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Rapport | Doc. 16105 | 28 janvier 2025

L’urgence d’organiser des élections libres et équitables au Bélarus

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Ryszard PETRU, Pologne, ADLE

Origine - Renvoi en commission: décision du Bureau, Renvoi 4849 du 27 janvier 2025. Conformément au Règlement de l’Assemblée, article 50.4, le rapport d’une commission ne comporte pas d’exposé des motifs si le rapport est préparé dans le cadre de la procédure d’urgence. 2025 - Première partie de session

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet de résolution
adopté à l’unanimité par la commission le 28 janvier 2025.

(open)
1. Des élections libres et équitables constituent le fondement même d’un gouvernement démocratique et la pierre angulaire de la démocratie représentative. En élisant, en leur sein, des représentant·es aux organes de gouvernance, les citoyen·nes exercent leur droit d’être représentés dans le processus décisionnel politique. Le droit de vote et de se présenter à une élection est un droit humain fondamental, indispensable au bon fonctionnement de la démocratie et à la protection des libertés individuelles.
2. La soi-disant élection présidentielle organisée au Bélarus le 26 janvier 2025 illustre le mépris flagrant du droit international et des normes démocratiques fondamentales, dont fait preuve le régime dirigé par Aliaksandr Loukachenka depuis trois décennies.
3. La participation du régime de M. Loukachenka à l’agression à grande échelle de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, une violation des plus graves du droit international qui a conduit l’Assemblée parlementaire à suspendre toutes ses relations avec les autorités du Bélarus sur la base de son Avis 300 (2022) «Conséquences de l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine», et la poursuite de l’«arsenalisation» des migrant·es comme instrument de guerre hybride contre les États voisins, témoignent de ce rejet total du droit international.
4. Depuis les élections frauduleuses de 2020, le régime de M. Loukachenka a systématiquement appliqué des mesures qui, de par leur conception et leur mise en œuvre, ont entièrement anéanti tous les vestiges des principaux piliers de la société démocratique dans le pays.
5. L’Assemblée rappelle que dans son avis rendu le 24 octobre 2022, la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) a conclu que les amendements à la Constitution adoptés par référendum au Bélarus le 27 février 2022, ne prévoyaient aucune limitation raisonnable aux mandats de M. Loukachenk a. Elle rappelle en outre l’avis intérimaire du 23 mars 2021 de la Commission de Venise, selon lequel les dérogations ad hominem à la limitation du mandat des présidents en exercice violent les principes du droit international.
6. L’Assemblée réaffirme sa position selon laquelle tout pays qui étend la limitation du mandat présidentiel au-delà des deux mandats habituels de quatre ou cinq ans s’écarte considérablement de la démocratie et de l’État de droit.
7. L’Assemblée salue le rôle précieux joué par les observateurs et observatrices électoraux internationaux qui réalisent des évaluations crédibles et fiables des élections, et réaffirme que, dans tout système véritablement démocratique, le contrôle international, la transparence et l’obligation de rendre des comptes doivent être encouragés. La décision de ne pas inviter d’observateurs et observatrices électoraux de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe à observer les prétendues élections législatives et locales de 2024, et la soi-disant élection présidentielle de 2025, est contraire aux engagements internationaux souscrits par le Bélarus et constitue une preuve supplémentaire de l’état actuel de l’espace démocratique et des droits et libertés civils et politiques au Bélarus.
8. Le nombre sans précédent d’arrestations et de détentions à motivation politique, ainsi que les intimidations généralisées à l’encontre de personnalités de l’opposition, de journalistes, de militant·es et de défenseur·es des droits humains, ont contraint plus de 500 000 Bélarussien·nes à fuir le pays. Beaucoup d’entre eux continuent de faire l’objet de répressions, telles que des procès par contumace, la confiscation de leurs biens, l’impossibilité de faire renouveler leurs documents d’identité, des menaces contre leur famille ou l’utilisation abusive par les autorités bélarussiennes des systèmes d’alerte d’Interpol dans le but de harceler les dissident·es. La répression du régime a un impact disproportionné sur les jeunes, notamment les expulsions et les arrestations pour motifs politiques, ainsi que la suppression de leurs droits à l'éducation, à l'expression et à la participation.
9. L’Assemblée est vivement préoccupée par la répression transnationale que continue d’exercer le régime de M. Loukachenka. Elle attire l’attention sur les procès pénaux à motivation politique qui se sont déroulés par contumace le 31 mai 2024 à l’encontre de 20 universitaires, spécialistes des questions politiques, journalistes, expert·es et responsables politiques de l’opposition, ainsi que sur leur qualification en tant qu’individus impliqués dans des activités extrémistes. Des partenaires du Conseil de l’Europe figurent parmi les personnes détenues arbitrairement; ils sont poursuivis pour avoir fait valoir pacifiquement et courageusement leurs droits, ou simplement pour avoir exercé leurs activités professionnelles.
10. L’Assemblée déplore le maintien en détention au Bélarus de plus de 1 200 prisonniers et prisonnières politiques, dont certains n’ont aucune possibilité de communiquer avec l’extérieur pendant une période de temps indéterminée, subissent des tortures, des traitements inhumains ou dégradants et des actes de violence physique ou sexuelle, sont privés de soins médicaux de base et de toute intimité, n’ont pas droit à un procès équitable, sont soumis à des pressions psychologiques et font l’objet de discriminations.
11. La politique générale de répression politique a donné lieu à l’adoption d’une législation qui interdit dans les faits l’enregistrement et le fonctionnement des partis politiques démocratiques d’opposition et la présentation de candidat·es alternatifs à la présidence. Toutes les figures politiques de l’opposition sont emprisonnées ou résident à l’étranger. Trois candidats de l’opposition à l’élection présidentielle de 2020 sont toujours incarcérés, tandis que les amendements à la Constitution portés en 2022 par M. Loukachenka ont étendu la limite d’âge et imposé de nouvelles conditions de résidence de manière à interdire de fait à tout Bélarussien·ne en exil de présenter sa candidature.
12. Les persécutions généralisées et systématiques menées par le régime de M. Loukachenka à l’encontre de la population civile pourraient constituer des crimes contre l’humanité, et l’Assemblée prend acte du renvoi adressé en septembre 2024 par la République de Lituanie au Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale, lui demandant d’enquêter sur ces crimes allégués.
13. Dans une situation où les libertés d’expression, de réunion et d’association sont restreintes, où les partis politiques d’opposition sont dissous et où leurs responsables sont persécutés, où la liberté des médias n’est pas respectée, où il n’existe aucun recours contre ces violations, et où aucune observation électorale crédible, qu’elle soit nationale ou internationale, n’est autorisée, il est clair qu’il ne peut y avoir d’élections libres et équitables.
14. L’Assemblée réaffirme son engagement indéfectible à soutenir les droits, les libertés et la sécurité du peuple du Bélarus, en exprimant sa solidarité avec toutes les personnes touchées par les crimes du régime de M. Loukachenka, et son soutien aux forces démocratiques bélarusses, conduites par Sviatlana Tsikhanouskaya, et à ses structures – le Bureau de Sviatlana Tsikhanouskaya, le Cabinet de transition uni et le Conseil de coordination, en tant qu'organe représentatif élu de la société démocratique bélarussienne – qui mènent l’action en faveur d’un avenir démocratique pour le Bélarus.
15. Elle rappelle que la coopération avec les représentant·es des forces démocratiques et de la société civile du Bélarus reste une priorité pour le Conseil de l’Europe, comme indiqué dans la Déclaration de Reykjavík adoptée par les chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe en mai 2023.
16. Dans ce contexte, l’Assemblée salue le développement des activités du groupe de contact du Conseil de l’Europe sur la coopération avec les forces démocratiques et la société civile du Bélarus, l’ouverture d’un Point d’information pour la population bélarusse à Vilnius décidée en novembre 2024, et le dialogue régulier établi par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, y compris sur la question de la peine de mort.
17. L’Assemblée rappelle sa propre décision inédite, énoncée dans sa Résolution 2530 (2024) «Un avenir démocratique pour le Bélarus», de promouvoir davantage la participation des représentant·es des forces démocratiques du Bélarus dans ses travaux. Elle se félicite, en tant que démonstration concrète de cet engagement, de la constitution d’une délégation représentative des forces démocratiques du Bélarus auprès de l’Assemblée dès la session 2025.
18. L’Assemblée parlementaire réitère son ambition d’accueillir un futur Bélarus démocratique, indépendant, souverain, pacifique et prospère en tant que membre du Conseil de l’Europe.
19. Au vu de ces éléments et déplorant la nouvelle détérioration des droits humains, de l’État de droit et des normes démocratiques au Bélarus, l’Assemblée:
19.1. souligne que des élections démocratiques ne sont pas possibles sans respect des droits humains, et notamment des libertés d’expression, de réunion et d’association;
19.2. estime que les soi-disant élections organisées au Bélarus le 26 janvier 2025 ne respectent pas les normes internationales minimales en matière d’élections démocratiques et sont dénuées de toute crédibilité démocratique;
19.3. considère qu’il n’y a aucune raison de reconnaître la légitimité d’Aliaksandr Loukachenka en tant que président.
20. Conformément aux recommandations énoncées dans sa Résolution 2530 (2024), l’Assemblée estime qu’afin d’honorer ses obligations en vertu du droit international, de s’aligner sur les valeurs du Conseil de l’Europe et de préserver sa souveraineté et son indépendance, le Bélarus devrait:
20.1. mettre fin à toutes les mesures répressives visant à museler la dissidence, et garantir la libération inconditionnelle et immédiate de tous les prisonniers et prisonnières politiques, et assurer leur réhabilitation;
20.2. décréter une amnistie pour toutes les personnes arrêtées pour des raisons politiques;
20.3. mettre immédiatement fin à tous les actes de torture ou traitements inhumains et dégradants, que ce soit en public, au domicile des citoyen·nes ou dans tout lieu de détention;
20.4. garantir l’organisation d’élections libres et équitables, ainsi que le respect des droits et libertés civils et politiques, conformément aux recommandations énoncées dans la Résolution 2371 (2021) «Nécessité urgente d’une réforme électorale au Bélarus» de l’Assemblée et à celles formulées par la Commission de Venise et le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe;
20.5. permettre une passation pacifique du pouvoir après l’organisation d’élections libres et équitables;
20.6. instaurer sans délai un moratoire sur la peine de mort et prendre des mesures en vue de son abolition définitive.
21. L’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe:
21.1. à rejeter la légitimité de la soi-disant élection du 26 janvier 2025 au Bélarus, afin d’indiquer clairement leur non reconnaissance de l’élection de d’Aliaksandr Loukachenka à la présidence du Bélarus, et à prendre des mesures résolues pour étendre et renforcer les sanctions ciblées contre le régime et ceux qui le soutiennent dans ses activités illégales;
21.2. conformément à la déclaration de Reykjavík des chefs d'État et de gouvernement du Conseil de l'Europe de mai 2023, à poursuivre et intensifier le soutien aux structures des forces démocratiques du Bélarus menées par Sviatlana Tsikhanouskaya;
21.3. à poursuivre et intensifier les efforts déployés pour enquêter sur les atteintes aux droits humains au Bélarus et à soutenir activement les mécanismes permettant de garantir que les personnes responsables seront tenues de rendre compte de leurs actes;
21.4. à envisager des mesures visant à faciliter l’entrée et le séjour, dans des conditions sûres et dignes, des citoyen·nes du Bélarus qui fuient le régime de Loukachenka, conformément à la Résolution 2499 (2023) «Relever les défis spécifiques auxquels sont confrontés les Bélarussiens en exil» de l’Assemblée; à prendre des mesures pour les aider à préserver leur langue, leur culture et leur identité; et à s’abstenir de les renvoyer au Bélarus tant qu’ils risquent d’être persécutés;
21.5. conformément à la Résolution 2509 (2023) de l’Assemblée «La répression transnationale, une menace croissante pour l’État de droit et les droits humains», à mettre en place des mécanismes pour suivre les incidents de répression transnationale et à faire en sorte que les partenaires du Conseil de l’Europe, les défenseur·es des droits humains, les journalistes et les militant·es soient mieux protégés contre le risque de répression transnationale.