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Rapport | Doc. 16129 | 14 mars 2025

Renforcer les relations entre le Conseil de l'Europe et l'Amérique latine

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Antonio GUTIÉRREZ LIMONES, Espagne, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 15448, Renvoi 4638 du 25 avril 2022. 2025 - Deuxième partie de session

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté par la commission le 5 mars 2025.

(open)
1. L’Europe et l’Amérique latine partagent des liens multidimensionnels: l’Assemblée parlementaire, dans sa Résolution 390 (1968) «Relations avec l’Amérique latine», rappelait déjà que «les affinités multiples qui lient l’Europe à l’Amérique latine ne découlent pas seulement des réalités économiques du monde moderne, mais aussi de leur patrimoine de civilisation». En effet, leurs cultures, leurs politiques et leurs économies sont étroitement liées, et les liens forgés au cours de plus de cinq siècles d’histoire commune ont facilité l’échange des idées, des traditions et des valeurs à travers l’océan Atlantique.
2. À quelques exceptions près, les pays et les organisations de la région latino-américaine partagent les mêmes valeurs fondamentales qui sont au cœur du Conseil de l’Europe: l’universalité des droits humains, le caractère irremplaçable de la démocratie et la primauté de l’État de droit sur la loi du plus fort.
3. Le Conseil de l’Europe a déjà institutionnalisé des relations et établi des contacts avec plusieurs organisations et institutions régionales en Amérique latine:
3.1. un accord de coopération a été signé en 2008 entre l’Assemblée et le Parlement latino-américain (Parlatino);
3.2. un Mémorandum d’accord a été signé entre le Conseil de l’Europe et l’Organisation des États Américains (OEA) en 2011;
3.3. la Cour européenne des droits de l’homme, conjointement avec la Cour interaméricaine des droits de l’homme et la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, a adopté en 2018 la Déclaration de San José, qui établit un Forum permanent de dialogue institutionnel;
3.4. des activités de dialogue et de coopération ont été mises en place avec le Système ibéro-américain et ses organisations sectorielles.
4. Le Conseil de l’Europe a également noué des relations bilatérales avec un certain nombre de pays latino-américains. Le Mexique est le pays qui entretient les liens les plus étroits avec l’Organisation. En effet, depuis 1999, c’est un État qui bénéficie du statut d’observateur auprès du Conseil de l’Europe et le Congrès mexicain bénéficie du statut d’observateur auprès de l’Assemblée. D’autres pays latino-américains coopèrent avec le Conseil de l’Europe, par exemple dans le cadre de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise): depuis 2002, le Brésil, le Chili, le Costa Rica et le Pérou sont membres de la Commission de Venise, et l’Argentine et l’Uruguay sont observateurs.
5. Les liens qui existent entre l’Europe et l’Amérique latine sont particulièrement pertinents dans le contexte géopolitique actuel, instable et incertain. L’ordre international fondé sur des règles est attaqué et, parallèlement, les défis mondiaux nécessitant une réponse internationale commune fondée sur le multilatéralisme et la coopération se multiplient: les conflits géopolitiques et les menaces à la sécurité internationale, le changement climatique et la dégradation de l’environnement, la transition énergétique et la gestion des ressources naturelles y afférentes, les migrations de masse, les risques pour la santé, et l’utilisation de l’intelligence artificielle.
6. L’Assemblée estime qu’il est plus important que jamais pour l’Europe de renforcer ses liens avec les régions qui partagent ses valeurs. La région d’Amérique latine devrait être considérée comme un allié naturel. S’il convient de renforcer les partenariats existants avec des organisations multilatérales et des pays d’Amérique latine, le Conseil de l’Europe devrait également chercher à développer le dialogue et de nouvelles formes de coopération dans cette région.
7. L’Assemblée rappelle que dans la Déclaration de Reykjavík, les chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe se sont engagés à renforcer le rôle de l’Organisation dans la gouvernance mondiale en améliorant sa dimension externe, à travers un nouvel engagement fondé sur ses valeurs fondamentales avec les démocraties dans le monde. Ils ont également souligné la nécessité d’encourager une ratification plus large des conventions du Conseil de l’Europe ouvertes aux États non-membres, étendant l’action de l’Organisation aux pays non membres grâce également à la contribution active des États observateurs, et appelé à un renforcement du dialogue politique avec d’autres organisations internationales.
8. L’Assemblée salue les contributions importantes de la délégation du Congrès mexicain en tant qu’observateur aux travaux de l’Assemblée, et le rôle joué par le Mexique en tant qu’État observateur auprès du Conseil de l’Europe, depuis plus de 25 ans. Elle invite donc le Mexique et son Congrès à continuer de promouvoir les travaux et les normes du Conseil de l’Europe, et de servir de source d’inspiration aux autres pays et à leurs assemblées nationales dans la région, qui souhaiteraient renforcer leurs relations avec l’Organisation.
9. Compte tenu de ce qui précède, et conformément à sa Résolution 2581 (2025) «La nécessité d’un nouvel ordre international fondé sur des règles», l’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe et les États observateurs:
9.1. à renforcer leurs relations avec les organisations multilatérales pertinentes en Amérique latine, en particulier l’OEA et le Système ibéro-américain, par le biais de réunions à haut niveau, d’accords sectoriels, d’activités de coopération technique, d’échange d’expertise et d’événements conjoints, en vue:
9.1.1. de défendre le multilatéralisme et le respect du droit international;
9.1.2. de promouvoir et de protéger les droits humains;
9.1.3. de lutter contre le recul de la démocratie;
9.1.4. de promouvoir les principes de l’État de droit;
9.1.5. de s’attaquer aux effets de la pollution, du changement climatique et de la perte de biodiversité;
9.1.6. de s’attaquer aux effets des nouvelles technologies et de l’intelligence artificielle;
9.2. à engager un dialogue avec les États latino-américains, afin de promouvoir les normes et l’expertise technique du Conseil de l’Europe et d’encourager leur adhésion aux accords élargis, aux accords partiels élargis et aux conventions qui sont ouvertes aux États non membres du Conseil de l’Europe, tels que la Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur l’intelligence artificielle et les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit (STCE n° 225), la Commission de Venise, et le Groupe de coopération internationale du Conseil de l’Europe sur les drogues et les addictions (Groupe Pompidou).
10. L’Assemblée se félicite de la collaboration fructueuse entre la Cour européenne des droits de l’homme et ses homologues régionales, la Cour interaméricaine des droits de l’homme et la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, et les encourage à intensifier leurs efforts conjoints, notamment en ce qui concerne la promotion de leurs instruments régionaux, le partage de leur jurisprudence avec les tribunaux nationaux et les mécanismes permettant de suivre la mise en œuvre des arrêts.
11. Convaincue de l’importance du dialogue et de la diplomatie interparlementaires pour jeter des ponts entre les continents, garantir l’enrichissement mutuel des idées et protéger et renforcer la démocratie, les droits humains et l’État de droit, l’Assemblée décide:
11.1. de relancer l’accord de coopération signé avec le Parlement latino-américain (et caribéen) en 2008 et de contribuer à sa mise en œuvre:
11.1.1. en invitant le Président du Parlatino, à intervalles appropriés, à participer et à prendre la parole devant l’Assemblée plénière lors de ses parties de session;
11.1.2. en invitant une délégation du Parlatino à assister aux parties de session de l’Assemblée, à des conférences et à d’autres événements, le cas échéant, et en organisant des réunions conjointes ad hoc sur des questions d’intérêt commun;
11.1.3. en échangeant des documents officiels et en mettant son expertise en matière de pratique et de procédure parlementaires à la disposition du Parlatino et de ses membres;
11.2. d’entamer un dialogue avec le ParlAmericas, le réseau indépendant composé des assemblées législatives nationales des États membres de l’OEA, afin d’évaluer les possibilités de collaboration sur les questions d’intérêt commun.
12. L’Assemblée encourage les parlements nationaux de la région d’Amérique latine à explorer la possibilité de renforcer leurs relations avec elle, en vue de présenter une demande de statut d’observateur auprès de l’Assemblée.
13. En ce qui concerne le rayonnement du Conseil de l’Europe dans la région d’Amérique latine, l’Assemblée reconnaît l’intérêt d’avoir à disponibilité des informations et des textes actualisés sur l’Organisation traduits en espagnol, et recommande que cet effort soit poursuivi dans la mesure du possible.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet de recommandation
adopté par la commission le 5 mars 2025.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire attire l’attention du Comité des Ministres sur sa Résolution …. (2025) «Renforcer les relations entre le Conseil de l’Europe et l’Amérique latine», dans laquelle elle souligne que l’Europe et l’Amérique latine partagent des liens multidimensionnels et les mêmes valeurs fondamentales: l’universalité des droits humains, le caractère irremplaçable de la démocratie et la primauté de l’État de droit sur la loi du plus fort.
2. Les liens qui existent entre l’Europe et l’Amérique latine sont particulièrement importants dans le contexte géopolitique actuel, instable et incertain. L’ordre international fondé sur des règles est attaqué et, parallèlement, les défis mondiaux nécessitant une réponse internationale commune fondée sur le multilatéralisme et la coopération se multiplient: les conflits géopolitiques et les menaces à la sécurité internationale, le changement climatique et la dégradation de l’environnement, la transition énergétique et la gestion des ressources naturelles y afférentes, les migrations de masse, les risques pour la santé et l’utilisation de l’intelligence artificielle.
3. L’Assemblée rappelle que le Conseil de l’Europe a déjà institutionnalisé des relations et établi des contacts avec plusieurs organisations et institutions régionales en Amérique latine:
3.1. un Mémorandum d’accord a été signé entre le Conseil de l’Europe et l’Organisation des États américains (OEA) en 2011;
3.2. la Cour européenne des droits de l’homme, conjointement avec la Cour interaméricaine des droits de l’homme et la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, a adopté en 2018 la Déclaration de San José, qui établit un Forum permanent de dialogue institutionnel;
3.3. des activités de dialogue et de coopération ont été mises en place avec le Système ibéro-américain et ses organisations sectorielles;
3.4. un accord de coopération a été signé en 2008 entre l’Assemblée et le Parlement latino-américain (Parlatino).
4. L’Assemblée estime qu’il est plus important que jamais pour l’Europe de renforcer ses liens avec les régions qui partagent ses valeurs. La région d’Amérique latine devrait être considérée comme un allié naturel. S’il convient de renforcer les partenariats existants avec des organisations multilatérales et des pays d’Amérique latine, le Conseil de l’Europe devrait également chercher à développer le dialogue et de nouvelles formes de coopération dans cette région. Compte tenu de ce qui précède, et conformément à la Déclaration de Reykjavik, l’Assemblée invite le Comité des Ministres:
4.1. à renforcer davantage les relations du Conseil de l’Europe avec les organisations multilatérales pertinentes en Amérique latine, en particulier l’OEA et le Système ibéro-américain, par le biais de réunions à haut niveau, d’accords sectoriels, d’activités de coopération technique, d’échange d’expertise et d’événements conjoints, en vue:
4.1.1. de défendre le multilatéralisme et le respect du droit international;
4.1.2. de promouvoir et de protéger les droits humains;
4.1.3. de lutter contre le recul de la démocratie;
4.1.4. de promouvoir les principes de l’État de droit;
4.1.5. de s’attaquer aux effets de la pollution, du changement climatique et de la perte de biodiversité;
4.1.6. de s’attaquer aux effets des nouvelles technologies et de l’intelligence artificielle;
4.2. à engager un dialogue avec les États de la région d’Amérique latine, afin de promouvoir les normes et l’expertise technique du Conseil de l’Europe et d’encourager leur adhésion aux accords élargis, aux accords partiels élargis et aux conventions qui sont ouvertes aux États non membres du Conseil de l’Europe, tels que la Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur l’intelligence artificielle et les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit (STCE n° 225), la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), et le Groupe de coopération internationale du Conseil de l’Europe sur les drogues et les addictions (Groupe Pompidou).

C. Exposé des motifs par M. Antonio Gutiérrez Limones, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. L'Europe et l'Amérique latine ont des liens historiques, politiques, culturels et économiques profonds. Elles partagent également des valeurs communes, notamment le respect des droits humains, de la démocratie et de l'État de droit. Le Conseil de l'Europe entretient des relations avec un certain nombre de pays et d'organisations régionales d'Amérique latine, à différents niveaux. La proposition de résolution à l'origine de ce rapport – que j'ai initiée – découle de la conviction qu'il existe un fort potentiel et un intérêt mutuel à renforcer ces relations et à consolider la coopération multilatérale avec l'Amérique latine sur la base de règles et de valeurs communes.
2. Cette idée est conforme à la Déclaration adoptée par les chefs d'État et de gouvernement du Conseil de l'Europe, lors de leur 4e Sommet tenu à Reykjavík les 16 et 17 mai 2023, par laquelle ils se sont engagés à «renforcer le rôle du Conseil de l'Europe dans l'architecture multilatérale européenne en évolution et dans la gouvernance mondiale en améliorant sa dimension extérieure, [...] à travers un nouvel engagement fondé sur ses valeurs fondamentales avec les démocraties dans le monde». En outre, ils ont également appelé à un renforcement du dialogue politique avec d'autres organisations internationales 
			(3) 
			<a href='https://edoc.coe.int/fr/le-conseil-de-l-europe-en-bref/11618-unis-autour-de-nos-valeurs-declaration-de-reykjavik.html'> Déclaration
de Reykjavík – Unis autour de nos valeurs</a>..
3. Un an après la Déclaration de Reykjavík, le Comité des Ministres, à l'occasion de sa 133e Session, a souligné à nouveau l'importance de renforcer la dimension extérieure de l'Organisation, notamment par le dialogue politique, y compris au plus haut niveau, et la coopération avec d'autres organisations internationales, ainsi que par le renforcement des relations avec les États observateurs et les États non membres qui partagent ses valeurs.
4. En outre, dans sa Résolution 2581 (2025) «La nécessité d'un nouvel ordre international fondé sur des règles», l'Assemblée parlementaire a appelé les États membres du Conseil de l'Europe à engager un dialogue avec les pays du Sud global et à renforcer la coopération du Conseil de l'Europe avec d'autres organisations multilatérales, en Europe et au-delà; elle s'est également engagée à réexaminer et, le cas échéant, à renforcer l'efficacité de ses accords de coopération avec d'autres assemblées ou organisations parlementaires internationales.

2. Les mesures prises jusqu'à présent

5. L'Assemblée a pris position à plusieurs reprises dans le passé sur la situation en Amérique latine et les relations du Conseil de l'Europe avec la région. Il convient de mentionner en particulier les textes suivants adoptés par l'Assemblée:
6. À la suite de ma désignation à la fonction de rapporteur en avril 2022, la sous-commission des relations extérieures de la Commission des questions politiques et de la démocratie – que je présidais – a tenu des échanges de vues en juin 2022 avec M. Éctor Jaime Ramírez, membre de la délégation d'observateurs du Mexique auprès de l'Assemblée, et avec l'ambassadeur Manuel Montobbio, à l'époque représentant permanent de l'Espagne et président du groupe de rapporteurs sur les relations extérieures du Comité des Ministres (GR-EXT). M. Ramírez a réitéré l'engagement du Mexique en faveur des droits humains, de la démocratie et de l'État de droit, et a noté que le rapport pourrait contribuer à redynamiser les relations entre l'Assemblée et le Parlement latino-américain (le Parlatino). L'Ambassadeur Montobbio a présenté le rapport d'activité sur le processus de réflexion sur la contribution du Conseil de l'Europe à l'ordre international et à la gouvernance mondiale, ainsi qu'à la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD) 
			(4) 
			Voir le document <a href='https://search.coe.int/cm'>CM(2022)84-final
«Processus de réflexion sur la contribution du Conseil de l'Europe
à l'ordre international et à la gouvernance mondiale, ainsi qu'à
la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD) – Rapport
d'activité»</a>.. Les propositions du rapport d'activité comprennent le développement d'échanges de vues avec les organisations internationales pertinentes, la promotion des instruments du Conseil de l'Europe ouverts aux États non membres et le développement de relations avec les États et les organisations internationales qui partagent les valeurs et les principes du Conseil de l'Europe et avec lesquels le dialogue pourrait être renforcé 
			(5) 
			<a href='https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectId=0900001680a68fac'> CM/Del/Dec(2022)132/3ci</a>.. L'ambassadeur Montobbio a souligné que les travaux en cours de l'Assemblée sur le renforcement des relations avec l'Amérique latine contribueraient utilement à la réalisation de ces objectifs.
7. En mai 2023, la commission des questions politiques et de la démocratie a organisé des auditions avec Mme Carmen Almendras Camargo, ancienne vice-chancelière de Bolivie, M. Enrique Ojeda Vila, directeur général de Casa América (Espagne), et M. Javier Velasco Villegas, ambassadeur du Chili en Espagne, au cours desquelles ces derniers ont souligné le grand potentiel de développement de relations plus rationalisées et plus souples entre le Conseil de l'Europe et les pays d'Amérique latine. La réunion a été une nouvelle occasion de souligner la nécessité de renforcer la coopération du Conseil de l'Europe, non seulement avec ses voisins géographiques, mais aussi avec les pays partageant ses valeurs communes.
8. En novembre 2023, le Président de l'Assemblée, M. Tiny Kox, s'est rendu au Mexique, où il a rencontré des représentants du Congrès et du ministère des Affaires étrangères, puis à Washington D.C. (USA), pour y rencontrer des responsables de l'Organisation des États américains (OEA). Les autorités mexicaines ont confirmé leur volonté de jouer un rôle plus actif dans la promotion des valeurs du Conseil de l'Europe dans la région, compte tenu de leur statut d'État observateur. De même, le Secrétaire Général de l'OEA a exprimé son intérêt pour le développement de la coopération entre les deux organisations.
9. Le 30 septembre 2024, la commission des questions politiques et de la démocratie a tenu une audition avec Mme María Corina Machado, coordinatrice nationale de Vente Venezuela, qui avait reçu le Prix des Droits de l'Homme Václav Havel 2024 le jour même. Mme Machado a participé à la réunion de la commission en ligne, depuis un endroit caché et sécurisé au Venezuela. Au cours de l'audition, la crise politique actuelle au Venezuela a été discutée, et il a été souligné comment la communauté internationale pourrait jouer un rôle en poussant le régime de Maduro vers une transition négociée.
10. Par ailleurs, en décembre 2024, je me suis rendu au Panama pour assister à la 38e Assemblée ordinaire du Parlement latino-américain et caribéen (Parlatino). Lors de cette visite, j'ai rencontré le président du Parlatino, M. Rolando González Patricio, et son secrétaire général, M. Juan Martín Rodríguez, qui étaient tous deux désireux de relancer la collaboration avec l'Assemblée.
11. Pendant mon séjour au Panama, j'ai également rencontré, entre autres, la Présidente de la Chambre des représentants de l'Uruguay, Mme Ana Olivera Pessano, qui s'est montrée intéressée par la possibilité que le Parlement national de l'Uruguay devienne observateur auprès de l'Assemblée.
12. En outre, j'ai eu l'occasion de m'adresser à la plénière de l'Assemblée ordinaire du Parlatino, appelant à un nouvel élan dans les relations entre l'Assemblée et le Parlatino, et soulignant le rôle que le dialogue politique et la diplomatie parlementaire peuvent jouer pour relever les principaux défis mondiaux tels que les menaces à la sécurité et à la paix internationales, le changement climatique, les inégalités croissantes et le développement des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle.
13. De Panama, je me suis rendu en Colombie, où j'ai rencontré Mme Patricia Cortés, directrice pour l'Europe du ministère colombien des Affaires étrangères, et M. Heraclito Landinez Suárez, membre de la Chambre des représentants: tous deux ont exprimé leur intérêt pour le renforcement des liens de la Colombie avec le Conseil de l'Europe et son Assemblée. Cela a également été confirmé par M. Jaime Raúl Salamanca Torres, président de la Chambre des représentants colombienne, que j'ai eu l'occasion de rencontrer brièvement.

3. Les relations existantes entre le Conseil de l'Europe et l'Amérique latine

3.1. L'Organisation des États américains

14. L'Organisation des États américains (OEA) est une organisation régionale qui œuvre en faveur de la démocratie, des droits humains, de la sécurité et du développement sur le continent américain. Elle a vu le jour en 1948 avec la signature à Bogota, en Colombie, de la Charte de l'OEA, un an seulement avant le Statut instituant le Conseil de l'Europe (STE n° 1), et animés par la même volonté de consolider la paix, de garantir le progrès et de protéger la démocratie et les droits humains. La Charte de l'OEA est entrée en vigueur en décembre 1951.
15. L'OEA a été établie en vue de parvenir entre ses États membres à «un ordre de paix et de justice, de maintenir leur solidarité, de renforcer leur collaboration et de défendre leur souveraineté, leur intégrité territoriale et leur indépendance» 
			(6) 
			Article 1 de la <a href='https://www.oas.org/dil/french/traites_A-41_Charte_de_l_Organisation_des_Etats_Americains.htm'>Charte</a> de l'OEA.. Elle réunit les 35 États indépendants des Amériques 
			(7) 
			<a href='https://www.oas.org/fr/etats_membres/default.asp'>www.oas.org/fr/etats_membres/default.asp</a>.et constitue la principale instance intergouvernementale politique, juridique et sociale de la région.
16. Il convient de mentionner que l'OEA compte également 74 observateurs permanents, dont 44 sont des États membres du Conseil de l'Europe (seuls Andorre et Saint-Marin, parmi les États membres du Conseil de l'Europe, n'ont pas ce statut). En revanche, 3 États membres de l'OEA ont le statut d’observateur auprès du Conseil de l'Europe (le Canada, le Mexique et les États-Unis), et 2 États ont le statut d'observateur auprès des deux organisations (le Saint-Siège et le Japon).
17. La coopération entre le Conseil de l'Europe et l'OEA est institutionnalisée dans un Mémorandum d'accord de 2011, dans lequel les deux organisations ont identifié les questions suivantes comme des domaines prioritaires dans lesquels la coopération devrait être développée: sensibilisation aux droits humains ainsi que leur protection et leur développement; liberté des médias, protection des données, société de l'information et gouvernance de l'internet; droits des femmes, élimination de la violence à l'égard des femmes et lutte contre la traite des êtres humains; droits des enfants et droits des personnes handicapées; cohésion sociale; renforcement de la démocratie, questions électorales, bonne gouvernance et société civile; prévention et gestion des conflits, réhabilitation post-conflit; État de droit: renforcement du pouvoir judiciaire, lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée, la corruption et la cybercriminalité; réduction de la production, du trafic et de la consommation de drogues illicites; promotion des normes juridiques internationales, notamment en explorant la possibilité pour chaque organisation d'encourager l'adhésion de ses membres à certaines conventions ou instruments juridiques adoptées par l'autre organisation 
			(8) 
			<a href='https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=0900001680469146'>Protocole
d'accord</a>..
18. Ce Mémorandum d'accord a ouvert la voie à des accords sectoriels, tels que celui signé par le Groupe de coopération internationale du Conseil de l’Europe sur les drogues et les addictions (Groupe Pompidou) et son homologue de l'OEA, la Commission interaméricaine de lutte contre l'abus des drogues (CICAD), le 25 février 2021. L'OEA est également observateur auprès du Groupe d'États contre la corruption (GRECO) depuis 2011.
19. De plus, un accord de coopération a été signé entre la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) et l'OEA sur l'avancement et la réalisation d'actions d'échange, de coopération et d'assistance technique liées au développement des principes de l'État de droit et de la séparation des pouvoirs en Amérique latine (2020). À titre d'exemple, à la suite d'une demande du Secrétaire général de l'OEA, la Commission de Venise a adopté en décembre 2024 un avis final sur les solutions constitutionnelles et législatives possibles pour la conduite des futures procédures électorales en Haïti 
			(9) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-AD(2024)042-f'>www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-AD(2024)042-f</a>., ainsi qu'un rapport sur les observateurs électoraux en tant que défenseurs des droits humains 
			(10) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-AD(2024)039-f'>www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-AD(2024)039-f</a>..

3.2. Le système interaméricain des droits de l'homme

20. Le système interaméricain des droits de l'homme est chargé de surveiller, de promouvoir et de protéger les droits humains dans les pays de l'OEA. Il est composé de deux organes principaux et autonomes: la Commission interaméricaine des droits de l'homme et la Cour interaméricaine des droits de l'homme (CIADH). 
			(11) 
			La CIADH est une institution
du système interaméricain incarné par l'OEA, et correspond à la
Cour européenne des droits de l'homme et au Comité européen des
droits sociaux dans le système de protection des droits humains
du Conseil de l'Europe. Ces deux organes peuvent statuer sur des plaintes individuelles concernant des violations alléguées des droits humains et peuvent prendre des mesures de protection d'urgence lorsqu'un individu ou la personne faisant l'objet d'une plainte court un risque immédiat de subir un préjudice irréparable. La Commission s'engage également dans une variété d'activités de surveillance et de promotion des droits humains, tandis que la Cour peut émettre des avis consultatifs sur des questions relatives à l'interprétation des instruments interaméricains à la demande d'un organe ou d'un État membre de l’OEA.
21. Un dialogue judiciaire solide existe entre la Cour européenne des droits de l'homme (la Cour) et la CIADH. En 2018, les deux cours régionales des droits de l’homme et la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples ont adopté la Déclaration de San José établissant un forum permanent de dialogue institutionnel visant à «travailler ensemble pour renforcer la protection des droits de l'homme et l'accès à la justice internationale pour les personnes sous la juridiction des trois tribunaux, contribuer aux efforts des États de renforcer leurs institutions démocratiques et leurs mécanismes de protection des droits de l'homme, et surmonter les challenges et défis communs pour la validité effective des droits de l'homme».
22. Conformément à cette déclaration, les trois cours se sont réunies chaque année et ont entrepris d'importants projets, notamment la publication d'un rapport juridique conjoint annuel qui présente leur jurisprudence et favorise un enrichissement mutuel en la matière. En particulier, les trois cours ont organisé trois Forums internationaux sur les droits humains: en 2019 à Kampala, en 2021 en ligne, et en 2023 à San José, avec la signature d'une deuxième Déclaration de San José 
			(12) 
			<a href='https://www.echr.coe.int/fr/regional-human-rights-courts'>www.echr.coe.int/fr/regional-human-rights-courts</a>..
23. La CIADH traitant également des droits sociaux, une conférence a été organisée les 3 et 4 octobre 2019 à Madrid, afin d'élargir la discussion entre la CIADH et le Comité européen des Droits sociaux du Conseil de l’Europe. Ce fut le premier dialogue entre les deux institutions et il a jeté les bases d'une relation de connaissance mutuelle et de coopération à développer 
			(13) 
			<a href='https://www.coe.int/en/web/european-social-charter/-/implementing-social-rights-lessons-learnt-first-dialogue-between-the-european-committee-of-social-rights-and-the-inter-american-court-of-human-rights'>www.coe.int/fr/web/european-social-charter/-/implementing-social-rights-lessons-learnt-first-dialogue-between-the-european-committee-of-social-rights-and-the-inter-american-court-of-human-rights</a>..
24. La Cour entretient également des relations régulières avec de nombreux pays d'Amérique du Sud, souvent dans le cadre d'un dialogue entre juges.

3.3. Le Parlement latino-américain (Parlatino)

25. Le Parlatino a été créé en 1964 par des parlementaires de 14 pays d'Amérique latine et institutionnalisé par un traité en 1987. Ses membres sont les parlements nationaux démocratiquement constitués de la région et sont représentés par des délégations parlementaires pluralistes. Les 23 pays et territoires dont les parlements sont membres du Parlatino sont l'Argentine, Aruba, la Bolivie, le Brésil, le Chili, la Colombie, le Costa Rica, Cuba, Curaçao, l'Équateur, le Salvador, le Guatemala, le Honduras, le Mexique, le Nicaragua, le Panama, le Paraguay, le Pérou, Saint-Martin, le Suriname, la République dominicaine, l'Uruguay et le Venezuela.
26. Selon son statut, le Parlatino a pour objectif, entre autres, de promouvoir la pleine réalisation de la liberté, de la justice sociale, de l'indépendance économique, de la démocratie représentative et participative, par le biais d'élections libres et transparentes, en respectant les principes de non-intervention, du droit des peuples à l'autodétermination et de l'État de droit effectif; de garantir le strict respect des droits humains; de contribuer au renforcement de la paix, de la sécurité et de l'ordre juridique internationaux; d'œuvrer au renforcement des parlements d'Amérique latine, sauvegardant ainsi la vie constitutionnelle et démocratique des États; de maintenir des relations avec les parlements, les organisations internationales et les États de toutes les régions géographiques.
27. En 2008, compte tenu de leurs préoccupations communes et de leur complémentarité au niveau intercontinental, l'Assemblée et le Parlatino sont convenus d'instaurer un dialogue politique, notamment en vue de promouvoir les principes de la démocratie parlementaire, l’État de droit et le respect des droits humains, qu'ils ont formalisé dans le cadre d’un accord de coopération.
28. En conséquence, «Le Parlatino invitera les autorités compétentes à profiter des possibilités de signature, de ratification et d’adhésion aux conventions pertinentes du Conseil de l’Europe, ouvertes aux États non membres, ainsi que de l’expertise de la [Commission de Venise] et du [Centre européen pour l’interdépendance et la solidarité mondiales («Centre Nord-Sud»).]». L'accord prévoit également que les deux Assemblées «s’efforceront d’encourager les autorités latino-américaines compétentes, si nécessaire, à instaurer un moratoire sur les exécutions et à abolir la peine de mort». 
			(14) 
			<a href='https://pace.coe.int/fr/rules?id=CEGFCEGB'> Accord de
coopération</a>.
29. Malgré sa pertinence, cet accord de coopération est resté inexploité à ce jour en raison d'un manque de ressources et du changement des priorités politiques.

3.4. Le Système ibéro-américain

30. Le Système ibéro-américain est composé de 22 pays membres, dont trois États membres du Conseil de l'Europe (Andorre, Portugal et Espagne) et un État observateur (Mexique), du Secrétariat général ibéro-américain et d’organisations sectorielles ibéro-américaines, à savoir l'Organisation des États ibéro-américains pour l'Éducation, la Science et la Culture (OEI), l'Organisation internationale de la jeunesse ibérico-américaine (OIJ), l'Organisation ibéro-américaine de sécurité sociale (OISS) et la Conférence des ministres de la justice des pays ibéro-américains (COMJIB).
31. Le Système ibéro-américain compte parmi ses principaux objectifs et lignes d'action les droits humains, l’État de droit et la démocratie. Ceux-ci sont canalisés par ses programmes de coopération et les organisations sectorielles qui peuvent constituer des interlocuteurs intéressants pour les relations extérieures du Conseil de l'Europe et la réalisation des objectifs et lignes d'action proposés pour sa contribution à l'ordre international et à la gouvernance mondiale.
32. Jusqu'à présent, les relations du Conseil de l'Europe avec le Système ibéro-américain ont été principalement développées par la Commission de Venise – comme l'a expliqué son ancien président Gianni Buquicchio lors de l'échange de vues tenu au GR-EXT dans le cadre du processus de réflexion – et principalement menées avec la COMJIB. En juin 2021, M. Buquicchio, et la secrétaire de la Commission de Venise, Mme Simona Granata-Menghini, se sont rendus à Madrid où ils ont tenu une réunion avec leurs homologues du Système ibéro-américain. Ces contacts ont été renforcés lors d'une visite en juin 2022 de la nouvelle Présidente de la Commission de Venise, Mme Claire Bazy-Malaurie, et de Mme Granata-Menghini.
33. En outre, il convient de mentionner qu'en 2018, l'OEI a entamé des activités de coopération avec l'Institut européen des itinéraires culturels, et s'est vu accorder par la suite le «statut participatif» auprès de l'Accord partiel élargi sur les itinéraires culturels du Conseil de l'Europe en 2021.
34. Dans le cadre du processus de réflexion du GR-EXT, un échange informel de haut niveau a eu lieu le 21 février 2022 entre la présidence du GR-EXT et les services compétents du Secrétariat et du Secrétariat général ibéro-américain – dont la délégation était présidée par le Secrétaire général adjoint ibéro-américain, M. Marcos Pinta Gama. Cet échange a confirmé les domaines d'intérêt commun pour la coopération ainsi que la possibilité de développer d’avantage cette coopération.

3.5. Relations avec les pays d'Amérique latine

3.5.1. Mexique

35. En tant qu'État bénéficiant du statut d’observateur auprès du Conseil de l'Europe et de son Assemblée depuis 1999, le Mexique entretient une relation privilégiée avec l'Organisation. En 2020, à l'occasion du 20e anniversaire de l’octroi de ce statut, une déclaration commune a été adoptée sur un partenariat stratégique entre le Conseil de l'Europe et le Mexique, qui prévoit des réunions régulières à haut niveau pour échanger des points de vue sur des questions d'intérêt commun et discuter des domaines de coopération en matière de droits humains, de démocratie et d'État de droit. Le partenariat prévoit également que le Mexique continuera à participer activement à la négociation des instruments juridiques du Conseil de l'Europe et à promouvoir leur ratification à plus grande échelle 
			(15) 
			<a href='http://www.gob.mx/sre/prensa/mexico-and-the-council-of-europe-establish-a-strategic-partnership?idiom=en'>www.gob.mx/sre/prensa/mexico-and-the-council-of-europe-establish-a-strategic-partnership?idiom=en</a>..
36. Le Mexique est partie à huit conventions du Conseil de l'Europe et a le droit de signer 18 autres conventions. En outre, le Mexique est membre de la Commission de Venise et du Groupe Pompidou. Lors de sa visite au Mexique en novembre 2023, le Président de l'Assemblée de l'époque, M. Tiny Kox, a fait une déclaration commune avec Mme Ana Lilia Rivera, présidente du Sénat mexicain, et Mme Marcela Guerra Castillo, présidente de la Chambre des députés mexicaine, dans laquelle ils ont déclaré «qu'un lien plus fort entre le Conseil de l'Europe et le Mexique, ainsi que d'autres pays d'Amérique latine, renforcera davantage les droits humains, la démocratie et l'État de droit en tant que valeurs universelles qui dépassent les frontières géographiques», et dans laquelle ils ont réitéré leur «engagement à continuer de coopérer et de travailler ensemble dans cette direction». 
			(16) 
			<a href='https://pace.coe.int/fr/news/9281/joint-statement-by-the-pace-president-and-the-speakers-of-the-two-chambers-of-the-mexican-congress'>Déclaration
conjointe du Président de l’APCE et des Présidentes des deux Chambres
du Congrès mexicain, 15 novembre 2023</a>.

3.5.2. Autres pays

37. En 2002, le Brésil, le Chili, le Costa Rica et le Pérou ont rejoint la Commission de Venise en tant que membres et l'Argentine et l'Uruguay en tant qu'observateurs. La Commission de Venise a préparé plusieurs avis à la demande des autorités des pays d'Amérique latine. Elle a également développé un large éventail d'activités (séminaires, conférences) avec l'Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Chili, le Mexique et le Pérou dans des domaines tels que la transition démocratique, l'élaboration de la constitution, la justice constitutionnelle et la législation électorale 
			(17) 
			Pour un compte rendu
détaillé de la coopération de la Commission de Venise avec l'Amérique
latine, voir <a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-PI(2021)017-e'>CDL-PI(2021)
017</a>..
38. Plusieurs États d'Amérique latine sont parties aux conventions du Conseil de l'Europe qui sont ouvertes aux États non membres. Les pays les plus étroitement liés à ces instruments (en termes de ratifications de conventions et de participation à des accords partiels) sont l'Argentine et le Chili.

3.6. Projection du Conseil de l'Europe vers le monde hispanophone

39. La disponibilité d'informations sur le Conseil de l'Europe et celle de ses documents en espagnol constituent un facteur clé pour atteindre le monde hispanophone et pour favoriser et développer les relations de l'Organisation avec l'Amérique latine. À l'initiative de l'Espagne, nombre de mesures ont été prises ces dernières années pour faciliter cette disponibilité:
  • l’inauguration de la page web (et du compte Twitter devenu X) du Conseil de l'Europe en espagnol le 5 mai 2022, à l'occasion de l'anniversaire du Conseil de l'Europe, qui est présentée de la même manière que les pages web en allemand et en italien;
  • la traduction et la publication de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et des avis de la Commission de Venise, dans le cadre de leur coopération avec leurs homologues espagnols 
			(18) 
			Dans le cas de la Cour
européenne des droits de l'homme, le procureur général espagnol
et l'agent du gouvernement espagnol devant la Cour; dans celui de
la Commission de Venise, le Centre d'études politiques et constitutionnelles
d'Espagne.;
  • la publication d'autres ouvrages collectifs tels que Construyendo los derechos humanos enEstrasburgo (Construire les droits humains à Strasbourg) et El Tribunal Europeo de Derechos Humanos y el Consejo de Europa (La Cour européenne des droits de l'homme et le Conseil de l'Europe), à l'initiative de la Cour européenne des droits de l'homme et de la Représentation permanente de l'Espagne auprès du Conseil de l'Europe, à l'occasion du 70e anniversaire du Conseil de l'Europe en 2019 et du 70e anniversaire de la Convention européenne des droits de l'homme en 2020 
			(19) 
			Coordonnée par la juge
de la Cour élue au titre de l'Espagne, Mme María
Elósegui, et les juristes espagnols travaillant au greffe de la
Cour, Mme Carmen Morte-Gomez, Mme Anna-Maria
Mengual et M. Guillem Cano-Palomares, cette publication offre une
approche complète du système de la Cour et du Conseil de l'Europe
et ses mécanismes, devenant ainsi un ouvrage de référence en espagnol
dans le monde, et comblant les lacunes précédentes., avec l'objectif de devenir une référence sur le Conseil de l'Europe et la Cour et ses travaux. Estado de Derecho, democracia y globalización (État de droit, démocratie et mondialisation) et Una aproximación a la Comisión de Venecia en su XXX Aniversario (Une approche de la Commission de Venise à l'occasion de son 30e anniversaire), dans le but de dresser le bilan des travaux de la Commission de Venise concernant les défis relatifs à l'État de droit, à la démocratie et à la mondialisation et de les promouvoir dans le monde hispanophone 
			(20) 
			Fruit de l'initiative
conjointe de la Commission de Venise, de la Représentation permanente
de l'Espagne et du Centre d'études politiques et constitutionnelles
d'Espagne (CEPC), l'<a href='https://www.cepc.gob.es/sites/default/files/2022-09/a-1035-estadoaccesible-ok.pdf'>ouvrage</a> a été codirigé par M. Josep Maria Castellà, membre de
la Commission de Venise au titre de l'Espagne jusqu'en mai 2022,
l'Ambassadeur Manuel Montobbio, Représentant permanent de l'Espagne
auprès du Conseil de l'Europe, et Mme Simona Granata-Menghini, Secrétaire
de la Commission de Venise, et publié par le CEPC..

4. Domaines possibles de coopération

40. Il est grand temps de redynamiser la coopération entre l'Assemblée et le Parlatino, sachant que dès 2019, l'Assemblée avait jugé «opportun […] d'évaluer ses accords de coopération avec différentes assemblées ou organisations parlementaires internationales, afin de les mettre éventuellement à jour et d’améliorer leur efficacité» 
			(21) 
			 Résolution 2277 (2019) «Rôle et
mission de l'Assemblée parlementaire: principaux défis pour l'avenir»..
41. Cela peut se faire par divers moyens déjà prévus dans l'accord de coopération de 2008, notamment la représentation réciproque, des activités conjointes dans des domaines d'intérêt commun, notamment la démocratie parlementaire, l'État de droit, les droits humains et les relations Nord-Sud, et divers accords de travail, y compris l'échange régulier de documents officiels tels que les résolutions et recommandations adoptées, avec, le cas échéant, la possibilité pour l'Assemblée et le Parlatino de soumettre des communications écrites sur des sujets examinés par l'autre Assemblée.
42. Les membres du Congrès mexicain siégeant au Parlatino ont déjà exprimé leur disponibilité pour faciliter ce processus. Par ailleurs, lors des réunions que j'ai eues au Panama avec le Président et le Secrétaire général du Parlatino, ils ont tous deux exprimé un intérêt sincère pour la relance de l'accord de coopération, en insistant sur la nécessité de se concentrer sur des questions spécifiques telles que la défense du multilatéralisme, le respect des droits humains et la lutte contre la crise du changement climatique. L'idée de tenir des réunions communes des commissions des deux assemblées a également été discutée.
43. Le ParlAmericas, un réseau indépendant composé des assemblées législatives nationales des États membres de l'OEA, et dont le siège est à Ottawa (Canada), pourrait également être un partenaire potentiel de l'Assemblée. Cela constituerait un moyen efficace non seulement de promouvoir les valeurs fondamentales de l'Organisation que sont la démocratie, les droits humains et l’État de droit, ainsi que ses conventions qui incarnent ces valeurs, mais aussi d'étendre le rayonnement du Conseil de l'Europe aux pays d'Amérique latine.
44. Les relations avec les organisations latino-américaines partageant les valeurs et les principes du Conseil de l'Europe, telles que l'OEA et le Système Ibéro-américain, devraient également être renforcées et développées. Par exemple, le bureau de la Commission interaméricaine des droits de l'homme de l'OEA a exprimé un vif intérêt pour un dialogue avec le Conseil de l'Europe et son Assemblée sur les questions liées à la protection des droits humains.
45. Le 21 février 2022, un échange informel a eu lieu avec des membres du Secrétariat général ibéro-américain, qui comprenait une présentation des mécanismes et conférences du Système ibéro-américain pour l'État de droit et a mis en évidence la coopération déjà existante avec la Commission de Venise. Les deux Organisations devraient poursuivre ces échanges techniques, en explorant d'autres domaines et sujets d'intérêt commun possibles, et en envisageant la tenue de réunions bilatérales à haut niveau pour les consolider davantage.
46. Le 4 avril 2022, la présidence du GR-EXT de l'époque et les services concernés du Secrétariat ont tenu un échange informel de haut niveau avec la participation du Secrétaire général de l'OEA, M. Luis Almagro. Cet échange a confirmé l'intérêt pour la coopération qui existe de part et d'autre et a mis en évidence certaines similitudes concernant les mécanismes respectifs et le rôle actif de chaque organisation dans la promotion des instruments de l'autre. La Commission de Venise, le Groupe Pompidou, le GRECO, le Comité européen des droits sociaux et la Convention sur la cybercriminalité (STE n° 185) 
			(22) 
			La Convention sur la
cybercriminalité a été ratifiée par l'Argentine, le Brésil, le Chili,
la Colombie, le Costa Rica, le Panama, le Paraguay, le Pérou et
la République dominicaine. ont été mentionnés en particulier, ainsi que la coopération de la Cour interaméricaine des droits de l'homme avec, d'une part, la Cour européenne des droits de l'homme et, d'autre part, le Comité européen des droits sociaux 
			(23) 
			L'article 26 de la
Convention américaine relative aux droits de l'homme exprime l'engagement
général des États parties à adopter des mesures en vue de la pleine
réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. Par conséquent,
la CIADH est également compétente pour connaître des cas de violation
présumée des droits économiques, sociaux et culturels.. Le dialogue à haut niveau se poursuit par des contacts réguliers entre les secrétaires généraux des deux organisations, dont la dernière rencontre remonte à septembre 2024.
47. En tant qu'État bénéficiant du statut d’observateur et partenaire proche, le Mexique pourrait également jouer un rôle déterminant dans le renforcement du système conventionnel unique du Conseil de l'Europe en promouvant les conventions qui sont ouvertes aux États non membres, ainsi qu’en servant de source d’inspiration aux autres pays en vue d’obtenir le statut d’observateur. Une possibilité serait d'organiser une audition annuelle sur les relations entre le Conseil de l'Europe et le Mexique au sein de la sous-commission des relations extérieures de la Commission des questions politiques et de la démocratie, afin de faire le point sur les réalisations et les défis éventuels.
48. Ce format pourrait ensuite être étendu à d'autres pays d'Amérique latine. En particulier, le dialogue politique déjà établi avec le Mexique pourrait également être développé avec d'autres États d'Amérique latine partageant les valeurs et les principes de l'Organisation. Une attention particulière pourrait être accordée au dialogue politique et à la coopération avec les États latino-américains membres de la Commission de Venise. Par exemple, la Colombie pourrait bénéficier de l'expertise technique fournie par le Conseil de l'Europe dans la mise en œuvre en cours de son processus de paix.
49. Plusieurs pays d'Amérique latine ont également participé activement aux travaux préparatoires en vue de la négociation de la Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur l'intelligence artificielle et les droits de l’homme, la démocratie et l'État de droit (STCE n° 225) 
			(24) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/conventions/full-list?module=treaty-detail&treatynum=225'>www.coe.int/fr/web/conventions/full-list?module=treaty-detail&treatynum=225</a>.: l'Argentine, le Costa Rica, le Mexique, le Pérou et l'Uruguay. La Convention-cadre a été ouverte à la signature le 5 septembre 2024 et devrait être promue auprès des pays et des organisations multilatérales de la région.
50. Les initiatives et les lignes d'action mises en œuvre ces dernières années pour accroître la disponibilité en espagnol des informations sur le Conseil de l'Europe et de ses documents devraient être poursuivies et consolidées, tout en exploitant pleinement leur potentiel pour renforcer les relations du Conseil de l'Europe avec l'Amérique latine et promouvoir son rayonnement extérieur et mondial.

5. Conclusions

51. L'ordre international fondé sur des règles est attaqué, mais dans le même temps, la liste des défis mondiaux qui nécessitent une réponse internationale commune fondée sur le multilatéralisme et la coopération s'allonge: conflits géopolitiques, changement climatique et dégradation de l'environnement, transition énergétique et gestion des ressources naturelles, migrations massives, risques sanitaires et utilisation de l'intelligence artificielle.
52. Aujourd'hui plus que jamais, pour relever ces défis, contrer le recul de la démocratie et garantir la protection des droits humains, il est essentiel que l'Europe renforce ses liens avec les régions qui partagent les mêmes valeurs, et l'Amérique latine doit être considérée comme une alliée naturelle. À titre d’autre illustration du développement des relations entre l’Europe et l’Amérique Latine, l'Union européenne a conclu des accords commerciaux, politiques et de coopération avec 27 pays d'Amérique latine et tient régulièrement des réunions avec la Communauté d’États latino-américains et caraïbes: ces réunions constituent un forum important de dialogue entre les deux régions. En outre, l'Union européenne a récemment signé des accords commerciaux avec le Marché commun du sud (MERCOSUR) (en décembre 2024) et avec le Mexique (en janvier 2025), qui, une fois ratifiés, renforceront encore les liens économiques entre les deux régions.
53. Le Conseil de l'Europe devrait également accroître sa projection et son rayonnement extérieurs dans la région latino-américaine, notamment par un dialogue politique à haut niveau et une coopération interparlementaire renforcés. Les liens importants déjà établis avec des organisations telles que l'OEA, le Système ibéro-américain et le Parlatino devraient être encouragés et renforcés, en mettant particulièrement l'accent sur le dialogue politique de haut niveau, la diplomatie parlementaire, la coopération technique et le soutien mutuel sur des questions communes.
54. En outre, les normes et l'expertise du Conseil de l'Europe devraient également être davantage promues auprès des États d'Amérique latine, en les encourageant à accéder aux accords élargis, aux accords partiels élargis et aux traités de l'Organisation.
55. Une attention renouvelée envers l'Amérique latine de la part du Conseil de l'Europe contribuera non seulement à renforcer la démocratie, les droits humains et l'État de droit au niveau mondial, mais enrichira également le portefeuille de solutions possibles aux principaux défis auxquels le continent européen est confronté, grâce à l'échange d'idées et d'expériences avec la région.