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Rapport | Doc. 15999 | 07 juin 2024

Sauvegarder les droits humains des générations futures

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Rapporteur : M. Pedro CEGONHO, Portugal, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 15513, Renvoi 4651 du 20 juin 2022. 2024 - Troisième partie de session

Résumé

Le rapport part du constat que les décisions politiques d’aujourd’hui auront des impacts durables sur les générations futures et le respect de leurs droits humains. Il encourage les États à adopter une approche intégrée prenant en compte les préoccupations environnementales ainsi que le développement économique, social et culturel. L’équité intergénérationnelle devra être un principe directeur dans la prise de toute décision impliquant les enfants et les jeunes et les générations qui hériteront de la planète.

Le rapport fait le point sur les progrès et les limites qui résultent de la récente jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en matière climatique. La poursuite de la réflexion sur les efforts à déployer pour faire progresser les normes existantes vers la sauvegarde des générations futures en matière environnementale est plus que jamais nécessaire.

Le Conseil de l’Europe a reconnu, dans la Déclaration de Reykjavík, la nécessité d’aller de l’avant dans la sauvegarde des droits humains pour les générations futures. Le rapport invite les États membres à profiter de cet élan pour faire preuve de leadership et d'un engagement ferme envers cet impératif en mettant en avant un discours qui réaffirme l'importance de respecter les droits des générations futures, et en explorant les potentiels et les limites de la jurisprudence récente en matière de climat pour développer des normes environnementales moins anthropocentrées.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 3 juin 2024.

(open)
1. L'Assemblée parlementaire souligne qu'un monde durable ne signifie pas seulement répondre aux besoins de la génération actuelle: il doit aussi garantir que les générations futures pourront elles aussi répondre à leurs besoins. Il s'agit ni plus ni moins de respecter l'équité intergénérationnelle et c'est un impératif d'autant plus absolu face au défi du changement climatique d'aujourd'hui.
2. L'Assemblée souligne en outre que si la crise climatique a été identifiée à juste titre comme la plus grande urgence existentielle à laquelle l'humanité est confrontée, nous ne devons pas négliger d'autres risques importants pour les droits des générations futures, tels que les inégalités socio-économiques croissantes, les urgences en matière de santé publique, les guerres et les conflits, et les progrès technologiques rapides.
3. L'Assemblée constate que de nombreux textes constitutionnels contiennent désormais des références aux générations futures et que les notions de générations futures et d'équité intergénérationnelle sont de plus en plus fréquemment utilisées devant les juridictions nationales et internationales dans le cadre de litiges environnementaux.
4. L'Assemblée se félicite que la Déclaration finale du Sommet de Reykjavík ait reconnu l'ampleur de la tâche à accomplir et que les chefs d'État et de gouvernement des États membres du Conseil de l'Europe s'y soient engagés à relever les défis actuels et futurs, à répondre aux attentes des générations à venir et à faire de l'environnement et de la solidarité intergénérationnelle une priorité visible de l'Organisation.
5. À la lumière de ces considérations, l'Assemblée invite les États membres du Conseil de l'Europe à saisir et à mettre à profit ce moment stratégique dans la vie de l'Organisation, et à promouvoir vigoureusement tant au niveau national que dans les forums internationaux:
5.1. leur volonté politique de défendre, protéger et développer les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels – tant au niveau individuel que collectif – de nos générations futures, sur la base du principe fondamental d'égalité et de non-discrimination énoncé dans le droit des droits humains;
5.2. leur volonté politique de faire progresser rapidement et avec détermination les normes et pratiques environnementales existantes, dans une perspective moins anthropocentrique et en tenant compte des développements juridiques récents en matière environnementale, en particulier de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme dans les affaires climatiques.

B. Exposé des motifs par M. Pedro Cegonho, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Le 28 avril 2022, plusieurs membres de l'Assemblée parlementaire ont déposé une proposition de résolution intitulée «De nouveaux droits pour les générations futures» 
			(2) 
			Doc 15513.. La proposition a été renvoyée à la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable pour rapport et j'ai été désigné rapporteur le 23 septembre 2022. Lors de la réunion de la commission du 22 mai 2023, le titre du rapport a été modifié comme suit: «Sauvegarder les droits humains pour les générations futures» afin de mieux refléter sa portée.
2. Le monde est actuellement confronté à de multiples crises qui se recoupent et qui menacent les vies humaines, les moyens de subsistance et les droits des générations actuelles et futures 
			(3) 
			<a href='https://www.rightsoffuturegenerations.org/about'>www.rightsoffuturegenerations.org/about</a>.. Il est internationalement reconnu que les générations actuelles ont la responsabilité d'arrêter et de prévenir les développements qui pourraient menacer la survie des générations futures 
			(4) 
			Nations
Unies, document analytique concernant la déclaration pour les générations
futures, <a href='https://www.un.org/pga/76/2022/09/12/general-assembly-declaration-on-future-generations-pga-letter/'>www.un.org/pga/76/2022/09/12/general-assembly-declaration-on-future-generations-pga-letter/</a> (en anglais).. S’il est vrai que la «triple crise planétaire» est le plus grand défi existentiel en termes de sauvegarde des droits des générations futures, d'autres défis principalement socio-économiques ont des effets à long terme sur les générations futures et leurs droits humains et menacent l'équité intergénérationnelle. C'est pourquoi la proposition de résolution s’étend à l’ensemble des droits humains des générations futures et des obligations des États correspondantes.
3. Au niveau des Nations Unies, le rapport “Notre programme commun”, adopté en 2021, présente la vision du Secrétaire général de l’ONU pour l'avenir de la coopération mondiale autour du programme de développement durable à l'horizon 2030. Il appelle à la solidarité entre les peuples, les pays et les générations, et à un renouvellement du système multilatéral afin d'accélérer la mise en œuvre des engagements existants et de combler les lacunes qui sont apparues depuis 2015 dans la gouvernance mondiale. Dans cet objectif, en septembre 2024, se tiendra un Sommet de l’avenir «Des solutions multilatérales pour un avenir meilleur».
4. Dans cette veine, la Déclaration finale du Sommet de Reykjavík organisé en mai 2023 réaffirme l'engagement des chefs d'État et de gouvernement du Conseil de l’Europe à relever les défis actuels et futurs, ainsi qu’à répondre aux attentes des générations à venir. Elle souligne que le Conseil de l'Europe fait partie d'un ordre international plus large et insiste sur l'importance de renforcer le dialogue avec d'autres organisations internationales et de travailler ensemble, notamment pour la mise en œuvre des Objectifs de développement durable des Nations Unies.
5. L’Assemblée parlementaire s’est penchée à plusieurs reprises sur l’impact des actions politiques actuelles sur les droits des générations futures. Dans ce contexte, j’aimerais rappeler: la Résolution 2396 (2021) «Ancrer le droit à un environnement sain: la nécessité d’une action renforcée du Conseil de l’Europe» et la Résolution 2415 (2022) «Inaction face au changement climatique – Une violation des droits de l’enfant» Ces résolutions reconnaissent la responsabilité des États de protéger et d’améliorer l’environnement pour les générations présentes et futures. La Résolution 2023 (2014) «Mesurer et améliorer le bien-être des citoyens européens» pose les décideurs politiques comme étant les responsables de l’amélioration du bien-être collectif au profit des générations présentes et futures, tandis que la Résolution 2197 (2018) «Un revenu de citoyenneté de base, une idée qui se défend» exhorte les États à entreprendre des réformes socio-économiques pour garantir des conditions de vie décentes et une protection sociale adéquate pour les générations actuelles et futures.
6. Enfin, la Résolution 2545 (2024) «Réaliser le droit à un environnement sûr, propre, sain et durable grâce du Processus de Reykjavík» appelle les chefs d'État et de gouvernement du Conseil de l’Europe à adopter une Stratégie post-Reykjavík qui sera mise en œuvre par et pour les jeunes générations et à se montrer exigeants en termes de transparence, éthique, accessibilité, responsabilité, efficacité et fiabilité.

2. Défis et opportunités pour l'équité intergénérationnelle et les droits humains pour les générations futures

7. Le terme «générations futures» désigne toutes les personnes qui viendront après nous. Leur vie et leur capacité éventuelle à jouir effectivement de tous les droits humains et à répondre à leurs besoins sont déjà influencées par nos actions d'aujourd'hui 
			(5) 
			<a href='https://www.un.org/fr/content/common-agenda-report/'>www.un.org/fr/content/common-agenda-report/</a>.. Les droits humains pour les générations futures sont intrinsèquement liés à la durabilité, qui nécessite une approche intégrée prenant en compte les préoccupations environnementales, ainsi que le développement économique, social et culturel. Un monde durable doit répondre aux besoins de la génération actuelle sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins, garantissant ainsi l'équité intergénérationnelle.
8. Les menaces interdépendantes du changement climatique, de la perte de biodiversité et d'écosystèmes et de la pollution, également connues sous le nom de «triple crise planétaire», violent chaque jour les droits d'innombrables personnes à travers le monde et menacent la jouissance effective des droits humains par les générations futures 
			(6) 
			<a href='https://www.un.org/en/content/action-for-human-rights/assets/pdf/info sheet - future generations.pdf'>www.un.org/en/content/action-for-human-rights/assets/pdf/info%20sheet%20-%20future%20generations.pdf</a>.. Ceux qui ont le moins contribué au changement climatique sont aussi ceux qui en souffrent le plus, et les générations futures devront vivre avec les conséquences de l'(in)action des décideurs politiques actuels, ce qui soulève des questions de justice et d'équité entre les riches et les pauvres, les nations et les générations. L'avenir de la planète et de l'humanité est menacé si nous n'intensifions pas nos efforts pour garantir un environnement sûr, propre, sain et durable pour tous.
9. Le monde est confronté à d'autres défis qui soulèvent des risques significatifs pour les droits des générations futures, tels que les inégalités socio-économiques croissantes, les urgences en matière de santé publique, les guerres et les conflits, et les progrès technologiques rapides, ce qui ajoute aux préoccupations relatives à la solidarité et à la justice intergénérationnelles. Si les droits des générations futures sont souvent associés à la préservation des ressources naturelles et de l'environnement à leur profit, il ne faut pas perdre de vue que les droits humains sont indivisibles et interdépendants. Les États doivent donc prendre des mesures pour sauvegarder l'ensemble des droits humains qui sont essentiels pour permettre aux générations futures de vivre dans la paix et la dignité.
10. À mi-chemin de l'échéance de 2030, le monde est fort mal parti pour atteindre les Objectifs de développement durable des Nations Unies 
			(7) 
			<a href='https://news.un.org/en/story/2023/07/1138777'>https://news.un.org/en/story/2023/07/1138777</a>.. La coopération régionale et internationale doit être renforcée pour atteindre les ambitions des accords existants. À cet égard, un multilatéralisme revigoré est impératif pour répondre efficacement aux défis et aux opportunités actuels et futurs. Le Sommet de Reykjavík et sa Déclaration ont témoigné de l'engagement politique à relever ces défis, et plusieurs autres initiatives multilatérales, y compris au niveau des Nations Unies, sont en cours. Pour que les décisions politiques soient légitimes pour les générations futures, il est important de responsabiliser les enfants et les jeunes, qui hériteront de la planète, et de les inclure de manière significative dans les processus décisionnels. Il faut également veiller à sauvegarder les intérêts des générations à naître, qui ne sont pas encore en vie pour nous dire ce dont elles ont besoin ou ce qu’elles pensent.

3. Réaffirmer l'engagement envers les générations futures par un multilatéralisme revigoré

3.1. Les Nations Unies: vers un «Sommet de l'avenir»

11. L'idée de préserver les droits des générations futures est apparue dès le milieu des années 1940. Avec la fin de la seconde guerre mondiale, les Nations Unies ont été construites sur l'idée de préserver «les générations futures du fléau de la guerre», comme l'indique le préambule de la Charte des Nations Unies. Par la suite, cette idée s'est retrouvée dans d'autres instruments des Nations Unies. La Déclaration de Stockholm de 1972 sur l'environnement énonce comme premier principe la nécessité de protéger et d’améliorer l’environnement pour les générations futures, et la Convention sur la diversité biologique de 1992 fait état, dans son préambule, de la conservation de la diversité biologique dans l’intérêt des générations présentes et futures. En outre, la Déclaration et le Programme d’action de Vienne de 1993 prévoit que «le droit au développement devrait se réaliser de manière à satisfaire équitablement les besoins des générations actuelles et futures». En 1997, l'UNESCO a adopté la Déclaration sur les responsabilités des générations présentes envers les générations futures, soulignant que «les générations présentes ont la responsabilité de veiller à ce que les besoins et les intérêts des générations présentes et futures soient pleinement sauvegardés».
12. Cependant, depuis lors, les menaces pesant sur les droits des générations futures se sont accumulées et doivent donc être constamment réévaluées en adoptant une perspective moderne et critique. À cet égard, les priorités des jeunes peuvent constituer un indicateur et leur participation aux processus décisionnels peut être considérée comme un investissement dont les résultats sont immédiats. Les Nations Unies soulignent que les questions les plus urgentes sont la préservation d’une planète saine, des institutions solides, la protection sociale, l’éducation et l’emploi ainsi que le renforcement de la sécurité sanitaire et la préparation aux urgences sanitaires 
			(8) 
			Ibid.. Par exemple, en 2016, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a reconnu que la dégradation de l’environnement constitue une menace grave pesant sur la capacité des générations présentes et futures à jouir du droit à la vie 
			(9) 
			Comité des droits de
l’homme, <a href='https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/15/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=CCPR%2FC%2F127%2FD%2F2728%2F2016&Lang=en'>Constatations
adoptées par le Comité concernant la communication n° 2728/2016</a>..
13. En 2021, le Secrétaire général des Nations Unies a lancé «Notre programme commun», un rapport d'action emblématique qui se concentre entre autres sur les générations futures et sur la manière de répondre aux défis de demain 
			(10) 
			<a href='https://www.un.org/fr/content/common-agenda-report/'>www.un.org/fr/content/common-agenda-report/</a>.. Conformément à ce programme, les Nations Unies ont publié en mars 2023 un document d’orientation qui a pour titre «To Think and Act for Future Generations» (Penser et agir pour les générations futures). Ce document propose des étapes concrètes pour sauvegarder les intérêts des générations futures et préserver leur capacité à jouir effectivement de tous les droits humains. La première étape prévue est la nomination d’un Envoyé spécial pour les générations futures, exerçant des fonctions de conseil et de défense des intérêts des générations futures. La deuxième étape consiste à faire un meilleur usage de la prospective, de la science et des données, et la troisième étape vise à créer un forum pour les générations futures 
			(11) 
			ONU, «<a href='www.un.org/sites/un2.un.org/files/2301924f-policybrief-1.pdf'>Réfléchir
et agir pour les générations futures</a>»..
14. Dans le cadre du document d’orientation, les Nations Unies ont organisé plusieurs consultations et l'Assemblée générale a décidé d'organiser un Sommet pour l’avenir en 2024 intitulé «Des solutions multilatérales pour un avenir meilleur» au cours duquel un Pacte pour l'avenir sera au cœur des débats. Le Sommet se tiendra à New York en septembre 2024. Les Nations Unies proposent des mesures concrètes pour renforcer les droits humains des générations futures, notamment la mise en œuvre d'une réflexion intergénérationnelle à long terme dans la prise de décision et l'adoption d'une Déclaration pour les générations futures et d'un pacte numérique mondial, qui seront annexés au Pacte pour l'avenir, sous réserve d'obtenir un soutien intergouvernemental. La Déclaration est censée identifier, et permettre de gérer et surveiller les risques existentiels mondiaux et axer les politiques et les programmes sur le développement durable à long terme 
			(12) 
			Ibid.. Elle comportera des obligations juridiquement contraignantes et pourra donc devenir un instrument juridique fort dans la lutte pour la sauvegarde des droits humains pour les générations futures.
15. En outre, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH) a organisé une table ronde sur «La Déclaration universelle des droits de l'homme à 75 ans: un regard sur les générations futures» le 26 juin 2023, dans le cadre de l'initiative «Notre programme commun» du Secrétaire général. L'événement visait à souligner l'importance de la Déclaration universelle des droits de l'homme dans la résolution des problèmes et des défis émergents, ainsi qu'à servir de base pour relever les défis futurs, y compris les droits humains des générations à venir. La table ronde a passé en revue les progrès récents dans le domaine des droits humains pour les générations futures, et a identifié les principaux défis à relever dans ce domaine.
16. Sur la base des recommandations reçues lors de la table ronde mentionnée ci-dessus, le HCDH a présenté des propositions spécifiques pour renforcer les droits humains des générations futures lors de sa réunion annuelle avec les États membres les 28 et 29 juin 2023. Ces propositions impliquent diverses actions telles que l'encouragement d'une réflexion intergénérationnelle à long terme dans la prise de décision; l'adoption d'une Déclaration sur les générations futures; la désignation d'un Envoyé spécial des Nations Unies pour les générations futures, l'amélioration de la coopération entre les entités des Nations Unies, le soutien à l'implication de la société civile, la promotion de l'éducation et de la sensibilisation, la mise en place de mécanismes de responsabilisation, l'évaluation des instruments internationaux existants en matière de droits humains, et l'élaboration de nouveaux instruments 
			(13) 
			<a href='www.ohchr.org/sites/default/files/documents/new-york/events/hr75-future-generations/Concept-note-OHCHR-Roundtable-Human-rights-and-future-generations-26-June.pdf'>Note
conceptuelle</a>, Table ronde du HCDH sur les droits humains
et les générations futures (en anglais)..

3.2. Conseil de l'Europe: Unis autour de nos valeurs pour les générations présentes et futures

17. Dans le cadre de ses travaux, le Conseil de l’Europe a également abordé les problèmes relatifs à la sauvegarde des droits humains pour les générations futures dans leurs multiples dimensions. Par exemple, il a reconnu son propre rôle en la matière et la nécessité de contribuer aux améliorations répondant aux nouveaux développements sociétaux. Cela englobe en particulier la protection des droits sociaux en période de crise, lorsque les groupes vulnérables courent un risque accru de basculer dans la pauvreté, la marginalisation et l’exclusion sociale 
			(14) 
			Déclaration ministérielle
d’Istanbul, «Bâtir un avenir sûr pour tous», MINCONF SOC (2012)
2 final..
18. Le «Document de Bruxelles» de 2015, élaboré lors de la conférence sur «l'avenir de la protection des droits sociaux en Europe», à l'initiative de la présidence belge du Comité des Ministres, présente une série d'objectifs et de propositions pour l'amélioration de la protection des droits sociaux en Europe. Il confirme un large consensus sur la «nécessité de mieux prendre en compte les exigences des droits sociaux dans les politiques mises en œuvre en Europe en réponse aux crises économique, financière et de la dette souveraine, et de renforcer à cet effet les possibilités de recours juridiques contre les violations des droits sociaux». A cet égard, il a été souligné qu'il fallait conférer une pleine efficacité à la Charte sociale européenne (révisée) (STE no 163) et améliorer la coordination entre les États membres.
19. L’ancienne Commissaire aux droits de l'homme a reconnu dans ses travaux que la dégradation de l'environnement peut affecter non seulement le droit à la vie ou le droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants, mais également divers droits économiques, sociaux et culturels 
			(15) 
			<a href='https://rm.coe.int/third-party-intervention-by-the-council-of-europe-commissioner-for-hum/1680a26105'>https://rm.coe.int/third-party-intervention-by-the-council-of-europe-commissioner-for-hum/1680a26105</a> (en anglais).. Dans une Déclaration le 27 février 2020, la présidence géorgienne du Comité des Ministres a affirmé que «la vie et le bien-être sur notre planète dépendent de la capacité collective de l’humanité à garantir à la fois les droits de l’homme et un environnement sain pour les générations à venir». En outre, il a été noté qu'«[u]ne plus grande action collective au niveau européen créerait un précédent mondial et réduirait le risque prévisible d’atteinte irréparable aux droits de l’homme des générations futures».
20. Lors du 4e Sommet du Conseil de l’Europe, tenu à Reykjavík, les 16 en 17 mai 2023, il a été souligné que «nous avons besoin d’un Conseil de l’Europe moderne nous donnant les moyens de relever les défis actuels et futurs et de répondre aux attentes des générations à venir». Il en a résulté une déclaration politique qui trace la voie à suivre pour nos pays et pour le Conseil de l’Europe, dans l’intérêt de tous les Européens, y compris les générations futures. Cette Déclaration souligne notamment que le Conseil de l’Europe dispose des outils et des structures nécessaires pour traiter la question des droits humains et de l’environnement, et qu’il peut jouer un rôle important dans ce contexte.
21. Je me réjouis en particulier que la Déclaration de Reykjavík affirme que les droits humains et l'environnement sont intimement liés et qu'elle reconnaisse qu'un «environnement propre, sain et durable est essentiel au plein exercice des droits de l'homme des générations actuelles et futures». En janvier 2024, la Secrétaire générale du Conseil de l’Europe a créé, au sein de la Direction générale droits humains et État de droit, une nouvelle direction dédiée aux droits sociaux, à la santé et à l’environnement et en particulier au suivi du processus de Reykjavík et l’environnement. Dans la foulée, un groupe de travail inter-secrétariat sur l’environnement a été créé, dont la première tâche a été de faire le point sur les activités existantes, les activités prévues et les propositions de nouvelles activités. Il a également proposé des éléments pour l’élaboration d’une première stratégie du Conseil de l’Europe en matière d’environnement. J’exprime le souhait que cette stratégie verra émerger un engagement fort pour la création d’un nouvel instrument juridique dans le domaine des droits humains et de l’environnement, tenant compte des enjeux globaux et transfrontières du changement climatique.

4. Invoquer les droits des générations futures devant les juridictions: le contentieux environnemental

22. De nombreuses constitutions écrites contiennent aujourd'hui des références aux générations futures 
			(16) 
			<a href='https://www.un.org/sites/un2.un.org/files/our-common-agenda-policy-brief-future-generations-en.pdf'>www.un.org/sites/un2.un.org/files/our-common-agenda-policy-brief-future-generations-en.pdf</a>.. Cette situation a incité des citoyens à invoquer les droits des générations futures et l'équité intergénérationnelle devant les juridictions. Les tribunaux renforcent de plus en plus la protection des générations futures, en particulier dans les affaires concernant l'environnement et les essais nucléaires 
			(17) 
			ONU Programme pour
l’environnement, «Rapport mondial sur les litiges relatifs au climat:
bilan de la situation en 2020», <a href='https://www.unep.org/fr/resources/rapport/rapport-mondial-sur-les-litiges-relatifs-au-climat-bilan-de-la-situation-en-2020'>www.unep.org/fr/resources/rapport/rapport-mondial-sur-les-litiges-relatifs-au-climat-bilan-de-la-situation-en-2020</a>.. Le contentieux lié au changement climatique a plus que doublé depuis 2015.
23. L’affaire Urgenda offre un exemple d’approches par les juridictions nationales. Dans cette affaire, la Cour suprême des Pays-Bas a soutenu qu’un risque futur dont les conséquences sont prévisibles peut déjà donner lieu à un risque imminent de préjudice et à l’obligation connexe de protéger, de respecter et de garantir les droits humains dans le présent. La Cour constitutionnelle fédérale allemande a poussé le raisonnement encore plus loin en établissant un devoir intergénérationnel de protection, lié aux droits humains et au climat, dans son arrêt sur le climat (Klimabeschluss) du 24 mars 2021.
24. Certains affirment que les juridictions des pays du Sud ont été plus progressistes et ont statué en faveur des requérants. Les affaires portées devant les juridictions des pays en développement «démontrent une utilisation significative et souvent fructueuse des principes des droits humains, basée sur des dispositions solides en matière de droits dans les Constitutions nationales, des précédents dans les tribunaux régionaux des droits humains, une pratique passée d'innovation dans la reconnaissance des droits environnementaux, et l'urgence et l'immédiateté de la menace du changement climatique pour les droits humains dans de nombreux pays» 
			(18) 
			<a href='https://www.law.georgetown.edu/environmental-law-review/wp-content/uploads/sites/18/2020/08/GT-GELR200020.pdf'>www.law.georgetown.edu/environmental-law-review/wp-content/uploads/sites/18/2020/08/GT-GELR200020.pdf</a>; Joana Setzer & Lisa Benjamin, «Climate Litigation
in the Global South: Constraints and Innovations», Transnational Environmental
Law, 1-25 (2019) (en anglais)..
25. Une affaire importante est l'affaire colombienne Future Generations v. Ministry of the Environment and Others de 2018, dans laquelle 25 jeunes requérants ont déposé un recours constitutionnel contre le Gouvernement colombien et plusieurs entreprises pour protéger leurs droits fondamentaux et humains, arguant que ledit gouvernement n'avait pas respecté ses engagements internationaux pour empêcher la déforestation de l'Amazonie et que cela avait un impact disproportionné sur les jeunes et les générations futures 
			(19) 
			Réseau
mondial pour les droits humains et l'environnement, <a href='https://www.ohchr.org/sites/default/files/documents/issues/climatechange/cfi-enhancing-climate-change-legislation/CFI-SR-Climate-GA-2023-NGO-global-network.pdf'>«Réflexions
sur l’appel à contributions:</a><a href='https://www.ohchr.org/sites/default/files/documents/issues/climatechange/cfi-enhancing-climate-change-legislation/CFI-SR-Climate-GA-2023-NGO-global-network.pdf'>Renforcer
la législation sur le changement climatique, soutenir les litiges
liés au changement climatique et promouvoir le principe de justice
intergénérationelle»</a> (en anglais).. La Cour suprême a invoqué le principe de solidarité et a estimé que les êtres humains de toutes les générations devaient jouir des droits environnementaux et que le fait de ne pas faire face aux dommages environnementaux compromettait l'accès des générations futures aux ressources et à la jouissance de leurs droits.
26. La Cour internationale de justice (CIJ) s'est penchée à plusieurs reprises sur des questions liées à l'équité intergénérationnelle 
			(20) 
			Voir par exemple, Demande
d'examen de la situation au titre du paragraphe 63 de l'arrêt rendu
par la Cour le 20 décembre 1974 dans l'affaire des Essais nucléaires
(Nouvelle-Zélande c. France), Ordre, 1995 ICJ Rep 288, 6 (Sept. 22);
Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie)), Jugement, 1997
ICJ Rep 88, 106 (Sept. 25) (Opinion individuelle de M. Weeramantry,
Vice-Président).. Le juge Weeramantry, dans son opinion dissidente sur la «Légalité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires», a déclaré que «[la CIJ], en tant qu'organe judiciaire principal des Nations Unies, habilité à énoncer et à appliquer le droit international avec une autorité qu'aucun autre tribunal ne peut égaler, doit, dans sa jurisprudence, tenir dûment compte des droits des générations futures». En mars 2023, sous l'impulsion de l'État insulaire du Pacifique, Vanuatu, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté à l'unanimité la résolution de demander un avis consultatif à la CIJ sur les obligations juridiques des États, en vertu du droit international, de protéger les droits des générations présentes et futures contre les effets néfastes du changement climatique. En janvier 2023, la Cour interaméricaine des droits de l’homme avait également été saisie d’une demande d’avis consultatif déposée par la République de la Colombie et la République du Chili concernant l’urgence climatique et les droits humains 
			(21) 
			www.corteidh.or.cr/docs/opiniones/soc_1_2023_fr.pdf..
27. Le 9 avril 2024, la Cour européenne des droits de l’Homme a rendu ses décisions dans les premières «affaires climatiques». Dans l’une d’entre elles, Verein Klimaseniorinnen Schweiz et autres c. Suisse (Aînées pour le climat et autres), quatre femmes et une association représentant plus de 2 500 femmes âgées ont fait valoir que l'incapacité de la Suisse à atténuer de manière adéquate le réchauffement climatique violait plusieurs de leurs droits fondamentaux. La Cour, dans sa composition de Grande Chambre, a conclu à une violation de l’article 8 de la Convention (respect de la vie privée). Dans cet arrêt, la Cour part du postulat clairement affirmé que les effets délétères du changement climatique soulèvent la question de la répartition de l’effort entre les générations, y compris à l’égard des générations futures. Un passage de cet arrêt me semble devoir être cité verbatim: «les générations futures risquent de supporter le fardeau croissant des conséquences des manquements et omissions d’aujourd’hui dans la lutte contre le changement climatique, et que cependant elles n’ont nulle possibilité de participer aux processus décisionnels actuels en la matière. En s’engageant au titre de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), les États parties ont contracté l’obligation de préserver le système climatique dans l’intérêt des générations présentes et futures (…). Dans ce contexte, compte tenu des perspectives d’aggravation des conséquences qui pèseront sur les générations futures, le point de vue intergénérationnel met en exergue le risque inhérent à la prise de décision politique dans ce domaine, c’est-à-dire le fait que les intérêts et préoccupations de court terme pourraient l’emporter et prendre le pas sur le besoin impérieux d’une prise de décisions viables, risque particulièrement sérieux et justifiant plus encore l’existence d’une possibilité de contrôle juridictionnel» (paragraphe 420).
28. Cette prise en compte de l’équité intergénérationnelle a donné lieu à des innovations jurisprudentielles très concrètes et porteuses pour les générations futures.
29. Sur le plan de la recevabilité des requêtes soumises par des associations, la répartition de l’effort commande, selon la Cour, un assouplissement des conditions requises des associations pour déposer une requête au nom de personnes physiques et se plaindre d’une atteinte à leur droit au respect de la vie privée. Sans remettre en cause l’exclusion de l’actio popularis par le système de la Convention 
			(22) 
			Cela
signifie que la Convention n’autorise pas les particuliers ou les
groupes de particuliers à se plaindre d’une disposition de droit
interne simplement parce qu’il leur semble, sans qu’ils en aient
directement subi les effets, qu’elle a violé la Convention., la Cour a introduit un nouveau «test» pour évaluer si une association a la qualité pour agir devant elle. Ce test est inspiré principalement des principes figurant dans la Convention d’Aarhus sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement. Il en résulte que désormais les associations investies dans la lutte contre le changement climatique disposent d’une forme d’action collective («class action») pour agir devant la Cour sans devoir démontrer que leurs membres sont impactés personnellement par les menaces dénoncées.
30. Sur le fond ensuite, la Cour a posé que les États parties ont désormais des obligations positives spécifiques dans le domaine du changement climatique en vue d’une réduction de leurs niveaux d’émission de gaz à effet de serre, aux fins d’atteindre la neutralité nette, en principe au cours des trois prochaines décennies. Plus spécifiquement, la Cour a exigé que, pour rendre les choses réellement possibles et pour éviter de faire peser une charge disproportionnée sur les générations futures, les Etats prennent des mesures immédiatement et fixent des objectifs de réduction intermédiaires appropriés pour la période lors de laquelle la neutralité nette devra être atteinte (paragraphes 548 et 549).
31. Quel que soit le potentiel de ces avancées jurisprudentielles, je rappelle que la protection de l’environnement par la Cour est par définition indirecte car tributaire de l’atteinte portée aux droits humains reconnus par la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5). De plus, et cela me semble une limite bien plus importante pour les générations futures, la Cour a adopté une interprétation restreinte de la notion de juridiction de l’État défendeur pour établir sa propre compétence et a refusé de la faire évoluer pour le contentieux climatique. Dans la décision du 9 avril 2024 déclarant irrecevable l’affaire Duarte Agostinho et autres c. Portugal et 32 États, la Cour a estimé que les requérants relevaient uniquement de la juridiction du Portugal et non des 32 autres États. La Cour a rappelé qu’elle «a toujours rejeté l’idée que le fait qu’une décision prise au niveau national a eu un impact sur la situation d’un individu se trouvant à l’étranger puisse être en soi de nature à établir la juridiction de l’État concerné à l’égard de l’intéressé» (paragraphe 184). Ainsi, tout en reconnaissant que les États «exercent un contrôle ultime sur les activités publiques et privées émettrices de GES [gaz à effet de serre] qui sont menées sur leur territoire» (paragraphe 192) et que celles-ci ont des «effets délétères sur les droits et le bien-être des populations résidant hors des frontières de cet État» (paragraphe 193) la Cour a estimé «qu’il n’est pas possible de considérer que les obligations positives qu’il est proposé d’imposer aux États en matière de changement climatique puissent être un motif suffisant pour conclure à l’exercice par l’État de sa juridiction à l’égard de personnes qui se trouvent hors de son territoire, ou hors de son autorité et son contrôle» (paragraphe 198).
32. Cette approche laisse un grand «vide» qui place le système de la Convention en deçà des enjeux environnementaux pour les générations futures et qui le démarque notamment de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, qui a reconnu le caractère extraterritorial des obligations des États en matière de droits humains découlant des dommages environnementaux (voire du risque de tels dommages) imputables à un État partie 
			(23) 
			Voir
l’Avis consultatif sur l’environnement et les droits humains de
la Cour interaméricaine des droits de l’homme, 15 novembre 2017
(en anglais)..
33. Dans la Résolution 2477 (2023) «Impact environnemental des conflits armés», l’Assemblée a soutenu la nécessité de reconnaître le caractère extraterritorial des obligations d’un État en matière de droits humains dans les situations où l’impact environnemental qui peut être attribué à l’État en dehors de ses frontières est «direct et raisonnablement prévisible». Dans son exposé des motifs de la Résolution 2545 (2024) et de la Recommandation 2272 (2024) «Réaliser le droit à un environnement sûr, propre, sain et durable grâce au processus de Reykjavík», notre collègue Simon Moutquin (Belgique, Soc) le souligne fort justement: avec la vitesse à laquelle les enjeux environnementaux grandissent et s’intensifient, une nouvelle réalité émerge: le droit à un environnement sain concerne un bien commun à l’Humanité. Dans cette perspective, les traités classiques du Conseil de l’Europe en matière de droits humains pourraient s’avérer trop étroits pour garantir les droits environnementaux de façon efficace et faire face à des problèmes globaux et transfrontières. Je ne peux que le rejoindre quand il estime inéluctable de s’interroger sur le caractère anthropocentrique du droit à un environnement sain et de repenser l’approche par les droits individuels.

5. Les principes de Maastricht: une tentative de clarifier la portée des droits humains pour les générations futures

34. En 2017, un groupe d'experts juridiques et des droits humains du monde entier 
			(24) 
			Y compris des experts
universitaires, des titulaires actuels ou anciens de mandats nationaux
et régionaux en matière de droits humains, des organisations de
la société civile, des membres des peuples autochtones, et des mouvements sociaux. a entrepris un processus de six ans pour examiner le paysage du droit international des droits humains tel qu'il s'applique aux droits des générations futures, ce qui a donné lieu aux Principes de Maastricht sur les droits humains des générations futures (les Principes de Maastricht) 
			(25) 
			<a href='https://www.rightsoffuturegenerations.org/about'>www.rightsoffuturegenerations.org/about</a>.. Ils ont été adoptés début février 2023 et présentés au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies en juin 2023.
35. Les Principes de Maastricht sont un ensemble de lignes directrices qui visent à clarifier l’état du droit international des droits humains tel qu’il s’applique aux générations futures. Ils devraient guider les décideurs pour répondre aux questions fondamentales sur la manière d’intégrer efficacement les droits humains des générations futures dans des lois et des déclarations concrètes pour respecter, protéger et promouvoir les droits des générations futures sur la base de l’architecture juridique qui a évolué au cours des 70 dernières années. Les Principes précisent que les droits humains, y compris le droit à un environnement propre, sain et durable, n’ont pas de limites temporelles. Les droits humains s’appliquent pleinement aux générations futures. Alors que les États s’interrogent sur la manière de protéger les générations futures, les Principes stipulent que nous devons d’abord reconnaître que les générations futures sont intrinsèquement couvertes par l’ensemble existant du droit relatif aux droits humains. Par conséquent, respecter, protéger et défendre les droits des générations futures revient simplement à défendre un concept fondamental du droit des droits humains: l’égalité et la non-discrimination 
			(26) 
			Ibid..
36. Les Principes proposent une interprétation progressiste et une avancée des normes existantes en matière de droits humains dans le contexte des droits humains des générations futures. Ils reconnaissent qu'au fur et à mesure que le droit international des droits humains progresse, les États peuvent être amenés à assumer des obligations supplémentaires 
			(27) 
			<a href='https://www.ohchr.org/sites/default/files/documents/new-york/events/hr75-future-generations/Maastricht-Principles-on-The-Human-Rights-of-Future-Generations.pdf'>www.ohchr.org/sites/default/files/documents/new-york/events/hr75-future-generations/Maastricht-Principles-on-The-Human-Rights-of-Future-Generations.pdf</a> (en anglais)..
37. En outre, les Principes soulignent que les générations futures ont des droits humains individuels et collectifs, y compris, mais sans s'y limiter, les droits civils et politiques, les droits économiques, sociaux et culturels, le droit à un environnement propre, sain et durable, le droit au développement, le droit à l'autodétermination et le droit à la paix. Ils reconnaissent également que certains groupes et peuples peuvent bénéficier de droits spécifiques ou supplémentaires en raison de leur situation passée ou présente de marginalisation ou de discrimination.
38. Les Principes donnent des exemples de la manière dont les États devraient s'acquitter de leurs responsabilités dans divers domaines, notamment la protection de l'environnement, la lutte contre le changement climatique, la promotion du développement durable, le respect des droits des peuples autochtones, des enfants, des femmes, de la communauté LGBTQI+, la gestion des migrations et des déplacements, la gestion des conflits armés et des situations d'après-conflit. Ils proposent également des moyens pour les États d'évaluer leur respect de ces obligations par le biais de la législation nationale, des mécanismes de contrôle judiciaire, des procédures de rapport, de l'implication du public dans la prise de décision, de la facilitation des discussions entre les générations et de la promotion de la coopération internationale.
39. Bien que les Principes ne soient pas juridiquement contraignants, ils représentent une interprétation progressiste et une avancée des normes existantes en matière de droits humains des générations futures. Ils servent de référence utile aux États pour s'assurer que tous les efforts déployés pour soutenir les générations futures sont conformes au droit international des droits humains. On estime que les procédures actuelles et futures pendantes devant les juridictions concernant les droits des générations futures pourront être guidées par les nouveaux principes. Comme l'affirment les auteurs des Principes de Maastricht, «la création de nouveaux mécanismes juridiques peut prendre des décennies et ne s'accompagne pas d'une garantie d'action. En revanche, l'adaptation des régimes juridiques et réglementaires existants peut avoir un impact immédiat sur les résultats juridiques en matière de protection des droits humains des générations futures» 
			(28) 
			<a href='https://www.rightsoffuturegenerations.org/about'>www.rightsoffuturegenerations.org/about</a>.. Les Principes sont conçus pour être révisés périodiquement au fur et à mesure de l'évolution des droits humains.

6. Conclusions

40. Les décisions politiques que nous prenons aujourd’hui auront des impacts durables sur les générations futures et sur le respect de leurs droits humains. Le monde est actuellement confronté à des crises multiples et croisées qui menacent les droits des générations actuelles et futures. Il est donc important que les États adoptent une approche intégrée prenant en compte les préoccupations environnementales ainsi que le développement économique, social et culturel. L’équité intergénérationnelle devrait être un principe directeur dans la prise de décision politique impliquant les enfants et les jeunes, ainsi que la prise en compte des générations à naître – qui hériteront de la planète après nous.
41. Alors qu'un certain nombre de traités internationaux et d'accords multilatéraux confèrent des droits aux générations actuelles et futures en matière de durabilité et de droits économiques, sociaux et culturels, un engagement plus fort est nécessaire de la part des États pour mettre en œuvre ces droits. Les juridictions ont historiquement joué un rôle important dans l’interprétation progressiste des droits humains et ont jeté les bases de nombreux droits dont nous jouissons aujourd’hui. Certains contentieux concernant les générations futures ont déjà, dans une certaine mesure, influencé les actions politiques aux niveaux national et multilatéral. ll est encourageant de constater que le Conseil de l’Europe a reconnu la nécessité d’aller de l’avant dans la sauvegarde des droits humains pour les générations futures. Gageons que la Stratégie post-Reykjavík marque l’engagement ferme de notre Organisation à faire preuve de leadership en la matière en s'appuyant sur les travaux existants, tels que les «Principes de Maastricht sur les droits humains des générations futures».
42. Sur le terrain le plus visible dans l’actualité, celui du changement climatique, on s’attend à ce que le Conseil de l’Europe fasse un saut qualitatif majeur pour les générations futures et s’interroge à bon escient sur les manières de dépasser le caractère anthropocentrique des droits humains.