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Rapport | Doc. 16042 | 13 septembre 2024

La Banque de développement du Conseil de l'Europe: mettre en œuvre la Déclaration de Reykjavík

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Rapporteure : Mme Eka SEPASHVILI, Géorgie, CE/AD

Origine - Renvoi en commission: décision du Bureau, Renvoi 4775 du 28 novembre 2023. 2024 - Quatrième partie de session

Résumé

La Banque de développement du Conseil de l'Europe (CEB) est la plus ancienne banque multilatérale de développement d’Europe et un accord partiel élargi du Conseil de l'Europe. Elle promeut la cohésion sociale en investissant dans les personnes, l'emploi, l'inclusion socio-économique et des cadres de vie résilients. Lors du Sommet de Reykjavík du Conseil de l'Europe (16-17 mai 2023), les États membres ont demandé à la CEB d'apporter son soutien à la reconstruction de l'Ukraine et d’axer ses activités sur les dimensions sociales du changement climatique et de la dégradation de l'environnement.

Le rapport se félicite de l'augmentation du nombre de membres de la CEB (avec l'adhésion de l'Andorre en 2020 et de l'Ukraine en 2023) et encourage vivement l'Arménie, l'Autriche, l'Azerbaïdjan, Monaco et le Royaume-Uni à devenir membres dès que possible. Le rapport félicite la CEB pour sa gestion financière toujours prudente, le rétablissement d’une excellente note de crédit, sa visibilité accrue, son soutien sur mesure apporté à ses membres dans le contexte de la pandémie de covid-19, des catastrophes naturelles et des objectifs de développement durable, le lancement d'obligations d'inclusion sociale et l'augmentation de capital en temps opportun.

La mobilisation de ressources supplémentaires pour l'action de la Banque et une coopération étroite avec les partenaires internationaux aideraient la CEB à poursuivre l'ambition énoncée dans la Déclaration de Reykjavík et dans son Cadre Stratégique pour 2023-2027. Le rapport fait donc des propositions à cet égard afin de renforcer davantage l’efficacité des travaux de la CEB.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 13 septembre
2024.

(open)
1. La Banque de développement du Conseil de l’Europe (CEB, ou «la banque») est la plus ancienne banque multilatérale de développement d’Europe et un accord partiel élargi du Conseil de l’Europe. Depuis sa création en 1956, la CEB promeut la cohésion sociale en investissant dans les personnes, les emplois, l’inclusion socio-économique et des cadres de vie résilients. Dans le cadre de sa mission elle intervient pour apporter des réponses à de multiples défis sociaux, y compris l’intégration des personnes migrantes, déplacées et réfugiées, le financement de logements abordables et d’infrastructures vitales dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la formation, de l’administration et de la justice, ainsi que la réhabilitation du patrimoine culturel, la gestion des catastrophes naturelles, le développement rural et urbain durable, la microfinance et, plus récemment, le soutien à la reconstruction de l’Ukraine.
2. Lors du Sommet de Reykjavík du Conseil de l'Europe (16 et 17 mai 2023), les États membres ont reconnu la valeur ajoutée que la CEB peut apporter s’agissant de l’aide à la reconstruction de l’Ukraine et l’ont encouragée à axer ses activités sur les dimensions sociales du changement climatique et de la dégradation de l’environnement. Ces attentes, telles qu’elles sont exprimées dans la Déclaration de Reykjavík, sont en phase avec les orientations du Cadre Stratégique 2023-2027 de la CEB, qui fixe trois objectifs principaux: répondre aux besoins de développement social et aux défis de l’inclusion; investir dans une aide globale aux personnes réfugiées et aux migrantes (notamment le renforcement des capacités pour l’avenir); et fournir un soutien ciblé à l’Ukraine (reconstruction et réhabilitation de divers secteurs sociaux).
3. L’Assemblée parlementaire constate avec satisfaction que de nouveaux pays rejoignent peu à peu la CEB. Elle salue l’adhésion de l’Andorre en 2020 et de l’Ukraine en 2023. L’Assemblée encourage vivement les cinq pays suivants qui n’en sont pas encore membres – l’Arménie, l’Autriche, l’Azerbaïdjan, Monaco et le Royaume-Uni – à rejoindre la CEB dès que possible. Leur adhésion renforcerait la capacité d’action de la CEB face aux immenses défis sociaux à relever dans toute l’Europe et permettrait de soutenir l'Ukraine, dernier pays en date à avoir adhéré, qui a des besoins sociaux considérables et urgents dans un contexte de guerre.
4. L’Assemblée félicite la CEB qui a continué à gérer de manière avisée ses ressources en capital et ses réserves, a retrouvé complètement sa note de crédit «triple A», a accru sa visibilité et joué un rôle de premier plan en émettant des obligations d’inclusion sociale et a augmenté son capital en temps voulu. Elle souligne qu’il est souhaitable que la participation des États membres à cette augmentation de capital soit la plus importante possible. L'Assemblée relève également l'importance de l'appui sous forme de subventions (pour l'investissement et l'assistance technique) en plus des prêts, compte tenu de la complexité croissante des projets gérés par la CEB et des problèmes spécifiques liés aux opérations en Ukraine. Elle invite donc les États membres à examiner la possibilité de continuer à mobiliser de nouvelles ressources pour que l’action menée par la banque soit à la hauteur des ambitions énoncées dans la Déclaration de Reykjavík.
5. L'Assemblée note que l'action de la CEB au cours des cinq dernières années a été fortement marquée par plusieurs faits particulièrement déstabilisateurs: la pandémie de covid-19, la guerre d'agression contre l'Ukraine, des catastrophes naturelles de grande ampleur et l'accélération de la crise climatique. Les vulnérabilités sociales ont de ce fait été amplifiées dans les États membres, venant s’ajouter aux problèmes préexistants. L’Assemblée félicite la CEB pour le soutien flexible et sur mesure apporté aux États membres dans le contexte de la pandémie et de catastrophes naturelles comme cela a été le cas pour les tremblements de terre de février 2023 en Türkiye, pour l’aide dispensée rapidement aux réfugié·es ukrainiens et pour la procédure d’adhésion accélérée qui a permis à l’Ukraine de rejoindre la banque et de lancer les opérations dans le pays.
6. L’Assemblée juge extrêmement utile le soutien continu apporté par la CEB à ses États membres dans la réalisation de leurs engagements au titre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies. Le bilan des progrès réalisés jusqu’à présent montre que des efforts supplémentaires sont nécessaires pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) et réduire le risque de pauvreté et d’exclusion sociale qui touche encore environ un cinquième de la population dans les pays européens. En outre, favoriser la résilience et lutter contre le changement climatique (ODD 13) est un défi complexe qui nécessite une plus grande action collective et une transition accélérée vers des modèles de développement plus durables au niveau national. La CEB a par ailleurs soutenu la réalisation de l'ODD 11 (villes et communautés durables), contribuant ainsi également à la réduction des inégalités au titre de l'ODD 10.
7. La coopération étroite entre la CEB et des partenaires internationaux tels que l'Union européenne, les institutions financières internationales et les institutions spécialisées des Nations Unies est capitale pour maximiser l'impact des projets. Cette coopération permet de coordonner des investissements en vue de la réalisation de projets régionaux, facilite l’accès au financement pour les pays candidats ou candidats potentiels à l’adhésion à l’Union européenne et soutient l’assistance technique multilatérale à un pays en particulier ou à une action sectorielle. L'Assemblée salue cet effort et encourage la CEB à renforcer encore sa coopération avec les institutions partenaires, en particulier l'Union européenne et les banques multilatérales de développement homologues.
8. Ayant à l’esprit la mission de la CEB, son Cadre Stratégique 2023-2027, le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies et la Déclaration de Reykjavík, l’Assemblée invite la banque à continuer:
8.1. de répondre avec flexibilité aux développements sociaux et aux défis de l’inclusion dans ses États membres en:
8.1.1. rapprochant davantage encore les projets de leurs bénéficiaires au niveau local;
8.1.2. appliquant de manière systématique le prisme de vulnérabilité afin de sélectionner et de financer les projets ayant le plus fort impact social;
8.1.3. renforçant son action en faveur des pays du groupe cible, en accordant davantage de subventions, d’assistance technique et de renforcement des capacités pour soutenir la préparation et la mise en œuvre des projets sociaux ayant le plus fort impact potentiel;
8.1.4. contribuant au financement de projets qui améliorent l’offre et l’accessibilité de services publics de qualité;
8.1.5. promouvant la microfinance et les financements d’entreprises à vocation sociale, en particulier en direction des groupes de population vulnérables qui n’ont pas accès au crédit et à des opportunités socio-économiques (jeunes entrepreneur·es, agriculteurs et agricultrices, femmes, personnes migrantes);
8.1.6. répondant spécifiquement aux besoins des populations les plus vulnérables, notamment les communautés roms;
8.1.7. prenant en considération, s’il y a lieu, les conclusions annuelles du Comité européen des droits sociaux (CEDS) et les recommandations par pays des autres organes du Conseil de l’Europe;
8.2. d’investir dans l’aide aux migrant·es, leur intégration et leur inclusion sociale aux niveaux local et régional;
8.3. de renforcer progressivement l’appui au Gouvernement ukrainien dans ses efforts de relance, de reconstruction et de réhabilitation dans les secteurs sociaux, en accordant une attention particulière au logement, à la santé publique et aux besoins spécifiques des groupes de population les plus vulnérables, notamment les enfants, les personnes âgées, les personnes en situation de handicap et les personnes blessées dans le cadre de la guerre;
8.4. de se concentrer sur les dimensions sociales du changement climatique et de la dégradation de l'environnement, comme le prévoit la Déclaration de Reykjavík, afin de favoriser une transition juste vers une économie verte et permettre aux groupes vulnérables de s’adapter au mieux aux effets du changement climatique;
8.5. d’envisager l’émission d’obligations de développement durable afin de lever des fonds supplémentaires pour des projets qui contribuent à la transition vers des modèles de développement plus durables;
8.6. de travailler avec des institutions partenaires telles que l’Union européenne et des banques multilatérales de développement, et renforcer la coopération avec ces institutions;
8.7. de poursuivre activement ses liens étroits et ses objectifs communs avec le Conseil de l'Europe, tant au niveau opérationnel que par le biais d'un alignement stratégique;
8.8. de veiller à ce que les projets financés soient choisis et conçus de sorte qu’ils contribuent également à la préservation et la protection de l’environnement.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet de recommandation
adopté à l’unanimité par la commission le 13 septembre 2024.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire se réfère à sa Résolution... (2024) «La Banque de développement du Conseil de l’Europe: mettre en œuvre la Déclaration de Reykjavík». Elle rappelle qu’en approuvant la Déclaration de Reykjavík, les États membres du Conseil de l’Europe ont unanimement reconnu la valeur ajoutée que la CEB peut apporter s’agissant de l’aide à la reconstruction de l’Ukraine et des projets axés sur les dimensions sociales du changement climatique et de la dégradation de l’environnement. Ces domaines stratégiques de l’action de la banque nécessitent un effort financier substantiel, une coopération étroite avec les partenaires internationaux et une forte solidarité de la part des États membres.
2. L'Assemblée demande donc au Comité des Ministres:
2.1. de renouveler l’appel lancé aux cinq États qui ne sont pas encore membres de la CEB – l’Arménie, l’Autriche, l’Azerbaïdjan, Monaco et le Royaume-Uni – d’envisager de le devenir dès que possible;
2.2. de veiller à ce que la mise en œuvre des plans d’action par pays et des activités de coopération du Conseil de l’Europe soit étroitement coordonnée avec les activités pertinentes de la CEB.

C. Exposé des motifs par Mme Eka Sepashvili, rapporteure

(open)

1. Introduction: la banque de développement social pour l’Europe

1. La Banque de développement du Conseil de l’Europe (CEB, ou «la banque») est la plus ancienne banque multilatérale de développement d’Europe. Elle est principalement axée sur la promotion de la cohésion sociale. Ses grands domaines d’intervention sont les défis sociaux, y compris l’intégration des personnes migrantes, déplacées et réfugiées, les catastrophes naturelles et, plus récemment, le soutien à la reconstruction de l’Ukraine. La banque est liée au Conseil de l’Europe en ce qu’elle est un accord partiel élargi, mais elle est dotée d’une personnalité juridique distincte et possède ses propres sources de financement. À l’heure actuelle, 43 pays en sont membres 
			(3) 
			Albanie, Andorre (a
rejoint la CEB en 2020), Belgique, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie,
Croatie, Chypre, Tchéquie, Danemark, Estonie, Finlande, France,
Géorgie, Allemagne, Grèce, Hongrie, Islande, Irlande, Italie, Lettonie, Liechtenstein,
Lituanie, Luxembourg, Malte, République de Moldova, Monténégro,
Pays-Bas, Norvège, Pologne, Portugal, Roumanie, Saint-Marin, Serbie,
République slovaque, Slovénie, Espagne, Suède, Suisse, Macédoine
du Nord, Ukraine (a rejoint la CEB en 2023) et Türkiye. Deux pays
membres ont un lien différent avec le Conseil de l’Europe: le Saint-Siège
(qui a le statut d’observateur auprès du Conseil de l’Europe) et
le Kosovo* (*toute référence au Kosovo dans ce texte, que ce soit
à son territoire, à ses institutions ou à sa population, devant
se comprendre en pleine conformité avec la Résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies et sans préjuger
de son statut).. Ils contribuent au capital de la banque, ce qui permet les levées de fonds et le financement de projets 
			(4) 
			Il est
à noter toutefois que la CEB ne reçoit pas de contributions financières
annuelles de ses États membres. Elle étend son activité en incorporant
des bénéfices dans ses réserves., dont ils bénéficient en retour. L’Assemblée parlementaire suit les travaux de la banque de très près au travers de sa commission des questions sociales, de la santé et du développement durable et de sa commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, le cas échéant 
			(5) 
			La CEB coopère aussi
étroitement avec le Comité européen pour la prévention de la torture
et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, travaille
avec le Conseil de l’Europe sur les questions relatives aux Roms
et aux Gens du voyage et se tient en contact rapproché avec le bureau
de l’Organisation à Kyiv, en particulier depuis trois ans.. Le présent rapport se propose d’examiner l’action de la CEB au regard de l’appel lancé dans la Déclaration de Reykjavík.
2. Lors du Sommet de Reykjavík (16 et 17 mai 2023), les États membres ont reconnu la valeur ajoutée que la CEB peut apporter s’agissant de l’aide à la reconstruction de l’Ukraine et l’ont encouragé à axer ses activités sur les dimensions sociales du changement climatique et de la dégradation de l’environnement. Ces attentes, telles qu’elles sont exprimées dans la Déclaration de Reykjavík, sont en phase avec les orientations du Cadre stratégique 2023-2027 de la CEB, qui fixe trois objectifs principaux: répondre aux besoins de développement social et aux défis de l’inclusion ; investir dans une aide globale aux réfugié·es et aux migrant·es (notamment le renforcement des capacités pour l’avenir) ; et fournir un soutien ciblé à l’Ukraine (reconstruction et restauration de divers secteurs sociaux), pays qui est devenu le nouveau membre de la banque le 15 juin 2023. La Déclaration de Reykjavík décrit ce dernier engagement comme suit: « Nous soutiendrons les efforts de reconstruction de l’Ukraine, notamment en finançant et en mettant en œuvre le Plan d’action du Conseil de l’Europe pour l’Ukraine intitulé “Résilience, relance et reconstruction”, et nous nous engageons à utiliser tous les moyens disponibles au sein du Conseil de l’Europe, y compris par l’intermédiaire de la Banque de développement du Conseil de l’Europe (CEB)».
3. En ce qui concerne l’action du Conseil de l’Europe dans les domaines des droits humains et de l’environnement, la Déclaration de Reykjavík encourage la CEB « à se concentrer sur les dimensions sociales du changement climatique et de la dégradation de l’environnement, et à aider les États membres à réaliser une transition juste et inclusive qui ne laisse personne de côté en finançant des projets dans ses secteurs d’activité clés, conformément à son cadre stratégique ». L’action pour le climat est l’un des thèmes transversaux du Cadre stratégique 2023-2027 de la CEB, l’intention étant de caler la sélection des projets sur l’Accord de Paris sur le changement climatique et ses objectifs connexes, et d’appliquer une approche fondée sur le lien entre climat et enjeux sociaux à tous les investissements qui s’y prêtent, afin d’en accroître l’impact et de parvenir à plus d’efficacité dans la mise en œuvre des stratégies d’adaptation et d’atténuation.
4. Depuis janvier 2024, la banque ne finance que les nouvelles activités de prêt et nouveaux investissements qui sont parfaitement en phase avec les objectifs de l’Accord de Paris. Ainsi, sa Politique de prêt et de financement de projets exclut expressément tout financement de projet susceptible de générer des risques sociaux et environnementaux importants ou d’avoir des retombées sociales et environnementales négatives. Le Cadre Stratégique 2023-2027 de la CEB met en évidence plusieurs vulnérabilités socio-environnementales: conséquences du réchauffement climatique, inégalités dans et entre les pays, incidences sur la santé publique, vieillissement de la population, durabilité des logements et défis liés à l’emploi, entre autres. La CEB soutiendra donc des projets ayant trait aux logements sociaux, abordables et résilients, au développement urbain, rural et régional durable, à la résilience aux catastrophes naturelles et à la protection de l’environnement. En 2023, près de la moitié des projets de la banque ont eu des effets bénéfiques sur le climat et le développement social.
5. Sur la base de l’échange de vues du 25 mars 2024 entre la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable et le Gouverneur de la CEB, M. Carlo Monticelli, de mes réunions d’information avec des représentant·es de la banque le 26 mars et de recherches complémentaires, le présent rapport se propose d’examiner les travaux de la banque au cours des cinq dernières années, d’assurer le suivi des précédentes recommandations de l’Assemblée et de formuler des propositions qui permettront d’améliorer encore la pertinence, la visibilité et la solidité de la CEB du point de vue des États membres et de leurs besoins, selon le Cadre stratégique de la banque. Mon travail en tant que rapporteure de la commission se fonde sur des entretiens avec des responsables de la banque et du Conseil de l’Europe, des membres choisi·es du Conseil de direction (qui sont également les représentant·es permanent·es des États membres auprès du Conseil de l’Europe), ainsi que sur des recherches documentaires et les délibérations de la commission.

2. Présentation générale des activités de la CEB sur la période 2019-2023

6. L’action de la CEB au cours des cinq dernières années a été fortement marquée par plusieurs faits particulièrement déstabilisateurs, qui concernent son domaine d’activité, à savoir la pandémie de covid-19, le début de la guerre en Ukraine et l’accélération de la crise climatique. Les vulnérabilités sociales ont été amplifiées dans les États membres, venant s’ajouter aux problèmes préexistants. La nécessité pour la CEB d’augmenter ses fonds propres afin de renforcer sa capacité de financement de projets s’est donc imposée comme une évidence, notamment en raison des vastes besoins sociaux en Ukraine, dévastée par la guerre.
7. En décembre 2022, le Conseil de direction de la CEB a approuvé le Cadre Stratégique de la banque pour la période 2023-2027 ainsi qu’une augmentation record du capital de la banque. Pour la première fois depuis la création de la CEB, l’augmentation comprenait une part de capital libérée à verser par les États membres. Cette augmentation de capital a renforcé la capacité de la banque à continuer de soutenir l’ensemble de ses États membres, y compris l’Ukraine. L’Assemblée ne peut que se féliciter de cette décision et je rappellerais, du reste, que sa Résolution 2302 (2019) «La Banque de développement du Conseil de l’Europe: contribuer à la construction d’une société plus inclusive  », invitait les actionnaires de la banque à « rester ouverts à une nouvelle augmentation du capital de la CEB ».
8. Les chiffres certifiés sur la situation financière de la CEB montrent qu’en 2023, la banque a approuvé 4,1 milliards d’euros de nouveaux prêts et décaissé 3,7 milliards d’euros dans le cadre des prêts approuvés, tout en générant un bénéfice financier net de 109 millions d’euros. Les bénéfices ont augmenté de 37 % par rapport à 2022, ce qui est impressionnant, principalement grâce au niveau élevé des taux d’intérêt. Aucune défaillance de crédit ni aucun retard de paiement n’a été enregistré en 2023 ou au cours des années précédentes. Il est important de noter que la CEB a retrouvé sa note de crédit « triple A » en 2023, selon les évaluations de Standard & Poor’s, Moody’s et Fitch.
9. Les résultats solides obtenus en 2023 confirment la capacité de la banque à résister aux turbulences extérieures ainsi que sa gestion prudente des ressources disponibles et sa capacité à innover. Par exemple, surmontant les contraintes liées au début de la pandémie de covid-19, la CEB a émis ses premières obligations d’inclusion sociale en réponse à la covid-19, mis en place le Fonds d’investissement social vert et créé le Prix CEB pour l’inclusion sociale en 2020. L’année suivante, elle a rejoint l’initiative multilatérale « ambition climatique collective » et a défini sa feuille de route pour le soutien à la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris. Un jalon important a marqué l’année 2023, avec la création du Fonds prévention et relèvement de catastrophes, qui a été mis en place notamment pour aider la Türkiye à gérer les conséquences du tremblement de terre dévastateur de février 2023.
10. Il convient également de noter la coopération étroite entre la CEB et des partenaires internationaux comme l’Union européenne, des institutions financières internationales 
			(6) 
			Il s’agit de la Banque
européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), de
la Banque européenne d’investissement (BEI), de la Banque mondiale,
de la Banque nordique d’investissement (BNI), de Kreditanstalt für Wiederaufbau
(KfW) et du Mécanisme européen de stabilité (MES). et plusieurs institutions spécialisées des Nations Unies 
			(7) 
			Notamment par le biais
des protocoles d’accord bilatéraux avec le Programme des Nations
Unies pour le développement (PNUD), le Haut Commissariat des Nations
Unies pour les réfugiés (HCR) et l’UNICEF.. Cette coopération permet de coordonner des investissements en vue de la réalisation de projets régionaux (par exemple, le Programme Régional de Logement dans les pays des Balkans occidentaux), facilite l’accès au financement pour les pays candidats ou candidats potentiels à l’adhésion à l’Union européenne (Facilité d’investissement pour le voisinage, Cadre d’investissement en faveur des Balkans occidentaux) et soutient l’assistance technique multilatérale à un pays en particulier ou à une action sectorielle (Partenariat pour la promotion de l’efficacité énergétique et de l’environnement en Europe orientale, « E5P »).
11. Le tableau ci-dessous, qui récapitule les principaux indicateurs financiers, illustre l’évolution de l’activité de prêt de la CEB sur la période 2019-2023:

Principales données chiffrées sur la CEB et ses activités (en millions d’euros ; données en fin d’année)

 

2019

2020

2021

2022

2023

2019-2023

Prêts décaissés dans l’année

dont part des pays ciblesa

2847

1395

4 455

2319

4 023

1866

3 526

1771

3 715

1864

+30 %

+34 %

Projets approuvés dans l’année

dont part des pays cibles

3 983

1630

6 025

3375

4 156

1656

4 244

2172

4 106

2062

+3 %

+27 %

Encours total des prêts

15 427

17 426

18 916

19 887

21 530

+40 %

Capital souscrit

5 472

5 477

5 477

5 477

5 579

+107

Capital versé

612,4

612,9

612,9

612,9

624

+11,6

Réserve générale

2 456

2 553

2 628

2 723

2 786

+13 %

Résultat net

104,7

74,8

94,8

79,7

109,2

+4 %

Compte de dividendes sociauxb

48,5

49,7

47,2

34,8

35,7

-12,8

a Les pays du groupe cible sont: l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Bulgarie, Chypre, la Croatie, l’Estonie, la Géorgie, la Hongrie, le Kosovo, la Lettonie, la Lituanie, la Macédoine du Nord, Malte, le Monténégro, la Pologne, la République de Moldova, la République slovaque, la Roumanie, la Serbie, la Slovénie, la Tchéquie et la Türkiye. L’Ukraine a rejoint ce groupe en 2023.

b Le Compte de dividendes sociaux est alimenté par les bénéfices de la banque et peut être utilisé pour subventionner des projets à fort impact social.

12. En ce qui concerne les projets, la période 2019-2023 a été particulièrement intense. En termes de montant de prêts décaissés et d’approbation de prêts, le pic a été atteint en 2020, lorsque la CEB a émis, avec grand succès, des obligations d’inclusion sociale et a pu proposer à ses États membres des conditions de prêt particulièrement avantageuses. Au total, 46 projets ont été approuvés en 2019, 56 en 2020, 57 en 2021, 36 en 2022 et 48 en 2023, sans compter les dizaines de projets qui ont été achevés au cours de ces années et qui ont contribué à construire une Europe plus forte sur le plan social. L’accent a été mis sur six lignes d’action: soutien aux systèmes de santé et aide sociale ; éducation et formation professionnelle ; logements sociaux et abordables ; développement urbain, rural et régional ; développement des très petites, petites et moyennes entreprises ; et microfinance.
13. Actuellement l’encours de prêts s’élève à plus de 21,5 milliards d’euros, dont près de 2,3 milliards pour financer divers projets de logement qui sont étroitement liés aux Objectifs de développement durable, notamment pour améliorer l’efficacité énergétique et réduire les fuites dans les systèmes d’approvisionnement en eau des constructions à usage d’habitation. Globalement, l’Espagne, la Pologne, la France et la Türkiye sont les plus grands emprunteurs de la CEB, suivis par l’Allemagne, l’Italie et la République slovaque 
			(8) 
			Il est à noter que
l’Allemagne, l’Italie et le Luxembourg servent également d’intermédiaires
pour la redistribution de fonds à des pays du groupe cible, à hauteur
de 1 million d’euros, 11,8 millions d’euros et 1,1 million d’euros respectivement
(au 31 décembre 2023)..

2.1. Aider les pays membres à faire face à la pandémie de covid-19

14. La pandémie de covid-19 a été une urgence de santé publique d’une ampleur sans précédent, qui a ébranlé les fondements socio-économiques de nombreux pays. Elle a également mis à l’épreuve la solidité des institutions multilatérales dans leur capacité à mobiliser les ressources nécessaires pour aider les États à faire face à cette situation d’urgence. Dans ce contexte, la CEB a apporté un soutien rapide, souple et ciblé à ses pays membres en donnant la priorité aux projets liés à la pandémie – pendant la crise sanitaire, mais aussi pour soutenir la reprise –, tandis que d’autres projets ont été temporairement ralentis. Tout au long de la pandémie, les équipes de projet de la CEB, dont les domaines d’expertise sont très variés, ont travaillé main dans la main pour traduire les besoins des pays membres en projets susceptibles de bénéficier d’un financement de la banque.
15. Les marchés financiers ayant bien résisté pendant toute la durée de la pandémie, la CEB a pu assurer la continuité des services, même dans les moments les plus difficiles, grâce à une communication fluide avec ses homologues, ses partenaires et les autorités des États membres, et grâce aussi aux procédures écrites accélérées mises en place pour l’examen préalable et l’approbation des projets. En 2020, la CEB a émis deux obligations d’inclusion sociale en réponse à la pandémie pour soutenir les pays membres ayant des besoins spéciaux urgents.
16. De début 2020 à janvier 2022, la CEB avait mobilisé 3,784 milliards d’euros pour financer des mesures en réponse à la covid-19, avec 28 prêts accordés à 21 pays. Compte tenu des défis auxquels étaient confrontés les systèmes de santé publique en Europe, la banque a eu recours à sa facilité de financement du secteur public (PFF), qui vise à soutenir les secteurs publics locaux et nationaux pour financer l’achat d’équipements et de produits médicaux, la remise en état des unités médicales pour maintenir les services à la population, et la mobilisation de l’expertise nécessaire dans les situations d’urgence. Parallèlement, des financements spécifiques (prêts-programmes) ont contribué à atténuer l’impact socio-économique de la pandémie grâce à des programmes d’investissement ciblés en faveur des petites entreprises et des régies municipales.

2.2. Soutenir l’Ukraine

17. Si l’année 2023 a ouvert un nouveau chapitre de l’engagement de la CEB en l’Ukraine, rappelons que dès les premiers jours de la guerre d’agression russe, la banque a fourni une aide essentielle aux personnes réfugiées d’Ukraine et à leurs communautés d’accueil, qui s’élève à plus de 1,3 milliard d’euros. Le 16 mars 2022, le Gouverneur de la CEB s’est réuni avec les responsables d’institutions multilatérales de développement (la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), la Banque européenne d’investissement (BEI), le Fonds monétaire international (FMI) et le Groupe de la Banque mondiale) pour discuter des effets de la guerre en Ukraine sur l’économie mondiale et des possibilités de réponse collective en solidarité avec l’Ukraine.
18. La CEB a ensuite créé le Fonds solidarité Ukraine (FSU), qui permet d’accorder de façon flexible et rapide des aides sous forme de subventions aux pays voisins et à d’autres pays en vue de couvrir les besoins urgents des personnes réfugiées ukrainiennes, faisant ainsi écho au mandat historique de la CEB. D’autres institutions financières internationales combinent prêts et subventions pour soutenir l’Ukraine. La BERD a ainsi approuvé un train de mesures intitulé «Guerre contre l’Ukraine – paquet de résilience de la BERD», et la BEI a préparé un programme de solidarité d’urgence pour l’Ukraine, chacun étant initialement doté de 2 milliards d’euros. En outre, le FMI a acheminé une aide d’urgence de 1,4 milliard de dollars américains à l’Ukraine au titre de l’instrument de financement rapide (IFR) et le Groupe de la Banque mondiale a débloqué plus de 925 millions de dollars américains pour permettre à la population ukrainienne de bénéficier de services essentiels.
19. Avec l’adhésion de l’Ukraine à la banque, les opérations de la CEB se sont rapidement orientées vers la fourniture de financements «pour l’Ukraine en Ukraine». Ainsi, le premier prêt de 100 millions d’euros, qui s’inscrit dans une opération de cofinancement avec la Banque mondiale 
			(9) 
			Le
projet-cadre s’intitule «Health Enhancement and Life-saving in Ukraine»
(HEAL)., contribue à renforcer les soins de santé primaires, à soutenir les équipes mobiles qui fournissent des services de santé essentiels dans des zones reculées, à financer la reconstruction d’infrastructures de santé endommagées et à répondre à d’autres besoins urgents en matière de santé, notamment de santé mentale et de soins de santé primaires, ainsi que de réadaptation pour les personnes gravement blessées pendant la guerre.
20. En plus des prêts, la CEB a débloqué plusieurs subventions ciblées pour répondre aux besoins des populations les plus vulnérables en Ukraine, en utilisant ses fonds fiduciaires comme le Fonds solidarité Ukraine. Une première subvention directe de 2 millions d’euros a été approuvée en septembre 2023. Provenant du Fonds de solidarité pour l'Ukraine et du Fonds pour les migrants et les réfugiés de la CEB, elle finance les réparations essentielles concernant les habitations de plus de 500 ménages vulnérables dans les zones touchées par la guerre. Avant la fin de l’année 2023, la CEB avait approuvé un ensemble de subventions d’un montant de 9,6 millions d’euros en réponse à la crise touchant l’Ukraine, notamment pour soutenir les pays voisins. En mars 2024, le Conseil d’administration de la CEB a approuvé un prêt de 100 millions d’euros en faveur de l’Ukraine, destiné à financer la remise en état des habitations détruites et à répondre, en particulier, aux besoins des personnes déplacées internes et des personnes appartenant à des groupes de population vulnérables (personnes en situation de handicap, personnes âgées, femmes, enfants et vétérans). Ce projet a été élaboré avec le bureau du Conseil de l’Europe à Kiev, conformément à la loi ukrainienne sur les biens endommagés et détruits.
21. On estime qu’environ 10 % des habitations en Ukraine sont lourdement endommagées ou détruites. Le savoir-faire de la CEB dans le cadre du Programme régional de logement pour les Balkans occidentaux est donc particulièrement pertinent dans ce contexte et pourrait être utilisé pour préparer des programmes d’investissement similaires en Ukraine. La CEB a organisé une visite d’étude à l’intention d’une délégation des autorités ukrainiennes, à des fins d’acquisition et d’échange d’expérience. Selon les estimations de la banque, le volume des opérations de financement réalisées en Ukraine devrait augmenter progressivement, passant de 230 millions d’euros environ les premières années d’adhésion à près de 390 millions d’euros par an d’ici à 2027. Lors de la discussion en commission des questions sociales, de la santé et du développement durable le 3 juin 2024, des membres ukrainiens ont souligné l’importance du soutien financier étranger pour les infrastructures médicales ukrainiennes, l’enseignement en ligne et les enfants ayant des besoins particuliers, ainsi que pour l’activité des femmes entrepreneures. La préparation des projets pourrait être simplifiée afin d’accélérer l'attribution des ressources et le processus de mise en œuvre.

2.3. Prendre en compte le lien entre l’environnement et le développement social

22. La CEB accorde une attention toute particulière au développement territorial durable et inclusif en cofinançant la mise en œuvre de plans d’investissements multisectoriels conformes aux stratégies de développement des villes et des régions. Elle a donc étendu son soutien aux autorités locales et régionales en mettant l’accent sur la cohésion sociale dans les zones urbaines, notamment sur les aspects de résilience et de durabilité environnementale lorsque les inégalités sociales, l’exposition à la dégradation environnementale et aux risques climatiques se combinent et se renforcent mutuellement.
23. Cette action s’inscrit dans la logique des recommandations de l’Assemblée concernant les «Stratégies politiques permettant de prévenir les catastrophes naturelles, de s’y préparer et d’y faire face» (Résolution 2493 (2023) et Recommandation 2251 (2023)) et du plaidoyer en faveur de la réalisation systématique du droit à un environnement sain (Résolution 2545 (2024)). La CEB aide notamment les autorités nationales à reconstruire les zones touchées par des catastrophes naturelles ou d’origine humaine (sur la période 2018-2023, neuf projets ont été financés dans ce domaine, notamment dans la prévention des inondations, l’atténuation des risques sismiques, la préparation aux situations d’urgence et l’aide au relèvement après les séismes). La banque cofinance également des projets qui visent à améliorer le cadre de vie (45 projets ont été financés sur la période 2018-2023 dans divers secteurs d’intervention: réduction, gestion et traitement des déchets, mesures d’économie d’énergie et d’efficacité énergétique, assainissement des eaux de surface et souterraines, transports plus propres et protection de la biodiversité).
24. Il convient également de noter que les secteurs du logement durable, de la transition énergétique et de la santé publique resteront des domaines primordiaux de l’engagement de la CEB, car les besoins dans ces domaines restent importants partout en Europe, sans compter que la banque en a une longue expérience. À cette fin, la CEB continuera à travailler en étroite collaboration avec les autorités nationales, les partenaires internationaux et, dans le cas de l’Ukraine, le Conseil de l’Europe et son bureau à Kiev, afin de dégager des synergies et d’apporter de l’aide là où elle est le plus nécessaire.

2.3.1. Aide à la Türkiye avant et après le tragique séisme de février 2023

25. Outre l’atténuation des effets des problèmes environnementaux d’origine humaine, la gestion des conséquences des catastrophes naturelles reste un aspect important du travail de la banque. Nous avons été frappé·es par le tremblement de terre d’une puissance sans précédent qui a dévasté le sud de la Türkiye et le nord de la Syrie en février 2023, provoquant des morts et des destructions massives en l’espace de quelques secondes. En Türkiye, État membre de la CEB, plus de 50 000 personnes ont été tuées, plus de 100 000 ont été blessées et environ 1,5 million de personnes se sont retrouvées sans abri. La population a également été touchée par les dégâts causés aux infrastructures, aux écoles, aux hôpitaux et aux autres services publics essentiels.
26. En réaction, la CEB a approuvé rapidement un prêt de 250 millions d’euros lors d’une réunion extraordinaire du Conseil d’administration au mois d’avril, dans le but d’aider le secteur de la santé turc à faire face à la catastrophe et à construire des équipements de santé plus résistants à moyen terme. Ce prêt faisait partie d’une promesse de 500 millions d’euros annoncée par la CEB lors d’une conférence des donateurs de l’Union européenne intitulée «Ensemble pour les populations de Türkiye et de Syrie», qui s’est tenue à Bruxelles le 20 mars 2023. Un autre prêt de 250 millions d’euros a été approuvé pour la Türkiye en mars 2024 pour continuer de soutenir le redressement du secteur de la santé, en particulier dans les 11 provinces du sud-est touchées par les séismes de février 2023. Au total, 12 hôpitaux d’urgence à structure en acier parasismique seront construits dans les provinces les plus durement touchées. Chaque hôpital aura une capacité de 40 000 à 60 000 consultations par an et disposera d’au moins une unité de soutien psychologique pour aider la population à faire face aux traumatismes subis. Trois hôpitaux – dont un spécialisé en gynécologie et pédiatrie – fonctionnent déjà et desservent plus d’un demi-million de personnes dans la province de Hatay.
27. En outre, la CEB a participé à plusieurs projets dans le secteur de la santé en Türkiye ces dernières années. Elle a, entre autres, supervisé la construction d’un hôpital de 400 lits financé par l’Union européenne dans la ville de Kilis, près de la frontière syrienne, qui a été inauguré en décembre 2022 et s’est avéré résistant aux secousses sismiques, permettant ainsi à la population de bénéficier de services de soins de santé d’urgence essentiels lorsque le tremblement de terre s’est produit. Par ailleurs, la CEB a également créé un nouveau Fonds prévention et relèvement de catastrophes (avec une dotation initiale du Compte de dividendes sociaux de la banque) afin d’aider la Türkiye et d’autres États membres à se préparer aux catastrophes.
28. Les autorités de la Türkiye ont intensifié leurs activités de réduction du risque sismique et de préparation aux tremblements de terre dans le cadre du Projet d’atténuation du risque sismique et de préparation aux situations d’urgence d’Istanbul (ISMEP). À ce jour, la CEB a accordé trois prêts, d’un montant total de 600 millions d’euros, pour soutenir ce programme majeur et sans équivalent, qui porte sur des investissements prioritaires dans des infrastructures publiques. Jusqu'à présent, les prêts de la CEB ont permis de reconstruire et/ou d'améliorer la qualité de 281 bâtiments publics à Istanbul. Un financement supplémentaire de la CEB pour l’ISMEP est attendu, portant spécifiquement sur les infrastructures de santé vitales.

2.3.2. Mise en œuvre d’un «prisme de vulnérabilité» pour ne laisser personne de côté

29. Compte tenu du manque de résilience des populations vulnérables et du poids des divers risques, crises et inégalités qui pèse sur elles, la banque a établi, à la base de son Cadre Stratégique 2023-2027, un «prisme de vulnérabilité». Cet outil opérationnel permet à la CEB de mieux cibler ses investissements sociaux en concentrant son aide sur les personnes les plus défavorisées et marginalisées. Pour la CEB, la vulnérabilité désigne «la mesure dans laquelle les individus et les communautés sont confrontés à des résultats économiques, sociaux ou environnementaux défavorables, notamment en raison de chocs ou de changements à long terme» 
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			Rapport du Gouverneur
2023, encadré «Un prisme de vulnérabilité pour une meilleure résilience»,
p. 11.. Ceci est considéré comme étant particulièrement important dans le cadre des besoins dans les États membres concernant l’accès à une éducation de qualité, aux soins de santé, au logement, à l’approvisionnement en eau et à des services d’assainissement.
30. Depuis le début de l’année 2023, le prisme de vulnérabilité permet à la banque de contrôler et d’évaluer tous les nouveaux investissements afin d’identifier les lacunes et de concevoir des solutions pragmatiques dans le but d’améliorer la qualité des projets et leur impact sur le terrain. C’est un aspect essentiel de l’inclusion sociale lorsqu’il s’agit de couvrir la dimension sociale du changement climatique et de garantir une transition socialement juste, comme il est demandé à la CEB de le faire dans la Déclaration de Reykjavík. Il permet également d’adapter les projets de la CEB aux dispositions de la Charte sociale européenne (révisée) (STE n° 163) et les conclusions du Comité européen des droits sociaux (notamment en ce qui concerne les droits au travail, au logement, à la formation professionnelle et à la protection de la santé, à la protection socio-économique et à la protection juridique des enfants, des jeunes, des familles et des personnes âgées).
31. La CEB a mis en œuvre son prisme de vulnérabilité en 2023 tout en continuant de promouvoir des cadres de vie inclusifs et résilients. Par exemple, les investissements dans des logements sociaux et abordables, d’un montant total de 375 millions d’euros répartis sur six prêts dans huit pays, ciblent les personnes déplacées, les personnes sans-abri les personnes âgées, les étudiant·es ainsi que les personnes migrantes et réfugiées, tout en favorisant la création de quartiers inclusifs et de collectivités urbaines et rurales plus résilientes. Ce dernier secteur d’investissement a bénéficié en 2023 de 13 prêts accordés à huit pays, soit un total de 867 millions d’euros débloqués pour des projets liés au traitement des eaux usées, à l’efficacité énergétique, à la production d’énergie renouvelable et à un système de santé décentralisé. La banque opère en collaboration avec des entités du secteur public local et national, ainsi qu’avec des institutions du secteur privé si nécessaire.
32. Lors de la réunion de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable le 3 juin 2024 à Paris, les membres ont pu visiter deux unités de logement social (des «pensions de famille») qui ont bénéficié du soutien de la CEB dans le cadre d’une opération de co-financement avec Adoma, une société d’économie mixte créée par le Gouvernement français dans les années 1950. La CEB gère avec Adoma depuis 2015 deux prêts de 100 millions d’euros destinés à la restructuration, la modernisation ou la construction de logements sociaux. Les membres de la commission ont découvert l’approche centrée sur l’insertion sociale des personnes vulnérables par le logement dans le cadre d’une mission d’intérêt public. Des services personnalisés d'aide sociale sont ainsi proposés aux personnes en situation précaire (jeunes à la recherche d’un emploi, travailleuses et travailleurs migrants, personnes à faibles revenus, familles monoparentales, sans-abri, demandeurs et demandeuses d'asile, personnes isolées ayant des besoins sociaux et de santé urgents, souvent du fait d’addictions) pour les autonomiser et les aider à s'intégrer pleinement dans la société.
33. Nous devrions également saluer le soutien que la CEB apporte à ses États membres dans la réalisation de leurs engagements au titre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Le bilan des progrès réalisés jusqu’à présent montre que des efforts supplémentaires sont nécessaires pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) et réduire le risque de pauvreté et d’exclusion sociale qui touche encore environ un cinquième de la population dans les pays européens. En outre, favoriser la résilience et lutter contre le changement climatique (ODD 13) est un défi complexe qui nécessite une plus grande action collective et une transition accélérée vers des modèles de développement plus durables au niveau national. En 2023, 35 % des projets approuvés par la CEB ont permis de soutenir la réalisation de l’ODD 13 et 44 % ont contribué à la réalisation de l’ODD 11 (villes et communautés durables), participant largement à réduire les inégalités au titre de l’ODD 10.

3. Conclusions et perspectives

34. Malgré un contexte géopolitique et économique complexe, la CEB a réussi à poursuivre le développement de ses opérations, de son assise financière et l’adhésion de nouveaux membres, tout en prenant soin d’équilibrer les risques et les opportunités. Dans un contexte où les besoins en matière d’investissement social restent immenses en Europe, la mission et l’ambition premières de la banque et son ambition sont en parfaite adéquation avec les réalités de ses États membres. Le Sommet de Reykjavík du Conseil de l’Europe a mis en évidence les enjeux que constituent la reconstruction de l’Ukraine et le renforcement de la résilience au changement climatique et à la dégradation de l’environnement. Il s’agit sans aucun doute d’un défi de taille pour la CEB, qui devra continuer à établir des partenariats avec des institutions homologues, des partenaires internationaux tels que l’Union européenne et des donateurs bilatéraux afin d’assurer la complémentarité des efforts d’investissement et d’accroître durablement sa valeur ajoutée dans les domaines d’intervention prioritaires.
35. La CEB devra persévérer dans son action de protection de la population socialement vulnérable face à une situation et des perspectives économiques et géopolitiques très instables. Alors que la guerre d’agression contre l’Ukraine se poursuit, le déploiement de projets dans ce pays sera délicat, mais hautement pertinent. La sagesse et la solidarité de tous les États membres seront nécessaires pour optimiser l’investissement multilatéral, conformément aux engagements pris à Reykjavík en vue de soutenir les efforts de reconstruction en Ukraine. Dans la mesure du possible, l’Assemblée devrait encourager les parlements nationaux à assurer la complémentarité des efforts visant à soutenir l’Ukraine, à la fois aux niveaux national et européen, en accordant la priorité aux secteurs de la santé (y compris la réadaptation des personnes touchées par la guerre) et du logement («Mieux reconstruire»), ainsi qu’à la continuité des services publics et à la réduction de la pollution de l’environnement dans tout le pays.
36. Le cercle des États membres de la CEB s’agrandit peu à peu: l’Andorre a adhéré en 2020 et l’Ukraine en 2023. Cinq États – l’Arménie, l’Autriche, l’Azerbaïdjan, Monaco et le Royaume-Uni – n’ont cependant pas encore rejoint la CEB. L’Assemblée devrait inviter de nouveau ces États à devenir membres de la banque dès que possible. Leur adhésion enverrait un message fort et renforcerait la capacité de la CEB à aider l’Ukraine, dernier État en date à avoir adhéré, à faire face à des besoins sociaux considérables et urgents.
37. Enfin, la CEB devrait poursuivre les efforts qu’elle déploie pour aider ses États membres à opérer une transition inclusive et socialement juste vers un avenir plus vert, en finançant des projets qui permettent de faciliter les efforts en matière d’atténuation et d’adaptation pour lutter contre le changement climatique et la dégradation de l’environnement, et qui contribuent à intensifier les investissements réalisés à cette fin à l’échelle nationale et internationale.