1. Introduction
1.1. Origine
du rapport et procédure
1. La proposition de résolution
intitulée «
Appel à la
restitution de Famagouste à ses habitants légitimes»
, déposée
par M. Geraint Davies et d’autres membres de l’Assemblée le 25 juin 2021,
faisait suite aux annonces faites par le Président de la Türkiye
et le dirigeant chypriote turc et aux dispositions pratiques prises
en octobre 2020 pour rouvrir l’accès à la zone clôturée de Famagouste
(Varosha).
2. La proposition rappelle que la zone de Varosha avait été bouclée
lors de l’invasion turque de 1974 à Chypre et que, depuis, elle
reste inhabitée, sous le contrôle direct de l’armée turque. Elle
suggère que l’Assemblée parlementaire se joigne au Parlement européen,
qui a condamné les activités illégales de la Türkiye à Varosha et
qui a averti que l’«ouverture» partielle de la ville saperait la
perspective d’une résolution du problème, en exacerbant les divisions
et en ancrant la partition permanente de l’île.
3. En outre, il est indiqué dans la proposition que l’Assemblée
devrait: appeler la Türkiye à se conformer aux résolutions du Conseil
de sécurité des Nations Unies et à restituer Famagouste à ses habitants
légitimes; réaffirmer le droit souverain de la République de Chypre
d’exploiter ses ressources naturelles au profit de tous les Chypriotes;
et exhorter les États membres du Conseil de l’Europe à faire pression
sur la Türkiye pour qu’elle coopère et s’abstienne de prendre des
mesures incompatibles avec le droit international et les résolutions
des Nations Unies sur cette question.
4. J’ai été désigné rapporteur lors de la réunion de la commission
des questions politiques et de la démocratie, le 28 septembre 2021.
Le 4 novembre 2021, la commission m’a autorisé à effectuer une visite d’information
à Chypre. Celle-ci s’est déroulée du 6 au 8 juin 2022, et j’ai eu
l’occasion de m’entretenir avec les hauts responsables de la République
de Chypre et de la Communauté chypriote turque, ainsi qu’avec différents
représentants des partis politiques et de la société civile des
deux côtés de la «ligne verte», des Nations Unies et de l’Union
européenne. Je me suis rendu dans la ville de Famagouste, y compris
dans une partie de la zone clôturée de Varosha
5. Le travail sur le rapport a ensuite pris quelques retards
en raison des cycles électoraux respectivement à Chypre, en Grèce
et en Türkiye.
6. Une fois ces échéances passées, je me suis également rendu
à Athènes le 29 novembre 2023 et à Ankara le 15 février 2024 pour
des entretiens avec des représentants des gouvernements et des partis parlementaires
de la Grèce et de la Türkiye. De plus, j’ai rencontré, en marge
de la session de janvier 2024 de l’Assemblée, le Président de la
République de Chypre, M. Nikos Christodoulides.
7. J’ai effectué une deuxième visite d’information à Chypre les
14-16 mai 2024. Cela a été l’occasion de m’entretenir à nouveau
avec le Président Christodoulides et le dirigeant chypriote turc
M. Tatar, ainsi qu’avec d’autres interlocuteurs des deux côtés de
la «ligne verte», et de revoir la situation sur le terrain à Varosha.
8. Je tiens à remercier très cordialement tous mes interlocuteurs
à Chypre, à Athènes et à Ankara pour l’accueil qui m’a été réservé
et la franchise des échanges sur ce dossier épineux qui ont très
souvent dépassé le cadre formel de ma mission.
1.2. Portée
et objectif du rapport
9. La proposition de résolution
à l’origine du rapport est assez concrète et m’invite à me concentrer
sur le cas spécifique de Famagouste (Varosha) et son retour à ses
habitants légitimes. Il est vrai que la zone de Varosha, à Famagouste,
constitue un cas assez unique dans le cadre du droit international
comme cela est mis en exergue dans plusieurs résolutions du Conseil
de sécurité des Nations Unies. En même temps, il est indéniable
que le cas de Varosha fait partie d’un problème plus global, à savoir
le règlement de la question de Chypre. Il est difficile d’aborder
le cas de Varosha en ignorant complètement ce contexte.
10. Par ailleurs, cette difficulté s’est confirmée dans mes contacts
avec les parties impliquées en ce qui concerne la portée du rapport.
Ainsi, la partie chypriote grecque et des représentants de la Grèce
m’ont suggéré de traiter uniquement de Varosha sans entrer dans
tous les détails de la question de règlement global du problème
chypriote. En revanche, la partie chypriote turque et des représentants
de la Türkiye m’ont présenté des arguments d’ordre historique et
juridique qui, à leur avis, ne permettent pas d’isoler Varosha du contexte
global du problème de Chypre.
11. Compte tenu de cette ambiguïté, mon objectif est d’informer
l’Assemblée sur la nature du problème de Varosha dans le contexte
plus large du processus de règlement global du problème chypriote,
de présenter les positions des parties impliquées (qui semblent
diamétralement opposées), d’envisager les possibilités de les voir
se rapprocher, et plus globalement, d’envisager les voies et moyens
pour l’Assemblée et le Conseil de l‘Europe de contribuer au processus
politique mené par les Nations Unies.
2. Contexte
2.1. Contexte
historique du conflit chypriote (1960-1974)
12. La République de Chypre a accédé
à l’indépendance en tant qu’État souverain en 1960. Sa population était
composée, du point de vue de l’origine ethnique, d’environ 77 %
de Chypriotes grecs et 18 % de Chypriotes turcs. Dans les années
qui ont précédé l’indépendance, le mouvement politique en faveur
de l’«Énosis», c'est-à-dire l’unification avec la Grèce, bénéficiait
d’un soutien considérable parmi les Chypriotes grecs. La plupart
des Chypriotes turcs étaient opposés à l’«Énosis» et beaucoup soutenaient
le «Taksim», c'est-à-dire la partition de l’île.
13. La Türkiye, la Grèce et le Royaume-Uni ont conclu un Traité
de garantie (1960) et un Traité d’alliance (1960), en vue d’assurer
l’indépendance, l’intégrité territoriale et la sécurité de la République
de Chypre et de prévenir son unification avec tout autre État ou
la partition de l’île.
14. À la suite des affrontements intercommunautaires des années
1960, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté la Résolution 186 (1964),
qui établissait une Force des Nations Unies chargée du maintien
de la paix à Chypre pour prévenir la reprise des affrontements.
15. En 1967, une junte militaire a pris le pouvoir en Grèce. Le
15 juillet 1974, la junte militaire grecque et une faction de la
Garde nationale de Chypre ont fomenté un coup d’État à Chypre contre
le gouvernement légitime de l’Archevêque Makarios pour tenter d’accomplir
l’«Énosis». En réaction, le 20 juillet 1974, l’armée turque a envahi
le nord de Chypre. La Türkiye invoquait alors le droit d’intervenir,
en tant que garante du statu quo dans
l’île, pour empêcher l’unification avec la Grèce.
16. Le 23 juillet 1974, la junte militaire au pouvoir en Grèce
et le gouvernement militaire de facto de
Chypre mis en place 8 jours auparavant se sont simultanément effondrés.
17. Le 14 août 1974, en violation du cessez-le-feu convenu par
l'armée turque, la deuxième phase de l’invasion de l’armée turque
a commencé, aboutissant à l’occupation de 37 % du territoire de
l’île et au déplacement interne de plus de 200 000 personnes. La
majorité d’entre elles étaient des Chypriotes grecs ayant trouvé
refuge dans le sud de l’île pour fuir l’invasion turque. À la suite
de l’accord de cessez-le-feu (16 août 1974), la zone tampon de l’ONU
a été étendue pour tenir compte de la nouvelle ligne de cessez-le-feu,
ce qui a provoqué la partition effective de l’île le long de la
«ligne verte». Presque 50 ans plus tard, l’île de Chypre est toujours
divisée et sous occupation turque.
2.2. Famagouste/Varosha
18. Famagouste est l’exemple de
site abandonné par sa population grecque suite à l’invasion. Avant
1974, Famagouste était une ville très dynamique, et notamment la
principale destination touristique de l’île, réputée pour son histoire,
son architecture médiévale et ses plages de sable, qui attirait
une clientèle internationale. Selon la municipalité de Famagouste,
la population de la ville comptait, en 1974, 43 000 Chypriotes grecs
et 5 000 Chypriotes turcs.
19. Varosha (Maraş en turc) est une partie de la ville de Famagouste
qui s’étend sur plusieurs kilomètres le long des plages et compte
plus de 6 000 maisons et terrains, dont des dizaines d’hôtels de
luxe.
20. Au cours de l’intervention turque d’août 1974 où la ville
de Famagouste a été bombardée et occupée par l’armée turque, sa
population chypriote grecque a fui en abandonnant tout derrière
elle. L’armée turque a clôturé une partie de Varosha et l’a déclarée
zone militaire interdite d’accès. Elle est restée ainsi dans cet
état pendant plus de 45 ans. Le site fermé est situé à proximité
immédiate de la zone tampon de l’ONU.
21. Conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité
des Nations Unies, la communauté internationale (à l’exception de
la Türkiye) considère que Varosha est occupée illégalement et a systématiquement
appelé au retrait des installations militaires turques et chypriotes
turques dans la ville fermée. En ce qui concerne l’occupation de
Varosha, il est régulièrement fait référence à des résolutions du Conseil
de sécurité des Nations Unies, notamment aux suivantes:
- la Résolution 550 (1984) , aux termes de laquelle le Conseil
de sécurité «considère inadmissibles les tentatives d’installation,
dans une partie quelconque de Varosha, de personnes autres que les
habitants de ce secteur et demande que ledit secteur soit placé
sous l’administration de l’Organisation des Nations Unies;»
- la Résolution 789 (1992) , dans laquelle il demande que Varosha
soit placée sous le contrôle direct de la Force des Nations Unies
chargée du maintien de la paix à Chypre.
22. L’appel à la restitution de Varosha à ses habitants légitimes
concerne donc les Chypriotes grecs qui habitaient dans la ville
ou y possédaient des biens. La communauté chypriote grecque qui
a été contrainte à partir en 1974 s’est vu refuser, dans une large
mesure, l’accès aux habitations et aux terrains dont elle est légalement
propriétaire. De nombreux Chypriotes grecs ont saisi la justice
pour tenter de récupérer leurs biens. Entre 1974 et 2020, la zone
clôturée a été entièrement fermée et est devenue «ville fantôme».
Son statut unique de ville sans habitants civils était source d’espoir
pour les Chypriotes grecs qui souhaitaient y retourner.
3. Efforts
visant à parvenir à un règlement politique du conflit chypriote
(2004-2020)
3.1. Plan
Annan (2004)
23. Le plan de réunification de
Chypre élaboré sous les auspices de l’ancien Secrétaire général
de l’ONU, Kofi Annan, a été la tentative la plus complète qui ait
été initiée pour régler la question chypriote. Il visait à résoudre
la question chypriote en réunifiant Chypre en une «République unie
de Chypre»: cette «République» comprenait un État constituant chypriote
grec et un État chypriote turc, sous un gouvernement fédéral central. La
«République Unie de Chypre» devait être un État fédéral bicommunautaire
et bizonal composé d’États constitutifs politiquement égaux, mais
avec «une souveraineté unique, une personnalité internationale unique et
une citoyenneté unique».
24. Le plan Annan était largement soutenu par la communauté internationale,
qui le considérait comme une occasion historique de parvenir à un
accord de paix et de régler la question du statut de Chypre. Le
plan a aussi été porté par une dynamique politique favorable, créée
en partie par les négociations d’adhésion de la Türkiye à l’Union
européenne. Mettre fin à l’occupation turque sur plus d’un tiers
du territoire de Chypre et trouver une solution à la question chypriote,
dans le cadre de l’ONU, était considéré crucial pour la poursuite de
l’intégration politique de la Türkiye avec l’Europe.
25. En avril 2004, le plan Annan a fait l’objet de référendums
simultanés dans la communauté chypriote grecque et dans la communauté
chypriote turque. La Communauté chypriote grecque a rejeté la proposition
à une large majorité lors du référendum, essentiellement à cause
des préoccupations de sécurité: il y a eu 76 % de voix contre le
plan Annan. En revanche, la Communauté chypriote turque a voté à
65 % pour le plan Annan.
26. Dans sa Résolution 1376 (2004), l’Assemblée s’est déclarée
«profondément déçue par l’échec, à la suite d’un rejet massif par
la communauté chypriote grecque, des efforts de la communauté internationale visant
à mettre fin à la division de Chypre», mais elle s’est aussi engagée
à aider la communauté chypriote turque à concrétiser ses aspirations
européennes et a appelé à mettre fin à l’isolement politique de
la partie nord.
3.2. Développements
politiques (2008-2014)
27. De nouvelles négociations ont
eu lieu en mars 2008 sous l’égide de l’ONU. En réponse à cette initiative, l’Assemblée
a adopté la
Résolution
1628 (2008), dans laquelle elle se félicitait de la reprise des
pourparlers sur la réunification. La résolution contient le passage
suivant:
L’Assemblée a bon espoir
que, malgré de profondes différences entre les parties sur un certain
nombre de questions essentielles qui feront l’objet de négociations,
et en dépit des compromis difficiles auxquels il faudra parvenir
en garantissant l’adhésion de l’opinion publique à ces derniers,
la situation actuelle offre la meilleure occasion qui se soit présentée
depuis des années d’aboutir à un règlement. Le Président Christofias
et M. Talat sont conscients qu’ils ne peuvent se permettre d’échouer.
Tous les acteurs internes et externes concernés se doivent de faire
tout ce qui est en leur pouvoir pour optimiser les chances de succès
de ce processus.
28. L’ancien rapporteur, Joachim Hörster, notait dans son rapport
d’information intitulé «La situation à Chypre» (2014) que ces attentes
s’étaient révélées «trop optimistes»
. Les pourparlers engagés en 2008
se sont soldés par un échec en 2012 et les négociations en vue d’un
règlement sont retombées au point mort.
3.3. Déclaration
conjointe (2014)
29. En février 2014, les dirigeants
chypriotes grec et turc ont publié une déclaration conjointe qui
précisait davantage le cadre de négociations déjà convenu par l'ONU,
appelant à un règlement négocié sur la base d'une fédération bicommunautaire
et bizonale. Entre autres, la déclaration conjointe réaffirmait
que:
- le règlement serait basé
sur une fédération bicommunautaire et bizonale avec égalité politique,
comme indiqué dans les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité
et les accords de haut niveau;
- une Chypre unie, en tant que membre des Nations Unies
et de l'Union européenne, aurait une personnalité juridique internationale
unique et une souveraineté unique, définie comme la souveraineté dont
jouissent tous les États membres de l'ONU en vertu de la Charte
des Nations Unies et qui émane à parts égales des Chypriotes grecs
et des Chypriotes turcs;
- il y aurait une seule citoyenneté d’une Chypre unie, régie
par la loi fédérale.
30. La déclaration conjointe
a été considérée comme un pas en avant
par une grande partie de la communauté internationale, y compris
par la Grèce et la Türkiye. L’Union européenne a salué la reprise
des négociations et a réaffirmé qu’elle était favorable à un plan
de paix fondé sur des principes reconnus au niveau international.
31. La découverte de ressources en hydrocarbures près de Chypre
en 2014 a ajouté un nouvel élément aux enjeux géopolitiques dans
la région de la Méditerranée orientale. La République de Chypre
a autorisé des multinationales à mener des opérations d’exploration
et d’exploitation dans sa zone économique exclusive (ZEE). Cette
décision a été condamnée par la Türkiye, qui a riposté en envoyant
un navire de guerre surveiller les activités de recherche d’hydrocarbures
en cours dans la ZEE de Chypre. Le Président Anastasiadis a déclaré
que la remise en question de tout développement offshore pourrait
entraîner la fin des pourparlers de paix. En octobre 2014, le Président
Anastasiadis a rompu les pourparlers en refusant de participer à
la suite des négociations à cause des activités illégales turques
dans la ZEE de Chypre.
3.4. Changement
de position de la Türkiye: «Solution à deux États» (2014)
32. L’élection de Recep Tayyip
Erdoğan, devenu Président de la République de Türkiye en 2014, a
été un événement déterminant pour le processus politique sur la
question de Chypre.
33. Le Président Erdoğan a appelé les deux parties à travailler
à la mise en place d’un nouveau partenariat fondé sur une solution
à deux États, qu’il considérait comme le seul moyen d’avancer
. Une solution à deux États pérenniserait
la partition de l’île en légitimant l’indépendance de la partie
nord de Chypre. Depuis l’élection de M. Erdoğan, les responsables
turcs s’attachent de plus en plus à promouvoir la solution à deux États.
3.5. Développements
politiques (2015-2017)
34. En avril 2015, la communauté
chypriote turque a élu un nouveau dirigeant, M. Mustafa Akıncı.
Ce dernier a cherché à s’affranchir de l’indépendance par rapport
à la Türkiye et a été largement considéré comme favorable à la réunification
de l’île.
35. Les dirigeants chypriotes grec et turc se sont engagés dans
une série de mesures de confiance préalables à de nouveaux pourparlers
de paix.
36. En juin 2017, le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres,
a annoncé un «cadre en six points» inspiré des modèles de réunification
précédents. Les pourparlers de paix menés sous l’égide de l’ONU
à Crans-Montana se sont soldés par un échec en 2017 car les deux
parties n’ont pas réussi à faire converger leurs points de vue sur
les questions essentielles.
3.6. Tentative
de l’ONU de faire reprendre les pourparlers (2018-2020)
37. En juin 2018, le Secrétaire
général de l’ONU, António Guterres, a tenté de faire redémarrer
le processus de paix en nommant une nouvelle conseillère spéciale
sur Chypre, Mme Jane Holl Lute, une diplomate américaine.
En janvier 2019, Mme Lute constatait
une divergence globale entre les deux parties. En janvier 2020,
les consultations étaient de nouveau au point mort
.
38. Le 18 octobre 2020, M. Ersin Tatar était élu à la tête de
la communauté chypriote turque.
4. Réouverture
de Varosha (2020-) et réactions internationales
39. La réouverture de Varosha au
public a été annoncée au cours d’une visite de M. Tatar au Président Erdoğan,
le 6 octobre 2020. Le 9 octobre, des visiteurs civils ont été autorisés
à entrer à Varosha.
40. Le Conseil de sécurité des Nations Unies s’est déclaré «profondément
préoccupé par l’annonce faite à Ankara, le 6 octobre, de l’ouverture
de la côte de Varosha» et a demandé «que l’on revienne sur cette
mesure et que l’on évite toute action unilatérale qui pourrait accroître
les tensions sur l’île»
.
41. Le 13 octobre 2020, la délégation chypriote à l’Assemblée
a adressé une lettre à la présidente de la commission des questions
politiques et de la démocratie, Dame Cheryl Gillan, pour l’avertir
des derniers développements relatifs à Famagouste. Dans sa lettre,
la délégation regrettait l’«ouverture» unilatérale et demandait
à la commission d’examiner la question. À la suite d’un débat tenu
le 15 octobre 2020 au sein de la commission, Dame Cheryl Gillan
a publié une déclaration dans laquelle elle appelait à la reprise
des négociations en conformité avec les résolutions de l’ONU. Elle
précisait que la décision unilatérale d’ouvrir les parties fermées
de Varosha était manifestement contraire aux dispositions des résolutions
internationales sur la question de Chypre.
42. Le 15 novembre 2020, Josep Borrell, Haut Représentant de l’Union
européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité,
a diffusé une déclaration dans laquelle il réaffirmait que l’Union
est attachée à un règlement fondé sur le principe, accepté au niveau
international, d’une fédération bizonale et bicommunautaire et d’une
égalité politique
.
43. Du 27 au 29 avril 2021, les dirigeants chypriotes grec et
turc ont participé à une réunion informelle «5+1» à l'ONU à Genève
sous les auspices du Secrétaire général de l'ONU, visant à relancer
les pourparlers selon le «Cadre en six points» introduit en 2017.
Lors de cette réunion, la Türkiye et le dirigeant chypriote turc auraient
rejeté l’ensemble du cadre de négociation de l’ONU visant à un règlement
fédéral bicommunautaire et bizonal à Chypre. Au lieu de cela, ils
ont exigé la reconnaissance de «l’égalité souveraine» et du «statut politique
international égal» pour les Chypriotes turcs, comme condition de
la reprise des négociations pour une «solution à deux États». Chypre
et la Grèce, qui ont également participé à la réunion de Genève,
aux côtés du Royaume-Uni, ont réitéré que le seul cadre acceptable
pour les négociations était celui des résolutions pertinentes du
Conseil de sécurité de l'ONU, tout en appelant également à un rôle
actif de l'Union européenne à toutes les étapes du processus de
négociation dirigé par l’ONU. Mme Lute
a démissionné de son poste d'envoyée de l'ONU. Le Secrétaire général
de l’ONU, António Guterres, a déclaré qu'il poursuivrait ses efforts pour
la reprise des négociations.
44. Le 20 juillet 2021, le Président de la République de Türkiye
et le dirigeant de la communauté chypriote turque ont, dans une
annonce conjointe, présenté de nouveaux projets visant à poursuivre
la réouverture de Varosha à la population de la partie nord de l’île
.
45. Le 23 juillet 2021, le Président du Conseil de sécurité des
Nations Unies a fait une déclaration pour condamner l’annonce conjointe.
Dans cette déclaration, le Conseil de sécurité demandait que l’on
revienne immédiatement sur les mesures prises et répétait que toute
tentative d’installation à Varosha de personnes autres que ses habitants
légitimes restait «inadmissible»
.
46. L’annonce faite par le Président turc et par le dirigeant
chypriote turc a aussi provoqué une réaction de la part de la Secrétaire
Générale du Conseil de l'Europe, Marija Pejčinović Burić (le 28 juillet 2021).
Dans une déclaration, la Secrétaire Générale a jugé la réouverture
unilatérale très préoccupante et a répété que le Conseil de l'Europe
soutenait les efforts déployés sous l’égide de l’ONU pour faire
avancer les discussions sur un règlement de la question chypriote.
Elle a notamment souligné que les droits humains de tous les Chypriotes
devaient être pleinement respectés sur la base des résolutions pertinentes
de l’ONU et conformément aux garanties prévues par la Convention
européenne des droits de l'homme (STE n° 5).
47. Le 29 juillet 2021, le Conseil de sécurité des Nations Unies
a adopté la Résolution 2587 (2021) en réponse aux faits nouveaux
et a rappelé, entre autres, le statut de Varosha tel que défini
par les résolutions pertinentes des Nations Unies. Cette résolution
réaffirmait le rôle de premier plan revenant à l’ONU pour ce qui est
d’aider les parties à parvenir à un règlement global et durable.
48. Lorsqu’il s’est adressé à l’Assemblée générale des Nations
Unies en septembre 2021, le Président Erdoğan a fait la déclaration
suivante au sujet de Chypre
(traduction non
officielle):
Il n’est possible
de trouver une solution juste et durable à la question de Chypre
que si l’on adopte une approche réaliste et axée sur les résultats.
Le dirigeant de l’une des communautés de l’île, que les
Nations Unies considèrent comme égales, peut s’adresser à vous,
tandis que l’autre dirigeant ne peut pas faire entendre sa voix
à cette tribune, ce qui est injuste.
Pour parvenir à une solution, il est nécessaire de réaffirmer
l’égalité souveraine et l’égal statut international des Chypriotes
turcs, qui sont copropriétaires de l’île.
Nous soutenons la nouvelle vision proposée par les Chypriotes
turcs dans la perspective d’une solution.
J’appelle la communauté internationale à évaluer la proposition
des Chypriotes turcs avec un esprit ouvert et sans préjugés.
49. Le 27 septembre 2021, le Secrétaire général de l’ONU, António
Guterres, a invité les dirigeants des deux communautés chypriotes
à participer à une réunion à New York. Dans des commentaires publics
faits après la réunion, le Président Anastasiadis et le ministre
chypriote des Affaires étrangères, Nikos Christodoulides, ont déclaré
espérer la reprise du processus de négociation d’un règlement, sous
l’égide de l’ONU
, tandis que M. Tatar a de
nouveau plaidé pour une solution à deux États
.
50. Depuis la réunion informelle d'avril 2021 à Genève, la Türkiye
et le dirigeant chypriote turc ont insisté à plusieurs reprises
sur une «solution à deux États» en dehors du cadre de l'ONU et,
selon la partie chypriote grecque, ont tenté d'imposer de nouveaux
faits accomplis à Varosha et dans la zone tampon.
51. Le 19 mai 2022, il a été annoncé que les travaux d'ouverture
de deux fronts de mer supplémentaires de la plage de Varosha étaient
en cours. La partie chypriote turque a publié un communiqué le 21
mai 2022, affirmant que la zone clôturée fait partie de son «territoire»,
sous la «juridiction» exclusive du «gouvernement de la RTCN». En
contradiction avec les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité
de l'ONU, l'annonce a souligné que la partie chypriote turque ne
demanderait l'autorisation d'aucune autre autorité, en particulier
pas de la partie chypriote grecque, concernant les activités à venir
à Varosha.
52. Selon les déclarations faites par le dirigeant chypriote turc
en octobre 2022, la partie chypriote turque a entamé les préparatifs
dans le centre de Varosha pour l'ouverture des bâtiments de l'Autorité
chypriote de l'électricité (AHK), de l'Autorité chypriote des télécommunications
(ATHK/CYTA) et une «épicerie», tout en annonçant également qu'une
partie du quartier Varosha d'«Agios Memnon» allait être remise à
l'usage public.
53. L’adoption de la Résolution 2674 (2023) du Conseil de sécurité
des Nations Unies le 30 janvier 2023, qui, au paragraphe 3, souligne
que «toute nouvelle action unilatérale pourrait entraîner une réponse
de la part du Conseil de sécurité» constitute une étape importante.
Cette position a été réitérée dans la Résolution 2723 (2024).
54. Le 5 janvier 2024, le Secrétaire général de l'ONU, António
Guterres, a annoncé la nomination de María Angela Holguín Cuéllar,
ancienne ministre des Affaires étrangères de Colombie, au poste
d'envoyée personnelle à Chypre, et l'a chargée d'assumer un rôle
de bons offices en son nom pour rechercher des solutions communes
sur la voie à suivre et de le conseiller sur la question chypriote.
5. Résumé
des visites et positions des parties
5.1. Visites
sur place (juin 2022 et mai 2024)
55. Comme indiqué auparavant, en
octobre 2020, la Türkiye et le dirigeant chypriote turc ont annoncé l’ouverture
d’une partie de la zone fermée de Varosha. Le statut de zone militaire
a été révoqué pour cette partie et l’accès autorisé, y compris pour
les touristes.
56. Au cours de ma première visite d’information à Chypre en juin
2022, j’ai pu me rendre sur la partie de Varosha ouverte au public.
J’ai pu constater que les autorités chypriotes turques ont remis
en état l’asphalte sur une petite partie des rues de la zone, et
aménagé deux parties de plage, avec l’installation de chaises longues
et parasols, et de quelques petits commerces. Des travaux de réfection
étaient en cours sur quelques bâtiments municipaux, ainsi que sur
un édifice appartenant à une fondation musulmane. Néanmoins, la
totalité des maisons privées reste dans un état de délabrement total,
ruinées par la guerre, le temps et la nature, et totalement inhabitables.
C’est vraiment un paysage de désolation difficile à voir. J’ai également
pu observer une quantité assez importante de touristes se déplaçant
à l’intérieur de la zone.
57. Lors de ma deuxième visite à Varosha en mai 2024, nous avons
été conduits au-delà de la zone ouverte au public, plus au sud de
la partie visitée en 2022. J’ai constaté qu’il n’y avait pas de
travaux en cours, ni sur les routes ni sur les bâtiments privés
et les hôtels situés dans cette zone; nous avons également constaté
que les édifices hôteliers étaient sous le contrôle permanent des
vigiles, et les portes d’entrée mises sous scellés. Selon les informations
qui nous ont été fournies, les équipes des forces des Nations Unies
à Chypre vérifient ces scellés chaque semaine. Il y avait également
de nombreux touristes en visite dans la zone ouverte de Varosha,
en groupe et individuels.
58. Il faut dire que les anciens habitants chypriotes grecs de
la ville refusent d’abandonner l’espoir de retrouver un jour leurs
maisons et terrains. Ils sont regroupés autour d’une «municipalité
en exil» et votent régulièrement pour élire leur maire et le conseil
municipal que j’ai pu rencontrer à la veille de la visite à Varosha. Selon
leurs informations, quelque 35 000 personnes participent à cette
élection, y compris, de plus en plus, les descendants de ceux qui
ont dû fuir en 1974. C’est à ces personnes que le titre de mon rapport
fait référence. Car au-delà du problème politique de fond, c’est-à-dire
la division de Chypre que la communauté internationale cherche en
vain à résoudre depuis bientôt 50 ans, il y a également, en termes
pratiques, les problèmes personnels des Chypriotes chassés de leurs
maisons et incapables de jouir de l’usage de leurs propriétés.
59. En avril 2024, j’ai rencontré le Maire en exil de la municipalité
de Famagouste, M. Simos Ioannou, en marge de la session de l’Assemblée
à Strasbourg. Suite à cette rencontre, j’ai décidé d’organiser,
lors de ma visite à Chypre en mai 2024, une réunion jointe en présence
de M. Ioannou et de M. Süleyman Uluçay, Maire de la municipalite
chypriote turque de Gazimağusa (nom turc de Famagouste). Cette réunion
a eu lieu le 15 mai 2024 sous les auspices de l’Ambassade italienne
à Nicosie et a été très productive. Messieurs Ioannou et Uluçay
ont discuté des projets communs à mettre en œuvre, par exemple pour
faire une étude de faisabilité concernant la rénovation des infrastructures
de Varosha en attendant une éventuelle réunification de la ville. J’appelle
les autorités politiques des deux communautés chypriotes à soutenir
et encourager de tels projets qui favorisent la confiance mutuelle
et servent à faire avancer la cause de la réunification de Chypre.
60. La Cour européenne des droits de l’homme a été saisie par
plusieurs Chypriotes et a condamné à plusieurs reprises la Türkiye
pour violation, entre autres, de l’Article 1 du Protocole additionnel
à la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 9) relatif
à la propriété privée.
61. Depuis, suite notamment à l’arrêt de la Cour dans l’affaire Xenides-Arestis c. Turquie, les
autorités turques ont mis en place, dans la partie nord de Chypre,
la Commission des biens immobiliers (CBI) comme un recours interne
pour les réclamations relatives à des propriétés abandonnées dans
le nord de Chypre. La CBI est censée examiner les demandes de restitution,
d'indemnisation et/ou d'échange au titre des propriétés appartenant
aux Chypriotes grecs et situés dans l’ensemble de la partie nord
de l’île.
62. D’après les informations qui m’ont été fournies par sa Présidente
en juin 2022, la CBI avait reçu à cette date plus de 7 120 demandes
dont quelque 460 cas relatifs à Varosha. Quelques 1 370 cas étaient
clos dont la plupart via un accord à l’amiable avec paiement d’une
indemnisation.
63. Selon les informations qui m’ont été communiquées au cours
de ma deuxième visite et disponibles sur le site de la CBI
, au 13 mai 2024, 7 591 demandes avaient
été déposées auprès de la CBI et 1 766 d'entre elles avaient été
conclues. La CBI a alloué 444 884 746 GBP aux requérants à titre
de compensation. En outre, elle a statué sur l'échange et l'indemnisation
dans 2 cas, sur la restitution dans 5 cas et sur la restitution
et l'indemnisation dans 8 cas. Dans un cas, elle a rendu une décision
de restitution après le règlement de la question chypriote, et dans
un cas, elle a statué sur une restitution partielle. Il est à noter
que 513 cas concernent Varosha, dont 41 relatifs aux propriétés
situées dans la zone ouverte. Cependant, aucun cas de Varosha n’a
été conclu à ce jour.
64. La grande majorité de Chypriotes grecs semblent réticents
à recourir à ce mécanisme – bien qu’il soit reconnu par la Cour
européenne des droits de l’homme – car ils y voient là, une reconnaissance
de l’autorité chypriote turque sur les parties occupées de Chypre.
Ils estiment que seule la solution politique, globale ou partielle,
du problème de Chypre peut leur donner satisfaction, et créer les
conditions pour le retour dans les villes et villages qu’ils ont
dû abandonner en 1974, y compris à Famagouste/Varosha.
65. Cependant, le temps qui passe éloigne de plus en plus la perspective
d’un règlement négocié, et ne fait que cimenter la partition de facto de Chypre. C’est pourquoi
j’ai beaucoup insisté, auprès de mes interlocuteurs de part et d’autre
de la «ligne verte», sur la nécessité absolue d’intensifier le processus
politique et, en même temps, de chercher à construire des liens
de confiance entre les deux communautés.
5.2. Position
chypriote grecque
66. Tout au long de mes entretiens
avec les autorités et représentants politiques chypriotes grecs,
tous mes interlocuteurs ont fait valoir leur ferme attachement à
voir le problème de Varosha réglé en conformité avec les résolutions
pertinentes des Nations Unies sur ce sujet, notamment les résolutions
550 (1984) et 789 (1992) du Conseil de sécurité. En même temps,
ils ont exprimé la crainte que le refus de leurs compatriotes chypriotes turcs
et de la Türkiye de mettre en œuvre ces résolutions de base, ainsi
que la tactique de «faits accomplis» sur le terrain, tels que l’ouverture
de la zone clôturée de Varosha, ne soient des démarches pour accélérer
la partition définitive de l’île – ce qui est, il faut le reconnaitre,
l’objectif déclaré de la Türkiye et du dirigeant chypriote turc,
M. Ersin Tatar avec le concept de «deux États».
67. La mise en œuvre des résolutions 550 et 789 et le placement
de Varosha sous l’administration des Nations Unies pourrait, selon
la partie chypriote grecque, jouer le rôle de «game changer» capable de déclencher
une dynamique positive dans le processus politique de règlement
global sur Chypre. Plusieurs propositions de mesure de confiance
ont été avancées de leur côté à cet effet.
68. En revanche, la poursuite de la tactique de «faits accomplis»
à Varosha risque d’anéantir toutes les chances d’une solution négociée
sur Chypre.
69. Par souci de précision, je citerai ci-après l’extrait d’une
lettre relative à la question de propriété à Varosha qui m’a été
adressée par M. Nicos Tornaritis, président de la délégation de
Chypre à l’Assemblée, le 5 mai 2023:
Je
voudrais exprimer ma préoccupation face aux récentes déclarations
de représentants du régime d'occupation illégale de Chypre concernant
la prétendue vente de propriétés chypriotes grecques à Famagouste,
affirmant qu'après les travaux de rénovation nécessaires, celles-ci
seront opérationnelles et ouvertes aux réservations touristiques
d'ici 2025.
Comme vous le savez déjà, la «ville fantôme» de Famagouste
reste inhabitée depuis l’invasion turque de Chypre en 1974. Les
résolutions pertinentes du Conseil de sécurité de l'ONU considèrent
comme inadmissibles les tentatives de colonisation d'une partie
quelconque de Varosha par des personnes autres que ses habitants
et appellent au transfert de la zone sous administration de l'ONU.
Cependant, jusqu’à présent, la Türkiye viole le droit international,
défiant les appels répétés de la communauté internationale à respecter
ses obligations juridiques internationales. Au lieu de cela, la
Türkiye, à travers son régime subordonné illégal dans les territoires
occupés, procède désormais à l’ouverture progressive de la zone
côtière au tourisme et aux investissements étrangers. En fait, la
Türkiye profite de la «Commission des biens immobiliers» (CBI) pour
usurper les propriétés chypriotes grecques à Famagouste et ailleurs,
conformément à ses revendications expansionnistes et partitionnistes. Cependant,
l'efficacité de l’«CBI» est contestée pour plusieurs motifs, notamment
la nature du recours qu'elle offre, son manque d'indépendance et
d'impartialité et l'insuffisance des niveaux d'indemnisation offerts
par rapport à la valeur marchande des propriétés.
La communauté internationale ne peut rester inactive face
à ces évolutions, car la question immobilière constitue un aspect
crucial du problème chypriote. Les tentatives de la Türkiye visant
à créer de nouveaux faits accomplis sur le terrain doivent être
abordées avec plus de détermination de la part de la communauté
internationale, au-delà des condamnations verbales. La Türkiye doit
être tenue responsable et supporter les conséquences de ses actes
illégaux et de son intransigeance qui compromettent gravement les
perspectives de réunification de l’île. Je suis convaincu que votre
rapport sur Famagouste enverra ce message clair à la Türkiye.
70. Par ailleurs, je tiens à citer également la lettre qui m’a
été envoyée par la Municipalité de Famagouste le 15 mars 2024 présentant
les positions de celle-ci, à la fois sur Varosha et sur le règlement
global du problème chypriote, qui sont en ligne avec le Gouvernement
de Chypre:
La municipalité de
Famagouste réitère son appel pour:
- La cessation immédiate de toutes les activités unilatérales
déplorables qui modifient le statu quo temporaire de Varosha en
violation des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des
Nations Unies 550 (1984) et 789 (1992) et cherchent à préparer la
zone à sa colonisation illégale.
- Le retour à Varosha de ses habitants légitimes suite
au transfert sans équivoque de la zone clôturée sous le contrôle
de la Force de maintien de la paix des Nations Unies à Chypre, comme
prescrit dans les résolutions susmentionnées.
- La fin de toutes les activités illégales turques qui
accroissent les tensions sur et autour de l'île, créent un nouveau
fait accompli partitionniste, modifient l'équilibre démographique
sur l'île et compromettent les perspectives de reprise de négociations
directes significatives, qui constituent la seule voie disponible
pour la réunification de Chypre et de son peuple.
- La reprise immédiate de négociations substantielles
sur la base de la solution convenue d'une fédération bicommunautaire
bizonale avec une personnalité juridique internationale unique,
une souveraineté et une citoyenneté uniques, ainsi que sur l'égalité
politique entre les deux communautés, telle que définie par les
résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations Unies,
et à partir du moment où elles se sont arrêtées à Crans Montana
en 2017; donc, sur la base de la Déclaration commune des deux dirigeants
de 2014, de son Cadre en Six Points du 30 juin 2017 et des convergences atteintes
à la fin de la Conférence.
L'occupation militaire illégale de Chypre par la Türkiye
depuis cinquante ans est inacceptable et doit immédiatement prendre
fin. Les événements négatifs récents et croissants à Varosha, la
partie clôturée de Famagouste, sont extrêmement alarmants et prouvent
une fois de plus que le statu quo actuel n’est pas durable.
La municipalité de Famagouste souhaite souligner la grande
valeur du soutien de la communauté internationale pour persuader
la Türkiye d'abandonner et de mettre fin à ses activités illégales
et de s'engager à reprendre des négociations significatives visant
à un règlement global du problème chypriote décrit ci-dessus. C’est
la seule manière d’avancer pour garantir la paix et la stabilité
à Chypre et dans la région environnante.
71. Au cours de ma deuxième visite à Chypre, j’ai eu le privilège
de rencontrer le Président Nikos Christodoulides à deux reprises
et il m’a expliqué en détail sa position sur le problème global
de règlement chypriote, y compris la question de Varosha qui revêt
une importance symbolique pour les Chypriotes grecs. Les autorités
de Chypre font preuve d’ouverture pour recommencer le processus
politique de règlement et ont proposé tout un paquet de mesures
de confiance envers les Chypriotes turcs. Elles sont prêtes à aller
plus loin, en particulier pour ouvrir des passages supplémentaires
entre les deux communautés, dont un spécifiquement réservé au commerce.
5.3. Position
chypriote turque
72. Lors de mes entretiens avec
des représentants chypriotes turcs au cours de la visite et ultérieurement, j’ai
constaté qu’il y avait quelques divergences de vues au sujet de
la solution globale du problème chypriote. L’actuel dirigeant chypriote
turc, M. Ersin Tatar, s’est prononcé résolument en faveur de «deux
États» et était opposé à la reprise des efforts pour trouver la
solution dans le cadre des paramètres précédemment convenus, c’est
à dire les résolutions des Nations Unies, le Plan Annan, la Déclaration
commune des deux dirigeants de 2014 et du Cadre en Six Points de
2017. Il a insisté sur la reconnaissance de «l’égalité souveraine»
et du «statut politique international égal» pour les Chypriotes
turcs, comme condition de la reprise des négociations pour une «solution
à deux États».
73. Les représentants des partis de la majorité étaient sur la
même ligne; l’opposition avait une position plus nuancée et voyait
la possibilité de reprendre le processus politique sur la base des
paramètres convenus précédemment.
74. Cependant, sur la question spécifique de Varosha, le fait
que cette question ne pourrait être réglée préalablement et en dehors
de la solution globale fait un large consensus. Mes interlocuteurs
ont souligné que le transfert de Varosha aux Chypriotes grecs avait
été prévu dans le cadre de tous les projets précédents de règlement
global du problème chypriote élaborés par les Nations Unies et mis
en échec par la partie chypriote grecque.
75. Par ailleurs, mes interlocuteurs ont également mis l’accent
sur les deux points suivants:
- La
grande partie des terrains à Varosha, comme ailleurs à Chypre, avait
fait partie de la propriété des «fondations ottomanes», le transfert
de propriété aux Chypriotes grecs par les Britanniques n’avait pas été
légitime.
- La Commission des biens immobiliers est la voie à suivre
pour les Chypriotes grecs qui souhaitent récupérer leurs biens ou
obtenir compensation.
76. Comme dans la section ci-dessus, je citerai les extraits de
la lettre que M. Özdemir Berova, ancien représentant de la communauté
chypriote turque auprès de notre Assemblée, m’a envoyée le 10 novembre 2022:
Maraş est une zone située sous
la pleine souveraineté de la RTCN et les mesures prises par la RTCN dans
la zone clôturée de Maraş ne portent pas atteinte aux droits de
propriété individuels … la zone clôturée de Maraş est devenue un
symbole majeur du statu quo sur l’île. Le rejet par la partie chypriote grecque
de tous les projets de l'ONU visant à un accord global, ainsi que
de toutes les mesures de confiance concernant, entre autres, la
zone clôturée de Maraş, a laissé la zone sans surveillance pendant
de nombreuses années. Il est indéniable que laisser la zone clôturée
de Maraş fermée dans son état actuel n’est dans l’intérêt de personne.
Par conséquent, en juillet 2021, le gouvernement de la
RTCN a levé le statut de zone militaire d’une zone pilote, qui correspond
à 3,4 % de la zone clôturée de Maraş. Le but de cette décision était
de permettre à la Commission des biens immobiliers (CBI) de traiter
les demandes de propriété, ce qui n'était auparavant pas possible
en raison du statut de zone militaire de la zone …
Comme on le sait, la CBI a été créée en 2005 par nos autorités
pour évaluer les revendications immobilières du peuple chypriote
grec, et a été acceptée comme recours interne effectif par la CEDH dans
l'affaire Demopoulos en 2010, suivie de ses arrêts ultérieurs. Le
22 septembre 2022, le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe
… a clôturé la supervision de l'exécution de l'arrêt dans l'affaire Loizidou
et a, une fois de plus, réaffirmé l'efficacité de la CBI. Selon
cette décision, les recours d'indemnisation et d'échange conformément
à la loi CBI sont aussi valables et efficaces que le recours en
restitution. Ainsi, l'efficacité des recours d'indemnisation et
d'échange pour les réclamations de propriété a été une fois de plus
réaffirmée …
Comme troisième point, qui concerne la «solution globale»,
je voudrais faire référence à une citation célèbre: «faire la même
chose encore et encore et espérer le même résultat». En 2017, le
conflit chypriote vieux de plusieurs décennies et les négociations
de 50 ans pour le résoudre ont atteint une fin historique à Crans
Montana. Cela est dû à l'incapacité de la partie chypriote grecque
à démontrer la volonté politique nécessaire pour résoudre le problème
sur la base d'une fédération bicommunautaire, bizonale, avec égalité
politique et un nouveau partenariat …
Après l’échec des efforts déployés pour y parvenir au
moyen d’un partenariat fédéral, nous devons maintenant orienter
nos efforts vers la recherche de moyens nouveaux et réalistes de
promouvoir le respect mutuel et la coexistence pacifique en tant
que bons voisins. C’est à la fois notre vision et notre responsabilité
envers les générations futures …
Au lendemain de la conférence de Crans Montana, le Secrétaire
général de l'ONU a pris une nouvelle initiative pour lancer un exercice
avec le mandat visant à rapprocher les deux parties, et un nouveau chapitre
dans le problème chypriote a été ouvert. Conformément aux appels
des secrétaires généraux de l'ONU aux deux côtés, à «sortir des
sentiers battus» et à faire en sorte que «ce moment [soit] différent»,
la partie chypriote turque a présenté sa nouvelle vision lors de
la réunion informelle des 5+ONU en 2021 … M. Ersin Tatar a expliqué
en détail pourquoi le modèle fédéral n'avait pas réussi à apporter
une solution à la question chypriote au cours des 50 dernières années,
et a souligné que l'égalité souveraine et le statut international
égal du peuple chypriote turc devaient d'abord être réaffirmés,
puis les deux États pourraient lancer des négociations pour établir
une relation de coopération.
77. Lors de ma deuxième visite à Chypre en mai 2024, j’ai eu le
privilège de rencontrer à nouveau M. Tatar qui a réitéré son attitude
sur le dossier de Varosha, qui consiste à affirmer que cette question
ne peut être résolue que dans le cadre d’un règlement global du
problème chypriote. Par ailleurs, M. Tatar a de nouveau insisté
sur les conditions préalables nécessaires pour la reprise des négociations
sur le problème de Chypre, à savoir la souveraineté égale des deux
parties et la levée des blocages dont fait l’objet la partie chypriote turque,
y compris en matière de commerce direct, des voyages internationaux
directs et des contacts au niveau international. Enfin, M. Tatar
a qualifié les mesures de confiance proposées par les autorités
de la République de Chypre comme insuffisantes et n’ayant aucun
impact positif sur la situation des Chypriotes turcs.
78. J’ai également reçu des commentaires écrits de la partie chypriote
turque à la version précédente de l’avant-projet de mon rapport
distribué au cours de la réunion de la commission des questions
politiques et de la démocratie en avril 2024, et j’en suis reconnaissant
à nos collègues chypriotes turcs. J’ai repris quelques-uns de ces
commentaires dans la présente version. Cependant, j’ai décidé de
ne pas citer ces commentaires en entier pour garder l’équilibre
général du rapport.
5.4. Position
de la Grèce
79. La Grèce soutient pleinement
les efforts menés par l'ONU pour parvenir à un règlement mutuellement convenu
sur la base des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité de
l'ONU. Elle estime que les négociations doivent reprendre le plus
tôt possible, là où elles ont été interrompues à Crans Montana,
dans le cadre de l'ONU et conformément aux résolutions pertinentes
du Conseil de sécurité de l'ONU, qui appellent à une fédération
bizonale et bicommunautaire, avec égalité politique mais une souveraineté,
une personnalité internationale et une citoyenneté uniques.
80. Les représentants grecs ont fait valoir que la restitution
de la ville clôturée de Varosha à ses habitants légitimes a été
considérée comme une priorité par la communauté internationale,
sans être liée au règlement de la question chypriote. Selon eux,
la restitution de Varosha est considéré depuis des décennies par
les Chypriotes grecs et la communauté internationale comme une condition sine qua non absolue pour un règlement
mutuellement acceptable du problème chypriote. Ils ont rappelé que
cette restitution a été convenue pour la première fois lors de l'accord
de haut niveau de 1979 entre les dirigeants des deux communautés (Kyprianou
– Denktas) et prévue par les résolutions 550 (1984) et 789 (1992)
du Conseil de sécurité de l'ONU. Les gouvernements chypriotes successifs
(2004, 2010, 2013, 2020, 2022) ont soumis des propositions concrètes,
comme mesures de confiance, pour le retour de Varosha, offrant en
échange des concessions concernant le fonctionnement du port de
Famagouste et de l'aéroport de Tymbou dans les zones occupées.
81. Selon Athènes, la Türkiye et les dirigeants chypriotes turcs
se sont activement engagés, ces dernières années, dans une campagne
promotionnelle visant à modifier le cadre convenu des négociations
pour une solution à la question chypriote. Un élément clé de cet
effort est la tentative de changer le statut de Varosha, avec l'ouverture
progressive de la «zone clôturée». Il s’agit d’une stratégie planifiée
de longue date, initiée en 2020 et progressivement mise en œuvre
depuis lors. En ouvrant progressivement Varosha, la Türkiye et les dirigeants
chypriotes turcs testent les réactions internationales. À moins
qu’il ne soit effectivement inversé, le même scénario pourrait être
reproduit dans d’autres parties de la zone clôturée. Si la Türkiye
installe illégalement une population autre que les habitants légaux
dans la ville clôturée, aucune solution convenue à la question chypriote
ne sera plus possible, en raison du profond poids matériel et émotionnel
de Varosha pour les Chypriotes grecs.
5.5. Position
de la Türkiye
82. La plupart des interlocuteurs
que j’ai rencontrés à Ankara sont d’avis que le problème de Varosha
ne peut être résolu en l’absence d’une solution globale de la question
chypriote. S’agissant de cette dernière, ils maintiennent qu’elle
a commencé au début des années 1960 avec des problèmes juridiques
et administratifs, l'expulsion des Chypriotes turcs des organes
et institutions de l'État partenaire ainsi que de leurs foyers,
et les violations flagrantes de la Constitution de la République
partenaire et des droits inhérents du peuple chypriote turc. Selon
eux, de 1963 à 1974, les Chypriotes grecs ont mené une campagne
armée de nettoyage ethnique contre les Chypriotes turcs. Des centaines
de Chypriotes turcs auraient été victimes de ces attaques commises par
les Chypriotes grecs.
83. Dans ce contexte, ils se réfèrent à la Résolution 573 (1974)
de
l’Assemblée, condamnant le coup d'État chypriote grec et reconnaissant
explicitement que la Türkiye avait exercé son droit d'intervention conformément
à l'article 4 du traité de garantie de 1960.
84. La Türkiye affirme que, tout au long de l’histoire, ce sont
toujours les Chypriotes grecs qui ont rejeté toutes les solutions
proposées à la question chypriote. Pour cette raison, la partie
chypriote turque, consciente du fait qu'une fédération qui a échoué
en 1963 ou une confédération n'est plus une option viable, prône
une solution à deux États coexistant côte à côte, sur la base des
principes d’égalité souveraine et favorisant la coopération entre
eux.
85. Plus généralement, les interlocuteurs turcs affirment ne plus
avoir confiance dans les Nations Unies et les efforts entrepris
par plusieurs de leurs émissaires. Le récent incident à Pyla est
cité comme le plus récent exemple du parti pris de l’ONU. Les propositions
de faire passer Varosha sous contrôle des Nations Unies comme demandé
par les résolutions 550 et 789 du Conseil de sécurité sont rejetées.
86. L’Union européenne n’inspire pas non plus confiance. L’épisode
de 2004 est particulièrement marquant et est considéré comme une
injustice: la communauté chypriote turque a été pénalisée malgré
son vote en faveur du Plan Annan, alors que la partie chypriote
grecque qui l’a rejeté a été gratifiée par l’adhésion à l’Union.
87. S’agissant de Varosha, la Türkiye maintient qu’il n'y a eu
aucune violation des droits de propriété individuels avec la levée
du statut de zone militaire à Varosha et son ouverture au public.
Ces droits restent protégés et toutes les mesures sont prises avec
un engagement à les respecter. De plus, la CBI, reconnue par la
Cour européenne des droits de l'homme comme un recours interne efficace,
traite activement les questions liées à la propriété. A ce propos,
la Türkiye se réfère aux arrêts de la Cour
et
aux documents du Comité des ministres pertinents
. En conséquence, toutes les questions relatives
à la propriété devraient être résolues par le recours à la CBI.
88. Finalement, il a été évoqué, à plusieurs reprises, que presque
tous les terrains de la région de Varosha appartiennent à des fondations
ottomanes. Cependant, ces propriétés ont été attribuées aux Grecs
et aux Britanniques pendant la domination britannique de courte
durée sur l'île, en violation des dispositions légales régissant
les propriétés des fondations.
5.6. Position
des Nations Unies
89. Les Nations Unies rappellent
régulièrement la position sur Varosha contenue dans les résolutions pertinentes.
Ainsi, dans son dernier rapport
au
Conseil de sécurité présenté en janvier 2024, le Secrétaire général
a de nouveau exprimé sa préoccupation face à l’évolution de la situation
dans la zone clôturée de Varosha et a noté que la position de l’ONU
reste inchangée à cet égard. Il a rappelé les décisions du Conseil de
sécurité sur la question, notamment les résolutions 550 (1984) et
789 (1992), et a insisté sur l’importance de respecter pleinement
les dispositions de ces résolutions.
90. Dans la Résolution 2723 adoptée le 30 janvier 2024, le Conseil
de sécurité «rappelle le statut
de Varosha, tel que défini dans les résolutions pertinentes, dont
les résolutions 550 (1984) et 789 (1992), ainsi que la déclaration
de son Président (S/PRST/2021/13), qui condamne l’annonce faite
le 20 juillet 2021 par les dirigeants turcs et les dirigeants chypriotes
turcs de la réouverture d’une partie de la zone clôturée de Varosha; déplore vivement que des mesures
unilatérales contraires à ses résolutions et déclarations précédentes
sur Varosha continuent d’être prises et demande que
l’on revienne immédiatement sur ces mesures et sur toutes celles
qui ont été prises concernant Varosha depuis octobre 2020; regrette profondément qu’il ne soit
toujours pas tenu compte de cette demande; met
en garde contre tout nouvel acte contraire à ces résolutions concernant
Varosha; insiste sur le fait
que toute nouvelle mesure unilatérale pourrait entraîner une réponse
de sa part; et souligne une
fois de plus qu’il importe d’éviter tout acte unilatéral susceptible
d’accroître les tensions sur l’île et de compromettre les perspectives
d’un règlement pacifique.»
91. Ma deuxième visite à Chypre en mai 2024 a coïncidé avec la
visite sur l’île de Mme María Angela
Holguin Cuéllar, envoyée personnelle du Secrétaire général des Nations
Unies désignée à cette fonction le 5 janvier 2024. Malheureusement,
il n’a pas été possible d’organiser une réunion avec Mme Holguin
à cause de nos agendas respectifs très chargés. Cependant, les échos
de sa visite dont j’ai été informé ne sont pas optimistes et le
blocage dans le processus politique semble toujours persister.
5.7. Position
de l’Union européenne
92. L’Union européenne se prononce
à différents niveaux, constamment et sans ambiguïté en faveur du règlement
de la question chypriote en conformité avec les paramètres de base
définis par les résolutions et autres documents pertinents des Nations
Unies. Elle a la même approche en ce qui concerne le cas spécifique de
Varosha.
93. La dernière Communication conjointe
sur l’état des relations
entre l’Union européenne et la Türkiye comporte une partie sur la
question chypriote. En voici un extrait:
L’UE reste fermement attachée à un règlement global de
la question chypriote, dans le cadre des Nations unies et conformément
à l’acquis de l’UE ainsi qu’aux principes sur lesquels elle est
fondée. L’UE a appelé de ses vœux, en dernier lieu dans les conclusions
du Conseil européen de juin 2023, la reprise rapide des négociations
et s’est déclarée prête à jouer un rôle actif de soutien à toutes
les étapes du processus mené sous l’égide des Nations unies ainsi
qu’à intensifier son aide sur le plan pratique pour faciliter un
règlement global, en utilisant tous les moyens appropriés à sa disposition.
La mobilisation et le soutien de l’UE en faveur du règlement de
la question chypriote sont indispensables pour réduire les tensions
dans la région. En outre, l’UE n’a cessé d’exprimer son soutien
à l’Organisation des Nations unies dans les nouveaux efforts qu’elle
déploie pour inciter les parties à s’asseoir à la table des négociations
et, à cet égard, à l’appel à nommer un envoyé des Nations unies.
L’UE est prête à appuyer le processus des Nations unies.
94. Répondant à une question de l'Agence de presse chypriote sur
la position de l'Union européenne concernant Varosha, en mai 2022,
le porte-parole de la Commission européenne, Stefan De Keersmaecker, a
déclaré
: «Nous continuons à nous laisser
guider par les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité de l'ONU
concernant Varosha, qui considèrent les tentatives de d’installer
dans une partie quelconque de la ville des personnes autres que
ses habitants comme inadmissibles, et demandent le transfert de
cette zone à l'administration des Nations Unies. Aucune action ne
doit être menée en relation avec Varosha qui ne soit conforme à
ces résolutions.»
95. Pour sa part, le Parlement européen a adopté en novembre 2020
la résolution «Escalade des tensions à Varosia à la suite des mesures
illégales prises par la Türkiye et nécessité de rouvrir les pourparlers
de toute urgence»
dans laquelle il a condamné
«les activités illégales de la Türkiye à Varosia, notamment sa «réouverture»
partielle». Le Parlement européen souligne que la création d’un
nouveau fait accompli sape la confiance mutuelle et la perspective
d’une résolution globale du problème de Chypre, en altérant de façon négative
la situation sur le terrain, en exacerbant les divisions et en ancrant
la partition permanente de Chypre, et met en garde contre toute
modification du
statu quo à
Varosia en contravention des résolutions susmentionnées du Conseil
de sécurité de l’ONU. De plus, le Parlement s’inquiète de la possibilité
que l’«ouverture» illégale de Varosia vise à modifier le statut
de la propriété immobilière dans cette région, ce qui compromettrait
les perspectives de retour de Varosia tel que prescrit par les résolutions
pertinentes du Conseil de sécurité de l’ONU ou dans le cadre d’une
résolution globale du problème de Chypre. Il prie instamment la Türkiye
de s’abstenir d’installer illégalement des personnes autres que
les résidents légitimes à Varosha ou de demander à ces derniers
de réinvestir leur foyer sous occupation militaire.
6. Conclusions
96. La question spécifique de Varosha
est un aspect de la question générale de Chypre, qui, au bout de presque
50 ans, n’est toujours pas réglée, malgré les efforts importants
et répétés de la communauté internationale.
97. L’ouverture partielle de la zone clôturée de Varosha qui constitue
une violation grave des résolutions du Conseil de sécurité des Nations
Unies est le signe d’un changement majeur de la position de la Türkiye
sur Chypre et sape les chances de parvenir à un règlement global
de la question chypriote, fondé sur les principes reconnus qui sont
énoncés dans les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité
des Nations Unies.
98. Dans le même temps, le cas spécifique de Varosha affecte directement
les droits de ses habitants légitimes, ainsi que cela est souligné
à juste titre dans la proposition à l’origine de ce rapport.
99. Pour résumer, pour la restitution de Varosha à ses habitants
légitimes, il faut:
- soit une
solution négociée globale du problème de Chypre conforme aux documents
pertinents des Nations Unies;
- soit une solution partielle, par exemple la mise en œuvre
des résolutions 550 et 789 du Conseil de sécurité qui placerait
Varosha sous l’administration des Nations Unies;
- soit une solution dans le cadre de la mise en œuvre d’un
ensemble de mesures de confiance réciproques au bénéfice des deux
communautés chypriotes et des autres acteurs impliqués, qui comprendraient,
entre autres, la mise en œuvre des résolutions 550 et 789 du Conseil
de sécurité des Nations Unies et la mise en œuvre effective du retour
de Varosha à ses habitants légitimes.
100. Dans tous les cas, le rôle de la Türkiye est essentiel. Or,
pour l’heure, la Türkiye ne montre aucune volonté de se conformer
à ces résolutions, voire prend des démarches dans le sens opposé
en insistant sur la solution à deux États.
101. J’appelle toutes les parties concernées à contribuer à la
reprise rapide du processus politique et à s'abstenir de toute mesure
unilatérale ou déclaration publique qui pourrait en compromettre
les perspectives.
102. J’appelle également toutes les parties concernées à concevoir
et mettre en œuvre un ensemble de mesures de confiance réciproques
au bénéfice des deux communautés chypriotes et des autres acteurs impliqués,
qui comprendraient, entre autres, la mise en œuvre des résolutions
550 et 789 du Conseil de sécurité des Nations Unies et la mise en
œuvre effective du retour de Varosha à ses habitants légitimes.
103. Je salue toutes les initiatives visant à instaurer la confiance
entre les communautés chypriote grecque et chypriote turque, telles
que le dialogue direct et les projets pratiques de coopération bicommunautaire
au niveau des municipalités, des partis politiques, des chefs religieux,
du monde universitaire, des organisations de la société civile,
de la jeunesse, etc.
104. Je félicite particulièrement les deux municipalités de Famagouste/Gazimağusa
pour avoir établi un dialogue constructif et tourné vers l'avenir
et les encourage à développer des projets bicommunautaires communs
visant à préparer Famagouste, y compris Varosha, à un avenir commun
après l'éventuelle solution de la question chypriote. J’appelle
les dirigeants politiques des deux communautés à faciliter et à
soutenir de tels projets.
105. Je salue également le dialogue direct entre les représentants
des partis politiques chypriotes grecs et chypriotes turcs sous
les auspices de l'ambassade de la République slovaque et j’encourage
toutes les forces politiques des deux côtés à utiliser activement
cette opportunité pour construire une compréhension mutuelle et
dissiper la méfiance.
106. Enfin, j’appelle les dirigeants des deux communautés à reprendre
leurs réunions et leur dialogue sur des questions pratiques dans
l'intérêt de tous les Chypriotes, et à se réengager dans un processus
politique sous les auspices et avec les bons services du Secrétaire
général des Nations Unies.