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A. Projet de
résolution
(open)
Rapport | Doc. 16153 | 08 avril 2025
La situation en Géorgie et le suivi de la Résolution 2585 (2025) «Contestation, pour des raisons substantielles, des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation parlementaire de la Géorgie»
Commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe (Commission de suivi)
A. Projet de
résolution 
(open)1. L’Assemblée parlementaire rappelle
sa Résolution 2585 (2025) «Contestation, pour des raisons substantielles, des
pouvoirs non encore ratifiés de la délégation parlementaire de la
Géorgie», dans laquelle elle exprimait sa profonde inquiétude face
au recul rapide de la démocratie et à la grave crise sociale en Géorgie,
qui soulèvent des questions quant à la volonté du pays d’honorer
ses obligations et engagements découlant de son adhésion au Conseil
de l’Europe. Dans ce contexte, elle prend également note du rapport publié
par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe
à la suite de sa visite dans le pays, de l’échange de vues au sein
du Comité des Ministres sur la situation en Géorgie avec la participation,
entre autres, du Comité européen pour la prévention de la torture
et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) et de
la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise), ainsi que du rapport intitulé «La situation de la démocratie
locale et régionale en Géorgie» adopté par le Congrès des pouvoirs
locaux et régionaux du Conseil de l’Europe lors de sa session de
mars 2025.
2. L’Assemblée regrette vivement que, malgré sa décision de ratifier
les pouvoirs de la délégation géorgienne, tous les membres de celle-ci
aient démissionné, rejetant ainsi tout dialogue, ce qui explique
qu’il n’y ait actuellement aucune délégation géorgienne à l’Assemblée.
De l’avis de l’Assemblée, la participation d’une délégation dont
les pouvoirs ont été ratifiés à ses travaux et à ses procédures
de suivi n’est pas une option, mais une obligation.
3. Dans la Résolution
2585 (2025), l’Assemblée recensait un certain nombre de domaines
clés dans lesquels elle attendait des progrès marqués et tangibles
lorsqu’elle évaluerait la situation dans le pays et réexaminerait
les pouvoirs de la délégation géorgienne au cours de sa partie de
session d’avril 2025. Elle déplore que ces recommandations urgentes
n’aient pas été suivies à ce jour et que la situation dans le pays ait
continué à se détériorer.
4. En ce qui concerne son appel adressé aux autorités pour qu’elles
lancent immédiatement un processus inclusif impliquant toutes les
parties prenantes et tous les acteurs sociaux, y compris la majorité
au pouvoir, l’opposition et la société civile, afin de remédier
d’urgence aux déficiences et aux lacunes constatées lors des récentes
élections législatives et de créer un environnement électoral propice
à de nouvelles élections législatives véritablement démocratiques
à annoncer au cours des prochains mois, l’Assemblée regrette qu’aucune
mesure en ce sens n’ait été prise. À cet égard, en particulier,
l’Assemblée:
4.1. regrette l’adoption
récente des amendements au Code électoral relatifs aux élections
locales qui, selon l’avis de la Commission de Venise, peuvent avoir
pour effet de consolider la position du parti au pouvoir, ne contribuent
pas à la promotion du pluralisme politique et portent atteinte au
principe de l’égalité du suffrage. Dans le droit fil de cet avis,
l’Assemblée exhorte les autorités à abroger ces amendements et à
veiller à ce que la délimitation des circonscriptions électorales
soit effectuée par une autorité impartiale et indépendante sur la
base de critères juridiques clairs et en consultation avec les parties
prenantes concernées;
4.2. est préoccupée par les récentes modifications apportées
au règlement intérieur du Parlement géorgien, qui réduisent la majorité
requise pour la nomination des membres de la Commission électorale centrale
et suppriment l’obligation légale de consulter les organisations
de la société civile dans le cadre du processus de nomination, ce
qui compromet encore plus l’indépendance de l’administration électorale;
4.3. prend note de la résolution adoptée le 26 mars 2025 par
le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe,
qui conclut que les nombreux manquements et problèmes affectant le
respect de la démocratie, de l’État de droit et des droits humains
ne contribuent pas à ce que les élections locales de 2025 se déroulent
dans un environnement basé sur la confiance et risquent en réalité
d’aggraver la situation. L’Assemblée réitère son appel lancé aux
autorités géorgiennes afin qu’elles rétablissent sans plus tarder
les conditions nécessaires à la tenue d’élections véritablement démocratiques.
5. L’Assemblée craint que les arrestations et l’utilisation abusive
des procédures judiciaires pour exercer des représailles contre
les manifestant·es, les journalistes et les dirigeant·es de la société
civile se poursuivent sans relâche. Elle note que les tribunaux
continuent de prolonger les détentions provisoires pour des motifs juridiques
apparemment discutables, confirmant ainsi les préoccupations déjà
exprimées dans de précédentes résolutions. Dans ce contexte, elle
s’inquiète des enquêtes pénales ouvertes contre plusieurs fonds
de solidarité géorgiens et du gel des avoirs détenus par ces derniers,
qui couvraient les coûts de l’assistance judiciaire, les amendes
et les pertes de revenus des personnes arrêtées ou licenciées en
lien avec les manifestations. L’Assemblée réitère son appel à la
libération immédiate de tous les manifestants détenus et recommande
que le CPT se rende dans leurs lieux de détention.
6. Si elle se félicite de la diminution du nombre de signalements
de brutalités policières lors des manifestations, l’Assemblée reste
préoccupée par le fait que ces violations n’ont pas fait l’objet
d’enquêtes effectives à ce jour, ce qui a créé un climat d’impunité.
Dans ce contexte, elle s’inquiète vivement d’informations émanant
d’organisations géorgiennes de défense des droits humains, selon
lesquelles une grande partie des personnes arrêtées en lien avec
les manifestations ont été victimes de torture et de mauvais traitements
pendant leur arrestation et en détention. Elle appelle les autorités
à mener des enquêtes complètes et effectives, en toute transparence,
sur l’ensemble de ces informations. L’Assemblée condamne le traitement dégradant
infligé à la dirigeante de l’opposition Elene Khoshtaria, qui a
été entièrement déshabillée de force par des policiers dans un centre
de détention provisoire après son arrestation au cours d’une manifestation.
7. La liberté de réunion et d’expression continue à être menacée.
L’Assemblée se dit préoccupée par les amendements à la loi sur les
infractions administratives adoptés récemment, qui ont des répercussions négatives
sur les droits à la liberté de réunion et à la liberté d’expression.
L’Assemblée note que, dans son avis urgent sur ces amendements demandé
par le Président de l’Assemblée, la Commission de Venise a considéré que
ces amendements ont été adoptés de manière trop hâtive, sans la
participation des parties prenantes concernées, et sont susceptibles
d’avoir un effet dissuasif sur l’exercice de la liberté de réunion
et de la liberté d’expression. L’Assemblée exhorte les autorités
à abroger ces amendements et réitère son appel pour qu’elles adoptent
une loi sur les infractions administratives entièrement nouvelle
et pleinement conforme aux normes européennes en matière de droits
humains et d’État de droit.
8. Il est regrettable que le paysage médiatique ait continué
à se détériorer. L’Assemblée note que la Géorgie est passée de la
77e à la 103e place
au Classement mondial 2024 de la liberté de la presse, tandis que
le Rapport sur la liberté de la presse en Europe a souligné une
dégradation rapide de la liberté des médias s’accompagnant d’une
montée de l’autoritarisme. Dans ce contexte, l’Assemblée est préoccupée
par les amendements à la législation sur les médias qui interdisent
aux médias, y compris aux médias en ligne, de recevoir des financements
étrangers directs ou indirects (à l’exception de la publicité commerciale,
du placement de produits et d’activités similaires) et qui augmentent
considérablement les pouvoirs de régulation des contenus de la Commission
nationale géorgienne des communications, dont l’indépendance et l’impartialité
sont largement mises en doute.
9. L’Assemblée note avec inquiétude les cas d’intimidation et
de représailles constamment rapportés, notamment un grand nombre
de licenciements, à l’encontre de fonctionnaires ayant critiqué
la réponse des autorités à la crise sociale qui touche le pays.
Elle déplore l’adoption récente d’une législation qui réduit la protection
des fonctionnaires en matière d’emploi et le refus répété de l’Agence
nationale du registre public d’enregistrer le «Syndicat indépendant
des fonctionnaires», fondé l’année dernière.
10. L’Assemblée se félicite de l’adoption par le Comité des Ministres
du Conseil de l’Europe de la résolution intérimaire sur l’exécution
des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Identoba et autres c. Géorgie, appelant
les autorités géorgiennes à abroger la loi sur la protection des
valeurs familiales et des mineurs, qui va à l’encontre des obligations
de la Géorgie découlant de la Convention européenne des droits de
l’homme (STE n° 5). L’Assemblée réitère sa position selon laquelle
cette loi devrait être abrogée sans plus tarder.
11. L’Assemblée s’inquiète vivement de l’adoption, par le Parlement
géorgien, de la loi sur l’enregistrement des agents étrangers. Cette
loi, qui poursuit les mêmes objectifs que la loi controversée sur
la transparence de l’influence étrangère, prévoit l’engagement de
la responsabilité pénale en cas de non-respect des dispositions
et aura un effet dévastateur sur la société civile en Géorgie. L’Assemblée
appelle les autorités géorgiennes à répondre pleinement aux préoccupations
et aux recommandations que la Commission de Venise formulera prochainement
dans son avis sur cette loi. L’Assemblée s’inquiète également de
l’adoption d’une législation qui supprime la participation et la
consultation obligatoires des organisations de la société civile
lors du processus législatif et de la nomination à des fonctions
clés de l’État, notamment celles des membres de la Commission électorale
centrale, des membres du Conseil des procureurs et des membres du Conseil
supérieur de la magistrature ne faisant pas partie du corps judiciaire.
L’Assemblée considère que la participation des organisations de
la société civile et d’autres parties prenantes est essentielle
pour l’acceptation sociale de la législation, surtout dans un contexte
où le parlement est de fait à parti unique, et exhorte le Parlement
géorgien à abroger cette législation.
12. L’Assemblée déplore la décision de la majorité au pouvoir
de constituer une commission d’enquête parlementaire, dotée de pouvoirs
étendus, sur «les activités du régime [du Mouvement National Uni
(MNU)] et de ses représentants politiques de 2003 à 2012», période
prolongée par la suite pour y inclure les activités menées de 2013
à ce jour. L’Assemblée note avec inquiétude que des poursuites pénales
ont été engagées contre d’anciens membres du MNU et contre d’autres
personnalités qui ont refusé de comparaître devant cette commission.
Dans ce contexte, l’Assemblée s’inquiète vivement de l’intention
affichée du parti au pouvoir d’interdire le «MNU collectif» et d’adopter
des mesures législatives qui interdisent tout parti successeur ou apparenté.
L’interdiction effective d’opposition démocratique en Géorgie serait
une violation flagrante des obligations statutaires du pays en tant
que membre du Conseil de l’Europe. Même si cette loi n’a pas encore été
promulguée, le risque même que cela arrive aggrave déjà en soi le
schisme politique du pays et empêche la résolution de la crise actuelle.
13. L’Assemblée note qu’il n’y a actuellement pas de délégation
géorgienne à l’Assemblée. Réitérant les conditions énoncées dans
la Résolution 2585 (2025), l’Assemblée considère que l’absence de progrès dans la
mise en œuvre des recommandations et des préoccupations de l’Assemblée,
telles qu’énoncées dans la Résolution
2585 (2025) et la Résolution
2561 (2024) «Les défis pour la démocratie en Géorgie», et le recul démocratique persistant en Géorgie en général,
ne serait pas propice à la ratification des pouvoirs d’une nouvelle
délégation géorgienne si ceux-ci étaient présentés lors d’une future
partie de session de l’Assemblée.
14. L’Assemblée appelle les autorités géorgiennes à répondre aux
inquiétudes et aux recommandations qu’elle a exprimées dans sa Résolution 2438 (2022) «Le
respect des obligations et engagements de la Géorgie», et ses
Résolutions 2561 (2024) et 2585 (2025) afin de surmonter la crise qui sévit dans le pays, et à
reprendre leur pleine coopération avec le Conseil de l’Europe et
son Assemblée.