1. Introduction:
la banque de développement social pour l’Europe
1. La Banque de développement
du Conseil de l’Europe (CEB, ou «la banque») est la plus ancienne banque
multilatérale de développement d’Europe. Elle est principalement
axée sur la promotion de la cohésion sociale. Ses grands domaines
d’intervention sont les défis sociaux, y compris l’intégration des
personnes migrantes, déplacées et réfugiées, les catastrophes naturelles
et, plus récemment, le soutien à la reconstruction de l’Ukraine.
La banque est liée au Conseil de l’Europe en ce qu’elle est un accord
partiel élargi, mais elle est dotée d’une personnalité juridique
distincte et possède ses propres sources de financement. À l’heure
actuelle, 43 pays en sont membres

. Ils contribuent au capital de
la banque, ce qui permet les levées de fonds et le financement de
projets

, dont ils bénéficient
en retour. L’Assemblée parlementaire suit les travaux de la banque
de très près au travers de sa commission des questions sociales,
de la santé et du développement durable et de sa commission des
migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, le cas échéant

.
Le présent rapport se propose d’examiner l’action de la CEB au regard
de l’appel lancé dans la Déclaration de Reykjavík.
2. Lors du Sommet de Reykjavík (16 et 17 mai 2023), les États
membres ont reconnu la valeur ajoutée que la CEB peut apporter s’agissant
de l’aide à la reconstruction de l’Ukraine et l’ont encouragé à
axer ses activités sur les dimensions sociales du changement climatique
et de la dégradation de l’environnement. Ces attentes, telles qu’elles
sont exprimées dans la Déclaration de Reykjavík, sont en phase avec
les orientations du Cadre stratégique 2023-2027 de la CEB, qui fixe
trois objectifs principaux: répondre aux besoins de développement social
et aux défis de l’inclusion ; investir dans une aide globale aux
réfugié·es et aux migrant·es (notamment le renforcement des capacités
pour l’avenir) ; et fournir un soutien ciblé à l’Ukraine (reconstruction
et restauration de divers secteurs sociaux), pays qui est devenu
le nouveau membre de la banque le 15 juin 2023. La Déclaration de
Reykjavík décrit ce dernier engagement comme suit: « Nous soutiendrons
les efforts de reconstruction de l’Ukraine, notamment en finançant
et en mettant en œuvre le Plan d’action du Conseil de l’Europe pour
l’Ukraine intitulé “Résilience, relance et reconstruction”, et nous
nous engageons à utiliser tous les moyens disponibles au sein du
Conseil de l’Europe, y compris par l’intermédiaire de la Banque
de développement du Conseil de l’Europe (CEB)».
3. En ce qui concerne l’action du Conseil de l’Europe dans les
domaines des droits humains et de l’environnement, la Déclaration
de Reykjavík encourage la CEB « à se concentrer sur les dimensions
sociales du changement climatique et de la dégradation de l’environnement,
et à aider les États membres à réaliser une transition juste et
inclusive qui ne laisse personne de côté en finançant des projets
dans ses secteurs d’activité clés, conformément à son cadre stratégique ».
L’action pour le climat est l’un des thèmes transversaux du Cadre
stratégique 2023-2027 de la CEB, l’intention étant de caler la sélection
des projets sur l’Accord de Paris sur le changement climatique et
ses objectifs connexes, et d’appliquer une approche fondée sur le
lien entre climat et enjeux sociaux à tous les investissements qui
s’y prêtent, afin d’en accroître l’impact et de parvenir à plus
d’efficacité dans la mise en œuvre des stratégies d’adaptation et
d’atténuation.
4. Depuis janvier 2024, la banque ne finance que les nouvelles
activités de prêt et nouveaux investissements qui sont parfaitement
en phase avec les objectifs de l’Accord de Paris. Ainsi, sa Politique
de prêt et de financement de projets exclut expressément tout financement
de projet susceptible de générer des risques sociaux et environnementaux
importants ou d’avoir des retombées sociales et environnementales négatives.
Le Cadre Stratégique 2023-2027 de la CEB met en évidence plusieurs
vulnérabilités socio-environnementales: conséquences du réchauffement
climatique, inégalités dans et entre les pays, incidences sur la
santé publique, vieillissement de la population, durabilité des
logements et défis liés à l’emploi, entre autres. La CEB soutiendra
donc des projets ayant trait aux logements sociaux, abordables et
résilients, au développement urbain, rural et régional durable,
à la résilience aux catastrophes naturelles et à la protection de
l’environnement. En 2023, près de la moitié des projets de la banque
ont eu des effets bénéfiques sur le climat et le développement social.
5. Sur la base de l’échange de vues du 25 mars 2024 entre la
commission des questions sociales, de la santé et du développement
durable et le Gouverneur de la CEB, M. Carlo Monticelli, de mes
réunions d’information avec des représentant·es de la banque le
26 mars et de recherches complémentaires, le présent rapport se
propose d’examiner les travaux de la banque au cours des cinq dernières
années, d’assurer le suivi des précédentes recommandations de l’Assemblée
et de formuler des propositions qui permettront d’améliorer encore
la pertinence, la visibilité et la solidité de la CEB du point de
vue des États membres et de leurs besoins, selon le Cadre stratégique
de la banque. Mon travail en tant que rapporteure de la commission
se fonde sur des entretiens avec des responsables de la banque et
du Conseil de l’Europe, des membres choisi·es du Conseil de direction
(qui sont également les représentant·es permanent·es des États membres
auprès du Conseil de l’Europe), ainsi que sur des recherches documentaires
et les délibérations de la commission.
2. Présentation générale des activités
de la CEB sur la période 2019-2023
6. L’action de la CEB au cours
des cinq dernières années a été fortement marquée par plusieurs
faits particulièrement déstabilisateurs, qui concernent son domaine
d’activité, à savoir la pandémie de covid-19, le début de la guerre
en Ukraine et l’accélération de la crise climatique. Les vulnérabilités
sociales ont été amplifiées dans les États membres, venant s’ajouter
aux problèmes préexistants. La nécessité pour la CEB d’augmenter
ses fonds propres afin de renforcer sa capacité de financement de
projets s’est donc imposée comme une évidence, notamment en raison
des vastes besoins sociaux en Ukraine, dévastée par la guerre.
7. En décembre 2022, le Conseil de direction de la CEB a approuvé
le Cadre Stratégique de la banque pour la période 2023-2027 ainsi
qu’une augmentation record du capital de la banque. Pour la première
fois depuis la création de la CEB, l’augmentation comprenait une
part de capital libérée à verser par les États membres. Cette augmentation
de capital a renforcé la capacité de la banque à continuer de soutenir l’ensemble
de ses États membres, y compris l’Ukraine. L’Assemblée ne peut que
se féliciter de cette décision et je rappellerais, du reste, que
sa
Résolution 2302 (2019) «La Banque de développement du Conseil de l’Europe:
contribuer à la construction d’une société plus inclusive », invitait
les actionnaires de la banque à « rester ouverts à une nouvelle
augmentation du capital de la CEB ».
8. Les chiffres certifiés sur la situation financière de la CEB
montrent qu’en 2023, la banque a approuvé 4,1 milliards d’euros
de nouveaux prêts et décaissé 3,7 milliards d’euros dans le cadre
des prêts approuvés, tout en générant un bénéfice financier net
de 109 millions d’euros. Les bénéfices ont augmenté de 37 % par rapport
à 2022, ce qui est impressionnant, principalement grâce au niveau
élevé des taux d’intérêt. Aucune défaillance de crédit ni aucun
retard de paiement n’a été enregistré en 2023 ou au cours des années précédentes.
Il est important de noter que la CEB a retrouvé sa note de crédit
« triple A » en 2023, selon les évaluations de Standard & Poor’s,
Moody’s et Fitch.
9. Les résultats solides obtenus en 2023 confirment la capacité
de la banque à résister aux turbulences extérieures ainsi que sa
gestion prudente des ressources disponibles et sa capacité à innover.
Par exemple, surmontant les contraintes liées au début de la pandémie
de covid-19, la CEB a émis ses premières obligations d’inclusion
sociale en réponse à la covid-19, mis en place le Fonds d’investissement
social vert et créé le Prix CEB pour l’inclusion sociale en 2020.
L’année suivante, elle a rejoint l’initiative multilatérale « ambition climatique
collective » et a défini sa feuille de route pour le soutien à la
réalisation des objectifs de l’Accord de Paris. Un jalon important
a marqué l’année 2023, avec la création du Fonds prévention et relèvement
de catastrophes, qui a été mis en place notamment pour aider la
Türkiye à gérer les conséquences du tremblement de terre dévastateur
de février 2023.
10. Il convient également de noter la coopération étroite entre
la CEB et des partenaires internationaux comme l’Union européenne,
des institutions financières internationales

et
plusieurs institutions spécialisées des Nations Unies

. Cette
coopération permet de coordonner des investissements en vue de la
réalisation de projets régionaux (par exemple, le Programme Régional
de Logement dans les pays des Balkans occidentaux), facilite l’accès
au financement pour les pays candidats ou candidats potentiels à
l’adhésion à l’Union européenne (Facilité d’investissement pour
le voisinage, Cadre d’investissement en faveur des Balkans occidentaux)
et soutient l’assistance technique multilatérale à un pays en particulier
ou à une action sectorielle (Partenariat pour la promotion de l’efficacité
énergétique et de l’environnement en Europe orientale, « E5P »).
11. Le tableau ci-dessous, qui récapitule les principaux indicateurs
financiers, illustre l’évolution de l’activité de prêt de la CEB
sur la période 2019-2023:
Principales données chiffrées
sur la CEB et ses activités (en millions d’euros ; données en fin
d’année)
|
2019
|
2020
|
2021
|
2022
|
2023
|
2019-2023
|
Prêts
décaissés dans l’année
dont part des pays
ciblesa
|
2847
1395
|
4 455
2319
|
4 023
1866
|
3 526
1771
|
3 715
1864
|
+30 %
+34 %
|
Projets
approuvés dans l’année
dont part des pays
cibles
|
3 983
1630
|
6 025
3375
|
4 156
1656
|
4 244
2172
|
4 106
2062
|
+3 %
+27 %
|
Encours total des prêts
|
15 427
|
17 426
|
18 916
|
19 887
|
21 530
|
+40 %
|
Capital souscrit
|
5 472
|
5 477
|
5 477
|
5 477
|
5 579
|
+107
|
Capital versé
|
612,4
|
612,9
|
612,9
|
612,9
|
624
|
+11,6
|
Réserve générale
|
2 456
|
2 553
|
2 628
|
2 723
|
2 786
|
+13 %
|
Résultat net
|
104,7
|
74,8
|
94,8
|
79,7
|
109,2
|
+4 %
|
Compte de dividendes
sociauxb
|
48,5
|
49,7
|
47,2
|
34,8
|
35,7
|
-12,8
|
a Les pays du groupe cible sont:
l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Bulgarie, Chypre, la Croatie,
l’Estonie, la Géorgie, la Hongrie, le Kosovo, la Lettonie, la Lituanie,
la Macédoine du Nord, Malte, le Monténégro, la Pologne, la République
de Moldova, la République slovaque, la Roumanie, la Serbie, la Slovénie,
la Tchéquie et la Türkiye. L’Ukraine a rejoint ce groupe en 2023.
b Le Compte de dividendes sociaux
est alimenté par les bénéfices de la banque et peut être utilisé
pour subventionner des projets à fort impact social.
12. En ce qui concerne les projets,
la période 2019-2023 a été particulièrement intense. En termes de montant
de prêts décaissés et d’approbation de prêts, le pic a été atteint
en 2020, lorsque la CEB a émis, avec grand succès, des obligations
d’inclusion sociale et a pu proposer à ses États membres des conditions
de prêt particulièrement avantageuses. Au total, 46 projets ont
été approuvés en 2019, 56 en 2020, 57 en 2021, 36 en 2022 et 48
en 2023, sans compter les dizaines de projets qui ont été achevés
au cours de ces années et qui ont contribué à construire une Europe
plus forte sur le plan social. L’accent a été mis sur six lignes
d’action: soutien aux systèmes de santé et aide sociale ; éducation
et formation professionnelle ; logements sociaux et abordables ;
développement urbain, rural et régional ; développement des très
petites, petites et moyennes entreprises ; et microfinance.
13. Actuellement l’encours de prêts s’élève à plus de 21,5 milliards
d’euros, dont près de 2,3 milliards pour financer divers projets
de logement qui sont étroitement liés aux Objectifs de développement
durable, notamment pour améliorer l’efficacité énergétique et réduire
les fuites dans les systèmes d’approvisionnement en eau des constructions
à usage d’habitation. Globalement, l’Espagne, la Pologne, la France
et la Türkiye sont les plus grands emprunteurs de la CEB, suivis
par l’Allemagne, l’Italie et la République slovaque

.
2.1. Aider les pays membres à faire face
à la pandémie de covid-19
14. La pandémie de covid-19 a été
une urgence de santé publique d’une ampleur sans précédent, qui
a ébranlé les fondements socio-économiques de nombreux pays. Elle
a également mis à l’épreuve la solidité des institutions multilatérales
dans leur capacité à mobiliser les ressources nécessaires pour aider
les États à faire face à cette situation d’urgence. Dans ce contexte,
la CEB a apporté un soutien rapide, souple et ciblé à ses pays membres
en donnant la priorité aux projets liés à la pandémie – pendant
la crise sanitaire, mais aussi pour soutenir la reprise –, tandis
que d’autres projets ont été temporairement ralentis. Tout au long
de la pandémie, les équipes de projet de la CEB, dont les domaines
d’expertise sont très variés, ont travaillé main dans la main pour
traduire les besoins des pays membres en projets susceptibles de
bénéficier d’un financement de la banque.
15. Les marchés financiers ayant bien résisté pendant toute la
durée de la pandémie, la CEB a pu assurer la continuité des services,
même dans les moments les plus difficiles, grâce à une communication
fluide avec ses homologues, ses partenaires et les autorités des
États membres, et grâce aussi aux procédures écrites accélérées
mises en place pour l’examen préalable et l’approbation des projets.
En 2020, la CEB a émis deux obligations d’inclusion sociale en réponse
à la pandémie pour soutenir les pays membres ayant des besoins spéciaux
urgents.
16. De début 2020 à janvier 2022, la CEB avait mobilisé 3,784 milliards
d’euros pour financer des mesures en réponse à la covid-19, avec
28 prêts accordés à 21 pays. Compte tenu des défis auxquels étaient confrontés
les systèmes de santé publique en Europe, la banque a eu recours
à sa facilité de financement du secteur public (PFF), qui vise à
soutenir les secteurs publics locaux et nationaux pour financer
l’achat d’équipements et de produits médicaux, la remise en état
des unités médicales pour maintenir les services à la population,
et la mobilisation de l’expertise nécessaire dans les situations
d’urgence. Parallèlement, des financements spécifiques (prêts-programmes)
ont contribué à atténuer l’impact socio-économique de la pandémie
grâce à des programmes d’investissement ciblés en faveur des petites
entreprises et des régies municipales.
2.2. Soutenir l’Ukraine
17. Si l’année 2023 a ouvert un
nouveau chapitre de l’engagement de la CEB en l’Ukraine, rappelons
que dès les premiers jours de la guerre d’agression russe, la banque
a fourni une aide essentielle aux personnes réfugiées d’Ukraine
et à leurs communautés d’accueil, qui s’élève à plus de 1,3 milliard
d’euros. Le 16 mars 2022, le Gouverneur de la CEB s’est réuni avec
les responsables d’institutions multilatérales de développement
(la Banque européenne pour la reconstruction et le développement
(BERD), la Banque européenne d’investissement (BEI), le Fonds monétaire
international (FMI) et le Groupe de la Banque mondiale) pour discuter
des effets de la guerre en Ukraine sur l’économie mondiale et des
possibilités de réponse collective en solidarité avec l’Ukraine.
18. La CEB a ensuite créé le Fonds solidarité Ukraine (FSU), qui
permet d’accorder de façon flexible et rapide des aides sous forme
de subventions aux pays voisins et à d’autres pays en vue de couvrir
les besoins urgents des personnes réfugiées ukrainiennes, faisant
ainsi écho au mandat historique de la CEB. D’autres institutions
financières internationales combinent prêts et subventions pour
soutenir l’Ukraine. La BERD a ainsi approuvé un train de mesures
intitulé «Guerre contre l’Ukraine – paquet de résilience de la BERD»,
et la BEI a préparé un programme de solidarité d’urgence pour l’Ukraine,
chacun étant initialement doté de 2 milliards d’euros. En outre,
le FMI a acheminé une aide d’urgence de 1,4 milliard de dollars
américains à l’Ukraine au titre de l’instrument de financement rapide
(IFR) et le Groupe de la Banque mondiale a débloqué plus de 925 millions
de dollars américains pour permettre à la population ukrainienne
de bénéficier de services essentiels.
19. Avec l’adhésion de l’Ukraine à la banque, les opérations de
la CEB se sont rapidement orientées vers la fourniture de financements
«pour l’Ukraine en Ukraine». Ainsi, le premier prêt de 100 millions
d’euros, qui s’inscrit dans une opération de cofinancement avec
la Banque mondiale

, contribue à renforcer les soins de santé
primaires, à soutenir les équipes mobiles qui fournissent des services
de santé essentiels dans des zones reculées, à financer la reconstruction
d’infrastructures de santé endommagées et à répondre à d’autres besoins
urgents en matière de santé, notamment de santé mentale et de soins
de santé primaires, ainsi que de réadaptation pour les personnes
gravement blessées pendant la guerre.
20. En plus des prêts, la CEB a débloqué plusieurs subventions
ciblées pour répondre aux besoins des populations les plus vulnérables
en Ukraine, en utilisant ses fonds fiduciaires comme le Fonds solidarité Ukraine.
Une première subvention directe de 2 millions d’euros a été approuvée
en septembre 2023. Provenant du Fonds de solidarité pour l'Ukraine
et du Fonds pour les migrants et les réfugiés de la CEB, elle finance
les réparations essentielles concernant les habitations de plus
de 500 ménages vulnérables dans les zones touchées par la guerre.
Avant la fin de l’année 2023, la CEB avait approuvé un ensemble
de subventions d’un montant de 9,6 millions d’euros en réponse à
la crise touchant l’Ukraine, notamment pour soutenir les pays voisins.
En mars 2024, le Conseil d’administration de la CEB a approuvé un
prêt de 100 millions d’euros en faveur de l’Ukraine, destiné à financer
la remise en état des habitations détruites et à répondre, en particulier,
aux besoins des personnes déplacées internes et des personnes appartenant
à des groupes de population vulnérables (personnes en situation
de handicap, personnes âgées, femmes, enfants et vétérans). Ce projet
a été élaboré avec le bureau du Conseil de l’Europe à Kiev, conformément
à la loi ukrainienne sur les biens endommagés et détruits.
21. On estime qu’environ 10 % des habitations en Ukraine sont
lourdement endommagées ou détruites. Le savoir-faire de la CEB dans
le cadre du Programme régional de logement pour les Balkans occidentaux
est donc particulièrement pertinent dans ce contexte et pourrait
être utilisé pour préparer des programmes d’investissement similaires
en Ukraine. La CEB a organisé une visite d’étude à l’intention d’une
délégation des autorités ukrainiennes, à des fins d’acquisition
et d’échange d’expérience. Selon les estimations de la banque, le
volume des opérations de financement réalisées en Ukraine devrait
augmenter progressivement, passant de 230 millions d’euros environ
les premières années d’adhésion à près de 390 millions d’euros par
an d’ici à 2027. Lors de la discussion en commission des questions
sociales, de la santé et du développement durable le 3 juin 2024,
des membres ukrainiens ont souligné l’importance du soutien financier
étranger pour les infrastructures médicales ukrainiennes, l’enseignement
en ligne et les enfants ayant des besoins particuliers, ainsi que
pour l’activité des femmes entrepreneures. La préparation des projets
pourrait être simplifiée afin d’accélérer l'attribution des ressources
et le processus de mise en œuvre.
2.3. Prendre en compte le lien entre l’environnement
et le développement social
22. La CEB accorde une attention
toute particulière au développement territorial durable et inclusif
en cofinançant la mise en œuvre de plans d’investissements multisectoriels
conformes aux stratégies de développement des villes et des régions.
Elle a donc étendu son soutien aux autorités locales et régionales
en mettant l’accent sur la cohésion sociale dans les zones urbaines,
notamment sur les aspects de résilience et de durabilité environnementale
lorsque les inégalités sociales, l’exposition à la dégradation environnementale et
aux risques climatiques se combinent et se renforcent mutuellement.
23. Cette action s’inscrit dans la logique des recommandations
de l’Assemblée concernant les «Stratégies politiques permettant
de prévenir les catastrophes naturelles, de s’y préparer et d’y
faire face» (
Résolution 2493 (2023) et
Recommandation 2251 (2023)) et du plaidoyer en faveur de la réalisation systématique
du droit à un environnement sain (
Résolution 2545 (2024)). La CEB aide notamment les autorités nationales à reconstruire
les zones touchées par des catastrophes naturelles ou d’origine
humaine (sur la période 2018-2023, neuf projets ont été financés
dans ce domaine, notamment dans la prévention des inondations, l’atténuation
des risques sismiques, la préparation aux situations d’urgence et
l’aide au relèvement après les séismes). La banque cofinance également
des projets qui visent à améliorer le cadre de vie (45 projets ont
été financés sur la période 2018-2023 dans divers secteurs d’intervention:
réduction, gestion et traitement des déchets, mesures d’économie
d’énergie et d’efficacité énergétique, assainissement des eaux de
surface et souterraines, transports plus propres et protection de
la biodiversité).
24. Il convient également de noter que les secteurs du logement
durable, de la transition énergétique et de la santé publique resteront
des domaines primordiaux de l’engagement de la CEB, car les besoins
dans ces domaines restent importants partout en Europe, sans compter
que la banque en a une longue expérience. À cette fin, la CEB continuera
à travailler en étroite collaboration avec les autorités nationales,
les partenaires internationaux et, dans le cas de l’Ukraine, le
Conseil de l’Europe et son bureau à Kiev, afin de dégager des synergies
et d’apporter de l’aide là où elle est le plus nécessaire.
2.3.1. Aide à la Türkiye avant et après le
tragique séisme de février 2023
25. Outre l’atténuation des effets
des problèmes environnementaux d’origine humaine, la gestion des conséquences
des catastrophes naturelles reste un aspect important du travail
de la banque. Nous avons été frappé·es par le tremblement de terre
d’une puissance sans précédent qui a dévasté le sud de la Türkiye
et le nord de la Syrie en février 2023, provoquant des morts et
des destructions massives en l’espace de quelques secondes. En Türkiye,
État membre de la CEB, plus de 50 000 personnes ont été tuées, plus
de 100 000 ont été blessées et environ 1,5 million de personnes
se sont retrouvées sans abri. La population a également été touchée
par les dégâts causés aux infrastructures, aux écoles, aux hôpitaux
et aux autres services publics essentiels.
26. En réaction, la CEB a approuvé rapidement un prêt de 250 millions
d’euros lors d’une réunion extraordinaire du Conseil d’administration
au mois d’avril, dans le but d’aider le secteur de la santé turc
à faire face à la catastrophe et à construire des équipements de
santé plus résistants à moyen terme. Ce prêt faisait partie d’une
promesse de 500 millions d’euros annoncée par la CEB lors d’une
conférence des donateurs de l’Union européenne intitulée «Ensemble
pour les populations de Türkiye et de Syrie», qui s’est tenue à Bruxelles
le 20 mars 2023. Un autre prêt de 250 millions d’euros a été approuvé
pour la Türkiye en mars 2024 pour continuer de soutenir le redressement
du secteur de la santé, en particulier dans les 11 provinces du
sud-est touchées par les séismes de février 2023. Au total, 12 hôpitaux
d’urgence à structure en acier parasismique seront construits dans
les provinces les plus durement touchées. Chaque hôpital aura une
capacité de 40 000 à 60 000 consultations par an et disposera d’au
moins une unité de soutien psychologique pour aider la population
à faire face aux traumatismes subis. Trois hôpitaux – dont un spécialisé
en gynécologie et pédiatrie – fonctionnent déjà et desservent plus
d’un demi-million de personnes dans la province de Hatay.
27. En outre, la CEB a participé à plusieurs projets dans le secteur
de la santé en Türkiye ces dernières années. Elle a, entre autres,
supervisé la construction d’un hôpital de 400 lits financé par l’Union
européenne dans la ville de Kilis, près de la frontière syrienne,
qui a été inauguré en décembre 2022 et s’est avéré résistant aux
secousses sismiques, permettant ainsi à la population de bénéficier
de services de soins de santé d’urgence essentiels lorsque le tremblement
de terre s’est produit. Par ailleurs, la CEB a également créé un nouveau
Fonds prévention et relèvement de catastrophes (avec une dotation
initiale du Compte de dividendes sociaux de la banque) afin d’aider
la Türkiye et d’autres États membres à se préparer aux catastrophes.
28. Les autorités de la Türkiye ont intensifié leurs activités
de réduction du risque sismique et de préparation aux tremblements
de terre dans le cadre du Projet d’atténuation du risque sismique
et de préparation aux situations d’urgence d’Istanbul (ISMEP). À
ce jour, la CEB a accordé trois prêts, d’un montant total de 600 millions
d’euros, pour soutenir ce programme majeur et sans équivalent, qui
porte sur des investissements prioritaires dans des infrastructures
publiques. Jusqu'à présent, les prêts de la CEB ont permis de reconstruire et/ou
d'améliorer la qualité de 281 bâtiments publics à Istanbul. Un financement
supplémentaire de la CEB pour l’ISMEP est attendu, portant spécifiquement
sur les infrastructures de santé vitales.
2.3.2. Mise en œuvre d’un «prisme de vulnérabilité»
pour ne laisser personne de côté
29. Compte tenu du manque de résilience
des populations vulnérables et du poids des divers risques, crises et
inégalités qui pèse sur elles, la banque a établi, à la base de
son Cadre Stratégique 2023-2027, un «prisme de vulnérabilité». Cet
outil opérationnel permet à la CEB de mieux cibler ses investissements
sociaux en concentrant son aide sur les personnes les plus défavorisées
et marginalisées. Pour la CEB, la vulnérabilité désigne «la mesure
dans laquelle les individus et les communautés sont confrontés à
des résultats économiques, sociaux ou environnementaux défavorables,
notamment en raison de chocs ou de changements à long terme»

. Ceci est considéré comme étant particulièrement
important dans le cadre des besoins dans les États membres concernant
l’accès à une éducation de qualité, aux soins de santé, au logement,
à l’approvisionnement en eau et à des services d’assainissement.
30. Depuis le début de l’année 2023, le prisme de vulnérabilité
permet à la banque de contrôler et d’évaluer tous les nouveaux investissements
afin d’identifier les lacunes et de concevoir des solutions pragmatiques dans
le but d’améliorer la qualité des projets et leur impact sur le
terrain. C’est un aspect essentiel de l’inclusion sociale lorsqu’il
s’agit de couvrir la dimension sociale du changement climatique
et de garantir une transition socialement juste, comme il est demandé
à la CEB de le faire dans la Déclaration de Reykjavík. Il permet également
d’adapter les projets de la CEB aux dispositions de la Charte sociale
européenne (révisée) (STE n° 163) et les conclusions du Comité européen
des droits sociaux (notamment en ce qui concerne les droits au travail,
au logement, à la formation professionnelle et à la protection de
la santé, à la protection socio-économique et à la protection juridique
des enfants, des jeunes, des familles et des personnes âgées).
31. La CEB a mis en œuvre son prisme de vulnérabilité en 2023
tout en continuant de promouvoir des cadres de vie inclusifs et
résilients. Par exemple, les investissements dans des logements
sociaux et abordables, d’un montant total de 375 millions d’euros
répartis sur six prêts dans huit pays, ciblent les personnes déplacées,
les personnes sans-abri les personnes âgées, les étudiant·es ainsi
que les personnes migrantes et réfugiées, tout en favorisant la
création de quartiers inclusifs et de collectivités urbaines et
rurales plus résilientes. Ce dernier secteur d’investissement a
bénéficié en 2023 de 13 prêts accordés à huit pays, soit un total
de 867 millions d’euros débloqués pour des projets liés au traitement
des eaux usées, à l’efficacité énergétique, à la production d’énergie
renouvelable et à un système de santé décentralisé. La banque opère en
collaboration avec des entités du secteur public local et national,
ainsi qu’avec des institutions du secteur privé si nécessaire.
32. Lors de la réunion de la commission des questions sociales,
de la santé et du développement durable le 3 juin 2024 à Paris,
les membres ont pu visiter deux unités de logement social (des «pensions
de famille») qui ont bénéficié du soutien de la CEB dans le cadre
d’une opération de co-financement avec Adoma, une société d’économie
mixte créée par le Gouvernement français dans les années 1950. La
CEB gère avec Adoma depuis 2015 deux prêts de 100 millions d’euros
destinés à la restructuration, la modernisation ou la construction
de logements sociaux. Les membres de la commission ont découvert
l’approche centrée sur l’insertion sociale des personnes vulnérables
par le logement dans le cadre d’une mission d’intérêt public. Des services
personnalisés d'aide sociale sont ainsi proposés aux personnes en
situation précaire (jeunes à la recherche d’un emploi, travailleuses
et travailleurs migrants, personnes à faibles revenus, familles monoparentales,
sans-abri, demandeurs et demandeuses d'asile, personnes isolées
ayant des besoins sociaux et de santé urgents, souvent du fait d’addictions)
pour les autonomiser et les aider à s'intégrer pleinement dans la
société.
33. Nous devrions également saluer le soutien que la CEB apporte
à ses États membres dans la réalisation de leurs engagements au
titre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Le
bilan des progrès réalisés jusqu’à présent montre que des efforts
supplémentaires sont nécessaires pour atteindre les Objectifs de
développement durable (ODD) et réduire le risque de pauvreté et
d’exclusion sociale qui touche encore environ un cinquième de la
population dans les pays européens. En outre, favoriser la résilience
et lutter contre le changement climatique (ODD 13) est un défi complexe
qui nécessite une plus grande action collective et une transition
accélérée vers des modèles de développement plus durables au niveau
national. En 2023, 35 % des projets approuvés par la CEB ont permis
de soutenir la réalisation de l’ODD 13 et 44 % ont contribué à la réalisation
de l’ODD 11 (villes et communautés durables), participant largement
à réduire les inégalités au titre de l’ODD 10.
3. Conclusions
et perspectives
34. Malgré un contexte géopolitique
et économique complexe, la CEB a réussi à poursuivre le développement
de ses opérations, de son assise financière et l’adhésion de nouveaux
membres, tout en prenant soin d’équilibrer les risques et les opportunités.
Dans un contexte où les besoins en matière d’investissement social
restent immenses en Europe, la mission et l’ambition premières de
la banque et son ambition sont en parfaite adéquation avec les réalités
de ses États membres. Le Sommet de Reykjavík du Conseil de l’Europe
a mis en évidence les enjeux que constituent la reconstruction de
l’Ukraine et le renforcement de la résilience au changement climatique
et à la dégradation de l’environnement. Il s’agit sans aucun doute
d’un défi de taille pour la CEB, qui devra continuer à établir des
partenariats avec des institutions homologues, des partenaires internationaux
tels que l’Union européenne et des donateurs bilatéraux afin d’assurer
la complémentarité des efforts d’investissement et d’accroître durablement
sa valeur ajoutée dans les domaines d’intervention prioritaires.
35. La CEB devra persévérer dans son action de protection de la
population socialement vulnérable face à une situation et des perspectives
économiques et géopolitiques très instables. Alors que la guerre
d’agression contre l’Ukraine se poursuit, le déploiement de projets
dans ce pays sera délicat, mais hautement pertinent. La sagesse
et la solidarité de tous les États membres seront nécessaires pour
optimiser l’investissement multilatéral, conformément aux engagements
pris à Reykjavík en vue de soutenir les efforts de reconstruction en
Ukraine. Dans la mesure du possible, l’Assemblée devrait encourager
les parlements nationaux à assurer la complémentarité des efforts
visant à soutenir l’Ukraine, à la fois aux niveaux national et européen,
en accordant la priorité aux secteurs de la santé (y compris la
réadaptation des personnes touchées par la guerre) et du logement
(«Mieux reconstruire»), ainsi qu’à la continuité des services publics
et à la réduction de la pollution de l’environnement dans tout le
pays.
36. Le cercle des États membres de la CEB s’agrandit peu à peu:
l’Andorre a adhéré en 2020 et l’Ukraine en 2023. Cinq États – l’Arménie,
l’Autriche, l’Azerbaïdjan, Monaco et le Royaume-Uni – n’ont cependant
pas encore rejoint la CEB. L’Assemblée devrait inviter de nouveau
ces États à devenir membres de la banque dès que possible. Leur
adhésion enverrait un message fort et renforcerait la capacité de
la CEB à aider l’Ukraine, dernier État en date à avoir adhéré, à
faire face à des besoins sociaux considérables et urgents.
37. Enfin, la CEB devrait poursuivre les efforts qu’elle déploie
pour aider ses États membres à opérer une transition inclusive et
socialement juste vers un avenir plus vert, en finançant des projets
qui permettent de faciliter les efforts en matière d’atténuation
et d’adaptation pour lutter contre le changement climatique et la dégradation
de l’environnement, et qui contribuent à intensifier les investissements
réalisés à cette fin à l’échelle nationale et internationale.