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Rapport | Doc. 16102 | 28 janvier 2025

Projet de convention pour la protection de la profession d’avocat

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteur : M. Vladimir VARDANYAN, Arménie, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 16102, Renvoi 4848 du 27 janvier 2025. 2025 - Première partie de session

Résumé

La commission des questions juridiques et des droits de l’homme se réjouit vivement de la finalisation du projet de convention du Conseil de l'Europe pour la protection de la profession d'avocat par le Comité d’experts sur la protection des avocats (CJ-AV) et le Comité européen de coopération juridique (CDCJ). Elle partage le point de vue de la Cour européenne des droits de l'homme selon lequel les avocats occupent une position cruciale dans l'administration de la justice et qu'ils jouent un rôle déterminant dans la confiance que les citoyens lui accordent. Les avocats sont de plus en plus souvent la cible de menaces, d'intimidations et d’attaques en raison de leurs activités professionnelles.

Le projet de convention assure aux avocats une protection juridique structurée, en promouvant le droit d'exercer leur profession sans crainte de discrimination, d’obstructions ou d'ingérences indues. Il s'agira du tout premier traité international consacré à cette question, dont les dispositions s'appliqueront aux avocats autorisés à exercer et aux personnes qui représentent les requérants devant les tribunaux internationaux et les organes de protection des droits humains. En outre, le projet de convention établit des normes applicables aux associations professionnelles d'avocats et met en place un mécanisme de suivi solide.

La commission des questions juridiques et des droits de l'homme regrette l'absence de dispositions particulières sur l’utilisation de la surveillance secrète à l’encontre des avocats. En outre, elle souligne la nécessité d'interdire la formulation de réserves afin de garantir la pleine mise en œuvre de la Convention, ce qui correspond à l'intention du CJ-AV. La commission est favorable à l'adoption du projet de convention et attend avec impatience son ouverture à la signature et à la ratification

A. Projet d’avis 
			(1) 
			Projet d’avis adopté
à l’unanimité par la commission le 27 janvier 2025.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire se réjouit vivement de la finalisation du projet de Convention du Conseil de l’Europe pour la protection de la profession d’avocat (ci-après «le projet de convention») par le Comité d’experts sur la protection des avocats (CJ-AV) et le Comité européen de coopération juridique (CDCJ) du Conseil de l’Europe.
2. Elle partage le point de vue de la Cour européenne des droits de l’homme selon lequel le statut particulier des avocats leur confère une position cruciale dans l’administration de la justice en leur qualité d’intermédiaires entre les individus, le public et les tribunaux. À ce titre, ils jouent un rôle essentiel en permettant aux tribunaux, dont la mission est fondamentale dans un État démocratique fondé sur l’État de droit, de jouir de la confiance du public. Toutefois, pour croire en l’administration de la justice, les citoyens doivent avoir confiance en la capacité des professionnels du droit à représenter effectivement les justiciables et à fournir le soutien et l'assistance juridiques nécessaires. Les avocats agissent en qualité d’acteurs de la justice directement impliqués dans le fonctionnement de celle-ci et dans la défense d’une partie.
3. L’Assemblée a toujours considéré les avocats comme des défenseurs des droits humains et a observé, avec une inquiétude de plus en plus vive, l’augmentation du nombre d’affaires dans lesquelles des avocats deviennent la cible d’attaques uniquement en raison de leurs activités professionnelles.
4. L’Assemblée rappelle son travail considérable déjà réalisé sur la protection des avocats, qui jouent un rôle central dans la protection des droits humains – en particulier le droit à un procès équitable – et dans la mise en œuvre de l’État de droit, notamment les Résolutions 1660 (2009) «Situation des défenseurs des droits de l’homme dans les États membres du Conseil de l’Europe», 1685 (2009) «Allégations d’abus du système de justice pénale, motivée par des considérations politiques, dans les États membres du Conseil de l’Europe», 1891 (2012) «La situation des défenseurs des droits de l’homme dans les États membres du Conseil de l’Europe», 2095 (2016) «Renforcer la protection et le rôle des défenseurs des droits de l’homme dans les États membres du Conseil de l’Europe», 2348 (2020) «Les principes et garanties applicables aux avocats» et 2513 (2023) «Le logiciel espion Pegasus et les autres types de logiciels similaires, et la surveillance secrète opérée par l’État» et leurs Recommandations connexes, et en particulier la Recommandation 2121 (2018) «Pour une convention européenne sur la profession d’avocat».
5. L’Assemblée a estimé, en particulier, que les actes de harcèlement, les menaces et les agressions contre les avocats démontrent la nécessité de renforcer le statut juridique de la Recommandation no R(2000)21 du Comité des Ministres aux États membres sur la liberté d’exercice de la profession d’avocat, en incorporant ses dispositions dans un instrument juridique contraignant assorti d’un mécanisme de contrôle efficace. L’Assemblée a donc appelé le Comité des Ministres à élaborer et à adopter une convention sur la profession d’avocat fondée sur les normes énoncées dans la Recommandation no R(2000)21, en tenant compte des instruments juridiques non contraignants existants et en renforçant les garanties relatives à des questions fondamentales telles que l’accès à un avocat et l’accès des avocats à leurs clients, le secret professionnel et la confidentialité des communications entre un avocat et son client.
6. L’Assemblée note avec satisfaction que le projet de convention vise à instaurer une protection juridique structurée de la profession d’avocat et le droit d’exercer la profession sans crainte de discrimination, d’obstructions ou d’ingérences indues et sans être la cible d’agressions, de menaces, d’actes de harcèlement et d’intimidation. Il établit les droits professionnels des avocats, précise les aspects pertinents de leur liberté d'expression et certaines mesures de protection. Bien que d’autres instruments juridiques internationaux poursuivent des objectifs similaires – notamment la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5), les Principes de base des Nations Unies relatifs au rôle du barreau, la Recommandation n° R(2000)21 du Comité des Ministres aux États membres sur la liberté d’exercice de la profession d’avocat, et la Résolution 44/9 du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies sur l’indépendance et l’impartialité du pouvoir judiciaire, des jurés et des assesseurs, et l’indépendance des avocats –, le projet de convention deviendra le tout premier traité international en la matière.
7. Une fois adoptée et après son entrée en vigueur, la Convention sera aussi ouverte à l’adhésion de tout État non membre du Conseil de l’Europe, à l’invitation du Comité des Ministres. L’Assemblée considère que la portée mondiale de la Convention renforcera encore le statut du Conseil de l’Europe en tant qu’organisation internationale de premier plan dans la protection des droits humains, de la démocratie et de l’État de droit.
8. L’Assemblée est consciente que le projet de convention a été élaboré en tenant compte de la grande diversité des systèmes juridiques et des modes d’organisation de la profession d’avocat au sein des États membres du Conseil de l’Europe et au-delà. Elle apprécie le caractère inclusif du processus de rédaction, auquel ont participé des représentants gouvernementaux, des experts et des praticiens du droit, avec la contribution d’organisations non gouvernementales, y compris plusieurs associations professionnelles d’avocats.
9. L’Assemblée se félicite du fait que le texte du projet de convention reprenne largement ses propositions énoncées dans la Recommandation 2121 (2018). Le fait qu’il soit prévu que les dispositions essentielles du projet de convention (articles 6, 7 et 9.3) s’appliquent non seulement aux avocats autorisés à exercer leur profession en vertu du droit interne, mais aussi aux personnes qui se sont vu refuser ou retirer définitivement ou provisoirement leurs titre d’avocat ou autorisations d’exercer, ainsi qu’à celles habilitées par les juridictions et organes internationaux pour intervenir dans les procédures dont ils sont saisis (article 2.3), lui semble particulièrement significatif. Il peut s’agir de personnes qui ne sont pas nécessairement des avocats agréés, mais qui représentent des requérants devant la Cour européenne des droits de l’homme, les organes des Nations Unies chargés des droits humains, et d'autres forums pertinents, telles que des représentants d’ONG ou des universitaires. Cette extension du champ d’application renforcera l’efficacité des garanties prévues par le projet de convention, en particulier dans les cas où les autorités nationales pourraient chercher à les contourner en détournant des procédures légales. Le projet de convention non seulement respecte les normes établies par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et par d'autres documents internationaux pertinents, mais il les développe en établissant de nouvelles normes plus élevées, offrant ainsi une réelle valeur ajoutée à la protection des droits des avocats.
10. L'Assemblée se félicite également de la fixation dans le projet de convention (article 4) de normes juridiques pour le fonctionnement des associations professionnelles d'avocats en tant qu'organismes indépendants et autonomes.
11. L’Assemblée constate avec une satisfaction particulière que le projet de convention prévoit un mécanisme solide de suivi de sa mise en œuvre (article 10) et qu’il le dote d’outils adéquats pour assurer son efficacité. L’Assemblée note avec satisfaction qu’elle sera tenue informée de la mise en œuvre de la convention (article 15) et des conclusions des enquêtes menées dans le cadre de la procédure d’urgence (article 13.3). Ces éléments constitueront une contribution précieuse à la poursuite des travaux de l’Assemblée sur la défense des droits humains et de l’État de droit.
12. L’Assemblée regrette que le projet de convention ne contienne pas de dispositions spécifiques sur l’utilisation de la surveillance secrète, y compris les logiciels espions tels que Pegasus, à l’encontre des avocats. Si l’article 6.3 (b) du projet de convention oblige les parties à veiller à ce que les avocats puissent communiquer en toute confidentialité avec leurs clients ou clients potentiels, ses termes généraux pourraient ne pas être suffisants pour exclure le risque inhérent à l’utilisation d’outils modernes de surveillance secrète pour le droit d’exercer la profession d’avocat sans ingérence. Rappelant sa Recommandation 2258 (2023) «Le logiciel espion Pegasus et les autres types de logiciels similaires, et la surveillance secrète opérée par l’État», l’Assemblée propose d’insérer des dispositions spécifiques relatives à cette question dans une future convention du Conseil de l’Europe sur l’acquisition, l’utilisation, la vente et l’exportation de logiciels espions.
13. L’Assemblée invite le futur Groupe d’experts sur la protection de la profession d’avocat (GRAVO) à procéder régulièrement à un échange mutuel d’informations sur toutes les questions relatives à la situation des avocats et à leur rôle dans le maintien des droits humains et de l’État de droit avec ses commissions compétentes.
14. L'Assemblée note que bien que le CJ-AV ait expressément considéré qu'aucune des dispositions du projet de convention ne devrait être soumise à des réserves, aucune interdiction pertinente à cet égard n'a été introduite. Par conséquent, conformément au droit international coutumier (tel que reflété à l'article 19 de la Convention de Vienne sur le droit des traités), le projet de convention – tel qu'il est actuellement rédigé – pourrait faire l'objet de réserves lors de la signature, de la ratification, de l'acceptation, de l'approbation ou de l'adhésion, contrairement à l'intention claire du CJ-AV exprimée dans son rapport de la 8e réunion (13-15 mai 2024) (document CJ-AV(2024)08).
15. En accord avec le CJ-AV sur le fait qu'aucune des dispositions du projet de convention ne devrait être soumise à des réserves et notant que seule la mise en œuvre complète du projet de convention permettra de remplir son objectif, l'Assemblée propose l'amendement suivant au projet de convention:
16. 15.1 au chapitre V, ajouter l'article suivant: «Aucune réserve n’est admise à l’égard des dispositions de la présente Convention.»
17. Considérant que le projet de convention reflète en grande partie les propositions énoncées dans ses recommandations antérieures, l’Assemblée est d’avis que le projet de convention du Conseil de l’Europe pour la protection de la profession d’avocat peut être adopté par le Comité des Ministres et ouvert à la signature et à la ratification dès que possible.

B. Exposé des motifs par M. Vladimir Vardanyan, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. En 2018, l’Assemblée parlementaire a appelé le Comité des Ministres à élaborer et à adopter une convention sur la profession d’avocat, fondée sur les normes énoncées dans la Recommandation no R(2000)21 du Comité des Ministres aux États membres sur la liberté d’exercice de la profession d’avocat, en tenant compte des instruments juridiques non contraignants existants et en renforçant les garanties relatives à des questions fondamentales telles que l’accès à un avocat et l’accès des avocats à leurs clients, le secret professionnel et la confidentialité des communications entre un avocat et son client. En conséquence, le Comité des Ministres a chargé le Comité européen de coopération juridique (CDCJ), en étroite concertation avec les autres comités concernés, de préparer une étude de faisabilité pour déterminer l’éventuelle valeur ajoutée de l’élaboration d’une convention, en tenant compte de la protection offerte par d’autres instruments du Conseil de l’Europe, en particulier la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
2. Sur la base de cette étude 
			(2) 
			<a href='https://rm.coe.int/etude-de-faisabilite-d-un-instruments-juridque-europeen-couv-texte-a5-/1680a22787'>«Étude
de faisabilité d’un nouvel instrument juridique européen, contraignant
ou non, sur la profession d’avocat: valeur ajoutée et efficacité
potentielles»</a>: le rapport a été examiné et adopté par le CDCJ lors
de sa 95e réunion plénière (novembre
2020), pendant laquelle le comité a donné son accord pour sa publication., le Comité des Ministres a mis en place, à partir de janvier 2022, un Comité d’experts sur la protection des avocats (CJ-AV). Le Comité a été chargé d’élaborer un instrument juridique visant à renforcer la protection de la profession d’avocat et le droit de pratiquer la profession sans préjudice ni retenue, sous l’autorité du Comité des Ministres et du CDCJ. Le CJ-AV était composé de 15 représentants des États membres ainsi que de participants et d’observateurs, dont Avocats sans Frontières, le Conseil des Barreaux européens (CCBE), la Fédération des Barreaux d’Europe (FBE), l’Association européenne des avocats (EAL), European Criminal Bar Association (ECBA), l’Association internationale du Barreau (IBA) et son Institut des droits de l’homme (IBAHRI), la Commission internationale de juristes (CIJ), l’Union internationale des avocats (UIA), la Fondation «Lawyers for Lawyers» et l’Observatoire international des Avocats en Danger (OIAD).
3. Le CDCJ a approuvé le projet de convention pour la protection de la profession d’avocat («le projet de convention») établi par le CJ-AV et a adopté son projet de rapport explicatif lors de sa 103e réunion plénière tenue à Strasbourg du 19 au 21 novembre 2024. Il a transmis les deux textes au Comité des Ministres. Lors de leur 1515e réunion tenue le 11 décembre 2024, les Délégués des Ministres ont décidé de soumettre le projet de convention à l’Assemblée pour avis dès que possible. L’Assemblée s’est engagée à donner un avis au cours de sa partie de session de janvier 2025, afin de permettre l’adoption du projet de convention par le Comité des Ministres en temps utile. Ces délais impliquent que le projet d’avis soit adopté par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme (une fois saisie par le Bureau de l’Assemblée) pendant la partie de session et débattu en plénière dans le cadre de la procédure d’urgence. Lors de sa réunion à Erevan les 9 et 10 décembre 2024, la commission m’a désigné rapporteur sous réserve de la finalisation du projet de convention et de sa transmission à l’Assemblée.
4. Bien que je n’aie pas participé aux négociations sur le projet de convention, le Secrétariat de l’Assemblée a suivi leur déroulement et m’a informé de leurs résultats. Lors de sa réunion sus-mentionnée à Erevan, la commission a organisé une audition d’experts afin de mieux comprendre la nécessité de cet instrument et ses modalités. Je tiens à exprimer ma gratitude à M. Christoph Henrichs (président du CJ-AV), à M. Laurent Pettiti (président de la Délégation du Barreau français à Bruxelles, représentant du CCBE) et à M. Arnold Vardanyan (membre de la Chambre des avocats d’Arménie) pour leur contribution à nos travaux.
5. Dans mon exposé des motifs, je commencerai par présenter quelques informations factuelles sur les risques encourus par les avocats en Europe (chapitre 2). Je résumerai ensuite les travaux antérieurs de l’Assemblée sur la protection des avocats (chapitre 3) et j’examinerai les principales caractéristiques du projet de convention (chapitre 4). Je poursuivrai par une synthèse des positions exprimées par les associations d’avocats sur ce projet d’instrument (chapitre 5). Enfin, je présenterai ma propre évaluation du projet de texte (chapitre 6).

2. Cas de harcèlement et d’intimidation d’avocats en Europe

6. À l’automne 2014, Tatiana Akimtseva et Vitaliy Moiseyev – deux avocats russes de renom – ont été assassinés à Moscou 
			(3) 
			 <a href='https://www.newswire.ca/fr/news-releases/declaration-publique---le-barreau-du-haut-canada-exprime-sa-preoccupation-concernant-les-meurtres-de-vitaliy-moiseyev-et-tatiana-akimtseva-en-russie-516841431.html'>www.newswire.ca/fr/news-releases/declaration-publique---le-barreau-du-haut-canada-exprime-sa-preoccupation-concernant-les-meurtres-de-vitaliy-moiseyev-et-tatiana-akimtseva-en-russie-516841431.html</a>.. Ils représentaient Sergey Zhurba, témoin clé dans une affaire très médiatisée impliquant le gang Orekhovskaya, une organisation criminelle active à Moscou dans les années 1990. M. Moiseyev a été assassiné quelques heures avant son témoignage prévu devant le tribunal dans une affaire distincte contre d’autres chefs du gang Orekhovskaya. Les auteurs de ces crimes n’ont jamais été identifiés.
7. Trois avocats d’Alexeï Navalny – Vadim Kobzev, Igor Sergunin et Alexei Liptser – ont été arrêtés en Fédération de Russie en octobre 2023 pour participation à une organisation «extrémiste» et, le 17 janvier 2025, condamnés à des peines d’emprisonnement allant jusqu’à cinq ans et demi 
			(4) 
			<a href='https://www.bbc.com/news/articles/ce3nnvq7kplo'>www.bbc.com/news/articles/ce3nnvq7kplo</a>.. Ils sont toujours emprisonnés. Deux autres avocats représentant M. Navalny, Aleksandr Fedulov et Olga Mikhailova, ont fui la Fédération de Russie après l’arrestation de leurs collègues et des mandats d’arrêt ont été émis à leur encontre en février 2024. En novembre 2024, un tribunal russe a condamné Dmitry Talantov, un célèbre avocat, à sept ans d’emprisonnement pour s’être exprimé sur les réseaux sociaux contre la guerre russe en Ukraine 
			(5) 
			<a href='https://kyivindependent.com/russian-lawyer-sentenced-to-7-years-in-prison-for-publicly-speaking-out-against-ukraine-war/'>https://kyivindependent.com/russian-lawyer-sentenced-to-7-years-in-prison-for-publicly-speaking-out-against-ukraine-war/</a>..
8. En février 2024, l’IBAHRI et l’Initiative des avocats arrêtés ont publié un rapport intitulé «A Profession on Trial: The Systematic Crackdown Against Lawyers in Türkiye». Selon ce rapport, à la suite de la tentative de coup d’État de 2016, plus de 1 700 avocats ont été poursuivis sur la base de vagues accusations liées à des activités terroristes. Au moment de la publication de ce rapport, au moins 553 avocats avaient été reconnus coupables et condamnés à des peines d’emprisonnement.
9. En Azerbaïdjan, en 2015, Alaif Hasanov, qui représentait Leyla Yunus, fervente défenseuse des droits humains, a été radié du barreau après avoir été reconnu coupable de diffamation en raison de commentaires sur le comportement du compagnon de cellule de Mme Yunus 
			(6) 
			<a href='https://humanrightshouse.org/articles/azerbaijan-highest-court-rejects-human-rights-lawyers-appeal/'>https://humanrightshouse.org/articles/azerbaijan-highest-court-rejects-human-rights-lawyers-appeal/</a>.. La même année, l’avocat Khalid Bagirov a été radié du barreau pour avoir critiqué le système judiciaire azerbaïdjanais au cours d’un procès concernant la non-application par un tribunal national de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Ilgar Mammadov, un opposant politique dont l’arrestation avait été jugée motivée par des considérations politiques par la Cour. En 2020, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que la radiation de M. Bagirov violait sa liberté d’expression et son droit au respect de la vie privée. Un autre cas bien connu est celui d’Intigam Aliyev, avocat défenseur des droits humains, directeur de la Legal Education Society et représentant en justice dans plus de 200 affaires portées devant la Cour européenne des droits de l’homme, qui a été condamné en avril 2015 à sept ans et demi d’emprisonnement pour des infractions telles que l’évasion fiscale et des activités commerciales illégales (jusqu’à ce que la Cour Suprême ordonne sa libération en mars 2016). En 2022, les autorités azerbaïdjanaises ont arrêté Elchin Sadigov, un avocat connu pour avoir défendu de nombreux journalistes, blogueurs et militants politiques et religieux célèbres. En juillet 2023, le barreau azerbaïdjanais a suspendu son autorisation d’exercer la profession d’avocat 
			(7) 
			<a href='https://turan.az/en/social/lawyer-powers-of-elchin-sadigov-suspended-767221'>https://turan.az/en/social/lawyer-powers-of-elchin-sadigov-suspended-767221</a>..
10. Au Royaume-Uni, pendant les violentes émeutes de l’été 2024, les avocats spécialisés dans l’immigration ont été invités à prendre des mesures de sécurité supplémentaires ou à ne pas se rendre à leur bureau en raison des menaces de l’extrême-droite de s’en prendre à leurs cabinets. Le président de la Law Society of England and Wales s’est inquiété pour leur sécurité et a qualifié les attaques contre la profession juridique d’atteinte directe aux valeurs démocratiques 
			(8) 
			<a href='https://www.lawsociety.org.uk/contact-or-visit-us/press-office/press-releases/riots-and-attacks-on-lawyers'>www.lawsociety.org.uk/contact-or-visit-us/press-office/press-releases/riots-and-attacks-on-lawyers</a>.. Le barreau allemand a fait état de menaces similaires à l’encontre de certains avocats en raison de leur implication dans l’affaire dite NSU 
			(9) 
			National Socialist
Underground (NSU) est une organisation terroriste néonazie qui a
opéré en Allemagne entre 2000 et 2011. Le procès de la NSU s’est
ouvert le 6 mai 2013 devant le tribunal régional supérieur de Munich.
Il a duré cinq ans et s’est achevé le 11 juillet 2018. Il s’agit
de l’un des procès les plus importants, les plus longs et les plus
coûteux de l’histoire de l’Allemagne. et a exprimé son soutien aux travaux du Conseil de l’Europe sur cette question 
			(10) 
			Prise de position des
commissions des affaires européennes et des droits de l’homme du
barreau allemand sur la consultation publique du rapport 2022 «Attaques
contre les avocats» devant le Conseil des droits de l’homme des
Nations Unies. Prise de position no 59/2021,
Berlin/Bruxelles, décembre 2021.. Les exemples ci-dessus révèlent un phénomène inquiétant qui transcende les frontières régionales et judiciaires et reflète une menace plus large pour l’indépendance de la profession juridique à travers l’Europe, quel que soit le système politique ou juridique national.
11. Face à l’augmentation des cas de violence, de menaces et de harcèlement à l’encontre des avocats en Europe, le CCBE a effectué une enquête approfondie auprès de ses membres en 2023-2024. L’enquête, menée auprès de vingt barreaux dans dix-huit pays, a recueilli les réponses de 14 559 avocats. Les résultats ont été présentés par M. Pettiti lors de l’audition de la commission à Erevan. Un nombre non négligeable d’avocats (57 %) ont déclaré avoir subi des menaces ou des agressions au moins une fois au cours des deux ou trois dernières années. Les agressions les plus fréquentes sont l’agression verbale (64 %), suivie du harcèlement (44 %) et du comportement menaçant (36,5 %). Le nombre des agressions physiques déclarées est moins important (12 %). Ces menaces ou agressions ont des incidences considérables sur les avocats et pèsent sur leur santé mentale (25 %), leur satisfaction au travail (32 %), leur comportement au travail (16,5 %), leur performance au travail (12 %), leur vie personnelle (11 %) et leur comportement sur les réseaux sociaux (4 %). Un nombre important d’avocats (35 %) ont songé à quitter la profession en raison de ces comportements hostiles et certains d’entre eux ont indiqué envisager régulièrement cette option. En outre, une majorité de répondants a constaté une augmentation des comportements menaçants, des cas de harcèlement et des agressions au cours des cinq dernières années – seule une petite partie d’entre eux a observé une diminution de tels actes.
12. D’autres exemples d’avocats ciblés par des représailles pour leur travail sont décrits dans la dernière note d’information révisée sur la situation des défenseurs des droits humains et des lanceurs d’alerte en Europe 
			(11) 
			<a href='https://rm.coe.int/situation-des-defenseurs-des-droits-de-l-homme-et-des-lanceurs-d-alert/1680ad0086'>AS/Jur(2023)24</a>, «Situation des défenseurs des droits de l’homme et
des lanceurs d’alerte dans les États membres du Conseil de l’Europe»,
M. Emanuelis Zingeris (Lituanie, PPE/DC), 18 octobre 2023..

3. Travaux antérieurs de l’Assemblée sur la protection des avocats

13. Les travaux antérieurs de l’Assemblée sur la protection des avocats et, plus largement, des défenseurs des droits humains témoignent d’une position résolue en faveur d’un système plus solide pour leur protection. Dans sa Recommandation 2085 (2016) «Renforcer la protection et le rôle des défenseurs des droits de l'homme dans les États membres du Conseil de l'Europe», l’Assemblée a appelé le Comité des Ministres à mettre en place une plateforme similaire à celle qui avait été créée pour les journalistes pour la protection des défenseurs des droits humains (y compris les avocats). L’Assemblée a réitéré cet appel dans sa Recommandation 2121 (2018) «Pour une convention européenne sur la profession d’avocat» en demandant la création d’un mécanisme d’alerte précoce pour réagir aux menaces immédiates qui pèsent sur la sécurité et l’indépendance des avocats et sur leur capacité à exercer de manière effective leurs activités professionnelles. Dans sa réponse 
			(12) 
			Réponse du Comité des
Ministres à la Recommandation 2121
(2018), 5 février 2019 (Doc.
14825)., le Comité des Ministres a décidé de ne pas établir un nouveau dispositif d’alerte précoce destiné à assurer la protection des différentes professions engagées dans la défense des droits humains.
14. Depuis l’adoption de la recommandation susmentionnée, l’Assemblée n’a cessé d’appeler à la mise en place d’un instrument juridique contraignant. Dans sa Résolution 2348 (2020) «Les principes et garanties applicables aux avocats», l’Assemblée s’est dite préoccupée par les nombreux cas de violations des droits des avocats, notamment les atteintes à leur sécurité et à leur indépendance, et a appelé à une mise en œuvre effective et complète de la Recommandation n° R(2000)21 du Comité des Ministres aux États membres sur la liberté d’exercice de la profession d’avocat, en attendant qu’elle soit reprise dans un instrument juridique contraignant. En outre, dans sa Résolution 2513 (2023) «Le logiciel espion Pegasus et les autres types de logiciels similaires, et la surveillance secrète opérée par l’État», l’Assemblée a exprimé sa profonde préoccupation quant à l’utilisation de Pegasus et de logiciels espions similaires à l’encontre, entre autres, des avocats. Dans sa recommandation, elle a appelé le Comité des Ministres à adopter une recommandation aux États membres du Conseil de l’Europe sur la surveillance secrète et les droits humains et à examiner la faisabilité d’une convention du Conseil de l’Europe sur l’acquisition, l’utilisation, la vente et l’exportation de logiciels espions.

4. Principales caractéristiques du projet de convention

15. Le chapitre I du projet de convention comprend les dispositions générales sur le but de la convention (article 1), son champ d’application (article 2) et la terminologie (article 3). Le but de la convention est de renforcer la protection de la profession d’avocat et le droit de l’exercer sans crainte de discrimination, d’obstructions ou d’ingérences indues et sans être la cible d’agressions, de menaces et d’actes de harcèlement ou d’intimidation. Aux fins du projet de convention, le terme «avocat» désigne «toute personne physique qui est qualifiée et autorisée, conformément au droit national, à exercer la profession d’avocat» (article 3 (a)). Les dispositions centrales du projet de convention relatives aux droits professionnels des avocats (article 6), à la liberté d’expression (article 7) et à certaines mesures de protection (article 9.3) s’étendent à toute personne qui s’est vu refuser ou retirer définitivement ou provisoirement le titre d’avocat ou son autorisation d’exercer lorsque le refus, le retrait ou la suspension sont contraires aux articles 5 (droit d’exercer la profession) et 8 (discipline) de la Convention. En outre, ces dispositions s’appliquent également à toute personne habilitée par une juridiction ou une autorité juridictionnelle internationale ou un organe établi par une organisation internationale (par exemple, la Cour pénale internationale, la Cour européenne des droits de l’homme, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies) à conseiller ou intervenir dans le cadre d’une procédure devant cette juridiction, cette autorité ou cet organe. Ces personnes, qui ne sont pas des avocats agréés, peuvent être, par exemple, des universitaires ou des représentants d’une organisation non gouvernementale qui représentent une partie devant ces organes, pour autant qu’ils soient reconnus par la cour, le tribunal ou l’organe en question et qu’ils répondent aux critères pertinents établis par cet organe.
16. Le projet de convention s’applique aux activités professionnelles des avocats (définies comme «toute action visant à préparer ou à dispenser des conseils et à assister ou représenter un client ou un client potentiel quant à l’interprétation ou à l’application du droit national, étranger ou international, que ce soit sur le territoire des Parties dans lesquelles ils sont établis ou en tout autre lieu où cette action est menée, y compris en relation avec les procédures et travaux d’une juridiction ou d’une autorité juridictionnelle internationale ou d’un organe établi par une organisation internationale») et de leurs associations professionnelles. Certains droits professionnels et certaines mesures de protection sont également applicables aux personnes employées ou engagées par des avocats ou des associations professionnelles dans la mesure où elles contribuent directement à l’exercice de leurs activités professionnelles.
17. Le chapitre II comprend les dispositions matérielles du projet de convention. Il s’agit du statut des associations professionnelles (article 4), des règles de base relatives au droit des avocats d’exercer leur profession (article 5), des droits professionnels des avocats (article 6), de la liberté d’expression (article 7), des procédures disciplinaires (article 8) et des mesures de protection (article 9).
18. Pour ce qui est des droits professionnels des avocats, l’article 6 du projet de convention garantit qu’ils peuvent exercer les droits fondamentaux essentiels à leur profession. Certaines restrictions sont autorisées lorsqu’elles sont prévues par la loi et nécessaires dans une société démocratique. Les avocats doivent être en mesure de dispenser des conseils, une assistance et une représentation juridiques, y compris dans le but de défendre les droits humains et les libertés fondamentales. Ils ont la liberté de choisir leurs clients ou de mettre fin à une relation avec un client, sous réserve d’obligations professionnelles telles que le devoir de fournir des services juridiques aux clients indigents ou d’adhérer à des règles telles que la «cab-rank rule» (applicable aux avocats en Angleterre et au Pays de Galles, en vertu de laquelle ils sont tenus d’accepter tout dossier pour lequel ils s’estiment compétents, auprès d’une juridiction devant laquelle ils ont l’habitude de plaider et à leurs tarifs habituels). L’accès effectif aux clients, en particulier ceux qui sont privés de liberté, est crucial pour la préparation de la défense et ne doit pas faire l’objet d’ingérences ou de retards indus. Les avocats doivent pouvoir se déplacer librement dans leur pays et à l’étranger pour rencontrer leurs clients. Ce principe garantit la confidentialité des échanges et l’indépendance professionnelle des avocats. Les différentes juridictions doivent reconnaître la compétence des avocats pour représenter leurs clients et leur accès aux documents pertinents doit être assuré sans retard injustifié, sauf restriction pour des motifs légitimes tels que la sûreté nationale. Les avocats doivent pouvoir communiquer librement avec les organes publics, présenter des demandes ou des requêtes au cours des procédures et participer de manière effective à toutes les étapes des procédures judiciaires. Ils ont le droit d’informer le public de leurs services en vertu des protections relatives à la liberté d’expression, mais doivent éviter la publicité trompeuse. L’article 6 protège les avocats contre l’éventualité que leur responsabilité civile ou pénale soit engagée pour leurs déclarations faites de bonne foi et avec diligence dans le cadre d’une procédure. A contrario, les avocats qui trompent intentionnellement les autorités ou qui ont un comportement injurieux ne peuvent pas se prévaloir de cette immunité. La confidentialité des communications entre un avocat et son client est primordiale et ne peut faire l’objet de restrictions que dans des circonstances exceptionnelles et dans le cadre d’un contrôle juridictionnel adéquat. Les restrictions à ces droits doivent poursuivre des buts légitimes, être proportionnées et concilier des intérêts opposés conformément aux principes démocratiques. L’article 6 rappelle que les avocats ne doivent pas subir de conséquences négatives du fait d’être assimilés à leurs clients ou à la cause de ces derniers. Ce type d’assimilation a déjà conduit par le passé à des actes de harcèlement et d’intimidation.
19. L’article 7 du projet de Convention souligne le droit des avocats et de leurs associations professionnelles de s’exprimer sur des questions liées à leur profession, au droit, à son application, aux droits humains et aux réformes juridiques. Ce faisant, il renforce la liberté d’expression et la liberté de réunion garanties par les articles 10 et 11 de la Convention européenne des droits de l’homme. Les avocats doivent être en mesure de communiquer au public des informations sur les affaires et de formuler des commentaires critiques, car cela peut mettre en lumière des préoccupations d’ordre plus général, telles que des problèmes systémiques dans le système judiciaire ou des violations des droits humains. L’article 8 du projet de convention définit les conditions requises pour engager des poursuites disciplinaires à l’encontre des avocats, y compris les motifs, les procédures et les sanctions, afin de prévenir les abus et de protéger les activités professionnelles des avocats. Les motifs des procédures disciplinaires doivent être prévus par la loi et compatibles avec la Convention européenne des droits de l’homme. L’organe chargé de statuer sur les accusations disciplinaires doit être indépendant et impartial. Il peut prendre la forme d’une commission disciplinaire, d’une autorité indépendante ou d’une autorité juridictionnelle. Les avocats doivent avoir la possibilité de contester la sanction disciplinaire devant une juridiction indépendante et impartiale établie par la loi. Les sanctions prononcées doivent respecter les principes de légalité, de non-discrimination et de proportionnalité. Les interdictions d’exercer doivent être réservées aux cas les plus graves de violation des normes professionnelles.
20. Les mesures de protection prévues à l’article 9 comprennent le droit des avocats d’avoir accès à un avocat lorsqu’ils sont privés de liberté; la notification en temps opportun des associations professionnelles dans de tels cas; et la présence de représentants lorsque leurs locaux ou leurs données font l’objet d’une perquisition ou d’une saisie. En outre, les avocats doivent être informés de ces droits et toute restriction de ceux-ci doit être prévue par la loi et nécessaire dans une société démocratique aux fins de prévention des infractions, d’enquête et de poursuite pénales ou pour protéger les droits d’autrui. L’article 9 traite également des inspections ou d’autres mesures prises dans le cadre du contrôle de la profession, en garantissant qu’elles respectent les normes relatives aux droits humains et prévoient des garanties contre les abus. Les associations professionnelles se voient accorder le droit d’accéder aux avocats détenus, de recevoir des informations sur les agressions commises contre des avocats lorsque celles-ci sont liées à leurs activités professionnelles et d’assister aux audiences. Les Parties sont en outre tenues de protéger les avocats contre les menaces et les actes de harcèlement ou d’intimidation de la part d’acteurs publics ou privés et de veiller à ce que ces abus donnent lieu à des enquêtes effectives lorsqu’il existe des raisons de penser qu’ils peuvent constituer des infractions pénales. En outre, il est interdit aux Parties d’adopter des mesures ou d’approuver des pratiques qui porteraient atteinte à l’indépendance ou à l’autonomie des associations professionnelles. Il s’agit ici de renforcer leur rôle essentiel dans la protection de l’intégrité de la profession juridique.
21. Le chapitre III établit un mécanisme de suivi. L’article 10 établit le Groupe d’experts sur la protection de la profession d’avocat (GRAVO) qui contrôle la mise en œuvre de la Convention par les Parties. Le GRAVO peut recevoir des informations sur la mise en œuvre de la Convention de la part de la Partie concernée ainsi que de la part d’organisations de la société civile, d’associations professionnelles et d’institutions nationales de protection des droits humains. Il peut également tenir compte des informations provenant d’autres organes du Conseil de l’Europe et/ou d’autres organisations internationales (article 12). Les visites de pays ne peuvent être organisées que lorsque les informations obtenues sont insuffisantes et qu’il n’existe pas d’autres moyens d’obtenir ces informations de manière fiable (article 12.3). Une procédure d’urgence est prévue lorsque des informations fiables font état d’une situation dans laquelle des problèmes requièrent une attention immédiate pour prévenir ou limiter l’ampleur ou le nombre de violations graves de la Convention (article 13). L’Assemblée figure parmi les destinataires des rapports adoptés par le GRAVO sur la mise en œuvre de la Convention (articles 13.3 et 15).
22. Le chapitre IV régit les relations du projet de convention avec d’autres instruments internationaux et le chapitre V contient des clauses finales qui ressemblent à celles que l’on trouve dans d’autres conventions du Conseil de l’Europe. Il convient toutefois de noter l’absence de dispositions relatives aux réserves, permettant aux États de les formuler lors de la signature, de la ratification, de l'acceptation, de l'approbation ou de l'adhésion.
23. En vertu de l’article 18, après l’entrée en vigueur de la Convention, le Comité des Ministres pourra inviter tout État non membre du Conseil de l’Europe à adhérer à la Convention.

5. Positions exprimées par les parties prenantes

24. Le CCBE est un fervent partisan de l’initiative d’élaborer la convention et il a été un observateur des travaux du CJ-AV. Il a toujours plaidé en faveur d’un instrument juridique contraignant pour protéger les avocats, car il considère qu’il s’agit d’un élément déterminant pour l’administration de la justice et la protection des droits fondamentaux. Lors de l’audition de la commission à Erevan, M. Pettiti a insisté sur le nombre croissant de cas de violence, de menaces et d’actes de harcèlement à l’encontre des avocats en Europe, un phénomène qui a incité le CCBE à effectuer une enquête approfondie (évoquée plus haut). Les résultats de cette enquête ont mis en évidence les risques graves encourus par les avocats dans différents domaines et contextes nationaux, qui rendent encore plus nécessaire la prise de mesures de protection solides. En conséquence, le CCBE a pleinement approuvé le projet de convention et a soutenu son adoption.
25. L’Association internationale des jeunes avocats (AIJA) a considéré le projet de convention comme une étape indispensable pour protéger les jeunes avocats des interventions étatiques indues et leur permettre d’exercer librement leur profession. L’AIJA a déclaré que le cadre proposé ne se contente pas d’être conforme à la norme de protection des praticiens du droit, mais qu’il est susceptible d’en établir une nouvelle 
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6. Évaluation, conclusions et proposition d'amendement

26. Le projet de convention du Conseil de l’Europe pour la protection de la profession d’avocat doit être considéré comme une formidable réalisation du CJ-AV et du Conseil de l’Europe. Une fois adopté, il deviendra le tout premier instrument international contraignant en la matière et renforcera le statut du Conseil de l’Europe en tant qu’organisation internationale de premier plan dans la protection des droits humains, de la démocratie et de l’État de droit. Sa portée mondiale fait suite à un engagement pris dans la Déclaration de Reykjavík de mai 2023, dans laquelle les chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe se sont engagés à renforcer le rôle de l’Organisation dans l’architecture multilatérale européenne en évolution et dans la gouvernance mondiale en améliorant sa dimension extérieure.
27. De mon point de vue, le plus grand avantage du projet de convention est son approche pragmatique des menaces et des défis auxquels sont confrontés les avocats. Le projet de convention aborde un éventail plus large de questions que la Recommandation n° R(2000)21 du Comité des Ministres et prévoit notamment: la liberté de choisir ses clients, l’interdiction d’assimiler les avocats à leurs clients ou à la cause de leurs clients, la possibilité de participer au débat public sur des questions relatives à la promotion et à la protection des droits humains et de l’État de droit, l’immunité civile et pénale pour les déclarations faites de bonne foi lors de plaidoiries ou de comparutions professionnelles, la communication et la publicité et l’obligation faite aux autorités de protéger de manière adéquate les avocats menacés. Je suis très heureux de constater que le CJ-AV a rigoureusement mis en œuvre la Recommandation 2121 (2018) de l’Assemblée, malgré les difficultés évidentes qui découlent des différences entre les systèmes juridiques et les modes d’organisation de la profession d’avocat dans les États membres du Conseil de l’Europe. Je trouve réconfortant de voir que des associations de juristes réputées évaluent positivement le projet de convention et soutiennent son adoption.
28. Néanmoins, je regrette que le projet de convention ne contienne aucune mention directe de l’utilisation de la surveillance secrète, notamment les logiciels espions, à l’encontre des avocats. Si l’article 6.3 (b) protège la confidentialité des communications entre l’avocat et son client, il me semble que des garanties spécifiques associées à l’utilisation d’outils modernes de surveillance électronique sont nécessaires, en particulier si l’on tient compte des conclusions de l’Assemblée énoncées dans la Résolution 2513 (2023). J’espère que cette question sera abordée dans une future convention du Conseil de l’Europe sur l’acquisition, l’utilisation, la vente et l’exportation de logiciels espions, dont la faisabilité sera examinée par le Comité des Ministres en temps utile.
29. Une autre question que je souhaite aborder est celle du mécanisme d’alerte précoce pour réagir aux menaces immédiates qui pèsent sur la sécurité et l’indépendance des avocats et sur leur capacité à exercer de manière effective leurs activités professionnelles. Bien que l’Assemblée ait recommandé par le passé d’établir un tel mécanisme sur le modèle de la Plateforme pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes, je pense que le projet de convention dote le GRAVO des outils nécessaires pour atteindre des objectifs similaires. Je suis particulièrement heureux de la mise en place d’une procédure d’urgence (article 13) et je me réjouis à l’avance de coopérer avec cet organe de suivi.
30. Enfin, je note que le CJ-AV, comme indiqué dans son rapport de la 8e réunion (13-15 mai 2024) (document CJ-AV(2024)08), a décidé qu'«qu'aucune des dispositions de la convention ne doit faire l'objet de réserves». Il semble qu'à la suite de cette décision, un projet d’article sur les réserves ait été supprimée. Conformément au droit international coutumier (tel que reflété à l'article 19 de la Convention de Vienne sur le droit des traités), le projet de convention, tel qu'il est actuellement rédigé, pourrait être soumis à des réserves, ce qui semble contredire l'intention de ses auteurs, qui souhaitaient interdire les réserves. Par conséquent, je considère qu'il est impératif de proposer un amendement, dont le libellé reflète celui contenu dans le modèle de clauses finales pour les conventions, protocoles additionnels et protocoles d'amendement conclus au sein du Conseil de l'Europe, que les Délégués des Ministres ont adopté lors de leur 1291e réunion en juillet 2017. Je crois fermement que seule la mise en œuvre complète du projet de convention peut conduire au renforcement de la protection de la profession d'avocat. En l'absence d'une disposition interdisant les réserves, la règle coutumière générale s'appliquerait (interdisant seulement les réserves qui seraient incompatibles avec l'objet et le but du traité). Un seuil aussi extrêmement élevé pourrait s'avérer tentant pour certains États et les amener à formuler des réserves qui limiteraient l'impact global de cet instrument par ailleurs excellent.