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A. Projet
de résolution
(open)
Rapport | Doc. 16128 | 12 mars 2025
Les interconnexions entre le Conseil de l’Europe et la Communauté politique européenne
Commission des questions politiques et de la démocratie
A. Projet
de résolution 
(open)1. À la suite d’une proposition
faite par le Président de la République française le 9 mai 2022
lors de la cérémonie de clôture de la Conférence sur l’avenir de
l’Europe, les dirigeants de l’Union européenne sont convenus, à
la réunion du Conseil européen en juin 2022, de lancer la Communauté
politique européenne, dans le but de rassembler les pays membres
et non membres de l’Union européenne sur le continent européen.
L’ambition était de favoriser le dialogue politique et la coopération
entre les dirigeants afin de traiter les questions d’intérêt commun
et de renforcer la sécurité, la stabilité et la prospérité du continent
européen.
2. Le lancement de la Communauté politique européenne a démontré
la volonté des dirigeants de l’Union européenne de réagir rapidement
et d’adapter l’architecture multilatérale de l’Europe à un environnement géopolitique
soumis à des défis considérables, marqué notamment par la guerre
d’agression à grande échelle menée par la Fédération de Russie contre
l’Ukraine.
3. Jusqu’à présent, cinq sommets – un tous les six mois – ont
été organisés, en alternance par l’État membre de l’Union européenne
assurant la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne
et par un pays non membre de l’Union européenne. Depuis le sommet
inaugural de Prague, tenu en octobre 2022, les sommets qui ont eu
lieu en République de Moldova, en Espagne, au Royaume-Uni et en
Hongrie ont porté sur la paix, la prospérité, la sécurité, la résilience
énergétique, la connectivité et, plus récemment, la démocratie et
les migrations.
4. La nature non institutionnalisée et flexible de la Communauté
politique européenne a fourni des opportunités uniques de dialogue
qui n’auraient pas été possibles dans d’autres cadres. L’Assemblée parlementaire
note que la Communauté politique européenne, plateforme de coordination
politique, ne remplace rien de ce qui existe déjà en matière d’organisations,
de structures ou de processus, et ne cherche pas à en créer de nouveaux.
L’Assemblée note aussi que la Communauté politique européenne n’a
pas de base juridique qui établirait une adhésion formelle. Elle
souligne que la Communauté politique européenne est restée une plateforme
intergouvernementale informelle destinée à permettre un dialogue
politique entre les dirigeants européens des États membres de l’Union
européenne et des États non membres de l’Union européenne, en présence
des institutions de l’Union européenne. Le travail opérationnel
est effectué par le pays hôte et le Secrétariat du Conseil de l’Union
européenne, tandis que la continuité entre les sommets de la Communauté
politique européenne des dirigeants européens est assurée par le
président du Conseil européen.
5. L’Assemblée se félicite de la participation du Conseil de
l’Europe aux deux derniers sommets de la Communauté politique européenne,
à Londres et à Budapest. Afin de garantir les synergies et la complémentarité
entre la Communauté politique européenne et le Conseil de l’Europe,
communauté politique paneuropéenne de 46 États membres fondée sur
un traité (Statut du Conseil de l’Europe, STE no 1), l’Assemblée
encourage les futurs pays hôtes à maintenir cette invitation à l’Organisation.
6. La Communauté politique européenne n’étant pas destinée à
remplacer les politiques de voisinage et d’élargissement de l’Union
européenne, elle ajoute un nouveau «cercle» à la géométrie variable
qui caractérise déjà l’intégration européenne. À cet égard, la Communauté
politique européenne doit encore prouver qu’elle peut contribuer
à un alignement plus poussé des pays non membres de l’Union européenne.
7. Bien que le Conseil de l’Europe et la Communauté politique
européenne ne soient pas de même nature et ne partagent pas les
mêmes objectifs, la question des liens entre la nouvelle Communauté
politique européenne et l’activité politique de longue date du Conseil
de l’Europe, déployée à l’échelle européenne, a été soulevée dès
le départ. Depuis, la portée géographique de la participation à
la Communauté politique européenne ressemble davantage à celle des
États membres du Conseil de l’Europe, et l’éventail plus large des
questions abordées par la Communauté politique européenne a mis
en évidence la nécessité de rechercher une coopération, conformément
à la Déclaration de Reykjavík. De plus, le soutien du Conseil de l’Europe
à l’Ukraine et ses efforts visant à ce que la Fédération de Russie
soit tenue responsable de sa guerre d’agression contre l’Ukraine
font de l’Organisation un partenaire clé de la Communauté politique
européenne.
8. Au vu de ces considérations, l’Assemblée:
8.1. rappelle que les chefs d’État
et de gouvernement du Conseil de l’Europe se sont réunis à Reykjavík
les 16 et 17 mai 2023, à l’occasion de leur 4e Sommet,
pour faire front commun contre la guerre d’agression menée par la
Russie contre l’Ukraine, et pour définir de nouvelles priorités
et donner une nouvelle orientation aux travaux du Conseil de l’Europe.
Ils ont réaffirmé le rôle paneuropéen du Conseil de l’Europe et
confirmé qu’il est particulièrement bien placé pour réunir sur un
pied d’égalité tous les pays d’Europe afin de protéger la sécurité
démocratique en Europe et de lutter contre les atteintes aux droits
humains, à la démocratie et à l’État de droit;
8.2. souligne que le Conseil de l’Europe est une communauté
politique paneuropéenne de 46 États membres;
8.3. estime qu’en cette période charnière pour l’Europe, le
Conseil de l’Europe doit être un pilier du multilatéralisme toujours
plus solide et plus résilient. Le Conseil de l’Europe devrait jouer
un rôle proactif dans les discussions relatives à l’architecture
politique européenne. Il devrait également conserver son rôle intergouvernemental
de premier plan dans toutes les questions relatives aux droits humains,
à la démocratie et à l’état de droit en Europe, ainsi que sa responsabilité
de premier plan quant au fonctionnement de son système conventionnel.
9. En outre, dans ce paysage géopolitique en mutation rapide,
où l’ordre international fondé sur des règles est confronté à de
graves défis, l’Assemblée estime que les dirigeants européens devraient
rapprocher la Communauté politique européenne et le Conseil de l’Europe
et, conformément à la Déclaration de Reykjavík, donner l’exemple
d’un multilatéralisme efficace et dynamique qui promeut des valeurs
partagées et soutient la sécurité et la stabilité en Europe.
10. De même, l’Assemblée considère que les défis sans précédent
auxquels l’Europe est actuellement confrontée rendent nécessaire
une coopération toujours plus étroite entre le Conseil de l’Europe
et l’Union européenne. Ainsi que cela est réaffirmé dans la Déclaration
de Reykjavík, «l’Union européenne est le principal partenaire institutionnel
du Conseil de l’Europe sur les plans politique, juridique et financier».
Le Conseil de l’Europe devrait continuer à renforcer son partenariat
stratégique avec l’Union européenne.
11. L’Assemblée rappelle aussi le rôle inestimable du Conseil
de l’Europe dans le processus d’élargissement de l’Union européenne.
Dans ce contexte, le Conseil de l’Europe, en tant que référence
en matière de droits de l’homme, État de droit et de démocratie
en Europe, devrait accroître son soutien pour améliorer le niveau
de préparation des pays candidats et des candidats potentiels à
l’adhésion à l’Union européenne.
12. Par conséquent, en ce qui concerne les relations entre le
Conseil de l’Europe et la Communauté politique européenne, l’Assemblée
appelle les États membres du Conseil de l’Europe, en particulier
les pays hôtes de la Communauté politique européenne et, le cas
échéant, les dirigeants de l’Union européenne:
12.1. à assurer synergies et coordination
entre la Communauté politique européenne et le Conseil de l’Europe,
notamment en garantissant la participation systématique du Conseil
de l’Europe aux sommets de la Communauté politique européenne;
12.2. à développer, lors des sommets de la Communauté politique
européenne, un format de dialogue sur les questions stratégiques,
avec le Conseil de l’Europe, sur les sujets relevant de son mandat;
12.3. à tirer pleinement parti de la participation du Conseil
de l’Europe aux sommets de la Communauté politique européenne pour
renforcer le dialogue à haut niveau;
12.4. à développer des points de contact par l’intermédiaire
de hauts fonctionnaires du Secrétariat du Conseil de l’Europe à
Strasbourg, en étroite coopération avec le Bureau de liaison du
Conseil de l’Europe à Bruxelles, et du Secrétariat général du Conseil
de l’Union européenne;
12.5. à utiliser pleinement les instruments et les travaux du
Conseil de l’Europe, notamment en matière de démocratie par le biais
du nouveau Pacte démocratique en cours d’élaboration;
12.6. à envisager l’élaboration d’une déclaration commune afin
de garantir la complémentarité des activités respectives et de développer
de nouvelles synergies.
13. Concernant le rôle du Conseil de l’Europe, l’Assemblée appelle
les États membres du Conseil de l’Europe:
13.1. à renforcer la position du Conseil de l’Europe en tant
que principale organisation intergouvernementale en Europe chargée
de promouvoir et de sauvegarder les droits humains, la démocratie
et l’État de droit, dans l’architecture multilatérale européenne
et mondiale en évolution, comme ils s’y sont engagés à Reykjavík;
13.2. à développer davantage le rôle du Conseil de l’Europe
en tant que communauté politique solide et résiliente et en tant
que plateforme de dialogue stratégique et politique, de diplomatie
et de multilatéralisme, où les États membres peuvent se réunir pour
relever des défis partagés et poursuivre des objectifs communs:
13.2.1. en accentuant la dimension politique
de ses travaux et de ses organes;
13.2.2. en assurant une articulation efficace des fonctions et
responsabilités avec d’autres institutions et instances de l’architecture
multilatérale;
13.2.3. en convoquant plus régulièrement des sommets des chefs
d’État et de gouvernement;
13.3. à soutenir le développement ultérieur des travaux du Conseil
de l’Europe dans le domaine de la sécurité démocratique et de la
résilience de la démocratie.
14. Enfin, l’Assemblée décide de continuer à agir en tant que
plateforme dynamique pour le dialogue politique paneuropéen et la
diplomatie parlementaire.
B. Exposé des motifs par M. Zsolt Németh, rapporteur
(open)1. Introduction
1. Dans son discours devant le
Parlement européen à Strasbourg le 9 mai 2022, le Président de la République
française, Emmanuel Macron, a lancé l’idée de créer une «Communauté
politique européenne»
. Il a situé
sa proposition dans le nouveau contexte géopolitique créé par la
guerre d’agression à grande échelle lancée par la Fédération de
Russie contre l’Ukraine le 24 février 2022, l’élargissement inachevé
de l’Union européenne (UE) dans les Balkans occidentaux et l’émergence
de nouveaux pays candidats en 2022, à savoir l’Ukraine, la Géorgie
et la République de Moldova:

«Comment organiser l’Europe d’un point de vue politique et plus large que l’Union européenne? C’est notre obligation historique que d’y répondre aujourd’hui et de créer ce que je qualifierai aujourd’hui devant vous “une communauté politique européenne”. Cette organisation européenne nouvelle permettrait aux nations européennes démocratiques adhérant à notre socle de valeurs de trouver un nouvel espace de coopération politique, de sécurité, de coopération en matière énergétique, de transport, d’investissements, d’infrastructures, de circulation des personnes et en particulier de nos jeunesses. La rejoindre ne préjugerait pas d’adhésions futures à l’Union européenne, forcément, comme elle ne serait pas non plus fermée à ceux qui ont quitté cette dernière. Rassembler notre Europe dans la vérité de sa géographie, sur l’assise de ses valeurs démocratiques, avec la volonté de préserver l’unité de notre continent et en conservant la force et l’ambition de notre intégration».
2. En quelques mois, cette vision d’une Communauté politique
européenne (CPE) est devenue réalité. La première réunion (sommet)
de la CPE a eu lieu à Prague le 6 octobre 2022.
3. Depuis lors, la mission de ce nouveau forum politique et sa
place dans l’architecture institutionnelle européenne actuelle ont
été discutées et parfois remises en question, en particulier sa
valeur ajoutée par rapport au Conseil de l’Europe paneuropéen, composé
de 46 États membres, dont le mandat est de «réaliser une union plus
étroite entre ses membres». La portée géographique très similaire
de la CPE et du Conseil de l’Europe et le large éventail de questions
abordées par la CPE ont mis en évidence la nécessité d’examiner leurs
interconnexions.
2. Les objectifs, la nature et le fonctionnement de la Communauté politique européenne
4. La guerre d’agression à grande
échelle lancée par la Fédération de Russie contre l’Ukraine le 24
février 2022 a changé le visage de l’Europe. En outre, l’année 2022
a été marquée par de nouvelles demandes d’adhésion à l’UE: L’Ukraine
a déposé une demande d’adhésion à l’UE le 28 février 2022 et a obtenu
le statut de candidat à l’UE le 23 juin 2022. La Géorgie et la République
de Moldova ont également déposé une demande d’adhésion à l’UE le
3 mars 2022.
5. C’est dans ce contexte difficile que le Président Macron a
proposé la création de la CPE le 9 mai 2022, lors de la cérémonie
de clôture de la Conférence sur l’avenir de l’Europe. Le projet
a été officiellement examiné lors des réunions du Conseil européen
des 23 et 24 juin 2022. Les dirigeants de l’UE ont tenu un débat stratégique
sur les relations de l’UE avec ses partenaires dans l’ensemble de
l’Europe et sont finalement convenus d’établir la CPE
.

6. L’objectif était d’établir une plateforme flexible de coordination
politique des pays européens sur l’ensemble du continent. Elle impliquerait
tous les pays européens réunis autour de valeurs fondamentales partagées.
Le but était de favoriser le dialogue politique et la coopération
afin de traiter les questions d’intérêt commun et de renforcer la
sécurité, la stabilité et la prospérité du continent européen.
7. Il a été souligné qu’un tel cadre ne remplacerait pas les
politiques et instruments existants de l’UE, en particulier l’élargissement,
et qu’il respecterait pleinement l’autonomie décisionnelle de l’UE.
8. La CPE s’est concrétisée en plateforme informelle de coopération
intergouvernementale et de dialogue entre les dirigeants européens
des États membres de l’UE et des pays non membres de l’UE, réunis régulièrement
(sommets) en présence des institutions de l’UE. Le travail opérationnel
est effectué par le pays hôte et le secrétariat du Conseil de l’UE,
tandis que la continuité entre les réunions des dirigeants européens de
la CPE est assurée par le président du Conseil européen. La CPE
n’étant pas fondée sur un traité, il n’y a pas d’adhésion formelle.
Les participants sont invités à assister aux réunions de la CPE
par les pays hôtes.
9. Il a été convenu que les sommets de la CPE se tiendront deux
fois par an afin de garantir des discussions régulières à haut niveau
et un suivi efficace des initiatives de la CPE. Le sommet de printemps sera
accueilli par un État non membre de l’UE. Le sommet d’automne sera
quant à lui accueilli par l’État membre de l’UE qui assure la présidence
du Conseil de l’UE à ce moment-là.
10. La CPE vise à promouvoir les synergies et à développer des
projets de coopération concrets dans un certain nombre de domaines
d’intérêt mutuel: la protection des infrastructures critiques (santé,
alimentation, transports, énergie et services financiers), la lutte
contre les cyberattaques et la désinformation, la résilience énergétique,
la coopération sur les questions migratoires, la coordination des
travaux sur les grandes questions régionales et le soutien à la
reconstruction de l’Ukraine.
11. D’aucuns ont fait valoir que la CPE vise également à renforcer
les relations avec des pays tels que le Royaume-Uni et certains
États du Caucase.
3. La Communauté politique européenne et l’élargissement de l’Union européenne
12. La CPE n’est pas une alternative
à l’adhésion à l’UE et ne peut remplacer les politiques et instruments existants
de l’UE. Toutefois, elle a également été conçue pour aider les candidats
et candidats potentiels (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Géorgie, République
de Moldova, Monténégro, Macédoine du Nord, Serbie, Türkiye, Ukraine
et Kosovo*
) dans un certain
nombre de domaines sur le chemin, inévitablement long, de l’adhésion
à l’UE. Elle doit fournir une plateforme flexible de coordination
des politiques pour les pays européens et encourager le dialogue
politique et la coopération afin de trouver des solutions à des
problèmes communs. La participation à la CPE devrait également aider
les pays participants à mieux se connaître et à se rapprocher progressivement
les uns des autres.

13. Il a parfois été avancé que la situation exceptionnelle et
historique du continent européen pourrait nécessiter la définition
d’un nouveau modèle, qui viendrait bouleverser ou compléter l’approche
adoptée jusqu’à présent, qui a déjà été partiellement révisée récemment
.

14. Dans sa forme originale, le processus d’adhésion, qui est
avant tout juridique et économique, exige du pays candidat qu’il
intègre l’acquis communautaire dans sa législation nationale et
qu’il mette son économie à niveau en vue de la rendre viable et
compétitive sur le marché intérieur. Au cours des négociations d’adhésion, l’accomplissement
de ces étapes conduit à l’ouverture et à la clôture de chapitres
thématiques, qui constituent le futur traité d’adhésion à ratifier.
15. Afin de renforcer la crédibilité du processus, une méthodologie
d’élargissement révisée a été introduite en 2019, mettant davantage
l’accent sur les réformes dans des domaines clés, tels que l’État
de droit, les libertés fondamentales, l’économie et le fonctionnement
des institutions démocratiques. La méthodologie d’adhésion renforce
la gouvernance politique, prévoit la possibilité d’interrompre,
voire d’inverser les négociations, et encourage les États membres
de l’UE à s’engager davantage. Les pays concernés doivent répondre
aux exigences afin de progresser sur la voie de l’intégration européenne.
D’autre part, l’UE doit tenir ses engagements.
16. L’UE dispose d’une offre structurée et crédible d’accords
avec les États qui souhaitent et peuvent participer à l’intégration
économique sans vouloir souscrire à la dimension politique du projet
européen. En revanche, elle ne dispose pas d’un instrument pour
satisfaire le besoin inverse: répondre aux États qui expriment le
souhait d’adhérer au projet politique, mais qui n’ont pas la capacité
de faire partie du marché unique à court et moyen terme, sans mettre
en péril leur propre économie et/ou déstabiliser le marché unique
.

17. Une discussion sur la réforme de la politique de l’élargissement
de l’UE, pour sortir de l’impasse des négociations d’adhésion dans
les Balkans occidentaux et pour traiter les nouvelles demandes d’adhésion,
a refait surface en 2022. Elle a appelé à repenser le processus
d’adhésion, suggérant de l’accélérer, et à une «intégration graduelle
et progressive» des pays aspirant à l’adhésion.
18. Comme la CPE n’est pas destinée à remplacer les politiques
de voisinage et d’élargissement de l’UE, elle ajoute un nouveau
cercle à la géométrie variable qui caractérise déjà l’intégration
européenne. Toutefois, la CPE doit encore prouver qu’elle peut contribuer
à un alignement plus poussé des pays non membres de l’UE. Le succès
dépendra en grande partie de la manière dont la CPE parviendra à
établir sa pertinence et à s’intégrer dans la politique d’élargissement
de l’UE. Cela dépendra aussi beaucoup de l’évolution de l’UE et des
progrès qu’elle réalisera dans son engagement avec les pays associés
et les pays candidats, ce qui pourrait impliquer de restructurer
et de réorganiser les processus d’adhésion, en utilisant la CPE
comme outil au sein de la «boîte à outils» européenne. La CPE doit
encore prouver également qu’elle peut tenir et réaliser la promesse
d’une Europe élargie qui n’exclut pas mais intègre.
4. La participation géographique
19. La CPE n’a pas de base juridique
pour une adhésion formelle. La première réunion de la CPE à Prague en
octobre 2022 a rassemblé les dirigeants des pays européens sur un
pied d’égalité et dans un esprit d’unité. Les 44 invités, outre
les 27 de l’UE, étaient:
- les Balkans occidentaux (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Monténégro, Macédoine du Nord, Serbie et Kosovo);
- pays du trio associé (Géorgie, République de Moldova, Ukraine);
- l’Arménie et l’Azerbaïdjan;
- les quatre pays de l’Association européenne de libre-échange (AELE) (Norvège, Suisse, Islande et Liechtenstein);
- le Royaume-Uni et la Türkiye.
20. Des réunions ultérieures ont ensuite eu lieu en République
de Moldova en juin 2023, en Espagne en octobre 2023, au Royaume-Uni
en juillet 2024 et en Hongrie en novembre 2024. Les prochaines réunions
de la CPE seraient prévues en Albanie au printemps 2025 puis au
Danemark.
21. 42 chefs d’État ou de gouvernement, dont ceux de 24 États
membres de l’UE, ont participé à la cinquième (et à ce jour la dernière)
réunion de la CPE qui s’est tenue à Budapest le 7 novembre 2024
.
La portée géographique de la participation à la réunion de la CPE
était à nouveau proche de celle des États membres du Conseil de
l’Europe.

22. Les réunions de la CPE se sont toutes tenues en présence d’institutions
de l’UE invitées. Le Conseil de l’Europe a été invité à participer
aux deux derniers sommets de la CPE à Londres et à Budapest et a
été représenté par respectivement sa Secrétaire Générale puis par
son Secrétaire Général.
5. Domaines thématiques couverts par les sommets de la Communauté politique européenne
23. Les cinq sommets qui se sont
tenues jusqu’à présent ont porté sur la paix, la prospérité, la
sécurité, la résilience énergétique, la connectivité et, plus récemment,
la démocratie et les migrations.
24. Le premier sommet de la CPE a eu lieu le 6 octobre 2022 à
Prague dans le cadre de la présidence tchèque du Conseil de l’UE
(juillet à décembre 2022). Les dirigeants ont principalement discuté
des questions de paix et de sécurité, en particulier de la guerre
d’agression à grande échelle de la Fédération de Russie contre l’Ukraine
et de la crise énergétique, dans le but d’envoyer un message clair
d’unité dans un contexte dominé par la guerre d’agression à grande
échelle. Les chefs d’État et de gouvernement ont réaffirmé leur soutien
indéfectible à l’Ukraine et ont discuté de la nécessité de construire
un nouvel espace de dialogue politique et de coopération en Europe.
25. Quatre tables rondes ont été organisées dans le cadre du sommet,
chacune se concentrant sur l’un des deux thèmes principaux: la paix
et la sécurité d’une part, et le climat, l’énergie et l’économie
d’autre part. Le sommet visait à améliorer la coordination de la
politique étrangère et de la sécurité en Europe, à développer des
partenariats plus solides dans les domaines de l’énergie, des transports,
du commerce, de la recherche et de l’éducation, et à rassembler
la société civile et les jeunes de presque tous les pays européens.
26. Lors de la réunion suivante à Chisinau, en juin 2023, les
dirigeants ont discuté des efforts conjoints pour la paix et la
sécurité, la résilience énergétique et la connectivité, ainsi que
la mobilité en Europe. À Grenade, en octobre 2023, ils ont abordé
la manière de rendre l’Europe plus résiliente, plus prospère et
plus géostratégique. À Londres, ils ont évoqué la défense et la
sécurisation de la démocratie, la migration, l’énergie et la connectivité.
À Budapest, les dirigeants européens ont abordé les principaux défis
sécuritaires auxquels l’Europe est confrontée en raison des conflits
en cours, notamment la guerre d’agression de la Fédération de Russie
contre l’Ukraine et l’escalade au Moyen-Orient. Des sessions en
petits groupes ont également été consacrées à la migration (y compris
la migration irrégulière et son instrumentalisation) et à la sécurité économique,
ainsi qu’aux questions liées à la connectivité, telles que l’énergie,
les transports, les technologies de l’information et le commerce
mondial. Le sommet de la CPE a consisté en une session plénière
d’ouverture, quatre sessions thématiques en petits groupes, une
session plénière de clôture et des réunions bilatérales.
27. Les sommets de la CPE ont l’avantage d’offrir, en marge, l’opportunité
de tenir des réunions bilatérales de haut niveau et des entretiens
«mini-latéraux», qui s’avèrent être une valeur ajoutée de ces sommets.
6. La Communauté politique européenne et le Conseil de l’Europe: différents et complémentaires
28. Actuellement, la CPE n’est
pas une organisation internationale et ne dispose pas d’un secrétariat permanent.
Il semblerait que les États membres de l’UE préféreraient de manière
générale éviter l’institutionnalisation de la CPE, qui devrait rester
une plateforme flexible de coordination politique. Cependant, certains
pourraient trouver un avantage à une institutionalisation par un
secrétariat dédié, et il semblerait que la question ne soit pas
encore totalement tranchée. En outre, il y a des points de vue divergents
sur l’utilisation et l’objectif de la CPE. Au-delà des questions
abordées, les sommets de la CPE ont donné des occasions utiles de
tenir des réunions de haut niveau. La nature non institutionnalisée
et flexible de la CPE a fourni des opportunités uniques de dialogue
qui n’auraient pas été possibles dans d’autres cadres.
29. Bien que le Conseil de l’Europe et la CPE ne soient pas de
même nature et ne partagent pas les mêmes objectifs, la question
des liens entre la nouvelle CPE et l’activité politique de longue
date du Conseil de l’Europe, déployée à l’échelle européenne, a
été soulevée dès le départ. La portée géographique de la participation
à la CPE est proche de celle des États membres du Conseil de l’Europe,
et le large éventail de questions abordées par la CPE a mis en évidence
la nécessité de rechercher la complémentarité.
30. Depuis sa fondation, le Conseil de l’Europe est la principale
organisation intergouvernementale en Europe pour la promotion et
la sauvegarde de la démocratie, des droits humains et de l’État
de droit. Ses États membres se sont engagés à réaliser une union
plus étroite afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et
les principes qui sont leur patrimoine commun. Tout en étant le
gardien des droits humains, de la démocratie et de l’État de droit,
le Conseil de l’Europe est également une communauté politique, comme
l’ont rappelé la déclaration de Reykjavík et l’Assemblée parlementaire
.

31. Par conséquent, l’invitation à un sommet de la CPE a immédiatement
soulevé la question des interconnexions de la CPE avec l’activité
politique de longue date du Conseil de l’Europe à l’échelle européenne.
Les discussions sur d’éventuelles interférences ou duplications
se sont multipliées lorsqu’il est apparu que ni le Conseil de l’Europe,
ni l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) n’avaient
été invités aux premières réunions de la CPE organisées à Prague
en 2022 et à Chisinau en 2023, alors que les présidents du Parlement
européen, de la Commission européenne et du Conseil européen étaient
présents.
32. Lors du Sommet du Conseil de l’Europe de Reykjavík qui s’est
tenu en mai 2023, le Président Macron a décrit la pertinence de
la CPE en tant que forum européen pour discuter des questions de
sécurité et des conflits armés qui y sont liés, soulignant la différence
avec le Conseil de l’Europe, la plus grande organisation européenne
dédiée au renforcement de la sécurité démocratique
.

33. Lorsque l’on examine les interconnexions, il convient de commencer
par les raisons de la création de la CPE, qui sont manifestement
à plusieurs niveaux:
- montrer et développer l’unité et la coopération européennes dans le contexte de l’agression russe contre l’Ukraine;
- faire face aux nouvelles demandes d’adhésion à l’UE mais également à la «lassitude de l’élargissement»;
- fournir un forum flexible pour des discussions informelles entre dirigeants européens sur la sécurité européenne et la politique énergétique pour tous les pays européens.
34. Aucune de ces raisons d’être ne pourrait mettre en péril le
champ d’action du Conseil de l’Europe.
35. La CPE vise à renforcer l’intégration entre les États membres
de l’UE et les pays candidats. Cette communauté trouve son origine
dans l’idée d’une «Europe à deux vitesses». Elle est également connue
sous le nom de «noyau dur de l’Europe». Cela signifie qu’il existe
différents niveaux et rythmes d’intégration dans les différentes
parties de l’Europe, en fonction de la situation politique de chaque
pays.
36. Il convient de souligner à nouveau que le Conseil de l’Europe
et la CPE n’ont pas les mêmes objectifs. L’objectif principal du
Conseil de l’Europe est de promouvoir la démocratie et de protéger
les droits humains et l’État de droit en Europe, tandis que la CPE
a un éventail plus large d’objectifs, comme mentionné ci-dessus (politique
de sécurité, résilience énergétique, développement des infrastructures
énergétiques, etc.)
37. La CPE a, en particulier, le potentiel de contribuer à des
propositions politiques concrètes dans trois domaines: l’énergie,
la connectivité et la sécurité
. Les sommets de la CPE offrent une
réelle opportunité de commencer à approfondir et à élargir la question
de la sécurité énergétique à travers le continent. Les pays de la
CPE pourraient également travailler ensemble pour sécuriser les
chaînes d’approvisionnement en matières premières essentielles.
En outre, la CPE pourrait s’efforcer de susciter l’intérêt de l’industrie
européenne, en particulier dans la chaîne de valeur des batteries,
afin de mieux cerner les possibilités qui s’offrent à elle.

38. Concernant le mandat du Conseil de l’Europe, alors que la
défense nationale est explicitement exclue de son champ de responsabilité,
l’Organisation s’est concentrée sur la protection de la sécurité
démocratique. La sécurité est un concept plus large que la défense
nationale, et repose largement sur le respect des processus démocratiques,
des droits humains et de l’État de droit. Le concept de sécurité
démocratique, approuvé pour la première fois par les chefs d’État
et de gouvernement du Conseil de l’Europe lors du sommet de Vienne
en 1993, est plus que jamais d’actualité.
39. En outre, les chefs d’État et de gouvernement des 46 États
membres du Conseil de l’Europe se sont réunis lors de leur quatrième
sommet les 16 et 17 mai 2023 pour faire front commun contre la guerre d’agression
menée par la Russie contre l’Ukraine et pour définir de nouvelles
priorités et donner une nouvelle orientation aux travaux du Conseil
de l’Europe. Ils ont réaffirmé le rôle paneuropéen du Conseil de
l’Europe et confirmé qu’il est particulièrement bien placé pour
réunir sur un pied d’égalité tous les pays d’Europe afin de protéger
la sécurité démocratique en Europe et de lutter contre les atteintes
aux droits humains, à la démocratie et à l’État de droit. Ils ont
également souligné que le Conseil de l’Europe est une communauté politique
paneuropéenne et se sont engagés à renforcer le rôle du Conseil
de l’Europe dans l’architecture multilatérale européenne en évolution
et dans la gouvernance mondiale en améliorant sa dimension extérieure.
40. Le Sommet de Reykjavík a également confirmé le partenariat
stratégique entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne et
réaffirmé que «l’Union européenne est le principal partenaire institutionnel
du Conseil de l’Europe sur les plans politique, juridique et financier».
À cet égard, la résolution du Parlement européen sur les relations
institutionnelles entre l’UE et le Conseil de l’Europe
, adoptée le 18 avril 2023, avait
déjà souligné le rôle inestimable du Conseil de l’Europe dans le
processus d’élargissement de l’UE «étant donné qu’il coopère avec
l’Union pour aider les pays candidats et candidats potentiels à
mener des réformes et à remplir les critères d’adhésion de l’Union
sur la stabilité des institutions garantissant la démocratie, l’état
de droit, les droits de l’homme et le respect ainsi que la protection
des minorités, ainsi que le suivi des progrès dans ces domaines».
Elle avait également souligné «que la coopération entre l’Union
et le Conseil de l’Europe dans le domaine de l’élargissement devrait
être encore renforcée afin de devenir plus formelle, structurée
et systématique».

41. En outre, le 17 mai 2024, le Comité des Ministres du Conseil
de l’Europe
, dans le contexte
de l’élargissement de l’UE, a rappelé «l’ensemble unique d’instruments
du Conseil de l’Europe visant à soutenir pleinement les pays candidats
et candidats potentiels à l’adhésion à l’Union européenne et à accroître
leur niveau de préparation». Il a également rappelé «le rôle de
référence capital du Conseil de l’Europe dans les domaines des droits
humains, de l’État de droit et de la démocratie en Europe, sur la
base du Mémorandum d’accord de 2007», «gardant présents à l’esprit
les progrès en cours dans les Balkans occidentaux, ainsi que les
développements intervenus en décembre 2023, en particulier l’ouverture
des négociations d’adhésion avec l’Ukraine et la République de Moldova,
et l’octroi du statut de candidat à la Géorgie, ainsi que l’ouverture
de négociations d’adhésion avec la Bosnie-Herzégovine en mars 2024».
![(13)
<a href='https://search.coe.int/cm#{%22CoEIdentifier%22:[%220900001680afa996%22],%22sort%22:[%22CoEValidationDate%20Descending%22]}'>CM/Del/Dec(2024)133/3</a>, 133e Session du Comité des
Ministres (Strasbourg, 17 mai 2024) – 3. Coopération entre le Conseil
de l’Europe et l’Union européenne.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
7. Renforcer les synergies et les interconnexions
42. Dans la lignée du sommet de
Reykjavík, le Conseil de l’Europe a été invité à participer aux
sommets de la CPE à Londres et à Budapest et a été représenté par
respectivement sa Secrétaire générale puis par son Secrétaire général.
43. Dans ce contexte, il convient également de souligner que le
soutien du Conseil de l’Europe à l’Ukraine et ses efforts visant
à ce que la Fédération de Russie soit tenue responsable de sa guerre
d’agression contre l’Ukraine font de l’Organisation un partenaire
clé de la CPE.
44. En ce qui concerne les relations entre le Conseil de l’Europe
et la CPE, il est donc nécessaire de développer des synergies et
une coordination, notamment en garantissant la participation systématique
du Conseil de l’Europe aux sommets de la CPE.
45. Il conviendrait également de mettre en place un format de
dialogue sur les questions stratégiques, avec le Conseil de l’Europe,
sur les questions relevant de son mandat. Des réunions avec des
représentants du Conseil de l’Europe devraient également être organisées.
46. Des points de contact pourraient également être établis par
l’intermédiaire de hauts fonctionnaires du Secrétariat du Conseil
de l’Europe à Strasbourg, en étroite collaboration avec le Bureau
de Liaison du Conseil de l’Europe à Bruxelles, et du Secrétariat
Général du Conseil de l’UE.
47. En outre, la CPE devrait utiliser pleinement les instruments
et les travaux du Conseil de l’Europe, notamment dans le domaine
de la démocratie par le biais du nouveau Pacte démocratique en cours d’élaboration.
48. D’autre part, le Conseil de l’Europe devrait jouer un rôle
proactif dans les discussions relatives à l’architecture politique
européenne. Il devrait également conserver son rôle intergouvernemental
de premier plan dans toutes les questions relatives aux droits humains,
à la démocratie et à l’État du droit, ainsi que sa responsabilité
de premier plan quant au bon fonctionnement de son système conventionnel
unique.
49. Enfin, rappelons les mots de Nataša Pirc Musar, Présidente
de la Slovénie, lors de son discours à la troisième partie de session
de l’Assemblée en 2023: «Je ne peux peut-être dire qu’une chose:
le Conseil de l’Europe a soixante-quinze ans. Il y a donc beaucoup
de connaissances, beaucoup d’histoire ici. Chaque nouvelle communauté,
chaque nouvelle plateforme est la bienvenue si elle aborde des sujets
qui sont dans l’intérêt commun des États qui se rassemblent autour
de la plateforme. Plus il y en a, mieux c’est, mais n’oublions pas
que le Conseil de l’Europe est le cœur et l’âme de l’Europe. Personne
ne peut remplacer le Conseil de l’Europe»
.
