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Rapport | Doc. 16093 | 13 janvier 2025

La nécessité absolue et urgente de mettre fin à la crise humanitaire concernant les femmes, les enfants et les otages à Gaza

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Rapporteure : Mme Saskia KLUIT, Pays-Bas, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 15977, Renvoi 4813 du 24 mai 2024. 2025 - Première partie de session

Résumé

La campagne militaire menée par Israël à Gaza en réponse à l’effroyable attaque terroriste du 7 octobre 2023 se poursuit, provoquant une crise humanitaire inimaginable. Le rapport appelle à un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel et à la libération immédiate des otages.

Plus de 43 000 personnes ont perdu la vie et plus de 100 000 civils ont été blessés, dont un grand nombre de femmes et d'enfants, qui représentent 70 % des victimes. De plus, 120 000 personnes sont décédées des suites d'affections et de maladies. Le personnel et les structures humanitaires ont également été attaqués.

Les bombardements incessants et les opérations terrestres d'Israël ne font qu'alourdir le bilan des victimes civiles innocentes, et des milliers d'enfants continuent de mourir et souffrir de blessures invalidantes, sans aucun moyen de s'échapper ni même d'accéder aux services humanitaires les plus élémentaires. Il s'agit d'une violation flagrante des droits de l'enfant.

Israël et la Palestine, dont les parlements bénéficient respectivement du statut d'observateur et de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée, devraient être instamment appelés à respecter le droit international humanitaire et à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour mettre fin sans plus tarder à ce conflit et à la souffrance de la population de Gaza, y compris celle des otages, démontrant ainsi leur plein engagement envers les valeurs du Conseil de l'Europe.

L'interdiction de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) doit être abrogée.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 6 décembre
2024

(open)
1. L'Assemblée parlementaire a condamné avec la plus grande fermeté, dès le début, l'effroyable attaque terroriste du Hamas et d'autres milices contre Israël le 7 octobre 2023. Elle continue de le faire. Les meurtres, les prises d'otages et tous les autres crimes, y compris les agressions sexuelles, commis au cours de cette attaque représentent une violation totale des droits humains et de la dignité humaine, dont les auteurs doivent être tenus pour responsables. L’Assemblée réitère son appel à la libération immédiate de tous les otages encore retenus en captivité et leur retour dans leurs familles et leurs foyers et demande au Hamas de permettre au Comité international de la Croix‑Rouge d'accéder sans délai à ces otages.
2. Alors que plus d’une année s’est écoulée, la campagne militaire menée par Israël après cette attaque se poursuit à Gaza et provoque une crise humanitaire inimaginable. Toute la bande de Gaza est contrôlée par l’État d’Israël, en particulier le nord de Gaza assiégé. Au cours de la campagne militaire d’Israël, plus de 43 000 personnes ont perdu la vie, plus de 100 000 civils ont été blessés, dont un grand nombre de femmes et d'enfants, qui représentent 70 % des victimes. Les otages sont exposés à la même crise humanitaire que les civils de Gaza, aggravée par leur captivité. De nombreux travailleurs médicaux et humanitaires dont 243 membres du personnel de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) ont trouvé la mort. Selon une estimation minimale, 120 000 personnes sont décédées des suites d'affections et de maladies qui n'ont pas pu être correctement traitées ou prises en charge en raison des graves dommages subis par le système de santé à Gaza. Des pans entiers de l'infrastructure de la société à Gaza – maisons, écoles, hôpitaux et installations médicales – sont aujourd'hui complètement détruits ou incapables de fonctionner. Au cours des derniers mois, le conflit s'est étendu à d'autres régions, comme le Liban, la Syrie et la Cisjordanie. On peut y observer le même schéma et les mêmes effets des attaques contre des zones civiles et des structures d’aide humanitaire.
3. L'Assemblée ne peut rester silencieuse devant le fait que les femmes et les enfants sont sans l'ombre d'un doute les principales victimes innocentes de ce conflit. En mai 2024, le ministère de la Santé de Gaza a chiffré à 14 100 le nombre d'enfants tués au cours de cette période et a publié, le 16 septembre une liste contenant les noms de 11 000 enfants morts qui ont pu être identifiés. Ces chiffres n'incluent pas les nombreux autres enfants qui sont portés disparus, détenus, enterrés sous les décombres, séparés de leur famille ou sans famille, ou ceux qui ont perdu la vie indirectement en raison du conflit. Selon les rapporteurs spéciaux des Nations Unies, plus de 183 femmes par jour accouchent sans soulagement de la douleur, tandis que des centaines de bébés sont morts en raison du manque d'électricité pour alimenter les couveuses.
4. L'Assemblée rappelle sa Résolution 2524 (2024) adoptée le 23 janvier 2024 «Développements récents au Moyen-Orient: l’attaque terroriste du Hamas contre Israël et la réponse d'Israël», dans laquelle elle attirait l'attention sur la perte de milliers de vies, les déplacements massifs et la destruction généralisée de biens et d'infrastructures civils à Gaza et exprimait sa tristesse et sa consternation devant le nombre stupéfiant de victimes innocentes dans la bande de Gaza. Elle note également que de nombreux parlementaires se sont prononcés en faveur d’un cessez-le-feu immédiat lors des débats d’actualité intitulés «Guerre à Gaza: assurer la libération des otages, la mise en œuvre d'un cessez-le-feu immédiat et la fourniture d'une aide humanitaire» et «Situation au Proche-Orient: escalade de la violence et aggravation de la crise humanitaire, notamment à Gaza» qui ont eu respectivement lieu les 27 juin et 1er octobre 2024.
5. Aujourd'hui, l'Assemblée se déclare profondément préoccupée par le fait que la situation humanitaire à Gaza – qui était déjà tendue avant octobre 2023 et clairement désastreuse au moment de la Résolution 2524 (2024) – s'est encore détériorée du fait de la poursuite des actions militaires à Gaza. L'Assemblée ne peut accepter que cette crise humanitaire puisse être présentée ou considérée comme inévitable ou être amenée à devenir la «nouvelle normalité». Les bombardements incessants et les opérations terrestres d'Israël ne font qu’accroître le nombre de décès de civils innocents. L’arrivée de l’hiver va détériorer encore davantage les conditions de vies déjà inhumaines et indignes des habitants de Gaza qui sont soumis à un cycle infernal de souffrances. L’Assemblée ne peut rester silencieuse alors que des milliers d'enfants continuent de mourir et souffrir de blessures invalidantes, d'autant plus qu'ils n'ont aucun moyen de s'échapper et n'ont même pas accès aux services et à l'assistance humanitaires les plus élémentaires. Cela représente une violation flagrante des droits des enfants protégés par la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant et, les Conventions de Genève de 1949 et les protocoles additionnels de 1977.
6. L'Assemblée rappelle que les organisations humanitaires travaillant à Gaza – dont la capacité à travailler sur le terrain est gravement entravée, voire presque totalement interrompue – ont tiré la sonnette d'alarme lors de deux auditions de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable les 13 et 30 septembre 2024. Les organisations humanitaires ont indiqué que la majorité des habitants de la bande de Gaza n'ont pas ou pas suffisamment accès aux produits alimentaires et d'hygiène de base, à l'eau potable, à l'électricité ou au chauffage. 90 % de la population a été déplacée au moins une fois, certaines personnes l’ont été jusqu'à 15 fois. Chaque déplacement entraîne la perte des biens nécessaires, des contacts avec la famille et les relations et de pires conditions de vie. Les gens vivent dans des abris de fortune construits avec des bâches en plastique, qui ne serviront à rien en hiver, ayant déjà été partiellement détruits par les récentes pluies. Ils sont concentrés dans de petites zones surpeuplées, où les ordures s'accumulent faute de pouvoir être éliminées ou traitées. Par conséquent, des maladies et infections évitables se sont propagées parmi une population déjà vulnérable.
7. Le système de santé s'est presque effondré en raison de la destruction massive de ses infrastructures et de l'absence d'approvisionnement en produits de première nécessité, due aux restrictions administratives et physiques imposées par les parties au conflit, notamment l'État d’Israël. En conséquence, la population et les otages à Gaza n’ont souvent pas accès aux médicaments essentiels, tels que l'insuline ou les médicaments pour la tension artérielle. Dans une situation où les blessures mortelles sont fréquentes, les pansements chirurgicaux et les médicaments de base sont difficiles à obtenir et les réserves de sang ne sont plus suffisantes pour couvrir ne serait-ce que la moitié des besoins. Les opérations chirurgicales, lorsqu'elles peuvent être pratiquées, sont principalement effectuées dans des hôpitaux de campagne installés sous des tentes.
8. L'Assemblée rappelle la Résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies du 12 décembre 2023, exigeant un cessez-le-feu et un accès humanitaire à Gaza. Dans la Résolution 2024/2508(RSP) du 18 janvier 2024 sur «la situation humanitaire à Gaza, la nécessité de parvenir à un cessez-le-feu et les risques d'escalade régionale», le Parlement européen a également appelé à un cessez-le-feu permanent et à un accès humanitaire complet, rapide, sûr et sans entrave à la bande de Gaza. Le 26 janvier 2024, la Cour internationale de justice a rendu une ordonnance indiquant qu' «Israël doit, conformément aux obligations lui incombant au titre de la convention sur le génocide, prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir la commission à l'encontre des Palestiniens de Gaza, de tout acte entrant dans le champ d'application de l'article II de la Convention» et «prendre sans délai des mesures effectives pour permettre la fourniture des services de base et de l'aide humanitaire requis de toute urgence afin de remédier aux difficiles conditions d’existence auxquelles sont soumis les Palestiniens de Gaza». À ce jour, cette ordonnance n'a pas été suivie d’effet ni appliquée. Le 21 novembre 2024, la Cour pénale internationale a émis deux mandats d'arrêt, contre M. Benjamin Netanyahou et contre M. Yoav Gallant, pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis entre le 8 octobre 2023 au moins et le 20 mai 2024 au moins.
9. Renforçant et faisant écho à ces appels, et compte tenu de la poursuite de la dramatique dégradation de la situation humanitaire à Gaza, l'Assemblée exhorte toutes les parties aux hostilités, en particulier Israël:
9.1. à parvenir à un cessez-le-feu immédiat, permanent et inconditionnel;
9.2. en attendant ce cessez-le-feu, à veiller à ce que les attaques ne détruisent pas davantage de vies civiles et d'infrastructures civiles, en particulier les hôpitaux, les zones de réfugiés et les écoles. L'Assemblée rappelle qu'il s'agit là de protections importantes en vertu du droit international humanitaire;
9.3. à veiller à ce que les attaques ne portent pas atteinte au personnel et aux structures humanitaires et à garantir que les missions humanitaires et leur personnel puissent effectuer leur travail en toute sécurité et dans des conditions appropriées;
9.4. à abroger immédiatement et sans condition l’interdiction de l’UNRWA imposée par Israël;
9.5. à veiller strictement et immédiatement au plein respect du droit et des règles humanitaires internationaux, y compris les principes d’humanité, de distinction et de proportionnalité, à tout moment, en particulier:
9.5.1. à accorder immédiatement aux organisations d’aide humanitaire un accès total, rapide, sûr et sans entrave à la bande de Gaza et à veiller à ce que l'approvisionnement en produits de première nécessité dans la bande de Gaza, tels que la nourriture, l'eau, les équipements médicaux et les médicaments, le carburant et les abris, soit garanti pour tous les Palestiniens, en particulier pour les femmes et les enfants, ainsi que pour les otages à Gaza;
9.5.2. à respecter les zones de "déconfliction" et garantir des conditions de travail sûres aux travailleurs humanitaires;
9.5.3. à protéger les civils, en particulier les femmes, les enfants et les autres groupes vulnérables, notamment les enfants blessés sans famille survivante;
9.5.4. à veiller à ce que des installations de soins néonataux soient mises en place et protégées à tout moment;
9.5.5. à permettre aux blessés les plus graves d'être stabilisés médicalement;
9.5.6. à faciliter immédiatement et sans condition les évacuations médicales, en particulier des enfants et de leur famille, ainsi que des femmes enceintes et de leur famille;
9.5.7. à créer des zones appropriées et pérennes où les familles peuvent séjourner et les enfants jouer en toute sécurité
10. L'Assemblée réaffirme l'importance de la liberté de la presse dans une société démocratique et la responsabilité des parties au conflit de garantir la sécurité des journalistes, en particulier lorsqu'ils travaillent dans des zones de conflit militaire. Les journalistes ont droit à la protection en tant que civils en vertu du droit international humanitaire. L’Assemblée appelle Israël à ouvrir immédiatement l’accès à la bande de Gaza aux journalistes nationaux et étrangers et aux organisations internationales dont le mandat est d’informer ou d’enquêter, et à faciliter leur travail en toute sécurité.
11. L'Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe à respecter leurs obligations au titre de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide et à user de leur influence par tous les moyens possibles pour rappeler aux parties au conflit les obligations qui leur incombent au titre de cette convention et la nécessité de respecter les normes humanitaires minimales y compris celles qui sont énoncées dans les Conventions de Genève. En particulier les principes fondamentaux suivants devraient être respectés: les civils doivent être épargnés des frappes militaires, les blessés et les malades doivent être recueillis et soignés, les organisations humanitaires impartiales doivent pouvoir, à tout moment, offrir leurs services pour alléger les souffrances sans que cela soit considéré comme une ingérence, et certains actes sont interdits en tout temps et en tout lieu à l'égard des personnes protégées, y compris les femmes et les enfants.
12. Dans ce contexte, l'Assemblée appelle les États membres et observateurs du Conseil de l'Europe, ainsi que les États dont le parlement bénéficie du statut d'observateur ou de partenaire pour la démocratie auprès de l'Assemblée, à jouer un rôle actif dans le traitement de l'urgence humanitaire actuelle à Gaza et de ses conséquences futures, en particulier en ce qui concerne:
12.1. le soutien et la fourniture sans délai de l'aide humanitaire d'urgence, y compris l'allocation d'un financement suffisant aux ONG et aux structures internationales fournissant l'aide humanitaire;
12.2. la remise en état de marche immédiate des infrastructures vitales, notamment des hôpitaux;
12.3. la fourniture d'une aide alimentaire d'urgence;
12.4. la fourniture de soins physiques et mentaux appropriés aux enfants, aux femmes, aux soignants et au personnel médical et humanitaire qui souffrent et continueront de souffrir des traumatismes causés par les conflits armés;
12.5. la construction d'abris d'urgence sûrs et de logements convenables pour les familles et les enfants;
12.6. la mise en place d'un enseignement et d'activités dans un cadre physique sûr pour les enfants et la reconstruction des écoles dans les plus brefs délais;
12.7. l'enlèvement des ordures et la remise en état des systèmes d'égouts et d'assainissement;
12.8. l'accueil des personnes nécessitant une évacuation médicale et la fourniture de soins médicaux spécialisés dans leur pays à ces personnes.
13. L'Assemblée considère que le statut d'observateur et de partenaire pour la démocratie auprès de l'Assemblée implique le devoir et la responsabilité de défendre les valeurs du Conseil de l'Europe. La crise humanitaire qui existe aujourd'hui à Gaza est en totale contradiction avec ces devoirs et responsabilités. L'Assemblée exhorte donc Israël et la Palestine, dont les parlements bénéficient respectivement du statut d’observateur et du statut de partenaire pour la démocratie auprès de l'Assemblée, à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour mettre fin sans plus tarder à ce conflit et à mettre un terme aux souffrances de la population de Gaza, y compris celles des otages, démontrant ainsi par cette action résolue leur plein engagement envers les valeurs du Conseil de l’Europe dans le domaine des droits humains, de la démocratie et de l’État de droit.
14. L'Assemblée surveillera de près les suites données à ses demandes à toutes les parties aux hostilités mentionnées ci-dessus, notamment en faveur d'un cessez-le-feu immédiat, permanent et inconditionnel, de la libération immédiate de tous les otages et de mesures concrètes et immédiates pour mettre fin à la crise humanitaire à Gaza. Elle se réfère à la possibilité de revenir sur cette question lors d'une prochaine partie de session, en vue d'évaluer si d'autres mesures sont nécessaires à la lumière de l'engagement manifesté à l'égard des valeurs du Conseil de l’Europe par les États dont le parlement bénéficie d'un statut d’observateur auprès de l’Assemblée.

B. Exposé des motifs par Mme Saskia Kluit, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. Dans son rapport du 5 janvier 2024 intitulé «Développements récents au Moyen-Orient: l’attaque terroriste du Hamas contre Israël et la réponse d'Israël» 
			(2) 
			Doc. 15890 et add. Voir aussi la Résolution 2524 (2024)., le rapporteur de l’Assemblée parlementaire Piero Fassino a décrit le contexte qu’il convient de rappeler. L’attaque du Hamas contre Israël lancée le 7 octobre 2023 a été perpétrée sur plusieurs fronts contre des villes israéliennes, résultant en d’effroyables scènes de violence. La brutalité et le caractère impitoyable des actions des terroristes du Hamas ont provoqué le plus grand nombre de morts en une seule journée dans l'histoire d'Israël. En réponse à l'attaque du Hamas, les autorités israéliennes ont déclaré l'état de guerre et rappelé les réservistes militaires. Dans l'après-midi du 7 octobre, les Forces de défense d’Israël (FDI) ont lancé l'opération «Épées de fer» avec des frappes aériennes, terrestres et maritimes sur la bande de Gaza. Cette campagne militaire visait explicitement à démanteler le Hamas et à assurer la libération des otages. L'ampleur de cette opération a rendu une grande partie du nord de Gaza inhabitable, obligé la grande majorité de la population à être déplacée et entraîné, directement et indirectement, des pertes humaines conséquentes parmi le peuple palestinien. Le blocus des ressources essentielles telles que la nourriture, l'eau, le carburant, l'électricité et les médicaments a créé une catastrophe humanitaire sans précédent.
2. Depuis le rapport de M. Fassino, Israël continue de mener une offensive militaire, particulièrement dans le nord et au centre de la bande de Gaza, assiégeant progressivement le camp de réfugiés de Jabaliya et les zones voisines, et isolant le nord de Gaza, où Israël affirme que le Hamas a tenté de reconstituer ses capacités.
3. Les FDI ont lancé des attaques sur Gaza presque sans discontinuer et ont mené des opérations militaires en Cisjordanie. Le conflit s’est étendu à d’autres zones de la région, notamment au Liban où les attaques israéliennes ont fait au moins 3 386 morts et entraîné le déplacement interne de plus de 800 000 personnes 
			(3) 
			<a href='https://www.unocha.org/publications/report/lebanon/lebanon-flash-update-44-escalation-hostilities-lebanon-14-november-2024'>«Lebanon:
Flash update #44 – escalation of hostilities in Lebanon, as at 14
November 2024</a>» (anglais uniquement).. Ces zones sont sous une pression militaire intense. Les attaques militaires menées par les parties au conflit, en particulier l'État d'Israël, contre des structures humanitaires et des biens civils ont lieu presque quotidiennement. Cependant, au vu de la situation dans la bande de Gaza qui ne cesse de s’aggraver et qui appelle à une action urgente et immédiate, ce rapport se concentrera sur la situation humanitaire des femmes et des enfants dans la zone géographique de Gaza. En Israël, des dizaines de milliers de personnes ont dû fuir ou ont été évacuées vers le nord d'Israël, mais les autorités israéliennes et les organisations humanitaires ont pu gérer ces déplacements. En conséquence, bien que l'impact de cette évacuation sur les civils innocents en Israël soit important, une crise humanitaire en Israël a été évitée.
4. Les intervenants aux deux auditions des 13 et 30 septembre 2024 
			(4) 
			<a href='https://rm.coe.int/assoc-2024-pv06add-projet-de-proces-verbal-de-l-audition-sur-la-situat/1680b1d3eb'>AS/Soc(2024)PV06add</a> et <a href='https://rm.coe.int/assoc-2024-pv07add-proces-verbal-de-l-audition-publique-sur-la-situati/1680b2c7e3'>AS/Soc(2024)PV07add</a>. de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable n’ont pas évoqué de problèmes humanitaires graves en Israël et les échanges de la rapporteure avec les autres organisations humanitaires et la délégation israélienne auprès de l’Assemblée n’en font pas état non plus.
5. Les nombreux éléments recueillis au cours de ces auditions, que de nombreux membres de la commission ont décrit comme étant les plus poignantes auxquelles ils et elles ont assisté, ont servi de base au présent rapport.
6. Évidemment, les recommandations formulées dans le projet de résolution, en particulier l’appel à un cessez-le-feu immédiat et au rétablissement du libre accès des organisations humanitaires, s’appliquent à l’ensemble du Moyen-Orient, y compris en Israël, en Cisjordanie et au Liban. Il ne doit plus y avoir de civils tués, blessés, déplacés, ni de destructions matérielles des infrastructures vitales dans cette partie du Moyen‑Orient. Il est temps de mettre un terme définitif à ces souffrances et de penser à la reconstruction. Toutefois, étant donné l'accent mis sur la crise humanitaire, la rapporteure propose de modifier le titre du rapport et de se concentrer sur Gaza, où la situation humanitaire s'est aggravée et doit être améliorée sans plus tarder.
7. La rapporteure est consciente que les autorités israéliennes n'acceptent pas un grand nombre ou la plupart des éléments et détails reflétés dans les rapports concernant la crise humanitaire qui sont décrits ci‑dessous, ni les raisons qui les motivent. Elle tient à souligner à cet égard que les rapports, y compris ceux de plusieurs organismes internationaux ainsi que d'organisations humanitaires réputées et respectées présentes sur le terrain, convergent dans une très large mesure et que les appels à une prise en charge immédiate de la situation afin de limiter toute nouvelle catastrophe humanitaire ne sauraient être plus clairement exprimés.

2. La situation de crise humanitaire à Gaza

8. Une crise humanitaire est un événement, ou une série d'événements, qui constitue une menace sérieuse à la santé, à la sécurité ou au bien-être d'une communauté ou d'un groupe de personnes, sur une zone étendue. La mise en œuvre de moyens extraordinaires, dépassant ceux de l'aide humanitaire classique, est alors nécessaire pour éviter une catastrophe ou au moins en limiter les conséquences.
9. Dès le 7 octobre 2023, le Gouvernement israélien a presque complètement interrompu l'approvisionnement en électricité, en nourriture, en eau et en carburant vers Gaza, qui, avant le conflit, était déjà confronté à des conditions de crise économiques et humanitaires 
			(5) 
			Résolution 2142 (2017) «La crise humanitaire à Gaza».. Les bombardements et le siège de Gaza ont causé la mort de dizaines de milliers de Palestiniens, dont 70 % de femmes et d’enfants, et ont entraîné des destructions massives de logements et d’infrastructures civiles, ainsi que des déplacements importants et répétés de la population 
			(6) 
			90 %
de la population des 2,1 millions habitants de Gaza a été déplacée, <a href='https://www.unocha.org/occupied-palestinian-territory'>«Occupied
Palestinian Territories</a>» (anglais uniquement), Bureau des Nations Unies pour
la coordination des affaires humanitaires (OCHA)., créant une catastrophe humanitaire sans précédent. Les zones de sécurité ont été attaquées à de multiples reprises, ce qui a entraîné un nombre énorme et continu de morts innocentes. De nombreuses organisations humanitaires constatent qu'il n'y a pas d'espaces sûrs à Gaza où les civils peuvent se mettre à l'abri des actions militaires des parties au conflit; Gaza est en effet une enclave assiégée dont les entrées et sorties sont principalement contrôlées par les pays qui l’entourent, Israël et l’Égypte, et seulement lorsque ces frontières sont ouvertes.

2.1. Les civils morts et blessés: une majorité de femmes et d’enfants

10. Les frappes aériennes, terrestres et maritimes ainsi que les combats terrestres intenses et continus dans la bande de Gaza depuis octobre 2023 ont fait un nombre considérable et sans précédent de victimes. Selon le ministère de la Santé de Gaza, les hostilités à Gaza ont tué au moins 43 391 personnes, 102 347 civils ont été blessés, dont un grand nombre de femmes et d'enfants, qui représentent 70 % des victimes, sans compter les personnes dont les corps n’ont pas pu être retirés des décombres 
			(7) 
			«Reported impact snapshot
| Gaza Strip», OCHA, 5 novembre 2024 (anglais uniquement).. De nombreux travailleurs médicaux et humanitaires dont 243 membres du personnel de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) ont trouvé la mort. Selon une estimation minimale, 120 000 personnes sont décédées des suites d'affections et de maladies qui n'ont pas pu être correctement traitées ou prises en charge en raison des graves dommages subis par le système de santé à Gaza.
11. La guerre urbaine à Gaza détruit les maisons, les communautés et le tissu social, comme on a pu le voir sur les images de la région. Elle a entraîné également des morts et des blessés parmi les civils à une échelle effroyable même si les images à ce sujet sont moins accessibles. Le nombre et la proportion de morts et de blessés sont monstrueux. Selon le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies 
			(8) 
			<a href='https://www.ohchr.org/en/documents/reports/six-month-update-report-human-rights-situation-gaza-1-november-2023-30-april-2024'>«Six-month
update report on the human rights situation in Gaza: 1 November
2023 to 30 April 2024</a>» (anglais uniquement), Bureau du Haut‑Commissaire aux
droits de l’homme des Nations Unies, 8 novembre 2024., ce niveau sans précédent de meurtres et de blessures de civils est une conséquence directe du non-respect par les FDI des principes fondamentaux du droit international humanitaire, à savoir les principes de distinction, de proportionnalité et de précaution dans les conflits armés. La conduite des hostilités par Israël a également détruit les infrastructures civiles de Gaza, notamment les hôpitaux et les écoles, ainsi que les infrastructures d'électricité, d'eau et d'égouts, laissant les survivants souvent blessés, sans accès à l'eau, à la nourriture ou aux soins de santé adéquats. La conduite des hostilités par les groupes armés palestiniens à partir de zones densément peuplées et l'utilisation de projectiles intrinsèquement aveugles ont selon toute vraisemblance aussi aggravé le nombre de victimes à Gaza.

2.2. Les risques spécifiques pour les femmes et les enfants à Gaza

12. Comme l’ont notamment décrit les intervenants aux deux auditions tenues par la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, outre les décès directs d’enfants sous les frappes militaires, la guerre coupe l'accès aux soins de santé, à l'éducation, à l'électricité et à l'eau potable. Les effets sont désastreux pour le présent et l’avenir des enfants de Gaza. Compte tenu de la jeunesse de la population gazaouie (65% des habitants ont moins de 25 ans), cette situation s'aggrave et met en péril non seulement l'avenir individuel de chaque Palestinien, mais aussi celui de la société dans son ensemble. Les enfants représentent une grande partie des personnes déplacées à l'intérieur de Gaza. Ils ne doivent pas être considérés simplement comme des adultes miniatures. Les risques auxquels ils sont confrontés dans les situations de guerre urbaine sont distincts et doivent être compris dans le contexte de leur développement social, physique, psychosocial et cognitif 
			(9) 
			<a href='https://www.icrc.org/en/document/childhood-rubble-humanitarian-consequences-urban-warfare-children'>«ICRC,
Childhood in rubble: The Humanitarian Consequences of Urban Warfare
for Children», 25 mai 2023</a> (anglais uniquement).. En termes d’hospitalisations, la capacité en lits est insuffisante, avec par exemple 2 enfants par lit dans l’unité pédiatrique de l’hôpital Nasser. Dans cet hôpital, on a assisté à une hausse des cas traumatiques, orthopédiques et de brûlures sévères depuis mi-mai. Environ 70 % des grands brûlés ont moins de 18 ans. Les cas de brûlures dues aux explosifs ont énormément augmenté depuis juillet, atteignant 53 % du nombre total de brûlures, en raison des opérations militaires.
13. Les ONG ont dénoncé le fait que les enfants paient le prix le plus lourd d’une guerre dont ils ne sont absolument pas responsables. Le manque de nourriture et d’eau potable est particulièrement critique pour eux. Les restrictions de déplacement pour aller se faire soigner ailleurs le sont tout autant. Certaines familles ont été déplacées 9 ou 10 fois, certaines jusqu’à 15 fois, ce qui les expose à une situation extrêmement précaire et sans la moindre garantie de retour dans leur foyer. Ces déplacements accroissent les risques de violence et de négligence pour les enfants, et évidemment les risques pour leur santé mentale. Les enfants souffrent de blessures invalidantes, subissent des amputations et, après plus d’un an de guerre, ils montrent des signes de troubles mentaux. Leur santé mentale est présentée comme étant critique. Ils présentent des symptômes tels que des niveaux extrêmement élevés d’anxiété persistante, une perte d’appétit, des insomnies, des crises émotionnelles ou de panique à chaque fois qu’ils entendent les bombardements. La poliomyélite (maladie virale qui touche principalement les enfants de moins de cinq ans) est de retour à Gaza après 2 décennies, suite à la destruction de toutes les infrastructures, y compris des réseaux d’assainissement. De nombreux enfants ont perdu leurs parents. Joyce Msuya, Sous-Secrétaire générale par intérim aux affaires humanitaires et Coordonnatrice des secours d'urgence de l’ONU, a décrit comment il était devenu courant que les enfants blessés dans l’enclave aient les mots «enfant blessé, pas de famille survivante» écrits sur leurs bras.
14. Autant des soins appropriés immédiats pour atténuer la souffrance des enfants qu’une scolarité minimum sont nécessaires pour que ces enfants retrouvent un minimum de sécurité, de bien-être et de dignité humaine. Il est difficile d’imaginer le traumatisme d’enfants, amputés dans des conditions inimaginables et parfois sans anesthésie, et qui n’ont même pas accès à un minimum de rééducation et aux prothèses qui leur permettraient de reprendre un semblant de vie.
15. Concernant les femmes, il est clair que le nombre de naissances et les interventions dans ce cadre, ainsi que le nombre de grossesses a baissé. Les produits d’hygiène féminine font défaut. UNICEF travaille dans des conditions épouvantables pour les soins obstétriques et néonataux.
16. Compte tenu de la destruction du système de soins de santé, la possibilité d’une évacuation médicale est d’autant plus importante. Environ 15 000 personnes répondraient aux critères pour une telle évacuation. Les femmes et les enfants sont nombreux sur la liste des personnes nécessitant une évacuation médicale, et il n'existe plus aucun service hospitalier pratiquant des opérations à cœur ouvert à Gaza. Depuis le début de la guerre, seules 5 000 personnes environ ont été évacuées vers l’Égypte ou le Qatar. Depuis la fermeture de la frontière en mai, les évacuations ont diminué et sont aujourd’hui presque totalement à l’arrêt, bien que Médecins Sans Frontières (MSF) travaille avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour relancer ces évacuations.
17. Les femmes et les enfants sont confrontés à des problèmes très importants en raison de l’effondrement de l’ordre public. Toute autorité existante est entre les mains de chefs de famille éparpillés, de chefs de clan, de chefs du Hamas et de quelques responsables politiques. En cas de problème ou en cas de violence, ils ne savent pas vers qui se tourner. Les personnes les plus vulnérables sont les plus touchées. Les femmes ont plus de mal à trouver à manger et à boire, à protéger la vie de leurs enfants et à faire face aux violences et aux mauvais traitements. Le nombre de violences domestiques et les tentatives de suicide augmentent.

2.3. L’effondrement du système de santé et des conditions sanitaires catastrophiques

18. Des pans entiers de l'infrastructure de la société à Gaza – maisons, écoles, hôpitaux et installations médicales – sont aujourd'hui complètement détruits ou incapables de fonctionner. Avec l’effondrement du système de santé et la baisse de la vaccination, la santé de la population va encore se détériorer. La capacité de l'UNRWA à coordonner la vaccination contre la poliomyélite dans un environnement hostile était la seule lueur d'espoir, désormais compromise par la décision du Parlement israélien, dont la mise en œuvre conduirait à mettre fin aux opérations de l'UNRWA dans les territoires palestiniens occupés.
19. La rapporteure se réfère en particulier aux ONG réputées et expérimentées auditionnées par la commission le 13 septembre 2024 – MSF, UK-Med et Save the Children – qui opèrent toutes à Gaza, et qui étaient représentées à cette audition par des personnels humanitaires travaillant sur le terrain à Gaza. Toutes ces ONG ont relevé les difficultés extrêmes d’accès aux soins et services de santé, le manque crucial de médicaments et de matériels notamment pour les opérations chirurgicales nécessitées par les blessures de guerre. La quasi-totalité des structures médicales ont été détruites. Les hôpitaux de campagne, souvent de simples tentes, sont insuffisants. Les quelques établissements qui fonctionnent encore comme les hôpitaux Nasser et Al-Aqsa travaillent au-delà de leur capacité, avec des patients couchés sur le sol, mais plus aucune autre infrastructure ne fonctionne normalement. Des hôpitaux de campagne, par essence temporaires, sont inadéquats pour les soins à apporter à la population. Les opérations chirurgicales, quand elles peuvent avoir lieu, se font dans des conditions intolérables. Les médicaments font cruellement défaut; ainsi, certains enfants sont amputés sans anesthésie. D’autres sont amputés alors qu’ils auraient pu être soignés sans privation d’un membre s’ils avaient eu accès aux traitements adéquats. La capacité de réaction des ONG qui prennent soin des traumatismes psychologiques, des blessures physiques et tentent également de faire face au manque de biens de première nécessité comme l’eau et la nourriture est totalement sous-proportionnée par rapport aux besoins.
20. Les conditions sanitaires sont catastrophiques, en l’absence de système d’approvisionnement en eau et de gestion des déchets. L’assainissement et de nombreuses structures de traitement et d’acheminement de l’eau potable ont été détruits. Outre le manque d’hygiène publique, ces conditions sanitaires favorisent l’expansion des maladies évitables telles que les diarrhées.

2.4. Les restrictions à l’aide alimentaire à Gaza, le siège dans le nord de Gaza et le risque de famine

21. L’aide alimentaire est bloquée à l’extérieur des frontières de Gaza. Les camions d’aide alimentaire, sous contrôle des autorités israéliennes, ne passent que sporadiquement, dans des proportions tout-à-fait insuffisantes pour nourrir la population.
22. Selon l’UNICEF, déjà en mars 2024, le nombre d’enfants de moins de 2 ans souffrant de malnutrition aiguë avait augmenté de manière alarmante dans le nord de la bande de Gaza. À cette date, un enfant sur trois était concerné, soit 31 %, contre 15,6 % au mois de janvier 
			(10) 
			<a href='https://www.unicef.org/fr/communiques-de-presse/la-malnutrition-aigue-double-en-lespace-dun-mois-dans-le-nord-de-gaza'>Communiqué
de presse UNICEF</a>, 15 mars 2024..
23. La rapporteure tient à mettre l’accent sur le siège de Gaza et plus particulièrement du nord de Gaza et ses conséquences sur le plan humanitaire, car il s'agit d'une évolution particulièrement alarmante au cours des derniers mois. Les éléments décrits ci-dessus y sont exacerbés à l’extrême depuis le début du mois d’octobre 2024 et la décision des autorités israéliennes de ne pas autoriser l’entrée des biens essentiels en provenance du sud. La déclaration du 13 octobre 2024 (anglais uniquement) de Muhannad Hadi, Coordinateur humanitaire pour le territoire palestinien occupé, intitulée «Civilians in northern Gaza cut off from supplies and services critical for survival» est sur ce point éloquente: «Depuis le 1er octobre 2024, les autorités israéliennes ont de plus en plus coupé le nord de la bande de Gaza des produits de première nécessité. Les points de passage d'Erez et d'Erez Ouest sont restés fermés et aucun produit de première nécessité n'a été autorisé en provenance du sud. Trois nouveaux ordres ont été émis – les 7, 9 et 12 octobre – ordonnant le déplacement des populations. Parallèlement, les hostilités continuent de s'intensifier, entraînant une augmentation des souffrances et des pertes civiles. Au cours des deux dernières semaines, plus de 50 000 personnes ont été déplacées de la région de Jabaliya, qui est coupée du monde, tandis que d'autres restent bloquées chez elles en raison de l'intensification des bombardements et des combats. Un siège militaire qui prive les civils de moyens de survie essentiels est inacceptable».
24. En fait, depuis le 7 octobre, Israël mène une offensive militaire dans le nord de la bande de Gaza, assiégeant progressivement le camp de réfugiés de Jabaliya et les zones voisines, où Israël affirme que le Hamas a tenté de reconstituer ses capacités 
			(11) 
			<a href='https://www.securitycouncilreport.org/whatsinblue/2024/11/briefing-on-risk-of-famine-in-northern-gaza.php?utm_medium=email&utm_campaign=11%20November%20Campaign%202&utm_content=11%20November%20Campaign%202+CID_6648b3b84f9f563f0dfcdcbd1361d48b&utm_source=Email%20Newsletter&utm_term=Briefing%20on%20Risk%20of%20Famine%20in%20Northern%20Gaza'>«Briefing
on risk of famine in Northern Gaza, What’s in blue, Security Council
Report</a>», 11 novembre 2024 (anglais uniquement).. La presse indépendante n'étant pas autorisée à pénétrer dans la bande de Gaza, ces affirmations ne peuvent être vérifiées de manière indépendante. Les hauts fonctionnaires des Nations Unies et les organisations humanitaires ont à plusieurs reprises mis en garde contre les effets dévastateurs de cette offensive. Dans un communiqué du 25 octobre 2024, Volker Türk, Haut‑Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a appelé le monde à agir face au moment le plus sombre du conflit à Gaza. Il a déclaré que, dans le nord de Gaza, l'armée israélienne soumet une population entière aux bombardements, au siège et au risque de famine, tout en forçant cette dernière à choisir entre un déplacement massif et être piégée dans une zone de conflit active. Le 26 octobre 2024, Joyce Msuya a déclaré (anglais uniquement) que «ce que les forces israéliennes font dans la partie nord de Gaza assiégée ne peut être autorisé à continuer», ajoutant que des hôpitaux ont été touchés, que des travailleurs de la santé ont été détenus et que des secouristes ont été «empêchés de sauver des personnes sous les décombres», et concluant que «toute la population du nord de Gaza est en danger de mort.»
25. Les dernières opérations militaires dans le nord de Gaza ont entraîné la fermeture de puits d'eau, de boulangeries, de points médicaux et d'abris, ainsi que la suspension des services de protection, du traitement de la malnutrition et des espaces d'apprentissage temporaires. Dans le même temps, les hôpitaux ont enregistré une augmentation du nombre de traumatismes. Sur la BBC, le 12 novembre 2024, Louise Wateridge, responsable des urgences et chargée de la communication de l’UNRWA, précisait: «À Jabaliya, la zone assiégée, huit des puits d’eau de l’UNRWA ont été bombardés et détruits. Les gens ne reçoivent pas d’eau. Nous ne sommes pas en mesure d’accéder à cette zone», avant de conclure que la situation dans le nord de Gaza est «absolument désespérée» avec 500 000 personnes qui dorment à même le sol et sont exposées au risque d’inondation avec l’hiver qui arrive et les conditions météorologiques qui vont se détériorer.
26. Les ONG auditionnées par la commission en septembre 2024 ont aussi alerté sur le risque imminent de famine.
27. En résumé, les ONG et les agences des Nations Unies qui interviennent à Gaza s’accordent à dire que le nombre infime de camions entrant à Gaza est bien inférieur aux nécessités sur place et que la famine peut survenir à très court terme à Gaza. L’acheminement rapide et sans entrave de l’aide alimentaire est vital, alors que, selon les dernières évaluations, plus de deux-tiers des terres cultivées et de l’élevage ont été détruits à Gaza 
			(12) 
			<a href='https://www.fao.org/newsroom/detail/gaza-geospatial-data-shows-intensifying-damage-to-cropland/fr'>«Gaza:
les données géospatiales montrent l’aggravation des dégâts sur les
terres agricoles», Organisation des Nations unies pour l’alimentation
et l’agriculture</a> (FAO), 3 octobre 2024. <a href='https://www.fao.org/newsroom/story/protecting-livelihoods-and-lives-in-gaza/fr'>«Protéger
les moyens de subsistance et les vies à Gaza»</a>, FAO, 28 octobre 2024..

3. Recommandations

3.1. Le droit international humanitaire doit être respecté

28. Le droit international humanitaire (DIH) est un ensemble de règles qui, pour des raisons humanitaires, cherchent à limiter les effets des conflits armés, reposant notamment sur les quatre Conventions de Genève de 1949 qui ont fait l’objet d’une adhésion ou d’une ratification universelle et des protocoles additionnels. Il protège les personnes qui ne participent pas ou plus aux combats et restreint les moyens et méthodes de guerre. Le DIH est également appelé «droit de la guerre» ou «droit des conflits armés». Les personnes protégées par le DIH ont droit au respect de leur vie, de leur dignité et de leur intégrité physique et mentale. Elles bénéficient en outre d’une série de garanties judiciaires, et doivent être traitées avec humanité en toutes circonstances, sans aucune discrimination. Il est, par exemple, interdit de les tuer ou de les soumettre à la torture. Les blessés et les malades doivent être recueillis et soignés. Pour mener à bien ces activités médicales, le personnel, les unités et les moyens de transport sanitaires doivent être respectés et protégés. L’accès à l’assistance humanitaire de la population civile touchée par un conflit doit être autorisé et facilité, sous réserve du consentement des parties concernées et de leur droit de contrôle. En vertu du DIH, le personnel et les biens humanitaires doivent être respectés et protégés.
29. Concernant le risque de famine, la rapporteure souligne avec force que le DIH interdit expressément d’utiliser la famine et la perfidie comme méthodes de guerre contre les civils.
30. Force est de constater que la situation humanitaire décrite dans cet exposé des motifs ne correspond à aucune des règles du DIH.
31. Les civils doivent être protégés et leurs besoins fondamentaux doivent être satisfaits. Les civils avec une double nationalité doivent pouvoir partir et ceux qui partent doivent également pouvoir revenir. De multiples voies d'accès doivent être ouvertes pour que les fournitures essentielles et l’aide humanitaire puissent être fournis en toute sécurité aux personnes dans le besoin, où qu'elles se trouvent. Les civils ne doivent pas être contraints de choisir entre déplacement et famine. Ils doivent avoir un endroit sûr où aller, avec un abri, de la nourriture, des médicaments et de l'eau. Toute action contraire à ce que ces besoins soient satisfaits est une indication forte que d’éventuelles pratiques d’épuration ethnique ou de génocide sont en place et doivent être traitée en conséquence par les tierces parties.
32. La rapporteure répète que le DIH doit toujours être respecté par toutes les parties et tous les individus impliqués dans un conflit, en tout temps. Il incombe à tous les dirigeants du monde de veiller au respect du DIH, tel qu’il est énoncé dans les Conventions de Genève. Ces normes sont universellement acceptées et contraignantes, élaborées pour préserver un minimum d’humanité. À l’instar de Volker Türk dans son communiqué du 25 octobre 2024, la rapporteure estime que les dirigeants du monde doivent «donner la priorité à la protection des civils et des droits humains, et de ne pas abandonner ce minimum d’humanité.»
33. Enfin, il faut préparer l’avenir pour qu’il y ait en quelque sorte un processus de guérison, même si cela semble lointain aujourd’hui, avec une action massive à tous les niveaux, que ce soit la santé physique et mentale, la reconstruction, l’éducation ou le rétablissement de l’ordre.

3.2. Cessez-le-feu immédiat

34. Comme l’ont déjà exprimé de nombreuses organisations internationales, des gouvernements et parlements, ainsi que Volker Türk lors de son intervention devant l’Assemblée le 25 juin 2024, la seule solution est un cessez-le-feu, comme le Conseil de Sécurité des Nations Unies l’a exigé.
35. Quand bien même les tensions politiques entre Israël et la Palestine sont extrêmes, il est clair qu’un cessez‑le‑feu immédiat est la seule et unique solution pour épargner les vies des civils, y compris des femmes et des enfants de Gaza, et pour permettre aux survivants de reconstruire leur vie aussi bien que possible, avec espoir et dignité. Au vu de l’immense crise humanitaire à Gaza, et dans la suite des appels répétés des organisations internationales et des ONG, la rapporteure ne voit pas d’autre solution qu’un cessez-le-feu immédiat, pour éviter des morts et des souffrances supplémentaires. Cette demande est corrélée avec la nécessité de l’aide humanitaire qui ne peut être fournie sous les frappes militaires.

3.3. La protection particulière des enfants

36. En vertu du DIH, les enfants ont droit à un respect et à une protection particuliers dans les situations de conflit armé, ce qui signifie qu'ils doivent bénéficier de soins et d'une assistance appropriés de diverses manières spécifiques 
			(13) 
			<a href='https://ihl-databases.icrc.org/fr/customary-ihl'>ICRC
Study on Customary International Humanitarian Law.</a>. L'exigence d'une protection spéciale se retrouve dans les nombreuses dispositions détaillées des Conventions de Genève et de leurs Protocoles additionnels de 1977 qui énoncent des mesures spécifiques vis-à-vis des enfants, ainsi que dans la pratique des États. Ces mesures comprennent l'accès continu à une éducation, une alimentation et des soins de santé adaptés à leur âge dans toutes les circonstances qui se présentent en temps de guerre, y compris lorsqu'ils sont privés de leur liberté; l'évacuation des zones de combat pour des raisons de sécurité; et des mesures pour prendre en charge les enfants non accompagnés et séparés et les réunir avec leur famille 
			(14) 
			Il
s'agit notamment des articles 23§1, 24 et 50 de la Convention de
Genève (IV) (CG IV), 77 du Protocole additionnel I (PA I) et 4§3
du Protocole additionnel II (PA II). Pour une vue d'ensemble des
nombreuses autres règles, voir <a href='https://www.icrc.org/fr/document/la-protection-juridique-des-enfants-dans-les-conflits-armes'>Fiche
technique du CICR, «Protection juridique des enfants dans les conflits
armés»</a>..
37. La raison d'être de cette protection spéciale réside dans le fait que les effets des conflits armés causent aux enfants un préjudice particulier. Lors de la rédaction des protocoles additionnels de 1977, il a été noté que «les traumatismes psychologiques causés par la guerre laissent souvent des traces indélébiles» sur les enfants qui ont donc besoin d’un traitement spécial par rapport au reste de la population civile.
38. La rapporteure rappelle que le droit international accorde une protection spécifique aux enfants dans les guerres urbaines. Elle propose l’élaboration d’une série de recommandations juridiques, politiques et opérationnelles à l'intention des acteurs en mesure de protéger la vie des enfants dont, dans la situation précise de Gaza, le cessez‑le‑feu est un préalable incontournable. Personne ne peut rester silencieux quand des enfants meurent.

3.4. L’UNRWA doit pouvoir continuer à accomplir sa mission

39. Le 28 octobre 2024, le Parlement israélien a voté deux lois interdisant à l’UNRWA d’opérer en Israël et aux officiels israéliens de communiquer avec l’organisation, empêchant de fait son travail à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Cette législation doit entrer en vigueur dans un délai de trois mois.
40. Une grande partie de la communauté internationale, les organisations humanitaires et les Nations Unies ont dénoncé cette décision, rappelant le rôle clé de l’agence pour la fourniture d’aide aux réfugiés palestiniens, notamment dans la bande de Gaza, ravagée par la guerre.
41. Le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a affirmé que «si elles étaient appliquées, les lois […] empêcheraient probablement l’UNRWA de poursuivre son travail essentiel dans le Territoire palestinien occupé» 
			(15) 
			<a href='https://x.com/antonioguterres/status/1851081213412532374'>Post
sur X, 29 octobre 2024</a> (anglais uniquement).. Un constat partagé par le Commissaire général de l’UNRWA Philippe Lazzarini, selon qui «ces lois ne feront qu’aggraver les souffrances des Palestiniens, en particulier à Gaza, où les gens vivent un véritable enfer depuis plus d’un an».
42. L’interdiction d’opérer sur le territoire israélien menace directement le siège de l’UNRWA à Jérusalem‑Est, partie de la ville occupée par Israël depuis son annexion en 1967, de même que ses activités dans les camps pour réfugiés. L’interdiction de communiquer avec l’agence met quant à elle en danger ses opérations en Cisjordanie et à Gaza, car pour transporter et distribuer de l’aide dans ces deux zones, l’UNRWA est obligée de collaborer avec les autorités et l’armée israéliennes, notamment pour sa sécurité. Or, selon la nouvelle législation, Israël ne fournira plus au personnel de l’agence les permis de travail ou visas nécessaires.
43. Comme l’a souligné M. Lazzarini dans une conférence de presse le 13 novembre 2024 (anglais uniquement), les attaques répétées d’Israël tendant à décrédibiliser l’UNRWA n’ont aucun fondement. Une enquête interne 
			(16) 
			<a href='https://news.un.org/en/story/2024/08/1152841'>Enquête
des Nations Unies</a> (anglais uniquement). a conduit au licenciement de neuf membres du personnel en raison de leur possible implication dans les attaques du 7 octobre. Une autre enquête externe n’a pas constaté de failles majeures concernant la neutralité de l’organisation 
			(17) 
			<a href='https://news.un.org/en/story/2024/04/1148821'>«Final
report for the United Nations Secretary General – Independent Review
of Mechanisms and Procedures to Ensure Adherence by UNRWA to the
Humanitarian Principle of Neutrality»</a>, 20 avril 2024 (anglais uniquement).. L’UNRWA, seule agence expérimentée en matière d’aide, en coopération avec d’autres mécanismes des Nations Unies et la société civile, est irremplaçable à Gaza.
44. Par ailleurs, le rapport du 20 septembre 2024 du Comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme du peuple palestinien et des autres Arabes des territoires occupés montre comment la vaste campagne de bombardements menée par Israël à Gaza a décimé les services essentiels et déclenché une catastrophe environnementale avec des effets durables sur la santé. Ce rapport souligne que jusqu'en février 2024, les FDI ont utilisé plus de 25 000 tonnes d'explosifs dans la bande de Gaza, «l'équivalent de deux bombes nucléaires». Il met en exergue les pertes civiles massives et les conditions imposées aux Palestiniens sur place mettant leur vie en danger intentionnellement. Le Comité spécial assure qu’à travers son siège de Gaza, son obstruction de l'aide humanitaire, ses attaques ciblées et en tuant des civils et des travailleurs humanitaires, malgré les appels répétés de l'ONU, les ordonnances contraignantes de la Cour internationale de justice et les résolutions du Conseil de sécurité, Israël cause intentionnellement la mort, la famine et des blessures graves, et ajoute qu’Israël utilise la famine comme méthode de guerre et inflige une punition collective à la population palestinienne.
45. Dès le 17 octobre 2023, dans une déclaration commune «Escalade de la violence au Moyen-Orient: protéger les enfants», le Président de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable Simon Moutquin et le Président de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, Theodoros Rousopoulos dénonçaient que «le meurtre abject de civils israéliens – des bébés et des enfants, des jeunes qui s’amusaient lors d’un festival de musique et des familles entières dans leurs maisons, ainsi que l'enlèvement de près de deux cents otages – ne peut être justifié d'aucune manière.» Ils ajoutaient que «la réponse des autorités israéliennes à l'agression subie doit rester fidèle à nos valeurs démocratiques, au respect des droits humains et à l'État de droit.» Leur demande à Israël de «faire en sorte que l'eau, la nourriture et l'électricité atteignent la population civile désespérée de Gaza, cesser immédiatement le déluge d'attaques qui tue aveuglément des civils, endommage des hôpitaux, des écoles, des abris de l'UNWRA et des infrastructures civiles à Gaza» et de «permettre à la communauté internationale d'apporter une aide humanitaire à la population de Gaza, et s'abstenir d'utiliser des bombes au phosphore blanc et de déplacer par la force des centaines de milliers de civils» est restée lettre morte.
46. Plus de treize mois après le début de la campagne militaire d’Israël, des femmes et des enfants palestiniens sont tués et subissent l’horreur et les souffrances de la guerre, en totale violation du DIH. Cela doit cesser.
47. La rapporteure appelle donc l’Assemblée à adopter une résolution axée sur la nécessité de mettre fin sans plus tarder à la crise humanitaire à Gaza et à suivre de près, dans les semaines et les mois à venir, les actions des autorités israéliennes à cet égard. Elle rappelle que le statut d'observateur et celui de partenaire pour la démocratie auprès de l'Assemblée sont des statuts importants, qui confèrent un accès à l’Assemblée et à ses précieux travaux, et par conséquent un devoir et une obligation de respecter les valeurs du Conseil de l'Europe et du droit international humanitaire.