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Rapport | Doc. 16087 | 08 janvier 2025

La nécessité d'un nouvel ordre international fondé sur des règles

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteure : Mme Dora BAKOYANNIS, Grèce, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 15332, Renvoi 4601 du 27 septembre 2021. 2025 - Première partie de session

Résumé

L'efficacité de l'ordre international fondé sur des règles est de plus en plus remise en question par une évolution vers la multipolarité, avec des groupes de pays qui se rassemblent autour d'approches et de visions divergentes en ce qui concerne les valeurs, les systèmes de gouvernance et l'ordre international lui-même. Ce processus s'accompagne d'une montée rapide de l'autoritarisme, du nationalisme, de l'isolationnisme, de l'unilatéralisme et de la politique de puissance pure. La capacité à résister aux forces déstabilisatrices qui cherchent à remplacer le droit international par la loi du plus fort, et la capacité à renouveler et à redynamiser l'ordre international fondé sur des règles détermineront non seulement la résilience des démocraties, mais aussi celle du monde dans son ensemble.

Le Conseil de l'Europe a apporté une contribution exceptionnelle au renforcement du multilatéralisme fondé sur des règles en promouvant la démocratie, les droits humains et l’État de droit, et en contribuant à la création d'un espace juridique européen unique.

L'Assemblée parlementaire devrait se féliciter de l'adoption par l'Assemblée générale des Nations Unies de la Résolution A/RES/79/1 «Le Pacte pour l'avenir» et exhorter tous les États à mettre en œuvre les 56 mesures qu'elle contient. Elle devrait également appeler les États membres du Conseil de l'Europe à soutenir un rôle accru du Conseil de l'Europe en tant que partenaire des Nations Unies dans le renforcement du multilatéralisme fondé sur des règles et pour les questions liées à la sécurité démocratique.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 11 décembre
2024.

(open)
1. En 1945, déterminés à préserver les générations futures du fléau de la guerre, les dirigeants du monde ont décidé de créer les Nations Unies afin d'assurer le respect du droit international, de maintenir la paix et la sécurité internationales et de promouvoir le progrès social et de meilleures conditions de vie. Depuis, les Nations Unies constituent la pierre angulaire du système multilatéral de gouvernance mondiale, qui s’est enrichi d’un certain nombre d’autres organisations internationales et d’enceintes informelles ayant des mandats spécialisés et une couverture géographique variable.
2. Fondé en 1949 en tant que projet de paix, le Conseil de l’Europe a apporté une contribution exceptionnelle au renforcement du multilatéralisme fondé sur des règles en promouvant la démocratie, les droits humains et l’État de droit et en contribuant à la création d'un espace juridique européen unique, par le biais de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5), dont l’interprétation par la Cour européenne des droits de l’homme en a fait un «instrument vivant» et un «instrument constitutionnel de l'ordre public européen», et de plus de 200 autres conventions.
3. Près de 80 ans plus tard, le contexte international a profondément changé. L'efficacité de l'ordre international fondé sur des règles est de plus en plus remise en question par une évolution vers la multipolarité, avec des groupes de pays qui se rassemblent autour d'approches et de visions divergentes sur les valeurs, les systèmes de gouvernance et l’ordre international lui-même. Ce processus s'accompagne d'une montée rapide de l’autoritarisme, du nationalisme, de l’isolationnisme, de l’unilatéralisme et de la politique de puissance pure.
4. Le monde est actuellement confronté au nombre de conflits le plus élevé depuis la fin de la seconde guerre mondiale, et le Conseil de sécurité des Nations Unies peine à s’acquitter de sa responsabilité première, qui est d’assurer le maintien de la paix et de la sécurité internationales, en raison des positions et des intérêts inconciliables de ses membres permanents.
5. La guerre d'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine a constitué la violation la plus brutale de l'ordre international fondé sur des règles dans l'histoire récente, la Fédération de Russie tentant de modifier les frontières territoriales d'un État souverain voisin, utilisant la violence contre les civils comme instrument de guerre et menaçant d'utiliser des armes nucléaires.
6. En outre, la communauté internationale s'est révélée incapable d'arrêter l'escalade de la violence au Proche-Orient, qui a commencé par une attaque terroriste effroyable du Hamas et d'autres milices contre Israël le 7 octobre 2023 et qui s'est transformée en un conflit régional majeur, faisant plus de 40 000 morts et provoquant une crise humanitaire aux proportions apocalyptiques à Gaza.
7. De plus, le résultat de l'élection présidentielle de 2024 aux États-Unis suscite d'importantes inquiétudes quant à l'orientation de la politique étrangère américaine et à l'impact qu'elle pourrait avoir sur le système multilatéral.
8. Ce contexte d’instabilité et d’insécurité mondiales est d’autant plus préoccupant que, outre le maintien de la paix internationale, le monde est confronté à un certain nombre d’autres défis distincts et interdépendants qui ne peuvent être relevés que par une action concertée, qu’il s’agisse du changement climatique et de la dégradation de l’environnement, des migrations de masse, du renforcement des inégalités, des risques sanitaires mondiaux, des crises alimentaires et énergétiques, du terrorisme et de l'extrémisme violent, de l'essor de l'intelligence artificielle et de ses effets sur tous les aspects de la société, ou de l'exploration de l’espace.
9. Afin de contrer les menaces qui pèsent sur le mode de vie européen, de protéger la démocratie, les droits humains et l'État de droit, et de préserver la position de l'Europe dans le monde, les États membres du Conseil de l'Europe devraient s'efforcer de mettre en place un ordre international ouvert, fondé sur des règles et basé sur le réalisme, plutôt qu'un club de plus en plus restreint de pays partageant les mêmes idées.
10. L'Assemblée parlementaire est fermement convaincue qu'un engagement renouvelé en faveur du droit international et de la réforme du système multilatéral de gouvernance mondiale est nécessaire pour relever efficacement ces défis. La capacité à résister aux forces déstabilisatrices qui cherchent à remplacer le droit international par la loi du plus fort, et la capacité à renouveler et à redynamiser l'ordre international fondé sur des règles, détermineront la résilience non seulement des démocraties, mais aussi du monde dans son ensemble.
11. Etant donné ces considérations, l'Assemblée se félicite de l'adoption le 22 septembre 2024 par l’Assemblée générale des Nations Unies de la Résolution A/RES/79/1 «Le Pacte pour l'avenir», qui témoigne de la volonté de la communauté internationale de réformer l'ordre international fondé sur des règles afin de relever les graves défis auxquels nous sommes confrontés. L'Assemblée invite donc instamment tous les États à mettre en œuvre les 56 mesures figurant dans le Pacte pour l'avenir, et en particulier:
11.1. à assurer le respect le plus strict du droit international, y compris la Charte des Nations Unies, le droit international des droits humains et le droit international humanitaire, ainsi que les résolutions du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale des Nations Unies;
11.2. à respecter le mandat de la Cour internationale de Justice et se conformer à ses décisions;
11.3. à adhérer à la Cour pénale internationale pour les pays qui ne l'ont pas encore fait, à coopérer pleinement avec la Cour pénale internationale et à se conformer à ses ordonnances pour les pays qui y ont déjà adhéré;
11.4. à s’abstenir de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, ou de commettre des actes d’agression; à respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de tous les États, à l’intérieur des frontières internationalement reconnues;
11.5. à s’engager à réformer le système multilatéral et ses institutions par le biais d'une approche inclusive, afin:
11.5.1. de réaliser une réforme du Conseil de sécurité des Nations Unies, en élargissant sa composition pour accroître sa représentativité et en donnant un rôle plus important aux régions sous-représentées ou non représentées, telles que l'Afrique, l'Amérique latine et les Caraïbes, et l'Asie-Pacifique; en révisant ses méthodes de travail; et en réexaminant le champ d’application et l'utilisation du droit de veto des membres permanents, afin d'éviter tout abus;
11.5.2. de revitaliser les travaux de l'Assemblée générale des Nations Unies, qui devrait être dotée de pouvoirs plus importants pour les questions liées au maintien de la paix et de la sécurité internationales, en particulier lorsque le Conseil de Sécurité des Nations Unies ne parvient pas à une position commune;
11.5.3. de réformer les institutions financières et économiques internationales, y compris le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, afin d’accorder aux pays en développement une représentation et des droits de vote plus importants au sein de leurs organes de décision, ainsi qu’un accès plus facile au financement et au crédit, et de recenser des moyens durables de restructurer leur dette;
11.6. à renforcer de manière significative les actions visant à relever les défis mondiaux liés au changement climatique et à la dégradation de l'environnement, ainsi qu’à la gouvernance mondiale de l’intelligence artificielle.
12. L'Assemblée rappelle que, lors de leur Quatrième sommet en 2023 à Reykjavik, les chefs d'État et de Gouvernement du Conseil de l'Europe ont réaffirmé leur volonté de «renforcer le rôle du Conseil de l’Europe dans l'architecture multilatérale européenne en évolution et dans la gouvernance mondiale en améliorant sa dimension extérieure, par le biais de ses bureaux de liaison et à travers un nouvel engagement fondé sur ses valeurs fondamentales avec les démocraties dans le monde et son voisinage méridional».
13. Conformément à la Déclaration de Reykjavík, l'Assemblée invite les États membres du Conseil de l'Europe:
13.1. à engager un dialogue avec les pays du Sud global et à utiliser toutes les voies institutionnelles et diplomatiques disponibles pour assurer la participation la plus large possible aux accords partiels élargis du Conseil de l'Europe;
13.2. à soutenir un rôle accru du Conseil de l'Europe en tant que partenaire des Nations Unies dans le renforcement du multilatéralisme fondé sur des règles et pour les questions liées à la sécurité démocratique, au maintien de la paix et à la protection de la démocratie, des droits humains et de l’État de droit, y compris par la reconnaissance du Conseil de l'Europe en tant qu'organisation régionale au sens de l’article 52, chapitre VIII de la Charte des Nations Unies;
13.3. à renforcer le partenariat stratégique entre le Conseil de l'Europe et l’Union européenne, ainsi que la coopération entre le Conseil de l'Europe et d’autres organisations multilatérales, en Europe et au-delà.
14. L'Assemblée rend hommage aux réalisations extraordinaires de la Cour européenne des droits de l'homme à travers sa jurisprudence, y compris sa contribution importante au droit international en tant que l'un des fondements du multilatéralisme. En vue de favoriser une interprétation et un développement harmonieux du droit international, elle invite la Cour à renforcer ses relations bilatérales et multilatérales et son dialogue avec la Cour internationale de justice, les différents mécanismes des Nations Unies en matière de droits humains, ainsi qu'avec les cours régionales des droits humains telles que la Cour interaméricaine des droits de l'homme et la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples.
15. En outre, en vue de renforcer le rôle moteur de l'Europe sur le plan international, l'Assemblée invite instamment les États membres du Conseil de l'Europe qui sont également membres de l'Union européenne:
15.1. à poursuivre plus vigoureusement l'intégration politique et économique de l’Union européenne, en s’appuyant sur les normes et les instruments pertinents du Conseil de l'Europe en matière de démocratie, de droits humains et d’État de droit;
15.2. à adopter des mesures concrètes pour donner suite à la Boussole stratégique pour l’Union européenne en matière de sécurité et de défense, adopté en 2022, et aux Conclusions du Conseil sur la sécurité et la défense de l’UE, adoptées en 2024, afin de veiller à ce que l'Union européenne puisse défendre avec succès ses frontières physiques, ses ressortissants, sa sécurité et ses valeurs fondatrices contre les menaces militaires et hybrides, en réduisant sa dépendance à l'égard d’alliés non européens;
15.3. à accélérer le processus d'élargissement de l’Union européenne tout en s'attachant à désamorcer les tensions et les différends, à contrer l’ingérence d’acteurs tiers malveillants, à renforcer la sécurité démocratique de l’Europe, et à parler d'une seule voix sur la scène internationale.
16. Convaincue de l’importance de la diplomatie parlementaire et de la nécessité d’impliquer davantage les parlements dans la conduite des relations internationales et de soutenir le multilatéralisme, l’Assemblée se félicite de la mesure 55 du Pacte pour l’avenir, dans laquelle les dirigeants mondiaux reconnaissent «l'importance du dialogue que l’Organisation des Nations Unies entretient avec les parlements nationaux et les parties prenantes, l’Organisation devant toutefois préserver son caractère intergouvernemental». En conséquence, l'Assemblée décide:
16.1. de poursuivre ses contacts réguliers avec les institutions et agences des Nations Unies, en encourageant la participation des parlementaires nationaux aux travaux des Nations Unies et à la mise en œuvre de sa mission;
16.2. de renforcer son dialogue et sa coopération avec les parlements nationaux, en particulier dans des domaines tels que les relations étrangères, la sécurité démocratique, l'instauration d'un climat de confiance et la prévention des conflits;
16.3. de continuer à agir en tant que plateforme inclusive et représentative pour le dialogue parlementaire, qui s’étend au-delà de l’appartenance au Conseil de l'Europe;
16.4. de renforcer le dialogue avec d'autres assemblées parlementaires internationales, telles que le Parlement européen, l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l’Assemblée parlementaire de l’Organisation du traité de l'Atlantique nord et l’Union interparlementaire;
16.5. de réexaminer et, le cas échéant, renforcer l'efficacité de ses accords de coopération avec d’autres assemblées ou organisations parlementaires internationales.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet de recommandation
adopté à l’unanimité par la commission le 11 décembre 2024.

(open)
1. L'Assemblée parlementaire attire l'attention du Comité des Ministres sur sa Résolution ... (2025) «La nécessité d’un nouvel ordre international fondé sur des règles», dans laquelle elle fait le point sur les défis actuels auxquels est confronté l'ordre international fondé sur des règles tel qu'il a été établi après la seconde guerre mondiale. L'évolution vers la multipolarité, avec des groupes de pays qui se rassemblent autour d'approches et de visions divergentes sur les valeurs, les systèmes de gouvernance et l'ordre international lui-même, s'accompagne d'une montée rapide de l'autoritarisme, du nationalisme, de l'isolationnisme, de l'unilatéralisme et de la politique de puissance pure. Le monde est actuellement confronté au nombre de conflits le plus élevé depuis la fin de la seconde guerre mondiale, et le Conseil de Sécurité des Nations Unies peine à s'acquitter de sa responsabilité première, qui est d'assurer le maintien de la paix et de la sécurité internationales, en raison des positions et des intérêts inconciliables de ses membres permanents.
2. Ce contexte d'instabilité et d'insécurité mondiales est d'autant plus préoccupant que, outre le maintien de la paix internationale, le monde est confronté à un certain nombre d'autres défis distincts et interdépendants qui ne peuvent être relevés que par une action concertée, qu’il s’agisse du changement climatique et de la dégradation de l'environnement, des migrations de masse, des inégalités croissantes, des risques sanitaires mondiaux, des crises alimentaires et énergétiques, du terrorisme et de l’extrémisme violent, de l'essor de l'intelligence artificielle et de ses effets sur tous les aspects de la société, ou de l’exploration de l'espace.
3. L’Assemblée soutient fermement le renouvellement du système multilatéral de gouvernance mondiale, qui devrait continuer à se fonder sur le respect du droit international et des principes inscrits dans la Charte des Nations Unies. La coopération entre les organisations internationales partageant ces valeurs et principes universels sera essentielle pour préserver le multilatéralisme et faire en sorte que les défis majeurs à venir puissent être relevés dans l’intérêt de l'humanité.
4. Fondé en 1949 en tant que projet de paix, le Conseil de l'Europe a apporté une contribution exceptionnelle au renforcement du multilatéralisme fondé sur des règles en promouvant la démocratie, les droits humains et l’État de droit et en contribuant à la création d'un espace juridique européen unique, par le biais de la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5) et son interprétation par la Cour européenne des droits de l'homme, et de plus de 200 autres conventions. En renforçant les normes démocratiques, la protection des droits humains et le respect de l’État de droit, le Conseil de l'Europe contribue à la sécurité démocratique et à la promotion de la paix internationale au sens de la Charte des Nations Unies.
5. Pour ces raisons, l'Assemblée lance un appel résolu au renforcement du partenariat entre le Conseil de l’Europe et les Nations Unies, conformément à la position adoptée par les chefs d'État et de Gouvernement du Conseil de l'Europe lors de leur Quatrième Sommet à Reykjavík en 2023, lorsqu'ils se sont engagés à renforcer «le rôle du Conseil de l’Europe dans l’architecture multilatérale européenne en évolution et dans la gouvernance mondiale en améliorant sa dimension extérieure, par le biais de ses bureaux de liaison et à travers un nouvel engagement fondé sur ses valeurs fondamentales avec les démocraties dans le monde et son voisinage méridional».
6. L'Assemblée rappelle que, dans sa Recommandation 1367 (1998) «Réforme des Nations Unies», elle avait déjà recommandé au Comité des Ministres de «reconnaître au Conseil de l’Europe la qualité d’une organisation régionale au sens du Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies, sur la base de sa contribution à la sécurité démocratique en Europe et de son statut d'observateur à l’Assemblée générale des Nations Unies», et d'«examiner les possibilités pratiques pour le Conseil de l'Europe, ainsi que pour son Assemblée parlementaire, d’assister effectivement aux sessions de l’Assemblée générale des Nations Unies à New York». Dans le contexte international actuel, ces recommandations sont encore plus pertinentes.
7. Compte-tenu de ce qui précède, l'Assemblée invite le Comité des Ministres:
7.1. à prendre les mesures appropriées pour obtenir la reconnaissance du Conseil de l'Europe en tant qu'organisation régionale au sens de l’article 52, chapitre VIII de la Charte des Nations Unies, compte tenu du rôle joué par le Conseil de l'Europe pour assurer la sécurité démocratique;
7.2. à renforcer la coopération entre les organes compétents du Conseil de l’Europe et des Nations Unies, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre des objectifs de développement durable, leurs travaux respectifs dans le domaine de la démocratie, des droits humains et de l’État de droit, ainsi que des questions telles que la protection de l'environnement, les avantages et les risques des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle, le rôle de la jeunesse et l'égalité entre les femmes et les hommes;
7.3. à envisager de mettre à jour l’Arrangement de 1971 sur la Coopération et la Liaison entre les Secrétariats des Nations Unies et du Conseil de l'Europe afin de mieux refléter les domaines potentiels de synergie et de coopération entre les deux organisations face aux défis actuels.
8. Enfin, l'Assemblée réitère ses Recommandations 1659 (2004) «Renforcement des Nations Unies» et 2150 (2019) «Renforcement de la coopération avec les Nations Unies dans la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030», dans lesquelles elle invitait le Comité des Ministres à trouver des modalités pour établir une représentation du Conseil de l'Europe au siège des Nations Unies à New York. Elle soutient donc fermement la proposition du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe d’établir un bureau de liaison du Conseil de l'Europe au siège des Nations Unies à New York et exhorte le Comité des Ministres à prendre sans délai les mesures nécessaires en ce sens.

C. Exposé des motifs par Mme Dora Bakoyannis, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. Le système multilatéral de gouvernance mondiale, qui a dominé les relations internationales pendant presque huit décennies, est de plus en plus mis à l'épreuve par la montée rapide du nationalisme, du protectionnisme et de la politique de puissance pure. L'ordre international ouvert fondé sur des règles et dirigé par les États-Unis – entendu comme un ensemble d'engagements pris par les États de fonctionner selon des principes, des règles et des institutions assurant une gouvernance qui n'est pas simplement dictée par le droit du plus fort – qui, malgré ses incohérences et ses lacunes, est devenu la norme mondiale dans l'ère de l'après-guerre froide, a évolué vers un monde multipolaire où les centres de pouvoir se font concurrence.
2. Dans le même temps, aujourd'hui plus que jamais, notre monde est confronté à une série de défis distincts mais interconnectés: le maintien de la paix et de la sécurité, le changement climatique et la dégradation de l'environnement, les migrations de masse, les inégalités croissantes, les risques sanitaires mondiaux, les crises alimentaires et énergétiques, l'utilisation abusive de l'intelligence artificielle et l'exploitation de l'espace extra-atmosphérique. La capacité à résister aux forces déstabilisatrices qui divisent et à concevoir un nouvel ordre international fondé sur des règles déterminera la résilience de la planète et des démocraties européennes.
3. La nécessité de renouveler l'ordre international fondé sur des règles découle de l'incapacité du cadre multilatéral actuel à répondre efficacement aux intérêts généraux de l'humanité et à les faire progresser. Le monde est actuellement confronté au nombre de conflits le plus élevé depuis la fin de la seconde guerre mondiale, et le Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU) peine à s'acquitter de sa responsabilité première, qui est d'assurer le maintien de la paix et de la sécurité internationales, en raison des positions et des intérêts inconciliables de ses membres permanents.
4. De plus, le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) a récemment déclaré que «le rythme actuel de l'action climatique entraînerait un réchauffement catastrophique de 3,1 °C au cours de ce siècle [...] et même si tous les engagements de réduction des émissions étaient tenus comme promis, les températures mondiales augmenteraient de 2,6 °C par rapport aux niveaux préindustriels, ce qui reste un scénario dévastateur pour l'humanité» 
			(3) 
			<a href='https://www.france24.com/en/live-news/20241024-world-already-paying-terrible-price-for-climate-inaction-guterres'>www.france24.com/en/live-news/20241024-world-already-paying-terrible-price-for-climate-inaction-guterres</a>..
5. Enfin, l'extrême pauvreté, que les objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies visaient à éradiquer d'ici 2030, touche actuellement environ 700 millions de personnes. Au rythme actuel des progrès, on estime que 600 millions de personnes vivront encore dans la pauvreté d'ici 2030, ce qui est loin de l'objectif initial.
6. La proposition de résolution à l'origine du présent rapport remonte à 2021 
			(4) 
			Doc. 15332.. En guise d'introduction, elle mentionne que, dans son rapport annuel 2020 consacré à la question du multilatéralisme, la Secrétaire Générale du Conseil de l'Europe d’alors, Mme Marija Pejčinović Burić, avait souligné comment la pandémie de covid-19 avait mis en évidence à la fois l'escalade des défis auxquels sont confrontées les institutions multilatérales et la centralité de ces institutions pour trouver des solutions communes à des problèmes communs 
			(5) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/secretary-general/report-2020'>Rapport
2020</a> – Secrétaire Générale (coe.int)..
7. La guerre d'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine a constitué la violation la plus brutale de l'ordre international fondé sur des règles dans l'histoire récente, la Fédération de Russie tentant de modifier les frontières territoriales d'un État souverain voisin, utilisant la violence contre les civils comme instrument de guerre et menaçant d'utiliser des armes nucléaires.
8. En outre, la communauté internationale s'est révélée incapable d'arrêter l'escalade de la violence au Proche-Orient, qui a commencé par une attaque terroriste effroyable du Hamas et d'autres milices contre Israël le 7 octobre 2023 et qui s'est transformée en un conflit régional majeur, faisant plus de 40 000 morts et provoquant une crise humanitaire aux proportions apocalyptiques à Gaza.
9. De plus, le résultat de l'élection présidentielle de 2024 aux États-Unis suscite d'importantes inquiétudes quant à l'orientation de la politique étrangère américaine et à l'impact qu'elle pourrait avoir sur le système multilatéral.
10. Afin de résister aux menaces qui pèsent sur le mode de vie européen, protéger la démocratie, les droits humains et l'État de droit, et préserver la position de l’Europe dans le monde, les États membres du Conseil de l’Europe doivent viser un ordre international ouvert, fondé sur des règles et sur le réalisme, plutôt qu'un club de plus en plus restreint de pays «partageant les mêmes idées».

2. Travaux antérieurs de l'Assemblée parlementaire

11. L'Assemblée parlementaire a adopté par le passé plusieurs résolutions et recommandations portant sur l'importance du multilatéralisme et sur la question de la réforme des Nations Unies. Ce rapport s'appuiera sur d'autres textes de l'Assemblée et les complétera, à savoir:
  • Résolution 2444 (2022) et Recommandation 2235 (2022) «La sécurité en Europe face à de nouveaux défis: quel rôle pour le Conseil de l’Europe?»;
  • Résolution 2473 (2022) «Renforcer le rôle du Conseil de l'Europe en tant que pierre angulaire de l'architecture politique européenne»;
  • Recommandation 2245 (2023) «Le Sommet de Reykjavik du Conseil de l'Europe – Unis autour de valeurs face à des défis hors du commun»;
  • Résolution (2515) 2023 et Recommandation (2259) 2023 «Le rôle du Conseil de l'Europe dans la prévention des conflits, le rétablissement de la crédibilité des institutions internationales et la promotion de la paix dans le monde».
12. Il est à noter que la question de la réforme du CSNU a également été soulevée dans la proposition de résolution «Prévention de l'usage abusif du droit de veto au Conseil de sécurité: une perspective des États membres de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe», qui a été déposée le 11 octobre 2022 
			(6) 
			Doc. 15628..

3. Développements récents sur le multilatéralisme

3.1. Le conseil consultatif de haut niveau des Nations Unies sur un multilatéralisme efficace

13. En 2020, les chefs d'État et de gouvernement commémorant le 75e anniversaire des Nations Unies ont pris les 12 engagements suivants: 1) ne laisser personne de côté; 2) protéger notre planète; 3) promouvoir la paix et prévenir les conflits; 4) respecter le droit international et faire régner la justice; 5) attribuer une place centrale aux femmes et aux filles; 6) instaurer un climat de confiance; 7) améliorer la coopération numérique; 8) moderniser l’Organisation des Nations Unies; 9) assurer un financement durable; 10) favoriser les partenariats; 11) être à l’écoute des jeunes et travailler à leurs côtés; 12) se préparer.
14. En 2021, le Secrétaire général des Nations Unies a rédigé le rapport «Notre programme commun», qui fournit des propositions clés concrètes pour répondre à ces engagements et vise à renforcer et à relancer l'action liée à l'Agenda 2030.
15. Par la suite, le Secrétaire général des Nations Unies a nommé en 2022 un conseil consultatif de haut niveau sur un multilatéralisme efficace, coprésidé par l'ancienne présidente du Liberia, Ellen Johnson Sirleaf, et l'ancien Premier ministre suédois, Stefan Löfven. Le Conseil consultatif a été chargé de conseiller les États membres sur des questions d'intérêt mondial majeur pour lesquelles une meilleure gouvernance pourrait faire la différence 
			(7) 
			<a href='https://highleveladvisoryboard.org/'>Home – High-Level
Advisory Board on Effective Multilateralism (highleveladvisoryboard.org).</a>.
16. En 2023, le conseil consultatif a publié le rapport «Une percée pour les peuples et la planète: Une gouvernance mondiale efficace et inclusive pour aujourd'hui et pour demain», qui présente un plan ambitieux de refonte de l'architecture mondiale 
			(8) 
			<a href='https://www.highleveladvisoryboard.org/breakthrough/'>A
Breakthrough for People and Planet (highleveladvisoryboard.org)</a>.. Le rapport appelle à six changements transformationnels: rétablir la confiance dans le multilatéralisme par l'inclusion et la responsabilité; rétablir l'équilibre avec la nature et fournir une énergie propre pour tous; garantir une finance abondante et durable qui profite à tous; soutenir une transition numérique juste qui libère la valeur des données et protège contre les préjudices numériques; renforcer des dispositifs de sécurité collective efficaces et équitables; et gérer les risques transnationaux actuels et émergents.

3.2. Réforme du Conseil de sécurité des Nations Unies

17. L'architecture actuelle de l’ordre international fondé sur des règles ne parvient pas à assurer la stabilité et la sécurité au niveau mondial. En particulier, le Conseil de sécurité des Nations Unies reflète les perspectives géopolitiques résultant de la seconde guerre mondiale. La plupart des États membres de l'ONU considèrent que le Conseil de sécurité est dépassé et inadapté pour représenter les réalités géopolitiques actuelles.
18. A titre d’illustration de la paralysie susmentionnée de l’organe décisionnaire suprême, une décennie s'est écoulée depuis que la dernière mission de maintien de la paix des Nations Unies a été autorisée par le Conseil de sécurité (la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine – MINUSCA). Au cours de cette période, en revanche, pratiquement toutes les missions de maintien de la paix des Nations Unies ont mis fin à leurs opérations, ont été invitées à se retirer ou à entamer une planification de la transition 
			(9) 
			Security Council Report,
«<a href='https://www.securitycouncilreport.org/atf/cf/%7B65BFCF9B-6D27-4E9C-8CD3-CF6E4FF96FF9%7D/transitions_2023.pdf'>UN
Transitions in a Fractured Multilateral Environment</a>», 8 décembre 2023..
19. Bien qu'il y ait un large consensus sur la nécessité de la réforme, peu de choses ont été réalisées jusqu'à présent. Le débat sur la réforme du Conseil de sécurité des Nations Unies s'articule autour de quelques questions clés:
  • l’adhésion (y compris l'augmentation du nombre de sièges permanents et non permanents);
  • la question du veto détenu par les cinq membres permanents;
  • la représentation régionale;
  • la taille d'un Conseil élargi et ses méthodes de travail, y compris la transparence;
  • la relation entre le Conseil de sécurité et l'Assemblée générale des Nations Unies.
20. Le rapport préparé par le conseil consultatif de haut niveau sur un multilatéralisme efficace présente quelques suggestions, notamment la possibilité de convoquer une conférence de révision de la Charte axée sur la réforme du Conseil de sécurité des Nations Unies, et invitant les États membres à s'engager à respecter les principes suivants:
  • Équité: le Conseil de sécurité devrait être élargi afin de refléter équitablement les régions qui sont chroniquement sous-représentées. Il conviendrait également d'étudier les possibilités d'attribuer des sièges à des régions plutôt qu'à des pays spécifiques et d'allonger la durée du mandat des membres non permanents;
  • Légitimité: les décisions du Conseil de sécurité ne devraient pas être contrôlées par un seul État disposant d'un droit de veto; il faut trouver des moyens de démocratiser ses actions. Un aspect essentiel de la légitimité est une action efficace et unifiée – la réforme devrait viser à construire cette unité. En particulier, il convient de limiter davantage le recours au droit de veto et d'explorer d'autres approches pour empêcher les États de bloquer des actions soutenues par une majorité décisive de membres. Si le Conseil de sécurité ne peut ou ne veut pas agir face aux menaces qui pèsent sur la sécurité internationale, la question devrait être immédiatement soumise à l'Assemblée générale pour qu'elle prenne des mesures, comme le prévoit déjà la Résolution 377A(V) «L’Union pour le maintien de la paix», adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 3 novembre 1950 
			(10) 
			<a href='https://ask.un.org/faq/177134'>https://ask.un.org/faq/177134</a>.;
  • Modernisation: le Conseil de sécurité doit pouvoir s'adapter aux nouvelles tendances, notamment en trouvant des moyens créatifs de refléter les nouveaux paysages géopolitiques, d'inscrire des sujets émergents à son ordre du jour et de faire entendre un large éventail de voix dans ses délibérations.

Le rapport appelle également à redoubler d'efforts pour permettre au niveau régional de jouer un rôle de premier plan dans la prévention des conflits, conformément au principe de subsidiarité.

21. En avril 2022, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté la Résolution A/76/262 «Mandat permanent permettant à l’Assemblée générale de tenir un débat en cas de recours au droit de veto au Conseil de sécurité», qui indique que son président doit convoquer une réunion formelle de l'Assemblée générale des Nations Unies dans les dix jours ouvrables suivant l’exercice du droit de veto par un ou plusieurs membres permanents du Conseil et tenir un débat sur la situation pour laquelle le veto a été exprimé, à condition que l'Assemblée ne se réunisse pas en session extraordinaire d'urgence sur la même situation 
			(11) 
			<a href='https://digitallibrary.un.org/record/3969448?v=pdf'>https://digitallibrary.un.org/record/3969448?v=pdf</a>..
22. Lors de sa session de 2023, l'Assemblée générale des Nations Unies a convoqué le groupe de travail à composition non limitée, chargé d'examiner la question de la représentation équitable au Conseil de sécurité et de l'augmentation du nombre de ses membres, ainsi que d'autres questions ayant trait au Conseil de sécurité 
			(12) 
			<a href='https://www.un.org/fr/ga/screform/'>Question de la représentation
équitable au Conseil de sécurité | Assemblée générale des Nations
Unies</a>.. Le document révisé des coprésidents sur les éléments de convergence et de divergence, présenté en avril 2023, a montré que des progrès pouvaient probablement déjà être réalisés sur certains aspects liés aux méthodes de travail du Conseil de sécurité, mais qu'un accord sur des changements plus profonds, liés à sa composition et à l'utilisation du droit de veto, serait manifestement beaucoup plus difficile à obtenir.
23. Le Conseil de sécurité des Nations Unies organise lui-même périodiquement des réunions axées sur l'importance du respect du multilatéralisme et de la Charte des Nations Unies 
			(13) 
			Security Council Report, <a href='https://www.securitycouncilreport.org/whatsinblue/2024/07/open-debate-on-multilateral-cooperation-in-the-interest-of-a-more-just-democratic-and-sustainable-world-order.php?utm_medium=email&utm_campaign=15%20July%202024%20Campaign&utm_content=15%20July%202024%20Campaign+CID_5f5b32a91ee8863821da29d76d4f9115&utm_source=Email%20Newsletter&utm_term=Open%20Debate%20on%20Multilateral%20cooperation%20in%20the%20interest%20of%20a%20more%20just%20democratic%20and%20sustainable%20world%20order'>«Open
Debate on ‘Multilateral cooperation in the interest of a more just,
democratic and sustainable world order’</a>», 15 juillet 2024.. La dernière réunion de ce type a été organisée par la Fédération de Russie en juillet 2024. Dans l'ensemble, la réunion a été une fois de plus caractérisée par des accusations croisées entre les membres permanents sur l'interprétation et le respect de la Charte des Nations Unies 
			(14) 
			UN Press, «<a href='https://press.un.org/en/2024/sc15766.doc.htm'>States
Must Commit to Multilateralism, Many Speakers Tell Security Council
Debate</a>», 16 juillet 2024..
24. Lors de ma mission d'information à New York (12-14 mars 2024), j'ai eu la chance de rencontrer le représentant permanent de la France, l'ambassadeur Nicolas de Rivière, le représentant permanent adjoint des États-Unis d'Amérique, l'ambassadeur Robert Wood, et le représentant permanent adjoint du Brésil, l'ambassadeur Norberto Moretti.
25. Parmi les questions abordées figurait le déficit de confiance envers le Conseil de sécurité des Nations Unies, qui est de plus en plus perçu comme une entité bloquée, incapable d'obtenir de bons résultats pour la communauté mondiale. Tous mes interlocuteurs sont convenus, au cours des différentes réunions, qu'il est de plus en plus difficile d'obtenir des résultats concrets et partagés au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies. D'un autre côté, il existe encore des exemples de sujets sur lesquels un accord peut être trouvé: le consensus autour des objectifs de développement durable et la gestion des crises en Somalie et en Haïti ont été cités comme exemples. En outre, comme l'a souligné l'un d'entre eux, la Charte des Nations Unies a été modifiée par le passé, démontrant qu’elle peut être révisée à nouveau.
26. La réforme du Conseil de sécurité, notamment en ce qui concerne sa composition et l'utilisation du droit de veto par les membres permanents, ne peut en effet se faire que par le biais d'un amendement à la Charte des Nations Unies, en appliquant l'article 108 (par l'adoption d'amendements par les membres de l'Assemblée générale des Nations Unies et la ratification par les deux tiers des États membres de l'ONU, y compris tous les membres permanents du CSNU) ou l'article 109 (qui envisage la possibilité de convoquer une conférence générale des États membres de l'ONU dans le but de réviser la Charte des Nations Unies).
27. Toutefois, dans la situation actuelle, bien que tous les éléments susmentionnés constituent des signes positifs de la poursuite des discussions et des négociations, les perspectives de réforme du Conseil de sécurité des Nations Unies en vue de modifier le déséquilibre actuel de la représentation ou de limiter l'utilisation du droit de veto par ses membres permanents sont, en réalité, très faibles.

3.3. Sommets des BRICS

28. En juin 2021, les ministres des affaires étrangères du Brésil, de la Fédération de Russie, de l'Inde, de la Chine et de l'Afrique du Sud ont adopté une déclaration commune sur le renforcement et la réforme du système multilatéral 
			(15) 
			<a href='https://mea.gov.in/bilateral-documents.htm?dtl/33888/BRICS_Joint_Statement_on_Strengthening_and_Reforming_the_Multilateral_System'>BRICS
Joint Statement on Strengthening and Reforming the Multilateral
System (mea.gov.in)</a>., affirmant leurs valeurs communes de paix, de liberté et d'État de droit, de respect des droits humains et de démocratie, ainsi qu'un système international multipolaire plus impartial, plus juste, plus inclusif, plus équitable et plus représentatif, fondé sur le droit international et la Charte des Nations Unies, en particulier l'égalité souveraine de tous les États, le respect de leur intégrité territoriale et le respect mutuel des intérêts et des préoccupations de tous.
29. Les ministres ont également réaffirmé que le Conseil de sécurité des Nations Unies est seul habilité à imposer des sanctions et ont appelé à consolider et à renforcer les méthodes de travail des comités des sanctions du Conseil de sécurité des Nations Unies afin de garantir leur efficacité, leur réactivité et leur transparence et que le multilatéralisme devrait promouvoir le droit international, la démocratie, l'équité et la justice, le respect mutuel, le droit au développement et la non-ingérence dans les affaires intérieures de tout pays, sans faire deux poids, deux mesures.
30. Des points de vue similaires ont été réitérés par les dirigeants des BRICS à la suite de l'agression à grande échelle de la Fédération de Russie contre l'Ukraine, avec des déclarations qui n'ont pas condamné l'agression et la grave violation du droit international et de la Charte des Nations Unies par la Fédération de Russie et qui ont soutenu les pourparlers entre la Fédération de Russie et l'Ukraine sur «la situation en Ukraine» 
			(16) 
			<a href='http://brics2022.mfa.gov.cn/eng/hywj/ODMM/202205/t20220529_10694180.html'>Joint
Statement of the BRICS Leaders (mfa.gov.cn).</a>. Dans la déclaration de 2022, «la Chine et la Russie ont réitéré l'importance qu'elles attachent au statut et au rôle du Brésil, de l'Inde et de l'Afrique du Sud dans les affaires internationales et ont soutenu leur aspiration à jouer un rôle plus important au sein des Nations Unies».
31. Lors du Sommet des BRICS à Johannesburg en août 2023 
			(17) 
			<a href='https://brics2023.gov.za/foreign-ministers-joint-statements/'>Foreign
Ministers’ Joint Statements – BRICS 2023.</a>, les dirigeants des BRICS ont accepté d'admettre six nouveaux pays membres: l'Arabie saoudite, l'Argentine, l'Égypte, les Émirats arabes unis, l'Éthiopie, et l'Iran; tous ces pays, à l'exception de l'Argentine, ont officiellement rejoint le groupe en janvier 2024, et d'autres pays envisagent à présent de faire de même, y compris la Türkiye. S'adressant au Sommet, le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, s'est dit préoccupé par le risque de fracture de l'ordre mondial et a lancé un appel pour rétablir d'urgence la confiance et redynamiser le multilatéralisme 
			(18) 
			<a href='https://www.un.org/sg/en/content/sg/speeches/2023-08-24/secretary-generals-opening-remarks-press-encounter-brics-summit-meeting'>«Secretary-General's
opening remarks at press encounter at BRICS Summit meeting», United
Nations Secretary-General.</a>.
32. Enfin, dans leur déclaration adoptée lors du sommet des BRICS qui s'est tenu en octobre 2024 en Fédération de Russie, les dirigeants des BRICS ont noté «l'émergence de nouveaux centres de pouvoir, de décision politique et de croissance économique», et ont souligné «la nécessité d'adapter l'architecture actuelle des relations internationales pour mieux refléter les réalités contemporaines» tout en réaffirmant leur «engagement en faveur du multilatéralisme et du respect du droit international» 
			(19) 
			<a href='https://dirco.gov.za/xvi-brics-summit-kazan-declaration-strengthening-multilateralism-for-just-global-development-and-security-kazan-russian-federation-23-october-2024/'>XVI
BRICS Summit – Kazan Declaration</a>, 23 octobre 2024..
33. Le Secrétaire général de l'ONU présent au Sommet de 2024, a réaffirmé que l'invasion de l'Ukraine par la Fédération de Russie violait la Charte de l'ONU et le droit international. L'ONU a justifié la rencontre du Secrétaire général de l'ONU avec le Président Poutine, malgré un mandat actif de la Cour pénale internationale contre le dirigeant russe, comme étant strictement basée sur la nécessité opérationnelle 
			(20) 
			<a href='https://news.un.org/en/story/2024/10/1156161'>https://news.un.org/en/story/2024/10/1156161</a>.. Sa présence au Sommet a néanmoins été fortement critiquée par le Gouvernement ukrainien, qui a déclaré qu'elle portait atteinte à la réputation de l'ONU 
			(21) 
			<a href='https://www.bbc.com/news/articles/clyd4xg70ejo'>www.bbc.com/news/articles/clyd4xg70ejo</a>..
34. Au-delà des déclarations formelles de ses dirigeants en faveur du multilatéralisme, le format des BRICS est une alternative au système actuel de gouvernance mondiale. À titre d'exemple, les BRICS ont créé, en 2015, une banque multilatérale de développement, la New Development Bank, ainsi qu'un fonds monétaire appelé Contingent Reserve Arrangement, dans une première tentative d'établir une architecture financière multilatérale alternative. Bien que le succès de ces institutions ait été plutôt modeste, elles incarnent l'effort des pays BRICS pour se positionner comme une alternative aux institutions multilatérales perçues comme étant trop influencées par les pays occidentaux 
			(22) 
			Carnegie
Endowment for International Peace, «<a href='https://carnegieendowment.org/research/2024/10/brics-summit-emerging-middle-powers-g7-g20?lang=en'>BRICS
Expansion, the G20, and the Future of World Order</a>», 9 octobre 2024..
35. Il convient de noter que les BRICS ne représentent pas un groupe d'États politiquement alignés. Ma discussion avec l'ambassadeur brésilien a clairement montré qu'il existe des différences politiques significatives et bien articulées au sein des BRICS. Comme nous le verrons dans le chapitre suivant, l'accent reste mis sur l'approfondissement des relations financières et commerciales entre les membres.

3.4. La réforme des institutions financières multilatérales et des banques multilatérales de développement

36. La plus ancienne institution financière internationale est la Banque des règlements internationaux, créée en 1930 pour régler les réparations financières découlant du traité de Versailles à la fin de la première guerre mondiale. L'architecture financière mondiale actuelle reflète toutefois le modèle conçu en 1944 lors de la Conférence monétaire et financière des Nations Unies (la Conférence de Bretton Woods).
37. L'objectif principal de la conférence de Bretton Woods était de concevoir un nouvel ordre économique et monétaire pour l'après-guerre, qui soutiendrait la reconstruction et garantirait que les troubles économiques et financiers de l'entre-deux-guerres ne soient plus qu'un cauchemar du passé. La conférence a conduit à la création de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (la première des cinq organisations composant le Groupe de la Banque mondiale) et du Fonds monétaire international (FMI).
38. Au cours des décennies suivantes, plusieurs autres organismes financiers ont été créés, soit pour répondre à des besoins spécifiques de financement ou de réglementation, soit dans une optique régionale. Les banques régionales de développement les plus importantes sont la Banque de développement du Conseil de l'Europe (1956), la Banque européenne d'investissement (1958), la Banque interaméricaine de développement (1959), la Banque africaine de développement (1964), la Banque asiatique de développement (1966) et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (1991).
39. La réforme de l'architecture financière mondiale a été périodiquement discutée depuis la création des institutions de Bretton Woods, en particulier à la suite des crises macroéconomiques et financières mondiales. Les principales critiques portent sur les points suivants:
  • les déséquilibres de pouvoir au sein des organes directeurs des différentes organisations, qui favorisent les pays industrialisés par le biais d'une répartition inéquitable des droits de vote entre les États membres, en fonction de leurs contributions financières – reflet d'un système envisagé avant la fin du colonialisme. Un autre signe de cet aspect est que les dirigeants de la Banque mondiale et du FMI sont toujours choisis parmi les candidats nommés par les États-Unis et les pays européens, respectivement, sans aucune chance de représentation des pays du Sud global;
  • l'utilisation de mesures de conditionnalité accompagnant le soutien financier aux pays en détresse, souvent avec des résultats mitigés en termes de performance macroéconomique et d'indicateurs sociaux tels que l'égalité et la distribution des revenus 
			(23) 
			IRC Task Force on IMF
and Global Financial Governance Issues, «<a href='https://www.ecb.europa.eu/pub/pdf/scpops/ecb.op235~e70851374f.en.pdf'>Conditionality
and design of IMF-supported programmes</a>», ECB Occasional Paper Series N0 235 / October 2019.;
  • l'inégalité d'accès aux liquidités et aux prêts entre les pays, en particulier pour les pays en développement du Sud global qui doivent souvent faire face à des coûts d'emprunt plus élevés sur des marchés financiers volatils. En combinaison avec le sous-investissement récurrent dans les biens publics mondiaux, il est de plus en plus difficile pour les pays en développement d'investir suffisamment dans des secteurs fondamentaux tels que la santé, l'éducation et la protection sociale 
			(24) 
			Nations
Unies, «<a href='https://www.un.org/sites/un2.un.org/files/our-common-agenda-policy-brief-international-finance-architecture-fr.pdf'>Notre
programme commun Note d’orientation 6: Reformes de l’architecture
financière internationale</a>», mai 2023.. Plus généralement, l'augmentation de la dette publique dans les pays en développement (et son coût associé représenté par des taux d'intérêt plus élevés) les ralentit fortement dans la réalisation des ODD fixés dans l'Agenda 2030 par les Nations Unies.
40. Les crises énergétiques et alimentaires actuelles, conséquence directe de l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Fédération de Russie, associées aux pertes croissantes causées par des événements directement liés au changement climatique, ajoutent de la pression à la reprise déjà difficile suite à la pandémie de covid-19. Ces crises multidimensionnelles se sont rapidement propagées à l'échelle internationale en raison du niveau d'intégration des marchés financiers, mais elles frappent plus durement les pays en développement, alimentant le ressentiment et le scepticisme à l'égard des organisations financières multilatérales actuelles.
41. En conséquence, les débats concernant la réforme de l'architecture financière internationale et des banques multilatérales de développement 
			(25) 
			UN Press, <a href='https://press.un.org/en/2023/ecosoc7121.doc.htm'>«World
Leaders Lay Foundation for Reforming International Financial Architecture,
Expediting Socioeconomic Progress, as Financing for Development
Forum Concludes»</a>. (y compris le dernier Sommet pour un nouveau pacte financier mondial tenu à Paris en juin 2023) tournent, entre autres, autour des mesures suivantes:
  • réformer le système de gouvernance du FMI et de la Banque mondiale pour qu'il soit plus représentatif des pays à faibles et moyens revenus, en envisageant une répartition différente et plus démocratique des quotas et des droits de vote;
  • restructurer la dette, en élargissant éventuellement le cercle des bénéficiaires aux économies à revenu intermédiaire, afin d'alléger le fardeau qui pèse sur les finances publiques des pays en développement et de débloquer des ressources pour financer des investissements à l'appui des ODD;
  • améliorer l'accès des pays en développement aux liquidités financières, afin qu'ils puissent emprunter de manière durable et planifier correctement leurs investissements à long terme. Il s'agit notamment d'encourager une plus grande participation des capitaux privés dans les projets de développement;
  • mieux protéger les pays contre les chocs économiques systémiques, en permettant d'activer rapidement les filets de sécurité financière et d'acheminer rapidement les ressources vers les pays qui en ont besoin;
  • restructurer l'architecture fiscale mondiale pour lutter contre l'évasion et la fraude fiscales ainsi que contre les flux financiers illicites 
			(26) 
			Reuters, <a href='https://www.reuters.com/business/finance/what-is-bridgetown-initiative-asking-paris-financial-summit-2023-06-20/'>«Explainer:
What is the 'Bridgetown Initiative' asking for at Paris financial
summit?»; European Parliament In-depth Analysis, «Reform of the
global financial architecture in response to global challenges.
How to restore debt sustainability and achieve SDGs?», juin 2024.</a>.
42. La nécessité de réformer l'architecture financière internationale a également été soulignée lors des réunions que j'ai tenues à New York. Mes interlocuteurs ont insisté sur l'importance d'inclure les gouvernements des pays émergents dans le processus de conception d'un nouveau cadre financier multilatéral, qui tienne compte des particularités des différentes régions. Ce dernier point a été perçu comme une condition sine qua non de l'engagement effectif des pays du Sud global en faveur de l'ordre international ouvert fondé sur des règles.

3.5. Le Sommet de l’avenir des Nations Unies

43. Le 22 septembre 2024, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté la résolution A/RES/79/1 «Le Pacte pour l'avenir», par laquelle les chefs d'État et de gouvernement se sont engagés à prendre 56 mesures visant à protéger les besoins et les intérêts des générations actuelles et futures.
44. Le Pacte reconnaît la profonde transformation actuelle du monde, confronté à des risques catastrophiques et existentiels, et le fait que ces défis sont interconnectés et dépassent les capacités d'un seul État. Cela implique un nouvel engagement en faveur d'une coopération internationale fondée sur le respect du droit international, y compris la Charte des Nations Unies 
			(27) 
			Résolution A/RES/79/1
de l’Assemblée Générale des Nations Unies «<a href='https://undocs.org/fr/A/79/L.2'>Pacte pour l'avenir</a>», 22 septembre 2024.
45. Le Pacte regroupe les 56 mesures dans 5 domaines: le développement durable et le financement du développement; la paix et la sécurité internationales; les sciences, la technologie et l'innovation et la coopération numérique; les jeunes et les générations futures; transformer la gouvernance mondiale.
46. En outre, le Pacte est complété par deux annexes: le Pacte numérique mondial, qui définit les objectifs suivants: réduire toutes les fractures numériques, favoriser un espace numérique inclusif, ouvert, sûr et sécurisé qui respecte, protège et promeut les droits humains, et renforcer la gouvernance internationale de l'intelligence artificielle; et la Déclaration sur les générations futures, qui contient une série de principes directeurs, d'engagements et de mesures visant à promouvoir la solidarité intergénérationnelle et le dialogue entre les générations 
			(28) 
			<a href='https://press.un.org/en/2024/ga12627.doc.htm'>https://press.un.org/en/2024/ga12627.doc.htm#:~:text=The%20motion%20was%20adopted%20by,Syria)%2C%20with%2015%20abstentions</a>..
47. Il convient de noter qu'au cours du débat, la Fédération de Russie avait soumis un amendement proposant l'ajout d'une formulation relative à l'intervention de l'ONU dans les «questions qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un État». Cette proposition a cependant été rejetée par une large majorité (seuls le Belarus, la Corée du Nord, l'Iran, le Nicaragua, la Fédération de Russie, le Soudan et la Syrie l'ont soutenue). Le Pacte a ensuite été adopté sans vote.
48. Les représentants de la France, du Royaume-Uni et des États-Unis ont tous exprimé leur soutien à un système multilatéral réformé, y compris le Conseil de sécurité des Nations unies. Le représentant russe, quant à lui, tout en soulignant que l'ONU doit jouer un rôle central dans un monde multipolaire, a également critiqué le texte du Pacte comme n'étant pas consensuel. Le message du représentant chinois était plus conciliant, puisqu'il a souligné que les grands pays devaient briser les cercles géopolitiques et servir de propulseurs pour la solidarité mondiale et de points d'ancrage pour la paix internationale 
			(29) 
			<a href='https://press.un.org/en/2024/ga12630.doc.htm'>https://press.un.org/en/2024/ga12630.doc.htm.</a>.
49. En ce qui concerne le développement durable et le financement du développement, le Pacte réitère l'engagement des États membres à atteindre les ODD d'ici à 2030, en plaçant l'éradication de la pauvreté au centre de leurs efforts, et en comblant le déficit de financement dans les pays en développement. Il réaffirme également que tous les droits humains sont universels, indivisibles, intimement liés, interdépendants et se renforcent mutuellement, et souligne l'importance de promouvoir l'État de droit aux niveaux national et international. Il contient des engagements pour lutter contre le changement climatique et la dégradation de l'environnement.
50. En ce qui concerne la paix et la sécurité internationales, les chefs d'État et de gouvernement s'engagent à établir une paix juste et durable, en agissant conformément au droit international, en respectant pleinement l'égalité souveraine de tous les États membres, les principes de l'égalité des droits et d'autodétermination des peuples, l'obligation de s'abstenir de recourir à la menace ou à l'usage de la force contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout État, et en réglant les différends internationaux par des moyens pacifiques.
51. Ils réaffirment également l'obligation de tous les États de se conformer aux décisions de la Cour internationale de Justice. Particulièrement pertinent pour le Conseil de l'Europe, le Pacte souligne l'importance du partenariat des Nations Unies avec les organisations régionales et sous-régionales pour prévenir et résoudre les conflits, par le biais de mécanismes de confiance, d'alerte rapide et de gestion des crises.
52. En outre, les chefs d'État et de gouvernement s'engagent à s'attaquer aux causes profondes des conflits, mais aussi à protéger les populations civiles dans les conflits armés, en garantissant une aide humanitaire en cas de besoin, à poursuivre l’objectif d'un monde exempt d'armes nucléaires et à respecter leurs obligations et engagements en matière de désarmement.
53. En ce qui concerne les sciences, la technologie et l'innovation et la coopération numérique, le Pacte comporte des engagements visant à saisir les occasions dans l’intérêt des populations et de la planète, en veillant à ce qu'elles contribuent à la pleine jouissance des droits humains de tout le monde. En ce qui concerne les jeunes et les générations futures, les engagements se concentrent sur les investissements dans le développement social et économique des enfants et des jeunes, et sur leur participation réelle à tous les niveaux.
54. Les chefs d'État et de gouvernement reconnaissent, par le biais du Pacte, la nécessité de renforcer et de redynamiser le multilatéralisme et d'approfondir la coopération internationale. Ils s'engagent notamment à réformer le Conseil de sécurité des Nations unies en suivant les principes suivants: réparer en priorité l'injustice historique à l'égard de l'Afrique; élargir la composition du Conseil pour qu'il soit plus représentatif des réalités du monde contemporain; poursuivre les débats sur les questions de la représentation des groupes interrégionaux, des catégories de membres, du nombre total de membres, ainsi que du champ d’application et de l'utilisation du droit de veto. Le Pacte prévoit également des actions visant à revitaliser les travaux de l'Assemblée générale, du Conseil économique et social et de la Commission de consolidation de la paix.
55. Enfin, le Pacte aborde la nécessité de réformer l'architecture financière internationale pour faire face aux défis d'aujourd'hui et de demain, renforcer la voix et la représentation des pays en développement dans les institutions économiques et financières internationales (y compris le FMI et la Banque mondiale), mobiliser des financements supplémentaires pour les ODD et permettre aux pays d'emprunter de manière viable afin d’investir dans leur développement à long terme.
56. Les négociations qui ont abouti à l'adoption du Pacte ont montré que la grande majorité des États membres des Nations Unies continue à soutenir la coopération multilatérale, malgré la méfiance de plusieurs pays du Sud global à l'égard de l'Occident global et les visions opposées de l'Occident global et de l'Est global sur les principes fondamentaux de l'ordre international.
57. Bien que le Pacte contienne une pléthore d'engagements significatifs et ambitieux, le texte n'est pas contraignant pour les États membres et ne peut être considéré que comme la première étape d'un processus de réforme beaucoup plus long et compliqué.
58. Les États membres vont maintenant devoir déployer des efforts concrets pour donner suite aux 56 engagements convenus. Si le Pacte prévoit qu'un examen de sa mise en œuvre globale sera effectué lors de la 83e session de l'Assemblée générale des Nations Unies (c'est-à-dire en 2028), il manque en fait un calendrier et un mécanisme de suivi plus concrets pour les 56 mesures.
59. Néanmoins, le Pacte pour l'avenir contient les germes potentiels d'une réforme en profondeur du multilatéralisme: l'engagement commun des États membres à placer le droit international au centre de la discussion montre l'importance qu'ils accordent encore au dialogue et à la coopération. Reste à voir comment cela se traduira dans les faits.
60. En particulier, plusieurs questions se posent: les demandes légitimes du Sud global en faveur d'une plus grande représentation seront-elles satisfaites? L'ordre international fondé sur des règles pourra-t-il survivre aux attaques perturbatrices des régimes autoritaires de l'Est global? L'Occident global pourra-t-il faire face à ses propres faiblesses, telles que les accusations de double standard à son avantage dans l'application du droit international?
61. Les pays européens ont l'obligation morale de jouer leur rôle en aidant à trouver des réponses à ces questions, guidés par les valeurs communes de la démocratie, des droits humains et de l'État de droit.

4. Réflexions en cours sur un nouvel ordre international fondé sur des règles

62. La conceptualisation de l'ordre international fondé sur des règles découle de la fin de la seconde guerre mondiale et de la nécessité d'établir un système de gouvernance mondiale qui garantirait la résolution pacifique des différends entre les États par la coopération, le dialogue, le respect de leur souveraineté et l'inviolabilité de leurs frontières. La clé de voûte de cette structure a été la création des Nations Unies, avec la signature de la Charte des Nations Unies en 1945. Ce processus a été fortement influencé par des valeurs telles que le caractère central de l'État de droit et le respect des droits humains et des libertés fondamentales, qui sont devenues essentielles à la Charte des Nations Unies et ont été consacrées dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et les pactes internationaux.
63. Le système géopolitique a évolué depuis lors: bipolaire jusqu'à la fin de la guerre froide, il est devenu unipolaire jusqu'en 2008 et, depuis lors, il est en transition vers une multipolarité complexe. De manière générale, trois sphères d'influence peuvent être identifiées: un Occident global dirigé par les États-Unis, un Orient global dirigé par la Chine et un Sud global diversifié 
			(30) 
			G. J. Ikenberry, «<a href='https://doi.org/10.1093/ia/iiad284'>Three
Worlds: the West, East and South and the competition to shape global
order</a>», International Affairs, Volume 100, édition du 1er
janvier 2024..
64. L'Occident global est constitué, en grande partie, d'États démocratiques, principalement en Europe et en Amérique du Nord, mais aussi du Japon, de la Corée du Sud, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande. En termes de structure multilatérale, l'Occident global serait favorable à la préservation de la gouvernance mondiale multilatérale actuelle. Le rôle des États-Unis en tant que puissance hégémonique au niveau mondial et en tant que chef de file de l'Occident global est toutefois en train de s'estomper. En outre, les résultats de l’élection présidentielle de 2024 aux États-Unis pourraient avoir des répercussions sur la position et la cohérence de l'Occident global, avec des implications pour la sécurité en Europe qu'il n'est pas facile de prévoir à ce stade.
65. D'autre part, l'Est global, conduit par la Chine et suivi par la Russie, l'Iran, la Corée du Nord et leurs alliés, a une ligne autoritaire forte, cherchant à diminuer l'influence occidentale et à saper l'ordre international actuel. Ils rejettent le concept de démocratie libérale, qu'ils considèrent comme une hypocrisie occidentale, et promeuvent un système de gouvernance anti-libéral. Leur vision du monde repose sur l'égalité souveraine et l'intégrité territoriale de tous les pays en tant que principes de base du droit international, ainsi que sur la non-ingérence dans leurs affaires intérieures et leur droit à choisir de manière indépendante leurs systèmes sociaux et leurs voies de développement 
			(31) 
			Ministère des affaires
étrangères de la République populaire de Chine, «<a href='https://www.mfa.gov.cn/mfa_eng/xw/wjbxw/202405/t20240530_11343274.html'>The
Global Security Initiative – Concept Paper</a>», 21 février 2023..
66. Le concept de Sud global, bien qu'imparfait en raison de la diversité de ses membres, décrit un grand groupe de pays d'Amérique latine, d'Afrique et d'Asie, qui se sont positionnés dans un rôle d'État pivot entre les modèles de gouvernance mondiale proposés par l'Ouest global et l'Est global. L'attrait croissant des forums et des initiatives de l’Est global pour une partie de plus en plus importante du Sud global s'explique par deux facteurs clés: le désir de s'affranchir des doubles normes imposées par la «camisole de force unipolaire» occidentale et le ressentiment à l'égard de la domination occidentale sur les institutions et les systèmes financiers internationaux, qui étouffe les opportunités de croissance pour une grande partie du monde en développement 
			(32) 
			<a href='https://www.elibrary.imf.org/view/journals/022/0061/003/article-A004-en.xml'>www.elibrary.imf.org/view/journals/022/0061/003/article-A004-en.xml</a>.
67. Lors d'une récente réunion que j'ai eue en Grèce avec dix ambassadeurs de pays arabes, l'argument du «deux poids, deux mesures» en ce qui concerne les conflits en Ukraine et à Gaza a été utilisé à plusieurs reprises. Ils ont souligné le soutien inconditionnel des puissances occidentales aux actions d'Israël à Gaza et au Liban, souvent justifié par le refrain «Israël a le droit de se défendre», ce qui contraste fortement avec les sanctions sévères imposées à la Russie pour son invasion de l'Ukraine. À leurs yeux, si la Fédération de Russie a déclenché la guerre en Ukraine, tout comme le Hamas l'a fait à Gaza, les violations répétées du droit international par Israël ont fait de ce dernier l'agresseur.
68. Ce double standard a renforcé le ressentiment dans le Sud global, où beaucoup considèrent que l'engagement des démocraties occidentales en faveur des droits humains se limite à leurs propres frontières. L'hypocrisie est soulignée par des comparaisons, comme l'insistance de l'Occident sur l'intégrité territoriale de l'Ukraine alors qu'il a ignoré ce principe lors de l'invasion de l'Irak par les États-Unis en 2003. Ce dernier point explique pourquoi seuls 45 pays ont imposé des sanctions à la Fédération de Russie à l'heure actuelle. Comme l'a déclaré le ministre indien des Affaires étrangères, Subrahmanyam Jaishankar: «L'Europe doit sortir de la mentalité selon laquelle les problèmes de l'Europe sont les problèmes du monde, mais les problèmes du monde ne sont pas les problèmes de l'Europe» 
			(33) 
			<a href='https://www.thehindu.com/news/national/jaishankars-europe-remark-echoes-in-german-chancellors-statement-in-munich/article66531087.ece'>www.thehindu.com/news/national/jaishankars-europe-remark-echoes-in-german-chancellors-statement-in-munich/article66531087.ece</a>..
69. Dans le même temps, le rôle, l'efficacité et la légitimité des institutions internationales traditionnelles sont de plus en plus érodés par une nouvelle vague de nationalisme populiste, incarnée par des mouvements tels que «America First», «China First» et, plus largement, par la philosophie «mon pays d'abord et seulement», qui gagne du terrain dans le monde entier.
70. Le paradigme économique mondial est en train de passer des principes néolibéraux de libre-échange, qui, malgré leurs défauts, ont créé une croissance massive et sorti 1,1 milliard de personnes de la pauvreté, à une approche plus mercantiliste, caractérisée par le «friend-shoring» américain, le «de-risking» européen et l'«autosuffisance» chinoise. Près de 3 000 restrictions commerciales ont été imposées dans le monde l'année dernière. Selon le FMI, la fragmentation des échanges qui en résulte pourrait entraîner des pertes à long terme s'élevant à 7 % du PIB mondial, tout en entravant la collaboration sur des défis mondiaux essentiels tels que la transition écologique et les progrès en matière d'intelligence artificielle.
71. Cette réalité exerce une pression énorme sur les économies des pays à faible revenu. Depuis la fin de la crise de la covid-19, les pays en développement sont devenus des financiers nets des nations plus riches et de la Chine, renvoyant plus de fonds qu'ils n'en reçoivent. Accablés par une dette de 1 100 milliards de dollars, de nombreux gouvernements africains consacrent 45 % de leurs revenus au remboursement de la dette, ce qui limite les investissements dans les programmes sociaux et les projets climatiques. Ce découplage financier souligne le déficit de financement persistant dans les pays du Sud global, qui constitue la principale source de ressentiment à l'égard du statu quo des institutions financières internationales et du monde occidental.

5. Le rôle des organisations multilatérales européennes dans le nouveau contexte géopolitique

72. Quelle est la place de l'Europe dans ce nouveau contexte en évolution? Malgré les efforts déployés pour forger une unité politique et renforcer la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) au niveau de l'Union européenne, l'Europe présente certaines spécificités qui affectent sa position de leader. Comme l'a expliqué M. Evangelos Venizelos lors de la réunion de la commission des questions politiques et de la démocratie à La Canée (Grèce), les 15 et 16 mai 2022, la sécurité européenne est régie par de profondes asymétries historiques 
			(34) 
			«<a href='https://mail.evenizelos.gr/other-languages/articles-eng/6652-council-of-europe-chania-ev-venizelos-the-asymmetries-of-european-security-and-the-need-for-a-renewed-multilateralism-after-the-war-in-ukraine.html'>The
asymmetries of European security and the need for a renewed multilateralism
after the war in Ukraine», (evenizelos.gr).</a>. L'invasion militaire de l'Ukraine par la Fédération de Russie les a mises en évidence très clairement:
  • malgré les tentatives de l'Europe de développer une autonomie croissante dans ce domaine, les États-Unis sont les garants de la sécurité européenne, à travers l'Organisation du traité de sécurité de l'Atlantique Nord (OTAN), qu'ils dominent politiquement, militairement et financièrement;
  • L'arsenal nucléaire de l'Europe est trop petit pour être dissuasif, en particulier face à la Fédération de Russie;
  • La dépendance énergétique de l'Europe à l'égard des combustibles fossiles russes constitue une faiblesse stratégique et politique majeure;
  • la menace russe n'est pas perçue de la même manière par tous les pays européens.
73. La guerre d'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine a non seulement mis en évidence les asymétries de la sécurité européenne, mais elle a également donné un nouvel élan aux dirigeants européens pour les surmonter. En mars 2022, l'Union européenne a adopté la Boussole stratégique, un plan d'action ambitieux visant à renforcer la politique de défense et de sécurité de l'Union européenne d'ici à 2030 
			(35) 
			«<a href='https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2022/03/21/a-strategic-compass-for-a-stronger-eu-security-and-defence-in-the-next-decade/'>Une
boussole stratégique pour renforcer la sécurité et la défense de
au cours de la prochaine décennie» – Consilium (europa.eu).</a>. La Boussole stratégique vise à renforcer l'autonomie stratégique de l'Union européenne, sa capacité à travailler avec ses partenaires pour sauvegarder ses valeurs et ses intérêts et à jouer un rôle plus important dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Il comprend une série d'objectifs ambitieux, à commencer par l'industrie européenne de la défense et la mise en place d'une force de réaction rapide de l’Union européenne, prélude à l'armée de l’Union européenne.
74. En mai 2024, le Conseil de l'Union européenne a approuvé ses conclusions sur la sécurité et la défense de l'Union européenne, qui définissent cinq grandes priorités que les États membres sont invités à mettre en œuvre de toute urgence: assurer un soutien politique, financier, économique, humanitaire, militaire et diplomatique à l'Ukraine; augmenter les dépenses de défense et améliorer leur efficacité, afin de garantir la disponibilité de biens de défense, et renforcer la base industrielle et technologique de défense de l'Union européenne; accroître la capacité d'action de l'Union européenne, notamment par pleine mise en œuvre opérationnelle de la capacité de déploiement rapide de l'Union européenne d'ici à 2025; renforcer la résilience de l'Union européenne et garantir l'accès aux domaines stratégiques; et renforcer les partenariats avec d'autres organisations, telles que l'ONU et l'OTAN 
			(36) 
			Conseil
de l’Union européenne – communiqué de presse, <a href='https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2024/05/28/eu-security-and-defence-council-sets-out-five-main-priorities/'>«Sécurité
et défense de l'UE: le Conseil définit cinq grandes priorités»</a>, 28 mai 2024..
75. L'Union européenne peut mieux se faire entendre en tant qu'acteur mondial, conformément à la communication conjointe de la Commission européenne et du Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité au Parlement européen et au Conseil relative au renforcement de la contribution de l'UE à un multilatéralisme fondé sur des règles 
			(37) 
			<a href='https://www.eeas.europa.eu/eeas/communication-conjointe-au-parlement-europ%C3%A9en-et-au-conseil-relative-au-renforcement-de-la_fr'>«Communication
sur le renforcement de la contribution de l'UE au multilatéralisme
fondé sur des règles</a>», 2021. et au rapport du Parlement européen intitulé «L'Union européenne et la défense du multilatéralisme» 
			(38) 
			<a href='https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/A-9-2022-0172_FR.html'>«RAPPORT
sur l'UE et la défense du multilatéralisme» | A9-0172/2022 | Parlement
européen (europa.eu), 2022.</a>.
76. Dans le domaine de l'énergie, l'Union européenne s'efforce de réduire la dépendance énergétique excessive vis-à-vis de la Fédération de Russie, en accélérant la diversification et en mettant l'accent sur les sources d'énergie renouvelables.
77. Dans le contexte du retour d'une guerre d'agression en Europe, l'élargissement de l'Union européenne a également pris un nouvel élan, étant donné qu'il est considéré comme le moyen le plus important de renforcer l'influence de l'Europe au niveau international ainsi que de promouvoir les valeurs et la vision européennes de la gouvernance mondiale multilatérale. La décision de l'Union européenne d'accorder le statut de candidat et d'entamer les négociations d'adhésion avec l'Ukraine et la République de Moldova, tout en relançant le processus d'élargissement dans les Balkans occidentaux, témoigne des objectifs susmentionnés.
78. L'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine et le nouveau contexte géopolitique ont amplifié les risques pour la sécurité en Europe en raison de leur impact sur le fonctionnement des mécanismes multilatéraux visant à prévenir et à résoudre les conflits dans la région, y compris ceux établis sous les auspices de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) 
			(39) 
			<a href='https://css.ethz.ch/en/center/CSS-news/2021/06/multilateralism-in-transition-challenges-and-opportunities-for-the-osce.html'>«Multilateralism
in Transition: Challenges and Opportunities for the OSCE» – Center
for Security Studies | ETH Zurich.</a>.
79. Néanmoins, à la fin de sa 31e session annuelle, qui s'est tenue entre le 29 juin et le 3 juillet 2024 à Bucarest, l'Assemblée parlementaire de l'OSCE a adopté la Déclaration de Bucarest, qui réaffirme les principes fondamentaux de l'OSCE en matière de coopération et de dialogue et appelle tous les États participants de l'OSCE à s'engager activement dans la diplomatie multilatérale pour relever les défis actuels 
			(40) 
			OSCE PA News – «<a href='https://www.oscepa.org/en/news-a-media/press-releases/press-2024/bucharest-declaration-adopted-with-calls-by-parliamentarians-for-co-operation-dialogue-and-adherence-to-osce-commitments'>Bucharest
Declaration adopted with calls by parliamentarians for co-operation,
dialogue and adherence to OSCE commitments</a>», July 2024..

6. Le rôle du Conseil de l'Europe

80. Le Conseil de l'Europe peut être considéré comme un exemple réussi de coopération multilatérale. Depuis sa création, l'Organisation a élaboré 225 traités et protocoles qui ont fixé des normes pour la protection des droits humains, de la démocratie et de l’État de droit dans la région et au-delà, contribuant ainsi à la stabilité régionale et à l'amélioration de la vie des personnes vivant en Europe. En outre, elle a établi des collaborations synergiques avec l'Union européenne et l'OSCE, qui sont ses partenaires les plus proches dans la région.
81. L'Organisation entretient également des relations étroites avec les Nations Unies, qui ont débuté officiellement en 1951 par un Accord entre le Secrétariat Général du Conseil de l'Europe et le Secrétariat des Nations Unies, actualisé en 1971 par un Arrangement sur la Coopération et la Liaison entre les deux Secrétariats. Cette relation comprend aujourd'hui des accords et des arrangements de travail avec plusieurs organes, agences et agences spécialisées des Nations Unies, tels que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH), le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), la Commission économique des Nations Unies pour l'Europe (CEE-ONU), l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) ou la Banque mondiale.
82. Le 17 octobre 1989, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté la résolution A/RES/44/6, accordant le statut d'observateur au Conseil de l'Europe. En conséquence, le Conseil de l'Europe est invité à participer aux sessions et aux travaux de l'Assemblée générale des Nations Unies et de ses six principaux comités. En outre, depuis 2000 (tous les deux ans depuis 2004), l'Assemblée générale des Nations Unies, dans le cadre de son débat sur la coopération avec les organisations régionales et autres, adopte une résolution sur la coopération entre les Nations Unies et le Conseil de l'Europe. En outre, toutes les activités du Conseil de l'Europe contribuent à l'Agenda 2030 des Nations Unies pour le développement durable – ODD. À la demande des responsables de l'ONU, l'Organisation apporte également une contribution majeure à l'Examen périodique universel.
83. Les bureaux du Conseil de l'Europe chargés de la liaison avec les Nations Unies à Genève et à Vienne 
			(41) 
			Le Bureau de Vienne
est chargé de la liaison avec l'OSCE et d'autres organisations internationales,
agissant également en tant que délégation permanente du Conseil
de l'Europe auprès du Bureau des Nations Unies à Vienne, en particulier
l'ONUDC. ont grandement contribué à l'amélioration des relations avec les Nations Unies. La création d'un bureau de liaison du Conseil de l'Europe à New York permettrait d'accroître considérablement la visibilité de l'Organisation et son rayonnement. La présence au Conseil de l'Europe de la représentation du HCR auprès des institutions européennes à Strasbourg doit également être soulignée.
84. Le Sommet des chefs d'État et de gouvernement de Reykjavik, qui s'est tenu en mai 2023, a renouvelé l'engagement des États membres du Conseil de l'Europe, au plus haut niveau politique, en faveur du maintien de la pertinence du Conseil de l'Europe en tant que projet de paix, et de la protection des droits humains, de la démocratie et de l'État de droit en tant que garants de la sécurité démocratique. La déclaration fait également référence à l'ONU à plusieurs reprises. En particulier, ils ont exprimé leur détermination à «renforcer l'ordre international libre et ouvert fondé sur l’État de droit, le respect de la Charte des Nations Unies, la souveraineté et l'intégrité territoriale, à l'intérieur des frontières internationalement reconnues, de tous les États, et le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales» 
			(42) 
			<a href='https://rm.coe.int/4e-sommet-des-chefs-d-etat-et-de-gouvernement-du-conseil-de-l-europe/1680ab40c0'>Déclaration
de Reykjavík</a>..
85. En outre, ils ont appelé à un renforcement du dialogue politique avec d'autres organisations internationales, y compris l'ONU et l'OSCE, afin de renforcer le partenariat entre ces organisations et le Conseil de l'Europe. Ils se sont déclarés convaincus que de nouvelles synergies sont possibles, notamment en ce qui concerne les questions qui les préoccupent:
  • la mise en œuvre des ODD des Nations Unies;
  • l'exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, en particulier en ce qui concerne la Fédération de Russie;
  • la promotion des principes de Reykjavík pour la démocratie;
  • les travaux sur les aspects de l'environnement liés aux droits humains.

7. Conclusions

86. Dans la période actuelle, instable et imprévisible, le déplacement du pouvoir mondial de l'Ouest vers l'Est remet en question la stabilité de la gouvernance mondiale, en exposant la communauté internationale à un nouveau piège de Thucydide. La fragmentation augmente, les opérations militaires remplacent les missions diplomatiques et l'ordre international fondé sur des règles perd du terrain face à un état d'anarchie qui favorise la confrontation.
87. Dans un monde largement interconnecté, la rivalité de pouvoir entre un Est global en pleine ascension et un Ouest global en plein déclin s'accompagne d'une compétition de visions sur l'état futur de la gouvernance mondiale. La vision occidentale d'un ordre international ouvert fondé sur des règles et promouvant les valeurs démocratiques est en concurrence avec l’interprétation orientale de l'égalité souveraine des États, libérée de la «domination coloniale occidentale» et de l'«obsession» de la promotion des valeurs libérales, et finalement remplacée par l'affirmation de sphères d'influence par les grandes puissances. L'objet de la concurrence est le groupe diversifié d'États démocratiques et autoritaires conventionnellement décrit comme le Sud global, qui déterminera l'orientation du nouvel ordre mondial.
88. Pour que l'Occident puisse effectivement renforcer l'influence de sa vision au-delà des États qui partagent ses vues, il doit prendre en compte les éléments essentiels du ressentiment international: ceux-ci sont généralement exprimés, entre autres, comme la répartition déséquilibrée du pouvoir dans les organes de décision multilatéraux, l'adoption de deux poids deux mesures dans la résolution des conflits géopolitiques, l'accès inégal aux liquidités fournies par les institutions financières multilatérales, et le fait que le Sud global souffre souvent plus fortement des conséquences des crises mondiales, quelle que soit leur nature – économique, environnementale, liée à la santé.
89. Que cela nous plaise ou non, il est essentiel de reconnaître que la Chine et d'autres pays en développement joueront un rôle plus important dans l'élaboration de l'avenir de l'ordre international si nous voulons le maintenir. Le multilatéralisme ne peut fonctionner efficacement que s'il est perçu comme légitime; dans le cas contraire, les États exclus du processus décisionnel international créeront d'autres systèmes de gouvernance.
90. L'Europe, l'Amérique du Nord et le reste de l'Occident global doivent promouvoir de manière convaincante une gouvernance mondiale multilatérale, dans laquelle les règles, les institutions et les procédures ne sont pas simplement approuvées, mais également co-conçues par le Sud global. La promotion des valeurs démocratiques doit s'accompagner de la prise de conscience que pour relever les défis mondiaux, tels que la crise climatique, le contrôle de l'intelligence artificielle et la nécessité d'une croissance économique forte, les sièges à la table de décision doivent être élargis de toute urgence au-delà des États partageant les mêmes idées.
91. Cette évolution ne doit pas être considérée comme une dilution de l'influence occidentale sur l'ordre international, mais plutôt comme un renforcement de la coopération multilatérale. Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités, et le fait d'accorder plus de droits aux principales économies émergentes augmenterait également leurs obligations, les obligeant à contribuer plus activement au financement du climat et du développement, au lieu de rester confortablement dans le rôle de bénéficiaires.
92. En même temps, surtout après l’élection présidentielle américaine, l'Europe devrait adopter une approche plus équilibrée entre ses aspirations à la sécurité économique et son identité mondiale en tant que championne d'un système multilatéral fondé sur des règles. Pour renforcer notre crédibilité vis-à-vis de partenaires essentiels en matière de commerce et de sécurité, nous devons admettre nos propres incohérences dans l'application du droit international, tout en soulignant les avantages des démocraties libérales ouvertes dans la promotion de la stabilité, de la prospérité et des valeurs mondiales partagées.
93. L'Assemblée devrait jouer un rôle de premier plan en réaffirmant que seul le multilatéralisme peut apporter des solutions aux défis mondiaux actuels. Les résultats du Sommet de l'avenir des Nations Unies constituent un point de départ dans cette direction, et le Conseil de l'Europe et ses États membres doivent soutenir leur mise en œuvre et promouvoir les valeurs du multilatéralisme, du dialogue et de la coopération. Le dialogue institutionnel entre le Conseil de l'Europe et les Nations Unies doit être renforcé. En outre, le rôle du Conseil de l'Europe en tant qu'organisation contribuant au maintien de la paix et de la sécurité démocratique sur le continent européen doit être reconnu, éventuellement aussi dans le contexte d'un futur cadre de coopération général révisé, visant à mieux structurer et institutionnaliser les relations avec les Nations Unies.
94. En même temps, les États membres du Conseil de l'Europe devraient continuer à s'engager en faveur d'un ordre international fondé sur des règles. Ce dernier implique, entre autres, la participation active et l'adhésion à tous les organes, procédures et institutions des Nations Unies, ainsi que le refus d'adhérer aux forums et alliances internationaux qui favorisent la fragmentation de la gouvernance mondiale multilatérale.
95. En outre, les États membres du Conseil de l'Europe devraient plaider en faveur de la réforme des institutions et organes internationaux actuellement inefficaces, en particulier le Conseil de sécurité des Nations Unies et les institutions de Bretton Woods.
96. Enfin, l'Assemblée devrait appeler à une poursuite plus vigoureuse de l'intégration économique et politique de l'Union européenne, ainsi qu'à l'accélération de son processus d'élargissement, afin de renforcer la stabilité face aux défis géopolitiques et de faire mieux entendre la voix de l'Europe au niveau international.