1. Introduction
1. Alors que l’Europe du XXIe siècle
est confrontée à une guerre d’agression à grande échelle, notre continent
continue de faire face aux conséquences des conflits passés, et
en particulier aux effets de ce que l’on appelle communément les
munitions explosives non explosées
. Le nombre incalculable d’armes explosives
disséminées en Europe au cours des guerres successives du siècle
dernier a eu des conséquences humanitaires tragiques à long terme,
en particulier sur les populations civiles. Comme l’a souligné le
Conseil de sécurité des Nations Unies en 2022, ces dernières représentent
près de 90% des victimes de guerre
.
2. Comme le souligne la proposition de résolution sur le même
sujet
,
il existe une corrélation directe entre le déploiement d’armes explosives
et l’afflux de réfugiés. L’utilisation d’armes explosives a des
conséquences tragiques sur les populations civiles, en particulier
dans les zones peuplées. Au-delà de la question inacceptable des
victimes civiles, l’utilisation d’armes explosives entraîne d’importants
déplacements de population, à l’intérieur d’un pays donné ou à l’étranger.
Le conflit en Ukraine démontre une fois de plus les conséquences
tragiques d’un conflit sur les populations civiles: blessé·es, pertes
en vies humaines et déplacements massifs. Les belligérants indifférents
prennent trop souvent pour cible des zones militaires et civiles.
L’utilisation d’armes explosives oblige les populations à fuir leurs
foyers, ce qui a des effets tragiques, préjudiciables et à long
terme sur les populations et les territoires.
3. Le Rapport semestriel du Haut Commissariat des Nations Unies
pour les réfugiés (HCR) sur les tendances mondiales indique qu’«[à]
la fin du mois de juin 2023, 110 millions de personnes dans le monde étaient
déracinées en raison de persécutions, de conflits, de violences,
de violations des droits humains et d’événements troublant gravement
l’ordre public»
. Le HCR souligne également que plus
de la moitié des personnes ayant besoin d’une protection internationale
venaient de trois pays seulement: la Syrie (6,5 millions), l’Afghanistan
(6,1 millions) et l’Ukraine (5,9 millions).
4. L’utilisation d’armes explosives en milieu urbain conduit
à la destruction de biens civils et a un impact sur les services
essentiels, favorisant également les déplacements forcés. À long
terme, ces facteurs ont des effets durables sur les populations
civiles, que ce soient des effets physiques, mentaux ou psychosociaux.
Les conflits ont également d’autres conséquences à long terme sur
les territoires, notamment la contamination des sols par les mines
terrestres et les munitions non explosées, entraînant des dommages
environnementaux pendant des décennies.
5. Comment faire pour désamorcer la bombe à retardement que sont
les munitions non explosées afin de permettre le retour en toute
sécurité des populations déplacées après un conflit?
6. La question qui se pose est la suivante: que peut recommander
le Conseil de l’Europe, et plus particulièrement son Assemblée parlementaire,
aux États membres pour assurer un retour volontaire, sûr, digne
et durable des populations civiles déplacées de force? Le Conseil
de l’Europe ne saurait se substituer à l’ONU ni au HCR. Le présent
rapport et ses recommandations mettent donc l’accent sur la dimension humanitaire
du problème et sur les déplacements forcés de populations civiles
qui en découlent
. Après un premier chapitre sur
le cadre juridique international et le droit international humanitaire
coutumier applicables, le rapport analyse dans un deuxième chapitre
les conséquences humanitaires de l’utilisation d’armes explosives
dans des zones peuplées. Un troisième chapitre porte sur les bonnes
pratiques en matière de lutte contre l’utilisation d’armes explosives
et de gestion de l’enlèvement des munitions non explosées. Le quatrième
chapitre présente les obstacles et les solutions permettant d’assurer
un retour volontaire, sûr, digne et durable des populations civiles.
Le cinquième et dernier chapitre recommande des mesures aux États membres,
conformément à la Déclaration de Reykjavík adoptée lors du 4e Sommet
des chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe, qui
s’est tenu les 16 et 17 mai 2023.
7. Ce rapport a été préparé entre autres grâce à des échanges
de vues avec des expert·es. Le 21 septembre 2023, la commission
des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées a entendu Mme Rachel
Bolton-King, professeure associée et responsable des cours de médecine
légale de l’Université Nottingham Trent (Royaume-Uni), et M. Christian
De Cock, professeur invité de droit à l’Université libre de Bruxelles
et à l’Université de Gand (Belgique). Le 20 mars 2024, la commission
a également entendu M. Dejan Rendulić, représentant du Centre croate
des mines de la Direction de la protection civile (Croatie) et le lieutenant-colonel
Jean-Michel Granger, chef du Bureau gouvernance chargé du traitement
du danger des munitions et explosifs, Armée de terre (France). Le
rapporteur remercie tous ces expert·es pour leurs connaissances
qui ont apporté une précieuse valeur ajoutée à l’élaboration du
présent rapport.
2. Munitions non explosées: cadre juridique
international et droit international humanitaire coutumier applicables
8. Plusieurs traités et conventions
couvrent la question de l’interdiction des armes et du désarmement, notamment
grâce aux Nations Unies et à leur Bureau des affaires de désarmement.
Le droit international humanitaire (DIH) coutumier vient compléter
ces textes. Selon ce dernier, bien qu’il n’y ait pas d’interdiction générale
concernant l’utilisation d’armes explosives, toute utilisation d’armes
explosives doit être conforme au DIH et elle est interdite si elle
prend pour cible des civils
.
Comme le rappelle le Comité international de la Croix-Rouge (CICR)
, le DIH interdit ou limite aussi
l’emploi de certaines armes.
9. Cela signifie qu’il convient d’identifier les armes qui représentent
un danger direct pour les civils et ont des effets à long terme
sur leurs vies, notamment l’exil de longue durée et la difficulté
à revenir dans leurs foyers. Les armes explosives non explosées
sont celles qui ont à la fois des conséquences immédiates et à long
terme sur les populations. L’ONU définit
les armes explosives comme «des
systèmes qui utilisent des munitions ou des dispositifs dont le
principal effet destructeur est causé par la détonation d’un explosif
puissant créant une zone de souffle et de fragmentation. […] Il
s’agit par exemple d’armes à tir indirect, telles que l’artillerie,
les roquettes et les mortiers; d’armes qui tirent en rafales, telles
que les systèmes de roquettes à lanceurs multiples; de bombes de
grande taille larguées par voie aérienne ou maritime; de missiles
balistiques sol-sol; et d’engins explosifs improvisés. Les armes
explosives à «effets de zone étendue» constituent un sous-ensemble
important des armes explosives. Il s’agit d’armes qui utilisent
des munitions ayant un grand rayon de destruction, qui tirent en
rafales ou qui délivrent des munitions multiples sur une large zone».
10. S’agissant des textes internationaux traitant du désarmement
et de l’interdiction des armes
, les premières conventions qui traitent
de ces questions sont les Conventions de La Haye de 1899 et 1907 concernant
les lois et coutumes de la guerre sur terre et leurs annexes – le
Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre.
Les deux textes sont presque identiques et interdisent l’emploi
d’armes, de projectiles, ou de tout dispositif visant à causer des
souffrances inutiles, ainsi que l’attaque ou le bombardement de
villes, villages, habitations ou bâtiments qui ne sont pas défendus.
Les deux conventions obligent aussi (les parties belligérantes)
à épargner, entre autres, les hôpitaux et les sites religieux pendant
les bombardements. La Convention de 1980 des Nations Unies
sur certaines armes classiques et
ses cinq protocoles interdisent l’emploi de munitions qui blessent
par des éclats non localisables, des mines, pièges et autres dispositifs,
des armes incendiaires, des armes à laser aveuglantes et des restes
explosifs de guerre. Un peu plus tard, en 1997, le traité de l’ONU
sur l’interdiction des mines antipersonnel, également connu sous le
nom de Convention d’Ottawa, impose aux États parties de ne jamais
employer, mettre au point ni produire de mines antipersonnel. En
vertu de cette convention, les États ne doivent jamais, en aucune
circonstance, employer, mettre au point, produire, stocker ou transférer
des mines antipersonnel ni aider quiconque à le faire. Ils doivent
également détruire les mines antipersonnel existantes. Selon la
Convention de 2008 de l’ONU sur les armes à sous-munitions, les
États parties s’engagent entre autres à ne jamais employer, mettre
au point ni produire d’armes à sous-munitions. Le texte interdit
l’emploi de ces armes, définies comme des petites bombes explosives
spécifiquement conçues pour être dispersées ou libérées par des
disperseurs fixés sur un aéronef. Le texte précise également que
cette convention ne s’applique pas aux mines.
11. En ce qui concerne la protection des populations civiles,
les quatre Conventions de Genève du 12 août 1949 et leurs protocoles
additionnels sont des textes de référence en la matière et se sont
inspirés des traités antérieurs relatifs à la protection des victimes
de guerre. Ils visent à assurer la protection générale des civils contre
les dangers causés par les opérations militaires. Ils déclarent
que les attaques sans discrimination sont interdites et définissent
ces attaques comme celles qui ne sont pas dirigées contre un objectif
militaire déterminé, celles qui utilisent des moyens et méthodes
de guerre qui ne peuvent pas être dirigés contre un objectif militaire
déterminé ou celles qui utilisent des moyens et méthodes de guerre
qui sont de nature à frapper des objectifs militaires et des civils
et biens de caractère civil sans distinction. En outre, ces attaques sont
susceptibles de causer incidemment, et de manière disproportionnée
par rapport à l’avantage militaire attendu, des pertes en vies humaines
dans la population civile, des blessures aux personnes civiles,
des dommages aux biens de caractère civil, ou une combinaison de
ces pertes et dommages. Par ailleurs, les conventions interdisent
les transferts forcés, en masse ou individuels, ainsi que les déportations
de personnes protégées hors du territoire occupé dans le territoire
de la puissance occupante ou dans celui de tout autre État. En cas
de déplacement forcé de populations civiles, leur droit de retourner
dans leur foyer et de jouir de leurs biens doit être mis en œuvre
dès que les raisons de leur déplacement cessent d’exister. Et en
cas de mouvements forcés se produisant malgré leur interdiction,
les parties doivent prendre toutes les mesures possibles «pour que
la population civile puisse être accueillie dans des conditions
satisfaisantes d’hébergement, d’hygiène, de santé, de sécurité et
de nutrition».
12. Le DIH coutumier est venu confirmer, compléter et/ou interpréter
les traités concernant la limitation, l’interdiction, la mise au
point, la détention et l’utilisation de certaines armes, mais aussi
concernant les déplacements de populations. En ce qui concerne l’interdiction
des armes, le DIH précise qu’il s’agit des armes qui rendent la
mort inévitable, qui causent des blessures superflues ou des souffrances
inutiles, qui ne peuvent être dirigées contre un objectif militaire
précis ou dont les effets ne peuvent être limités conformément aux dispositions
du DIH, et qui causent des dommages étendus, durables et graves
à l’environnement naturel. Les règles du DIH interdisent les attaques
sans discrimination et obligent à faire la distinction entre la
population civile et les combattants, ainsi qu’entre les biens de
caractère civil et les objectifs militaires. Le DIH impose également
de respecter le principe de proportionnalité et l’obligation de
prendre des précautions pour réduire au minimum les conséquences
d’une attaque pour la population civile.
13. En ce qui concerne le déplacement de populations civiles en
période de conflit armé
, le DIH dispose que les parties
à un conflit armé international ne peuvent déporter ou transférer
de force, en tout ou en partie, la population civile d’un territoire
occupé, sauf si la sécurité des populations civiles concernées ou
des raisons militaires impératives l’exigent. L’évacuation peut
également être le résultat d’un avertissement préalable réel donné
par les forces attaquantes. Toutefois, les évacuations doivent être
temporaires et les personnes déplacées ont le droit de regagner
volontairement et dans la sécurité leur foyer dès que les causes
de leur déplacement ont cessé d’exister. Lorsque les mouvements
de population conduisent des individus hors de leur pays, ils sont
protégés par le droit international des réfugiés. En outre, le DIH
exige que chaque partie à un conflit doit, dans la mesure du possible,
éloigner du voisinage des objectifs militaires les personnes civiles
et les biens de caractère civil soumis à son autorité. Le DIH prévoit
enfin que les droits de propriété des personnes déplacées doivent
être respectés en tout temps et en tout lieu.
14. Le Conseil de l’Europe n’a pas de vocation militaire et ne
travaille donc pas en soi sur les armes ou le désarmement. L’Organisation
a néanmoins abordé la question des armes sous différents aspects,
notamment leur impact sur la vie des civils, les déplacements de
populations, l’environnement et les droits fondamentaux des citoyens.
15. En ce qui concerne les armes et leur impact sur les populations,
l’Assemblée a rappelé dans la
Résolution
2391 (2021) «Conséquences humanitaires du conflit entre l’Arménie
et l’Azerbaïdjan / le conflit du Haut-Karabakh» sa profonde préoccupation
concernant «l’usage aveugle d’armes qui tuent ou blessent des civils»,
rappelant aux deux parties qu’elles sont «tenues de se conformer
au DIH et de protéger les civils contre les armes explosives». L’Assemblée
a rappelé que «la région affectée par le conflit [est] l’une des
plus polluées par les mines et les munitions non explosées au monde»
et a appelé les parties à transmettre toutes les cartes des mines,
à mettre en place des programmes de sensibilisation au danger des
mines et autres munitions non explosées et a appelé la communauté
internationale «à fournir une assistance en termes d’équipement,
de formation et de financement en vue d’enlever des mines dont le
nombre pourrait avoisiner le million». L’Assemblée a en outre constaté
«les problèmes auxquels sont confrontées les personnes déplacées,
à savoir le manque d’accès à un logement pérenne, à une aide en
espèces, à l’éducation pour leurs enfants et à des moyens de subsistance,
en particulier pour les femmes».
16. Sur la question des déplacements, des retours et des biens,
l’Assemblée considère, dans sa
Résolution 1708 (2010) «Résolution des problèmes de propriété des réfugiés
et des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays», «la
restitution comme une réponse optimale à la perte de l’accès aux logements,
aux terres et aux biens – et des droits de propriété y afférents.
C’est en effet la seule voie de recours qui donne le choix entre
trois «solutions durables» au déplacement: le retour des personnes
déplacées dans leur lieu de résidence d’origine, dans la sécurité
et la dignité; l’intégration dans le lieu où elles ont été déplacées;
ou la réinstallation dans un autre endroit du pays d’origine ou
hors de ses frontières». Sur cette même question, le Comité des
Ministres du Conseil de l’Europe recommandait, dans sa Recommandation Rec(2006)6
du Comité des Ministres relative aux personnes déplacées à l’intérieur
de leur propre pays, que «[l]es personnes déplacées à l’intérieur
de leur propre pays ont le droit de jouir de leurs biens, conformément aux
droits de l’homme. Elles ont en particulier le droit de recouvrer
les biens qu’elles ont laissés à la suite de leur déplacement. Lorsque
les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays sont privées
de leur propriété, elles devraient se voir offrir un dédommagement
adéquat».
17. Dans sa
Résolution
2379 (2021) «Le rôle des parlements dans la mise en œuvre des pactes
mondiaux des Nations Unies pour les migrants et réfugiés», l’Assemblée
a en outre recommandé aux membres des parlements de traiter les
causes profondes des déplacements forcés «en réfléchissant à la
résolution des conflits, à la consolidation de la paix et à la réconciliation,
et en s’attaquant à des problématiques liées aux inégalités, à la
sécurité et au changement climatique, qui peuvent conduire au déplacement
forcé de populations». L’Assemblée a également appelé les parlements
des États membres, dans sa
Résolution
2408 (2021) «70e anniversaire de la Convention
de 1951 relative au statut des réfugiés: le Conseil de l’Europe
et la protection internationale des réfugiés», «à soutenir sans
réserve les initiatives menées par les Nations Unies pour la protection
des réfugiés et des demandeurs d’asile, à soutenir les initiatives
pertinentes du Conseil de l’Europe et à prendre des mesures spécifiques
sur le plan national». L’Assemblée ajoute que «le renvoi efficace
et rapide des personnes considérées comme ne nécessitant pas une
protection internationale est essentiel pour préserver l’intégrité
des dispositifs d’asile en Europe et du système de protection internationale dans
son ensemble ... [exhortant] les gouvernements de tous les États
membres du Conseil de l’Europe à mettre en place des procédures
d’asile efficaces qui préservent des mesures équitables et respectent
le droit international, y compris le principe de non-refoulement».
18. La Cour européenne des droits de l’homme a exprimé dans plusieurs
affaires phares
un avis
clair sur les munitions non explosées et les conditions et droits
au retour des populations civiles déplacées de force. Dans l’affaire
Oruk c. Turquie (requête n° 33647/04,
arrêt du 4 février 2014), la Cour a reconnu l’impossibilité pour
les populations civiles d’avoir accès à leurs foyers, «au sujet
de l’obligation pour l’État, en vertu de l’article 2 de la Convention,
de prendre des mesures appropriées pour protéger les civils vivant
près d’une zone de tirs militaires contre les dangers provenant
des munitions non explosées». Dans les affaires
Sargsyan c. Azerbaïdjan (requête
n° 40167/06) et
Chiragov et autres c.
Arménie (requête n° 13216/05; tous deux arrêts du 16
juin 2015), la Cour a conclu, en ce qui concerne le Haut-Karabakh
et les territoires occupés adjacents, à une violation de l’article 1
du Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de
l’homme (STE no 9) (protection de la
propriété et droit au respect de ses biens), ainsi qu’à une violation
de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme
(STE no 5) (droit au respect de la vie
privée et familiale) et de l’article 8.1 (droit au respect de sa
vie privée et familiale et de son domicile).
3. Les
effets et conséquences humanitaires de l’emploi d’armes explosives
en zones peuplées
3.1. Les
effets des armes explosives sur les populations civiles
19. Pendant les conflits, les armes
explosives causent des pertes civiles immédiates, des blessures
ou des décès, mais ont aussi des conséquences à long terme, telles
que des maladies ou des handicaps, alors même que les populations
civiles ne devraient pas être prises pour cibles. Après un conflit,
les mines terrestres et les munitions non explosées font des victimes
civiles pendant de très longues périodes.
20. Selon le CICR, l’emploi d’armes explosives à large rayon d’impact
dans les zones peuplées ne saurait être conforme au DIH. Le déploiement
d’armes explosives dans des zones peuplées provoque des déplacements
massifs de civils. Ces déplacements font partie des dommages collatéraux
des conflits et peuvent perdurer de nombreuses années après la fin
des conflits en raison des nombreuses mines terrestres et des munitions
non explosées qui subsistent dans les zones peuplées ou à proximité
de celles-ci. Les expert·es soulèvent également la question des
armes à sous-munitions, particulièrement destructrices pour les
individus, qui restent non explosées dans 15 à 30 % des cas. Dans
son rapport intitulé «Emploi d’armes explosives à large rayon d’impact
en zones peuplées: un choix meurtrier»
, le CICR propose une évaluation globale,
fondée sur des preuves concrètes, des conséquences dévastatrices
de l’utilisation de telles armes en zones peuplées.
21. Les migrant·es et les réfugié·es sont également les victimes
collatérales des munitions non explosées lorsque, le long de leurs
routes migratoires, ils et elles traversent des terres et des zones
urbaines qui en contiennent. Par exemple, 150 000 munitions non
explosées sont toujours disséminées dans les Balkans, alors que
de nombreux camps informels de migrant·es se trouvent à proximité
de zones jonchées de munitions non explosées. En 2021, une mine
terrestre datant des guerres des Balkans des années 1990 a explosé,
tuant un migrant et blessant plusieurs autres dans une région du
centre de la Croatie, alors qu’un groupe de demandeurs et demandeuses
d’asile tentait de traverser le pays
.
22. Au-delà des effets physiques, les munitions non explosées
ont des effets indirects à long terme, «effets secondaires»
comme les qualifient les Nations
Unies, qui touchent les populations civiles. Ces dernières sont confrontées
à une détresse psychologique immédiate à la suite d’explosions et
de leurs conséquences directes et sont victimes d’un syndrome de
stress post-traumatique, qui survient chez une personne dont l’intégrité
personnelle est menacée parce qu’elle a été exposée à un événement
traumatique. De nombreuses informations font état de la peur ressentie
par les populations civiles vivant dans des zones où des armes explosives
ont été déployées
. Handicap International
a fait part d’observations similaires
dans une étude de cas réalisée en 2024 (“The Impact of Explosive
Weapons in Ukraine – Focus on hard-to-reach areas”), incluant les
effets directs et indirects sur la cohésion sociale, la santé mentale
et le bien-être psychologique, ainsi que d’autres effets économiques
et sociaux.
3.2. Les
déplacements forcés et leurs conséquences aggravées sur les femmes
et les enfants
23. Les Conventions de Genève interdisent
le déplacement forcé de populations civiles et recommandent vivement
la mise en œuvre de leurs droits de retourner dans leur foyer et
de jouir de leurs biens dès que les raisons de leur déplacement
cessent d’exister. Il n’en reste pas moins que l’emploi d’armes
explosives et la présence à long terme de munitions non explosées,
en particulier dans les zones peuplées, contribuent à des déplacements
massifs de populations, obligeant les gens à quitter leur domicile,
souvent pour de longues périodes, et à vivre dans des conditions
précaires. Les femmes et les enfants représentent la majorité des victimes
civiles causées incidemment par les armes explosives, comme l’a
montré le Comité international de la Croix-Rouge
.
24. Concernant les enfants, le Protocole facultatif à la Convention
relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants
dans les conflits armés (2000) est venu renforcer la protection
des enfants contre leur enrôlement et contre les conflits. Il n’en
reste pas moins que les enfants représentent environ la moitié des victimes
des armes explosives. Le Fonds des Nations unies pour l'enfance
(UNICEF)
souligne que les enfants sont vulnérables
pour de nombreuses raisons. Lorsque des armes explosives sont utilisées
dans des zones peuplées, plus de 90 % des victimes sont des civils,
dont de nombreux enfants, qui risquent davantage de subir des blessures
sur diverses parties de leur corps. Longtemps après les conflits,
les munitions non explosées tuent et blessent des enfants, qui sont
les plus exposés parce qu’ils sont attirés par de tels objets en
raison de leur apparence colorée et qu’ils ignorent à quel point
ces objets sont dangereux. Certaines de ces armes, qui sont des
engins explosifs improvisés, sont des objets familiers qui ont été
transformés en explosifs.
25. Au-delà des effets immédiats des armes explosives, les enfants
survivants subissent des traumatismes physiques à plus long terme
et diverses formes de traumatismes psychologiques ou émotionnels.
Mais les armes explosives infligent aussi des dommages indirects
graves aux enfants, tels que les effets des explosions sur les infrastructures
et services civils – comme les canalisations d’eau, les installations
sanitaires, les hôpitaux et les écoles –, exposant les enfants à
des épidémies, voire pire, par exemple des décès causés par des
maladies diarrhéiques dues à l’insalubrité de l’eau et de l’assainissement.
Les enfants sont également privés d’autres services essentiels,
comme l’éducation, lorsque les écoles sont endommagées ou détruites
ou lorsque des enseignants sont tués ou blessés, ce qui interrompt
l’accès à l’éducation. Lorsqu’ils sont réfugiés à l’étranger, ils
ont accès aux écoles des pays d’accueil mais sont souvent confrontés
à des difficultés linguistiques, sans parler du manque d’enseignants
connaissant la langue maternelle de ces enfants.
26. En ce qui concerne les femmes, les conséquences aggravées
sont différentes de celles que subissent les enfants mais ne sont
pas moins importantes. Les femmes souffrent davantage que les hommes
des conséquences des armes explosives disséminées dans des zones
peuplées en raison de facteurs cumulatifs. Les femmes risquent davantage
d’être victimes d’attaques dans des zones résidentielles ou des
marchés et ont plus de difficultés à accéder aux soins de santé
ou à la réadaptation en raison des inégalités sociales, étant plus
vulnérables à la stigmatisation et à la marginalisation. En outre,
les femmes enceintes ou les jeunes mères sont plus exposées aux
maladies causées par le manque d’eau potable. Les femmes déplacées
ou séparées de leur famille et de leur communauté courent en outre
un risque plus élevé de subir des violences sexuelles ou d’être
victimes d’exploitation sexuelle. Elles sont particulièrement exposées
aux violences sexistes et risquent davantage d’être victimes de
harcèlement, de violence familiale, de viol, de traite des êtres
humains, de prostitution forcée et d’autres crimes qui visent les
femmes de manière disproportionnée et restent souvent impunis.
3.3. Les
effets des armes explosives sur les infrastructures et les services
27. Les infrastructures civiles
vitales et les services essentiels sont gravement touchés par les
conflits. Les Nations Unies ont souligné
que de telles circonstances entraînent
une perturbation des services essentiels à la survie des populations
civiles. Les établissements de soins de santé sont touchés, ce qui
entrave l’administration des soins médicaux. Les logements et les
infrastructures civiles essentielles, telles que les stations de
traitement de l’eau potable et les stations d’épuration des eaux
usées, les systèmes d’approvisionnement en gaz et en électricité,
sont endommagés ou détruits, ce qui accroît le risque et la propagation
des maladies et alourdit davantage le fardeau du système de soins
de santé. D’autres infrastructures civiles endommagées ou détruites,
telles que les routes, les supermarchés, les lieux de travail ou
l’internet, contribuent aux déplacements de populations. Judith
Kiconco, conseillère sur les questions humanitaires de la délégation
du CICR auprès de l’Union africaine, a rappelé que «la destruction
des infrastructures vitales entraîne à son tour la dégradation ou
l’interruption des services essentiels, ce qui aboutit à un nombre
encore plus élevé de décès et de maladies. Lorsque vivre parmi les
ruines devient intolérable, les survivants n’ont parfois d’autre
choix que de fuir, ce qui aboutit à un déplacement à long terme»
. À plus long terme, les munitions
non explosées empêchent ou retardent les travaux de reconstruction
et la production agricole. La contamination par des munitions non
explosées entraîne le blocage des ressources naturelles, ce qui
complique le développement socio-économique d’une communauté, une
situation encore plus complexe pour les populations rurales, qui
dépendent économiquement de l’accès à la terre. Les déplacements
forcés ont aussi des conséquences économiques dans les secteurs
d’emploi traditionnel, où la main-d’œuvre fait défaut.
28. Dans un article de juillet 2023
, l’Agence France Presse, citée par
France 24, soulignait que les mines étaient utilisées en quantités
phénoménales en Ukraine, et notamment certains types qui sont interdits
en vertu du droit international, faisant du pays l’un des plus grands
champs de mines au monde. Lorsque l’article a été publié, des expert·es
ont estimé qu’environ 30 % du territoire ukrainien pourrait renfermer
des mines. Toutefois, il est impossible de les compter et de les
cartographier alors que la guerre fait rage, déclarait dans l’article
Baptiste Chapuis, Responsable plaidoyer à Handicap International.
L’article rappelle que, si les mines terrestres conventionnelles
ciblant les véhicules ennemis sont autorisées, les mines antipersonnel
visant à mutiler et à tuer des êtres humains sont interdites en
vertu du Traité sur l’interdiction des mines antipersonnel, dont
l’Ukraine est signataire, alors que des grandes puissances telles
que la Russie, la Chine et les États-Unis d’Amérique ne le sont
pas. M. Chapuis a rappelé que les mines condamnent les populations
civiles pendant des décennies et compromettent le retour à la vie
économique et sociale pendant très longtemps. Les expert·es affirment
qu’il pourrait falloir des décennies pour déminer l’Ukraine, comme
cela a été le cas pour d’autres régions d’Europe qui ont souffert
de conflits passés, par exemple dans les Balkans où, 30 ans plus tard,
les pays concernés poursuivent encore leurs activités de déminage.
3.4. L’impact
environnemental des guerres et des munitions non explosées
29. L’Assemblée a déjà abordé la
question de l’impact environnemental des conflits armés dans la
Résolution 2477 (2023), mais pas sous l’angle des personnes déplacées. La Convention
des Nations Unies de 1976 sur l’interdiction d’utiliser des techniques
de modification de l’environnement à des fins militaires ou toutes
autres fins hostiles engage les États parties à «ne pas utiliser
à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles des techniques
de modification de l’environnement ayant des effets étendus, durables
ou graves», et invite au contraire les États à faciliter et à participer
à un échange d’informations scientifiques et techniques sur l’utilisation
des techniques de modification de l’environnement à des fins pacifiques.
Par «techniques de modification de l’environnement», la Convention
entend «toute technique ayant pour objet de modifier – grâce à une
manipulation délibérée de processus naturels – la dynamique, la
composition ou la structure de la Terre, y compris ses biotes, sa
lithosphère, son hydrosphère et son atmosphère, ou l’espace extra‑atmosphérique». Le
texte invite les États et les organisations internationales «à une
coopération internationale économique et scientifique en vue de
la protection, de l’amélioration et de l’utilisation pacifique de
l’environnement, compte dûment tenu des besoins des régions en développement
du monde».
30. Au-delà du bilan humain, les guerres et les restes explosifs
de guerre ont un impact catastrophique sur l’environnement terrestre
et maritime. Les éléments entrant dans la fabrication des armes
explosives et leurs restes (métaux et substances explosives constitués
d’éléments toxiques) contaminent les sols, les sous-sols et les
ressources en eau. Ils se répandent de manière continue au-delà
des zones peuplées, contaminant la faune et la flore. Des écosystèmes
entiers en subissent les lourdes conséquences, qui peuvent perdurer pendant
des années, voire des décennies. Comme l’a souligné le CICR, les
centres de population sont situés dans l’environnement naturel et
en dépendent largement. Les conséquences potentielles immédiates
et à long terme de la libération de substances toxiques et autres
polluants sur l’environnement naturel par l’utilisation d’armes
explosives lourdes en zones peuplées suscitent des préoccupations
croissantes. Cela peut avoir de graves répercussions sur la santé
publique.
31. Le Centre international de déminage humanitaire de Genève
(GICHD)
souligne que «les mines terrestres
et les autres restes explosifs de guerre rendent les terres et les
autres ressources naturelles inaccessibles et provoquent une surexploitation
de celles qui sont disponibles, ce qui entraîne la dégradation des
sols. En outre, ils ont un impact néfaste sur la biodiversité en
ce qu’ils entraînent des explosions imprévues et des fuites de substances
chimiques dans le sol et l’eau». Le GICHD ajoute que «les restes
de guerre peuvent déclencher une série d’événements entraînant des
dommages environnementaux tels que la dégradation des sols ou la
déforestation, qui affectent parfois des espèces entières en détruisant
les habitats et en modifiant les chaînes alimentaires». En outre,
«malgré leur impact positif, les opérations de déminage peuvent
également avoir des conséquences néfastes imprévues sur l’environnement
et certaines ont fait l’objet d’enquêtes environnementales, comme
c’est le cas pour les fléaux et les charrues mécaniques. Pour que
les questions environnementales soient prises en compte, il importe
qu’elles soient intégrées dans le secteur de la lutte antimines,
en particulier dans la planification et la mise en œuvre des programmes».
32. Lors du 4e Sommet des chefs d’État
et de gouvernement du Conseil de l’Europe organisé à Reykjavík les
16 et 17 mai 2023, les dirigeants européens se sont notamment engagés
à renforcer leur travail au sein du Conseil de l’Europe sur les
aspects de l’environnement liés aux droits humains. Le présent rapport
fait partie intégrante de la nouvelle priorité du Conseil de l’Europe
visant à établir un lien entre les droits humains et l’environnement
et plaide vivement contre l’utilisation d’armes explosives, en vue
de parvenir à dépolluer les territoires contaminés par des mines
terrestres et des munitions non explosées et à éradiquer leurs conséquences
dévastatrices sur l’environnement.
4. Bonnes
pratiques en matière de lutte contre l’utilisation d’armes explosives
et de gestion de l’enlèvement des munitions non explosées
33. Aux fins de la préparation
du présent rapport, le rapporteur a lancé une consultation auprès
des parlements par l’intermédiaire du Centre européen de recherche
et de documentation parlementaires (CERDP). Les réponses au questionnaire
ont permis de recueillir des données auprès de 42 États membres et
observateurs du Conseil de l’Europe. Le questionnaire posait aux
parlements les questions suivantes:
1.
Votre pays a-t-il signé et ratifié des instruments internationaux
relatifs à l’utilisation d’armes explosives (Conventions de La Haye
de 1899 et 1907; Conventions de Genève; etc.)?
2. Votre pays dispose-t-il d’une législation sur l’utilisation
des armes explosives?
3. Si votre pays a été touché par un conflit ayant entraîné
la présence de mines terrestres et de munitions non explosées:
3.1. Quelles mesures votre pays
a-t-il prises aux fins de l’enlèvement de ces munitions?
3.2. Votre pays dispose-t-il d’une administration spécifique
ou d’un autre type de structure chargée du déminage?
3.3. Votre pays dispose-t-il de données officielles sur
les déplacements de population provoqués par la guerre et les conséquences
laissées par la guerre, telles que la présence de mines terrestres
et d’autres munitions non explosées?
3.4. Votre pays dispose-t-il de données sur les populations
qui n’ont pas pu regagner leurs foyers en raison d’une guerre actuelle
ou passée ayant engendré les conséquences susmentionnées?
34. La consultation a montré que la plupart des États membres
et observateurs du Conseil de l’Europe sont parties à divers accords
de DIH et traités connexes concernant les armes explosives et leur
interdiction, avec des différences en fonction des accords. La non-ratification
par certains pays
est
le reflet de divergences en termes de priorités et de considérations
de sécurité, qui peuvent parfois s’expliquer par leur histoire moderne. Certains
États ont déclaré s’être acquittés des obligations internationales
découlant de ces traités. Entre autres exemples, la Croatie a satisfait
à son obligation de détruire les stocks existants d’armes à sous-munitions
et poursuit la dépollution des zones contaminées par ces armes.
Chypre et la Hongrie ont déclaré avoir achevé toutes les opérations
de déminage imposées par la Convention sur l’interdiction des mines
antipersonnel. En ce qui concerne la législation nationale relative
à l’utilisation d’armes explosives, la plupart des États membres
ont déclaré avoir mis en place un
cadre juridique national complet réglementant la possession et l’utilisation
d’armes et de substances explosives.
35. En ce qui concerne les États touchés par des conflits ayant
engendré la présence de mines terrestres et de munitions non explosées,
de nombreux répondants
ont indiqué que le conflit armé le plus
récent qui avait affecté leur territoire et laissé derrière lui
des mines terrestres et des munitions non explosées était la Seconde
Guerre mondiale. De nombreux États qui ont été touchés par la première
et la seconde guerre mondiale continuent de faire face au fardeau
des munitions non explosées et des autres restes de guerre présents
sur leurs terres et dans leurs eaux territoriales, qui continuent
de faire des morts et des blessés, en dépit d’actions de déminage
continues.
36. Plusieurs États membres ont été touchés par des conflits plus
récents. Tel est le cas de la Lettonie et de la Lituanie, où des
engins explosifs ont été abandonnés par les forces d’occupation
de l’armée soviétique sur leurs anciens champs de tir et bases militaires.
En Hongrie, la contamination des territoires par des mines et des
munitions est due non seulement à la seconde guerre mondiale, mais
aussi aux conflits serbo-croates plus récents (1991-1992, 1994-1995).
En outre, tous les États de l’ancienne République fédérative socialiste de
Yougoslavie ont été contaminés par des munitions non explosées à
la suite du conflit de 1992-1995 lié à l’éclatement de l’ex-Yougoslavie
(Bosnie-Herzégovine, Croatie, Monténégro, Macédoine du Nord, Serbie
et Slovénie). En Croatie, le Service de la lutte antimines de l’ONU
a estimé à 13 000 kilomètres carrés le territoire potentiellement
contaminé par des munitions explosives, ce qui représente près de
23 % du territoire du pays. La campagne de bombardements aériens
menée par l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) en 1999
contre la République fédérale de Yougoslavie a également laissé
derrière elle de nombreuses munitions non explosées, tout comme
le conflit de 2001 en Macédoine du Nord avec les rebelles albanais.
La consultation a également révélé qu’outre les conflits et les
guerres, les exercices d’entraînement militaire et les incidents
impliquant des munitions explosives transportées par des navires,
des avions ou des véhicules ont également entraîné l’apparition
de zones minées «historiques» qui contiennent encore des munitions
non explosées.
37. En ce qui concerne les mesures prises par les États pour dépolluer
les territoires contaminés par des munitions non explosées, plusieurs
d’entre eux ont établi des plans d’action antimines spécifiques
et mis en place des administrations ou institutions spécialement
chargées du déminage. La Bosnie-Herzégovine a pris des mesures importantes
et a promulgué une loi sur le déminage, assortie d’une stratégie
de lutte antimines pour la période 2018-2025, parvenant ainsi à
déminer plus des deux tiers des zones potentiellement dangereuses.
La Croatie a mis en place un cadre spécifique pour le déminage,
avec une loi sur la lutte antimines et une stratégie nationale de
lutte antimines. En outre, la Croatie a élaboré des normes nationales fondées
sur un ensemble de principes et de directives issues des Normes
internationales de la lutte antimines et a créé le centre croate
de la lutte antimines. À Chypre, l’autorité responsable des opérations
de déminage est la Garde nationale. En Allemagne, la neutralisation
des munitions explosives est principalement confiée aux autorités
locales, et les Länder ont mis en place des services spéciaux en
la matière. La Hongrie a élaboré un Programme de lutte antimines
et la tâche de déminage est confiée au bataillon de déminage des
forces armées hongroises. Au Monténégro, la réglementation définit
les procédures en matière de traitement, de protection et d’élimination
des armes et des matériaux explosifs (par exemple le manuel pour
la protection contre les munitions non explosées). En Macédoine
du Nord, l’institution nationale responsable de la protection contre
les munitions non explosées est la Direction de la sécurité et des
secours (recherches sur le terrain, détection et destruction des
engins explosifs). La Roumanie dispose, au sein du ministère de
la Défense, d’une structure spécifique chargée de l’élimination
des munitions explosives, chargée d’intervenir et de neutraliser les
munitions non explosées. La Türkiye a promulgué la loi sur les activités
de déminage le long de la frontière terrestre, publié des procédures
d’appel d’offres entre la République de Türkiye et la République
arabe syrienne, et élaboré des mesures visant à informer le public
et à éviter d’éventuels accidents dans les zones à risque. En outre,
un plan de déminage a été lancé pour dépolluer le pays des mines
terrestres, sous la direction du Centre national de déminage. Le
Canada a élaboré des mesures d’information du grand public afin
de réduire les risques liés aux munitions non explosées et adopté
un programme relatif aux munitions explosives non explosées qui
vise à identifier et répertorier les zones minées, à évaluer le
danger et à réduire les risques liés aux munitions non explosées.
38. Dans certains pays dont les terres sont contaminées, des organismes
internationaux comme l’ONU, des entreprises privées et des organisations
de la société civile participent aux activités de déminage en collaboration
avec les autorités nationales. C’est le cas en Géorgie avec le programme
national de déminage élaboré en 2009 avec le soutien de HALO Trust.
En Slovénie, l’Unité nationale de protection civile est chargée de
la protection contre les munitions non explosées et se compose de
34 bénévoles formés, travaillant sous la direction de l’Administration
slovène de la protection civile et des secours lors de catastrophes.
En Macédoine du Nord, les institutions nationales ont reçu l’aide
d’organismes internationaux, dont l’ONU, pour mener plusieurs actions
de déminage dans des zones ciblées.
39. Au niveau international, plusieurs initiatives méritent également
d’être citées. Par exemple, différentes autorités militaires de
la région de la mer Baltique ont mis en place une coopération internationale
baptisée BALTRON (Baltic Naval Force Squadron) visant à localiser
les zones minées et à les déminer. En juillet 2023, le Premier ministre
croate Andrej Plenković a annoncé un programme d’aide au déminage
en faveur de l’Ukraine
. Évoquant environ 35 années d’activités
de déminage sur un territoire nettement plus petit que celui de
l’Ukraine, le Premier ministre croate a annoncé que son pays prévoyait
d’achever le déminage des zones touchées par la guerre civile d’ici
à 2026.
40. L’Agence de l’Union européenne pour la formation des services
répressifs est chargée d’élaborer, de mettre en œuvre et de coordonner
la formation des agents des services répressifs. En novembre 2023, l’Agence
a développé une activité sur le terrain
visant à renforcer la lutte contre
les dispositifs et explosifs chimiques, biologiques, radiologiques
ou nucléaires, à destination des hauts fonctionnaires de police
des centres de données sur les explosifs, des expert·es en criminalistique,
des technicien·es en explosifs, des spécialistes des enquêtes sur
les lieux d’explosion et des autres expert·es en matière d’explosifs.
41. Les signataires de la Déclaration politique de 2022 sur le
renforcement de la protection des civils contre les conséquences
humanitaires découlant de l’utilisation d’armes explosives dans
les zones peuplées indiquent vouloir «assurer le marquage, l’enlèvement
et le retrait ou la destruction des restes explosifs de guerre dès
que possible après la fin des hostilités actives, conformément [à
leurs] obligations en vertu du droit international applicable, et
soutenir l’éducation aux risques». Le Réseau international sur les
armes explosives
constitue également un exemple en
la matière. Ce réseau international de près de 50 ONG appelle à
une action immédiate pour éviter les souffrances humaines liées
à l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées. Ses
organisations membres mènent des actions de recherche, d’élaboration
de politiques et de plaidoyer afin d’améliorer la compréhension
des problèmes découlant de l’utilisation d’armes explosives dans
les zones peuplées, et de mettre en lumière les mesures concrètes
qui peuvent être prises pour y remédier.
42. Parlementaires pour la non-prolifération et le désarmement
nucléaires
est un forum national et international
non partisan pour les parlementaires qui vise à partager des ressources
et de l’information, à élaborer des stratégies de coopération et
à s’engager sur les questions de non-prolifération et de désarmement nucléaires.
Le forum a publié un guide de l’action parlementaire en faveur du
désarmement, pour la sécurité et le développement durable, rassemblant
les textes législatifs nationaux applicables. Concernant les armes
à sous-munitions, les mines terrestres et les armes explosives dans
les zones peuplées, le guide rappelle le DIH applicable et contient
des recommandations à l’intention des parlementaires et des parlements,
visant à empêcher l’utilisation d’armes explosives à large rayon
d’impact dans les zones peuplées.
43. HALO Trust
est une organisation à but non lucratif
qui œuvre au déminage des territoires, pendant et après les conflits.
Elle emploie environ 10 000 personnes, dont 98 % sont issues de
communautés ayant vécu dans des pays et territoires minés, ravagés
par la guerre, dans lesquels HALO mène ses activités. L’organisation
est intervenue au Kosovo*
dans les
années 1990, en Géorgie en 2008, au Sri Lanka en 2009 et est aujourd’hui
présente en Libye et au Yémen. HALO travaille à l’évaluation des
zones dangereuses et procède à des opérations de déminage d’urgence
afin d’empêcher que des personnes soient blessées et d’ouvrir l’accès
à une aide vitale.
5. Assurer
un retour volontaire, sûr, digne et durable des populations déplacées
de force
44. Si le retour est souvent la
solution préférée des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur
de leur propre pays, il n’est pas toujours possible. En effet, plusieurs
facteurs entrent en ligne de compte et déterminent la volonté et
la capacité de regagner son foyer. Il s’agit notamment de l’absence
d’amélioration des situations politique et sécuritaire dans le pays
d’origine, du manque de possibilités économiques et d’emploi ou
l’insuffisance de l’offre de services de base dans les zones touchées,
qui peuvent empêcher le retour des personnes censées bâtir une nouvelle
vie. Les politiques du marché du travail sont donc essentielles pour
garantir une répartition efficace des ressources humaines dans les
régions d’origine, que ce soit par le recensement des compétences
et la planification ou par le renforcement des services d’intermédiation,
c’est-à-dire de mise en relation de l’offre et de la demande de
travail. Une autre mesure est la reconnaissance des qualifications,
en particulier celles des pays de l’Union européenne, afin de permettre
aux personnes déplacées qui ont acquis des compétences et des qualifications
en dehors de leur pays d’origine de pouvoir les réutiliser dans
leur parcours professionnel une fois rentrées chez elles. Un retour
dans la dignité implique également de prendre en compte le contexte
culturel, mais aussi les expériences vécues et les attentes des personnes
avant et pendant le déplacement. Un retour dans la dignité n’est
possible que si le contexte social, politique et économique est
acceptable dans le pays d’origine
.
45. Il existe toutefois plusieurs obstacles qui entravent le retour
des personnes déplacées de force. Ils se composent de trois éléments
principaux: la sécurité et la sûreté globales dans les régions d’origine,
ce qui comprend les restes explosifs de guerre; le niveau de destruction
ou de reconstruction des infrastructures civiles et des logements;
et le manque de services ainsi que l’accès problématique aux moyens
de subsistance pour assurer un retour et une réintégration durables.
Malgré ces obstacles et le temps passé loin de leur région d’origine,
les personnes ukrainiennes déplacées expriment une forte détermination
à rentrer
.
46. La présence de mines terrestres et de munitions non explosées
est un obstacle majeur au retour et à la réintégration des personnes
déplacées de force. En outre, dans la plupart des cas, les mines
terrestres et les munitions non explosées sont nombreuses et difficiles
à quantifier et à localiser. Bien que les parties à un conflit soient
tenues d’échanger des cartes indiquant l’emplacement des munitions
explosives, la réalité est souvent très différente et les munitions
non explosées contaminent massivement les zones urbaines et rurales.
47. Malgré la présence de ces restes explosifs de guerre, de nombreux
civils ayant dû quitter leurs maisons et leurs terres à cause d’un
conflit veulent rentrer chez eux. Le HCR a, par exemple, mené en
2023
une enquête sur la population ukrainienne
qui a fui le pays depuis le début de la guerre d’agression. Cette
enquête a révélé que, dans leur grande majorité, les réfugié·es
et les ressortissant·es ukrainien·nes déplacé·es – respectivement
environ 77 % et 79 % – désirent un jour rentrer chez eux et elles.
Le rapport souligne que la crise des réfugiés ukrainiens se caractérise
par un grand nombre de séparations familiales, de nombreux hommes
de la famille restant en Ukraine, ce qui pose souvent des difficultés
pour les personnes contraintes de fuir le pays et pour celles qui
restent au pays sans soutien familial. La réunification familiale
constitue le principal motif de retour définitif des réfugiés dans
leur pays
.
48. Concernant l’état des infrastructures civiles et des logements,
la présence d’armes explosives dans les zones peuplées, mais aussi
dans les zones agricoles, constitue un immense défi pour la reconstruction
et le développement après un conflit. Elle a un impact sur la disponibilité
et l’accès aux services essentiels qui permettent de subvenir aux
besoins élémentaires (électricité, eau et assainissement, soins
de santé, éducation, possibilités d’emploi et logement convenable),
des services généralement gravement perturbés par la guerre et dont
la défaillance affecte in fine les
conditions de vie ainsi qu’un retour et une réintégration durables.
49. Le rapatriement volontaire dans la sécurité et la dignité
est ainsi la seule solution durable traditionnelle ancrée dans le
droit international des droits de l’homme. Le concept de volontariat
est implicite dans le principe de non-refoulement, qui est la pierre
angulaire de la protection des réfugiés. Il est important de reconnaître
la capacité des personnes déplacées de force à prendre des décisions
en connaissance de cause pour déterminer si le retour est dans leur
intérêt. Pour garantir la centralité de la voix des réfugiés dans
les discussions sur leur avenir, le HCR dirige la mise en œuvre
régulière d’enquêtes sur les intentions des réfugiés, des déplacés
internes et des rapatriés, en recueillant des données primaires
sur leur situation actuelle et leurs intentions, ainsi que les facteurs
qui influencent leur prise de décision
.
50. Concernant les instruments internationaux applicables, le
Protocole n°4 de 1963 à la Convention européenne des droits de l’homme
(STE no 46) et le Pacte international
relatif aux droits civils et politiques (1966) disposent que nul
ne peut être arbitrairement privé du droit d’entrer dans son propre
pays, et la Convention IV de Genève prévoit que les personnes évacuées
seront transférées dans leurs foyers dès que les hostilités auront
cessé dans la zone en question. Cela a été confirmé par le DIH,
par le biais de la règle 132 sur le retour des personnes déplacées
, qui s’impose comme une norme du
droit international coutumier, applicable aux conflits armés internationaux
et non internationaux, dans la pratique des États. Cette règle est complétée
par la règle 133, qui impose le respect des droits de propriété
des personnes déplacées. Le Conseil de sécurité de l’ONU, l’Assemblée
générale des Nations Unies et la Commission des droits de l’homme
de l’ONU ont rappelé à de nombreuses reprises le droit des réfugiés
et des personnes déplacées de regagner leur foyer librement et dans
la sécurité. Les Principes directeurs du HCR relatifs au déplacement
de personnes à l’intérieur de leur propre pays indiquent que «le
déplacement ne doit pas durer plus longtemps que ne l’exigent les
circonstances». Ils affirment aussi le droit des personnes déplacées
de retourner volontairement dans une autre partie du pays. Selon
les bases de données de DIH, aucune pratique contraire officielle
n’a été trouvée
.
51. Pour lever les obstacles au retour, il faut donc tenir compte
de ces multiples aspects. Ceux-ci sont néanmoins indépendants de
la psychologie et de la volonté des personnes déplacées de rentrer
chez elles, par exemple pour relancer l’activité économique et bâtir
une nouvelle vie, reconstruire les logements, faire fonctionner
les écoles et les hôpitaux, réparer les routes, et répondre à tous
les autres besoins immenses de leur pays dans la période d’après-guerre.
Le retour peut apporter un capital de ressources humaines bénéfique à
l’économie du pays, faisant revenir les compétences nécessaires
sur le lieu de travail d’origine et stimulant la productivité des
secteurs public et privé.
6. Conclusion
et recommandations
52. Assurer le retour volontaire,
sûr, digne et durable des populations suppose des politiques efficaces
de dépollution des territoires contaminés par des mines terrestres
et des munitions non explosées. Il n’existe pas de solution simple
pour le retour des personnes déplacées de force. De nombreux facteurs
doivent être pris en compte avant d’envisager cette option. Au-delà
des obstacles pratiques présents dans les régions d’origine, le
traumatisme et d’autres aspects personnels et psychosociaux doivent
également être pris en considération. Il est donc inutile de forcer
les réfugiés qui ont fui les guerres et les restes explosifs de
guerre à regagner leurs foyers. En ce qui concerne les mines terrestres
et les munitions non explosées, les pouvoirs publics doivent avant
tout donner des orientations claires visant à garantir la dépollution
des terres, des zones agricoles et des zones urbaines contaminées
par des restes explosifs de guerre, par le biais d’une législation
et d’une pratique appropriées.
53. La réponse au problème des déplacements forcés de populations
civiles passe également par des politiques d’évitement. Les forces
armées devraient éviter d’utiliser des armes explosives dans les
zones peuplées, en particulier des armes à large rayon d’impact,
en adoptant des mesures visant à réduire ces effets de zone afin
d’atténuer les risques pour les populations civiles. L’atténuation
des dommages causés aux populations civiles commence par la conception
des armes, en vue de minimiser les dommages collatéraux lorsque
sont ciblés des objectifs militaires. Par ailleurs, et comme l’a
souligné le CICR, les États devraient encourager les bonnes pratiques,
l’expérience acquise et les enseignements tirés concernant le choix
et l’utilisation de moyens et méthodes de guerre en zones peuplées,
y compris les restrictions spécifiques à l’utilisation d’armes explosives,
en particulier celles à large rayon d’impact, ainsi que les armes
et tactiques alternatives.
54. La dépollution des terres et des mers contaminées par les
munitions non explosées n’est donc possible que grâce aux efforts
conjoints des autorités publiques et des forces armées. Les États
devraient ratifier les conventions sur les mines terrestres et les
armes à sous-munitions, si ce n’est déjà fait, et mettre en œuvre
les mesures prévues par ces conventions, notamment en interdisant
les investissements dans les industries des armes à sous-munitions
et des mines terrestres. Les États devraient également élaborer
des stratégies et des cadres globaux en vue d’adopter les systèmes
et méthodes les plus appropriés pour le déploiement des armes explosives
ainsi que pour détecter, prouver, examiner, éliminer et analyser
l’utilisation, la fréquence et l’impact des munitions explosées
et non explosées pendant ou après les conflits. Les autorités devraient
par ailleurs mettre l’accent sur la dimension environnementale lors
de la dépollution des territoires contaminés par les mines terrestres
et les munitions non explosées.
55. Dans son mémorandum sur les conséquences de la guerre en Ukraine
en matière de droits humains
, Dunja Mijatović, alors Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, a déploré que des
civils soient apparemment blessés quotidiennement par des restes
explosifs de guerre, bien que certaines zones aient été signalées
par des panneaux d’avertissement. Elle a souligné l’importance d’informer
la population, notamment les personnes déplacées, de ces dangers
et de fournir une assistance et une expertise internationales en
matière de déminage.
56. Les États devraient élaborer des campagnes d’information sur
le comportement que les populations civiles devraient adopter face
à des mines terrestres et des munitions non explosées, de manière
à leur apprendre à reconnaître les restes potentiellement explosifs
de guerre. Les autorités compétentes devraient également développer
la formation des membres des forces de l’ordre concernant leur comportement
à l’égard des mines terrestres et des munitions non explosées, et
concernant la sécurité des populations civiles
. Ces campagnes d’information devraient
également être axées sur la protection de l’environnement dans le
cadre de la dépollution des zones contaminées par des munitions
non explosées après la fin d’un conflit. Des politiques spécifiques
devraient être mises en œuvre en faveur des femmes et des enfants,
en tenant compte de leur vulnérabilité particulière face aux mines
terrestres et aux munitions non explosées, notamment en leur apprenant
à reconnaître les restes explosifs de guerre et en les informant
sur le comportement à adopter dans ce type de situation.
57. Favoriser le retour peut passer par un processus mené par
un État ou un groupe d’États qui initient l’adoption d’un engagement
politique. À cet égard, les Nations Unies recommandaient, dans un
communiqué publié le 5 juin 2022
, l’adoption d’une déclaration politique
sur l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées visant
à réduire les dommages humanitaires qui en découlent, et affirmant
que la guerre ne peut pas être menée de la même façon en zones peuplées
que sur un champ de bataille en terrain découvert. «Les États devraient
s'engager à élaborer des politiques opérationnelles fondées sur
une présomption contre l'utilisation d'armes explosives dans les
zones peuplées afin de favoriser un changement de comportement,
de promouvoir des mesures concrètes pour protéger les civils et,
finalement, de renforcer le respect du droit international humanitaire».
58. Dans le cadre d’une stratégie de rapatriement volontaire,
et lorsque des questions complexes, telles que la présence de différentes
ethnies, sont en jeu, il serait souhaitable de mettre en place des
accords susceptibles de contribuer utilement à vérifier que le retour
est à la fois sûr et volontaire. En fonction des particularités
de chaque situation, ces accords pourraient associer les gouvernements
des pays d’accueil et d’origine, des représentants de la population
déplacée, ainsi que le HCR avec son mandat international de recherche
de solutions durables pour les réfugiés, et la société civile.
59. Enfin, les États membres devraient prendre ou développer davantage
les mesures concrètes visant à faciliter le retour et la réinstallation
volontaires, sûrs, dignes et durables des personnes déplacées de
force. Outre la dépollution des zones contaminées par des mines
terrestres et des munitions non explosées, il convient de fournir
une assistance pour répondre aux besoins élémentaires des populations
(logement, nourriture, eau, assainissement, soins médicaux). Cela
comprend en outre la reconstruction des infrastructures civiles,
notamment la remise en état des écoles, ainsi que la distribution
d’outils de construction, d’articles ménagers et d’outils agricoles,
de semences et d’engrais. Les États devraient également stimuler
le marché de l’emploi par des mesures incitatives telles que la
reconnaissance des qualifications acquises à l’étranger et des programmes
d’éducation et de formation professionnelle. Le DIH indique aussi
que, dans certains cas, des personnes déplacées (ou leurs représentants)
ont été autorisées à visiter la zone avant le retour proprement
dit, afin d’évaluer la situation en termes de sécurité et de conditions
matérielles.
60. Les objectifs et les recommandations du présent rapport font
écho à la Déclaration de Reykjavík de 2023 et relèvent pleinement
de la nouvelle priorité du Conseil de l’Europe visant à établir
un lien entre les droits humains et l’environnement. Le rapport
demande en particulier aux États membres de renforcer la protection des
droits humains par la protection de l’environnement en les invitant
à intégrer la dimension environnementale dans la lutte contre la
dépollution des territoires contaminés par des munitions non explosées
après la fin d’un conflit.