1. Introduction
1. La pandémie de covid-19 a causé
jusqu’ici la mort d’environ 7 millions de personnes

et a eu un
coût humain et financier sans précédent. Si pour beaucoup, la covid-19
n’est plus qu’un mauvais souvenir, pour au moins 22 millions de
personnes en Europe, elle reste un cauchemar quotidien. Depuis qu’elles
ont été infectées par le SARS-CoV-2, ces personnes souffrent de
symptômes invalidants face auxquels les médecins sont largement
démunis. Ces personnes sont atteintes de «covid longue», une maladie
chronique dont les causes sont incontestablement biologiques, mais
dont la définition reste encore floue et les mécanismes incompris.
Ces malades chroniques voient leur vie détruite : la maladie affecte
leur vie familiale et sociale; souvent, ils ne sont plus en mesure
de travailler et leur accès à un soutien adéquat peut être limité
en raison du manque de reconnaissance de la maladie.
2. Déjà en 2022, le directeur général de l’Organisation mondiale
de la santé (OMS), Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, avait mis en garde
contre les effets dévastateurs de la «covid longue sur la vie et
les moyens de subsistance de dizaines de millions de personnes

.
En 2023, le directeur régional de l'OMS pour l'Europe, le Dr Hans
Henri P. Kluge, a publié une déclaration publique dans laquelle
il affirmait que «La ‘covid longue’ reste un grand trou noir dans
nos connaissances, lequel doit être comblé de toute urgence». Malheureusement,
aujourd’hui encore, la définition de la «covid longue» n’est pas
claire et les personnes affectées souffrent et restent démunies.
3. Le 9 septembre 2021, la commission des questions sociales,
de la santé et du développement durable a tenu une audition publique
avec la participation de MmeMartine
Wonner (ADLE) et Mme Laurence Trastour-Isnart
(PPE/DC), deux anciennes membres françaises de la commission, de
M. Risto O. Roine, professeur de neurologie à l’Hôpital universitaire
de Turku et président du conseil d’administration du Conseil finnois
du cerveau, et de M. Daniel Altmann, professeur d’immunologie à
l’Imperial College de Londres. Le procès-verbal de l’audition a
été déclassifié

.
4. Le 2 décembre 2021, une proposition de résolution intitulée
«‘Covid longue’ et accès au droit à la santé» a été déposée par
Mme Trastour-Isnart avec le soutien de
plusieurs membres de notre Assemblée

. La commission des affaires sociales,
de la santé et du développement durable a été saisie pour rapport
et Mme Romilda Zarb (Malte, SOC) a été
désignée rapporteure en décembre 2022. J’ai repris son travail le 25 mars
2024.
5. Ce rapport fait l’état des lieux sur les avancées de la recherche
et sur les besoins existants pour les patients. Il est basé sur
des recherches et les auditions d’experts qui se sont tenues à Lisbonne
le 13 septembre 2024 : M. Juan Soriano, Médecin épidémiologiste,
Département de pneumologie, Hôpital Universitaire de la Princesa
– UAM, Madrid et Mme Chantal Britt, Long
Covid Europe (Réseau européen d’organisations de patients touchés
par la « covid longue »). Le procès-verbal de ces auditions a été déclassifié

.
2. Qu’est-ce que la «covid longue»? – Une
définition encore floue
6. Le 7 décembre 2022, l’OMS a
adopté la définition suivante de la «covid longue»: la poursuite
des symptômes ou l’apparition de nouveaux symptômes trois mois après
l’infection initiale par le SARS-CoV-2 et la persistance de ces
symptômes pendant au moins deux mois sans aucune autre explication.
7. Dans sa fiche d’information

, l’OMS donne
une définition plus complète du syndrome. Selon cette définition,
l’affection post-covid-19 survient chez des personnes ayant des
antécédents d’infection probable ou confirmée par le SARS-CoV-2,
généralement trois mois après l’apparition de la covid-19, avec
des symptômes qui persistent au moins deux mois et qui ne peuvent
être expliqués par un autre diagnostic. Les symptômes courants comprennent
la fatigue, l’essoufflement, un dysfonctionnement cognitif, mais
aussi d’autres symptômes qui entraînent généralement des répercussions
sur les activités du quotidien. Il peut s’agir de nouveaux symptômes
qui apparaissent après un rétablissement initial à la suite d’un
épisode de covid-19 aiguë, ou bien des symptômes qui persistent
depuis le début de la maladie. Les symptômes peuvent également fluctuer
ou récidiver au fil du temps. L’OMS souligne également qu’une définition
distincte peut être davantage pertinente pour les enfants. Outre
«l’affection post-covid‑19», d’autres termes sont également utilisés,
tels que «covid longue», «syndrome de covid‑19 chronique» et «séquelles
post-aiguës de covid-19» ; toutefois, des différences existent entre
ces appellations.
8. Le tableau clinique de la «covid longue» est encore vague,
mais elle a néanmoins été reconnue aux États-Unis, en Europe et
dans d’autres pays comme une maladie chronique. Elle est souvent
invalidante et présente des caractéristiques communes avec l’encéphalomyélite
myalgique/syndrome de fatigue chronique. Elle aboutit souvent à
une dépression et entraîne de la fatigue, auxquelles s’ajoutent
plus de 200 autres symptômes identifiés

.
9. Le journal britannique
The Guardian a
publié une série d’articles consacrés à cette maladie. Rien qu’en Angleterre
et en Écosse, environ deux millions de personnes souffriraient de
la «covid longue»

. Au début,
la maladie est restée largement méconnue en raison de la multiplicité
de ses symptômes. Même si certains symptômes peuvent être repérés
par une IRM, il n’existe pour l’instant aucun test de diagnostic
de la «covid longue». Il s’agit d’un «terme fourre-tout » utilisé
pour décrire l’état des personnes qui se remettent d’une infection
par le SARS-CoV-2. Les chercheurs ont été en mesure de dresser une
liste de quelques observations: les personnes âgées semblent présenter
un risque légèrement plus élevé; les personnes qui ont été hospitalisées
pour la covid-19 ont plus de probabilité de développer le syndrome;
les femmes sont plus exposées; le fait d’être vacciné et/ou traité
(par exemple, avec le médicament antiviral
Paxlovid)
peut réduire les risques. Ils ont également découvert que les patients
souffrant de certaines comorbidités courent un risque plus élevé
que d’autres d’avoir la «covid longue», pour les raisons suivantes,
entre autres : présence de virus à ARN; diabète de type 2; virus
d’Epstein-Barr et auto-anticorps

et l'hypermobilité

. Bien que certains chercheurs australiens
aient récemment suggéré que le terme «covid longue» devrait être
«retiré», car il pourrait conduire à une hypervigilance, d'autres
experts ont souligné qu'il est toujours important de sensibiliser à
la situation compte tenu du grand nombre de personnes touchées

.
10. Selon le site web CovidTracker

, près de 700 millions de personnes
ont contracté la covid-19 et environ 7 millions en sont décédées
(mais ce ne sont là que les chiffres officiels des décès signalés ;
les estimations officieuses font état de plus de 20 millions de
décès à ce jour). L’OMS estime que 10 % à 20 % des survivants présentent
des symptômes à long terme. Cela signifierait qu’à l’échelle mondiale
plus de 70 millions de personnes souffrent de «covid longue». En
outre, on ne peut exclure que certains patients initialement asymptomatiques
présentent des symptômes de la «covid longue» après une infection.
11. M. Juan Soriano qui a travaillé sur la définition de la «covid
longue» au sein d'un groupe de travail de l'OMS a présenté à la
commission les résultats de ses travaux. En prenant l’exemple du
VIH pour lequel la recherche a mis plusieurs décennies, il a rappelé
combien la recherche a besoin de temps et de ressources pour parvenir
à définir les contours d’une maladie afin d’établir un traitement
efficace.
12. Ainsi à ce jour, la définition de la «covid longue» reste
floue. Il n’y a toujours pas de seuil ni de biomarqueur pour définir
ce que l’on entend par cette maladie. Malgré des milliers d'articles
universitaires sur le sujet, de nombreux cliniciens ne savent toujours
pas comment évaluer et prendre en charge les personnes souffrant
d'un état post-covid-19. L'absence de consensus sur une définition
et même un nom (par exemple en France la Haute Autorité de Santé
(HAS) utilise le terme de «symptômes prolongés suite à la covid-19») reflète
en partie la confusion qui règne quant aux processus pathologiques
sous-jacents et à l'histoire naturelle de la maladie.
3. Comprendre
les effets de la «covid longue» – Des symptômes variés menant à
l’isolement
13. Plus de 200 symptômes distincts
ont été rapportés par les personnes souffrant de «covid longue». De nombreux
aspects de la vie quotidienne des patients sont affectés, avec des
répercussions physiques, mentales, et sociales. Il semble que 60%
des malades souffrent non seulement de fatigue, mais aussi de «brouillard
cérébral», d’incapacité à mener plusieurs tâches de front, d’anxiété
et de dépression, tandis que 35 % d’entre eux indiquent qu’ils souffrent
d’essoufflement

. Cette fatigue
chronique limite souvent la capacité à accomplir des tâches simples,
nécessite des pauses fréquentes et affecte donc la productivité.
En outre, les malades ont une capacité physique réduite rendant
difficile l’exercice ou même les déplacements au quotidien. Les
troubles cognitifs affectent la mémoire, la concentration et la
capacité de traiter les informations, ce qui rend difficile le travail
intellectuel ou les tâches nécessitant une attention prolongée.
Enfin, un symptôme commun aux patients souffrant de la «covid longue»
est la perturbation du système immunitaire. Il a été confirmé que
le coronavirus peut persister dans les tissus au niveau du matériel
génétique; il peut donc déclencher une chaîne de symptômes dans
tout l’organisme.
14. Ces limitations physiques et mentales entraînent souvent un
isolement social, car les patients ne peuvent plus participer aux
activités sociales habituelles, ni travailler, ce qui accroît les
sentiments de solitude et de frustration. Il en résulte souvent
une détérioration de la santé mentale. Les patients souffrent souvent d’anxiété,
de dépression et de stress post-traumatique, en raison de l’incertitude
entourant leur rétablissement et de la perte de leur ancienne qualité
de vie.
15. La «covid longue» est une maladie qui affecte profondément
la qualité de vie des personnes atteintes. Elle impose des défis
physiques et mentaux majeurs, impacte les relations sociales et
professionnelles, et conduit à une détresse psychologique accrue.
Face à ces symptômes et en l’absence d’une reconnaissance, les patients
se trouvent souvent confrontés à une compréhension limitée de leur
condition dans le milieu médical et leur entourage, ce qui rend
leur expérience encore plus difficile à vivre.
16. Lors de l’audition publique en septembre 2024 Mme Britt,
elle-même souffrant de «covid longue», a souligné à quel point les
patients sont démunis et désespérés face à la non-reconnaissance
de leur maladie et au flou médical. «Une grande partie de personnels
soignants ne dispose pas de compétences ou de connaissances suffisantes
par rapport à la «covid longue». Très souvent, les diagnostics sont
mauvais et les prescriptions sont donc également erronées, ce qui
entraîne des traitements inefficaces qui ne font qu'empirer les
symptômes. Cette négligence a un impact sur la vie des patients
(perte d’emploi, incapacité d’aller à l'école, isolement social,
manque de perspective)». Elle a souligné que les médecins qui traitent
la «covid longue» ne représentent que 1% des médecins et que face
à l’absence de centres de compétences transdisciplinaires afin d’établir
un diagnostic correct, les patients passent d’un spécialiste à un
autre sans que cela permette de les guérir.
17. Il n’existe, pour l’instant, aucune solution pour assurer
le rétablissement et la guérison des patients, car la recherche
en est encore à ses débuts pour comprendre les causes et les conséquences
de la «covid longue». Il n’y a pas assez de données disponibles
pour savoir si les symptômes rencontrés seront permanents ou non,
puisque les autorités nationales n’ont collecté des données que
sur quatre ans. Il se pourrait qu’il y ait des vagues de personnes
devenant handicapées – avec un handicap visible ou non. La «covid
longue» pourrait être un «événement aux conséquences invalidantes
massives» qui nécessitera des réponses politiques fortes.
4. Un
accès aux soins limité – Des investissements insuffisants dans la
recherche scientifique et des systèmes de santé affaiblis
18. En 2021, le NIH, Instituts
nationaux de la santé aux États-Unis, a décidé d'investir 1 milliard
de dollars pour étudier la «covid longue» et ses mécanismes. Le
NIH a alors lancé l’initiative RECOVER

, dont l’objectif est
de mieux comprendre la maladie et d’améliorer le rétablissement
des patients qui en souffrent. L'Union européenne a quant à elle
engagé 50 millions d'euros, et EuCare

a été mis en place, bien qu’il ne
couvre pas encore tous ses États membres.
19. Un projet de recherche conduit à Hong Kong a pu démontrer
le rôle protecteur de la vaccination contre la «covid longue». La
vaccination contre la covid-19 s'est en effet révélée «efficace
pour réduire le risque de conséquences pour la santé»

.
20. L’OMS s’est engagée à mieux connaître les effets de la «covid
longue» et à explorer les moyens d’améliorer la vie des personnes
touchées par le syndrome à court, moyen et long terme. En septembre
2022, l’OMS/Europe s’est associée à l’ONG Long Covid Europe pour
définir trois objectifs appelés les «3 R»

: Reconnaissance,
Recherche et Réadaptation. Ils ont appelé les gouvernements et les
autorités sanitaires à accorder une plus grande attention à l'affection
post-covid-19 («covid longue») et aux personnes qui en sont atteintes
par le biais de: 1. reconnaissance et échange de savoirs: tous les
services doivent être équipés de manière adéquate, et aucun patient
ne doit être laissé de côté ou avoir à se débattre dans un système
qui n’est pas préparé à (ou pas capable de) reconnaître cette affection
débilitante; 2. recherche et signalement: la collecte de données
et le signalement des cas, ainsi qu’une recherche bien coordonnée
avec la pleine participation des patients, sont nécessaires afin
de parvenir à une meilleure compréhension de la prévalence, des
causes et des coûts de la «covid longue»; et 3. réadaptation: elle
doit se fonder sur des données probantes et l’efficacité, et garantir
la sécurité des patients et des soignants.
21. Des études épidémiologiques ont montré que certains groupes
démographiques (tels que les femmes âgées de 35 à 50 ans, ou les
personnes défavorisées sur le plan socio-économique), les personnes
souffrant de pathologies particulières (telles que asthme, maladie
pulmonaire chronique, insuffisance cardiaque ou maladie rénale chronique),
les personnes ayant souffert d'une maladie aiguë plus grave, les
personnes ayant un IMC élevé et les personnes non vaccinées courent
un risque plus élevé que les autres de souffrir de «covid longue»
et sont plus susceptibles de présenter des symptômes graves. Une
attention particulière doit donc être portée aux personnes vulnérables,
notamment aux enfants.
22. En effet, même si les enfants et les jeunes ont été, au départ,
moins touchés par le SARS-Cov-2, une analyse des dossiers médicaux
a révélé que les enfants de moins de cinq ans, souffrant de certaines pathologies,
ainsi que ceux qui avaient eu une infection grave, risquaient de
souffrir de la «covid longue»

. Bien qu'il
semble que la prévalence de l'état de post-covid-19 soit plus faible
que chez les adultes

, pour le moment, il n’existe pas
d’informations suffisantes permettant de démontrer que la «covid
longue» ne peut pas avoir des effets permanents sur les enfants.
Certains enfants ne se sont pas rétablis après plus de deux ans. L’augmentation
des cas de syndrome inflammatoire multi-systémique pédiatrique (PIMS)

chez les enfants est
également liée à l’infection par le SARS-CoV-2. Certains enfants
n’ont pas pu retourner à l’école au cours des deux dernières années
en raison d’une fatigue extrême ou d’un «brouillard cérébral»

.
23. De nombreuses recherches ont mis en évidence que les femmes
développent plus souvent des symptômes prolongés après une infection
par la covid-19, et ces symptômes peuvent persister pendant plusieurs
mois. Les femmes sont donc plus touchées par la «covid longue» et
à cela s’ajoute la minimisation fréquente de leurs symptômes lorsqu’elles
déclarent en souffrir. Elles se heurtent souvent au scepticisme
du corps médical, un phénomène qui est parfois qualifié de «misogynie
médicale» et qui n’est malheureusement pas nouveau. L’augmentation
massive des cas de «covid longue» pourrait être l’occasion d’explorer
les conséquences sexospécifiques de pandémies précédentes, telles
que les pandémies de poliomyélite, de maladie à virus Ebola, du
SRAS et de combler les lacunes de la recherche sur des affections
qui ne touchent que les femmes, comme l’endométriose

.
24. D’une manière générale, les effets sur les personnes vulnérables
sont difficiles à mesurer, notamment en raison du manque de statistiques.
Les facteurs socio-économiques jouent un rôle, car cette catégorie
de personnes n’a pas le même accès aux soins de santé que les autres.
C’est pourquoi il est nécessaire de revoir l’action des pouvoirs
publics, afin de s’assurer que personne n’est laissé pour compte
et qu'une attention et une réponse appropriées sont apportées à
tous les individus et groupes de malades.
25. Ainsi, la recherche sur la «covid longue» progresse, mais
reste confrontée à des défis importants, notamment en matière de
diagnostic et de traitements spécifiques. L’accumulation de données
à long terme et les progrès dans la compréhension des mécanismes
de cette maladie devraient permettre de répondre progressivement
aux besoins des patients.
26. Outre l’absence de traitement efficace, l’accès aux soins
demeure un problème tant les systèmes de santé ont été affaiblis.
Les répercussions négatives de la pandémie sur les systèmes de santé
sont catastrophiques et ces derniers ne se sont pas encore totalement
rétablis. Ils n’ont donc pas toujours la capacité de faire face
à la «covid longue» après avoir été si gravement touchés par les
différentes vagues des variants. Les systèmes de santé ne sont pas
encore suffisamment équipés pour suivre la trajectoire de la «covid
longue» dans le temps.
27. À ce jour, tous les pays ne disposent pas de centres spécialisés
dans la «covid longue» avec des compétences transdisciplinaires
qui permettent aux patients d’avoir un guichet unique. Seuls 22
pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques
(OCDE) ont mis en place de telles cliniques spécialisées. Néanmoins,
la demande excédant l'offre disponible, les délais d'attente sont
longs et tous les patients n’y ont pas accès.
5. Adopter
une approche fondée sur les droits humains dans la lutte contre
la «covid longue»
28. L’infection par le SARS-CoV-2
et le phénomène de «covid longue» représentent, pour les autorités nationales,
un défi sans précédent en matière de protection des droits humains
dans le cadre d’une crise sanitaire – un défi qui nécessite une
action continue, rapide et coordonnée. Malgré les avancées qui ont
été faites, de nombreux défis doivent être relevés, toujours dans
l’optique d’une approche fondée sur les droits humains.
29. Dans un premier temps, il semble primordial que l’accès aux
soins soit assuré et pour ce faire la maladie doit être reconnue.
Cela passe par une définition commune et des traitements adaptés
mais également par des campagnes de sensibilisation permettant au
plus grand nombre d’être informés sur la maladie et de réduire la
stigmatisation. Des centres pluridisciplinaires devraient être établis
dans tous les États membres, avec une capacité d’accueil suffisante
pour assurer le suivi des malades.
30. Par ailleurs, étant donné que la «covid longue» pourrait avoir
des conséquences invalidantes, elle devrait être reconnue comme
un handicap. À cet égard, il est nécessaire de maintenir continuellement
à l’étude et moderniser la façon dont la société considère les personnes
handicapées, et en particulier les personnes souffrant de handicaps
«invisibles». Dans ce contexte, je souhaiterais rappeler le rapport
de 2021 de Mme Wonner, sur «La discrimination
à l’égard des personnes atteintes de maladies chroniques et de longue durée»

.
Je pense que la «covid longue» devrait entrer dans le champ d’application
de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes
handicapées (CRPD) et impliquer des obligations de la part des États
parties à cette convention. Sur ce point, je souhaiterais aussi
rappeler la Convention européenne pour la protection des Droits
de l'Homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications
de la biologie et de la médecine (STE n° 164, Convention d’Oviedo)
et le principe de l’accès équitable aux soins de santé (article
3).
31. La «covid longue» risque de réduire considérablement la capacité
des personnes à travailler et il faut reconnaître qu'un grand nombre
de personnes souffrent encore des effets de la covid, ce qui a un
impact permanent sur leur statut socio-économique et leurs droits.
Dans sa tribune publiée dans
The Guardian 
, Greg Frey
soulignait le poids du stress, de l’anxiété et de la dépression
déjà avant la pandémie, et appelait à l’ouverture d’un débat sur
la semaine de travail de quatre jours, notamment pour prendre en
considération l’état des personnes souffrant de la «covid longue».
Cela pourrait être une approche permettant de veiller à ce que les
personnes souffrant de «covid longue» puissent continuer à travailler
selon des horaires de travail adaptés.
32. Au-delà des dépenses médicales, la «covid longue» a un coût
significatif. Même en excluant les coûts directs des soins de santé,
elle pourrait coûter aux pays de l'OCDE entre 864 milliards et 1,04
billion de dollars par an en raison de la réduction de la qualité
de vie et de la main-d'œuvre

, soit environ 1% de leur PIB. La «covid
longue» pourrait réduire la main-d'œuvre de près de 3 millions de
travailleurs dans les pays de l'OCDE ce qui représente un coût économique
d'au moins 141 milliards de dollars pour les seuls salaires perdus.
Les États se doivent donc d’investir dans la recherche dès à présent
pour réduire ces effets économiques sur le long terme.
33. Les investissements dans la recherche sont encore insuffisants.
Certes, les États-Unis ont déjà investi 1,5 milliard de dollars
de fonds publics depuis 2021 et un investissement supplémentaire
de 515 millions de dollars a été annoncé pour 2024

.
Mais les pays d’Europe sont en retard notamment le Royaume-Uni et
la France, qui ont investi respectivement 50 millions d’euros

et seulement
25 millions d’euros

dans ce domaine.
34. L’Europe devrait jouer son rôle dans la lutte contre la «covid
longue» et prendre la menace au sérieux. La société civile continue
à appeler la Commission européenne à débloquer 500 millions d’euros
afin de combler le manque de recherche sur la «covid longue»

. La Commission européenne a lancé
en septembre 2024 un projet d'une valeur de 2 millions d'euros visant
à lutter contre la «covid longue» (EU4Health) qui est géré par l’OMS
et l'OCDE. Mme Stella Kyriakides, commissaire
à la santé, a reconnu que «Nous connaissons désormais beaucoup mieux
la «covid longue», mais nous devons encore mieux comprendre sa complexité
et les moyens de la traiter efficacement».
35. Des patients s’unissent partout dans le monde, physiquement
et sur les réseaux sociaux, pour exprimer leurs préoccupations concernant
les répercussions de la «covid longue» sur leur vie. Long Covid
Kids

a développé de nombreux outils pour
faire connaître la condition des enfants souffrant de la «covid
longue» et aider les parents à trouver des réponses. Long Covid
Europe rassemble des associations de patients qui luttent contre
des problèmes similaires. Les survivants ont créé des groupes de
soutien

pour défendre leurs droits.
Le nombre de personnes vivant avec le syndrome est important et
continue d’augmenter. Ces personnes ne doivent pas être oubliées.
En tant qu’organisation jouant un rôle phare dans la défense des
droits humains sur le continent européen, le Conseil de l’Europe
se doit de maintenir cette question à l’ordre du jour des autorités,
de soutenir les initiatives prises sur notre continent pour aider
les malades et faire entendre leur voix, de leur redonner confiance
dans le système et de sensibiliser la population à la persistance,
pour de nombreux citoyens, des effets de la pandémie qui a frappé
nos sociétés il y a quelques années à peine.
36. Il revient aux pouvoirs publics de coordonner leurs efforts
aux niveaux européen et international afin d’apporter une réponse
globale visant à mettre au point des traitements efficaces, à réadapter
les malades et à protéger leurs droits y compris le droit à la santé,
et leur pleine participation et position dans la société. L’approche
fondée sur les droits humains promue par le Conseil de l’Europe
devrait être le point de départ de la préparation de la réponse
des autorités nationales. Ces dernières devraient réserver les ressources nécessaires
pour concevoir les meilleures réponses politiques et fournir des
conseils à toutes les parties prenantes concernées, en tenant dûment
compte de la complexité de la «covid longue» et en consultant les personnes
qui en souffrent.