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Rapport | Doc. 16091 | 08 janvier 2025

Mettre fin à la discrimination des personnes âgées fondée sur l’âge

Commission sur l'égalité et la non-discrimination

Rapporteure : Mme Andrea EDER-GITSCHTHALER, Autriche, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 15735, Renvoi 4736 du 26 mai 2023. 2025 - Première partie de session

Résumé

L’âgisme à l’égard des personnes âgées est omniprésent dans nos sociétés; il minimise la contribution des personnes âgées à la société tout en mettant l’accent sur le coût élevé du vieillissement des populations, plutôt que de les traiter comme des titulaires de droits. L’âgisme comporte des stéréotypes, des préjugés et des discriminations à l’égard des personnes âgées, peut prendre de nombreuses formes et a des répercussions dans tous les domaines de la vie, notamment dans l’accès aux services financiers, aux soins de santé et à d’autres services publics.

Un changement de paradigme est nécessaire pour mettre fin à l’âgisme dont souffrent les personnes âgées dans les États membres du Conseil de l’Europe, y compris la discrimination fondée sur l’âge. Des stratégies et des plans d’action fondés sur les droits humains des femmes et des hommes âgés, dans toute leur diversité, doivent être élaborés en tenant compte de leurs besoins et de leurs situations personnelles, avec leur participation et leur concours.

Le rapport appelle à une approche fondée sur les droits humains pour lutter contre l’âgisme à l’égard des personnes âgées afin de garantir l’égalité, la dignité, l’autonomie et la participation à toutes les étapes de la vie. Il appelle également à ce que les lois et les politiques relatives à l’égalité et à la lutte contre la discrimination tiennent compte de la discrimination structurelle, multiple et intersectionnelle à l’égard des personnes âgées dans tous les domaines. Des mesures visant à prévenir l’âgisme et à lutter contre les stéréotypes à l’égard des personnes âgées doivent être prises, par le biais de l’éducation, de l’information et des activités de sensibilisation, y compris en offrant des occasions d’expérimenter la solidarité et les partenariats intergénérationnels pour tisser des liens entre les jeunes et les personnes âgées, au profit de tous et toutes.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 5 décembre
2024.

(open)
1. Les droits humains ne devraient pas être niés ou réduits avec l’âge. Comme le prévoient les traités internationaux relatifs aux droits humains, ils sont universels et doivent par conséquent s’appliquer de manière identique à toute personne. Les personnes âgées devraient bénéficier des droits, des ressources et des structures nécessaires leur permettant de demeurer des membres à part entière de la société, en vertu des principes d’autonomie, d’égalité, d’indépendance, de participation et de respect de la dignité de chacun·e.
2. L’âgisme – qui désigne les stéréotypes, les préjugés et les pratiques discriminatoires liées à l’âge – renforce la perception que les inégalités et la discrimination à l’égard des personnes âgées sont naturelles ou inévitables, ce qui n’est pas le cas. Les personnes âgées doivent faire face à un discours qui attire l’attention sur les conséquences de l’évolution démographique vers une population plus âgée, sur la «charge» croissante qu’elles représentent et sur le «coût élevé» pour garantir leur égalité en matière de droits humains.
3. La discrimination fondée sur l’âge est aussi néfaste que toute autre forme de discrimination, et les personnes âgées y sont confrontées dans tous les domaines de la vie, en particulier sur le lieu de travail, et dans l’accès aux services, à l’éducation et aux soins de santé.
4. Un cadre juridique moins protecteur sur la discrimination fondée sur l’âge et en réponse à celle-ci, par rapport à d’autres motifs de discrimination, n’est pas justifié et doit être corrigé. Outre une législation solide interdisant la discrimination fondée sur l’âge dans tous les domaines de la vie, un large éventail de mesures devrait être mis en place pour combattre l’âgisme dans la société.
5. Les personnes âgées ne constituent pas un groupe homogène, et il importe d’adopter une approche intersectionnelle pour prévenir et combattre l’âgisme et la discrimination auxquels elles sont confrontées.
6. Il faut combattre et faire évoluer le discours négatif autour de l’âge et du vieillissement dans la société afin de lutter contre les stéréotypes, les préjugés et la discrimination fondés sur l’âge. L’âgisme en tant que phénomène socialement acceptable doit être combattu par divers moyens, notamment par des mesures de sensibilisation, une amélioration de la législation et des politiques, l’éducation, des interventions intergénérationnelles, ainsi que des recherches et la collecte de données sur ses manifestations et ses effets, y compris une analyse de la discrimination intersectionnelle qui touche les personnes âgées (personnes migrantes, personnes LGBTI, femmes, personnes en situation de handicap, personnes issues de minorités ethniques, etc.).
7. L’Assemblée parlementaire souligne la nécessité d’atteindre la cible 10.2 des Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies, qui vise à autonomiser toutes les personnes et à favoriser leur intégration sociale, économique et politique, «indépendamment de leur âge» et d’autres caractéristiques, d’ici à 2030. Outre l’ODD 10 (réduire les inégalités), d’autres ODD concernent les personnes âgées: l’ODD 3 (permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge), l’ODD 1 (éliminer la pauvreté), l’ODD 5 (parvenir à l’égalité des sexes) et l’ODD 8 (promouvoir un travail décent pour tous).
8. L’Assemblée se félicite de l’adoption, en septembre 2024, par l’Assemblée générale des Nations Unies, du Pacte pour l’avenir, et de son appel à promouvoir la solidarité, le dialogue et l’engagement intergénérationnels, y compris avec et entre les enfants, les jeunes et les personnes âgées, dans l’élaboration des politiques et dans les prises de décision.
9. L’Assemblée renvoie à la Recommandation CM/Rec(2014)2 du Comité des Ministres aux États membres sur la promotion des droits de l’homme des personnes âgées et un rapport de 2019 relatif à sa mise en œuvre qui recommande de faire davantage d’efforts pour s’attaquer à la discrimination fondée sur l’âge.
10. L’Assemblée renvoie par ailleurs à sa Résolution 2168 (2017) et sa Recommandation 2104 (2017) «Les droits humains des personnes âgées et leur prise en charge intégrale», sa Résolution 2510 (2023) «Réduire la fracture numérique: promouvoir l’égalité d’accès aux technologies numériques», sa Résolution 1793 (2011) «Pour une longévité positive: valoriser l’emploi et le travail des seniors», et sa Recommandation 1796 (2007) «La situation des personnes âgées en Europe». Elle renvoie aussi à la Résolution 504 (2024) et la Recommandation 517 (2024) du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe sur le «Vieillissement des communautés – Garantir l’accès des personnes âgées à une aide sociale de qualité».
11. L’Assemblée reconnaît le rôle pionnier joué par le Conseil de l’Europe, étant donné que la Charte sociale européenne (STE n° 35), révisée en 1996 (STE n°163), et en particulier son article 23 «Droit des personnes âgées à une protection sociale», est le premier traité relatif aux droits humains qui protège spécifiquement les droits des personnes âgées, exigeant des États parties qu’ils adoptent une législation pour lutter contre la discrimination fondée sur l’âge dans tous les domaines. La Charte précise que cette législation devrait couvrir des domaines tels que l’accès aux biens, aux structures et aux services, y compris aux assurances et aux produits bancaires. Dans une déclaration de 2023, le Comité européen des droits sociaux a indiqué que la Charte exige des États parties qu’ils s’engagent à identifier et à éliminer les attitudes âgistes et les lois, politiques et autres mesures qui illustrent ou renforcent l’âgisme. Toujours en 2023, le Conseil de l’Europe a publié une étude importante sur l’utilisation de la Charte sociale européenne pour lutter contre l’âgisme à l’égard des personnes âgées, afin de veiller à ce que la Charte demeure au premier plan de cette lutte.
12. L’Assemblée considère que les organismes nationaux chargés des questions d’égalité devraient inclure dans leur mandat et leurs activités la prévention et la lutte contre la discrimination à l’égard des personnes âgées et être dotés des ressources nécessaires à cet égard.
13. L’Assemblée appelle les États membres et observateurs du Conseil de l’Europe, ainsi que les États dont le parlement bénéficie du statut d’observateur ou de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée:
13.1. en ce qui concerne l’approche générale:
13.1.1. à appliquer une approche fondée sur les droits humains pour lutter contre l’âgisme à l’égard des personnes âgées et les considérer comme des titulaires de droits afin de garantir l’égalité, la dignité, l’autonomie et la participation à tous les stades de la vie;
13.1.2. à concevoir et mettre en place à ce titre des mesures spécifiques visant à prévenir l’âgisme et à lutter contre les stéréotypes à l’égard des personnes âgées par le biais de l’éducation, l’information et des activités de sensibilisation qui pourraient inclure des événements pour marquer la Journée internationale des personnes âgées (le 1er octobre);
13.1.3. à soutenir et financer les organisations de la société civile qui luttent contre l’âgisme;
13.1.4. à offrir des occasions d’expérimenter la solidarité et les partenariats intergénérationnels, et proposer des activités pour tisser des liens entre les jeunes et les personnes âgées, au profit de tous et toutes, en tirant parti de la sagesse, de l’expérience et des talents des générations plus âgées, en tant qu’atout pour la société;
13.2. en ce qui concerne les lois et les politiques:
13.2.1. à réviser la législation pour y inclure une interdiction spécifique de la discrimination des personnes âgées fondée sur l’âge, et modifier ou abroger toute loi ayant des effets discriminatoires directs ou indirects;
13.2.2. à s’assurer que les politiques et les lois relatives à l’égalité et à la lutte contre la discrimination tiennent compte de la discrimination structurelle, ainsi que de la discrimination multiple et intersectionnelle à l’égard des personnes âgées dans tous les domaines de la vie, et traitent notamment des questions d’autonomie (capacité juridique), de mode de vie indépendant, d’emploi, de représentation politique, ainsi que d’accès à la justice, aux biens et services, aux soins de santé, au logement et à des soins de qualité;
13.2.3. à accepter l’article 23 de la Charte sociale européenne si ce n’est pas déjà le cas;
13.2.4. à veiller à ce que des organes et des mécanismes de contrôle et d’application soient en place concernant les lois et politiques sur la discrimination des personnes âgées fondée sur l’âge;
13.2.5. à envisager la création d’un poste de commissaire indépendant·e et/ou d’un poste de ministre en charge des droits des personnes âgées;
13.3. en ce qui concerne l’aide sociale et les soins de santé:
13.3.1. à veiller à ce que le principe de non-discrimination fondée sur l’âge soit intégré dans les politiques publiques et les programmes relatifs aux soins de santé et à d’autres domaines;
13.3.2. à veiller à ce que les préjugés et l’âgisme implicites et explicites soient éliminés dans la conception, le développement, l’utilisation et les évaluations des technologies d’intelligence artificielle dans les domaines des soins de santé et de l’aide sociale;
13.3.3. à étayer et développer les connaissances et les compétences des professionnel·les de santé et des travailleuses et travailleurs sociaux sur la perspective, l’expérience et les besoins des différents groupes de personnes âgées, dont les femmes, les personnes LGBTI, les personnes en situation de handicap, les personnes issues de minorités ethniques et les personnes migrantes;
13.4. en ce qui concerne l’accès à l’information, à des voies de recours et à la justice:
13.4.1. à veiller à ce que les personnes âgées disposent d’informations complètes et facilement accessibles sur leurs droits et les mécanismes de recours disponibles;
13.4.2. à mettre en place des mécanismes de recours adaptés et favoriser l’accès des personnes âgées à la justice, notamment en leur fournissant une aide juridictionnelle gratuite et en garantissant l’accessibilité des procédures judiciaires appropriées;
13.4.3. à soutenir le travail des organismes de promotion de l’égalité et veiller à ce qu’ils soient en mesure de recevoir et de déposer des plaintes concernant la discrimination des personnes âgées fondée sur l’âge;
13.4.4. à sensibiliser et former les professionnel·les concernés à ce domaine de discrimination, par exemple par le biais du programme de formation aux droits de l’homme pour les professionnels du droit (HELP) du Conseil de l’Europe;
13.5. en ce qui concerne la collecte de données et la recherche, en tant qu’outil permettant de mesurer la situation et d’informer l’élaboration des politiques:
13.5.1. à examiner les approches en matière de collecte de données afin d’éliminer tout préjugé inhérent à l’âge, et recueillir des données sur l’égalité ventilées par différents sous-groupes d’âge parallèlement à d’autres caractéristiques, sans limite d’âge, telles que le sexe, le genre, le handicap, l’appartenance à une minorité ethnique, l’origine migratoire, l’orientation sexuelle et l’identité de genre, ce qui permettra d’analyser la discrimination fondée sur l’âge en tant que phénomène seul et en interaction avec d’autres facteurs;
13.5.2. à mener des recherches quantitatives et qualitatives sur la discrimination intersectionnelle touchant les personnes âgées, notamment les femmes, les personnes LGBTI, migrantes, issues de minorités ethniques ou les personnes en situation de handicap;
13.6. en ce qui concerne le passage au numérique et l’accès aux biens et aux services:
13.6.1. à lutter contre le fossé numérique qui peut affecter les personnes âgées, en assurant un accès universel et abordable aux outils et technologies pertinents, ainsi qu’un renforcement des capacités et une autonomisation sur mesure des membres les plus âgés de la société pour leur permettre d’utiliser utilement et en toute sécurité les technologies de l’information et de la communication et les services numériques, conformément au Pacte numérique mondial de l’Assemblée générale des Nation Unies;
13.6.2. à veiller à ce que les services publics, notamment en ce qui concerne l’aide financière et d’autres aides essentielles, soient accessibles à la fois en ligne et hors ligne;
13.6.3. à veiller à ce que les préjugés et l’âgisme implicites et explicites soient identifiés et évités tout au long de la conception et de l’utilisation des technologies d’intelligence artificielle appliquées au domaine des biens et services publics;
13.7. en ce qui concerne la participation des personnes âgées aux décisions qui les concernent:
13.7.1. à mettre en place les méthodes et mécanismes nécessaires et appropriés pour permettre aux personnes âgées d’exercer leur pleine capacité juridique, leur autonomie et leur droit à la parole dans tous les domaines qui les concernent en tant qu’individus;
13.7.2. à rechercher activement la participation des personnes âgées et leurs organisations représentatives lors de l’examen et de la révision des mesures juridiques et politiques qui les affectent, elles et leurs droits.
14. L’Assemblée soutient l’initiative des Nations Unies relative à la Décennie pour le vieillissement en bonne santé (2021-2030) et encourage les États membres du Conseil de l’Europe à s’attaquer à l’âgisme par des mesures spécifiques visant à réaliser des progrès tangibles d’ici la fin de la décennie. Elle invite donc les États membres à prendre des mesures pour éradiquer l’âgisme et à participer activement à la Campagne mondiale contre l’âgisme. L’Assemblée soutient en outre la réflexion sur l’élaboration d’une convention des Nations Unies consacrée aux droits des personnes âgées.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet de recommandation
adopté à l’unanimité par la commission le 5 décembre 2024

(open)
1. Se référant à sa Résolution ... (2025) «Mettre fin à la discrimination des personnes âgées fondée sur l’âge», l’Assemblée parlementaire salue l’adoption par le Comité des Ministres de la Recommandation CM/Rec(2014)2 aux États membres sur la promotion des droits de l’homme des personnes âgées.
2. Se félicitant de la mise à jour du cours sur la lutte contre la discrimination du programme de la formation aux droits de l’homme pour les professionnels du droit (HELP), l’Assemblée invite le Comité des Ministres à envisager d’ajouter un module sur la discrimination fondée sur l’âge.
3. Afin de protéger et promouvoir les droits humains des personnes âgées et éliminer la discrimination dont elles sont victimes, y compris dans le domaine des soins de santé, ainsi que de lutter contre les stéréotypes, les préjugés et les partis pris à l’égard des personnes âgées sur lesquels repose cette discrimination, l’Assemblée appelle le Comité des Ministres:
3.1. conformément à la décision prise en 2019, à suivre la mise en œuvre de la Recommandation CM/Rec(2014)2, en particulier dans le but d’identifier et de combler les lacunes existantes dans ce domaine, en examinant dans ce contexte l’opportunité et la faisabilité d’un instrument juridique spécifique au niveau européen qui fournirait un cadre pour la protection des droits humains des personnes âgées;
3.2. à envisager la préparation d’une recommandation visant à prévenir et à combattre l’âgisme, en suivant une approche similaire à celle adoptée dans la Recommandation CM/Rec(2019)1 du Comité des Ministres aux États membres sur la prévention et la lutte contre le sexisme;
3.3. à se faire représenter et participer activement aux discussions en cours au sein du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies sur l’élaboration d’un instrument international juridiquement contraignant consacré aux droits des personnes âgées.

C. Exposé des motifs par Mme Andrea Eder-Gitschthaler, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. Les personnes âgées 
			(3) 
			Il n’existe pas de
définition internationalement reconnue des «personnes âgées». L’âge
est une construction sociale et différentes limites d’âge s’appliquent
dans différentes parties du monde et à différentes fins (par exemple,
l’âge de la retraite, l’âge pour être considéré comme «senior» dans
certaines pratiques et compétitions sportives, les limites d’âge pour
adopter un enfant, etc.). Pour les Nations Unies, les personnes
âgées sont les personnes de plus de 60 ans, tandis que, pour l’Organisation
de coopération et de développement économiques (OCDE) et Eurostat,
il s’agit des personnes de plus de 65 ans. apportent une contribution inestimable à la société: elles ont des connaissances et une expérience à mettre en partage, et ont la capacité de contribuer à l’économie locale en tant que consommateurs et consommatrices; elles veillent gratuitement sur les enfants et sur d’autres membres de la famille, et travaillent bénévolement dans nos communautés. Elles sont aussi souvent confrontées à de multiples difficultés: pauvreté, solitude, discrimination, manque de protection sociale, exclusion numérique, violence et abus, et manque de participation aux décisions qui les concernent.
2. L’accès effectif aux droits devrait être assuré sans tenir compte du nombre de personnes concernées ou des coûts potentiels. Les personnes âgées devraient être reconnues comme des titulaires de droits indépendants et non comme de simples bénéficiaires de soins. Un tel prisme repose sur des récits erronés mais souvent répandus selon lesquels les personnes âgées seraient malades, dépendantes et passives, ce qui alimente les stéréotypes négatifs et l’âgisme – eux-mêmes aggravés par l’opinion selon laquelle leurs droits représentent «un coût trop élevé» pour la société, qui n’aurait «pas les moyens» de les leur garantir.
3. L’espérance de vie s’allonge, en Europe et ailleurs, et les personnes âgées tendent à devenir la catégorie de la population qui croît le plus rapidement dans la région de la Commission Economique des Nations Unies pour l’Europe (CEE-ONU) 
			(4) 
			Commission Economique
des Nations Unies pour l’Europe (CEE-ONU), «<a href='https://unece.org/sites/default/files/2024-07/PB27-EN.pdf'>Mainstreaming
ageing – revisited</a>» (anglais uniquement), Policy Brief on Ageing No. 27,
février 2022.. Le caractère genré du vieillissement fait que les femmes ont tendance à vivre plus longtemps que les hommes. Toutefois, plutôt que de se focaliser sur des chiffres, il convient de s’intéresser aux décisions juridiques et politiques qui détermineront les conséquences de cette évolution démographique, et notamment son impact sur le vécu des personnes âgées et sur leur accès aux droits. Il convient d’adopter une approche globale du parcours de vie, qui tienne dûment compte des droits et du bien-être des personnes âgées.
4. La discrimination des personnes âgées fondée sur l’âge est un vaste sujet dont l’Assemblée parlementaire a abordé certains aspects importants. Mon rapport se concentre sur un certain nombre de domaines, notamment les lois et les politiques discriminatoires, l’accès à la justice, le passage au numérique, l’accès aux biens, aux services et aux soins de santé, et la participation publique. Un rapport intitulé «L’immigration, l’une des réponses au vieillissement démographique de l’Europe» (Doc. 16072) a été adopté par la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées de l’Assemblée et un débat en plénière sur ledit rapport et le mien est prévu en janvier 2025.

2. Méthodes de travail

5. En février 2024, je me suis entretenue avec Paschal McKeown, directrice de l’ONG Age Northern Ireland. Le 19 février 2024, j’ai échangé en ligne avec Claudia Mahler, experte indépendante de l’ONU chargée de promouvoir l’exercice par les personnes âgées de tous les droits de l’homme.
6. Le 18 mars 2024, la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées a tenu une audition avec la participation de Daris Lewis Recio, chargé des affaires politiques et juridiques au sein du Réseau européen des organismes de promotion de l’égalité (Equinet), et de Nena Georgantzi, responsable des droits humains au sein d’AGE Platform Europe. Je remercie Equinet et AGE Platform Europe de m’avoir aidée à identifier les problématiques et les bonnes pratiques qui figurent dans ce rapport.
7. Le 2 mai 2024, je me suis entretenue en ligne avec Rossalina Latcheva et Sabine Springer, de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne.
8. Le 16 mai 2024, j’ai tenu un échange en ligne avec Gerard Quinn, ancien premier vice-président du Comité européen des droits sociaux et professeur émérite à l’Université nationale d’Irlande.
9. Le 21 mai 2024, je me suis entretenue en ligne avec Alana Officer, qui a dirigé les travaux sur le Rapport mondial sur l’âgisme élaboré par l’Organisation mondiale de la santé en 2021.
10. Le présent rapport contient un certain nombre d’exemples de bonnes pratiques dans les différents domaines abordés qui, je l’espère, pourront inspirer et guider les États membres dans l’amélioration des droits des personnes âgées dans leur pays.

3. L’âgisme à l’égard des personnes âgées

11. L’âgisme désigne les stéréotypes, les préjugés et/ou la discrimination de personnes ou de groupes fondés sur l’âge. L’âgisme à l’égard des personnes âgées est profondément ancré et structurel, et porte atteinte à leurs droits et à leur capacité à apporter leur contribution à la société. L’âge et le vieillissement sont généralement abordés sous quatre angles interdépendants: l’âge chronologique (fondé sur la date de naissance), l’âge biologique (lié aux changements physiques), l’âge psychologique (qui fait référence à l’évolution mentale et de la personnalité au cours de la vie), et l’âge social (l’évolution des rôles et des relations d’une personne au fur et à mesure qu’elle avance en âge). Ces quatre aspects du vieillissement peuvent évoluer à des rythmes différents et sont également influencés par l’environnement social, historique et culturel 
			(5) 
			Agence des droits fondamentaux,
«<a href='https://fra.europa.eu/sites/default/files/fra_uploads/fra-2018-fundamental-rights-report-2018-focus_fr.pdf'>Modifier
les perceptions: vers une approche du vieillissement fondée sur
les droits</a>», 2018..
12. Le présent rapport traite à la fois de la nécessité de lutter contre les stéréotypes et les préjugés négatifs qui caractérisent l’âgisme, et contre ses manifestations dans la discrimination des personnes âgées fondée sur l’âge. Ces phénomènes sont répandus en Europe et ailleurs. Ils prennent de nombreuses formes et ont des répercussions dans tous les domaines de la vie, de l’accès au crédit, aux primes d’assurance, en passant par les soins de santé, le logement, la protection sociale, l’éducation, et l’accès aux biens et aux services (y compris, par exemple, l’accès, exclusivement en ligne, aux services publics et les limites d’âge imposées à certaines professions et activités).
13. L’âgisme et la discrimination fondée sur l’âge touchent également les jeunes, et il s’agit d’une forme d’âgisme plus répandue en Europe (l’Europe est également la seule région au monde à disposer de données sur les deux types d’âgisme) 
			(6) 
			OMS,
«<a href='https://www.who.int/publications/i/item/9789240079694'>Progress
report on the United Nations Decade of Healthy Ageing, 2021-2023</a>» (anglais uniquement), 2023..
14. Les stéréotypes concernant les personnes âgées sont très répandus, et il a été prouvé que même les enfants de quatre ans ont déjà des opinions très stéréotypées sur les personnes âgées. La prévention de l’âgisme doit donc commencer dès les premières années d’éducation. Les stéréotypes âgistes sont également véhiculés par les médias et par la publicité et ces domaines doivent également être abordés.
15. L’âgisme à l’encontre des personnes âgées est évident dans de nombreux secteurs, notamment la santé et les services sociaux, le lieu de travail, les médias et le système juridique. L’âgisme influence également la recherche et la collecte des données, avec des lacunes évidentes dans la recherche et les données sur les personnes âgées de 75 ans et plus.
16. Le risque de discrimination et de préjugés à l’encontre des personnes âgées est donc réel et doit être reconnu et combattu par les pouvoirs publics. Toutefois, à ce jour, les travaux du Conseil de l’Europe n’ont pas abordé directement le concept d’âgisme, hormis l’approche de l’âge fondée sur les droits établie par le Comité européen des droits sociaux et sa déclaration sur l’âgisme (voir le paragraphe 31 ci-dessous).
17. L’ancienne Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a appelé les États membres à promouvoir le vieillissement actif et à faire en sorte que les personnes âgées en Europe puissent exercer pleinement leurs droits humains, en notant que le «vieillissement actif» va au-delà de la participation au marché du travail et couvre la possibilité de vivre en autonomie, d’accéder aux soins de santé de manière adéquate et de participer à la société en fonction de ses besoins, de ses désirs et de ses capacités 
			(7) 
			Commissaire aux droits
de l’homme du Conseil de l’Europe, «<a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/international-day-of-older-persons-taking-action-to-ensure-the-full-enjoyment-of-human-rights-throughout-life'>Journée
internationale des personnes âgées: agir pour garantir le plein
exercice des droits humains tout au long de la vie</a>», déclaration, 30 septembre 2022..
18. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), à l’échelle mondiale, une personne sur deux fait preuve d’âgisme à l’égard des personnes âgées, qui sont souvent présentées à tort comme dépendantes, fragiles et moins compétentes 
			(8) 
			OMS,
«<a href='https://www.who.int/publications/i/item/9789240016866'>Global
report on ageism</a>» (anglais uniquement), 2021.. L’OMS préconise trois stratégies pour prévenir et combattre l’âgisme: la modification des lois et des politiques, les interventions éducatives et les contacts intergénérationnels 
			(9) 
			OMS, «<a href='https://www.who.int/publications/i/item/9789240070264'>Connecting
generations: planning and implementing interventions for intergenerational
contact</a>» (anglais uniquement), 2023.. L’OMS mène également une Campagne mondiale contre l’âgisme 
			(10) 
			<a href='https://www.aworld4allages.org/'>www.aworld4allages.org/</a> (voir aussi <a href='https://www.who.int/fr/publications/m/item/global-campaign-to-combat-ageism-toolkit'>site
en français</a>). et prépare un «baromètre de l’âgisme» afin de mesurer et de comprendre la prévalence et la nature de l’âgisme dans chaque pays. Il devrait être disponible d’ici la fin de l’année 2024 et consistera en une série de questions que les pays peuvent intégrer dans leurs enquêtes nationales régulières sur la santé.
19. En comparaison avec d’autres formes de discrimination, l’une des différences essentielles de l’âgisme réside dans son acceptation culturelle. La discrimination liée à l’âge est répandue dans l’Union européenne 
			(11) 
			Commission
européenne, «<a href='https://www.equalitylaw.eu/downloads/6049-a-comparative-analysis-of-non-discrimination-law-in-europe-2023'>A
comparative analysis of non-discrimination law in Europe 2023</a>» (anglais uniquement), 2024., notamment dans l’accès à l’emploi 
			(12) 
			La
directive européenne sur l’égalité en matière d’emploi autorise
la législation nationale à prévoir un certain nombre d’exceptions
en ce qui concerne la discrimination directe et indirecte fondée
sur l’âge., en dehors, bien sûr, des situations où des restrictions fondées sur l’âge ont été légalement établies, sous certaines conditions 
			(13) 
			«Des
différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une
discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement
justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime
[...] et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés
et nécessaires» (article 6, paragraphe 1, de la directive sur l’égalité
de traitement en matière d’emploi).. L’avis de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) de 2021, adopté après 20 ans de mise en œuvre de la directive sur l’égalité raciale et de la directive sur l’égalité de traitement en matière d’emploi, indique que «peu de progrès» ont été accomplis depuis 2014 en ce qui concerne la prévalence de la discrimination en matière d’emploi fondée sur l’âge, la religion, le handicap et l’orientation sexuelle, qui «est restée élevée» dans la plupart des pays de l’Union européenne 
			(14) 
			FRA,
«<a href='https://fra.europa.eu/sites/default/files/2022-01/fra-2021-opinion-equality-directives-01-2021-summary_fr.pdf'>L’égalité
dans l’UE – 20 ans après la mise en œuvre initiale des directives
sur l’égalité</a>», p. 9, 2021..
20. La FRA signale également que «la prévalence des expériences de discrimination fondée sur l’âge dans le domaine de l’emploi parmi les personnes plus âgées est élevée […] et est particulièrement élevée parmi les personnes âgées de 50 ans et plus». En outre, la FRA souligne les défis particuliers auxquels les personnes âgées sont confrontées en matière d’égalité de traitement, depuis les difficultés d’accès aux soins de santé jusqu’au fossé numérique entre les générations, qui est important et augmente avec l’âge 
			(15) 
			Ibid. (voir les sections 7 et 8 ci-dessous).
21. Le rapport d’étape sur la Décennie des Nations Unies pour le vieillissement en bonne santé, pour la période 2021-2023, indique qu’il convient d’accorder davantage d’attention à l’inclusion des personnes âgées dans les données, la recherche et le suivi 
			(16) 
			Voir note n° 7 (OMS,
2023, p. 12).. Dans le cadre de l’Union européenne, Eurostat a créé un groupe de travail sur les statistiques concernant l’égalité et la non-discrimination et prévoit de consacrer une section aux données relatives à l’égalité abordant des questions telles que la démographie, la participation à la société et les expériences de discrimination.

Bonnes pratiques

22. La Commissaire serbe à la protection de l’égalité a publié un Rapport spécial sur la discrimination à l’égard des personnes âgées qui fait le point sur la discrimination liée à l’âge dans ce pays où plus de 20 % de la population est âgée de plus de 65 ans 
			(17) 
			Informations
fournies par Equinet.. Le rapport recommande notamment de créer une commission ou une sous-commission spéciale à l’Assemblée nationale chargée d’améliorer la situation des personnes âgées, ou de déléguer cette mission à l’une des commissions existantes.
23. En 2010, le ministère fédéral allemand des Affaires familiales a lancé un programme intitulé «Un nouveau regard sur le vieillissement» comprenant différentes mesures de sensibilisation dont une plateforme visant à promouvoir un vaste débat public sur les conséquences de certaines représentations associées au vieillissement dans divers contextes, et notamment sur les conséquences négatives. En 2022, l’Agence fédérale allemande de lutte contre la discrimination a commandé une étude sur les représentations du vieillissement et de la discrimination liée à l’âge afin d’étudier les attitudes âgistes et les comportements discriminatoires. L’étude invite le secteur public, la société civile et le secteur privé à utiliser des images plus différenciées et plus complexes du vieillissement, à mener des campagnes de sensibilisation à l’âgisme et à la tendance à adopter des comportements âgistes, et à créer des espaces d’échanges sur les inégalités perçues entre les groupes d’âge et/ou entre les générations 
			(18) 
			Informations fournies
par Equinet..
24. Le Pays de Galles et l’Irlande du Nord ont tous deux créé la fonction de commissaire indépendant pour les personnes âgées et le vieillissement, ce qui peut être une solution efficace et pérenne pour représenter les droits des personnes âgées auprès du gouvernement et dans le cadre de l’élaboration des politiques 
			(19) 
			Témoignages écrits
soumis par Independent Age à l’<a href='https://committees.parliament.uk/work/7930/the-rights-of-older-people/'>enquête
sur les droits des personnes âgées lancée par la commission des
femmes et de l’égalité du Parlement britannique</a> à l’automne 2023 (anglais uniquement)..

4. Inclusivité et intersectionnalité

25. L’âgisme envers les personnes âgées se conjugue et interagit souvent avec d’autres formes de stéréotypes, de préjugés et de discrimination, comme le validisme (c’est-à-dire la discrimination et les préjugés à l’égard des personnes en situation de handicap), le sexisme, le racisme, l’homophobie et la transphobie. Les femmes âgées sont par exemple souvent victimes de discrimination résultant des inégalités de genre et elles sont davantage exposées à l’exclusion sociale et économique, ainsi qu’aux abus et aux violences physiques et psychologiques, ce qui compromet l’exercice de leurs droits humains. Elles risquent davantage de souffrir de maladies et d’affections chroniques pouvant être facteurs d’invalidité, et ce sont plus souvent elles qui assurent des fonctions de soins et qui sont confrontées au stress des aidant·es. L’âgisme aggrave d’autres types d’inégalités, ainsi que l’exclusion sociale et l’isolement et une approche intersectionnelle est donc nécessaire.
26. À titre d’illustration, une enquête réalisée en 2019 par la FRA sur la perception qu’ont les personnes LGBTI en Europe du respect de leurs droits humains s’est intéressée à la situation des personnes LGBTI âgées de plus de 55 ans. En 2023, ILGA Europe et AGE Platform Europe ont publié une synthèse 
			(20) 
			AGE Platform Europe
et ILGA Europe, «<a href='https://www.ilga-europe.org/files/uploads/2023/03/FRA-Intersections-Report-2022-Older-People.pdf'>Intersections
– Diving into the FRA LGBTI II Survey data – Older People</a>» (anglais uniquement), 2023. qui analysait les données de l’enquête de la FRA, et recommandait que la recherche et la collecte de données sur les personnes LGBTI âgées incluent celles vivant dans des établissements de soins et celles exclues numériquement.
27. J’estime qu’une approche inclusive est essentielle pour protéger efficacement les droits. J’ai adopté une approche intersectionnelle pour tenir compte des différentes expériences et difficultés que les femmes âgées et les hommes âgés peuvent vivre, dans toute leur diversité.

5. Cadres juridiques et politiques relatifs à la lutte contre la discrimination des personnes âgées fondée sur l’âge

28. Il est choquant de constater que l’âge est la seule caractéristique protégée pour laquelle une différence de traitement peut faire l’objet d’une justification objective (par exemple, dans les domaines de l’emploi et de l’accès aux services financiers). L’âge occupe ainsi une place à part au sein des autres caractéristiques protégées, ce qui conduit à réduire son importance en tant que caractéristique protégée et à faire accepter et normaliser la discrimination fondée sur ce motif. Le fait de prévoir des justifications objectives à la discrimination directe fondée sur l’âge revient à maintenir et à légitimer cette dernière.
29. Il n’existe pas, en droit international, d’instrument visant spécifiquement à lutter contre les préjugés et la discrimination à l’égard des personnes âgées. En outre, la plupart des instruments internationaux relatifs aux droits humains, y compris la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5, la «Convention»), ne mentionnent pas expressément l’âge comme motif de discrimination prohibé.

5.1. Conseil de l’Europe

30. En effet, l’article 14 de la Convention relatif à l’interdiction de la discrimination ne cite pas l’âge parmi les motifs de discrimination. Néanmoins, dans sa jurisprudence 
			(21) 
			Cour
européenne des droits de l’homme, «<a href='https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwip_9bwgYaHAxUz8gIHHYT7CBMQFnoECA8QAQ&url=https%3A%2F%2Fprd-echr.coe.int%2Fdocuments%2Fd%2Fechr%2FFS_Elderly_FRA&usg=AOvVaw2t6u26_LcSxnwl_dNZhntj&opi=89978449'>Fiche
thématique, Les personnes âgées et la Convention européenne des droits
de l’homme</a>», 2023., la Cour européenne des droits de l’homme reconnaît que l’âge constitue une «autre situation» aux fins de cette disposition d’interdiction de la discrimination. Toutefois, la Cour n’a pas encore déclaré que la discrimination fondée sur l’âge devait être mise sur le même plan que les autres motifs de discrimination 
			(22) 
			Cour
européenne des droits de l’homme, «<a href='https://ks.echr.coe.int/documents/d/echr-ks/guide_art_14_art_1_protocol_12_fre'>Guide
sur l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme et
sur l’article 1er du Protocole n°12 à la Convention</a>», 2022.. Cela se voit aussi dans l’évolution de la législation relative à la discrimination fondée sur l’âge, qui la traite comme un motif de discrimination «moins important», ce qui contribue à renforcer le stéréotype de la «moindre valeur» des personnes âgées dans nos sociétés.
31. Parmi les autres normes pertinentes du Conseil de l’Europe figure la Charte sociale européenne (STE n° 35), révisée en 1996 (STE n° 163), et en particulier son article 23 «Droit des personnes âgées à une protection sociale» 
			(23) 
			Seuls quatre États
membres du Conseil de l’Europe ne sont parties ni à la Charte sociale
européenne de 1961 ni à celle de 1996. Parmi les États parties,
22 pays ont accepté l’article 23 et sont donc liés par cette disposition.. Au fil des ans, le Comité européen des droits sociaux (CEDS) a interprété l’article 23 et mis en évidence les lacunes existant dans la protection des droits des personnes âgées dans les États membres du Conseil de l’Europe. Le CEDS a appelé à ce que la législation en matière d’égalité et de lutte contre la discrimination visant les personnes âgées couvre des domaines tels que l’accès aux biens, aux structures et aux services, y compris aux assurances et aux produits bancaires. Le CEDS estime que, outre l’adoption d’une législation interdisant la discrimination fondée sur l’âge, les États parties «doivent prendre un large éventail de mesures pour combattre l’âgisme dans la société» 
			(24) 
			Comité européen des
droits sociaux (CEDS), «<a href='https://rm.coe.int/statement-of-interpretation-ageism-2021-fr/1680ab893e'>Observation
interprétative sur l’article 23</a>», 2021..
32. La Charte invite également les États parties à prévoir une procédure d’«assistance à la prise de décision». Cela signifie que les personnes âgées ne peuvent pas être présumées incapables de prendre une décision au seul motif qu’elles présentent un problème de santé ou un handicap particulier, ou ne sont pas dotées de la capacité juridique. L’article 23 exige également des États parties qu’ils luttent contre la maltraitance 
			(25) 
			Le CEDS a estimé que
la maltraitance peut prendre différentes formes: physique, psychologique
ou émotionnelle, sexuelle, financière, ou refléter une négligence
intentionnelle ou non intentionnelle. Voir <a href='https://rm.coe.int/digest-ecsr-prems-106522-web-en/1680a95dbd'>le
«Digest de jurisprudence du CEDS», juin 2022</a> (anglais uniquement). des personnes âgées (à leur domicile et dans les établissements de soins), notamment en menant des actions de sensibilisation et en adoptant des mesures législatives ou autres.
33. En 2021, le CEDS a examiné la mise en œuvre de l’article 23 de la Charte dans 15 pays et a conclu que 12 d’entre eux ne respectaient pas les exigences de cette disposition, principalement du fait de l’absence de législation interdisant la discrimination fondée sur l’âge en dehors de l’emploi, et de l’insuffisance de ressources adéquates pour les personnes âgées (pensions et assistance sociale). Le CEDS a également examiné les mesures visant à prévenir la maltraitance des personnes âgées, à mettre à leur disposition un logement adapté à leurs besoins et à leur état de santé, à leur fournir des soins de santé adéquats et les services qui y sont associés, à garantir une assistance appropriée aux personnes vivant en institution, dans le respect de la vie privée, et à assurer la participation des personnes âgées à la détermination de leurs conditions de vie en institution.
34. Dans la Déclaration politique adoptée lors de la conférence à haut niveau sur la Charte sociale européenne, qui s’est tenue à Vilnius, en Lituanie, les 3 et 4 juillet 2024, les États membres du Conseil de l’Europe ont reconnu le rôle crucial des corps législatifs nationaux dans le renforcement de la protection des droits sociaux par le biais de l’action législative, notamment dans le processus de ratification des traités internationaux.
35. En ce qui concerne les instruments juridiques non contraignants du Conseil de l’Europe, outre les résolutions de l’Assemblée citées dans le projet de résolution, le Comité des Ministres a adopté la Recommandation CM/Rec(2014)2 sur la promotion des droits de l’homme des personnes âgées. Cette recommandation donne des orientations et énonce de bonnes pratiques sur les questions de non-discrimination, d’autonomie et de participation, de protection contre la violence et les abus, de protection sociale et d’emploi, de soins médicaux, en résidence et en institution, et de soins palliatifs, ainsi que d’accès à la justice. En mars 2019, le Comité des Ministres a pris note d’un rapport de mise en œuvre de cette recommandation 
			(26) 
			Le rapport figure dans
le document <a href='https://search.coe.int/cm'>CM(2019)28-add</a> du 6 février 2019. et a décidé d’examiner à nouveau sa mise en œuvre cinq ans plus tard, c’est-à-dire avant mars 2024, ce qui n’a pas encore été fait.

5.2. Nations Unies

36. Les instruments politiques pertinents adoptés au sein des Nations Unies comprennent les Principes pour les personnes âgées et le Plan d’action international de Madrid sur le vieillissement, ainsi que la Stratégie régionale de mise en œuvre pour l’Europe. En 2013, le Conseil des droits de l’homme a décidé de nommer un expert indépendant chargé de promouvoir l’exercice par les personnes âgées de tous les droits de l’homme. Cependant, comme le souligne le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, ne pas inclure l’âge dans les motifs de discrimination interdits dans la plupart des traités des Nations Unies relatifs aux droits humains perpétue l’idée que la protection contre la discrimination liée à l’âge avancé n’est pas une priorité dans l’architecture des droits humains 
			(27) 
			Haut-Commissariat des
Nations Unies aux droits de l'homme, «<a href='https://www.ohchr.org/en/documents/outcome-documents/ohchr-working-paper-update-2012-analytical-outcome-study-normative'>Update
to the 2012 Analytical Outcome Study on the normative standards
in international human rights law in relation to older persons</a>» (anglais uniquement), 2021..
37. Pour prévenir et lutter contre l’âgisme, l’une des trois stratégies préconisées dans le Rapport mondial de l’OMS sur l’âgisme est de faire évoluer les lois et les politiques. Dans ce contexte, un projet d’orientations concernant les lois nationales visant à prévenir et à combattre la discrimination fondée sur l’âge est en cours d’élaboration, en coopération avec le Haut-Commissariat aux droits de l’homme. Un rapport de l’ONU montre une progression de 23 %, sur les trois dernières années, dans la mise en place d’une législation et dans la mise en œuvre de stratégies nationales pour lutter contre la discrimination fondée sur l’âge (60 % des 109 pays ayant fait rapport à l’ONU ont signalé de telles lois et stratégies en 2020, et plus de 82 % en 2022-2023) 
			(28) 
			Voir
ci-dessus note n° 7 (OMS 2023, p. 11)..
38. Un Groupe de travail à composition non limitée sur le vieillissement a été créé en 2011 pour améliorer la protection des droits fondamentaux des personnes âgées. Il est chargé d’examiner le cadre international afin d’identifier d’éventuelles lacunes et leurs remèdes. En mai 2024, le Groupe de travail a achevé son mandat en adoptant un certain nombre de recommandations, parmi lesquelles figure la possibilité de négocier une nouvelle convention des Nations Unies sur les droits humains des personnes âgées.
39. Dans une déclaration ministérielle de la CEE-ONU de 2022, les représentant·es des États européens ont reconnu l’importance du vieillissement de la population comme une tendance mondiale qui doit être prise en compte dans les mécanismes et projets internationaux et régionaux. Ils se sont engagés à prendre des mesures concrètes pour promouvoir un vieillissement actif et en bonne santé tout au long de la vie, garantir l’accès aux soins de longue durée et le soutien aux aidant·es et aux familles, et intégrer le vieillissement dans toutes les politiques afin de créer une société inclusive pour tous les âges.
40. D’autres régions ont adopté des traités sur les droits des personnes âgées tout en participant à des discussions internationales sur un nouveau traité «thématique» de l’ONU: la Convention interaméricaine sur la protection des droits de l’homme des personnes âgées a ainsi été adoptée en 2015 par l’Organisation des États américains, tandis que l’Union africaine a adopté en 2016 un protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des personnes âgées.
41. Je pense que le Conseil de l’Europe devrait envisager de s’engager dans la même voie, en réfléchissant à la valeur ajoutée d’un instrument régional visant à protéger les droits humains des personnes âgées et en étudiant la manière de tirer parti de la quasi-jurisprudence relative à la Charte sociale européenne 
			(29) 
			Conseil de l’Europe,
«<a href='https://rm.coe.int/contre-l-agisme-et-pour-une-citoyennete-active-des-personnes-agees-fre/1680adf1a4'>Contre
l’âgisme et pour une citoyenneté sociale active des personnes âgées
– Utilisation actuelle et potentiel futur de la Charte sociale européenne</a>», 2021. élaborée par le CEDS. Notre Organisation devrait également soutenir, suivre et participer activement aux négociations sur un traité mondial relatif aux droits des personnes âgées menées au sein du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.

5.3. Union européenne

42. La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne contient des dispositions sur la non-discrimination (article 21) et sur les «droits des personnes âgées» (article 25). En outre, l’Union européenne et ses États membres sont tenus de respecter les droits fondamentaux lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union européenne (article 51 de la Charte). L’article 10 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) dispose que, «[d]ans la définition et la mise en œuvre de ses politiques et actions, l’Union cherche à combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l’origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle».
43. La directive de 2000 sur l’égalité de traitement en matière d’emploi a introduit le critère de l’âge comme motif de discrimination interdit en matière d’emploi et de travail. D’autres domaines intéressant les personnes âgées, notamment la protection sociale, les soins de santé et l’accès aux biens et aux services, ne sont pas encore couverts par la législation de l’Union européenne sur la non-discrimination liée à l’âge. Une proposition de directive sur l’égalité de traitement 
			(30) 
			«<a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:52008PC0426'>Proposition
de directive du Conseil relative à la mise en œuvre du principe
de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction
de religion ou de convictions, de handicap, d’âge ou d’orientation
sexuelle</a>», COM(2008)426final, 2 juillet 2008. (également appelée «directive horizontale») datant de 2008 reste en discussion 16 ans plus tard, car elle nécessite l’accord unanime des 27 États membres de l’Union européenne. La directive proposée vise à étendre la protection contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, le handicap, l’âge et l’orientation sexuelle à d’autres domaines que l’emploi, notamment la protection sociale, l’éducation et l’accès aux biens et aux services.
44. En 2021, la Commission européenne a publié un Livre vert sur le vieillissement – Promouvoir la solidarité et la responsabilité entre générations, afin de lancer un débat concernant l’impact du vieillissement sur chaque citoyenne et citoyen et sur la société dans son ensemble. Ce document d’orientation préconise de promouvoir un vieillissement actif et en bonne santé, d’améliorer la résilience des systèmes de santé et de soins, de moderniser la protection sociale et de favoriser l’immigration légale et l’intégration dans le cadre d’une panoplie de mesures visant à «prévenir ou limiter les conséquences négatives du vieillissement». La Commission européenne et les États membres de l’Union européenne encouragent les échanges de pratiques sur l’égalité entre les groupes d’âge et sur la manière de lutter contre l’âgisme au sein du Groupe de haut niveau de l’Union européenne sur la non-discrimination, l’égalité et la diversité, qui prépare notamment une note sur le thème de l’âge 
			(31) 
			Union européenne, <a href='https://social.un.org/ageing-working-group/fourteenthsession-uns.shtml'>informations
soumises au Groupe de travail à composition non limitée des Nations
Unies sur le vieillissement</a> (anglais uniquement), 2024..

5.4. Législations nationales

45. En Europe, les législations nationales accordent différents degrés de protection contre la discrimination liée à l’âge. Par exemple, au Royaume-Uni, la loi sur l’égalité (Equality Act 2010, (Age Exceptions) Order 2012) met en place davantage de mesures de protection au profit des personnes âgées, interdisant toute discrimination injustifiable fondée sur l’âge dans l’accès aux biens, aux structures et aux services, et dans l’exercice de fonctions publiques. Toutefois, l’ordonnance prévoit plusieurs exceptions dans le cadre desquelles une différence de traitement au motif de l’âge est considérée comme justifiable, non préjudiciable ou, dans l’ensemble, bénéfique. Bien qu’elle puisse être améliorée, la loi sur l’égalité garantit un certain niveau de protection des droits des personnes âgées en Angleterre, en Écosse et au Pays de Galles, ce qui n’est pas le cas en Irlande du Nord, où des personnes âgées signalent des cas d’âgisme et de discrimination 
			(32) 
			Informations fournies
par AGE Northern Ireland..

5.5. Bonnes pratiques

46. En Tchéquie, en Slovénie et en Suède, il existe une législation interdisant la discrimination fondée sur l’âge non seulement dans l’emploi, mais aussi dans d’autres domaines de la vie 
			(33) 
			Secrétaire
Générale du Conseil de l’Europe, «<a href='https://www.coe.int/fr/web/secretary-general/report-2023'>Situation
de la démocratie, des droits humains et de l’État de droit</a>», Rapport annuel, p. 124, 2023.. En Bulgarie, la loi relative à la protection contre la discrimination interdit la discrimination directe et indirecte fondée sur l’âge. La loi espagnole sur l’égalité de traitement et la non-discrimination, adoptée en juillet 2022, mentionne expressément l’âge comme motif de protection.
47. En mars 2022, l’Association géorgienne des jeunes avocats (GYLA) a déposé un recours devant la Cour constitutionnelle pour contester la loi fixant à 65 ans l’âge de départ à la retraite du personnel universitaire dans les établissements publics d’enseignement supérieur. Elle a fait valoir que les dispositions légales contestées étaient discriminatoires et donc inconstitutionnelles. La GYLA a renvoyé à une décision antérieure de la Cour constitutionnelle de février 2022, qui avait déclaré inconstitutionnelles des dispositions prévoyant qu’une personne âgée de plus de 70 ans ne pouvait être élue présidente ou vice-présidente de l’Académie géorgienne des sciences. La Cour a jugé que «le fait que le vieillissement entraîne généralement une diminution de l’endurance physique d’une personne et le déclin de certaines compétences ne saurait constituer en soi un motif suffisant pour imposer d’office des restrictions liées à l’âge» 
			(34) 
			Association géorgienne
des jeunes avocats, «<a href='https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwiI2cCUvp6GAxXVX_EDHd-pDoUQFnoECB4QAQ&url=http%3A%2F%2Fnodiscrimination.gyla.ge%2Ffiles%2F2020%2F%25E1%2583%2599%25E1%2583%2595%25E1%2583%259A%25E1%2583%2594%25E1%2583%2595%25E1%2583%2594%25E1%2583%2591%25E1%2583%2598%2Funtitled%2520folder%2FTHE%2520LEGAL%2520STATUS%2520OF%2520OLDER%2520PERSONS%2520IN%2520GEORGIA.pdf&usg=AOvVaw3ZCHHbXX0eh8gT4RfOUBPR&opi=89978449'>The
legal status of older people in Georgia</a>» (anglais uniquement), p. 23, 2022..
48. En mai 2023, l’Autriche a adopté une loi supprimant les limites d’âge pour accéder aux crédits bancaires.

6. Accès à la justice

49. L’accès des victimes à la justice est essentiel pour la bonne mise en œuvre de la législation de lutte contre la discrimination au niveau national. À cet égard, la plupart des pays proposent un ensemble de procédures judiciaires (civiles, administratives, de droit du travail, etc.) et non judiciaires (instituions du médiateur/médiatrice, institutions des droits humains, inspections, etc.), y compris des procédures de médiation et de conciliation. Les sanctions doivent être proportionnées et dissuasives afin d’avoir un effet préventif, l’indemnisation du préjudice pécuniaire et non pécuniaire résultant d’une discrimination varie considérablement d’un pays à l’autre.
50. Le volume de jurisprudence en matière de discrimination reste relativement faible dans la plupart des pays, même si le nombre de plaintes déposées devant les tribunaux et les organismes chargés de la promotion de l’égalité augmente progressivement. En outre, les litiges en matière de discrimination des personnes âgées fondée sur l’âge sont rares, car il existe plusieurs obstacles à l’accès effectif de ces personnes à la justice, notamment la méconnaissance des droits et des voies de recours, le manque de moyens financiers, l’absence de représentation juridique adéquate, l’indisponibilité et l’inaccessibilité d’une aide juridictionnelle gratuite, etc. Le droit d’accès à la justice est donc étroitement lié à l’exercice effectif des droits à l’information, à l’éducation et à la mobilité.
51. Le faible nombre de litiges peut constituer en tant que tel un facteur dissuasif pour les victimes de discrimination, et les médias consacrent peu de reportages aux affaires de discrimination fondée sur l’âge ou le handicap, par rapport à certaines affaires très médiatisées de discrimination raciale, ethnique ou religieuse 
			(35) 
			Commission européenne,
«<a href='https://www.equalitylaw.eu/downloads/6049-a-comparative-analysis-of-non-discrimination-law-in-europe-2023'>A
comparative analysis of non-discrimination law in Europe 2023</a>» (anglais uniquement), p. 78, 2023..
52. Le 19 décembre 2023, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la Résolution A/RES/78/227 intitulée «Égalité d’accès à la justice pour tous et toutes» qui traite des systèmes de justice pénale et de la garantie de l’égalité d’accès à la justice pour tous et toutes, y compris pour les personnes confrontées à une discrimination fondée sur l’âge, comme les personnes âgées.
53. Les institutions nationales de défense des droits humains et les organismes de promotion de l’égalité ont un rôle important à jouer dans la sensibilisation à l’impact négatif de l’âgisme, ainsi que dans la facilitation d’une utilisation stratégique du droit au niveau national pour promouvoir les droits des personnes âgées. Le mandat de nombreux organismes de promotion de l’égalité couvre tous les motifs de discrimination ou la plupart d’entre eux, mais des lacunes subsistent en ce qui concerne la discrimination fondée sur l’âge. Il convient d’y remédier afin que tous les organismes de promotion de l’égalité puissent agir et déposer des recours dans les affaires de discrimination des personnes âgées fondée sur l’âge. En mai 2024, le Conseil de l’Union européenne a adopté deux nouvelles directives concernant le rôle et l’indépendance des organismes de promotion de l’égalité en matière d’emploi et de travail et concernant les normes applicables aux organismes de promotion de l’égalité visant d’autres motifs (notamment l’âge) et d’autres domaines (tels que la sécurité sociale, l’accès aux biens et aux services et la fourniture des biens et des services).
54. Le rapport de la Commissaire serbe à la protection de l’égalité (cité ci-dessus dans la partie 3) montre que l’âge est l’une des cinq caractéristiques personnelles générant le plus de discrimination, selon le nombre de plaintes déposées, et le deuxième motif le plus fréquent en 2020, avec près de 15 % des plaintes. La discrimination à l’égard des personnes âgées est présente dans de nombreux domaines de la vie, notamment dans les procédures devant l’administration publique, la prestation de services publics, la protection sociale et les soins de santé, l’assurance retraite et invalidité, le travail et l’emploi, les droits de propriété, le logement, l’éducation, la culture et le sport, l’information publique et les médias.
55. De même, le baromètre des préjugés de la Commission pour l’égalité et les droits humains du Royaume‑Uni montre que les cas de préjugés liés à l’âge sont plus nombreux que ceux liés à toute autre caractéristique. Il indique également que, dans certains cas, la discrimination fondée sur l’âge est considérée comme moins grave que d’autres formes de discrimination. En parallèle, il y a moins de plaintes de discrimination fondée sur l’âge que sur la plupart des autres motifs protégés (les affaires de discrimination fondée sur l’âge ne représentent qu’environ 2 à 4 % des affaires portées devant cette commission). Cela peut s’expliquer en partie par le fait que la discrimination fondée sur l’âge est tellement acceptée socialement qu’elle est intégrée par celles et ceux qui la subissent.
56. Le rapport annuel de la Médiatrice croate fait aussi le point sur ses travaux concernant l’égalité entre les âges, notamment concernant le traitement des plaintes des victimes de discrimination fondée sur l’âge, en particulier dans le domaine de la sécurité sociale, des conditions de vie (soins à domicile et établissements de soins de longue durée), des violences ou au sujet des contrats de prise en charge à vie. La Médiatrice croate coopère avec le ministère des Affaires sociales pour mettre en place une collecte systématique de données sur le harcèlement et les mauvais traitements infligés aux personnes âgées 
			(36) 
			Informations
fournies par Equinet..
57. Le bureau de la Médiatrice portugaise a indiqué recevoir fréquemment des plaintes concernant les droits des personnes âgées, souvent transmises par le biais de la ligne d’assistance aux personnes âgées qui fournit des informations et un soutien à ces personnes.
58. Par ailleurs, en avril 2024, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu un arrêt qui a fait date, dans lequel elle a statué en faveur d’une association suisse de femmes âgées qui avait porté plainte contre les mesures prises par le pays pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, affirmant que ces mesures étaient insuffisantes pour enrayer le changement climatique et ses effets négatifs sur leur santé. La Cour a reconnu la nécessité de favoriser la répartition intergénérationnelle de l’effort lié au changement climatique, sujet de préoccupation commune de l’humanité. Elle a également conclu que les tribunaux nationaux n’avaient pas tenu compte des données scientifiques incontestables sur le changement climatique et ses conséquences sur la santé des femmes âgées, et n’avaient pas pris leurs griefs au sérieux.
59. Le Conseil de l’Europe s’emploie depuis longtemps à lutter contre les stéréotypes, les préjugés et la discrimination à l’égard des femmes dans leur quête de l’égalité d’accès à la justice, exacerbés dans le cas des femmes âgées, comme l’illustre l’expérience vécue par les femmes suisses âgées devant les tribunaux nationaux mentionnée ci-dessus. Cette situation concerne tous les types de procédures judiciaires, de la violence fondée sur le genre 
			(37) 
			L’article 4, paragraphe
3, de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et
la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence
domestique (STCE n° 210, «Convention d’Istanbul») exige des États
parties qu’ils mettent en œuvre la convention sans discrimination
aucune, fondée notamment sur le sexe, le genre, l’orientation sexuelle,
l’identité de genre, ou toute autre situation. Cela signifie que
les femmes âgées devraient bénéficier d’un accès équitable à la
protection et au soutien garantis par la convention, et que les
obstacles spécifiques auxquels les femmes âgées sont confrontées
en raison de l’ignorance, de la stigmatisation et des préjugés,
y compris parmi les professionnel·les et les services de soutien
vers qui elles peuvent se tourner, devraient être examinés et supprimés., aux demandes d’indemnisation, en passant par le droit de la famille ou d’autres questions.

7. Passage au numérique et son impact sur l’accès aux biens et aux services

60. Dans l’Union européenne, seule une personne sur quatre âgée de 65 à 74 ans dispose au moins des compétences numériques de base 
			(38) 
			FRA,
«<a href='https://fra.europa.eu/en/publication/2023/older-people-digital-rights?page=1'>Fundamental
rights of older persons. Ensuring access to public services in digital
societies</a>» (anglais uniquement), p. 6, 2023.. La Déclaration européenne de 2023 sur les droits et principes numériques pour la décennie numérique engage l’Union européenne sur la voie d’une transformation numérique qui «devrait profiter à tous, assurer un équilibre de genre et inclure notamment les personnes âgées».
61. Un obstacle important à la jouissance des droits humains par les personnes âgées est la dématérialisation croissante des services publics, amplifiée par l’utilisation accrue de systèmes d’intelligence artificielle et de prise de décision automatisée ou semi-automatisée par les pouvoirs publics, par exemple en ce qui concerne l’aide sociale et les services sociaux. Les insuffisances en matière d’accès aux droits, dues à la dématérialisation des services publics, ont été traitées dans la Résolution 2510 (2023) de l’Assemblée «Réduire la fracture numérique: promouvoir l’égalité d’accès aux technologies numériques».
62. Les personnes âgées doivent pouvoir accéder facilement aux informations sur les services et les structures mis à leur disposition, qui vont des services d’aide à domicile et des centres de jour aux services de logement et aux soins de santé, en passant par les structures de loisirs et d’éducation.
63. Les règles fondées sur l’âge, notamment celles appliquées par des entreprises privées, sont également susceptibles de restreindre arbitrairement l’accès des personnes âgées aux droits. Les compagnies d’assurance, par exemple, peuvent refuser d’assurer les voyages de personnes au-delà d’un certain âge, indépendamment de leur état de santé, et appliquent souvent des primes d’assurance automobile plus élevées après un certain âge, quels que soient les antécédents du conducteur assuré. L’accès aux facilités de crédit est également souvent conditionné par l’âge, ce qui rend l’obtention de prêts beaucoup plus difficile ou onéreuse, voire impossible, pour les personnes âgées, uniquement en raison de leur âge. Le refus de donner accès à certains services financiers aux clients âgés ou bien le fait de leur imposer des critères supplémentaires plus stricts tels que le montant des primes reste problématique dans de nombreux pays, concernant tous les types de prêts (prêts hypothécaires, crédits à la consommation), mais également l’accès aux cartes de crédit et autres produits financiers.
64. Lorsqu’il examine l’application de l’article 23 de la Charte sociale européenne qui traite du droit à certains services et structures pour les personnes âgées, le CEDS se penche à la fois sur les services et structures en tant que tels et sur les informations fournies à leur sujet. Il examine l’existence, l’ampleur et le coût des services d’aide-ménagère, des services de proximité, des services d’accueil de jour spécialement adaptés aux personnes atteintes de démence et autres maladies connexes, et notamment des soins de longue durée, en particulier ceux qui leur permettent de demeurer des membres actifs au sein de leur collectivité et de continuer à vivre chez elles. Il examine aussi l’existence de services d’information, de formation et de relève destinés aux familles qui s’occupent de personnes âgées, en particulier de personnes très dépendantes, ou encore de structures proposant des activités culturelles, récréatives et éducatives aux personnes âgées 
			(39) 
			CEDS,
«Conclusions 2003, France».. Le CEDS a souligné que de nombreux services (et informations à propos de ces services) sont de plus en plus disponibles en ligne. Le passage au numérique peut offrir des possibilités aux personnes âgées, mais peut aussi constituer un obstacle à leur accès aux services. Des mesures sont nécessaires pour améliorer les compétences numériques des personnes âgées, garantir l’accès aux services numériques pour les personnes âgées, et maintenir les services non numérisés.
65. Dans l’Union européenne, le Protocole n° 26 annexé au TFUE reconnaît l’importance et la diversité des services d’intérêt général. Les pays de l’Union européenne peuvent décider des modalités pour les fournir, tout en garantissant un niveau élevé de qualité, de sécurité et d’abordabilité, ainsi que l’égalité de traitement, un accès universel et la protection des droits des utilisateurs et utilisatrices. Cela signifie qu’il devrait être possible d’accéder hors ligne aux services publics.
66. Dans ses conclusions d’octobre 2020 intitulées «Droits de l’homme, participation et bien-être des personnes âgées à l’ère numérique», le Conseil de l’Union européenne souligne la nécessité de maintenir un accès non numérisé aux services publics et appelle à respecter les droits et les besoins des personnes âgées. Il demande à la FRA d’étudier l’impact du passage au numérique sur les droits, la participation et le bien-être des personnes âgées. La FRA a recueilli des informations sur la législation et les politiques des États membres de l’Union européenne, ainsi que des données statistiques provenant d’Eurostat, et a publié un rapport en septembre 2023 
			(40) 
			Voir ci-dessus note
n° 39 (FRA, 2023)..
67. Le rapport de la FRA montre que les lois et politiques nationales relatives au passage au numérique et à l’accès des personnes âgées aux services publics n’adoptent pas une approche fondée sur les droits humains, et que seuls quatre États membres de l’Union européenne disposent d’une législation relative à la protection du droit des personnes âgées à l’égalité d’accès aux services publics numérisés. Seuls neuf pays de l’Union européenne reconnaissent l’importance de maintenir des possibilités d’accès hors ligne aux services publics. De plus, le rapport de la FRA montre que peu d’éléments témoignent de l’existence de projets nationaux visant à dispenser aux personnes âgées une formation aux compétences numériques ou à leur fournir un soutien financier permettant un accès fiable à internet ou pour des équipements et logiciels à jour. Il a également constaté un manque d’informations et de données ventilées concernant les personnes âgées de plus de 75 ans, ce qui empêche l’évaluation et le suivi de l’impact et de l’efficacité des lois et des politiques dans ce domaine, ainsi que l’évaluation de l’impact de la transition numérique en cours sur l’accès des personnes âgées.
68. En septembre 2022, l’Union européenne a adopté sa stratégie en matière de soins, qui établit un programme pour améliorer la situation des aidant·es et des bénéficiaires de soins, et qui vise à garantir des soins de qualité, abordables et accessibles pour tous et toutes, indépendamment de l’âge, du sexe ou du statut social. Les services de soins devraient être axés sur la personne afin de lui permettre de conserver son autonomie et de vivre dans la dignité, d’exercer ses droits humains et de prévenir la pauvreté et l’exclusion sociale, ce qui n’est pas encore une réalité pour nombre de personnes âgées.
69. Les polices d’assurance, en particulier, peuvent entrer en conflit avec la législation anti-discrimination lorsque le risque est déterminé sur la base d’un critère protégé comme l’âge. Pour certains types de contrats d’assurance (automobile, voyage), les compagnies d’assurance considèrent que le risque est directement lié à l’âge de l’assuré. Les organismes de promotion de l’égalité 
			(41) 
			Les exemples cités
dans ce paragraphe ont été fournis par Equinet. relèvent des préoccupations similaires à celles soulevées concernant les services financiers: les produits d’assurance sont refusés sur la base de présomptions (stéréotypées) concernant les implications de l’âge (avancé) du demandeur ou de la demandeuse, sans évaluation au cas par cas. En outre, lorsque les contrats d’assurance ne sont pas refusés au motif de l’âge, un âge avancé peut augmenter considérablement le prix d’achat d’un produit d’assurance. Les organismes chargés de l’égalité en Lettonie, en Allemagne et en Belgique, ont relevé des cas de refus d’assurances voyage ou automobile sur la seule base de l’âge, sans prise en compte de la situation personnelle de l’intéressé·e.

Bonnes pratiques 
			(42) 
			Informations fournies
par Equinet.

70. Le Commissaire polonais aux droits de l’homme a identifié des abus commis à l’égard de personnes âgées concernant des services financiers. Une étude a montré que les employé·es de banque et les vendeurs et vendeuses d’autres biens et services tentent souvent d’abuser des personnes âgées et de profiter de leur méconnaissance des produits financiers. Cette situation conduit les intéressé·es à conclure des contrats désavantageux dans le domaine des services bancaires et des transactions liées à des investissements ou à des emprunts. Le comportement irresponsable des banques et d’autres institutions financières, notamment la dissimulation d’informations importantes sur les coûts et les risques éventuels d’un investissement, peut entraîner un surendettement et/ou des coûts de transaction très élevés.
71. L’organisme tchèque chargé de l’égalité a mené une étude sur l’accès aux biens et services bancaires et financiers au moyen d’un questionnaire, d’exercices de mise en situation et d’analyses juridiques. Un tiers des établissements interrogés fixent des limites d’âge pour la fourniture d’assurances voyage et de prêts hypothécaires. L’étude a permis de conclure que les services les moins accessibles aux personnes âgées étaient l’assurance-vie, l’assurance-accident et l’assurance-crédit.
72. L’Agence fédérale allemande de lutte contre la discrimination a financé une étude sur la discrimination fondée sur l’âge dans l’octroi de prêts, qui a révélé que la Loi générale sur l’égalité de traitement n’accordait pas une protection suffisante contre les conditions désavantageuses en raison de l’âge en matière d’octroi de prêts: il existait des pratiques désavantageant certaines personnes en raison de leur âge, notamment des refus de prêts motivés par l’âge des client·es, et les personnes âgées avaient difficilement accès aux prêts en raison de la transformation numérique croissante. Le rapport d’étude a été publié en septembre 2023 et le gouvernement a annoncé une réforme de la Loi générale sur l’égalité de traitement pour améliorer la protection contre la discrimination.
73. Le Centre national des droits humains de la République slovaque a commandé des études sur l’accès aux services sociaux dans les zones rurales, qui représente un problème majeur pour les personnes âgées vivant dans ces zones.
74. Le Bureau de la Médiatrice croate a publié un rapport sur les droits des personnes âgées concernant les soins palliatifs, la lutte contre la discrimination et les établissements de soins de longue durée.
75. La Commission britannique pour l’égalité et les droits humains a travaillé sur les thématiques suivantes: les personnes âgées et l’exclusion numérique, l’accès au marché du travail, l’approche intersectionnelle (personnes LGBTIQ), la ménopause et la reconnaissance sur le lieu de travail.

8. Accès aux soins de santé

76. La santé des personnes âgées peut être affectée par des professionnel·les de la santé qui rejettent ou minimisent les problèmes de santé comme étant simplement dus à l’âge. Un rapport intitulé «Inégalités et discrimination multiple dans le domaine des soins de santé», publié par la FRA en 2013, a montré que les expériences de discrimination et de discrimination multiple dans le domaine des soins de santé étaient souvent perçues comme étant motivées par l’appartenance ethnique, l’âge, le sexe et le handicap, et que l’un des groupes risquant le plus clairement de subir une discrimination intersectionnelle en matière d’accès aux soins de santé était celui des personnes âgées.
77. S’agissant du droit des personnes âgées à des soins de santé adaptés, l’article 23 de la Charte sociale exige la mise en place de programmes et services spécialement destinés aux personnes âgées (en particulier des services de soins de santé primaires, notamment des soins infirmiers et des soins à domicile), ainsi que l’adoption de lignes directrices en matière de soins de santé pour les personnes âgées. En outre, des programmes de santé mentale pour les personnes âgées souffrant de problèmes psychologiques devraient également être disponibles. Le CEDS souligne l’importance d’abandonner les pratiques de placement en institution au profit des soins de proximité et de l’autonomie des personnes âgées, et d’adopter des procédures d’assistance à la prise de décision.
78. L’égalité de traitement consacrée par la Charte sociale européenne appelle à reconnaître la valeur égale de la vie des personnes âgées. Cependant, comme nous avons pu le constater au plus fort de la pandémie de covid‑19, on a souvent refusé aux personnes âgées des soins nécessaires à leur survie sur le seul critère de l’âge, sans forcément prendre en compte leur état de santé ni leur pronostic, et de nombreuses décisions ont été prises concernant la «qualité» ou la «valeur» de leur vie.
79. En 2021, le CEDS a constaté les effets dévastateurs de la covid-19 sur les droits des personnes âgées, en particulier sur le droit à la protection de leur santé, avec, dans de nombreux cas, des conséquences sur leur droit à l’autonomie, leur droit de prendre leurs propres décisions et d’opérer des choix de vie, leur droit de continuer de vivre dans la collectivité grâce à un soutien adéquat et résilient leur permettant de le faire, ainsi que leur droit à l’égalité de traitement s’agissant de l’attribution de services de soins de santé dont des traitements vitaux (par exemple le triage et l’accès aux respirateurs).
80. L’ancienne Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a également souligné la nécessité d’une approche globale et fondée sur les droits humains en matière de conception et de prestation de soins de longue durée, dans le respect de la dignité et de l’autodétermination 
			(43) 
			Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, «<a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/le-droit-des-personnes-%C3%A2g%C3%A9es-%C3%A0-la-dignit%C3%A9-et-%C3%A0-l-autonomie-dans-le-cadre-des-soins'>Le
droit des personnes âgées à la dignité et à l’autonomie dans le
cadre des soins</a>», carnet des droits de l’homme, 18 janvier 2018.. La perte d’autonomie est un problème majeur pour de nombreuses personnes âgées, dont beaucoup sont placées en institution, souvent contre leur gré 
			(44) 
			OCDE,
«<a href='https://www.oecd.org/health/time-for-better-care-at-the-end-of-life-722b927a-en.htm'>Time
for better care at the end of life</a>» (anglais uniquement), 2023.. En mai 2021, la Défenseure française des droits a publié un rapport sur les droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en EHPAD, sur la base de 900 réclamations pour violations des droits de ces personnes reçues en l’espace de six ans 
			(45) 
			Défenseure des droits,
«<a href='https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/rapports/2021/05/rapport-les-droits-fondamentaux-des-personnes-agees-accueillies-en-ehpad'>Les
droits fondamentaux des personnes âgées</a> accueillies en EHPAD», 2021.. Un rapport de suivi, publié 18 mois plus tard, constatait que, malgré une plus grande prise de conscience collective des risques qui pèsent sur la dignité et les droits humains dans ces établissements, le nombre élevé de réclamations qui continuaient d’être reçues confirmait le caractère systémique de la maltraitance au sein de ces structures 
			(46) 
			Défenseure des droits,
«<a href='https://defenseurdesdroits.fr/fr/rapports/2023/01/suivi-des-recommandations-du-rapport-sur-les-droits-fondamentaux-en-ehpad'>Suivi
des recommandations du rapport sur les droits fondamentaux des personnes
âgées</a> accueillies en EHPAD», 2023..
81. Les politiques nationales devraient également souligner le rôle central de la capacité juridique et la nécessité de mettre en place des mécanismes d’assistance à la prise de décision afin d’accroître la capacité juridique des personnes âgées et de préserver leur autonomie. Parmi les autres aspects essentiels figurent la nécessité de s’attaquer à la maltraitance des personnes âgées et de fournir un cadre adéquat pour soutenir les soins informels et familiaux aux personnes âgées. Il faudrait encourager la solidarité et le respect entre les générations au niveau des institutions privées et publiques.
82. En novembre 2020, l’OMS et ses partenaires ont publié le premier rapport sur la Décennie des Nations Unies pour le vieillissement en bonne santé (2021-2030) 
			(47) 
			Voir
ci-dessus note nº 7 (OMS, 2023)., qui décrit les efforts déployés pour améliorer la vie des personnes âgées et rend compte de l’impact de crises majeures telles que la pandémie de covid-19, durant laquelle plus de 80 % des décès sont survenus chez les personnes de plus de 60 ans. L’OMS a également identifié comme une priorité la nécessité de poursuivre les recherches sur les liens entre l’âgisme et la maltraitance des personnes âgées dans le cadre des soins médicaux et des soins de longue durée.
83. La pandémie de covid-19 a eu des effets dévastateurs sur les droits sociaux des personnes âgées vivant en institution, dont beaucoup ont été coupées de leurs ami·es et de leurs proches ou ont eu très peu de contacts avec eux. En outre, les confinements et autres restrictions ont gravement affecté les personnes âgées qui vivaient chez elles et qui ont été privées de toute possibilité d’interaction sociale. La situation des maisons de retraite dans la région de Madrid et des décès de résident·es liés à la covid‑19 au cours des premiers mois de la pandémie, en 2020, est reflétée dans un rapport publié en mars 2024 par une commission espagnole citoyenne pour faire la vérité sur la situation dans les maisons de retraite de Madrid. Selon ce rapport 
			(48) 
			Un
résumé du rapport en anglais est disponible <a href='https://comisionverdadresidenciasmadrid.wordpress.com/wp-content/uploads/2024/04/summary_en_02042024.pdf'>ici</a>., les vies de plus de 4 000 résident·es de maisons de retraite de Madrid auraient pu être sauvées si ces personnes avaient été soignées dans des hôpitaux.
84. En 2023, le Comité directeur du Conseil de l’Europe pour les droits humains dans les domaines de la biomédecine et de la santé (CDBIO) a publié un «Guide sur la littératie en santé – Favoriser la confiance et l’accès équitable aux soins de santé» pour permettre à tous les individus d’être des défenseurs et défenseuses plus efficaces dans le cadre de l’accès aux services de soins de santé et de prendre des décisions appropriées en lien avec leur santé.
85. La Médiatrice portugaise a indiqué que la plupart des plaintes reçues en matière de droit à la santé concernent l’accessibilité et la disponibilité du service national de santé, notamment les difficultés d’accès à une assistance médicale à différents niveaux de la prise en charge. La ligne d’assistance aux personnes âgées reçoit de nombreux appels relatifs à l’accès aux services de santé mentale et au suivi. En 2019, le Collège royal de psychiatrie du Royaume-Uni a publié une étude sur la présence d’âgisme dans l’accès aux services de santé mentale, constatant que les personnes âgées ne recevaient pas le soutien en santé mentale dont elles avaient besoin en raison de postures âgistes.
86. Un rapport du Conseil de l’Europe intitulé «Personnes LGBTI en Europe: droit au meilleur état de santé possible et à l’accès aux soins», publié en septembre 2024 
			(49) 
			Conseil de l’Europe,
«<a href='https://rm.coe.int/prems-125224-fra-2575-right-to-the-highest-attainable-standard-of-heal/1680b1ba4c'>Personnes
LGBTI en Europe: droit au meilleur état de santé possible et à l’accès
aux soins</a>», 2024 – Troisième examen thématique de la mise en œuvre
de la Recommandation CM/Rec(2010)5 du Comité des Ministres aux États
membres sur des mesures visant à combattre la discrimination fondée
sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. Voir chapitre 6
«Personnes âgées LGBTI»., révèle que les personnes LGBTI âgées font état d’une moins bonne santé que la population générale et ont une moins bonne expérience des services de santé, en particulier des soins contre le cancer, des soins palliatifs/de fin de vie, de la prise en charge de la démence et des soins de santé mentale. Les personnes âgées LGBTI sont exposées à un risque d’isolement élevé, car leur réseau familial est plus restreint et leurs besoins de prise en charge accrus. Le rapport contient une partie sur les «pratiques prometteuses» 
			(50) 
			Ibid.,
pp. 61-66. évoquant les actions d’organisations bénévoles et associatives pour prendre en charge et soutenir les personnes âgées LGBTI (aux Pays-Bas, en Tchéquie, en Espagne et en Grèce) ainsi que des services médicosociaux de qualité et culturellement adaptés aux personnes âgées LGBTI (en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique et au Royaume-Uni).
87. En outre, l’utilisation croissante des systèmes d’intelligence artificielle dans le cadre de la prise en charge des personnes âgées sur le plan médicosocial peut être bénéfique dans la mesure où elle peut aider à identifier les risques et permettre aux personnes âgées de répondre à leurs propres besoins. Cependant, pour obtenir ces bénéfices, l’OMS 
			(51) 
			«<a href='https://www.who.int/publications/i/item/9789240040793'>Ageism
in artificial intelligence for health</a>» (anglais uniquement), note de synthèse de l’OMS, 2022. appelle à lutter contre les préjugés implicites et explicites et contre l’âgisme dans la conception, le développement, l’utilisation et l’évaluation des technologies de l’intelligence artificielle, et à associer pleinement les personnes âgées aux processus, aux systèmes et aux services qui les concernent, comme cela est indiqué ci-dessous.

Bonnes pratiques 
			(52) 
			Informations fournies
par Equinet.

88. En ce qui concerne les examens médicaux, des critères d’âge sont souvent appliqués, ce qui soulève des questions quant à la conformité à la législation d’interdiction de la discrimination. L’organisme slovaque de promotion de l’égalité a recommandé de modifier un règlement qui limitait le droit à un dépistage annuel gratuit du cancer du sein, grâce à un examen mammographique préventif, aux femmes âgées de 40 à 69 ans. L’organisme de promotion de l’égalité a recommandé d’élargir les cohortes d’âge éligibles au dépistage en se fondant sur le fait que l’incidence du cancer du sein augmente dans tous les groupes d’âge et atteint son point culminant entre 75 et 79 ans.
89. En ce qui concerne les droits reproductifs, l’Organisme bulgare de promotion de l’égalité a demandé au ministère de la Santé d’abroger une disposition discriminatoire fixant à 45 ans l’âge maximum auquel les femmes peuvent subir une insémination artificielle avec sperme du conjoint. L’organisme de promotion de l’égalité a également chargé le Conseil national pour les droits des patients d’analyser la loi et son application afin de préserver le droit des femmes à l’égalité de traitement et l’exercice des droits reproductifs sans discrimination.
90. La passage au numérique des systèmes de soins de santé peut également avoir un impact sur l’accessibilité pour les personnes âgées. L’Organisme slovène de promotion de l’égalité a mené une enquête qui a identifié de nombreux problèmes et lacunes en matière d’accès aux soins de santé.
91. En 2022, la Médiatrice croate s’est intéressée à la protection des personnes âgées dans le cadre des contrats de soins de longue durée qui impliquent, après la conclusion du contrat, un transfert de propriété qui accroît le risque ultérieur d’abus et de vulnérabilité. L’Organisme de promotion de l’égalité a souligné la nécessité d’améliorer le cadre juridique afin de prévenir les abus liés à ces contrats et de protéger les personnes âgées.
92. En Autriche, l’allocation de dépendance est octroyée sur la base d’une évaluation individuelle des besoins de la personne et n’est pas liée à ses revenus. Il existe sept catégories selon le degré d’assistance et de soins nécessaire, lequel est réévalué chaque année, et la décision de l’autorité compétente peut être contestée devant un tribunal administratif, sans frais.

9. Participation des personnes âgées aux décisions qui les concernent

93. L’un des aspects importants de l’âgisme à l’égard des personnes âgées est qu’il ne se traduit pas seulement par des actions, mais également dans l’inaction, en omettant de tenir compte des besoins et des avis des personnes âgées. En outre, l’âgisme peut être intériorisé au fur et à mesure que nous vieillissons, ce qui peut conduire les personnes âgées à s’auto-limiter.
94. L’évolution démographique vers une population plus âgée n’est pas seulement un sujet de débat sur le maintien de la croissance et l’État-providence: elle soulève également des questions sur le modèle de société dans lequel nous voulons vivre et les interactions entre les différentes générations. Elle appelle à des efforts pour garantir que chacun·e puisse participer activement et s’impliquer dans ces discussions, tant les jeunes que les personnes âgées. Elle appelle à des solutions à la fois à court et à long terme.
95. L’article 23 de la Charte sociale européenne constitue un instrument essentiel pour promouvoir les droits sociaux des personnes âgées, ce qui implique la nécessité d’assurer leur pleine participation à la société. Le CEDS a appliqué cette disposition de manière dynamique, en abordant par exemple le rôle central de la capacité juridique et la nécessité de prévoir des mécanismes d’assistance à la prise de décision pour accroître la capacité juridique et l’autonomie des personnes âgées. Le CEDS a en outre souligné que la participation active des personnes âgées devrait être une considération primordiale dans le cadre de l’élaboration de nouvelles politiques de lutte contre l’âgisme.
96. En ce qui concerne les soins de longue durée, l’un des enjeux majeurs est de faire en sorte que les personnes âgées puissent choisir le lieu où elles souhaitent recevoir un soutien (à domicile ou dans un établissement résidentiel). Il est nécessaire d’informer davantage les personnes âgées de leur droit de prendre des décisions concernant leur vie et du droit à l’autonomie durant la vieillesse. Une nouvelle approche est nécessaire pour rétablir l’autonomie et la capacité juridique des personnes âgées, alors que les politiques sont entrain d’évoluer, passant de mécanismes qui visent à «protéger» les personnes atteintes de troubles cognitifs en les plaçant sous tutelle et en les faisant taire, à la recherche de nouveaux outils permettant de favoriser l’autonomie et le rétablissement de la capacité juridique 
			(53) 
			G. Quinn, A. Gur &
J. Watson, «Ageism, moral agency and autonomy: getting beyond guardianship
in the 21st century», in «Ageing, ageism and the law – European
perspectives on the rights of older persons», Edward Elgar Publishing,
2018..
97. Dans le cadre du programme «citoyens, égalité, droits et valeurs», l’Union européenne accorde des financements à des organisations représentatives pour soutenir la participation et l’autonomie des personnes âgées sur la base de l’égalité avec les autres. En outre, plusieurs projets financés par le programme concernent spécifiquement les personnes âgées, notamment un projet visant à promouvoir la participation des personnes âgées à la vie civique et démocratique de l’Union européenne grâce à l’organisation d’événements locaux dans plusieurs États membres. Dans le cadre des Réseaux de villes 2024, d’autres projets visent à mieux sensibiliser et informer les citoyen·nes et les responsables politiques de l’Union européenne à l’âgisme et à la situation des personnes âgées afin de susciter un intérêt pour ces questions, ainsi qu’à associer les personnes âgées à la prise de décision au niveau local, notamment par le biais d’un dialogue intergénérationnel.
98. À l’automne 2023 et au printemps 2024, la commission des femmes et de l’égalité du Parlement britannique a recueilli des témoignages écrits et oraux dans le cadre d’une enquête sur les droits des personnes âgées visant à examiner si les stéréotypes et la discrimination liés à l’âge empêchent les personnes âgées de participer pleinement à la société. La commission doit examiner les points de vue des personnes âgées et de témoins experts, dans le cadre de ses travaux.

10. Conclusions

99. Il est nécessaire de revoir l’approche actuelle à l’égard des personnes âgées et de s’orienter vers l’élaboration de stratégies et/ou de plans d’action fondés sur les droits humains des femmes et des hommes âgés dans toute leur diversité, en tenant compte de leurs besoins et de leurs situations personnelles, et toujours avec leur participation et leur concours.
100. Il faut faire évoluer l’image des personnes âgées, dans toute leur diversité, car des représentations stéréotypées sont encore trop souvent véhiculées, perpétuant les préjugés et la discrimination à leur égard. Nous avons clairement besoin d’un changement de paradigme pour lutter contre l’âgisme dont souffrent les personnes âgées dans nos États membres. Et nous devons inscrire ce travail dans le bon cadre si nous voulons, de la même manière, faire respecter leurs droits humains, en suivant une approche globale du parcours de vie, en visant des politiques de vieillissement actif et en bonne santé, et en gardant à l’esprit la diversité des situations et des besoins des personnes âgées.
101. En tant que responsables politiques, il nous incombe de garantir à chacun et à chacune la jouissance de ses droits humains, quel que soit son âge et sans discrimination aucune, en tenant compte des considérations intersectionnelles. Nous avons la responsabilité de promouvoir une société qui respecte et prend soin de tous ses membres.
102. Mon rapport vise à sensibiliser l’opinion publique à la discrimination à l’encontre des personnes âgées, qui reste omniprésente et touche de nombreuses personnes dans nos États membres, ainsi qu’à ses causes profondes. Nous devons prendre des mesures et susciter un engagement politique aux niveaux national, régional et international pour garantir le plein exercice des droits humains, le respect de la dignité ainsi que le bien-être des personnes âgées.