sont et pour la perception qu’on a d’elles. Elles reçoivent notamment des menaces spécifiques contre leur personne, à la fois en ligne et hors ligne, qui visent à les réduire au silence. En particulier, des campagnes de haine ciblées sont organisées en ligne contre des militantes qui dénoncent les cultures et les systèmes patriarcaux. Les défenseuses des droits humains sont souvent victimes de formes croisées de discriminations. Les défenseuses transgenres des droits humains et les défenseuses ayant un handicap ou issues de minorités sont particulièrement à risque. L’Assemblée condamne fermement les attaques perpétrées contre les défenseuses des droits humains, dans toute leur diversité, et appelle à la fin de l’impunité pour leurs auteurs.
4. La montée du populisme et de la misogynie a un effet négatif sur le travail des défenseuses des droits humains en Europe. Les mouvements anti-genre les considèrent comme une menace parce qu’elles remettent en cause la «vision traditionnelle» des femmes dans la société. Compte tenu de ces défis et de ces obstacles, il est essentiel de lutter contre la désinformation concernant les droits des femmes et les défenseuses des droits humains et d’assurer leur sécurité numérique. L'Assemblée rappelle qu'il incombe aux États de créer un environnement favorable aux défenseuses des droits humains et d’assurer leur protection conformément aux engagements qu’ils ont pris en vertu des traités internationaux.
5. L’Assemblée rappelle la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l'homme de 1999 et les Lignes directrices de l'Union européenne sur les défenseurs des droits de l’homme de 2008 et souligne l'importance de leur mise en œuvre. Elle rappelle également la Déclaration du Comité des Ministres du 6 février 2008 sur l'action du Conseil de l’Europe pour améliorer la protection des défenseurs des droits de l'homme et promouvoir leurs activités et sa Recommandation CM/Rec(2018)11 aux États membres sur la nécessité de renforcer la protection et la promotion de l’espace dévolu à la société civile en Europe.
6. L'Assemblée réaffirme son soutien à l’ensemble des défenseurs et défenseuses des droits humains et rappelle sa Résolution 2095 (2016) et sa Recommandation 2085 (2016) «Renforcer la protection et le rôle des défenseurs des droits de l'homme dans les États membres du Conseil de l'Europe», sa Résolution 2225 (2018) «Assurer la protection des défenseurs des droits de l’homme dans les États membres du Conseil de l'Europe» et sa Résolution 2439 (2022) «Accès à l’avortement en Europe: faire cesser le harcèlement anti-choix». Elle réaffirme son soutien au mandat du Rapporteur général de l'Assemblée sur la situation des défenseurs des droits de l'homme et des lanceurs d’alerte. L'Assemblée constitue une plateforme internationale pour les défenseurs et défenseuses des droits humains. Le prix Vigdís de l'empouvoirement des femmes, nouvellement créé par l'Assemblée et lancé en mai 2023, offrira une nouvelle occasion de sensibiliser au travail des défenseuses des droits humains afin d’autonomiser les femmes dans leurs pays et domaines d'activité.
7. A la lumière de ces considérations, l’Assemblée invite les États membres du Conseil de l'Europe:
7.1. à signer, à ratifier et à mettre en œuvre la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210, «Convention d'Istanbul»);
7.2. à mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l'homme;
7.3. à assurer la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme concernant la situation de tous les défenseurs et défenseuses des droits humains;
7.4. à abroger les lois et à mettre fin aux politiques et aux pratiques qui affectent les défenseuses des droits humains, dans toute leur diversité, et qui restreignent indûment leurs activités;
7.5. à réviser les codes pénaux afin d'inclure la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, l'identité et l'expression de genre et les caractéristiques sexuelles, en tenant compte de la dimension intersectionnelle, si tel n'est pas encore le cas;
7.6. à enquêter et à poursuivre les auteurs – dont les membres des forces de police – d'attaques et de menaces contre les défenseuses des droits humains, en ligne et hors ligne, y compris la publication d'informations privées dans une intention malveillante (doxing, en anglais) et les attaques spécifiquement fondées sur le genre; et à collecter des données ventilées par genre sur ces attaques;
7.7. à veiller à ce que les procédures pénales liées aux crimes fondés sur le genre soient adaptées aux victimes et respectent leurs droits;
7.8. à protéger les défenseuses des droits humains contre les actes d'intimidation et de harcèlement judiciaire et administratif;
7.9. à favoriser la confiance de la société civile dans les institutions publiques, à condamner les campagnes de diffamation à l'encontre des défenseuses des droits humains et à lutter contre la distorsion et la désinformation sur leur travail;
7.10. à reconnaître publiquement le rôle et la contribution des défenseuses des droits humains, dans toute leur diversité, et à garantir leur protection en assurant un environnement sûr et propice à la réalisation de leurs activités;
7.11. à fournir un financement prévisible pour le travail des défenseuses des droits humains, à garantir la transparence dans l'allocation des fonds et à leur permettre d'accéder à des fonds provenant de sources internationales ou privées;
7.12. à soutenir la participation des défenseuses des droits humains aux processus législatifs, politiques et à la prise de décision sur les questions qui les concernent à un stade précoce des processus, et lorsqu’il s’agit de l’évaluation et des adaptations possibles des politiques et des programmes;
7.13. à introduire, si ce n’est pas encore le cas, l’évaluation de l’impact des projets de lois sur l’égalité des genres et la lutte contre la discrimination;
7.14. à veiller à ce que les plans d’action nationaux en matière de droits humains comprennent des dispositions spécifiques sur les défenseuses des droits humains;
7.15. à soutenir les programmes visant à assurer la sécurité des défenseuses des droits humains en danger, y compris les mécanismes d’alerte précoce, à prévoir un financement souple de leurs activités et à faciliter l'octroi de visas aux défenseuses des droits humains en danger;
7.16. à sensibiliser et à former le personnel diplomatique et consulaire à la protection des défenseurs et défenseuses des droits humains;
7.17. à reconnaître l’effet que les attaques et les menaces peuvent avoir sur la santé mentale des défenseurs et défenseuses des droits humains et à soutenir les programmes de rétablissement;
7.18. à former les fonctionnaires de police, les procureurs et les juges sur l’égalité de genre et au rôle, au travail et à la légitimité des défenseuses des droits humains;
7.19. à lancer des campagnes de sensibilisation sur le rôle et la contribution des défenseuses des droits humains.
8. L’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe à renforcer les organismes de promotion de l’égalité en tant qu’alliés importants des défenseuses des droits humains en garantissant des normes élevées et un financement suffisant.
9. L’Assemblée invite les États membres du Conseil de l'Europe qui sont parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale à envisager de proposer un amendement au Statut afin d’y inclure le crime «d’apartheid de genre», que constitue l’institutionnalisation de la discrimination fondée sur le genre et l'exclusion des femmes et des filles de toutes les sphères de la société.
10. L’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe qui sont membres de l’Union européenne à soutenir l’inclusion de la santé et des droits sexuels et reproductifs dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
11. Notant que les défenseuses des droits humains œuvrant en faveur de la protection de la santé et des droits sexuels et reproductifs ont été confrontées à de nombreux défis et menaces au cours des dernières années, l'Assemblée appelle les États membres du Conseil de l'Europe à respecter et à garantir l'autonomie et la capacité de décision des femmes lorsqu’il s'agit de santé et de droits reproductifs et, si nécessaire, de fournir des lignes directrices claires aux médecins, aux pharmacien·nes et aux patient·es à cet égard, ainsi que de fournir une éducation à la sexualité complète et inclusive adaptée à l'âge.
12. Considérant que les défenseuses des droits humains luttent souvent pour protéger les droits humains et les droits environnementaux violés par des entreprises privées, l’Assemblée invite les États membres du Conseil de l’Europe à soutenir l’élaboration d’un traité contraignant des Nations Unies sur les entreprises et les droits humains afin de responsabiliser les acteurs du secteur privé.
13. Des politiques étrangères, de développement et de paix féministes inclusives peuvent fournir un cadre favorable au soutien des défenseuses des droits humains. L'Assemblée invite donc les États membres du Conseil de l'Europe à envisager d’adopter de telles politiques.
14. Considérant que la culture peut être un instrument de changement, l’Assemblée invite ses États membres à allouer des financements dédiés aux femmes artistes, dans toute leur diversité, œuvrant à la promotion des droits humains, des droits des femmes et des droits des personnes LGBTI.
15. L'Assemblée encourage les parlements nationaux à manifester leur soutien aux défenseuses des droits humains par des actions concrètes telles que l’adoption de nouvelles politiques, y compris sur l'égalité de traitement, la lutte contre la discrimination, la santé et les droits sexuels et reproductifs, l'orientation sexuelle, l'expression et l'identité de genre et les caractéristiques sexuelles, l'empouvoirement des femmes et la violence fondée sur le genre, et l’organisation d'événements parlementaires avec leur participation afin d’établir et de maintenir le dialogue.

B. Exposé des motifs par Mme Petra Bayr, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. Les défenseuses des droits humains et les personnes qui défendent les droits des femmes 
			(2) 
			J’emploierai l’expression
«défenseuses des droits humains» dans les deux cas dans l’exposé
des motifs. sont en première ligne dans le combat pour les droits humains et l’égalité des genres. En outre, elles sont souvent à l’origine de changements sociétaux. Elles jouent un rôle essentiel qui devrait être largement reconnu.
2. Selon la définition du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), les défenseuses des droits humains et les défenseurs des droits des femmes sont «toutes les femmes et les filles qui travaillent sur une question relevant des droits de l’homme, et [l]es personnes de tous les genres qui œuvrent à la promotion des droits des femmes et des droits liés à l’égalité des genres» 
			(3) 
			<a href='https://www.ohchr.org/fr/women/women-human-rights-defenders'>Défenseuses
des droits humains, HCDH.</a>. Il peut s’agir de militant·es, de membres d’organisations non gouvernementales, de professionnel·les de la santé, d’actrices et d’acteurs du secteur privé, de chercheurs et de chercheuses, d’avocat·es ou de journalistes 
			(4) 
			<a href='https://digitallibrary.un.org/record/1663970/files/A_HRC_40_60-FR.pdf?ln=fr'>«Situation
des défenseuses des droits de la personne</a>», rapport du Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs
des droits de l’homme, 40e session du
Conseil des droits de l’homme, janvier 2019..
3. L’Assemblée parlementaire travaille depuis de nombreuses années sur la protection des défenseurs et des défenseuses des droits humains en Europe, mais elle n’a jamais consacré de rapport aux problèmes spécifiques auxquels sont confrontées les défenseuses des droits humains et les personnes défendant les droits des femmes. Egidijus Vareikis (Lituanie, PPE/DC), rapporteur de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, a souligné, dans son rapport de 2018 intitulé «Assurer la protection des défenseurs des droits de l’homme dans les États membres du Conseil de l’Europe», qu’«[u]ne attention spéciale devrait être accordée aux militantes de la défense des droits de l’homme, qui sont souvent agressées en raison de leur travail sur des thèmes culturellement sensibles remettant en question les coutumes traditionnelles» 
			(5) 
			Voir Doc. 14567 et Résolution
2225 (2018) «Assurer la protection des défenseurs des droits de
l’homme dans les États membres du Conseil de l’Europe».. Dans sa Résolution 2439 (2022) «Accès à l’avortement en Europe: faire cesser le harcèlement anti-choix», l’Assemblée a renouvelé «son soutien constant aux défenseurs et défenseuses des droits humains des femmes, dans les États membres du Conseil de l’Europe et au-delà, et [s’est engagée] à les protéger contre les pressions injustifiées, les intimidations et les violences».
4. Dunja Mijatović, ancienne Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, soulignait en mars 2023 que «[d]es défis sans précédent rendent le travail des défenseurs des droits humains encore plus crucial pour la préservation du tissu démocratique de nos sociétés. La solidarité avec et entre les défenseurs des droits humains est plus que jamais essentielle» 
			(6) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/la-commissaire-appelle-les-%C3%89tats-%C3%A0-soutenir-et-%C3%A0-prot%C3%A9ger-les-d%C3%A9fenseurs-des-droits-humains-dans-le-contexte-des-crises-multiples-qui-touchent-l-europe'>«La
Commissaire appelle les États à soutenir et à protéger les défenseurs
des droits humains dans le contexte des crises multiples qui touchent
l’Europe</a>», Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe,
24 mars 2023. Voir également le <a href='https://rm.coe.int/report-on-the-round-table-human-rights-defenders-in-the-council-of-eur/1680aaa813'>rapport
sur la table ronde «Les défenseurs des droits humains de l’espace
du Conseil de l’Europe en temps de crise»</a> (en anglais)..
5. Dans sa Recommandation CM/Rec(2018)11 aux États membres sur la nécessité de renforcer la protection et la promotion de l'espace dévolu à la société civile en Europe, le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe s’est dit vivement préoccupé «face au nombre considérable et croissant d’allégations et de signalements de menaces de nature sérieuse, de risques et de dangers auxquels sont confrontés les défenseurs des droits de l’homme, y compris les femmes défenseures des droits de l'homme, en ligne et hors ligne, et à la prévalence de l'impunité concernant des violations et des abus à leur encontre» et il a invité les États membres à «garantir aux femmes défenseures des droits de l'homme l’accès à un soutien, à des ressources et à une protection spécifiques, y compris contre les violences fondées sur le genre, et garantir un environnement dans lequel elles peuvent travailler sans violence et sans discrimination» 
			(7) 
			<a href='https://rm.coe.int/recommendation-cmrec-2018-11-civic-space/168097e937'>Recommandation
CM/Rec(2018)11 du Comité des Ministres aux États membres sur la
nécessité de renforcer la protection et la promotion de l’espace
dévolu à la société civile </a>(adoptée le 28 septembre 2018 par le Comité des Ministres
à sa 1330e réunion des Délégués des Ministres)..
6. Dans un contexte général d’atteintes aux droits humains et de recul des droits des femmes, les défenseuses des droits humains, dans toute leur diversité, sont confrontées à de multiples défis et à des menaces spécifiques, physiquement et en ligne. Dans une déclaration commune à l’occasion de la Journée internationale des défenseuses des droits humains en 2018, plusieurs rapporteurs spéciaux des Nations Unies ont souligné que les défenseuses des droits humains font face à des obstacles supplémentaires liés à la discrimination économique et structurelle et à des défis particuliers résultant d’une discrimination profondément enracinée à l’égard des femmes et de stéréotypes liés au genre et à la sexualité, ancrés dans les sociétés patriarcales 
			(8) 
			<a href='https://www.ohchr.org/en/press-releases/2018/11/women-human-rights-defenders-must-be-protected-say-un-experts'>«Women
human rights defenders must be protected</a>, say UN experts» (les défenseuses des droits humains
doivent être protégées, d’après les experts de l’ONU), 28 novembre
2018.. La garantie de la sécurité de ces défenseuses devrait être une priorité.
7. Les défenseuses des droits humains sont «régulièrement réduites au silence et exclues des espaces d’élaboration des politiques» 
			(9) 
			«<a href='https://www.unwomen.org/fr/nouvelles/declaration/2022/11/declaration-nous-devons-de-toute-urgence-defendre-les-droits-et-la-vie-des-defenseuses-des-droits-humains'>Nous
devons de toute urgence défendre les droits et la vie des défenseuses
des droits humains</a>», Déclaration d’ONU Femmes à l’occasion de la Journée
internationale des défenseuses des droits humains, 29 novembre 2022.. Les atteintes portées aux droits des femmes sont en général les premières atteintes aux droits humains et aux structures démocratiques. Leur but est de saper le travail des défenseuses des droits humains et, en fin de compte, de les réduire au silence et d’envoyer à d’autres militantes potentielles le message suivant: «Ne vous avisez pas de faire ça! Regardez ce qui va vous arriver!». Leurs familles sont également fréquemment menacées.
8. Des manifestations menées par les femmes en Iran aux protestations contre la suspension de l’accès des filles à l’éducation en Afghanistan, en passant par la lutte contre la destruction de l’environnement en Amérique du Sud, l’action des défenseuses des droits humains est mondiale. En Europe également, ces défenseuses ont été menacées ces dernières années, alors qu’elles travaillaient sur l’accès à la santé et aux droits sexuels et reproductifs, sur la lutte contre la violence fondée sur le genre, sur la lutte contre la discrimination au motif de l’identité de genre et de l’orientation sexuelle et sur la protection des droits des migrant·es et des demandeurs et demandeuses d’asile 
			(10) 
			<a href='https://rm.coe.int/follow-up-report-on-the-2017-ip-on-srhr-sexual-and-reproductice-health/1680aea9b4'>«Sexual
and reproductive health and rights in Europe: progress and challenges</a>», Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe,
2024, et <a href='https://www.coe.int/en/web/commissioner/-/human-rights-of-lgbti-people-in-europe-current-threats-to-equal-rights-challenges-faced-by-defenders-and-the-way-forward'>«Human
rights of LGBTI people in Europe: current threats to equal rights, challenges
faced by defenders, and the way forward</a>», Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe,
2021..

2. Objectifs et portée du rapport

9. Le présent rapport vise à faire la lumière sur la situation des défenseuses des droits humains en Europe, à sensibiliser aux menaces spécifiques auxquelles elles font face et à reconnaître leur contribution à la protection des droits humains. J’ai analysé leurs domaines d’action ainsi que les moyens d’assurer leur protection et leur liberté d’action et d’expression, y compris dans les situations de conflit.
10. J’ai examiné la situation des défenseuses des droits humains qui ont fui des pays où elles étaient menacées en raison de leurs activités et qui vivent maintenant dans un État membre du Conseil de l’Europe, et j’ai cherché à savoir si elles bénéficient d’une protection adéquate. J’ai aussi étudié la situation des épouses, des proches ou des compagnes de militants politiques et de défenseurs des droits humains qui sont devenues défenseuses des droits humains en raison des pressions exercées sur leur famille ou leurs proches. Je suis également préoccupée par la situation des femmes qui défendent les droits humains liés à l’environnement.
11. J'ai essayé de prendre en considération les réalités intersectionnelles dans mon travail. Les défenseuses des droits humains qui ont un handicap, les défenseuses transgenres des droits humains ou qui sont issues d'une minorité, pour n'en citer que quelques-unes, sont particulièrement visées dans leur travail.

3. Méthodes de travail

12. À la suite de recherches documentaires, j’ai eu plusieurs réunions bilatérales avec des défenseuses des droits humains et des personnes défendant les droits des femmes. J’ai discuté avec elles de leur travail et des défis auxquels elles sont confrontées, ainsi que du rôle que les parlementaires pourraient jouer pour les soutenir, à travers des débats parlementaires débouchant sur une législation suffisante, des campagnes de sensibilisation ou un soutien politique à leurs actions.
13. Le 26 avril 2023, j'ai rencontré Evguenia Kara-Mourza. Le même jour, j'ai eu un échange avec Dunja Mijatović, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe.
14. Le 5 juin 2023, j’ai eu une réunion bilatérale virtuelle avec Mme Melike Balkan, chercheuse sur la Türkiye à Amnesty International. Le 15 juin 2023, j’ai rencontré Hilary Margolis, représentante de Human Rights Watch, et le 15 juin 2023, Özlem Dalkiran, coordinatrice de la protection pour l’Europe à Front Line Defenders.
15. Le 21 juin 2023, j’ai également rencontré en personne Michel Forst, rapporteur spécial des Nations unies sur les défenseurs de l’environnement dans le cadre de la Convention d’Aarhus (précédemment rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des défenseurs des droits de l’homme).
16. Le 15 septembre 2023, la commission sur l'égalité et la non-discrimination a tenu une audition à Paris avec la participation de Hugo Gabbero, directeur de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme à la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), de Sarah Durocher, présidente du Planning familial, France, et de Noémie Gardais, chargée de plaidoyer au Planning familial, France.
17. Le 9 octobre 2023, j’ai rencontré Justyna Wydrzyńska, défenseuse polonaise des droits humains, qui a créé le site Women on the Net, «premier forum en ligne de Pologne qui soutient les femmes cherchant à avorter en toute sécurité, à obtenir un moyen de contraception ou des informations sur l’éducation sexuelle» 
			(11) 
			«Frontline
Defenders», <a href='https://www.frontlinedefenders.org/en/profile/justyna-wydrzynska'>Justyna
Wydrzyńska.</a>. En 2023, elle avait fait partie des finalistes du prix Vacláv Havel.
18. Le 7 décembre 2023, la commission sur l'égalité et la non-discrimination a eu un échange de vues avec Naveen Hashim, chercheuse sur le rôle des femmes dans le développement économique de l’Afghanistan et militante des droits des femmes.
19. Les 4-5 mars 2024, j'ai effectué une visite d'information en Pologne au cours de laquelle j'ai rencontré des membres du gouvernement, des parlementaires et des représentant·es de la société civile. Je tiens à exprimer mes remerciements à la délégation polonaise auprès de l'Assemblée et à son secrétariat pour le soutien qu'elle a apporté à l’organisation de cette visite.
20. Le 21 mars 2024, j’ai tenu une réunion bilatérale virtuelle avec Waltraud Heller, cheffe de projet à l'unité Coopération institutionnelle et réseaux de l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne. Le 22 mars 2024, j'ai eu un échange avec Mary Lawlord, Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains, avec Orsolya Toth, responsable des droits de l’homme au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, et avec des représentant·es de l’association européenne ASSEDEL.

4. Défis multiples pour les défenseuses des droits humains

4.1. Perception des défenseuses des droits humains

21. La montée du populisme et de la misogynie en Europe a des effets négatifs sur le travail des défenseuses des droits humains. Des campagnes de haine ciblées en ligne ont été signalées par plusieurs activistes féministes qui dénoncent les cultures et les systèmes patriarcaux. Les défenseuses des droits humains sont attaquées pour ce qu'elles sont ou pour la façon dont elles sont perçues, et pour ce qu'elles défendent et promeuvent.
22. Les défenseuses des droits humains sont confrontées à de multiples défis. L'un d'entre eux est que leur travail peut être perçu comme une menace pour l'ordre établi ou une dite «culture». La Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains a souligné que «l'orientation sexuelle et l'identité de genre sont des multiplicateurs de risque» 
			(12) 
			Rapport de la Rapporteuse
spéciale des Nations Unies sur la situation des défenseurs et défenseuses
des droits humains, «Sentiers de la paix: les défenseuses des droits
humains dans des situations de conflit, d’après-conflit ou de crise»,
A/78/131, 7 juillet 2023, para. 70.. L'ancien Rapporteur spécial des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l'homme avait souligné que «les défenseuses sont souvent confrontées à des risques supplémentaires et différents qui sont de nature sexiste, intersectionnelle et façonnés par des stéréotypes de genre bien ancrés» 
			(13) 
			«<a href='https://undocs.org/en/A/HRC/40/60/Add.1 '>Situation
des défenseuses des droits humains</a>», rapport du Rapporteur spécial des Nations Unies sur
la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains, 40e session
du Conseil des droits de l’homme, janvier 2019..
23. Selon Hugo Gabbero, le travail des défenseuses des droits humains et des défenseurs des droits des femmes est perçu comme «une atteinte aux valeurs prétendument traditionnelles». Les personnes qui défendent les droits des femmes et l'égalité des genres sont touchées de manière disproportionnée par les restrictions et les attaques contre l'espace civique» 
			(14) 
			Audition tenue lors
de la réunion de la commission sur l’égalité et la non-discrimination
le 15 septembre 2023..

4.2. Harcèlement en ligne et hors ligne

24. Les défenseuses des droits humains, dans toute leur diversité, sont exposées à une violence spécifique au genre, en ligne et hors ligne, y compris l’humiliation publique, la divulgation de données personnelles (doxing, en anglais) et les insultes sexuelles. L'objectif du harcèlement à l’encontre des défenseuses des droits humains est de saper leur crédibilité et de les décourager de poursuivre leurs actions. La légitimité des défenseuses des droits humains est trop souvent remise en question.
25. Dans plusieurs pays européens, de plus en plus de «poursuites-bâillons» sont intentées contre des défenseuses des droits humains. Selon Mary Lawlor, Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains, les poursuites-bâillons sont utilisées comme tactique pour museler les défenseurs et défenseuses des droits humains, afin de neutraliser leur travail pendant qu'ils sont occupés à tenter de lutter contre ces procédures.
26. En Andorre, Vanessa Mendoza Cortés, psychologue et thérapeute, et présidente de Stop Violències (SV), organisation de défense des droits des femmes qui travaille sur les droits en matière de santé sexuelle et reproductive, a exprimé ouvertement sa position en faveur de la dépénalisation de l’avortement, qui est illégal en toutes circonstances dans le pays. Elle a été victime pendant plusieurs années de harcèlement et de menaces 
			(15) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/andorra-guarantee-the-right-to-freedom-of-expression-for-women-s-rights-defender-vanessa-mendoza-cort%C3%A9s-and-ensure-an-enabling-environment-for-women-s-rights-defenders'>«Andorre:
garantir la liberté d'expression de la défenseure des droits des
femmes Vanessa Mendoza Cortés et assurer un environnement favorable
aux défenseurs des droits des femmes»</a>, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe,
29 novembre 2023.. Le 17 janvier 2024, elle a été acquittée 
			(16) 
			<a href='C:\Users\tefifeha\Downloads\Andorre. L’acquittement d’une militante qui avait fait part de son inquiétude quant à l’interdiction totale de l’avortement lors d’une rencontre de l’ONU est une'>«Andorre.
L’acquittement d’une militante qui avait fait part de son inquiétude
quant à l’interdiction totale de l’avortement lors d’une rencontre
de l’ONU est une ‘victoire importante’»</a>, Amnesty International, 17 janvier 2024..
27. En Azerbaïdjan, Amnesty International a rapporté que «les défenseuses des droits humains ont été confrontées à des menaces, à la coercition, à des violations de leur droit au respect de la vie privée et à des campagnes de diffamation spécifiques au genre, qui les visaient en tant que femmes» 
			(17) 
			<a href='https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2021/05/azerbaijan-stop-the-vicious-campaign-of-gendered-smears-and-reprisals-against-women-activists-2/'>«Azerbaïdjan.
Il faut mettre un terme à la violente campagne de diffamation et
de représailles fondées sur le genre ciblant des militantes»</a>, Amnesty International, 12 mai 2021.. Leyla Yunus est une défenseuse des droits humains azerbaïdjanaise, connue pour sa défense acharnée des prisonniers politiques et de la liberté d’expression. Son travail s’est étendu aux questions plus générales des droits humains dans le pays. Elle a elle-même fait l’objet de persécutions et a été emprisonnée en raison de son activisme. Elle vit aujourd'hui aux Pays-Bas.

4.3. Violence physique à l'encontre des défenseuses des droits humains

28. La répression des manifestations des défenseuses des droits humains, l'intimidation, y compris des membres de la famille, les arrestations et détentions arbitraires, les menaces et les attaques contre les sièges d’organisations de défenseuses des droits humains sont une réalité en Europe. Les défenseuses des droits humains qui œuvrent pour la protection des droits sexuels et reproductifs des femmes sont confrontées à la stigmatisation, à l'intimidation, aux attaques et aux poursuites 
			(18) 
			<a href='https://www.ippf.org/media-center/human-rights-defenders-and-health-workers-who-face-widespread-abuse-and'>«Human
rights defenders and health workers who face widespread abuse and
criminalization for defending the right to abortion must be better
protected»</a>, Fédération internationale des planning familiaux, 24
novembre 2023. Voir aussi «An Unstoppable Movement: A global call
to recognize and protect those who defend the right to abortion»,
24 novembre 2023.. Les attaques peuvent être physiques, porter sur l'honneur ou sur la réputation.
29. En France, le Planning familial s’appuie sur un réseau de 80 associations au niveau local. Il conseille 400 000 personnes par an et fait des interventions dans les écoles sur l'éducation à la sexualité afin de faire progresser les droits sexuels et reproductifs de toute personne en France. Il a porté plainte contre l’État français pour ne pas avoir assuré les trois séances obligatoires d'éducation à la sexualité à l’école. Il est régulièrement attaqué par les mouvements anti-choix.
30. En 2023, des dizaines d'attaques ont eu lieu contre des bureaux du Planning familial. Un raid de harcèlement a été organisé contre plusieurs centres après la publication d'une photo d'un homme enceint. Le Planning familial de Gap a été attaqué en même temps que la Marche des Fiertés. De nombreux sites web anti-choix ont été créés et diffusent de fausses informations qui ont un effet négatif sur les personnes qui cherchent des conseils. En réponse, le Planning familial a mis en place un nouveau site web, avec un chat en ligne, pour lutter contre la désinformation.
31. En Türkiye, depuis mai 2020, un grand nombre de défenseuses des droits humains ont fait l'objet de descentes de police, d'arrestations et de détentions arbitraires, ainsi que d’enquêtes et de poursuites pénales. Plusieurs activités légales et légitimes de leurs associations, notamment des marches de femmes, des manifestations, des interviews et des communiqués de presse, ont été qualifiées d’activités «terroristes» ou «immorales» 
			(19) 
			Hugo Gabbero, FIDH,
audition organisée le 15 septembre 2023.. Le procureur général d'Istanbul a ordonné la dissolution de la plateforme «Nous arrêterons les féminicides» (KCDP) en décembre 2021 pour une prétendue «atteinte à la loi et aux bonnes mœurs». La Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe a souligné que les interdictions de manifestations visaient particulièrement les événements organisés par ou en soutien aux personnes LGBTI, aux femmes et aux défenseurs et défenseuses des droits humains en matière d'environnement. En mars 2023, elle a appelé les autorités turques à «enquêter sur tous les cas où il a été fait un usage excessif de la force contre des participants à des rassemblements pacifiques organisés ces dernières années en dépit des interdictions». Elle a souligné qu'il était «particulièrement regrettable que la marche de la Journée internationale de la femme soit interdite depuis huit ans à Istanbul» 
			(20) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/t%C3%BCrkiye-reverse-a-critically-hostile-environment-for-freedom-of-expression-and-for-journalists-human-rights-defenders-and-civil-society'>«Türkiye:
faire cesser les atteintes à la liberté d’expression et l’hostilité
envers les journalistes, les défenseurs des droits humains et la
société civile»</a>, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe,
5 mars 2024..
32. Les décisions politiques ont un effet direct sur le travail des défenseuses des droits humains. La Commissaire a souligné que le retrait de la Türkiye de la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210, «Convention d'Istanbul») a eu de graves conséquences sur l’action des défenseuses des droits humains et des organisations de la société civile qui défendent les droits des femmes et des personnes LGBTI 
			(21) 
			<a href='https://rm.coe.int/memorandum-on-freedom-of-expression-and-of-the-media-human-rights-defe/1680aebf3d'>«Memorandum
on freedom of expression and of the media, human rights defenders
and civil society in Türkiye»</a>, Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe,
5 mars 2024..
33. Dans son rapport sur la protection de la société civile - mise à jour 2023 
			(22) 
			<a href='https://fra.europa.eu/en/publication/2023/civic-space-2023-update'>«Protecting
civil society</a> – Update 2023», Agence des droits fondamentaux de l’Union
Européenne, 18 octobre 2023., l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne note que «les menaces et les attaques touchent particulièrement les organisations et les défenseurs et défenseuses des droits humains travaillant avec des groupes minoritaires, avec des migrant·es et des réfugié·es, ceux travaillant pour lutter contre le racisme et pour la promotion des droits des femmes, de la santé et des droits sexuels et reproductifs et des droits LGBTIQ+».

5. Défenseuses des droits humains dans le domaine de l’environnement

34. La pleine jouissance de l’ensemble des droits humains dépend du maintien d'un environnement sain. Les défenseurs des droits humains dans le domaine de l'environnement sont protégés par la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l'homme 
			(23) 
			Assemblée
générale des Nations Unies. (8 mars 1999), «Déclaration sur le droit
et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société
de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés
fondamentales universellement reconnus», révisée en 2008.. Au cours de notre rencontre, Michel Forst a souligné l'existence de nouvelles formes de harcèlement à l'encontre des défenseurs des droits humains dans le domaine de l'environnement, qui restreignent l'espace civique, ainsi que de nouvelles pratiques de la part de la police.
35. Une attention particulière doit être accordée à la situation des défenseuses des droits humains dans le domaine de l'environnement. La violence exercée à leur encontre est multidimensionnelle et peut comprendre «la violence directe, la violence structurelle, la violence culturelle (...) et la violence écologique, qui sont combinées pour les réprimer» 
			(24) 
			Tran,
D., <a href='https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0016718521002268'>«A
comparative study of women environmental defenders’ anti violent
success strategies</a>». Geoforum Volume 126, novembre 2021.. Les menaces et les violences fondées sur le genre à l'encontre des défenseuses des droits humains dans le domaine de l’environnement visent à saper leur travail, à remettre en question leur pouvoir et leur autorité et à décourager d'autres militant·es de passer à l'action 
			(25) 
			Castañeda Camey, I.,
Sabater, L., Owren, C. and Boyer, A.E. (2020). «Gender-based violence
and environment linkages: The violence of inequality», Wen, J. (ed.).
Gland, Suisse: IUCN. p.169..
36. En Bosnie-Herzégovine, Tahira Tibold, présidente de la communauté locale de Kruščica, a plaidé pour empêcher la construction de centrales hydroélectriques le long de la rivière Kruščica par un investisseur privé. En 2017, lors d'un blocage pacifique d’un pont sur cette rivière, un raid des forces spéciales a attaqué les manifestant·es. Il a été rapporté que la police avait insulté les défenseuses des droits humains, «en utilisant un langage à connotation sexuelle, en déchirant leurs vêtements ou leurs foulards traditionnels, et même en blessant physiquement plus de la moitié des femmes qui ne leur avaient pas opposé de résistance» 
			(26) 
			«Stop Persecution, <a href='https://stop-persecution.org/whose-interests-does-the-police-protect-while-beating-up-women'>Whose
interests do the police protect when they are beating up women</a>?», 2017.. Les pressions exercées sur Tahira Tibold et sa famille se sont poursuivies. Elle a également reçu des menaces de mort 
			(27) 
			<a href='https://arnika.org/en/news/woman-attacked-for-protecting-the-river-kruscica-the-violence-against-activists-has-to-be-investigated-calls-arnika'>«Woman
attacked for protecting the River Kruščica. ‘The violence against
activists to be investigated</a>’, calls Arnika», 2020..
37. Il existe une intention de discréditer systématiquement la voix et le travail des défenseuses des droits humains, y compris les défenseuses de l'environnement. Elles sont attaquées au niveau personnel afin de saper leur message.
38. Permettez-moi de mentionner le cas de Greta Thunberg, jeune militante suédoise pour le climat, qui a fondé le mouvement international Fridays for Future. Elle a décidé de ne pas aller à l'école le vendredi en guise de grève pour une action politique plus ferme contre le réchauffement global. Son engagement en faveur de la justice climatique a déclenché des manifestations de jeunes dans le monde entier et créé un mouvement international de jeunes militant·es pour le climat 
			(28) 
			<a href='https://www.bbc.co.uk/newsround/46988771'>«Climate change:
Young people across Europe protest by skipping school»</a>, BBC, 24 janvier
2019. Depuis qu’elle a commencé à militer en 2018, elle est devenue une personnalité publique de premier plan dans la lutte contre la catastrophe climatique, s'adressant elle-même aux dirigeants politiques mondiaux lors du Sommet de l'action pour le climat de l'ONU en 2019 
			(29) 
			<a href='https://www.bbc.com/news/world-europe-49918719'>«Greta
Thunberg: Who is the climate activist and what has she achieved?</a>», BBC, 5 février
2024.. Elle n'a cessé d'interpeller les responsables politiques pour leur inaction face au réchauffement global, suscitant des critiques de leur part, car ils affirmaient qu'elle simplifiait à l'extrême des questions complexes. Elle a reçu un grand nombre de récompenses pour son activisme politique exceptionnel et a été nommée pour le prix Nobel de la paix. Elle a été attaquée sans relâche sur son apparence. Ses adversaires l'ont critiquée et se sont moqués d’elle en raison de son apparence et de ses manières. Comme les défenseuses des droits humains liés à l’environnement ne peuvent pas être contestées sur les faits, leurs adversaires les attaquent sur leur apparence ou les infantilisent.
39. Outre la violence et les menaces, les défenseuses des droits humains liés à l’environnement se heurtent également à des obstacles lorsqu'elles cherchent à obtenir justice. Lorsqu’elles dénoncent un usage abusif de la force, les forces de police nient ces allégations ou justifient l’usage d’une violence extrême en le présentant comme une mesure de riposte après une agression.

6. Les défenseuses des droits humains en quête de protection en Europe

40. Le 7 décembre 2023, la commission sur l'égalité et la non-discrimination a eu un échange de vues avec Naveen Hashim qui a partagé son expérience en tant que défenseuse des droits humains. Naveen Hashim a quitté l'Afghanistan pour l'Europe après la prise de pouvoir des Talibans. Elle est arrivée en France en septembre 2023.
41. Ces deux dernières années, les talibans ont privé les femmes de leurs droits sociaux, politiques et économiques. Celles qui ont résisté ont été placées en détention, torturées et même tuées. Mme Hashim a alerté les membres de la commission sur le nombre élevé de suicides d’Afghanes. Des milliers de femmes et de jeunes filles afghanes ont quitté le pays pour le Pakistan, mais nombre d'entre elles ont été renvoyées en Afghanistan.
42. Naveen Hashim a appelé les dirigeant·es européen·nes à accélérer le processus d'évacuation des femmes et des jeunes filles afghanes. Selon elle, la lenteur des procédures d'asile est l'un des principaux problèmes auxquels sont confrontées les défenseuses des droits humains qui cherchent une protection en Europe. De plus, l’accès au visa humanitaire est très restreint voire impossible dans certains pays. Elle a souligné l'importance de donner aux femmes et aux filles afghanes la possibilité de poursuivre des études supérieures.
43. Les représentant·es de plusieurs organisations de la société civile afghane qui tentent de trouver des perspectives communes pour un Afghanistan démocratique après la fin du régime taliban se rencontrent dans le cadre du «processus de Vienne». Ils ont récemment demandé que le Statut de Rome soit modifié pour y inscrire «l’apartheid de genre» en tant que crime d’agression. Cela couvrirait également les crimes commis par les talibans à l'encontre des femmes.
44. Selon le rapport présenté en 2023 au Conseil des droits de l'homme par la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains, 18 États membres de l'Union européenne accueillent des défenseurs des droits humains en danger et 8 d'entre eux disposent de programmes complets pour les accueillir 
			(30) 
			«Sentiers
de la paix: les défenseuses des droits humains dans des situations
de conflit, d’après-conflit ou de crise», A/78/131, op. cit..

7. Les membres de la famille qui deviennent des défenseuses des droits humains

45. Les proches de défenseuses des droits humains peuvent être ciblés et menacés et ont également besoin d'une protection spéciale. Certaines défenseuses des droits humains se sont engagées pour poursuivre la lutte pour les droits humains entamée par des membres de leur famille. Les manifestations des Mères du samedi en Türkiye 
			(31) 
			<a href='https://www.amnesty.org/en/latest/news/2022/06/turkey-police-detain-human-rights-defenders-and-relatives-of-disappeared-people-on-saturday-mothers-people-900th-vigil/'>«Police
detain human rights defenders and relatives of disappeared people
on Saturday Mothers/People 900th vigil</a>», Amnesty International, 25 juin 2022. visent à obtenir la vérité sur les disparitions de proches dans les années 1980 et 1990.
46. Evguenia Kara-Mourza est l'épouse de Vladimir Kara-Mourza, militant de l'opposition russe qui a été arrêté en avril 2022 pour «haute trahison» après avoir protesté contre la guerre d'agression contre l’Ukraine. Elle est directrice des activités de plaidoyer de la Free Russia Foundation, organisation internationale apolitique et à but non lucratif qui soutient la société civile et le développement démocratique en Fédération de Russie et qui demande que les auteurs de violations des droits humains rendent des comptes pour leurs actes. Depuis l'emprisonnement de son mari, Evguenia Kara-Mourza a été contrainte de vivre en exil avec leurs enfants. Elle dénonce l’acharnement contre les défenseurs des droits humains et les activistes en Fédération de Russie et appelle publiquement les gouvernements occidentaux à adopter des sanctions. Au cours de notre rencontre, elle a insisté sur l'importance d’interpeller régulièrement les dirigeant·es politiques sur la situation des défenseurs des droits humains en détention, hommes et femmes, afin de montrer que le soutien ne diminue pas ou que l'intérêt ne s'amenuise pas. Défendre à la fois l’intérêt public et personnel est important.
47. Sviatlana Tsikhanovskaya est l'épouse de Sergueï Tsikhanovski, blogueur et militant bélarussien qui avait l'intention de se présenter à l'élection présidentielle de 2020 au Bélarus en tant que candidat de l'opposition au président Loukachenka. Deux jours après avoir annoncé son intention de se présenter aux élections, il a été arrêté et emprisonné. Il a ensuite été condamné à 18 ans de prison dans une colonie pénitentiaire en décembre 2021. Il a été accusé, entre autres, «d’incitation à la haine sociale» et d'avoir organisé des actions qui ont «gravement perturbé l’ordre public». Sviatlana Tsikhanovskaya est devenue l’une des cheffes de l'opposition bélarussienne et a repris le combat de son mari contre le régime. Elle plaide pour que les États européens renforcent les sanctions contre l’État du Bélarus. Elle vit actuellement en exil en Lituanie. Le 6 mars 2023, elle a été condamnée à 15 ans de prison au Bélarus.
48. Yulia Navalnaya est une économiste russe qui était mariée à Alexeï Navalny depuis 2000. Elle a été membre du parti démocratique russe Iabloko dans les années 2000 
			(32) 
			<a href='https://www.bbc.com/news/world-europe-68336393'>«Yulia
Navalnaya: Russian opposition leader's 'principled and fearless'
widow</a>», BBC, 29 février
2024.. Elle a soutenu son mari, ainsi que leur famille, pendant sa carrière de militant politique et leader de l’opposition 
			(33) 
			«<a href='https://www.reuters.com/world/europe/who-is-yulia-navalnaya-2024-02-21/'>Who
is Yulia Navalnaya?</a>», Reuters, 21
février 2024.. En 2020, lorsqu’il a été empoisonné, elle s'est adressée directement à Vladimir Poutine pour lui demander de le libérer afin qu'il soit soigné en Allemagne. Depuis la mort d’Alexeï Navalny en février 2024, elle joue un rôle plus important dans l'opposition russe: elle s'est exprimée en février 2024 lors de la conférence de Munich sur la sécurité et a appelé la communauté internationale à «lutter contre ce régime horrible». Puis, le 19 février, elle a publié une vidéo sur les médias sociaux, dans laquelle elle déclare qu'elle «poursuivra l’action d’Alexeï» et appelle les gens à «se battre et ne pas renoncer».
49. Il faut protéger les familles des défenseurs et des défenseuses des droits humains. Hannah Neumann, Rapporteure pour le Parlement européen, a souligné qu’il est nécessaire d'étendre l’attention «aux réseaux et à la famille des défenseurs car les régimes répressifs ciblent souvent délibérément les familles pour réduire les défenseurs au silence» 
			(34) 
			Parlement
européen, «Orientations de l’Union concernant les défenseurs des
droits de l’homme», rapport de la commission des Affaires étrangères
(octobre 2022), <a href='https://oeil.secure.europarl.europa.eu/oeil/popups/ficheprocedure.do?lang=fr&reference=2021/2204(INI)'>2021/2204(INI)</a>.. L'aide aux familles doit être concrète, comme l’octroi de visas.

8. Étude de cas: la situation en Pologne

50. Les 4 et 5 mars 2024, je me suis rendue à Varsovie où j'ai rencontré plusieurs ministres, secrétaires d'État, parlementaires et représentant·es de la société civile. C'est une période de profondes mutations et de transition en Pologne, où certain·es militant·es des droits des femmes exercent désormais des responsabilités gouvernementales.
51. Les défenseuses des droits humains représentent une force politique importante dans le pays. Il a été rapporté que le changement politique lors des dernières élections législatives était dû en particulier à la forte mobilisation des femmes et des jeunes.
52. La priorité du nouveau gouvernement est clairement le rétablissement de l'État de droit pour toutes et tous. Les représentant·es du gouvernement que j'ai rencontrés ont souligné que la situation des défenseurs et des défenseuses des droits humains avait été très compliquée sous le gouvernement précédent. Lors de sa prise de fonction, Adam Bodnar, ministre de la Justice, a présenté ses excuses à tous les militant·es des droits humains qui avaient été harcelés, attaqués ou critiqués à tort au cours des dernières années. Lors de notre rencontre, le vice-ministre de la Justice a indiqué que les ONG de défense des droits des femmes seraient au centre de l'attention du ministère. L'allocation de fonds aux organisations de la société civile au cours des dernières années sera également réexaminée.
53. Les défenseuses des droits humains et les défenseurs des droits des personnes LGBTI ont été victimes d'attaques et de menaces, en personne et en ligne. Des bureaux ont été perquisitionnés et plusieurs tentatives ont été faites pour les réduire au silence 
			(35) 
			<a href='https://www.hrw.org/news/2021/03/31/poland-escalating-threats-women-activists'>«Poland:
Escalating Threats to Women Activists, Investigate, Protect Rights
Defenders, End Hateful Rhetoric»</a>, Human Rights Watch, 31 mars 2021.. Des campagnes de désinformation sur les défenseuses des droits humains ont été organisées. En outre, il y a eu des preuves d'un discours hostile envers les femmes journalistes d'investigation. Six groupes de défense des droits humains, dont Feminoteka, le Centre des droits des femmes et «Grève des femmes», ont reçu des menaces d’attentat à la bombe par courrier électronique lors de la Journée internationale de la femme (le 8 mars) 2021. Federa, un groupe de défense des droits reproductifs, a reçu des menaces d’attentat à la bombe par courrier électronique les 12 et 23 mars 2021. Human Rights Watch a réclamé une enquête.
54. En octobre 2022, les procureurs de Varsovie ont déposé un acte d’accusation contre trois militantes des droits des femmes: Marta Lempart, Klementyna Suchanow et Agnieszka Ceredereka-Fabin du collectif «Grève des femmes» (Strajk Kobiet) parce qu’elles auraient prétendument «causé une menace épidémiologique», en organisant des manifestations contre l'interdiction presque totale de l'avortement en octobre 2020. Lors de mon séjour à Varsovie, j'ai rencontré des représentantes du collectif «Grève des femmes» qui ont fait état d’agressions physiques commises par la police à leur encontre lors d’une manifestation. Il y avait en fait une attitude systématique des forces de l’ordre contre les droits des femmes et les droits des personnes LGBTI, combinée à une répression. Une sous-commission sur la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme a été créée au sein du Sejm, ce qui témoigne de la volonté du parlement d'en assurer une mise en œuvre complète.
55. En mars 2023, Justyna Wydrzynska a été condamnée à huit mois de travaux d'intérêt général à l’issue d'un procès pénal qui lui avait été intenté pour avoir envoyé des pilules abortives à une femme Polonaise en détresse en 2020. Elle était accusée d'avoir aidé et encouragé une interruption de grossesse, ce qui est considéré comme une infraction pénale en Pologne. Le droit et l'accès à l'avortement sont au centre de l’attention. J'ai également rencontré Joanna Gzyra-Iskandar, qui est l'une des activistes dans l'affaire de «l’Auréole arc-en-ciel». Le 28 mars 2024, la Cour suprême a rejeté son affaire (accusation de blasphème) 
			(36) 
			L'affaire
de l'auréole arc-en-ciel est une procédure pénale engagée contre
trois militantes accusées d'avoir «offensé des sentiments religieux»
après avoir affiché des posters montrant Sainte Marie parée d’une
auréole arc-en-ciel pour protester contre les campagnes de diffamation
et les discriminations croissantes à l’encontre des personnes LGBTI
en Pologne. Voir: <a href='https://www.article19.org/resources/poland-rainbow-mary-case-underscores-the-need-to-repeal-blasphemy-laws/'>«Poland:
Rainbow Mary case underscores the need to repeal blasphemy laws»</a>, Article 19, 25
mars 2024..
56. Les défenseuses des droits humains ont parlé des niveaux élevés de stress qu'elles ont subis et de l’épuisement professionnel des activistes. L’effet de la répression sur la santé mentale et émotionnelle doit être pris en considération lors de l'élaboration des politiques et des programmes destinés à soutenir leur action. Les pressions en matière de financement peuvent également susciter un niveau de stress élevé.
57. Le rétablissement de la confiance dans les forces de l'ordre nécessitera des efforts à long terme. J'ai été informée de la suppression des parties relatives aux droits humains et à la lutte contre la discrimination du programme de formation des fonctionnaires de police. Il faut investir dans la formation de la police à l'égalité et à la non-discrimination, ce qui aura des effets bénéfiques à long terme.
58. Je suis impressionnée par la détermination des défenseuses des droits humains et des défenseurs des droits des personnes LGBTI que j'ai rencontrés au cours de ma visite. Un dialogue régulier doit avoir lieu entre le parlement, le gouvernement et les représentant·es de la société civile. Les changements durables et à long terme ne peuvent pas se faire en un jour et peuvent être limités, jusqu'à la prochaine élection présidentielle. La Pologne s’est à présent engagée sur la voie du passage d’une démocratie illibérale à une démocratie plus libérale.

9. Mesures concrètes pour renforcer l’aide aux défenseuses des droits humains

59. Plusieurs mécanismes d’aide existent déjà pour les défenseuses des droits humains. La FIDH a mis en place un observatoire pour leur protection, qui offre une assistance matérielle d'urgence et réalise des missions de solidarité et d'enquête. Il organise également des séminaires de formation et de renforcement des capacités. En outre, il sert de mécanisme d'alerte précoce en lançant des appels urgents, des communiqués de presse et des lettres ouvertes pour attirer l’attention de la communauté internationale. Un système mondial d’aide financière et juridique aux défenseuses des droits humains pourrait être créé.
60. Lors de notre audition, Hugo Gabbero a recommandé de mettre en place un canal de communication spécifique pour les défenseurs des droits humains avec le Conseil de l'Europe. Il a appelé l’Organisation à envisager la mise en place d'un mécanisme d'alerte précoce pour les défenseurs en danger, y compris les défenseuses des droits humains et les défenseurs des droits des femmes, qui pourrait être similaire à celui qui a été mis en place pour la sécurité des journalistes.
61. Il convient de veiller à ce que les personnes qui intimident, qui font pression, qui menacent et qui attaquent les défenseurs et les défenseuses des droits humains fassent l'objet d'enquêtes et de poursuites. A mon avis, l'Assemblée devrait appeler les États membres à abroger les lois, et à mettre fin aux politiques et pratiques qui affectent les défenseuses des droits humains. Il ne peut y avoir d'impunité pour aucune forme de violence à l'encontre des défenseuses des droits humains, dans toute leur diversité. Les lois antiterroristes, par exemple, ne peuvent être utilisées pour saper le travail en faveur des droits humains et le travail de plaidoyer.
62. Il est également important de lutter contre tout discours de haine violent à l'encontre des défenseuses des droits humains. Les défenseurs et les défenseuses des droits humains devraient pouvoir mener leurs activités dans un environnement favorable, ce qui peut nécessiter la mise en place d’un dispositif de sécurité lors des manifestations, si nécessaire, ou de mesures de sécurité personnelle à la suite de menaces et d’agressions.
63. La diplomatie féministe et les politiques étrangères, de développement, et de paix sont d’autres outils qui pourraient être utilisés pour protéger les défenseuses des droits humains. En mettant en lumière l'importance de leur travail, en assurant leur protection et en leur allouant des subventions pour leurs activités, la diplomatie féministe est un signal clair de soutien aux défenseuses des droits humains.
64. Le soutien à des initiatives telles que l’Initiative Marianne et le Prix Simone Veil devrait être davantage encouragé. L'Initiative Marianne a été lancée en décembre 2021 afin de soutenir les défenseurs et défenseuses des droits humains en France et dans d'autres pays 
			(37) 
			<a href='https://www.initiativemarianne.fr/'>L'initiative Marianne
pour les défenseurs des droits de l'Homme</a>..
65. Il importe de soutenir les familles des défenseurs et des défenseuses des droits humains. Compte tenu du niveau de la menace, il serait important d'assurer le soutien et la protection des familles.
66. La lutte contre la désinformation sur les droits des femmes est un autre moyen de soutenir les défenseuses des droits humains. Il convient d’inscrire l'éducation complète à la sexualité dans les programmes scolaires.
67. L'octroi de visas et l’aide aux demandes d'asile sont des moyens concrets de soutenir les défenseuses des droits humains. Nous pouvons nous féliciter du fait que plusieurs Afghanes défenseuses des droits humains aient été accueillies dans des États membres du Conseil de l'Europe et qu’elles aient été soutenues dans leurs demandes d'asile.
68. Les parlementaires ont également la responsabilité de soutenir les défenseurs et défenseuses des droits humains en organisant des débats publics, en fournissant des plateformes pour leur défense par le biais d’auditions et en demandant un soutien concret de la part des gouvernements. Ils peuvent contribuer à la communication sur le travail des défenseuses des droits humains et coopérer avec les médias. Les messages de solidarité sont importants mais ils ne sont pas suffisants.
69. Les assemblées internationales, comme celle du Conseil de l’Europe, constituent un cadre international qui peut amplifier le message des défenseuses des droits humains et prendre clairement position contre ceux et celles qui les attaquent.
70. Le prix Vigdís nouvellement créé pourrait également être utilisé pour mieux faire connaître l’action des défenseuses des droits humains pour l'empouvoirement des femmes dans leur pays ou leur domaine d'activité. Le 17 janvier 2024, Neva Tölle, ressortissante croate qui a passé des décennies à œuvrer pour protéger les femmes de la violence domestique, a reçu le Prix Raoul Wallenberg 2024 du Conseil de l'Europe en «reconnaissance de son rôle de pionnière, de son courage et de sa détermination à aider les victimes et à faire évoluer les mentalités, mais aussi les lois et les politiques visant à prévenir et à combattre la violence domestique» 
			(38) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/portal/-/croatian-pioneer-receives-raoul-wallenberg-prize-for-her-work-protecting-women-from-domestic-violence'>«Une
pionnière croate reçoit le prix Raoul Wallenberg pour son travail
de protection des femmes contre la violence domestique»</a>, Conseil de l’Europe, 17 janvier 2024..
71. L'Assemblée pourrait également envisager d’appeler les États membres du Conseil de l'Europe qui sont Parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale à modifier le Statut afin d'y inscrire le crime d'apartheid de genre.

10. Conclusions

72. «Par leur travail admirable et leur courage, les défenseur·e·s des droits des femmes contribuent activement à la construction de sociétés exemptes de préjugés et de discriminations à l'encontre des femmes et des filles et de leur droit à la santé et aux droits sexuels et reproductifs. Les menaces et le harcèlement à l'encontre des défenseurs des droits des femmes doivent être évités, faire l'objet d'une enquête et être sanctionnés, tandis que leurs efforts pour promouvoir et protéger les droits sexuels et reproductifs doivent être encouragés et soutenus», a souligné Dunja Mijatović, ancienne Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, le 8 mars 2024 
			(39) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/full-realisation-of-women-s-and-girls-sexual-and-reproductive-health-and-rights-an-imperative-for-empowerment-and-gender-equality'>«Journée
internationale des femmes: La pleine réalisation de la santé et
des droits sexuels et reproductifs des femmes et des filles – un
impératif pour l'émancipation et l'égalité de genre</a>», Dunja Mijatović, Commissaire aux droits de l’homme
du Conseil de l’Europe, 8 mars 2024..
73. Il est temps que l'Assemblée exprime son soutien résolu aux défenseuses des droits humains et qu’elle reconnaisse leur contribution vitale à la lutte mondiale pour les droits humains. Il faut que nous rendions hommage à leur travail, à leur dévouement et à leur capacité d’inspirer le changement. En tant que parlementaires, nous pouvons demander à nos gouvernements d’en faire davantage pour soutenir les défenseuses des droits humains, assurer leur protection et créer un environnement favorable. Les défenseuses des droits humains peuvent être les moteurs d'un changement positif au sein de la société.