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Rapport | Doc. 16150 | 08 avril 2025

Projet de convention du Conseil de l'Europe sur la protection de l’environnement par le droit pénal

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Rapporteure : Mme Yuliia OVCHYNNYKOVA, Ukraine, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Doc. 16120, Renvoi 4868 du 7 avril 2025. 2025 - Deuxième partie de session

A. Projet d’avis 
			(1) 
			Projet d’avis adopté
à l’unanimité par la commission le 7 avril 2025.

(open)
1. La protection de l’environnement contre les préjudices causés par l’activité humaine est devenue l’une des principales préoccupations de la communauté internationale depuis que celle-ci a pris conscience que la santé de la planète et le bien-être de l’humanité sont étroitement liés. Les nations européennes se sont associées à l’action mondiale qui a été engagée, en soutenant le Programme de développement durable des Nations Unies, l’Accord de Paris sur le changement climatique et le Pacte vert pour l’Europe. Dans la Déclaration de Reykjavík adoptée en 2023, les États membres du Conseil de l’Europe reconnaissaient qu’il était urgent d’agir face à la triple crise planétaire en s’engageant à travailler «sur les aspects de l’environnement liés aux droits de l’homme […], en ligne avec la Résolution 76/300 de l’Assemblée générale des Nations Unies sur le droit à un environnement propre, sain et durable».
2. Avec le projet de stratégie du Conseil de l’Europe sur l’environnement et le projet de plan d’action y afférent, le nouveau projet de Convention du Conseil de l’Europe sur la protection de l’environnement par le droit pénal («le projet de convention») fera partie de l’ensemble de mesures en faveur de l’environnement qui seront soumises au Comité des Ministres pour adoption le 14 mai 2025.
3. L’Assemblée parlementaire se félicite que le Comité européen pour les problèmes criminels ait terminé ses travaux sur ce nouveau projet de convention, qui est destiné à remplacer la convention de 1998 sur le même sujet (STE no 172). Une fois adoptée et mise en œuvre, cette nouvelle convention sera le premier instrument international juridiquement contraignant qui traite de la criminalité environnementale, visant un large éventail d’infractions, dont une infraction particulièrement grave qui recouvre des comportements souvent qualifiés d’écocide. Le projet de convention s’appuie sur des traités internationaux et sur des normes juridiques relatives à la protection de l’environnement, aux droits humains et à la criminalité transnationale, y compris une série d’instruments juridiques du Conseil de l’Europe.
4. L’Assemblée rappelle que, dans sa Recommandation 2213 (2021) «Examen des questions de responsabilité civile et pénale dans le contexte du changement climatique», elle avait demandé au Comité des Ministres «de mener une étude sur la notion d’“écocide”, son incorporation dans le droit national et son éventuelle reconnaissance universelle» et d’élaborer un nouvel instrument juridique pour remplacer la Convention no 172, qui n’est toujours pas mise en œuvre. L’Assemblée a renouvelé cet appel dans sa Recommandation 2246 (2023) «Impact environnemental des conflits armés», en demandant que la nouvelle convention s’applique aussi dans le contexte des conflits armés, en temps de guerre ou en cas d’occupation, et qu’elle couvre l’écocide. En outre, dans sa Recommandation 2272 (2024) «Réaliser le droit humain à un environnement sûr, propre, sain et durable grâce au processus de Reykjavík», elle a insisté sur la nécessité d’instaurer un mécanisme de contrôle performant pour la nouvelle convention.
5. L’Assemblée note que le projet de convention vise à prévenir et combattre efficacement la criminalité environnementale, à promouvoir la coopération nationale et internationale et à établir des normes juridiques minimales à l’intention des États en matière de criminalité environnementale. Elle se félicite que le projet de convention mette l’accent sur la prévention en définissant un large éventail d’infractions passibles de sanctions et en prévoyant la mise en œuvre de mesures de sensibilisation du grand public et d’une coopération avec la société civile et les organisations non gouvernementales.
6. L’Assemblée se félicite que le projet de convention prévoie des dispositions qui précisent que cet instrument «s’applique en temps de paix et dans les situations de conflit armé, de guerre ou d’occupation» et qui donnent des définitions des termes «illicite», «eaux», «écosystème» et «déchet», en tirant des enseignements de l’expérience des États membres et des difficultés pratiques rencontrées dans l’application du droit pénal en matière d’environnement. Une définition de l’écocide, telle que celle qui a été proposée par le groupe d’experts indépendants pour la définition juridique de l’écocide, pourrait être ajoutée dans le rapport explicatif de la convention afin d’amener les États membres à aligner leur compréhension de ce concept juridique et d’en faciliter l’intégration dans le droit interne. Dans la même optique, le rapport explicatif devrait esquisser une définition des termes «irréversibles», «étendus», «substantiels» et «de longue durée» employés à l’article 31 du projet de convention, comme cela avait été proposé à l’origine au cours du processus de négociation. L'Assemblée note que dans la version française de l'article 31 du projet de Convention, l'équivalent français de la partie de la phrase suivante: «or causes long-lasting, widespread and substantial damage») est manquant et devrait être ajouté.
7. Dans ce contexte, l’Assemblée rappelle que de nombreuses parties prenantes dans le monde entier s’emploient à faire reconnaître l’écocide ou des dommages étendus, durables et graves à l'environnement comme un cinquième crime international, ce qui permettrait des poursuites devant la Cour pénale internationale. La nouvelle directive 2024/1203 de l’Union européenne du 11 avril 2024 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal énumère des infractions environnementales, notamment celles qui peuvent constituer une «infraction qualifiée» lorsqu’elles sont commises intentionnellement et causent une destruction ou des dommages étendus, substantiels et de longue durée à l’environnement, ce qui est similaire à une «infraction particulièrement grave» telle que définie dans le projet de convention.
8. L’Assemblée considère qu’il existe de bonnes raisons de relever encore le niveau d’ambition de cet instrument juridique du Conseil de l’Europe. Le projet de convention tel qu’il est actuellement libellé omet de mentionner l’exploitation illégale des forêts et la pêche illicite parmi les infractions visées. Ayant à l’esprit le Plan d’action international visant à prévenir, à contrecarrer et à éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, adopté en 2001 par la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) et en tenant dûment compte du règlement no 1005/2008 de l’Union européenne établissant un système communautaire destiné à prévenir, à décourager et à éradiquer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, il conviendrait donc de rétablir, dans le projet de convention, un article concernant la pêche illicite dans la section 5 relative aux ressources naturelles.
9. L’Assemblée note que le chapitre VIII du projet de convention établit un mécanisme de suivi dont la portée a été revue à la baisse au cours des négociations, bien que les représentant·es de l’Assemblée se soient exprimés en faveur d’un mécanisme plus fort. Après l’examen de deux options inspirées de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE n° 210, «Convention d’Istanbul») (option plus forte) et de la Convention du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels (STCE n° 201, «Convention de Lanzarote») (option plus faible), c’est l’option plus faible qui a été retenue. Le mécanisme de suivi proposé actuellement prévoit la création d’un Comité des Parties dont les modalités de fonctionnement seront déterminées par son règlement intérieur.
10. L’Assemblée note avec préoccupation que, pour ce qui est de l’application de la convention, les rédacteurs et rédactrices ont accepté une disposition à l’article 51.2. (sur les «Effets de la présente Convention») qui permet aux États membres de l’Union européenne d’appliquer entre eux les dispositions de l’Union européenne qui relèvent du champ d’application de la convention «sans préjudice de l’application pleine et entière de la présente Convention dans leurs relations avec les autres Parties». Si cette disposition pourrait faciliter la ratification de la convention par les pays de l’Union européenne et par l’Union européenne elle-même, sa formulation laisse entendre aux autres Parties que le groupe des pays de l’Union européenne a un statut d’exception. En outre, l’article 56, relatif aux réserves, comporte des dispositions permettant à l’Union européenne et à ses États membres de restreindre le champ d’application du terme «illicite» à l’article 3.a. de la convention, ainsi que la portée des termes «droits internes» (qui devrait être mis ici au singulier comme dans le reste de la convention), «dispositions de droit interne», «protégé» et «exigence», utilisés pour définir les infractions visées aux articles 13, 14, 19 à 22 et 26 à 30 de la convention.
11. Afin d’équilibrer davantage les dispositions, de rendre le projet de convention plus complet et d’améliorer l’efficacité des poursuites relatives aux infractions environnementales, l’Assemblée propose d’apporter les amendements suivants au projet de convention:
11.1. dans la phrase du préambule qui fait référence aux résolutions et recommandations de l’Assemblée, après les mots «qui appellent à la reconnaissance», ajouter les mots «et à la codification juridique»;
11.2. dans la version anglaise du projet de la convention, dans la phrase du préambule qui fait référence aux résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies, après les mots «A/RES/76/185 of» remplacer les mots «11 January 2022» par les mots «16 December 2021»;
11.3. à l’article 12, après les mots «commis de façon illicite et intentionnelle», et aux articles 16, 17, 18, 20, 21 et 23, après les mots «commis de manière illicite et intentionnelle», ajouter les mots «ou par négligence»;
11.4. à l’article 16, remplacer le mot «ou» qui se trouve avant le mot «l’exportation» par une virgule et, après le mot «l’exportation», ajouter les mots «ou le rejet», étant donné le caractère particulièrement toxique et les effets cumulatifs du mercure ou des produits contenant du mercure, même en faible quantité;
11.5. à l’article 25, avant les mots «la mise sur le marché de bois issu de coupes illicites», ajouter les mots «les coupes de bois illicites et» et reformuler l’intitulé de cet article comme suit: «Infractions liées aux coupes de bois illicites et au commerce qui y est associé»;
11.6. après l’article 24, ajouter un nouvel article libellé comme suit:
«Pêche illicite, non déclarée et non réglementée
1. Les Parties prennent les mesures législatives nécessaires pour ériger en infraction pénale, conformément à leur droit interne, lorsque l’acte a été commis de manière illicite et intentionnelle, les activités de pêche menées par des navires de pêche nationaux ou étrangers dans les eaux maritimes relevant de la juridiction d’un État, sans l’autorisation de cet État ou enfreignant une loi, une réglementation administrative ou une décision d’une autorité compétente de cet État, y compris la capture, la mise sur le marché, la transformation, l’importation ou l’exportation de produits de ces activités, à l’exception des cas où le comportement concerne une quantité négligeable.
2. Les Parties prennent les mesures législatives nécessaires pour ériger en infraction pénale, conformément à leur droit interne, lorsque l’acte a été commis de manière illicite et intentionnelle, les activités de pêche menées par des navires de pêche nationaux ou étrangers dans les eaux maritimes relevant de la juridiction d’un État, dès lors qu’elles n’ont pas été déclarées à cet État ou qu’elles ont été déclarées erronément à l’autorité nationale compétente de cet État, enfreignant une loi, une réglementation administrative ou une décision des autorités compétentes de cet État, à l’exception des cas où le comportement concerne une quantité négligeable.
3. Les Parties prennent les mesures législatives nécessaires pour ériger en infraction pénale, conformément à leur droit interne, lorsque l’acte a été commis de manière illicite et intentionnelle, la pêche au moyen de techniques de pêche ou d’autres instruments qui sont destructeurs ou non sélectifs à l’égard de la faune et de la flore sauvages, ou qui causent ou sont susceptibles de causer la destruction massive de plantes et d’animaux marins et de leur environnement.»
11.7. aux articles 27 et 28, remplacer les mots «faune ou flore sauvages protégées» par les mots «faune, flore ou champignons sauvages protégés», y compris dans le titre de ces articles, étant donné que les champignons ne sont ni des plantes ni des animaux, mais une catégorie à part;
11.8. dans la version française de l'article 31, après les mots «des dommages irréversibles, étendus et substantiels,» ajouter la traduction des mots «or causes long-lasting, widespread and substantial damage» qui manquent en français comme suit: «ou cause des dommages de longue durée,étendus et substantiels,»;
11.9. à l’article 39 relatif au droit d’être partie à la procédure, après les mots «conformément à la présente Convention», ajouter les mots «ainsi que de demander qu’il soit procédé à un contrôle juridictionnel de toute décision de ne pas engager de poursuites»;
11.10. supprimer l’article 56.3.b., réduisant ainsi la portée des réserves;
11.11. si la proposition ci-dessus n'est pas retenue, à l'article 56.3.b. de la version française, remplacer les mots «droits internes» par les mots «droit interne» comme dans le reste du projet de la convention.
12. Enfin, l'Assemblée demande au Comité des Ministres d'allouer des ressources appropriées pour promouvoir la signature et la ratification de cette convention dès son lancement, en vue d'assurer son entrée en vigueur dans les meilleurs délais.

B. Exposé des motifs par Mme Yuliia Ovchynnykova, rapporteure

(open)

1. Introduction et contexte

1. Au cours de la dernière décennie, nous avons assisté à une prise de conscience croissante de la communauté internationale quant à la nécessité d’une action renforcée pour protéger l’environnement. Ainsi, le Programme de développement durable des Nations Unies et l’Accord de Paris sur le changement climatique ont été adoptés en 2015, le Pacte vert pour l’Europe a été lancé en 2019 et les États membres du Conseil de l’Europe ont reconnu l’urgence d’agir face à la triple crise planétaire en s’engageant, par la Déclaration de Reykjavík de 2023, à travailler «sur les aspects de l’environnement liés aux droits de l’homme sur la base de la reconnaissance politique du droit à un environnement propre, sain et durable en tant que droit de l’homme, en ligne avec la Résolution 76/300 de l’Assemblée générale des Nations Unies sur le droit à un environnement propre, sain et durable, et en poursuivant la mise en œuvre de la Recommandation CM/Rec(2022)20 du Comité des Ministres sur les droits de l’homme et la protection de l’environnement».
2. L’Assemblée parlementaire a suivi ces processus internationaux et européens en plaidant en faveur d’instruments juridiques plus solides qui engageraient les nations européennes dans des actions concrètes pour mieux protéger le vivant. Je souhaiterais mettre en exergue la Recommandation 2213 (2021) de l’Assemblée «Examen des questions de responsabilité civile et pénale dans le contexte du changement climatique» qui demandait au Comité des Ministres de «mener une étude sur la notion d’“écocide”, son incorporation dans le droit national et son éventuelle reconnaissance universelle» et d’«élaborer sans attendre un nouvel instrument juridique pour remplacer la Convention sur la protection de l’environnement par le droit pénal (STE n° 172), qui n’est toujours pas mise en œuvre en raison du nombre insuffisant de ratifications».
3. L’Assemblée a réitéré cet appel dans sa Recommandation 2246 (2023) «Impact environnemental des conflits armés», en demandant au Comité des Ministres de «veiller à ce que la version révisée de la Convention sur la protection de l’environnement par le droit pénal (STE n° 172), en cours de préparation au sein du Conseil de l’Europe, s’applique aussi dans le contexte des conflits armés, en temps de guerre ou en cas d’occupation, et couvre l’écocide». En outre, la Recommandation 2272 (2004) «Réaliser le droit humain à un environnement sûr, propre, sain et durable grâce au processus de Reykjavík» souligne la nécessité de veiller à ce que le nouveau projet de convention intègre la notion d’écocide au titre des infractions pénales et à ce qu’il instaure un mécanisme de contrôle performant. J’ai accueilli avec beaucoup de satisfaction la décision du Comité des Ministres de mettre en place un groupe de rédaction (PC-ENV) chargé de préparer la nouvelle convention sur la protection de l’environnement par le droit pénal. Aux côtés de collègues de la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée, j’ai représenté notre Assemblée au sein de ce groupe de rédaction.
4. Le PC-ENV a achevé ses travaux sur le nouveau projet de convention et le projet de rapport explicatif correspondant en octobre 2024. Après leur validation par le Comité Européen pour les Problèmes Criminels (CDPC), le Comité des Ministres a décidé de transmettre ces deux projets de textes le 26 février 2025 à l’Assemblée pour avis statutaire. L’Assemblée a saisi la Commission des affaires sociales, de la santé et du développement durable pour rapport sur cette question et j’ai été désignée rapporteure.
5. Ce rapport présentera pour commencer un bref aperçu du processus de négociation qui a conduit à la finalisation des projets de textes tels qu’ils se présentent aujourd’hui (voir les annexes 1 et 2 du Doc. 16120). Je ferai ensuite part de mes observations et de mon évaluation et proposerai quelques amendements pour examen et approbation par l’Assemblée. Je tiens à remercier mes collègues Thórhildur Sunna Ævarsdóttir (Islande, SOC) et Constantinos Efstathiou (Chypre, SOC), membres de la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée, pour leur soutien et leur contribution au processus d’élaboration du projet de convention, ainsi que le secrétariat pour sa coopération fructueuse dans la préparation du présent rapport.

2. Les négociations et les principales caractéristiques du projet de convention

6. Le PC-ENV a été chargé d’élaborer une nouvelle Convention du Conseil de l’Europe sur la protection de l’environnement par le droit pénal, annulant et remplaçant la Convention de 1998 sur la protection de l’environnement par le droit pénal (STE n° 172), qui n’est jamais entrée en vigueur. Les avis divergent quant aux raisons pour lesquelles la convention d’origine n'a pas recueilli le nombre requis de ratifications. Certains ont affirmé que certains de ses aspects n’avaient pas recueilli l’adhésion de nombreux États membres; d’autres estimaient que le texte n’était pas véritablement opportun, de nombreux développements juridiques étant intervenus après son ouverture à la signature; enfin, sa promotion a été quelque peu négligée au moment où les États membres de l’Union européenne (UE) adoptaient la Directive 2008/99 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal («la directive de 2008»).
7. Il est important de noter qu’une évaluation de la directive de 2008 a révélé des lacunes considérables en matière d’application du droit pénal en ce qui concerne les questions environnementales dans les États membres de l’UE 
			(2) 
			Évaluation de la Directive
2008/99/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008
relative à la protection de l'environnement par le droit pénal (directive
sur la criminalité environnementale), SWD(2020) 259 final, 28.10.2020.. Les critiques pointaient également des problèmes concernant la définition de «ce qui est illicite», les recours appropriés en cas de crime environnemental et le manque de capacité au niveau européen pour contrôler le respect de la mise en œuvre du droit interne de l’environnement. L’UE a adopté une nouvelle directive sur la criminalité environnementale le 11 avril 2024, juste avant que le PC-ENV ne finalise le texte du nouveau projet de convention du Conseil de l’Europe. Les négociateurs de l’UE ont été très fortement impliqués dans le processus à Strasbourg. En réalité, ils ont dominé les négociations relatives à la convention du Conseil de l’Europe.
8. Le PC-ENV a tenu cinq réunions entre avril 2023 et octobre 2024. Ses travaux se sont appuyés sur les contributions d’experts en matière de criminalité environnementale, notamment des représentants désignés par les États membres, les États observateurs et certaines entités du Conseil de l’Europe, telles que l’Assemblée, le Bureau du / de la Commissaire aux droits de l’homme et la Cour européenne des droits de l’homme. Certaines organisations internationales et européennes ont été très activement impliquées (l’UE, représentée par la Commission européenne, les Nations Unies, INTERPOL, des organisations non gouvernementales telles que Global Initiative to End Wildlife Crime, Wild Legal, et Wildlife Justice Commission).
9. Le projet de convention du Conseil de l’Europe s’appuie sur un certain nombre de traités internationaux et de normes juridiques concernant la protection de l’environnement, les droits humains et la criminalité transnationale, dont une série d’instruments juridiques du Conseil de l’Europe, tels qu’énumérés dans le préambule de la convention 
			(3) 
			Notamment,
la Convention européenne des droits de l'homme (STE n° 5), la Convention
relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel
de l'Europe (STE n° 104), la Convention du Conseil de l'Europe sur
le paysage (STE n° 176), la Convention européenne d'entraide judiciaire
en matière pénale (STE n° 30); la Convention-cadre des Nations Unies
sur les changements climatiques (1992) et l'Accord de Paris, la
Convention sur l'accès à l'information, la participation du public
au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement
(1998), la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale
organisée (2000), la Convention sur le commerce international des espèces
de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) (1973)
et la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique (1992).. L’appel de l’Assemblée à la reconnaissance et à la codification de l’écocide figure en partie dans le préambule, qui mentionne également que l’écocide «est déjà pris en compte dans le droit de certains États membres du Conseil de l’Europe et fait l’objet de discussions au niveau international». Toutefois, cette formule n’encourage pas nos États membres à envisager de rejoindre les rangs des pays qui ont codifié l’écocide par le droit pénal national.
10. L’objectif déclaré du nouveau projet de convention est de prévenir et de combattre la criminalité environnementale, de promouvoir la coopération nationale et internationale et d’établir des normes juridiques minimales pour les États en ce qui concerne la criminalité environnementale, afin de renforcer la protection de l’environnement. Les 58 articles de la convention, regroupés en sections et chapitres (buts, champ d’application, définitions; politiques intégrées et collecte de données; prévention; droit pénal matériel; enquêtes, poursuites et droit procédural; coopération internationale; mesures de protection des victimes, des témoins et des personnes qui signalent des infractions ou coopèrent avec la justice; mécanisme de suivi; relations avec d’autres sources de droit international; modification de la Convention; clauses finales) couvrent les principaux domaines.
11. Je salue l’accent mis par les rédacteurs sur la prévention par la sensibilisation du grand public et la coopération avec la société civile et les organisations non gouvernementales. J’apprécie également qu’en termes de champ d’application, le nouveau projet de convention «s’applique en temps de paix et dans les situations de conflit armé, de guerre ou d’occupation», disposition qui a été incluse à la suite de la proposition de l’Assemblée. La convention d’origine (STE n° 172) ne comportait pas une telle disposition.
12. L’article 3 du nouveau projet de convention définit les termes «illicite», «eaux», «écosystème» et «déchet». Comme indiqué au paragraphe 7 ci-dessus, le terme «illicite» était l’un des aspects problématiques de la directive de 2008 de l’UE, qui a été ultérieurement résolu par la nouvelle directive en 2024; le nouveau projet de convention du Conseil de l’Europe tient également compte de cette évolution. La définition d’«écosystème» couvre utilement de façon complète la notion de «complexe dynamique formé de communautés de plantes, de champignons, d’animaux et de micro-organismes» et de leur environnement qui interagissent étroitement et comportent divers habitats. La convention vise à protéger l’environnement au sens large, en englobant toutes les ressources naturelles (telles que l’air, le sol et l’eau, les écosystèmes avec leurs services et leurs fonctions, la faune et la flore sauvages et les habitats). Cependant, les infractions liées à la biodiversité énumérées aux articles 27 à 29 ne mentionnent pas les champignons qui ne sont ni des plantes ni des animaux, mais plutôt un règne distinct de la vie.
13. Le nouveau projet de convention, en tant que premier instrument international juridiquement contraignant traitant de la criminalité environnementale, couvre un large éventail d’actes criminels («infractions») qui aggravent la triple crise planétaire liée au changement climatique, à la pollution et à la perte de biodiversité. Il guidera les États dans la prévention, la poursuite et la répression des infractions pénales les plus graves telles que la pollution illicite, la gestion illicite des déchets dangereux, l’exploitation ou la fermeture illicites d’une installation qui comporte des activités ou substances dangereuses, le recyclage illicite des navires et les rejets de substances polluantes par les navires, l’exploitation minière illicite, le commerce de bois issu de coupes illicites, le commerce illicite d’espèces protégées de la faune ou de la flore sauvages et la détérioration illicite d’habitats au sein d’un site protégé.
14. Les rédacteurs de la convention ont reconnu que les infractions pénales commises de manière intentionnelle et illicite, telles que spécifiées dans le texte, peuvent causer à l’environnement des dommages particulièrement graves – irréversibles ou durables, étendus et substantiels –, voire sa destruction en raison d’actes intentionnels. En conséquence, la Convention comprend une disposition intitulée «infraction particulièrement grave» qui englobe des actes proches de l’«écocide», qui est déjà couvert par la législation de certains États membres du Conseil de l’Europe et qui fait l’objet de discussions dans les enceintes internationales. Tout en saluant l’inclusion de cette disposition, je regrette que le Conseil de l’Europe ait manqué l’occasion de jouer un rôle de pionnier en proposant une éventuelle définition de l’écocide (par exemple, sur la base des travaux du groupe d’experts indépendant pour la définition juridique de l’écocide 
			(4) 
			Voir <a href='https://ecocidelaw.com/definition/'>https://ecocidelaw.com/definition/.</a>) dans ce contexte, afin d’amener nos États membres à aligner leur compréhension de ce concept juridique qui mériterait d’être expressément codifié dans le droit interne.
15. Le nouveau projet de convention contient des dispositions spécifiques concernant la compétence (couvrant à la fois les infractions nationales et extraterritoriales), la responsabilité des personnes morales, les sanctions et les circonstances aggravantes à prendre en compte pour la détermination de la sanction (par exemple, lorsque l’infraction a causé «des dommages graves et étendus, ou graves et durables, ou graves et irréversibles» à un écosystème; lorsque l’infraction a été commise dans le cadre d’une organisation criminelle; lorsque l’infraction a été commise par un agent public; ou lorsque l’infraction a généré des gains financiers importants pour l’auteur). En ce qui concerne la compétence et la responsabilité des personnes morales (articles 33 et 34), je note que les Parties à la Convention seront tenues d’établir leur compétence relativement aux infractions visées par le texte lorsqu’elles sont commises, entre autres, par leurs ressortissants non seulement sur le territoire de la Partie mais aussi sur celui d’un autre État 
			(5) 
			Bien
qu'il faille également noter que l'article 56.2 sur les réserves
permet aux Parties de se réserver le droit de ne pas appliquer cette
compétence ou de ne le faire que dans des cas ou des conditions
spécifiques.; la responsabilité pénale des personnes morales ne peut être engagée par la Partie que sur son propre territoire.
16. L’article 35 du projet de convention expose les sanctions et les mesures visant à garantir que les infractions visées dans le projet de convention sont effectivement passibles de sanctions, tout en tenant compte de la gravité de l’infraction commise. Cet article inclut également certaines mesures positives telles que l’obligation pour les Parties d’«instaurer des mécanismes de mise en œuvre du devoir de diligence afin d’améliorer le respect des normes environnementales». En outre, les dispositions relatives au gel, à la saisie et à la confiscation des produits du crime (ou des biens de valeur équivalente) qui découlent des infractions établies conformément à la convention ont un effet dissuasif – à condition que l’information soit largement diffusée et que les poursuites soient effectives.
17. Nous devrions noter et saluer les dispositions visant à développer une approche transversale de la protection de l’environnement en reconnaissant la nécessité de renforcer les stratégies nationales, les ressources, la formation des professionnels et la protection des victimes, des témoins, des lanceurs d’alerte et des personnes coopérant avec les autorités, ainsi que de promouvoir la coopération internationale, qui sont autant de mesures essentielles pour poursuivre efficacement les crimes environnementaux par-delà les frontières.
18. Le chapitre VIII du projet de convention établit un mécanisme de suivi allégé dont l’ambition a été considérablement revue à la baisse au cours des négociations, bien que les représentants de l’Assemblée se soient exprimés en faveur d’un mécanisme plus strict. Après l’examen de deux options inspirées de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE n° 210, «Convention d’Istanbul») (option plus forte) et de la Convention du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels (STCE n° 201, «Convention de Lanzarote») (option plus faible), c’est l’option plus faible qui a été retenue. Le mécanisme de suivi proposé pour l’instant prévoit la création d’un Comité des Parties dont les modalités de fonctionnement seront déterminées par son règlement intérieur. L’Assemblée, le ou la Commissaire aux droits de l’homme, le Comité européen pour les problèmes criminels et d’autres comités intergouvernementaux compétents du Conseil de l’Europe seront invités à nommer un·e représentant·e au Comité des Parties, tandis que des représentants de la société civile et des ONG pourront être admis en qualité d’observateurs. Seuls les États parties à la convention auront le droit de vote au sein du futur Comité des Parties.
19. Il est important de noter que, comme pour tous les instruments juridiques récents du Conseil de l’Europe, cette convention sera ouverte à la signature des États non membres du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne (articles 53 et 54). Conformément à la pratique établie, le texte précise que l’adhésion est ouverte aux «États non membres qui ont participé à son élaboration»; d’autres États non membres pourront être invités à adhérer à la convention – après son entrée en vigueur – sur invitation du Comité des Ministres et par vote unanime des Parties ayant le droit de siéger au Comité des Ministres. La convention entrera en vigueur après les dix premières ratifications, incluant au moins huit États membres du Conseil de l’Europe.
20. En ce qui concerne l’application du projet de convention, les rédacteurs ont accepté une disposition de l’article 51.2 permettant aux États membres de l’UE d’appliquer, dans leurs relations mutuelles, la réglementation européenne qui régit les questions relevant du champ d’application de ce projet de convention. Si cette disposition devrait faciliter la ratification de la convention par les pays de l'UE et par l’UE elle-même, sa formulation laisse entendre aux autres Parties que le groupe des pays de l'UE a un statut d’exception. De même, l’article 56 traitant des réserves contient des clauses dérogatoires complexes pour l’Union européenne et les pays de l’UE relatives à la portée des termes «illicite», «droits internes» (qui devrait être mis ici au singulier comme dans le reste de la convention), «dispositions de droit interne», «protégé» et «exigences» utilisés aux fins de la définition des infractions visées aux articles 13, 14, 19 à 22 et 26 à 30 de la convention.

3. Axes d’amélioration du projet de convention

21. Tout en saluant l'achèvement des travaux du groupe de rédaction sur le nouveau projet de convention, je pense qu'il existe de bonnes raisons de relever le niveau d’ambition de cet instrument juridique du Conseil de l'Europe, qui devrait témoigner encore plus fermement des valeurs que nous défendons. Je sais que les lobbies d'entreprises n’ont pas ménagé leurs efforts dans différentes capitales européennes pour influer sur les positions durant les négociations et affaiblir le projet de texte. Il faut que les parlementaires sachent que certaines infractions ont été retirées du projet de texte à la demande des délégué·es de l'Union européenne. L’infraction liée à la pêche illicite a été ainsi supprimée du projet de convention.
22. Dans le même esprit, l'Assemblée devrait insister non seulement sur la reconnaissance de l'écocide, qui est simplement mentionnée dans le préambule renvoyant aux résolutions et recommandations pertinentes de l'Assemblée, mais aussi sur sa codification dans l'ordre juridique national et international. La référence à la position de l'Assemblée exprimée à plusieurs reprises (notamment dans la Recommandation 2246 (2023) et la Recommandation 2272 (2024)) serait ainsi plus complète. Je souhaite donc proposer que les mots «et à la codification juridique» soient ajoutés avant les mots «de l'écocide» dans le préambule.
23. Cela irait dans le sens d’une reconnaissance des efforts faits par les États membres du Conseil de l'Europe ayant déjà adopté des dispositions juridiques sur l'écocide dans leur droit national (c’est le cas par exemple de mon pays, l'Ukraine, mais aussi de l'Arménie, de la Belgique, de la France, de la Géorgie, de la République de Moldova), et encouragerait les autres à envisager de le faire dès que possible. Il est important de légiférer sur l'écocide pour prévenir, par la dissuasion, les atteintes particulièrement graves à l'environnement au niveau national.
24. Rappelons que la question de l'écocide est de plus en plus débattue sur la scène internationale, ce qui a permis à diverses initiatives d'obtenir un plus grand soutien et une plus grande reconnaissance. Depuis la guerre d'agression à grande échelle de la Fédération de Russie contre l'Ukraine, les dommages causés à l'environnement défigurent l'Ukraine. Parmi les exemples notables, citons la destruction de la centrale hydroélectrique de Kakhovka et la dévastation systématique des écosystèmes dans l'est de l'Ukraine; ils constituent ce que l'on peut qualifier d'écocide ou de crime particulièrement grave au regard du projet de convention en causant une destruction délibérée, à long terme, généralisée et substantielle de l'environnement. Les lacunes du cadre juridique international peuvent conduire à des comportements irresponsables et à l'impunité. Par exemple, les attaques de drones russes contre l'abri du réacteur 4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl pourraient entraîner une libération massive de radiations et une contamination environnementale affectant non seulement l'Ukraine, mais aussi un certain nombre de pays européens.
25. Dans ce contexte, il faudrait rappeler que de nombreuses parties prenantes dans le monde entier s’emploient à faire reconnaître l'écocide comme un cinquième crime international, ce qui permettrait des poursuites devant la Cour pénale internationale (CPI). La nouvelle directive de l'UE du 11 avril 2024 relative à la protection de l'environnement par le droit pénal 
			(6) 
			Directive
(UE) 2024/1203 du Parlement européen et du Conseil du 11 avril 2024
relative à la protection de l’environnement par le droit pénal et
remplaçant les directives 2008/99/CE et 2009/123/CE. prévoit des normes minimales et des sanctions plus sévères pour une liste d'infractions environnementales, notamment celles qui peuvent constituer une «infraction qualifiée» lorsqu'elles sont commises intentionnellement et causent une destruction ou des dommages étendus, substantiels et durables à l'environnement.
26. Afin de mieux accompagner les Parties, le rapport explicatif du projet de convention du Conseil de l'Europe pourrait également faire référence à la définition de l'écocide proposée par le groupe d'experts indépendants pour la définition juridique de l'écocide 
			(7) 
			La définition proposée
est libellée comme suit: «écocide» signifie des actes illicites
ou arbitraires commis en connaissance de la réelle probabilité que
ces actes causent à l’environnement des dommages graves qui soient
étendus ou durables. et esquisser une définition des termes «irréversibles», «étendus», «substantiels» et «de longue durée» utilisés à l'article 31 du projet de convention, comme cela avait été proposé à l’origine au cours du processus de négociation. Ce document devrait également jeter les bases du cadre réglementaire régissant la notion d'écocide et de criminalité environnementale comparable en élaborant des critères pertinents et le système d'évaluation du respect de ces critères, ainsi qu'en déterminant la responsabilité juridique des États à cet égard.
27. Un certain nombre d'articles relatifs à diverses infractions visent des actes commis de manière illicite et intentionnelle. Or, l'intention peut être très difficile à prouver. Dans ces conditions, l'ajout des mots «ou par négligence» faciliterait les poursuites contre les comportements irréfléchis lorsque cette négligence peut causer des atteintes particulièrement graves à l'environnement et/ou la mort de personnes ou de graves lésions à des personnes. Je propose d’ajouter les mots ci-dessus aux articles 12, 16, 17, 18, 20, 21 et 23. Les comportements qui sont le fruit d’une telle négligence sont également mentionnés dans la nouvelle directive (UE) 2024/1203 relative à la protection de l'environnement par le droit pénal 
			(8) 
			Voir <a href='https://eur-lex.europa.eu/eli/dir/2024/1203/oj/fre'>https://eur-lex.europa.eu/eli/dir/2024/1203/oj/fre</a>, page 17..
28. Dans l'article 16 relatif aux infractions liées au mercure, les dispositions concernent – lorsque ces actes sont commis de manière illicite et intentionnelle – «la fabrication, l'utilisation, le stockage, l'importation ou l'exportation de mercure, de composés du mercure et de mélanges de mercure, ainsi que de produits contenant du mercure», dès lors que ces actes peuvent causer la mort ou de graves atteintes à des personnes ou à l'environnement. Cependant, il n’est aucunement fait mention du rejet volontaire dans l'environnement de mercure ou de substances contenant du mercure. Je propose d'ajouter les mots «et le rejet» après le mot «l’exportation» afin d'éviter toute ambiguïté.
29. Pour faire suite à mes commentaires du paragraphe 21, ayant à l’esprit le Plan d'action international visant à prévenir, à contrecarrer et à éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée 
			(9) 
			Voir <a href='https://www.fao.org/iuu-fishing/international-framework/ipoa-iuu/fr/'>https://www.fao.org/iuu-fishing/international-framework/ipoa-iuu/fr/</a>., adopté en 2001 par la FAO (Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture), et compte tenu du règlement de l'UE destiné à prévenir, à décourager et à éradiquer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2010 
			(10) 
			Règlement (CE) n° 1005/2008
du Conseil du 29 septembre 2008 établissant un système communautaire
destiné à prévenir, à décourager et à éradiquer la pêche illicite,
non déclarée et non réglementée, modifiant les règlements (CEE) n° 2847/93,
(CE) n° 1936/2001 et (CE) n° 601/2004 et abrogeant les règlements
(CE) n° 1093/94 et (CE) n° 1447/1999, <a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=1408984470270&uri=CELEX:02008R1005-20110309'>https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=1408984470270&uri=CELEX:02008R1005-20110309</a>., je souhaite proposer d’ajouter au projet de convention, dans la section 5 consacrée aux ressources naturelles, un article relatif à la pêche illicite:
Pêche illicite, non déclarée et non réglementée
1. Les Parties prennent les mesures législatives nécessaires pour ériger en infraction pénale, conformément à leur droit interne, lorsque l’acte a été commis de manière illicite et intentionnelle, les activités de pêche menées par des navires de pêche nationaux ou étrangers dans les eaux maritimes relevant de la juridiction d'un État, sans l'autorisation de cet État, ou enfreignant une loi, une réglementation administrative ou une décision d’une autorité compétente de cet État, y compris la capture, la mise sur le marché, la transformation, l'importation ou l'exportation de produits de ces activités, à l'exception des cas où le comportement concerne une quantité négligeable.
2. Les Parties prennent les mesures législatives nécessaires pour ériger en infraction pénale, conformément à leur droit interne, lorsque l’acte a été commis de manière illicite et intentionnelle, les activités de pêche menées par des navires de pêche nationaux ou étrangers dans les eaux maritimes relevant de la juridiction d'un État, dès lors qu’elles n'ont pas été déclarées à cet État ou qu’elles ont été déclarées erronément à l'autorité nationale compétente, enfreignant une loi, une réglementation administrative ou une décision d’une autorité compétente de cet État, à l'exception des cas où le comportement concerne une quantité négligeable.
3. Les Parties prennent les mesures législatives nécessaires pour ériger en infraction pénale, conformément à leur droit interne, lorsque l’acte a été commis de manière illicite et intentionnelle, la pêche au moyen de techniques de pêche ou d'autres instruments qui sont destructeurs ou non sélectifs à l'égard de la faune et de la flore sauvages, ou qui causent ou sont susceptibles de causer la destruction massive de plantes et d'animaux marins et de leur environnement.
30. L'article 25 du projet de convention porte sur les «infractions liées au commerce de bois issu de coupes illicites». Il ne mentionne toutefois pas l'exploitation illégale des forêts et aborde uniquement les aspects liés au commerce de bois issu de coupes illicites. Pourtant, l'exploitation illégale des forêts peut être une réalité en Europe comme ailleurs et avoir une finalité non commerciale. Si le cadre juridique de l'UE couvre l'exploitation illégale des forêts et le commerce qui y est associé (règlement (UE) n° 995/2010 et règlement (CE) n° 2173/2005), ainsi que les produits «zéro déforestation» (règlement (UE) n° 2023/1115), dans l’objectif de lutter contre toute déforestation et dégradation des forêts aux fins de la production de produits de base, il ne s'applique qu'aux pays de l'UE 
			(11) 
			Voir <a href='https://environment.ec.europa.eu/topics/forests/deforestation/regulation-deforestation-free-products_en'>https://environment.ec.europa.eu/topics/forests/deforestation/regulation-deforestation-free-products_en</a>.. Dans la mesure où la convention du Conseil de l'Europe couvre un périmètre géographique beaucoup plus large, il convient de compléter cet article en ajoutant les mots «les coupes de bois illicites et» avant les mots «la mise sur le marché de bois issu de coupes illicites».
31. Les articles 27 à 29 du projet de convention traitent des infractions liées aux actes illicites concernant la faune, la flore et les habitats sauvages protégés. Cependant, ils ne couvrent pas les champignons qui ne sont ni des plantes ni des animaux mais une catégorie à part. Pour rendre le projet de convention plus complet et plus inclusif, les champignons pourraient être explicitement inscrits avec la faune et la flore sauvages protégées en vertu des articles 27 et 28.
32. S’agissant de l'article 39 (droit d’être partie à la procédure), l'Assemblée devrait réaffirmer son soutien à un ajout en faveur d’un contrôle juridictionnel en insérant, après les mots «conformément à la présente Convention», les mots «ainsi que de demander qu’il soit procédé à un contrôle juridictionnel de toute décision de ne pas engager de poursuites». Je pense que cet ajout renforcerait l'équilibre de la disposition, qui serait également plus complète.

4. Conclusions

33. Nous devrions accueillir favorablement l'achèvement des travaux relatifs au projet de Convention du Conseil de l'Europe sur la protection de l'environnement par le droit pénal. Lorsque le Comité des Ministres finalisera, adoptera et ouvrira la convention à la signature, le 14 mai 2025 comme on l'espère, dans le cadre du «paquet environnement» (qui inclut aussi le projet de stratégie du Conseil de l'Europe sur l'environnement et un plan d'action), la nouvelle convention annulera et remplacera la Convention de 1998 sur la protection de l'environnement par le droit pénal (STE n° 172).
34. Cette nouvelle convention sera le premier instrument international juridiquement contraignant à traiter de la criminalité environnementale, couvrant un large éventail d'infractions, notamment une infraction particulièrement grave qui est comparable à l'écocide. Néanmoins, à notre grand regret, la liste des infractions omet la pêche illicite et les coupes de bois illicites, ce qui reflète la complexité des arguments juridiques et commerciaux invoqués au détriment de la logique de protection de l'environnement. La nouvelle convention s'appliquera en tout temps, c'est-à-dire en temps de paix comme dans les situations de conflit armé, de guerre ou d'occupation; la convention de 1998 ne comportait pas une telle disposition.
35. La ratification de la nouvelle convention sera ouverte aux États membres du Conseil de l'Europe, aux États non membres ayant participé à l’élaboration du texte et à l'Union européenne. Les autres États non membres du Conseil de l'Europe ne pourront être invités à adhérer à la convention qu'après son entrée en vigueur avec 10 ratifications, acceptations ou approbations (y compris par au moins huit États membres du Conseil de l'Europe) et l'accord unanime des Parties qui sont des États membres du Conseil de l'Europe. Il faut espérer que le Groupe multidisciplinaire pour l'environnement et son successeur promouvront le nouvel instrument juridique et faciliteront l’adhésion rapide des États.
36. Il convient de souligner que la participation de l'UE aux travaux de rédaction de la convention a été importante, voire prépondérante. Si cet apport a été extrêmement précieux sur certains points du texte, il a contribué à réduire le niveau d’ambition de l'instrument juridique du Conseil de l'Europe, compte tenu notamment de l’option plus faible retenue pour le mécanisme de suivi, de la clause dérogatoire prévue pour les pays de l'UE en matière de réserves et de l'exclusion de l'infraction de pêche illicite. Bien que cette approche puisse faciliter l'adhésion de l'Union européenne et de ses États membres à la nouvelle convention, l'affaiblissement des dispositions crée des conditions inégales et réduit la valeur ajoutée de la convention. J'espère vraiment que le projet de convention pourra être encore renforcé en y incluant les ajouts proposés par l'Assemblée.
37. Je propose donc que l'avis statutaire de l'Assemblée comporte plusieurs amendements concernant l'appel lancé aux États membres du Conseil de l'Europe en vue de codifier la notion d'écocide dans l'ordre juridique national et international, l’ajout de mots concernant les infractions liées au mercure, à la pêche illicite et à l'exploitation illicite des forêts, le comportement négligent, ainsi que l’instauration d’un contrôle juridictionnel en matière pénale pour couvrir plus largement les comportements criminels. Enfin, l'Assemblée devrait, en temps utile, participer à l’effort collectif visant à promouvoir la signature de la nouvelle convention par les États membres du Conseil de l'Europe et par les États dont les parlements bénéficient du statut de d’observateur ou de partenaire pour la démocratie.