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A. Projet d’avis
(open)
Rapport | Doc. 16150 | 08 avril 2025
Projet de convention du Conseil de l'Europe sur la protection de l’environnement par le droit pénal
Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable
A. Projet d’avis 
(open)1. La protection de l’environnement
contre les préjudices causés par l’activité humaine est devenue
l’une des principales préoccupations de la communauté internationale
depuis que celle-ci a pris conscience que la santé de la planète
et le bien-être de l’humanité sont étroitement liés. Les nations
européennes se sont associées à l’action mondiale qui a été engagée,
en soutenant le Programme de développement durable des Nations Unies,
l’Accord de Paris sur le changement climatique et le Pacte vert
pour l’Europe. Dans la Déclaration de Reykjavík adoptée en 2023,
les États membres du Conseil de l’Europe reconnaissaient qu’il était
urgent d’agir face à la triple crise planétaire en s’engageant à
travailler «sur les aspects de l’environnement liés aux droits de
l’homme […], en ligne avec la Résolution 76/300 de l’Assemblée générale des
Nations Unies sur le droit à un environnement propre, sain et durable».
2. Avec le projet de stratégie du Conseil de l’Europe sur l’environnement
et le projet de plan d’action y afférent, le nouveau projet de Convention
du Conseil de l’Europe sur la protection de l’environnement par
le droit pénal («le projet de convention») fera partie de l’ensemble
de mesures en faveur de l’environnement qui seront soumises au Comité
des Ministres pour adoption le 14 mai 2025.
3. L’Assemblée parlementaire se félicite que le Comité européen
pour les problèmes criminels ait terminé ses travaux sur ce nouveau
projet de convention, qui est destiné à remplacer la convention
de 1998 sur le même sujet (STE no 172).
Une fois adoptée et mise en œuvre, cette nouvelle convention sera
le premier instrument international juridiquement contraignant qui
traite de la criminalité environnementale, visant un large éventail
d’infractions, dont une infraction particulièrement grave qui recouvre
des comportements souvent qualifiés d’écocide. Le projet de convention
s’appuie sur des traités internationaux et sur des normes juridiques
relatives à la protection de l’environnement, aux droits humains
et à la criminalité transnationale, y compris une série d’instruments
juridiques du Conseil de l’Europe.
4. L’Assemblée rappelle que, dans sa Recommandation 2213 (2021)
«Examen des questions de responsabilité civile et pénale dans le
contexte du changement climatique», elle avait demandé au Comité
des Ministres «de mener une étude sur la notion d’“écocide”, son
incorporation dans le droit national et son éventuelle reconnaissance
universelle» et d’élaborer un nouvel instrument juridique pour remplacer
la Convention no 172, qui n’est toujours
pas mise en œuvre. L’Assemblée a renouvelé cet appel dans sa Recommandation 2246 (2023)
«Impact environnemental des conflits armés», en demandant que la
nouvelle convention s’applique aussi dans le contexte des conflits
armés, en temps de guerre ou en cas d’occupation, et qu’elle couvre
l’écocide. En outre, dans sa Recommandation 2272 (2024) «Réaliser
le droit humain à un environnement sûr, propre, sain et durable
grâce au processus de Reykjavík», elle a insisté sur la nécessité d’instaurer
un mécanisme de contrôle performant pour la nouvelle convention.
5. L’Assemblée note que le projet de convention vise à prévenir
et combattre efficacement la criminalité environnementale, à promouvoir
la coopération nationale et internationale et à établir des normes
juridiques minimales à l’intention des États en matière de criminalité
environnementale. Elle se félicite que le projet de convention mette
l’accent sur la prévention en définissant un large éventail d’infractions
passibles de sanctions et en prévoyant la mise en œuvre de mesures
de sensibilisation du grand public et d’une coopération avec la société
civile et les organisations non gouvernementales.
6. L’Assemblée se félicite que le projet de convention prévoie
des dispositions qui précisent que cet instrument «s’applique en
temps de paix et dans les situations de conflit armé, de guerre
ou d’occupation» et qui donnent des définitions des termes «illicite»,
«eaux», «écosystème» et «déchet», en tirant des enseignements de
l’expérience des États membres et des difficultés pratiques rencontrées
dans l’application du droit pénal en matière d’environnement. Une
définition de l’écocide, telle que celle qui a été proposée par le
groupe d’experts indépendants pour la définition juridique de l’écocide,
pourrait être ajoutée dans le rapport explicatif de la convention
afin d’amener les États membres à aligner leur compréhension de
ce concept juridique et d’en faciliter l’intégration dans le droit
interne. Dans la même optique, le rapport explicatif devrait esquisser
une définition des termes «irréversibles», «étendus», «substantiels»
et «de longue durée» employés à l’article 31 du projet de convention,
comme cela avait été proposé à l’origine au cours du processus de négociation.
L'Assemblée note que dans la version française de l'article 31 du
projet de Convention, l'équivalent français de la partie de la phrase
suivante: «or causes long-lasting, widespread
and substantial damage») est manquant et devrait être
ajouté.
7. Dans ce contexte, l’Assemblée rappelle que de nombreuses parties
prenantes dans le monde entier s’emploient à faire reconnaître l’écocide
ou des dommages étendus, durables et graves à l'environnement comme
un cinquième crime international, ce qui permettrait des poursuites
devant la Cour pénale internationale. La nouvelle directive 2024/1203
de l’Union européenne du 11 avril 2024 relative à la protection de
l’environnement par le droit pénal énumère des infractions environnementales,
notamment celles qui peuvent constituer une «infraction qualifiée»
lorsqu’elles sont commises intentionnellement et causent une destruction
ou des dommages étendus, substantiels et de longue durée à l’environnement,
ce qui est similaire à une «infraction particulièrement grave» telle
que définie dans le projet de convention.
8. L’Assemblée considère qu’il existe de bonnes raisons de relever
encore le niveau d’ambition de cet instrument juridique du Conseil
de l’Europe. Le projet de convention tel qu’il est actuellement
libellé omet de mentionner l’exploitation illégale des forêts et
la pêche illicite parmi les infractions visées. Ayant à l’esprit
le Plan d’action international visant à prévenir, à contrecarrer
et à éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée,
adopté en 2001 par la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation
et l’agriculture) et en tenant dûment compte du règlement no 1005/2008
de l’Union européenne établissant un système communautaire destiné
à prévenir, à décourager et à éradiquer la pêche illicite, non déclarée
et non réglementée, il conviendrait donc de rétablir, dans le projet
de convention, un article concernant la pêche illicite dans la section 5
relative aux ressources naturelles.
9. L’Assemblée note que le chapitre VIII du projet de convention
établit un mécanisme de suivi dont la portée a été revue à la baisse
au cours des négociations, bien que les représentant·es de l’Assemblée
se soient exprimés en faveur d’un mécanisme plus fort. Après l’examen
de deux options inspirées de la Convention du Conseil de l’Europe
sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes
et la violence domestique (STCE n° 210, «Convention d’Istanbul»)
(option plus forte) et de la Convention du Conseil de l'Europe sur
la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels
(STCE n° 201, «Convention de Lanzarote») (option plus faible), c’est
l’option plus faible qui a été retenue. Le mécanisme de suivi proposé actuellement
prévoit la création d’un Comité des Parties dont les modalités de
fonctionnement seront déterminées par son règlement intérieur.
10. L’Assemblée note avec préoccupation que, pour ce qui est de
l’application de la convention, les rédacteurs et rédactrices ont
accepté une disposition à l’article 51.2. (sur les «Effets de la
présente Convention») qui permet aux États membres de l’Union européenne
d’appliquer entre eux les dispositions de l’Union européenne qui
relèvent du champ d’application de la convention «sans préjudice
de l’application pleine et entière de la présente Convention dans
leurs relations avec les autres Parties». Si cette disposition pourrait
faciliter la ratification de la convention par les pays de l’Union
européenne et par l’Union européenne elle-même, sa formulation laisse
entendre aux autres Parties que le groupe des pays de l’Union européenne a
un statut d’exception. En outre, l’article 56, relatif aux réserves,
comporte des dispositions permettant à l’Union européenne et à ses
États membres de restreindre le champ d’application du terme «illicite»
à l’article 3.a. de la convention, ainsi que la portée des termes
«droits internes» (qui devrait être mis ici au singulier comme dans
le reste de la convention), «dispositions de droit interne», «protégé»
et «exigence», utilisés pour définir les infractions visées aux
articles 13, 14, 19 à 22 et 26 à 30 de la convention.
11. Afin d’équilibrer davantage les dispositions, de rendre le
projet de convention plus complet et d’améliorer l’efficacité des
poursuites relatives aux infractions environnementales, l’Assemblée
propose d’apporter les amendements suivants au projet de convention:
11.1. dans la phrase du préambule
qui fait référence aux résolutions et recommandations de l’Assemblée,
après les mots «qui appellent à la reconnaissance», ajouter les
mots «et à la codification juridique»;
11.2. dans la version anglaise du projet de la convention, dans
la phrase du préambule qui fait référence aux résolutions de l’Assemblée
générale des Nations Unies, après les mots «A/RES/76/185 of» remplacer
les mots «11 January 2022»
par les mots «16 December 2021»;
11.3. à l’article 12, après les mots «commis de façon illicite
et intentionnelle», et aux articles 16, 17, 18, 20, 21 et 23, après
les mots «commis de manière illicite et intentionnelle», ajouter
les mots «ou par négligence»;
11.4. à l’article 16, remplacer le mot «ou» qui se trouve avant
le mot «l’exportation» par une virgule et, après le mot «l’exportation»,
ajouter les mots «ou le rejet», étant donné le caractère particulièrement toxique
et les effets cumulatifs du mercure ou des produits contenant du
mercure, même en faible quantité;
11.5. à l’article 25, avant les mots «la mise sur le marché
de bois issu de coupes illicites», ajouter les mots «les coupes
de bois illicites et» et reformuler l’intitulé de cet article comme
suit: «Infractions liées aux coupes de bois illicites et au commerce
qui y est associé»;
11.6. après l’article 24, ajouter un nouvel article libellé
comme suit:
«Pêche illicite, non déclarée et non réglementée
1. Les Parties prennent les mesures législatives nécessaires pour ériger en infraction pénale, conformément à leur droit interne, lorsque l’acte a été commis de manière illicite et intentionnelle, les activités de pêche menées par des navires de pêche nationaux ou étrangers dans les eaux maritimes relevant de la juridiction d’un État, sans l’autorisation de cet État ou enfreignant une loi, une réglementation administrative ou une décision d’une autorité compétente de cet État, y compris la capture, la mise sur le marché, la transformation, l’importation ou l’exportation de produits de ces activités, à l’exception des cas où le comportement concerne une quantité négligeable.
2. Les Parties prennent les mesures législatives nécessaires pour ériger en infraction pénale, conformément à leur droit interne, lorsque l’acte a été commis de manière illicite et intentionnelle, les activités de pêche menées par des navires de pêche nationaux ou étrangers dans les eaux maritimes relevant de la juridiction d’un État, dès lors qu’elles n’ont pas été déclarées à cet État ou qu’elles ont été déclarées erronément à l’autorité nationale compétente de cet État, enfreignant une loi, une réglementation administrative ou une décision des autorités compétentes de cet État, à l’exception des cas où le comportement concerne une quantité négligeable.
3. Les Parties prennent les mesures législatives nécessaires pour ériger en infraction pénale, conformément à leur droit interne, lorsque l’acte a été commis de manière illicite et intentionnelle, la pêche au moyen de techniques de pêche ou d’autres instruments qui sont destructeurs ou non sélectifs à l’égard de la faune et de la flore sauvages, ou qui causent ou sont susceptibles de causer la destruction massive de plantes et d’animaux marins et de leur environnement.»
11.7. aux articles 27 et 28, remplacer les mots «faune ou flore
sauvages protégées» par les mots «faune, flore ou champignons sauvages
protégés», y compris dans le titre de ces articles, étant donné que
les champignons ne sont ni des plantes ni des animaux, mais une
catégorie à part;
11.8. dans la version française de l'article 31, après les mots
«des dommages irréversibles, étendus et substantiels,» ajouter la
traduction des mots «or causes long-lasting,
widespread and substantial damage» qui manquent en français
comme suit: «ou cause des dommages de
longue durée,étendus et substantiels,»;
11.9. à l’article 39 relatif au droit d’être partie à la procédure,
après les mots «conformément à la présente Convention», ajouter
les mots «ainsi que de demander qu’il soit procédé à un contrôle juridictionnel
de toute décision de ne pas engager de poursuites»;
11.10. supprimer l’article 56.3.b., réduisant ainsi la portée
des réserves;
11.11. si la proposition ci-dessus n'est pas retenue, à l'article
56.3.b. de la version française, remplacer les mots «droits internes»
par les mots «droit interne» comme dans le reste du projet de la
convention.
12. Enfin, l'Assemblée demande au Comité des Ministres d'allouer
des ressources appropriées pour promouvoir la signature et la ratification
de cette convention dès son lancement, en vue d'assurer son entrée en
vigueur dans les meilleurs délais.
B. Exposé des motifs par Mme Yuliia Ovchynnykova, rapporteure
(open)1. Introduction et contexte
1. Au cours de la dernière décennie,
nous avons assisté à une prise de conscience croissante de la communauté
internationale quant à la nécessité d’une action renforcée pour
protéger l’environnement. Ainsi, le Programme de développement durable
des Nations Unies et l’Accord de Paris sur le changement climatique ont
été adoptés en 2015, le Pacte vert pour l’Europe a été lancé en
2019 et les États membres du Conseil de l’Europe ont reconnu l’urgence
d’agir face à la triple crise planétaire en s’engageant, par la
Déclaration de Reykjavík de 2023, à travailler «sur les aspects
de l’environnement liés aux droits de l’homme sur la base de la
reconnaissance politique du droit à un environnement propre, sain
et durable en tant que droit de l’homme, en ligne avec la Résolution
76/300 de l’Assemblée générale des Nations Unies sur le droit à
un environnement propre, sain et durable, et en poursuivant la mise
en œuvre de la Recommandation CM/Rec(2022)20 du Comité des Ministres
sur les droits de l’homme et la protection de l’environnement».
2. L’Assemblée parlementaire a suivi ces processus internationaux
et européens en plaidant en faveur d’instruments juridiques plus
solides qui engageraient les nations européennes dans des actions
concrètes pour mieux protéger le vivant. Je souhaiterais mettre
en exergue la Recommandation 2213 (2021) de l’Assemblée «Examen
des questions de responsabilité civile et pénale dans le contexte
du changement climatique» qui demandait au Comité des Ministres
de «mener une étude sur la notion d’“écocide”, son incorporation
dans le droit national et son éventuelle reconnaissance universelle»
et d’«élaborer sans attendre un nouvel instrument juridique pour
remplacer la Convention sur la protection de l’environnement par
le droit pénal (STE n° 172), qui n’est toujours pas mise en œuvre
en raison du nombre insuffisant de ratifications».
3. L’Assemblée a réitéré cet appel dans sa Recommandation 2246
(2023) «Impact environnemental des conflits armés», en demandant
au Comité des Ministres de «veiller à ce que la version révisée
de la Convention sur la protection de l’environnement par le droit
pénal (STE n° 172), en cours de préparation au sein du Conseil de
l’Europe, s’applique aussi dans le contexte des conflits armés,
en temps de guerre ou en cas d’occupation, et couvre l’écocide».
En outre, la Recommandation 2272 (2004) «Réaliser le droit humain
à un environnement sûr, propre, sain et durable grâce au processus
de Reykjavík» souligne la nécessité de veiller à ce que le nouveau
projet de convention intègre la notion d’écocide au titre des infractions
pénales et à ce qu’il instaure un mécanisme de contrôle performant.
J’ai accueilli avec beaucoup de satisfaction la décision du Comité
des Ministres de mettre en place un groupe de rédaction (PC-ENV)
chargé de préparer la nouvelle convention sur la protection de l’environnement
par le droit pénal. Aux côtés de collègues de la Commission des
questions juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée, j’ai
représenté notre Assemblée au sein de ce groupe de rédaction.
4. Le PC-ENV a achevé ses travaux sur le nouveau projet de convention
et le projet de rapport explicatif correspondant en octobre 2024.
Après leur validation par le Comité Européen pour les Problèmes
Criminels (CDPC), le Comité des Ministres a décidé de transmettre
ces deux projets de textes le 26 février 2025 à l’Assemblée pour
avis statutaire. L’Assemblée a saisi la Commission des affaires
sociales, de la santé et du développement durable pour rapport sur
cette question et j’ai été désignée rapporteure.
5. Ce rapport présentera pour commencer un bref aperçu du processus
de négociation qui a conduit à la finalisation des projets de textes
tels qu’ils se présentent aujourd’hui (voir les annexes 1 et 2 du Doc. 16120). Je ferai ensuite part de mes observations et de mon
évaluation et proposerai quelques amendements pour examen et approbation
par l’Assemblée. Je tiens à remercier mes collègues Thórhildur Sunna
Ævarsdóttir (Islande, SOC) et Constantinos Efstathiou (Chypre, SOC),
membres de la Commission des questions juridiques et des droits
de l’homme de l’Assemblée, pour leur soutien et leur contribution
au processus d’élaboration du projet de convention, ainsi que le
secrétariat pour sa coopération fructueuse dans la préparation du
présent rapport.
2. Les négociations et les principales caractéristiques du projet de convention
6. Le PC-ENV a été chargé d’élaborer
une nouvelle Convention du Conseil de l’Europe sur la protection de
l’environnement par le droit pénal, annulant et remplaçant la Convention
de 1998 sur la protection de l’environnement par le droit pénal
(STE n° 172), qui n’est jamais entrée en vigueur. Les avis divergent
quant aux raisons pour lesquelles la convention d’origine n'a pas
recueilli le nombre requis de ratifications. Certains ont affirmé
que certains de ses aspects n’avaient pas recueilli l’adhésion de
nombreux États membres; d’autres estimaient que le texte n’était
pas véritablement opportun, de nombreux développements juridiques
étant intervenus après son ouverture à la signature; enfin, sa promotion
a été quelque peu négligée au moment où les États membres de l’Union
européenne (UE) adoptaient la Directive 2008/99 relative à la protection
de l’environnement par le droit pénal («la directive de 2008»).
7. Il est important de noter qu’une évaluation de la directive
de 2008 a révélé des lacunes considérables en matière d’application
du droit pénal en ce qui concerne les questions environnementales
dans les États membres de l’UE
.
Les critiques pointaient également des problèmes concernant la définition
de «ce qui est illicite», les recours appropriés en cas de crime
environnemental et le manque de capacité au niveau européen pour
contrôler le respect de la mise en œuvre du droit interne de l’environnement.
L’UE a adopté une nouvelle directive sur la criminalité environnementale
le 11 avril 2024, juste avant que le PC-ENV ne finalise le texte
du nouveau projet de convention du Conseil de l’Europe. Les négociateurs
de l’UE ont été très fortement impliqués dans le processus à Strasbourg.
En réalité, ils ont dominé les négociations relatives à la convention du
Conseil de l’Europe.

8. Le PC-ENV a tenu cinq réunions entre avril 2023 et octobre
2024. Ses travaux se sont appuyés sur les contributions d’experts
en matière de criminalité environnementale, notamment des représentants
désignés par les États membres, les États observateurs et certaines
entités du Conseil de l’Europe, telles que l’Assemblée, le Bureau
du / de la Commissaire aux droits de l’homme et la Cour européenne
des droits de l’homme. Certaines organisations internationales et
européennes ont été très activement impliquées (l’UE, représentée
par la Commission européenne, les Nations Unies, INTERPOL, des organisations
non gouvernementales telles que Global Initiative to End Wildlife
Crime, Wild Legal, et Wildlife Justice Commission).
9. Le projet de convention du Conseil de l’Europe s’appuie sur
un certain nombre de traités internationaux et de normes juridiques
concernant la protection de l’environnement, les droits humains
et la criminalité transnationale, dont une série d’instruments juridiques
du Conseil de l’Europe, tels qu’énumérés dans le préambule de la
convention
.
L’appel de l’Assemblée à la reconnaissance et à la codification
de l’écocide figure en partie dans le préambule, qui mentionne également
que l’écocide «est déjà pris en compte dans le droit de certains
États membres du Conseil de l’Europe et fait l’objet de discussions
au niveau international». Toutefois, cette formule n’encourage pas
nos États membres à envisager de rejoindre les rangs des pays qui ont
codifié l’écocide par le droit pénal national.

10. L’objectif déclaré du nouveau projet de convention est de
prévenir et de combattre la criminalité environnementale, de promouvoir
la coopération nationale et internationale et d’établir des normes
juridiques minimales pour les États en ce qui concerne la criminalité
environnementale, afin de renforcer la protection de l’environnement.
Les 58 articles de la convention, regroupés en sections et chapitres
(buts, champ d’application, définitions; politiques intégrées et
collecte de données; prévention; droit pénal matériel; enquêtes,
poursuites et droit procédural; coopération internationale; mesures
de protection des victimes, des témoins et des personnes qui signalent
des infractions ou coopèrent avec la justice; mécanisme de suivi; relations
avec d’autres sources de droit international; modification de la
Convention; clauses finales) couvrent les principaux domaines.
11. Je salue l’accent mis par les rédacteurs sur la prévention
par la sensibilisation du grand public et la coopération avec la
société civile et les organisations non gouvernementales. J’apprécie
également qu’en termes de champ d’application, le nouveau projet
de convention «s’applique en temps de paix et dans les situations
de conflit armé, de guerre ou d’occupation», disposition qui a été
incluse à la suite de la proposition de l’Assemblée. La convention
d’origine (STE n° 172) ne comportait pas une telle disposition.
12. L’article 3 du nouveau projet de convention définit les termes
«illicite», «eaux», «écosystème» et «déchet». Comme indiqué au paragraphe
7 ci-dessus, le terme «illicite» était l’un des aspects problématiques de
la directive de 2008 de l’UE, qui a été ultérieurement résolu par
la nouvelle directive en 2024; le nouveau projet de convention du
Conseil de l’Europe tient également compte de cette évolution. La
définition d’«écosystème» couvre utilement de façon complète la
notion de «complexe dynamique formé de communautés de plantes, de
champignons, d’animaux et de micro-organismes» et de leur environnement
qui interagissent étroitement et comportent divers habitats. La
convention vise à protéger l’environnement au sens large, en englobant
toutes les ressources naturelles (telles que l’air, le sol et l’eau,
les écosystèmes avec leurs services et leurs fonctions, la faune
et la flore sauvages et les habitats). Cependant, les infractions
liées à la biodiversité énumérées aux articles 27 à 29 ne mentionnent
pas les champignons qui ne sont ni des plantes ni des animaux, mais
plutôt un règne distinct de la vie.
13. Le nouveau projet de convention, en tant que premier instrument
international juridiquement contraignant traitant de la criminalité
environnementale, couvre un large éventail d’actes criminels («infractions»)
qui aggravent la triple crise planétaire liée au changement climatique,
à la pollution et à la perte de biodiversité. Il guidera les États
dans la prévention, la poursuite et la répression des infractions
pénales les plus graves telles que la pollution illicite, la gestion
illicite des déchets dangereux, l’exploitation ou la fermeture illicites
d’une installation qui comporte des activités ou substances dangereuses,
le recyclage illicite des navires et les rejets de substances polluantes
par les navires, l’exploitation minière illicite, le commerce de
bois issu de coupes illicites, le commerce illicite d’espèces protégées
de la faune ou de la flore sauvages et la détérioration illicite
d’habitats au sein d’un site protégé.
14. Les rédacteurs de la convention ont reconnu que les infractions
pénales commises de manière intentionnelle et illicite, telles que
spécifiées dans le texte, peuvent causer à l’environnement des dommages particulièrement
graves – irréversibles ou durables, étendus et substantiels –, voire
sa destruction en raison d’actes intentionnels. En conséquence,
la Convention comprend une disposition intitulée «infraction particulièrement
grave» qui englobe des actes proches de l’«écocide», qui est déjà
couvert par la législation de certains États membres du Conseil
de l’Europe et qui fait l’objet de discussions dans les enceintes internationales.
Tout en saluant l’inclusion de cette disposition, je regrette que
le Conseil de l’Europe ait manqué l’occasion de jouer un rôle de
pionnier en proposant une éventuelle définition de l’écocide (par exemple,
sur la base des travaux du groupe d’experts indépendant pour la
définition juridique de l’écocide
) dans ce contexte, afin d’amener
nos États membres à aligner leur compréhension de ce concept juridique
qui mériterait d’être expressément codifié dans le droit interne.

15. Le nouveau projet de convention contient des dispositions
spécifiques concernant la compétence (couvrant à la fois les infractions
nationales et extraterritoriales), la responsabilité des personnes
morales, les sanctions et les circonstances aggravantes à prendre
en compte pour la détermination de la sanction (par exemple, lorsque
l’infraction a causé «des dommages graves et étendus, ou graves
et durables, ou graves et irréversibles» à un écosystème; lorsque
l’infraction a été commise dans le cadre d’une organisation criminelle; lorsque
l’infraction a été commise par un agent public; ou lorsque l’infraction
a généré des gains financiers importants pour l’auteur). En ce qui
concerne la compétence et la responsabilité des personnes morales (articles
33 et 34), je note que les Parties à la Convention seront tenues
d’établir leur compétence relativement aux infractions visées par
le texte lorsqu’elles sont commises, entre autres, par leurs ressortissants
non seulement sur le territoire de la Partie mais aussi sur celui
d’un autre État
; la responsabilité pénale des personnes
morales ne peut être engagée par la Partie que sur son propre territoire.

16. L’article 35 du projet de convention expose les sanctions
et les mesures visant à garantir que les infractions visées dans
le projet de convention sont effectivement passibles de sanctions,
tout en tenant compte de la gravité de l’infraction commise. Cet
article inclut également certaines mesures positives telles que
l’obligation pour les Parties d’«instaurer des mécanismes de mise
en œuvre du devoir de diligence afin d’améliorer le respect des
normes environnementales». En outre, les dispositions relatives
au gel, à la saisie et à la confiscation des produits du crime (ou
des biens de valeur équivalente) qui découlent des infractions établies
conformément à la convention ont un effet dissuasif – à condition
que l’information soit largement diffusée et que les poursuites
soient effectives.
17. Nous devrions noter et saluer les dispositions visant à développer
une approche transversale de la protection de l’environnement en
reconnaissant la nécessité de renforcer les stratégies nationales,
les ressources, la formation des professionnels et la protection
des victimes, des témoins, des lanceurs d’alerte et des personnes
coopérant avec les autorités, ainsi que de promouvoir la coopération
internationale, qui sont autant de mesures essentielles pour poursuivre
efficacement les crimes environnementaux par-delà les frontières.
18. Le chapitre VIII du projet de convention établit un mécanisme
de suivi allégé dont l’ambition a été considérablement revue à la
baisse au cours des négociations, bien que les représentants de
l’Assemblée se soient exprimés en faveur d’un mécanisme plus strict.
Après l’examen de deux options inspirées de la Convention du Conseil
de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard
des femmes et la violence domestique (STCE n° 210, «Convention d’Istanbul»)
(option plus forte) et de la Convention du Conseil de l'Europe sur
la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels
(STCE n° 201, «Convention de Lanzarote») (option plus faible), c’est
l’option plus faible qui a été retenue. Le mécanisme de suivi proposé pour
l’instant prévoit la création d’un Comité des Parties dont les modalités
de fonctionnement seront déterminées par son règlement intérieur.
L’Assemblée, le ou la Commissaire aux droits de l’homme, le Comité européen
pour les problèmes criminels et d’autres comités intergouvernementaux
compétents du Conseil de l’Europe seront invités à nommer un·e représentant·e
au Comité des Parties, tandis que des représentants de la société
civile et des ONG pourront être admis en qualité d’observateurs.
Seuls les États parties à la convention auront le droit de vote
au sein du futur Comité des Parties.
19. Il est important de noter que, comme pour tous les instruments
juridiques récents du Conseil de l’Europe, cette convention sera
ouverte à la signature des États non membres du Conseil de l’Europe
et de l’Union européenne (articles 53 et 54). Conformément à la
pratique établie, le texte précise que l’adhésion est ouverte aux
«États non membres qui ont participé à son élaboration»; d’autres
États non membres pourront être invités à adhérer à la convention
– après son entrée en vigueur – sur invitation du Comité des Ministres
et par vote unanime des Parties ayant le droit de siéger au Comité
des Ministres. La convention entrera en vigueur après les dix premières
ratifications, incluant au moins huit États membres du Conseil de
l’Europe.
20. En ce qui concerne l’application du projet de convention,
les rédacteurs ont accepté une disposition de l’article 51.2 permettant
aux États membres de l’UE d’appliquer, dans leurs relations mutuelles,
la réglementation européenne qui régit les questions relevant du
champ d’application de ce projet de convention. Si cette disposition
devrait faciliter la ratification de la convention par les pays
de l'UE et par l’UE elle-même, sa formulation laisse entendre aux
autres Parties que le groupe des pays de l'UE a un statut d’exception.
De même, l’article 56 traitant des réserves contient des clauses
dérogatoires complexes pour l’Union européenne et les pays de l’UE
relatives à la portée des termes «illicite», «droits internes» (qui
devrait être mis ici au singulier comme dans le reste de la convention),
«dispositions de droit interne», «protégé» et «exigences» utilisés
aux fins de la définition des infractions visées aux articles 13,
14, 19 à 22 et 26 à 30 de la convention.
3. Axes d’amélioration du projet de convention
21. Tout en saluant l'achèvement
des travaux du groupe de rédaction sur le nouveau projet de convention, je
pense qu'il existe de bonnes raisons de relever le niveau d’ambition
de cet instrument juridique du Conseil de l'Europe, qui devrait
témoigner encore plus fermement des valeurs que nous défendons.
Je sais que les lobbies d'entreprises n’ont pas ménagé leurs efforts
dans différentes capitales européennes pour influer sur les positions
durant les négociations et affaiblir le projet de texte. Il faut
que les parlementaires sachent que certaines infractions ont été
retirées du projet de texte à la demande des délégué·es de l'Union
européenne. L’infraction liée à la pêche illicite a été ainsi supprimée
du projet de convention.
22. Dans le même esprit, l'Assemblée devrait insister non seulement
sur la reconnaissance de l'écocide, qui est simplement mentionnée
dans le préambule renvoyant aux résolutions et recommandations pertinentes
de l'Assemblée, mais aussi sur sa codification dans l'ordre juridique
national et international. La référence à la position de l'Assemblée
exprimée à plusieurs reprises (notamment dans la Recommandation
2246 (2023) et la Recommandation 2272 (2024)) serait ainsi plus
complète. Je souhaite donc proposer que les mots «et à la codification
juridique» soient ajoutés avant les mots «de l'écocide» dans le
préambule.
23. Cela irait dans le sens d’une reconnaissance des efforts faits
par les États membres du Conseil de l'Europe ayant déjà adopté des
dispositions juridiques sur l'écocide dans leur droit national (c’est
le cas par exemple de mon pays, l'Ukraine, mais aussi de l'Arménie,
de la Belgique, de la France, de la Géorgie, de la République de
Moldova), et encouragerait les autres à envisager de le faire dès
que possible. Il est important de légiférer sur l'écocide pour prévenir,
par la dissuasion, les atteintes particulièrement graves à l'environnement
au niveau national.
24. Rappelons que la question de l'écocide est de plus en plus
débattue sur la scène internationale, ce qui a permis à diverses
initiatives d'obtenir un plus grand soutien et une plus grande reconnaissance.
Depuis la guerre d'agression à grande échelle de la Fédération de
Russie contre l'Ukraine, les dommages causés à l'environnement défigurent
l'Ukraine. Parmi les exemples notables, citons la destruction de
la centrale hydroélectrique de Kakhovka et la dévastation systématique
des écosystèmes dans l'est de l'Ukraine; ils constituent ce que
l'on peut qualifier d'écocide ou de crime particulièrement grave
au regard du projet de convention en causant une destruction délibérée,
à long terme, généralisée et substantielle de l'environnement. Les
lacunes du cadre juridique international peuvent conduire à des
comportements irresponsables et à l'impunité. Par exemple, les attaques
de drones russes contre l'abri du réacteur 4 de la centrale nucléaire
de Tchernobyl pourraient entraîner une libération massive de radiations
et une contamination environnementale affectant non seulement l'Ukraine,
mais aussi un certain nombre de pays européens.
25. Dans ce contexte, il faudrait rappeler que de nombreuses parties
prenantes dans le monde entier s’emploient à faire reconnaître l'écocide
comme un cinquième crime international, ce qui permettrait des poursuites
devant la Cour pénale internationale (CPI). La nouvelle directive
de l'UE du 11 avril 2024 relative à la protection de l'environnement
par le droit pénal
prévoit
des normes minimales et des sanctions plus sévères pour une liste
d'infractions environnementales, notamment celles qui peuvent constituer
une «infraction qualifiée» lorsqu'elles sont commises intentionnellement
et causent une destruction ou des dommages étendus, substantiels
et durables à l'environnement.

26. Afin de mieux accompagner les Parties, le rapport explicatif
du projet de convention du Conseil de l'Europe pourrait également
faire référence à la définition de l'écocide proposée par le groupe
d'experts indépendants pour la définition juridique de l'écocide
et esquisser une définition
des termes «irréversibles», «étendus», «substantiels» et «de longue
durée» utilisés à l'article 31 du projet de convention, comme cela avait
été proposé à l’origine au cours du processus de négociation. Ce
document devrait également jeter les bases du cadre réglementaire
régissant la notion d'écocide et de criminalité environnementale
comparable en élaborant des critères pertinents et le système d'évaluation
du respect de ces critères, ainsi qu'en déterminant la responsabilité
juridique des États à cet égard.

27. Un certain nombre d'articles relatifs à diverses infractions
visent des actes commis de manière illicite et intentionnelle. Or,
l'intention peut être très difficile à prouver. Dans ces conditions,
l'ajout des mots «ou par négligence» faciliterait les poursuites
contre les comportements irréfléchis lorsque cette négligence peut causer
des atteintes particulièrement graves à l'environnement et/ou la
mort de personnes ou de graves lésions à des personnes. Je propose
d’ajouter les mots ci-dessus aux articles 12, 16, 17, 18, 20, 21
et 23. Les comportements qui sont le fruit d’une telle négligence
sont également mentionnés dans la nouvelle directive (UE) 2024/1203
relative à la protection de l'environnement par le droit pénal
.

28. Dans l'article 16 relatif aux infractions liées au mercure,
les dispositions concernent – lorsque ces actes sont commis de manière
illicite et intentionnelle – «la fabrication, l'utilisation, le
stockage, l'importation ou l'exportation de mercure, de composés
du mercure et de mélanges de mercure, ainsi que de produits contenant
du mercure», dès lors que ces actes peuvent causer la mort ou de
graves atteintes à des personnes ou à l'environnement. Cependant,
il n’est aucunement fait mention du rejet volontaire dans l'environnement
de mercure ou de substances contenant du mercure. Je propose d'ajouter
les mots «et le rejet» après le mot «l’exportation» afin d'éviter
toute ambiguïté.
29. Pour faire suite à mes commentaires du paragraphe 21, ayant
à l’esprit le Plan d'action international visant à prévenir, à contrecarrer
et à éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée
, adopté en 2001 par la FAO (Organisation
des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture), et compte
tenu du règlement de l'UE destiné à prévenir, à décourager et à
éradiquer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, qui
est entré en vigueur le 1er janvier 2010
, je souhaite proposer d’ajouter
au projet de convention, dans la section 5 consacrée aux ressources
naturelles, un article relatif à la pêche illicite:


Pêche illicite, non déclarée et non réglementée
1. Les Parties prennent les mesures législatives nécessaires pour ériger en infraction pénale, conformément à leur droit interne, lorsque l’acte a été commis de manière illicite et intentionnelle, les activités de pêche menées par des navires de pêche nationaux ou étrangers dans les eaux maritimes relevant de la juridiction d'un État, sans l'autorisation de cet État, ou enfreignant une loi, une réglementation administrative ou une décision d’une autorité compétente de cet État, y compris la capture, la mise sur le marché, la transformation, l'importation ou l'exportation de produits de ces activités, à l'exception des cas où le comportement concerne une quantité négligeable.
2. Les Parties prennent les mesures législatives nécessaires pour ériger en infraction pénale, conformément à leur droit interne, lorsque l’acte a été commis de manière illicite et intentionnelle, les activités de pêche menées par des navires de pêche nationaux ou étrangers dans les eaux maritimes relevant de la juridiction d'un État, dès lors qu’elles n'ont pas été déclarées à cet État ou qu’elles ont été déclarées erronément à l'autorité nationale compétente, enfreignant une loi, une réglementation administrative ou une décision d’une autorité compétente de cet État, à l'exception des cas où le comportement concerne une quantité négligeable.
3. Les Parties prennent les mesures législatives nécessaires pour ériger en infraction pénale, conformément à leur droit interne, lorsque l’acte a été commis de manière illicite et intentionnelle, la pêche au moyen de techniques de pêche ou d'autres instruments qui sont destructeurs ou non sélectifs à l'égard de la faune et de la flore sauvages, ou qui causent ou sont susceptibles de causer la destruction massive de plantes et d'animaux marins et de leur environnement.
30. L'article 25 du projet de convention porte sur les «infractions
liées au commerce de bois issu de coupes illicites». Il ne mentionne
toutefois pas l'exploitation illégale des forêts et aborde uniquement
les aspects liés au commerce de bois issu de coupes illicites. Pourtant,
l'exploitation illégale des forêts peut être une réalité en Europe
comme ailleurs et avoir une finalité non commerciale. Si le cadre
juridique de l'UE couvre l'exploitation illégale des forêts et le
commerce qui y est associé (règlement (UE) n° 995/2010 et règlement
(CE) n° 2173/2005), ainsi que les produits «zéro déforestation»
(règlement (UE) n° 2023/1115), dans l’objectif de lutter contre
toute déforestation et dégradation des forêts aux fins de la production
de produits de base, il ne s'applique qu'aux pays de l'UE
. Dans la mesure où la convention
du Conseil de l'Europe couvre un périmètre géographique beaucoup
plus large, il convient de compléter cet article en ajoutant les
mots «les coupes de bois illicites et» avant les mots «la mise sur
le marché de bois issu de coupes illicites».

31. Les articles 27 à 29 du projet de convention traitent des
infractions liées aux actes illicites concernant la faune, la flore
et les habitats sauvages protégés. Cependant, ils ne couvrent pas
les champignons qui ne sont ni des plantes ni des animaux mais une
catégorie à part. Pour rendre le projet de convention plus complet
et plus inclusif, les champignons pourraient être explicitement
inscrits avec la faune et la flore sauvages protégées en vertu des
articles 27 et 28.
32. S’agissant de l'article 39 (droit d’être partie à la procédure),
l'Assemblée devrait réaffirmer son soutien à un ajout en faveur
d’un contrôle juridictionnel en insérant, après les mots «conformément
à la présente Convention», les mots «ainsi que de demander qu’il
soit procédé à un contrôle juridictionnel de toute décision de ne
pas engager de poursuites». Je pense que cet ajout renforcerait
l'équilibre de la disposition, qui serait également plus complète.
4. Conclusions
33. Nous devrions accueillir favorablement
l'achèvement des travaux relatifs au projet de Convention du Conseil
de l'Europe sur la protection de l'environnement par le droit pénal.
Lorsque le Comité des Ministres finalisera, adoptera et ouvrira
la convention à la signature, le 14 mai 2025 comme on l'espère,
dans le cadre du «paquet environnement» (qui inclut aussi le projet
de stratégie du Conseil de l'Europe sur l'environnement et un plan
d'action), la nouvelle convention annulera et remplacera la Convention
de 1998 sur la protection de l'environnement par le droit pénal
(STE n° 172).
34. Cette nouvelle convention sera le premier instrument international
juridiquement contraignant à traiter de la criminalité environnementale,
couvrant un large éventail d'infractions, notamment une infraction particulièrement
grave qui est comparable à l'écocide. Néanmoins, à notre grand regret,
la liste des infractions omet la pêche illicite et les coupes de
bois illicites, ce qui reflète la complexité des arguments juridiques
et commerciaux invoqués au détriment de la logique de protection
de l'environnement. La nouvelle convention s'appliquera en tout
temps, c'est-à-dire en temps de paix comme dans les situations de
conflit armé, de guerre ou d'occupation; la convention de 1998 ne
comportait pas une telle disposition.
35. La ratification de la nouvelle convention sera ouverte aux
États membres du Conseil de l'Europe, aux États non membres ayant
participé à l’élaboration du texte et à l'Union européenne. Les
autres États non membres du Conseil de l'Europe ne pourront être
invités à adhérer à la convention qu'après son entrée en vigueur
avec 10 ratifications, acceptations ou approbations (y compris par
au moins huit États membres du Conseil de l'Europe) et l'accord
unanime des Parties qui sont des États membres du Conseil de l'Europe.
Il faut espérer que le Groupe multidisciplinaire pour l'environnement
et son successeur promouvront le nouvel instrument juridique et
faciliteront l’adhésion rapide des États.
36. Il convient de souligner que la participation de l'UE aux
travaux de rédaction de la convention a été importante, voire prépondérante.
Si cet apport a été extrêmement précieux sur certains points du
texte, il a contribué à réduire le niveau d’ambition de l'instrument
juridique du Conseil de l'Europe, compte tenu notamment de l’option
plus faible retenue pour le mécanisme de suivi, de la clause dérogatoire
prévue pour les pays de l'UE en matière de réserves et de l'exclusion
de l'infraction de pêche illicite. Bien que cette approche puisse
faciliter l'adhésion de l'Union européenne et de ses États membres
à la nouvelle convention, l'affaiblissement des dispositions crée
des conditions inégales et réduit la valeur ajoutée de la convention. J'espère
vraiment que le projet de convention pourra être encore renforcé
en y incluant les ajouts proposés par l'Assemblée.
37. Je propose donc que l'avis statutaire de l'Assemblée comporte
plusieurs amendements concernant l'appel lancé aux États membres
du Conseil de l'Europe en vue de codifier la notion d'écocide dans
l'ordre juridique national et international, l’ajout de mots concernant
les infractions liées au mercure, à la pêche illicite et à l'exploitation
illicite des forêts, le comportement négligent, ainsi que l’instauration
d’un contrôle juridictionnel en matière pénale pour couvrir plus
largement les comportements criminels. Enfin, l'Assemblée devrait,
en temps utile, participer à l’effort collectif visant à promouvoir
la signature de la nouvelle convention par les États membres du
Conseil de l'Europe et par les États dont les parlements bénéficient
du statut de d’observateur ou de partenaire pour la démocratie.