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A. Projet de
résolution
(open)
B. Projet de recommandation
(open)
Rapport | Doc. 16131 | 14 mars 2025
L’ingérence étrangère une menace pour la sécurité démocratique en Europe
Commission des questions politiques et de la démocratie
A. Projet de
résolution 
(open)1. L’ingérence intentionnelle,
secrète et manipulatrice exercée par des puissances étrangères,
leurs mandataires ou des acteurs privés met en péril la sécurité,
les valeurs démocratiques et la gouvernance dans toute l’Europe.
Cette ingérence étrangère vise à porter atteinte à la souveraineté,
à déstabiliser les systèmes politiques, à affaiblir la confiance
du public et à altérer les processus démocratiques. Ces agissements orchestrés,
qui sont de plus en plus fréquents et rapides, ciblent les fondements
des sociétés européennes et tentent d’exploiter les principes démocratiques
comme autant de vulnérabilités systémiques.
2. L’Assemblée parlementaire reconnaît que l’ingérence étrangère,
sous ses nombreuses formes, constitue une menace grave et persistante
pour la sécurité démocratique. Elle condamne les manœuvres systématiques
et intentionnelles d’acteurs étrangers qui cherchent à affaiblir
les institutions et mécanismes démocratiques et électoraux.
3. L’Assemblée constate que les ingérences hostiles provenant
de la Fédération de Russie se sont intensifiées depuis le début
de sa guerre d’agression à grande échelle lancée contre l’Ukraine.
Cette tendance est illustrée par les efforts considérables qui ont
été déployés pour manipuler l’information, financer secrètement
des campagnes politiques et acheter des voix lors de l’élection
présidentielle et du référendum constitutionnel qui se sont tenus
en République de Moldova le 20 octobre 2024. En outre, la déstabilisation
de l’élection présidentielle roumaine du 24 novembre 2024, par la
manipulation de la technologie numérique et de l’intelligence artificielle
orchestrée depuis l’étranger, mettent en évidence l’urgente nécessité
de renforcer les processus démocratiques face aux menaces hostiles
et aux comportements frauduleux coordonnés en ligne.
4. Cette activité s’inscrit dans un schéma plus large qui inclut
des tentatives d’ingérence de la Fédération de Russie dans les processus
électoraux et les référendums à travers le continent au cours de
la dernière décennie, avec des preuves d’ingérence secrète lors
du référendum sur le Brexit de 2016 au Royaume-Uni, de l’élection
présidentielle américaine de 2016, du coup d’État de 2017 des dirigeants
du gouvernement régional catalan contre l’ordre constitutionnel
espagnol, de l’élection présidentielle française de 2017, des élections
présidentielles roumaines et moldaves de 2024, et dans la politique
allemande.
5. Les démocraties doivent se défendre contre les menaces que
constitue l’ingérence étrangère et chercher à s’adapter à cet environnement
international de plus en plus hostile où les principes de souveraineté, d’autodétermination
et de démocratie sont attaqués. La résilience des institutions démocratiques
est essentielle pour contrer ces dangers et faire en sorte que les
valeurs des droits humains, de la démocratie et de l’État de droit
soient respectées.
6. Il est également indispensable de trouver un juste équilibre
dans la lutte contre l’ingérence étrangère. En effet, les mesures
qui visent à contrer l’abus d’influence ou à renforcer la transparence
doivent être conformes aux normes des droits humains, en particulier
celles qui protègent la liberté d’expression, d’association, de
réunion, ainsi que la liberté de pensée, de conscience et de religion.
Des lois trop restrictives élaborées sans tenir compte de cet équilibre
risquent d’étouffer les activités démocratiques légitimes et la liberté
d’expression, d’affaiblir la mobilisation de la société civile ou
d’être utilisées abusivement à des fins politiques.
7. L’Assemblée souligne que l’édification de sociétés résilientes
dotées d’institutions démocratiques fortes, d’une société civile
active et éclairée et d’une gouvernance transparente est le moyen
le plus efficace de contrer l’ingérence étrangère et de garantir
la sécurité démocratique.
8. Les mesures qui visent à améliorer la transparence dans la
vie publique pour lutter contre l’ingérence étrangère doivent être
mises en œuvre de manière à respecter et à préserver les libertés
et l’autonomie des organisations de la société civile. Si la sauvegarde
des intérêts nationaux est cruciale, les mesures de transparence
ne doivent pas servir de prétexte pour imposer des restrictions
injustifiées aux acteurs de la société civile, qui jouent un rôle
fondamental dans la promotion des valeurs démocratiques, de la responsabilité
publique et de la cohésion sociale.
9. L’Assemblée note que le Conseil de l’Europe dispose d’un large
éventail de normes et de lignes directrices internationales qui
visent à renforcer la résilience démocratique et qui sont pertinentes
pour lutter contre l’ingérence étrangère. Il s’agit notamment des
mesures dont l’objectif est d’améliorer la transparence et de faire
respecter le principe de responsabilité dans la vie publique, des
normes et des lignes directrices internationales qui s’appliquent
au financement des partis politiques et aux élections, ainsi que
des stratégies de lutte contre la désinformation. Ces instruments
sont renforcés par la Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur
l’intelligence artificielle et les droits de l’homme, la démocratie
et l’État de droit (STCE n° 225, «la Convention de Vilnius») qui
vise à combler les lacunes juridiques qui peuvent résulter de l’évolution
rapide des technologies.
10. L’Assemblée rappelle que, lors de leur 4e Sommet
tenu à Reykjavík en 2023, les chefs d’État et de gouvernement du
Conseil de l’Europe ont réaffirmé leur engagement à lutter contre
la désinformation, qui constitue une menace pour la démocratie et
la paix, d’une manière qui soit compatible avec le droit international
et le droit à la liberté d’expression et à la liberté d’opinion,
ainsi que leur engagement à prendre des mesures appropriées contre
l’ingérence dans les systèmes et processus électoraux.
11. L’Assemblée souligne la nécessité de mettre en place des stratégies
globales et intégrées pour lutter contre l’utilisation de tactiques
d’ingérence étrangère multiformes. Elle recommande l’adoption d’une
approche qui mobilise la société toute entière et inclue les parlements,
les gouvernements, les organismes publics, les pouvoirs locaux,
les entreprises privées, les journalistes, la société civile et
les citoyens pour renforcer la résilience de la société et contrer
les opérations d’ingérence étrangère.
12. Compte tenu de la menace que l’ingérence étrangère fait peser
sur la sécurité démocratique, l’Assemblée invite les États membres
du Conseil de l’Europe:
12.1. à intégrer
les menaces d’ingérence étrangère dans des cadres de sécurité nationale
qui tiennent compte de la nature interconnectée des activités hostiles
qui sont menées dans les domaines cybernétique, économique, politique
et informationnel;
12.2. à protéger les institutions démocratiques, les infrastructures
critiques et les systèmes électoraux contre les cybermenaces;
12.3. à renforcer la coordination entre les agences de sécurité,
tant au niveau national qu’international, afin de détecter et de
contrer les activités d’ingérence étrangère;
12.4. à envisager la mise à jour des dispositions législatives
et réglementaires afin d’y inclure des infractions qui sont spécifiques
à l’ingérence étrangère et qui visent les actions secrètes conduites
pour le compte d’acteurs étrangers à des fins de manipulation.
13. Dans le cadre d’une approche qui mobilise la société toute
entière aux fins d’améliorer la résilience, de renforcer la confiance
du public et de protéger l’intégrité des institutions, l’Assemblée
appelle les États membres:
13.1. à
promouvoir les initiatives d’éducation à la culture et aux médias
numériques, dans le but de contrer la désinformation et de renforcer
la résilience des citoyens afin de leur donner les moyens de se prémunir
contre la manipulation;
13.2. à introduire l’éducation aux médias numériques dans les
programmes scolaires nationaux dès le plus jeune âge afin de développer
les compétences essentielles de pensée critique nécessaires pour exercer
son jugement, évaluer la crédibilité des sources d’information,
identifier les contenus biaisés ou trompeurs, et pour utiliser l’information
en ligne de manière critique et efficace;
13.3. conformément à sa Résolution
2192 (2017) «Les jeunes contre la corruption», à élaborer des stratégies
d’autonomisation appropriées pour sensibiliser les jeunes à la corruption
et leur faire comprendre comment elle sape les sociétés démocratiques;
13.4. à encourager et à soutenir les systèmes de contrôle préalable
et de vérification des faits, ainsi que les partenariats avec des
organisations de médias indépendantes et la société civile, afin
de combattre la désinformation sans entraver la liberté d’expression;
13.5. à intensifier les actions pour mieux protéger les journalistes,
sauvegarder la liberté de la presse ainsi que financer et promouvoir
le pluralisme et l’indépendance des médias;
13.6. conformément à sa Résolution
2552 (2024), «Renforcer la démocratie par des processus participatifs
et délibératifs», à encourager une participation citoyenne plus
active grâce aux technologies délibératives et aux processus participatifs.
14. Compte tenu des risques posés par la désinformation en tant
qu’outil stratégique d’ingérence étrangère pour déformer la réalité,
diviser les sociétés et affaiblir les démocraties, l’Assemblée:
14.1. se félicite des Principes mondiaux
des Nations Unies pour l’intégrité de l’information, qui est une initiative
internationale visant à garantir des espaces d’information plus
sains et plus sûrs, et demande que des consultations soient tenues
avec le public et le secteur privé pour définir les actions nécessaires à
leur mise en œuvre;
14.2. appelle les États membres et observateurs du Conseil de
l’Europe qui ne l’ont pas encore fait à signer et ratifier la Convention-cadre
du Conseil de l’Europe sur l’intelligence artificielle et les droits
de l’homme, la démocratie et l’État de droit (STCE no 225,
«la Convention de Vilnius»), et à veiller à sa mise en œuvre en
tenant dûment compte de l’impact des technologies de l’intelligence
artificielle sur la production et la diffusion de la désinformation
et de la propagande illégale;
14.3. appelle les États membres à accroître leur expertise et
leurs capacités techniques pour lutter contre la désinformation
en ligne et faire face aux nouvelles menaces engendrées par l’intelligence artificielle;
14.4. appelle les États membres à étudier la mise en place de
systèmes de vérification des informations afin de protéger les communautés
en ligne contre les contenus électoraux trompeurs générés par l’intelligence
artificielle;
14.5. demande aux plateformes en ligne de fournir des politiques
claires sur la publicité politique, l’amplification algorithmique
et la suppression de contenus nuisibles ou de désinformation, tout
en protégeant la liberté d’expression.
15. Face aux tentatives des acteurs hostiles de s’ingérer de manière
inappropriée ou illicite dans les processus démocratiques de prise
de décision, l’Assemblée:
15.1. réaffirme
sa condamnation du financement massif et dissimulé par la Fédération
de Russie de partis et de responsables politiques dans des États
démocratiques, dans le but d’influencer leurs processus démocratiques;
15.2. appelle les États membres à mettre en place des cadres
législatifs et politiques afin de prévenir toute ingérence dans
les systèmes électoraux et à mener des enquêtes approfondies sur
les allégations d’ingérence dans les élections et les référendums;
15.3. appelle les États membres à revoir et à renforcer les
cadres nationaux qui réglementent les contributions financières
aux partis politiques, la publicité et les campagnes électorales
afin de réduire le risque d’ingérence financière étrangère inappropriée
ou illicite;
15.4. conformément à sa Résolution
2406 (2021) «Lutte contre la corruption – Principes généraux de la
responsabilité politique», appelle les gouvernements nationaux à
renforcer les mesures de prévention de la corruption et, en application
des recommandations du Groupe d’États contre la corruption (GRECO),
à adopter et à mettre à jour des codes de conduite pour tous les
titulaires d’une fonction publique;
15.5. encourage les États membres à étudier des mesures visant
à accroître la transparence et l’intégrité des activités légitimes
d’influence étrangère;
15.6. encourage les États membres à consulter, à un stade précoce,
la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise) lors de l’élaboration d’instruments de gouvernance publique
visant à renforcer la transparence et l’intégrité des activités
d’influence étrangère.
16. Compte tenu de la nécessité d’une action collective pour répondre
au défi mondial posé par l’ingérence étrangère, l’Assemblée:
16.1. souligne l’importance de la
coopération entre les États membres du Conseil de l’Europe pour faire
face à la menace commune que représente l’ingérence étrangère. À
cet égard, elle préconise une collaboration plus étroite avec l’Union
européenne, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe
(OSCE), les organes compétents de l’Organisation du Traité de l'Atlantique
Nord (OTAN) et d’autres organisations internationales pour élaborer
des réponses coordonnées;
16.2. prône un soutien aux initiatives de réponse rapide multipartites pour
recenser les menaces diverses et évolutives qui pèsent sur nos démocraties
et y réagir, notamment en partageant des informations et des analyses,
et en identifiant les possibilités de réponse coordonnée;
16.3. soutient le recours à des sanctions ciblées et coordonnées
visant des personnes, des entités et des acteurs étatiques qui se
livrent à des ingérences étrangères, notamment des ingérences dans
les élections, des manipulations de médias, des financements illicites
et des cyberattaques;
16.4. appelle à un renforcement des moyens juridiques permettant
de demander des comptes aux acteurs étrangers et nationaux qui facilitent
l’ingérence dans les processus démocratiques;
16.5. encourage les États membres à évaluer la possibilité d’élaborer
une définition large, opérationnelle et non contraignante de l’ingérence
étrangère afin d’améliorer la coordination dans la lutte contre
les menaces connexes et de préciser la nature des activités d’influence
légitimes des États membres;
16.6. se félicite de la création, à son initiative, de l’Alliance
parlementaire pour des élections libres et équitables, qui constitue
une avancée majeure permettant de faire face aux nouveaux enjeux
qui menacent l’intégrité du processus électoral, de renforcer la
coopération avec les partenaires nationaux et internationaux en
matière électorale et de promouvoir les normes de référence du Conseil
de l’Europe en la matière.
B. Projet de recommandation 
(open)1. Renvoyant à sa Résolution ...
(2025) «L’ingérence étrangère: une menace pour la sécurité démocratique
en Europe», l’Assemblée parlementaire souligne que toute ingérence
intentionnelle, secrète et manipulatrice exercée par des puissances
étrangères ou leurs mandataires constitue une menace permanente pour
les principaux fondamentaux de la sécurité démocratique partagés
par les États membres du Conseil de l’Europe.
2. Ces ingérences visent à saper les processus électoraux, à
éroder la confiance du public dans les institutions démocratiques,
l’unité nationale, et à fausser la prise de décisions politiques.
L’exemple le plus flagrant de cette menace est l’escalade de l’ingérence
hostile de la Fédération de Russie depuis le début de sa guerre
d’agression à grande échelle contre l’Ukraine, que l’Assemblée condamne
fermement.
3. L’Assemblée estime qu’une réponse coordonnée et globale est
nécessaire pour contrer efficacement la menace d’ingérence étrangère,
et plaide pour une collaboration plus étroite avec l’Union européenne, l’Organisation
pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et d’autres
organisations internationales.
4. En outre, l’Assemblée souligne que des élections libres et
équitables sont la pierre angulaire des sociétés démocratiques.
Des processus électoraux indépendants et transparents sont nécessaires
à la fois pour la confiance des citoyens dans les institutions publiques
et pour la compétitivité de l’environnement électoral. L’Assemblée
se déclare gravement préoccupée par le fait que les opérations d’ingérence
étrangère, par la manipulation de l’information et des opinions
des électeurs, constituent une menace permanente en matière électorale
pour la liberté des électeurs de se forger une opinion et pour l’égalité
des chances des candidats et des partis.
5. Rappelant les Principes de Reykjavík pour la démocratie, l’Assemblée
reconnaît les efforts continus déployés par le Comité des Ministres
pour renforcer la résilience démocratique et remédier au recul de
la démocratie, notamment ses travaux sur la lutte contre la mésinformation
et la désinformation, la prévention de la manipulation algorithmique
et le renforcement de l’intégrité électorale. Elle salue l’initiative
du Secrétaire Général visant à élaborer un nouveau Pacte démocratique
pour lutter contre le recul de la démocratie, renforcer l’engagement
des citoyens et adapter les modèles démocratiques aux défis contemporains.
6. Face au perfectionnement constant des tactiques multiformes
d’ingérence étrangère dans le domaine numérique, l’Assemblée accueille
avec satisfaction la Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur l’intelligence
artificielle et les droits de l’homme, la démocratie et l’État de
droit (STCE n° 225, «la Convention de Vilnius»), qu’elle considère
comme un instrument essentiel pour promouvoir la transparence, l’obligation
de rendre des comptes et les garanties contre les manipulations
et la désinformation induites par l’intelligence artificielle.
7. Compte tenu du rôle joué par le Conseil de l’Europe en faveur
de la sécurité démocratique, l’Assemblée demande au Comité des Ministres:
7.1. de développer et d’élaborer
des instruments qui contrent l’ingérence étrangère et encouragent l’adoption
d’une approche axée sur la mobilisation de la société toute entière
afin d’améliorer la résilience, de renforcer la confiance du public
et de préserver l’intégrité des institutions;
7.2. d’étudier la possibilité d’élaborer une définition opérationnelle
large et non contraignante de l’ingérence étrangère afin d’améliorer
la coordination européenne et l’harmonisation des politiques, et de
préciser la nature des activités d’influence légitimes.
C. Exposé des motifs par Mme Zanda Kalniņa-Lukaševica, rapporteure
(open)1. Introduction
1. La guerre d’agression à grande
échelle menée par la Fédération de Russie contre l’Ukraine a marqué un
tournant pour la sécurité européenne et a des implications profondes
pour la sécurité démocratique en Europe et dans le monde. Cette
agression militaire s’inscrit dans le cadre d’une tentative plus
large et systématique d’affaiblir la sécurité démocratique bien
au-delà de l’Ukraine.
2. Les tactiques employées par la Russie pour saper les démocraties
sont bien documentées. Il s’agit des cyberattaques, des campagnes
de désinformation, de la subversion politique, des menaces contre
les journalistes, des actes de sabotage, de l’instrumentalisation
des phénomènes migratoires, de la coercition économique, et de la
corruption, qui sont autant de tactiques visant à affaiblir la cohésion
interne et la résilience des États démocratiques
.

3. Ces efforts visent le tissu même des démocraties, cherchant
à corroder les institutions et les principes qui ont sous-tendu
la paix, la stabilité et la prospérité en Europe depuis la fin de
la Seconde Guerre mondiale.
4. Cet éventail d’ingérence étrangère est également utilisé par
d’autres acteurs étatiques et non étatiques qui cherchent à remettre
en cause les systèmes de gouvernance démocratique libérale. Les
menaces n’ont pas seulement pris de l’ampleur par l’exploitation
de nouvelles technologies, elles se sont aussi diversifiées, s’adaptant
aux vulnérabilités uniques des différents pays, communautés et régions.
5. En réponse à ces menaces en constante évolution, les États
membres du Conseil de l’Europe ont élaboré et mis en œuvre des mesures
pour sauvegarder leurs démocraties. Cependant, le défi de l’ingérence étrangère
continue d’évoluer, exigeant une vigilance constante, de l’innovation,
de la coordination et de la coopération aux niveaux national et
international.
6. Les démocraties doivent se défendre contre la menace que représente
l’ingérence étrangère dans le cadre d’une adaptation à un environnement
international de plus en plus hostile où les principes de souveraineté,
d’autodétermination et de démocratie sont attaqués. La nécessité
de se défendre contre la menace est attestée par les citoyens européens.
En effet, 81% des personnes interrogées dans le cadre d’une enquête
Eurobaromètre reconnaissent que l’ingérence étrangère dans le système
démocratique européen est un problème grave auquel il faudrait s’attaquer,
et 74% répondent que cette ingérence peut influencer le comportement
électoral des citoyens
.
La résistance des institutions démocratiques est cruciale pour contrer ces
dangers et garantir que les valeurs des droits humains, de la démocratie
et de l’État de droit prévalent. Il importe également que les réponses
à l’ingérence étrangère soient guidées par les principes mêmes qu’elles cherchent
à défendre.

7. Ce rapport décrit la menace que représente l’ingérence étrangère
pour la sécurité démocratique et examine les approches adoptées
pour contrer les activités d’ingérence étrangère et renforcer la
résilience face à celles-ci.
2. Qu’entend-on par ingérence étrangère?
8. L’ingérence étrangère peut
être décrite comme hostile, secrète, manipulatrice et intentionnelle,
le plus souvent illégitime, de la part de puissances étrangères,
de leurs mandataires ou d’acteurs privés, dans le but d’avancer
leurs objectifs politiques, économiques ou militaires. Elle menace
ou affecte négativement la sécurité, les valeurs, les procédures
démocratiques et les processus politiques d’autres États, ainsi
que leur capacité à faire face à des situations exceptionnelles.
9. Cette ingérence vise les fondements de nos sociétés, en essayant
de transformer les piliers démocratiques en vulnérabilités systémiques,
et de retourner les démocraties contre elles-mêmes.
10. Les nations démocratiques se trouvent ainsi confrontées à
un défi stratégique de taille. À une époque où l’ordre fondé sur
des règles est mis à rude épreuve, les régimes autoritaires capitalisent
sur les arènes numériques et non numériques avec des intentions
hostiles. Leur objectif premier est d’affaiblir les démocraties de
l’intérieur, en érodant l’intégrité des processus de prise de décision
et en sapant la confiance du public dans les institutions.
11. Ces actions malveillantes ont été accélérées par le défi systémique
et sociétal que représente la transformation des médias et des écosystèmes
d’information et l’affaiblissement du rôle des gardiens traditionnels
de la conversation publique, la militarisation des médias sociaux
pour la propagation d’opérations d’information sophistiquées constituant
une menace potentiellement existentielle pour la sécurité nationale
de toutes les démocraties européennes.
12. L’ingérence étrangère peut prendre différentes formes, souvent
utilisées en combinaison, notamment:
- la capture des élites;
- le financement occulte de la vie politique;
- l’ingérence électorale;
- la désinformation et la manipulation de l’information étrangère;
- la coercition économique;
- le contrôle transnational, la surveillance et la répression des diasporas;
- la corruption
.
13. L’ingérence étrangère est une composante essentielle de l’univers
plus large des menaces hybrides, qui englobent un mélange de tactiques
militaires et non militaires conçues pour déstabiliser les États
ciblés et exercer une influence sur eux
.

14. Le rapport exclut de sa conception de l’ingérence étrangère
les opérations cinétiques, telles que les attaques de sabotage,
les assassinats et les actions terroristes.
15. Le terme «ingérence étrangère» doit être distingué de celui
d’«influence étrangère», car ces deux concepts, bien que liés, impliquent
des niveaux d’engagement et d’intention différents. Bien qu’il existe
parfois des zones grises entre les deux, l’ingérence étrangère se
distingue principalement par sa nature secrète et par son intention
de nuire à l’intérêt collectif de l’État en question afin de promouvoir
les intérêts d’un gouvernement étranger
.

16. L’expression «influence étrangère» désigne généralement les
efforts manifestes et souvent légitimes déployés par un gouvernement
ou une entité étrangère pour influencer les opinions, les politiques
ou les actions d’un autre pays. Cette influence peut prendre de
nombreuses formes, telles que les engagements diplomatiques, la
diplomatie publique, les échanges culturels, le lobbying, et peut
également inclure le financement transparent et légal d’organisations
et d’organes de presse
. L’influence étrangère légitime
et manifeste fait naturellement partie des relations internationales,
la partie influente poursuivant généralement ouvertement ses intérêts
tout en s’engageant avec le pays hôte d’une manière qui respecte
sa souveraineté et ses cadres juridiques.

3. Principaux acteurs de l’ingérence étrangère
17. L’attribution de l’ingérence
étrangère est complexe en raison des méthodes sophistiquées utilisées
pour masquer la source de l’activité, et encore plus compliquée
par l’utilisation de mandataires locaux ou d’organisations de façade.
Le risque politique d’une fausse attribution et les limites floues
entre l’influence légitime et l’ingérence secrète ajoutent au défi
posé.
18. Les plateformes en ligne ont été en mesure de repérer les
sources les plus fréquentes d’ingérence étrangère, Meta signalant
que la Russie était la source numéro un de ces opérations sur leur
infrastructure internet depuis 2017, suivie de l’Iran et de la Chine
.

19. Des études menées par des parlements et institutions en Europe,
en particulier celles qui ont été réalisées en France
, en Tchéquie
, en Estonie
, en Lettonie
, et aux Pays-Bas
, ont montré que la Russie
et la Chine représentent les principales menaces d’ingérence étrangère
pour les démocraties. En effet, ces deux pays emploient des tactiques
qui visent à subvertir et à déstabiliser les sociétés, notamment
par des campagnes de désinformation à long terme, la guerre de l’information,
des cyberattaques et une série de tentatives visant à contrôler
les narratifs à l’étranger, notamment en influençant la recherche
universitaire et en s’infiltrant dans les entreprises.





4. L’ingérence étrangère comme menace pour la sécurité démocratique
20. La sécurité démocratique repose
sur la protection et le renforcement des principes, institutions
et processus essentiels à la gouvernance démocratique, tels que
l’État de droit, les droits humains et les élections libres et équitables.
Elle comprend la sauvegarde de l’intégrité électorale, la protection
des libertés civiles et la promotion d’une citoyenneté éclairée
et engagée
.

21. Les régimes autoritaires cherchent de plus en plus, et avec
une efficacité croissante, à affaiblir l’intégrité des normes et
des institutions qui protègent les libertés fondamentales. Les moyens
des acteurs de l’ingérence étrangère, tels que la corruption, la
désinformation, la capture des élites et l’ingérence électorale,
visent à saper chacun des piliers de la sécurité démocratique.
22. Ces régimes ont activement alimenté et exploité les clivages
qui existent au sein des États membres du Conseil de l’Europe en
utilisant ces formes d’ingérence. Ils ont notamment apporté un soutien
financier à des groupes extrémistes qui amplifient les narratifs
clivants, radicaux et parfois violents. Ils ont également financé des
mouvements et des hommes politiques afin de saboter toute forme
d’opposition unie à des acteurs hostiles, tout en affaiblissant
les projets et l’influence démocratiques
.

23. Les stratégies de déstabilisation visant à éroder les normes
démocratiques et à amplifier la polarisation ont pour but d’affaiblir
la confiance dans le système politique, ce qui, à son tour, nuit
à la capacité de répondre efficacement à des défis plus vastes.
24. Des élections libres et équitables sont la pierre angulaire
des sociétés démocratiques. Des processus électoraux indépendants
et transparents sont indispensables à la fois pour la confiance
des citoyens dans nos institutions publiques et pour la compétitivité
de l’environnement électoral. Les activités d’ingérence étrangère constituent
un risque permanent car elles visent à manipuler l’information et
l’opinion des électeurs, à lancer des cyberattaques sur les infrastructures,
à obtenir l’accès à des informations sensibles provenant de gouvernements,
de partis politiques et de membres du parlement, et à faciliter
la fuite de ces données.
25. Cette menace en constante évolution et adaptation reste difficile
à mesurer, et l’effet cumulatif de ses manifestations sur nos démocraties
n’est pas encore pleinement compris. Les progrès rapides et l’adoption généralisée
de l’intelligence artificielle ont le potentiel d’exacerber de manière
significative les défis auxquels sont confrontées les démocraties
pour faire face à l’ingérence étrangère, et les réponses devront
s’adapter en fonction de ces progrès.
5. Cibles multiples et tactiques multiformes
26. Il existe de nombreux exemples
très médiatisés d’activités d’ingérence étrangère menaçant la sécurité et
la stabilité démocratiques. Ces activités peuvent être regroupées
en trois grandes catégories: la désinformation, les cyberattaques
et le piratage, ainsi que l’ingérence financière et politique.
27. Elles sont souvent employées simultanément pour produire un
effet négatif cumulatif en ciblant systématiquement les piliers
de la sécurité démocratique. La désinformation sape l’intérêt général,
la confiance dans la crédibilité des médias, du gouvernement et
même des faits eux-mêmes. Les cyberattaques compromettent les données
sensibles, perturbent les services essentiels et renforcent la désinformation
en provoquant la fuite sélective de documents qui alimentent des
narratifs clivants. L’ingérence financière et politique érode l’intégrité
institutionnelle et accroît le cynisme du public à l’égard de la
gouvernance.
28. L’ensemble crée une boucle de rétroaction. Les cyberattaques
fournissent du matériel de désinformation et un moyen de pression
sur les personnalités dont les données ont été compromises, tandis que
l’ingérence financière et politique amplifie la méfiance créée par
les cyberattaques et les campagnes de désinformation. L’effet cumulatif
de ces éléments peut mettre en évidence des vulnérabilités systémiques
et créer ainsi des brèches que les acteurs hostiles peuvent exploiter
pour manipuler et déstabiliser les sociétés ciblées.
5.1. Désinformation
29. Selon le Comité des Ministres
du Conseil de l’Europe, la «désinformation» désigne les informations
dont on peut vérifier qu’elles sont fausses, inexactes ou trompeuses,
créées et diffusées dans l’intention délibérée de causer un préjudice
ou d’obtenir un avantage politique ou économique en trompant le
public
.

30. Si la désinformation n’est pas une nouveauté dans la conduite
des relations internationales, l’avènement des technologies numériques
en a accru la portée à des niveaux sans précédent. Les campagnes
de désinformation consistent à diffuser des informations fausses
ou trompeuses – généralement par le biais de médias contrôlés par
l’État, de médias sociaux ou de canaux clandestins – afin de façonner
l’opinion publique, d’aggraver les clivages politiques nationaux
sur des sujets sensibles ou de porter atteinte à la crédibilité d’institutions,
de processus ou d’individus spécifiques.
31. Les campagnes de désinformation sont devenues un phénomène
courant, en particulier lors des campagnes électorales ou référendaires.
Les irrégularités dans les processus électoraux dues à l’ingérence étrangère
illustrent l’impact en profondeur des menaces numériques sur les
scrutins. En décembre 2024, la Cour constitutionnelle roumaine a
annulé le résultat du premier tour de l’élection présidentielle
après avoir constaté qu’il y avait eu une violation des «principes
essentiels des élections démocratiques libres». Elle a ensuite exigé
que l’élection soit entièrement réorganisée par le gouvernement
à une date ultérieure
.
La Cour a rendu sa décision à la suite de la déclassification de
documents des services de renseignement révélant qu’un candidat
avait profité d’une vaste opération d’influence orchestrée de l’étranger.
L’ingérence aurait permis de manipuler les votes et de fausser l’égalité
des chances entre les candidats grâce à l’usage des technologies
numériques et de l’intelligence artificielle.

32. Pour parvenir à cette décision, la Cour constitutionnelle
a estimé que les États devaient faire preuve de résilience face
aux défis et aux risques qui sont générés par les campagnes de désinformation
organisées qui affectent l’intégrité des processus électoraux. Elle
a jugé que la liberté des électeurs de se forger une opinion incluait
le droit d’avoir accès à des informations exactes sur les candidats
et le processus électoral, ainsi qu’une protection contre des actes
ou des faits illégaux et disproportionnés qui exercent une influence injustifiée
sur leur comportement électoral. La Cour a précisé que la publicité
électorale en ligne doit toujours être identifiée comme telle et
être transparente, tant en ce qui concerne l’identité du commanditaire
qu’en ce qui concerne les moyens techniques de diffusion
.

33. Les médias financés par l’État sont un vecteur essentiel de
désinformation, comme en témoignent les chaînes russes Sputnik et
RT, ainsi que le réseau chinois Global Television Network. Ces médias
sont sous le contrôle permanent, direct ou indirect, d’autorités
étatiques et contribuent à la propagation systématique de fausses
informations.
34. Des documents internes de politique étrangère émanant d’acteurs
hostiles indiquent clairement que cette désinformation est une action
stratégique. Le ministère russe des Affaires étrangères, par exemple, a appelé
à une «campagne d’information offensive» dans les «sphères politico-militaires,
économiques, commerciales et psychologiques informationnelles
».

35. En 2017, un rapport commandé par le Conseil de l’Europe a
considéré que l’utilisation accrue de la désinformation était l’un
des éléments d’un désordre de l’information plus large
.
Même lorsque des campagnes de désinformation sont révélées et démenties,
l’accumulation continue de fausses informations contribue à affaiblir
la confiance dans l’environnement médiatique. En effet, selon une
étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques
(OCDE), seules 39 % des personnes interrogées déclarent avoir une
confiance élevée ou modérée dans les médias d’information, tandis
que 44 % expriment une confiance faible, voire inexistante, à leur
égard
.


36. Les réseaux de désinformation, qui ont proliféré à la suite
de la guerre d’agression à grande échelle menée par la Fédération
de Russie contre l’Ukraine, ont pour but d’amplifier les narratifs
pro-Kremlin sur les plateformes de médias sociaux, aussi bien en
Europe que dans le monde.
37. Les opérations d’influence menées par la Russie reposent sur
des tactiques similaires à celles qui sont observées dans l’affaire
«DoppelGänger», dans laquelle des acteurs malveillants ont créé
des sites internet imitant des médias reconnus ou des sites gouvernementaux
d’États membres du Conseil de l’Europe. Des récits de désinformation
ont ensuite été publiés sur ces sites factices afin de leur donner
une apparence d’authenticité et diffusés sur les réseaux sociaux
par le biais d’un réseau de faux comptes
.

38. Entre le 24 février 2022 et octobre 2023, la surveillance
menée dans six pays (Allemagne, Italie, Pologne, Tchéquie, République
slovaque et Hongrie) a permis de constater la diffusion de plus
de 13 000 messages de désinformation regroupés autour de narratifs
pro-russes importants
.

39. Des États hostiles utilisent des bots et l’intelligence artificielle
pour diffuser rapidement des récits de désinformation et les amplifier
dans le but d’accroître la pression des populations locales sur
les décideurs et de propager des informations erronées sur les actions
illégales perpétrées par la Russie en Ukraine.
40. Des études menées par l’agence française VIGINUM ont montré
qu’entre septembre et décembre 2023, un réseau de 200 portails de
désinformation convertissait des informations fausses et trompeuses
dans les langues du public cible
.

41. Des données de Microsoft indiquent que la désinformation et
la propagande d’origine chinoise ont été déployées à une «échelle
inégalée par d’autres acteurs d’influence malveillants», grâce à
l’utilisation de milliers de comptes sur un éventail de plateformes
internet diffusant des mèmes, des vidéos et des articles en plusieurs
langues
.

42. Des opérations de désinformation ont également cherché à exploiter
des questions sensibles dans les pays cibles pour exacerber les
clivages sociaux. Qualifiées de «parasites», ces opérations exploitent
de manière opportuniste des contenus provocateurs existants ou des
informations erronées au niveau national, en les amplifiant à l’aide
de bots. Elles visent à aggraver les tensions sur certaines questions
et à favoriser la propagation de points de vue extrêmes. La dynamique
entre la désinformation étrangère et la mésinformation nationale
peut avoir un effet catalyseur sur les groupes nationaux. Cette
situation, qui a été observée pendant la pandémie de Covid-19, a
contribué à l’hésitation vaccinale et aux théories du complot sur
la pandémie
, et à accélérer
les tensions internes liées aux flux migratoires ou à la sécurité
du processus électoral.

43. Ces campagnes de désinformation ont parfois été menées de
concert avec d’autres actions hybrides, notamment en ce qui concerne
l’instrumentalisation des flux migratoires dans le but de déstabiliser
les démocraties européennes. Les stratégies hybrides d’ingérence
étrangère comportaient le transport de migrants et de demandeurs
d’asile par le Bélarus et la Russie jusqu’aux frontières de la Pologne,
de la Lituanie, de la Lettonie et de la Finlande. Les migrants,
les minorités et les diasporas sont ainsi exploités à des fins de campagnes
de désinformation malveillantes. L’objectif est d’amplifier et d’exploiter
les perceptions négatives existantes à l’égard des migrations, ce
qui a pour effet d’exacerber les tensions au sein des sociétés européennes.
5.2. Cyberattaques et piratage
44. Les technologies numériques
sont devenues omniprésentes dans tous les aspects de la vie moderne, notamment
dans l’administration, la défense, les infrastructures critiques
et l’économie. C’est pourquoi il existe désormais une convergence
de plus en plus manifeste entre les opérations d’ingérence étrangères
menées dans le cadre de campagnes de désinformation et les cyberattaques
lancées ou parrainées par des États en tant que vecteur d’ingérence.
45. Les cyberattaques et les tentatives de piratage qui ciblent
les institutions publiques perturbent l’accès aux sites internet
publics entravent le fonctionnement des organes publics et compromettent
les comptes de courrier électronique des fonctionnaires. Outre la
menace qu’elles font peser sur la fourniture de services essentiels
et la sécurité publique, ces activités exposent les réseaux publics
à des acteurs hostiles, compromettent les communications des responsables
publics et influencent les processus démocratiques. Rien qu’en 2024,
des cyber-opérations hostiles en Europe ont été publiquement attribuées
à des pirates informatiques pro-Kremlin, notamment en Tchéquie,
en Allemagne, en Grèce, en Pologne et en Suisse
.

46. Les menaces qui pèsent sur les élections en raison d’ingérence
étrangère comprennent le piratage des courriels des candidats, une
pratique qui a été utilisée lors de l’élection présidentielle américaine
de 2016
et de l’élection présidentielle
française de 2017, ainsi que les tentatives d’affaiblir les infrastructures
électorales elles-mêmes, notamment les cyberattaques en Ukraine
en 2014, en Macédoine du Nord en 2019 et en République de Moldova
en 2019
.


47. En décembre 2023, le Royaume-Uni a dénoncé une tentative d’ingérence
cybernétique russe dans les processus politiques. Ces opérations,
qui ciblaient des parlementaires, s’appuyaient sur des campagnes d’hameçonnage
ciblé, le piratage et la fuite de documents commerciaux entre le
Royaume-Uni et les États-Unis, ainsi que sur des ingérences visant
des groupes de réflexion britanniques sur la défense de la démocratie contre
la désinformation
.

5.3. Ingérence financière et politique
48. La capture et la corruption
des élites sont une autre forme insidieuse d’ingérence étrangère
susceptible de porter atteinte à la sécurité démocratique. La cooptation
d’élites politiques, économiques ou médiatiques clés pour promouvoir
les intérêts d’un État étranger se fait au détriment de la souveraineté
nationale et des normes démocratiques. Elle diminue l’efficacité
et la légitimité des institutions et érode l’État de droit.
49. Les tentatives alléguées de pays étrangers tels que le Qatar
d’influencer les députés, les anciens députés et le personnel du
Parlement européen par des actes de corruption représenteraient
une grave ingérence dans les processus démocratiques européens
.
Le Parlement européen a également souligné, dans une résolution
de 2024, l’existence d’allégations crédibles selon lesquelles certains
de ses membres auraient reçu des paiements pour relayer de la propagande
russe
.


50. Le Parlement européen, vivement préoccupé par les nouvelles
allégations indiquant que la Russie financerait des partis politiques
dans le but de s’ingérer dans les processus internes de certaines
démocraties européennes, a décidé d’ouvrir une enquête approfondie
sur un éventuel soutien étranger aux mouvements séparatistes. Cette
demande fait suite à des allégations selon lesquelles des émissaires
liés à la Russie auraient rencontré des dirigeants indépendantistes
catalans en 2017 et leur auraient proposé une aide financière massive
en échange d’une législation favorable aux cryptomonnaies
.

51. Ces préoccupations ont également suscité des appels à une
plus grande transparence sur le financement des partis politiques.
Une enquête a révélé que les partis populistes, d’extrême droite
et d’extrême gauche ont reçu un quart de l’ensemble des financements
privés alloués aux partis politiques dans l’Union européenne entre
2019 et 2022
. Par ailleurs, des informations
provenant de services de renseignement indiquent que la Russie a
versé 300 millions $US entre 2014 et 2022 afin d’influencer des
responsables politiques et officiels dans 24 pays
.


52. En mars 2024, la Tchéquie a sanctionné le site d’information
Voice of Europe, basé à Prague, après des allégations indiquant
qu’il aurait payé des personnalités politiques dans plusieurs pays
européens afin de répandre un sentiment anti-ukrainien et d’influencer
les élections du Parlement européen tenues en juin dans le cadre
d’une opération d’influence russe
.

53. Des ingérences financières étrangères ont également ciblé
des électeurs avant les élections. Les autorités moldaves ont constamment
tiré la sonnette d’alarme concernant les tentatives de la Fédération de
Russie de s’ingérer dans la politique intérieure et les processus
électoraux de la République de Moldova en 2024, signalant un afflux
massif d’argent russe destiné à acheter des voix et de subvertir
le processus démocratique
.

54. L’inspection générale de la police de la République de Moldova
a recensé des cas de corruption impliquant 130 000 citoyens et plus
de 15 millions $US de transferts illicites en provenance de Russie
pour le seul mois de septembre 2024
. Des estimations
indiquent que l’ampleur des programmes d’achat de votes était certainement
beaucoup plus élevée dans l’ensemble. En effet, les fonds étaient
ventilés dans divers programmes, notamment les allocations «sociales»
pour les retraités et les «primes» salariales pour les employés
des structures des pouvoirs locaux
.


6. La réponse
55. Le Conseil de l’Europe, ses
États membres et des organisations internationales ont mis au point
une série d’instruments pour prévenir, détecter, contrer et sanctionner
la menace multiforme que représente l’ingérence étrangère.
6.1. Mettre à jour les concepts de sécurité
56. L’agression à grande échelle
de l’Ukraine par la Fédération de Russie et son caractère hybride
ont montré qu’il était urgent pour les démocraties de réactualiser
leurs concepts de sécurité nationale.
57. Les États membres ont donc cherché à modifier les stratégies
qui intègrent des actions visant à faire face au risque posé par
l’accélération des opérations d’ingérence étrangère. Ainsi, l’Allemagne
a adopté sa toute première stratégie de sécurité nationale
. Fondé sur une conception large de
la sécurité, ce document vise à apporter des réponses globales aux
divers défis de notre époque en matière de sécurité. Il va bien
au-delà des questions traditionnelles de politique de défense et
porte sur des sujets allant du développement de la coopération à
la défense contre les cyber-risques.

58. Des entités ont été mises en place pour s’adapter aux activités
des acteurs hostiles, comme par exemple l’agence nationale VIGINUM,
créée en France en 2021, qui est un service de vigilance et de protection
contre les ingérences numériques étrangères. Son rôle est de détecter
les menaces en ligne qui cherchent à nuire aux intérêts fondamentaux
de la France.
59. En 2023, la France et la Slovénie, en partenariat avec le
Monténégro, ont fondé le Centre de cybercapacités des Balkans occidentaux
afin de renforcer les capacités qui permettront de faire face aux cyberattaques
et de contrer la désinformation en ligne menées par des acteurs
étrangers qui cherchent à provoquer l’instabilité dans la région
.

60. Un mois après le début de la guerre d’agression de la Fédération
de Russie contre l’Ukraine, le Conseil de l’Union européenne a approuvé
la Boussole stratégique qui définit une vision stratégique commune
de la politique de sécurité et de défense de l’Union européenne
au cours des cinq à dix prochaines années
. Son intitulé exact «Pour une Union
européenne qui protège ses citoyens, ses valeurs et ses intérêts,
et qui contribue à la paix et à la sécurité internationales» est
assez évocateur. Ce document, qui évalue l’environnement stratégique
commun, décrit les menaces complexes auxquelles l’Union européenne
est confrontée en matière de sécurité:

- des menaces hybrides dont la fréquence et l’impact augmentent;
- l’instrumentalisation de la puissance douce, sachant que les vaccins, les données et les technologies sont utilisés comme instruments de compétition politique;
- la multiplication des tentatives de coercition économique et énergétique.
61. Parmi les instruments prévus par la Boussole stratégique figure
une boîte à outils hybride de l’Union européenne qui rassemble différents
instruments visant à détecter un large éventail de menaces hybrides
et à y réagir; celle-ci inclut des outils spécifiques destinés à
lutter contre les activités de manipulation de l’information et
d’ingérence menées depuis l’étranger. L’Union européenne dispose
déjà d’un éventail d’options pour la mise en œuvre de la boîte à
outils hybride de l’Union européenne, telles que la boîte à outils de
cyberdiplomatie
, et la valeur ajoutée de la boîte
à outils hybride est de permettre une réponse rapide, cohérente
et coordonnée, en rassemblant une combinaison d’instruments civils
et militaires
. Le Conseil de l’Union européenne
a approuvé en mai 2024 le cadre directeur pour la mise en place
pratique d’équipes de réaction rapide de l’Union européenne dans
le domaine des technologies hybrides, qui peuvent être déployées sur
demande pour se préparer à faire face aux menaces hybrides et les
contrer
.



62. En juin 2022 à Madrid, l’OTAN a adopté un nouveau concept
stratégique, qui rappelle que des compétiteurs stratégiques testent
notre résilience et tentent d’abuser de l’ouverture et de l’interconnexion
de nos pays ainsi que de la transformation numérique qui s’y opèrent
[...] ces acteurs sont au cœur d’une entreprise visant à fragiliser
les règles et institutions multilatérales ainsi qu’à promouvoir
des modèles de gouvernance autoritaires»
. Des efforts ont été
demandés pour développer la résilience face à l’ingérence étrangère
et aux menaces hybrides qui pèsent sur les Alliés de l’OTAN et les
pays qui aspirent à devenir membres de l’Alliance, et pour les contrer.

6.2. Développer la résilience sociétale
63. Les menaces hybrides étant
appelées à continuer d’influer sur le paysage sécuritaire, le développement de
la résilience de la société face aux ingérences étrangères nécessite
une approche globale de l’ensemble de la société. Il a été démontré
que les manœuvres visant à influencer les élections depuis l’étranger
sont plus susceptibles de se produire en manipulant des électeurs
sur le long terme qu’en attaquant directement le système électoral.
Les mesures de protection doivent donc être résolument axées sur
la résistance globale de la population à l’influence étrangère
.

64. Il est impératif de développer la résilience de la société
face à l’ingérence étrangère pour préserver les institutions démocratiques
et garantir l’intégrité des processus électoraux. Cela implique
des stratégies à multiples facettes englobant l’éducation, la maîtrise
des médias et la culture de la pensée critique chez les citoyens
pour discerner et contrer la désinformation. Il est essentiel de
sensibiliser le public aux tactiques utilisées par les acteurs étrangers
pour diffuser de faux narratifs, en particulier par le biais des
plateformes de médias sociaux.
65. La Finlande a intégré l’éducation aux médias dans son programme
scolaire national dès le plus jeune âge, permettant aux élèves d’acquérir
des compétences essentielles pour s’orienter dans le paysage complexe
de l’information d’aujourd’hui. Les écoles finlandaises apprennent
aux enfants à évaluer la crédibilité des différentes sources d’information,
à identifier les contenus trompeurs ou biaisés et à comprendre les motivations
des campagnes de désinformation
. L’Estonie et la Lettonie
ont cherché à améliorer l’éducation aux médias en s’employant respectivement
à renforcer la résistance de leurs populations russophones face
à la manipulation de l’information, en offrant des alternatives
aux médias russes, en interagissant avec leur minorité russophone
, et en soutenant et formant
le journalisme indépendant dans des instituts tels que le Centre
balte pour l’excellence des médias, basé à Riga.


66. En outre, la promotion d’un paysage médiatique diversifié
et indépendant qui respecte l’intégrité journalistique et les pratiques
de vérification des faits peut atténuer la propagation de la désinformation.
La collaboration entre les gouvernements, les organisations de la
société civile et les plateformes technologiques est essentielle
à la mise en œuvre de stratégies efficaces pour sensibiliser à l’ingérence
étrangère, l’identifier et la contrer. L’autonomisation des communautés,
y compris des minorités et des groupes vulnérables souvent ciblés
par les campagnes de désinformation, par le biais d’initiatives
inclusives et informatives, contribuera de manière significative
à renforcer la résilience de la société face aux manipulations extérieures
et à préserver le tissu démocratique des nations.
67. Le Centre commun de recherche de la Commission européenne
et le Centre d’excellence pour les technologies hybrides ont proposé
une méthodologie pour un mécanisme de résilience complet, qui vise
à fournir un système de détection des signaux précoces, à faciliter
l’analyse des menaces hybrides et à identifier les trajectoires
de réponse potentielles
.

68. Les États nordiques et baltes appliquent le concept de «défense
totale», qui prévoit d’impliquer l’ensemble de la société – forces
armées et société civile – dans les actions visant à prévenir, dissuader
et contrer une attaque. En 2018, l’Agence suédoise de la protection
civile et de la gestion de crises (MSB) a adressé une brochure à
tous les ménages, contenant des lignes directrices indiquant aux
citoyens comment se protéger contre les fausses informations, les
cyberattaques et bien d’autres menaces
.

6.3. Lutter contre la désinformation
69. Le renforcement de la résilience
sociétale pour lutter contre l’ingérence étrangère fait partie d’un ensemble
d’outils plus large pour une capacité de lutte contre la désinformation
efficace et fructueuse. Si la lutte contre la désinformation doit
protéger la liberté d’expression et l’accès à l’information, les
États ont intensifié leurs efforts pour contrer la désinformation
en perturbant les acteurs de l’ingérence étrangère, en repérant
préalablement les fausses informations et en corrigeant les contenus.
70. Dans le cadre des méthodes de perturbation, les autorités
étatiques ont identifié et démantelé des fermes de robots diffusant
de la désinformation, comme les réseaux de désinformation basés
en Russie opérant aux États-Unis d’Amérique qui ont été fermés en
juillet 2024
, et la cyberpolice
en Ukraine qui ont suspendu les activités de 13 fermes de robots
avec plus de 1,5 million de faux comptes de médias sociaux qui étaient
enregistrés pour diffuser de la désinformation et de la propagande
. Les
plateformes en ligne ont également pris des mesures contre les efforts
coordonnés visant à manipuler le débat public à des fins stratégiques,
où les faux comptes sont au cœur de l’opération. Meta a identifié
39 opérations d’influence secrètes de la Russie entre 2017 et 2024,
les autres sources les plus fréquentes d’opérations d’influence secrètes
émanant de l’Iran et de la Chine
.



71. Afin de faire face aux risques liés à l’utilisation des technologies
d’intelligence artificielle pour générer de fausses informations
ou amplifier la diffusion de contenus manipulatoires visant à compromettre
l’intégrité de l’information, la Convention-cadre du Conseil de
l’Europe sur l’intelligence artificielle et les droits de l’homme,
la démocratie et l’État de droit (STCE n° 225, «la Convention de
Vilnius») prévoit que les signataires doivent maintenir des mesures
qui garantissent que les systèmes d’intelligence artificielle ne
sont pas utilisés pour porter atteinte à l’intégrité, à l’indépendance
et à l’efficacité des institutions et processus démocratiques, et
qu’ils protègent ces processus, y compris la capacité à se forger
librement une opinion
.

72. Les gouvernements ont de plus en plus utilisé les communications
stratégiques pour anticiper et démystifier la désinformation en
déclassifiant des renseignements. Les États-Unis ont notamment utilisé
cette approche pour dévoiler le processus décisionnel russe avant
l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, et pour affaiblir
de manière significative les narratifs russes.
73. Plusieurs pays européens ont amélioré la coordination intergouvernementale.
L’Allemagne a mis en place un groupe de travail interministériel
dirigé par le ministère fédéral de l’Intérieur et du Territoire
pour favoriser une coopération étroite sur les réponses à apporter
aux menaces hybrides, en particulier la désinformation. Ce groupe
de travail coordonne toutes les activités menées contre la diffusion
délibérée d’informations fausses et trompeuses dans le contexte
de la guerre menée contre l’Ukraine, y compris le renforcement de
la communication proactive et transparente ainsi que l’amélioration
de la résilience de la société face aux menaces ciblant l’espace
informationnel
.

74. Les efforts visant à contrer la désinformation par la correction
de contenu ont vu se développer un réseau d’organisations indépendantes
et non partisanes de vérification des faits, qui travaillent souvent
en collaboration avec les médias et les plateformes numériques pour
identifier et corriger les fausses informations. Ces vérificateurs
de faits publient souvent les informations corrigées de manière
visible et veillent à ce que les fausses informations soient non
seulement démystifiées, mais aussi remplacées par des récits factuels.
75. Le Comité directeur sur les médias et la société de l’information
du Conseil de l’Europe a adopté en décembre 2023 une Note d’orientation
sur la lutte contre la propagation de la mésinformation et de la désinformation
en ligne par des solutions de vérification des faits et de conception
de plateformes dans le respect des droits humains. Cette note montre
que la vérification des faits joue un rôle central dans le débat public
et appelle à l’indépendance des organisations de vérification des
faits à l’égard des États
.

76. À l’échelle mondiale, les Nations Unies ont lancé en 2024
les Principes mondiaux des Nations Unies pour l’intégrité de l’information,
qui visent à lutter contre la désinformation, la mésinformation
et les discours de haine tout en défendant les droits humains, y
compris la liberté d’expression
. Ces principes s’adressent
à une série de parties prenantes et s’articulent autour de la confiance
et de la résilience de la société, de l’autonomisation du public,
de l’indépendance, de la liberté et du pluralisme des médias, ainsi
que de la transparence.

77. Au niveau de l’Union européenne, une approche globale a été
adoptée, dont le Règlement sur les services numériques qui oblige
les plateformes numériques à assumer une plus grande responsabilité
quant au contenu qui apparaît sur leurs services. Les obligations
les plus strictes de la loi s’appliquent aux très grandes plateformes
en ligne et aux moteurs de recherche définis comme des plateformes
en ligne et des intermédiaires qui comptent plus de 45 millions
d’utilisateurs par mois dans l’Union européenne. Ces plateformes
doivent identifier et traiter tous les risques systémiques qu’elles
représentent, notamment ceux qui sont liés aux droits fondamentaux,
à la sécurité publique et aux élections.
78. Des groupes de travail spécialisés ont été créés, tels que
le groupe de travail East StratCom, afin d’exposer et de démystifier
les narratifs de désinformation, tandis que des projets visant à
améliorer l’éducation aux médias ont complété ces efforts afin de
renforcer la résistance à long terme à la désinformation.
79. À l’échelle nationale, la création d’agences et d’institutions
pour lutter contre la menace s’est accélérée. L’Agence suédoise
de défense psychologique, créée en 2022, joue un rôle crucial dans
la protection de l’environnement informationnel de la Suède. L’Agence
a un rôle opérationnel et dispose d’un mandat pour renforcer la
résilience de la société contre les ingérences étrangères. Elle
identifie, analyse et soutient la lutte contre les informations
malveillantes et autres informations trompeuses dirigées contre
la Suède ou ses intérêts par des puissances étrangères antagonistes.
Il peut s’agir de désinformation visant à affaiblir la résilience
de la Suède et la volonté de la population de se défendre, ou à
influencer indûment les perceptions, les comportements et les décisions
des citoyens.
80. Plusieurs pays européens ont mis en place des commissions
d’enquête spéciales chargées de lutter contre l’influence russe.
Par exemple, en mai 2024, la Commission d’enquête sur l’influence
russe et bélarusse a été créée en Pologne sur ordre du Premier ministre.
La Commission, qui relève du ministre de la Justice, enquêtera sur
les cas d’influence de la Russie et du Bélarus sur la politique
polonaise depuis 2004.
81. Ces dernières années, des efforts accrus ont été déployés
pour établir des partenariats entre les gouvernements, les plateformes
en ligne et les services répressifs. Le Code de bonnes pratiques
contre la désinformation de 2022, élaboré par l’Union européenne
en collaboration avec les principales plateformes en ligne, les
plateformes émergentes et spécialisées, les acteurs de l’industrie
publicitaire, les vérificateurs de faits, ainsi que des organisations
de recherche et de la société civile, vise à renforcer la vérification
des faits, à limiter les incitations financières à la diffusion
de la désinformation et à lutter contre les comportements manipulateurs
tels que les faux comptes, les bots ou les hypertrucages (deep fakes) malveillants.
82. Afin de perturber l’écosystème de désinformation russe, l’Union
européenne a suspendu les activités de diffusion et les licences
de plusieurs organes de désinformation soutenus par le Kremlin.
Ces médias ont été utilisés par le Gouvernement russe pour manipuler
l’information et promouvoir la désinformation sur l’agression militaire
contre l’Ukraine, y compris la propagande visant à déstabiliser
les pays voisins de la Russie, l’Union européenne et ses États membres.
83. Observant que Sputnik et Russia Today étaient sous le contrôle
permanent, direct ou indirect, des autorités de la Fédération de
Russie et qu’ils jouaient un rôle essentiel et déterminant dans
le déclenchement et le soutien de l’agression militaire contre l’Ukraine,
le Conseil de l’Union européenne a expliqué sa décision par le fait
que «La Fédération de Russie a entrepris une campagne internationale
systématique de désinformation, de manipulation de l’information
et de distorsion des faits afin de renforcer sa stratégie de déstabilisation
des pays voisins, de l’Union européenne et de ses États membres.
(...) Pour justifier et soutenir son agression militaire contre
l’Ukraine, la Fédération de Russie a lancé des actions continues
et concertées de désinformation et de manipulation de l’information
à destination des membres de la société civile dans l’Union européenne
et les pays voisins, en faussant et en manipulant gravement les
faits
.»

84. Les personnes associées à la diffusion de la propagande et
de la désinformation ont également été sanctionnées. Par exemple, l’Union
européenne a sanctionné la rédactrice en chef de RT, Margarita Simonyan,
accusée d’être une figure centrale de la propagande gouvernementale
russe responsable d’actions et de politiques compromettant l’intégrité
territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.
85. L’effet de la suspension des activités de diffusion au cours
des six premiers mois suivant leur annonce initiale en 2022 s’est
traduit par une diminution de 100 % des visites provenant des moteurs
de recherche vers les médias sanctionnés, une baisse de 70 % des
consultations en provenance des réseaux sociaux et une réduction
de 74 % du trafic internet en provenance de l’Union européenne
. Les recours en justice
contre l’interdiction de RT ont été rejetés, car la suspension était
une mesure proportionnée contre le soutien actif à une politique
de déstabilisation plus large susceptible de constituer une menace
significative et directe pour l’ordre public et la sécurité
.


6.4. Garantir la transparence de l’influence étrangère
86. La gestion effective des conflits
d’intérêts, du lobbying et du financement politique est particulièrement importante
pour faire face aux vulnérabilités aux risques d’ingérence étrangère
et à son effet déstabilisateur sur la démocratie
. Les inquiétudes concernant
l’influence étrangère sur les affaires intérieures et l’opinion publique
ont conduit un certain nombre de pays à travers le monde à adopter
une législation visant à garantir une plus grande transparence comme
première étape de la prévention des menaces.

87. En ce qui concerne la transparence et la réglementation des
dons aux partis politiques et aux campagnes électorales, le Comité
des Ministres du Conseil de l’Europe a demandé, en 2003, aux États membres
de limiter, d’interdire ou de réglementer spécifiquement les dons
provenant de donateurs étrangers
.

88. L’Assemblée parlementaire a condamné toutes les tentatives
d’ingérence inappropriée ou illicite dans les processus décisionnels
démocratiques d’autres États par le biais de contributions financières
aux partis politiques et aux campagnes électorales. Elle a appelé
les États membres à revoir leurs réglementations régissant les contributions
financières aux partis politiques et aux campagnes électorales provenant
de sources étrangères afin de réduire le risque d’ingérence financière
étrangère inappropriée ou illicite
.

89. L’Assemblée a également invité les gouvernements nationaux
à renforcer les mesures de prévention de la corruption et à adopter
et mettre à jour des codes de déontologie pour tous les titulaires
d’une fonction publique
.

90. En 2023, le Groupe d’États contre la corruption (GRECO) du
Conseil de l’Europe a lancé une procédure de suivi sur le thème
de la transparence du financement des partis afin d’améliorer le
cadre juridique dans ce domaine et de veiller à ce que tous ses
États membres disposent désormais d’une législation en la matière. Les
recommandations du GRECO issues de son 4ème cycle
d’évaluation concernent la prévention de la corruption des parlementaires,
juges et procureurs. Il s’agit notamment d’établir des codes d’éthique
pour les parlementaires incluant des normes de conduite professionnelle
applicables et accessibles au public, d’améliorer la transparence
et de réduire la vulnérabilité des parlementaires à l’abus d’influence.
91. Le 22 mars 2022, le Conseil de l’Union européenne est parvenu
à un accord politique sur la refonte du règlement relatif au statut
et au financement des partis politiques européens et des fondations
politiques européennes. Cette révision vise à améliorer la transparence
des partis politiques européens et à renforcer le cadre de leur
financement, notamment pour contrer les risques d’ingérence et de
manipulation étrangères
.

92. Les États ont pris une série de mesures supplémentaires pour
améliorer la transparence des liens entre les personnes physiques
ou morales opérant dans l’espace public et menant des activités
d’influence au nom d’intérêts étatiques étrangers. Ces mesures peuvent
renforcer l’intégrité des activités d’influence étrangère, permettre
aux décideurs et aux citoyens de savoir quels intérêts sont défendus
et établir une distinction plus claire entre les activités d’influence
légitimes et les tentatives d’ingérence illégitimes
.

93. Un des premiers exemples de ces efforts est la loi sur l’enregistrement
des agents étrangers (Foreign Agents Registration Act – FARA), introduite
aux États-Unis en 1938 pour contrer la propagande nazie. Bien qu’elle
ait subi d’importantes modifications, cette loi est toujours en
vigueur. Elle a pour objectif de repérer les influences étrangères
aux États-Unis et de faire face aux menaces pesant sur la sécurité
nationale. La loi impose aux personnes menant des actions politiques
ou quasi-politiques en tant qu’agents d’entités principales étrangères
de publier régulièrement leurs liens avec l’entité concernée. Les
activités qui en découlent doivent également être communiquées
.

94. En mars 2023, le Canada a annoncé l’ouverture de consultations
visant à jeter les bases d’un registre des agents étrangers, à la
suite d’articles de presse faisant état d’une ingérence présumée
de la Chine dans les deux dernières élections du pays
.

95. L’Australie l’avait déjà fait en 2018, après que des rapports
des services
de renseignement eurent décrit les vastes opérations d’influence menées
par la Chine à tous les niveaux du gouvernement au cours de la décennie
précédente, y compris des millions de dollars australiens de dons
politiques et des préoccupations concernant la surveillance
et la manipulation des ressortissants chinois en Australie par le Parti
communiste chinois
.

96. En 2023, le Gouvernement britannique a présenté le Foreign
Influence Registration Scheme (FIRS), qui vise à renforcer la résilience
du système politique britannique face à l’influence étrangère secrète
et à fournir une plus grande assurance quant aux activités de certaines
puissances ou entités étrangères qui représentent un risque pour
la sécurité nationale. Le FIRS exige l’enregistrement des accords
visant à mener des activités d’influence politique au Royaume-Uni
sous la direction d’une puissance étrangère. Le niveau renforcé
du FIRS donne au secrétaire d’État le pouvoir d’exiger l’enregistrement
d’un éventail plus large d’activités pour certains pays, certaines
parties de pays ou entités contrôlées par un gouvernement étranger,
lorsque cela est nécessaire pour protéger la sécurité et les intérêts
du Royaume-Uni
.

97. La Commission européenne, dans le cadre de son paquet «Défense
de la démocratie» a proposé une nouvelle directive sur la transparence
de la représentation d’intérêts pour le compte de pays tiers en
décembre 2023,
et
a organisé des consultations publiques sur une proposition qui visait
à harmoniser les exigences relatives aux activités économiques de
la représentation d’intérêts exercée pour le compte d’entités de
pays tiers
.
Cette proposition viendrait renforcer le registre de transparence
déjà existant
.



98. Les normes en matière de droits humains doivent guider l’élaboration
et la mise en œuvre des lois de transparence relatives à l’influence
étrangère afin de protéger les libertés fondamentales, notamment
la liberté d’expression, la liberté d’association et la vie privée.
La Commission de Venise du Conseil de l’Europe a admis que le financement
étranger d’associations «peut susciter certaines préoccupations
légitimes»
, mais les mesures restrictives
en matière de financement doivent être strictement nécessaires et
proportionnées à l’objectif légitime. La liberté d’association est
un droit humain fondamental qui est essentiel au fonctionnement d’une
démocratie, et les associations telles que les groupes d’intérêt,
les syndicats et les partis politiques sont tous des éléments cruciaux
d’un État démocratique.

99. Le plein respect des normes internationales dans l’élaboration
des instruments de transparence est essentiel pour éviter les restrictions
injustifiées à la société civile et les effets négatifs sur le débat
public ouvert et informé, le pluralisme et la démocratie. Il est
de la plus haute importance que ces lois soient élaborées sur la
base d’un processus de consultation inclusif, qu’elles comprennent
des définitions précises et qu’elles prévoient des obligations claires
et des sanctions proportionnées. L’environnement général de la démocratie, des
droits humains et de l’État de droit ainsi que les discours qui
s’y rapportent sont également des éléments clés à prendre en considération
dans le cadre de l’évaluation de ces textes législatifs.
100. L’Assemblée a rappelé que les organisations non gouvernementales
sont une composante indispensable d’une société ouverte et démocratique
et qu’elles apportent une contribution essentielle au développement
et à la réalisation de la démocratie, de l’État de droit et des
droits humains. Elle s’est déclarée préoccupée par le fait que des
États membres ont eu recours à une législation imposant des obligations excessives
en matière de rapports et de divulgation publique aux ONG recevant
des fonds de l’étranger, afin de stigmatiser ces organisations,
et a donc appelé les États membres à se conformer aux normes juridiques internationales
en ce qui concerne les droits à la liberté de réunion, d’association
et d’expression
.

101. Le risque d’abus d’une telle législation a été démontré par
la loi russe sur les «agents étrangers», promulguée en 2012 et élargie
par la suite. Elle a été utilisée comme un outil de répression pour
limiter la liberté d’expression, persécuter les personnalités de
l’opposition et réprimer les organisations de défense des droits humains.
Quelque 200 organisations ont été enregistrées en tant qu’agents
étrangers entre 2012 et février 2021. En février 2022, 73 organisations
figuraient encore sur la liste, les autres ayant soit fermé leurs portes,
soit été retirées de la liste. La portée excessivement large et
discriminatoire du régime juridique n’a pas été jugée nécessaire
dans une société démocratique
.

7. Coopération internationale
102. L’ingérence étrangère dépasse
souvent les frontières nationales, les acteurs étatiques et non
étatiques exploitant les plateformes numériques, les réseaux financiers
et les alliances transnationales pour perturber les processus démocratiques.
Une collaboration est nécessaire au niveau international afin de
renforcer les capacités de détection, de dissuasion et de réponse
à l’ingérence étrangère de manière cohérente, solide et conforme
aux normes internationales. Un certain nombre d’initiatives ont
été lancées entre des États partageant les mêmes idées afin de répondre
à la menace et de fournir une plateforme pour cette collaboration.
7.1. Le Centre européen d’excellence pour la lutte contre les menaces hybrides, Helsinki
103. Le Centre d’excellence européen
pour la lutte contre les menaces hybrides (Hybrid CoE)
est une organisation internationale
autonome, basée sur un réseau, qui promeut une approche de l’ensemble
du gouvernement et de l’ensemble de la société pour lutter contre
les menaces hybrides.

104. La participation aux activités du Centre est ouverte à tous
les pays de l’Union européenne et de l’OTAN, et le nombre d’États
participants est passé à 36 en novembre 2024. Le Centre a pour mission
de renforcer la sécurité des États et organisations participants
en leur fournissant des compétences et une formation pour contrer
les menaces hybrides. La vision du Centre est celle d’un monde dans
lequel nos sociétés ouvertes et démocratiques fonctionnent à l’abri
de toute ingérence extérieure malveillante.
105. La tâche principale du Centre est de renforcer les capacités
des États participants à prévenir et à contrer les menaces hybrides.
Il y parvient en partageant les meilleures pratiques, en formulant
des recommandations et en testant de nouvelles idées et approches.
Le Centre développe également les capacités opérationnelles des
États participants en formant des praticiens et en organisant des
exercices pratiques.
106. Hybrid CoE élabore de nouveaux concepts stratégiques et contribue
à leur mise en œuvre par l’intermédiaire de ses réseaux intergouvernementaux
et intersectoriels, qui comptent plus de 1 500 praticiens et experts
travaillant dans les États participants, l’Union européenne et l’OTAN,
le secteur privé et le monde universitaire.
7.2. Centres d’excellence de l’OTAN
107. Deux centres d’excellence accrédités
par l’OTAN jouent un rôle important dans la lutte contre l’ingérence étrangère.
Ces centres sont soutenus par des groupes d’experts internationaux
issus de l’armée, des gouvernements, des universités et des milieux
intéressés.
108. Le Centre d’excellence de l’OTAN pour la cyberdéfense en coopération
(CCD COE), situé à Tallinn, a été établi à la suite de la cyberattaque
menée en 2007 contre l’Estonie. Il s’agit d’un pôle de connaissances accrédité
par l’OTAN qui offre une approche interdisciplinaire unique des
questions les plus pertinentes en matière de cyberdéfense. Il mène
des recherches, des formations et des exercices dans quatre domaines essentiels:
la technologie, la stratégie, les opérations et le droit.
109. Le Centre d’excellence pour les communications stratégiques
de l’OTAN (Stratcom COE), situé à Riga, a été créé en 2014. Il s’est
imposé comme un pôle de recherche et d’information sur le thème
de la communication stratégique, qui englobe la lutte contre la
désinformation, la sécurité numérique et les méthodologies des acteurs
hostiles.
7.3. Le G7
110. Dans le communiqué de Capri
d’avril 2024, les ministres des Affaires étrangères du G7 se sont
engagés à protéger l’environnement de l’information et les valeurs
démocratiques contre toute tentative de manipulation étrangère.
Il s’agissait notamment de renforcer la résistance et la sensibilisation
du public à la manipulation de l’information venant de l’étranger
.

111. Le mécanisme de réaction rapide du G7 est une initiative introduite
dans l’«Engagement de Charlevoix sur la défense de la démocratie
contre les menaces étrangères», publié par les dirigeants du G7
– États-Unis, Canada, Japon, Royaume-Uni, France, Allemagne et Italie – en juin 2018, lors de leur sommet à Charlevoix, au
Québec. Ce mécanisme a pour mandat de renforcer la coordination
des pays membres du G7 «dans le but de cerner les menaces étrangères
diverses et en constante évolution qui pèsent sur les démocraties
du G7 et y réagir, notamment en mettant en commun l’information
et les analyses, et en déterminant des possibilités de réponse coordonnée»
.
Il publie un rapport annuel qui identifie les défis et tendances
dans le domaine de la désinformation affectant le G7.

8. Conclusions
112. Les États membres du Conseil
de l’Europe sont confrontés à un environnement sécuritaire qui se détériore
et dans lequel les menaces hybrides et l’ingérence étrangère sont
de plus en plus importantes. Ces menaces, qui dépassent les préoccupations
traditionnelles en matière de sécurité, ont évolué au point de pouvoir
exploiter les vulnérabilités de la société et de remettre en cause
les valeurs fondamentales de notre mode de vie, telles que la démocratie,
l’État de droit et les droits humains. En conséquence, l’ingérence étrangère
représente une menace directe non seulement pour la sécurité démocratique
des États membres individuels, mais aussi pour la préservation de
la paix et de la stabilité.
113. La lutte contre l’ingérence étrangère malveillante est une
tâche intrinsèquement complexe pour plusieurs raisons. Elle est
tout d’abord une menace qui évolue en adoptant des formes diverses
qui dépendent des progrès technologiques. La diversité des tactiques
ne permet pas de reconnaître et de définir aisément la nature de
l’ingérence.
114. En outre, il est difficile d’identifier et d’attribuer précisément
l’ingérence. Les tactiques secrètes et l’utilisation d’acteurs par
procuration ne permettent pas de faire aisément la distinction entre
les activités qui sont menées localement et celles qui sont orchestrées
par des acteurs étrangers hostiles. Des acteurs nationaux contribuent
à la diffusion de récits de désinformation, que ce soit de manière
autonome ou en collaboration avec des entités étrangères, ce qui
rend la répartition des responsabilités encore plus difficile à établir.
Il n’est pas non plus aisé de mesurer le véritable impact de cette
ingérence car ses effets peuvent être subtils, progressifs et difficiles
à quantifier. Elle contribue néanmoins à l’érosion de la confiance
du public et de la cohésion sociale au fil du temps.
115. Compte tenu de ces complexités, les réponses effectives doivent
être multiformes et s’appuyer sur une série de mesures visant à
renforcer la résilience et à sauvegarder les valeurs démocratiques.
Il est donc essentiel d’élaborer une réponse qui mobilise la société
afin de renforcer la résilience citoyenne, en commençant par des
campagnes d’éducation numérique et de sensibilisation à grande échelle
qui aident les citoyens à identifier et à contrer la désinformation.
Il est également indispensable de renforcer la protection des vérificateurs
de faits, de la société civile et des journalistes d’investigation,
qui jouent un rôle crucial dans la dénonciation de la désinformation
et de l’influence étrangère.
116. De nombreux États ne disposent pas d’une législation sur les
menaces hybrides ou la désinformation, ou d’une définition appropriée,
et ne sont donc pas armés sur le plan légal ou réglementaire pour
les combattre efficacement. Par conséquent, il existe un écart important
entre la nature de la menace et la capacité des gouvernements à
la contrer efficacement par des moyens légaux
.

117. Le Media Pluralism Monitor 2022 de l’Institut universitaire
européen a constaté que 15 des 32 pays analysés (y compris les 27
États membres de l’Union européenne) disposaient d’une forme de
cadre réglementaire pour lutter contre la désinformation. Cependant,
seuls les cadres mis en place en Finlande, en Allemagne et en Lituanie
ont été jugés efficaces
.

118. Lors de l’élaboration de réponses politiques à l’ingérence
étrangère, il est impératif que toutes les mesures prises soient
conformes aux normes établies en matière de droits humains. Si la
menace que représente l’ingérence étrangère est bien réelle et pressante,
il est essentiel que les réponses ne portent pas atteinte aux principes
mêmes qu’elles visent à protéger. Les droits humains, l’État de
droit et les libertés démocratiques doivent rester au premier plan
de toute stratégie de lutte contre l’ingérence. Cette approche non
seulement renforce la légitimité des contre-mesures, mais elle distingue
également les réponses démocratiques des tactiques secrètes, souvent
répressives, utilisées par les acteurs hostiles.
119. Les mesures qui ne tiennent pas compte des droits humains
risquent de produire un effet contre-productif, car elles peuvent
éroder la confiance du public et lui laisser penser que le gouvernement
a des pouvoirs excessifs. Par exemple, si la surveillance numérique
ou les restrictions qui s’appliquent aux canaux d’information peuvent
sembler efficaces à court terme, ces actions doivent être soigneusement
évaluées afin d’éviter qu’elles portent atteinte à la liberté d’expression,
à la vie privée et au droit d’accès à l’information. Des procédures
transparentes, le respect des procédures et le respect des droits
individuels doivent guider toutes les mesures de répression prises
pour contrer les activités de désinformation ou de déstabilisation.
120. En veillant à ce que ces mesures soient guidées par les normes
des droits humains, les États membres du Conseil de l’Europe peuvent
favoriser l’adoption d’une approche équilibrée et effective qui
garantit à la fois la sécurité nationale et protège les droits démocratiques
de leurs citoyens.