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A. Projet de
résolution
(open)
Rapport | Doc. 16182 | 02 juin 2025
Analyse et lignes directrices pour une transition énergétique durable et socialement juste
Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable
A. Projet de
résolution 
(open)1. Une énergie propre, sûre et
abordable est essentielle pour garantir à l’Europe une prospérité
durable. Elle est également au cœur des efforts visant à faire face
à la triple crise planétaire (pollution, changement climatique et
perte de la biodiversité). Solidaires des efforts déployés par la
communauté internationale, les États membres du Conseil de l’Europe
se sont engagés à modifier leur législation et leurs politiques
pour prendre en compte les Objectifs de développement durable, les
traités sur le climat et le Pacte vert pour l’Europe.
2. Cet engagement a été renforcé davantage lors du Sommet de
Reykjavík, lorsque les États membres du Conseil de l’Europe ont
reconnu que «les droits de l’homme et l’environnement sont intimement
liés et qu’un environnement propre, sain et durable est essentiel
au plein exercice des droits de l’homme des générations actuelles
et futures». L’Assemblée parlementaire considère que la transformation
socio-économique, y compris la transition vers un système énergétique
plus durable, est indispensable à cet effort collectif et devrait suivre
une approche fondée sur les droits humains, car l'objectif d'un
système énergétique propre et sûr, et la transition vers celui-ci,
affectent fortement les droits humains fondamentaux.
3. L’Assemblée souligne l’importance d’un accès stable à l’énergie
propre pour l’exercice des droits sociaux fondamentaux au logement,
au travail, à la santé, à l’éducation, à la protection contre la
pauvreté et l’exclusion sociale, ainsi que des droits des personnes
vulnérables (notamment les enfants, les personnes en situation de
handicap et les personnes âgées), tels qu’ils sont consacrés par
la Charte sociale européenne (révisée) (STE no 35
et STE no 163). Elle est préoccupée par
le fait qu’en Europe, des millions de personnes sont toujours en
situation de pauvreté énergétique du fait de la combinaison de faibles
revenus, de coûts énergétiques élevés et d’une mauvaise efficacité
énergétique des bâtiments, ainsi que le choix de modes de transport.
Conformément aux exigences de la Charte, les États ont l’obligation,
dans la mesure du possible, de prévenir toute situation de pauvreté
énergétique et d’y remédier. Une stratégie nationale de transition énergétique
bien conçue avec des dimensions sociale et économique fortes est
cruciale à cette fin.
4. L’Assemblée est consciente des défis liés à la mise en place
de systèmes énergétiques durables et socialement équitables dans
les États membres. La transition vers les technologies d'énergie
renouvelable nécessite des investissements solides et stables, une
adaptation sociale et des mesures de gouvernance décisives pour
guider et soutenir les citoyens et les entreprises dans leur adaptation
aux systèmes d'énergie renouvelable. Il est nécessaire d'adopter
de nouvelles technologies, d'améliorer l'efficacité énergétique
des entreprises, des logements et des modes de transport et de modifier
les produits et les procédures, y compris leur localisation. Une
attention particulière est nécessaire pour que les citoyens considèrent
la transition comme une évolution positive.
5. L’Assemblée considère que la transition vers les systèmes
énergétiques propres représente des opportunités réelles pour les
pays européens de stimuler la résilience de l’économie nationale
face aux chocs extérieurs, de renforcer la sécurité énergétique,
d’améliorer la compétitivité grâce aux technologies vertes, de responsabiliser
les consommateurs et consommatrices et d’améliorer la santé publique.
Cette entreprise complexe nécessite d’adopter une vision globale
et de mettre en œuvre des politiques ambitieuses et stables à long
terme, des synergies sectorielles et des stratégies d’investissement
cohérentes visant à soutenir le déploiement à grande échelle des
sources d’énergie renouvelables et à éliminer progressivement les combustibles
fossiles qui, selon l’Agence internationale de l’énergie, représentent
encore environ 70 % de l’énergie produite en Europe. L’Assemblée
souligne qu’il est désormais moins coûteux d’investir dans des projets
solaires et éoliens dans l’Union européenne que de continuer à investir
dans le charbon et le gaz.
6. L’Assemblée estime que, dans l’exercice de leur responsabilité
de garantir l’accès de toutes et tous à une énergie propre, sûre
et abordable – ce qui est un objectif clé de la transition – les
États devraient agir au moyen d’outils réglementaires et budgétaires
sur trois axes principaux: assurer un approvisionnement énergétique
adéquat en maximisant les investissements dans des sources d’énergie
propres et disponibles localement; concevoir des stratégies de tarification
équitables qui sous-tendent une production et une utilisation responsables
de l’énergie; et accompagner les utilisateurs et utilisatrices vulnérables
dans leur transition vers des systèmes plus durables et plus efficaces
sur le plan énergétique. Les mesures prises devraient donner la
priorité aux secteurs des transports et du logement, qui sont les
plus gros consommateurs d’énergie et les principaux émetteurs de
gaz à effet de serre en Europe.
7. L’Assemblée se félicite des objectifs consistant à réduire
les émissions nationales de gaz à effet de serre d’au moins 55 %
et à augmenter la part des énergies renouvelables afin qu’elle représente
45 % du bouquet énergétique national d’ici 2030 dans le cadre du
Pacte vert pour l’Europe. Elle salue également le Plan d'action de
l'Union européenne pour une énergie abordable et elle souligne que
le passage à des sources d’énergie plus respectueuses de l’environnement
et une utilisation plus efficace de l’énergie relèvent du bon sens économique.
En effet, cela permet aux ménages, aux entreprises et aux États
de réaliser des économies à long terme et de renforcer la sécurité
énergétique grâce à des ressources locales abondantes et gratuites,
tout en profitant à la société dans son ensemble en termes d’amélioration
de la santé publique et du bien-être, et de réduction de la pollution.
Toutefois, au cours de la phase de transition, les États devraient
protéger les citoyens, notamment les groupes vulnérables, contre
les problèmes coûteux de verrouillage et contribuer à couvrir les
coûts élevés de la transition, en particulier dans les zones rurales.
8. L’Assemblée appelle les États membres à orienter leurs choix
politiques en matière d’énergie durable pour toutes les parties
prenantes au niveau national et à soutenir leur mise en œuvre cohérente
à long terme en développant des synergies grâce à la coopération
au niveau paneuropéen. Par conséquent, elle recommande aux États
membres:
8.1. de consolider leur
stratégie nationale de transition vers une énergie propre, sûre
et abordable et de la promouvoir par le biais d'une campagne de
communication publique soulignant les avantages de l'adoption de
sources d'énergie renouvelables;
8.2. de mettre en place plus d’incitations à l’investissement
dans la mobilité durable, la rénovation des bâtiments anciens, les
technologies vertes et les réseaux intelligents afin d’améliorer
l’efficacité énergétique, le cas échéant grâce à des partenariats
public-privé;
8.3. considérant que les centres de données et les applications
de l'intelligence artificielle augmentent considérablement la consommation
d'énergie, de faire un meilleur usage de l'intelligence artificielle
en tant qu'outil puissant pour développer des politiques susceptibles
de favoriser considérablement la transition énergétique;
8.4. d’examiner les possibilités offertes par la Banque de
développement du Conseil de l'Europe pour le financement de projets
favorisant une transition énergétique durable et socialement équitable;
8.5. de promouvoir la production locale d’énergie propre par
les parties prenantes privées et publiques, notamment par le biais
d'initiatives coopératives locales;
8.6. de supprimer les subventions publiques aux combustibles
fossiles et de réduire les investissements publics dans ces sources
d’énergie;
8.7. de favoriser la mobilité durable en améliorant l’infrastructure,
l’accessibilité et le coût des transports publics, en encourageant
la marche et le vélo, et en accélérant le passage à la mobilité partagée
et aux véhicules propres;
8.8. afin de protéger les membres vulnérables de la société
de la pauvreté énergétique, d’envisager l’utilisation de mesures
structurelles telles que:
8.8.1. le
plafonnement des prix et les réductions fiscales pour compenser
l’effet de la flambée des prix de l’énergie;
8.8.2. des aides ciblées et un complément de ressources pour
soutenir les personnes les plus vulnérables;
8.8.3. des subventions pour mettre en œuvre des programmes de
rénovation de logements et faciliter l’acquisition de véhicules
électriques;
8.8.4. l’interdiction de couper l’approvisionnement en énergie
aux utilisateurs et utilisatrices vulnérables;
8.8.5. des programmes de formation professionnelle pour permettre
aux travailleurs et travailleuses d’acquérir de nouvelles compétences
et d’accéder à des emplois verts dans le secteur de l’énergie;
8.9. de faire participer les citoyen·nes et les municipalités
à l’élaboration et à la mise en œuvre de partenariats énergétiques
locaux afin de les responsabiliser en tant que prosommateurs (producteurs-consommateurs);
8.10. de mettre au point des systèmes de fiscalité verte socialement
équitables, qui favorisent la transition vers les énergies propres
en stimulant les investissements et en transférant la charge financière
des solutions vertes vers les activités polluantes;
8.11. de s’engager dans des projets régionaux transfrontaliers
visant à optimiser les interconnexions, à améliorer la stabilité
des réseaux et à garantir un soutien mutuel en cas de perturbation
de l’approvisionnement énergétique;
8.12. d’investir dans des capacités d’appoint et de stockage
pour gérer les fluctuations de l’offre et de la demande d’énergie
renouvelable;
8.13. de soutenir la création d’emplois dans les secteurs qui
sous-tendent la transition vers un système énergétique durable et
mettre en place des fonds de transition sociale pour aider les salariés
à passer des secteurs basés sur les énergies fossiles aux secteurs
propres;
8.14. de mener des audits énergétiques réguliers et indépendants
au niveau national afin de suivre les progrès et de garantir la
responsabilité dans la transition vers l’énergie propre.
B. Exposé des motifs par Mme Saskia Kluit, rapporteure
(open)1. Introduction: la transition vers une énergie propre et abordable est vitale et urgente pour assurer la prospérité de l’Europe
1. Notre civilisation est confrontée
à un énorme défi que l’on appelle la triple crise planétaire: lutter
contre la crise climatique et la pollution, préserver l’intégrité
des écosystèmes et protéger la biodiversité. Le succès de cette
lutte est vital pour le développement humain et la prospérité. Solidaires
des efforts déployés par la communauté internationale, les États
membres du Conseil de l’Europe se sont engagés à modifier leur législation
et leurs politiques pour prendre en compte les Objectifs de développement
durable, les traités sur le climat et le Pacte vert pour l’Europe.
Avec la Déclaration de Reykjavík, nos États membres ont reconnu
que «les droits de l’homme et l’environnement sont intimement liés»
et qu’«un environnement propre, sain et durable est essentiel au
plein exercice des droits de l’homme des générations actuelles et
futures». La transformation économique, et en particulier la transition
vers un système énergétique plus durable, est au cœur de cet effort
commun.
2. Une proposition de résolution (Doc. 15515) a repris cette question
, en soulignant que «la transition vers une
économie durable et socialement juste» et «la recherche d’énergies
vertes, propres et renouvelables» ne devraient pas entrer en conflit
avec les écosystèmes naturels ni avec les réalités sociales de nos
pays, en particulier des zones rurales. L’impact négatif sur la
vie humaine et les écosystèmes de l’extraction de minéraux rares
utilisés pour fournir des matériaux pour la transition énergétique
(comme le lithium pour les batteries), les risques possibles découlant
de l’exploitation de mégaparcs éoliens et des forages profonds pour exploiter
l’énergie géothermique en Europe sont de plus en plus préoccupants.
Cependant, la transition vers l’économie verte s’accompagne également
d’avantages socio-économiques, et pas seulement de risques. Il existe
un potentiel d’emplois bien rémunérés dans le secteur, y compris
des emplois manuels (tels que l’installation et l’entretien de panneaux
solaires), ce qui pourrait réduire le chômage de longue durée, par exemple.
L’amélioration de l’efficacité énergétique permettrait également
de réduire les factures d’énergie des industries et des ménages,
de diminuer la pollution et les émissions de gaz à effet de serre,
et d’accroître la prospérité.

3. Toutefois, à court terme, le remplacement des combustibles
fossiles polluants par des sources d’énergie plus durables et renouvelables
implique des investissements massifs et peut entraîner des coûts
plus élevés pour tous les consommateurs d’énergie dans les phases
initiales de la transition verte. Comme l’ont montré les discussions
tenues durant les réunions de la commission des questions sociales,
de la santé et du développement durable, les politiques visant à
adopter des alternatives énergétiques «plus vertes et plus propres»
peuvent entraîner des difficultés économiques majeures pour les
ménages à faibles et moyens revenus et les petites entreprises lorsque
les politiques publiques ne fournissent pas de soutien ciblé tout
au long de la période d’adaptation pour accompagner cette transition
énergétique.
4. Dans ce contexte, il convient de rappeler qu’après le lancement
du Pacte vert pour l’Europe en 2019 et l’adoption de la «loi européenne
sur le climat» au niveau de l’Union européenne en 2021, la Commission européenne
a pris une série de mesures législatives et financières pour assurer
une transition équitable vers la neutralité climatique. Il s’agit
notamment de la création du Fonds social pour le climat «pour soutenir
les ménages vulnérables, les usagers des transports et les microentreprises»,
conformément aux principes d’équité et de solidarité qui définissent
le Pacte vert pour l’Europe
.
Il reste cependant à voir si ce financement proposé sera accessible
aux pays non-membres de l’Union européenne ayant le statut de candidat
à l’adhésion. En outre, nous devrions saluer le plan d'action de
l'Union européenne pour une énergie abordable, dévoilé en février
2025, qui vise à accélérer les investissements dans «les énergies
renouvelables, les économies d'énergie, l'intégration plus poussée
des marchés et de meilleures interconnexions», ce qui profitera
à tous les utilisateurs d'énergie.

5. L’Organisation internationale du Travail (OIT) a publié des
«Principes directeurs pour une transition juste vers des économies
et des sociétés écologiquement durables pour tous» ainsi que le
manuel d’utilisation associé. Ces principes directeurs fournissent
une feuille de route et un cadre politique pour aider les pays, selon
leur niveau de développement, à gérer équitablement leur transition
vers des économies plus vertes et plus propres, en tenant compte
des principes du développement durable et du travail décent
. Ils insistent sur la nécessité
d’une protection sociale suffisante pour les segments vulnérables
de la population et traitent des mécanismes de dialogue social dans
l’élaboration des politiques à tous les niveaux.

6. Au niveau mondial, la Conférence des Parties à la Convention-cadre
des Nations Unies sur les changements climatiques, qui s’est réunie
en novembre 2021 (COP-26 à Glasgow, Royaume-Uni), a également adopté
la déclaration intitulée «Soutenir les conditions d’une transition
juste au niveau international», qui met l’accent sur la transition
vers un approvisionnement en énergie propre, durable, abordable
et fiable. La déclaration exhorte les pays à abandonner les sources
d’énergie très polluantes (charbon et autres combustibles fossiles)
et à améliorer l’accès à l’énergie propre pour tous et toutes. L’Organisation
de coopération et de développement économiques (OCDE) estime que
la réalisation des objectifs d’émissions nettes nulles et d’économie
circulaire d’ici 2050 pourrait nécessiter des investissements annuels
supplémentaires représentant entre 1 % et 1,5 % du PIB par an au
niveau national
.

7. Le Conseil pour la transition énergétique (CTE)
a
été créé à la même occasion « pour permettre un dialogue efficace
entre les pays qui ont besoin d’un soutien pour leur transition
énergétique, d’une part, et les principaux acteurs internationaux
offrant un soutien, d’autre part, afin de trouver, de coordonner
et de mettre en œuvre plus rapidement des solutions adaptées ».
Les domaines d’engagement prioritaires du CTE sont particulièrement
pertinents dans le contexte du présent rapport. Il s’agit de la
planification énergétique intégrée, des engagements à long terme
en faveur des énergies renouvelables, de la sortie progressive des combustibles
fossiles, des investissements massifs, de la gestion des fluctuations
des réseaux verts, de l’efficacité énergétique, des technologies
intelligentes et des stratégies industrielles socialement compatibles.

8. Les circonstances géopolitiques poussent également l’Europe
à agir. En raison de la guerre d’agression menée par la Fédération
de Russie contre l’Ukraine, l’Europe se détourne des combustibles
fossiles russes dans un laps de temps très court. Cela est positif
dans la mesure où il est désormais moins coûteux de se tourner vers
les énergies renouvelables que de construire, par exemple, une nouvelle
centrale au charbon, mais négatif dans la mesure où les délais ont
été trop courts pour ne pas avoir recours au gaz naturel liquéfié (GNL)
et au nucléaire pour combler le vide.
9. Au niveau du Conseil de l’Europe, les questions relatives
à l’énergie durable ont été débattues à l’Assemblée parlementaire
dans le cadre de rapports sur la sécurité énergétique de l’Europe
, la diversification de
l’énergie
, la sûreté
nucléaire
,
le changement climatique
, les combustibles non conventionnels
et les sources d’énergie
renouvelables
. Plus récemment, l’Assemblée a défendu
le droit à un environnement sain
,
établissant un lien entre les droits humains, les défis environnementaux
et la santé publique et appelant l’Organisation à faire «preuve
d’ambition et d’une vision stratégique pour l’avenir en se montrant
à la hauteur de ce défi majeur porteur de transformations pour les
droits humains et en veillant à renforcer la protection de ces droits
à l’heure où des menaces environnementales systémiques pèsent sur
les générations actuelles et futures».







10. Ce rapport examine la situation actuelle en Europe en ce qui
concerne la transition vers les énergies propres. Sur la base des
contributions d’experts, des discussions en commission et des auditions
organisées par le Réseau parlementaire pour un environnement sain
,
ainsi que de mes propres recherches et investigations, le rapport
cherche à évaluer les points forts et les points faibles de la transition
de l’Europe vers une énergie propre pour tous et toutes. Il vise
à formuler des recommandations aux États membres afin qu’ils intègrent
les bonnes pratiques en matière de transition énergétique durable
et socialement juste dans leur processus d’élaboration des politiques.

2. Accélérer le passage à une énergie propre pour une mobilité et un logement durables
11. L’Europe a besoin d’un approvisionnement
en énergie propre, sûre, fiable et abordable pour assurer sa prospérité
durable. Cependant, son bouquet énergétique est encore dominé par
les combustibles fossiles qui contribuent de manière significative
à la pollution de l’air, aux émissions de gaz à effet de serre et
à la dépendance à l’égard de fournisseurs extérieurs. Selon l’Agence
internationale de l’énergie (AIE), environ 70 % de l’énergie produite
en Europe en 2022 provenait des combustibles fossiles; l’énergie
nucléaire et les biocarburants ainsi que l’incinération des déchets
y contribuaient pour près de 11 % chacun, tandis que l’hydroélectricité
représentait environ 3 %. La production d’électricité dépend aussi
largement des sources de combustibles fossiles (environ 40 %), le
secteur nucléaire en détenant environ 19 %, l’hydroélectricité environ 15 %,
l’énergie éolienne environ 14 %, l’énergie solaire environ 6 % et
les biocarburants près de 5 %. Les transports et le logement sont
les plus gros consommateurs d’énergie en Europe (respectivement
28 % et 25 %), devançant même la consommation d’énergie de l’industrie.
12. Les transports et le logement sont également responsables
de la majeure partie des émissions de CO2 en
Europe (respectivement 29 % et 11 %)
. Globalement, la production et l’utilisation
de l’énergie en Europe sont responsables de la majorité des émissions
de gaz à effet de serre. Selon l’AIE, dans la région européenne,
les cinq principaux émetteurs de CO2 sont
l’Allemagne, la Türkiye, l’Italie, le Royaume-Uni et la Pologne,
suivis de la France, de l’Espagne, des Pays-Bas, de l’Ukraine et
de la Tchéquie.

13. En termes de pollution atmosphérique, la situation en Türkiye,
en Pologne, en République Slovaque, en Tchéquie et en Grèce semble
être la pire, et en Suède, en Islande, en Finlande, en Estonie et
en Norvège, la meilleure
. Si l’on considère ce tableau sous
l’angle de la santé publique, la Lettonie, la Hongrie, la Lituanie, la
Pologne et la République Slovaque affichent les taux de mortalité
les plus élevés imputables à la pollution de l’air, qui est fortement
corrélée à l’utilisation de combustibles fossiles en général et
de moteurs diesel en particulier. Améliorer la transition énergétique,
c’est aussi réduire les risques sanitaires.

14. Étant donné que les 46 États membres du Conseil de l’Europe
ont ratifié l’Accord de Paris sur le changement climatique et que
ceux qui sont également membres de l’UE sont en outre liés par le
Pacte vert pour l’Europe, la transition vers une énergie plus propre
est un objectif stratégique et de développement majeur. En effet,
les pays de l’UE représentaient à eux seuls la troisième source
d’émissions de gaz à effet de serre dans le monde en 2021, derrière
la Chine et les États-Unis
. Réduire les émissions nettes de
gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici à 2030 et parvenir à
des émissions nettes nulles d’ici à 2050 est donc un défi de taille
pour les pays de l’UE dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe.

15. Le passage à des sources d’énergie plus respectueuses de l’environnement
et une utilisation plus efficace de l’énergie relèvent du bon sens
économique, car ils permettent de réaliser des économies, et profitent
également à l’ensemble de la société en termes d’amélioration de
la santé publique et du bien-être. Toutefois, le passage à l’énergie
propre nécessite des investissements adéquats (tant publics que
privés), des politiques et des mesures d’incitation à long terme
afin d’assurer le changement et d’obtenir des résultats tangibles.
L’OCDE considère qu’avec la transition environnementale et énergétique
les investissements dans les combustibles fossiles deviennent superflus
et qu’il faut y mettre fin car tout retard dans l’action entraîne
une augmentation des émissions et des coûts globaux
.

2.1. Vers une utilisation plus durable de l’énergie dans les logements
16. Dans le secteur du logement,
il apparaît qu’environ 75 % des bâtiments sont peu performants sur
le plan énergétique
.
Des améliorations sont nécessaires pour renforcer l’isolation des
bâtiments (murs, toits et fenêtres), les systèmes de chauffage,
de refroidissement et de ventilation, ainsi que l’approvisionnement
et l’utilisation de l’énergie en général. Ces mesures ont déjà créé
des opportunités économiques considérables pour les ménages et les
industries, mais leur accessibilité financière reste incertaine
pour les ménages les plus vulnérables. La crise actuelle du coût
de la vie pénalise malheureusement la capacité des ménages défavorisés
à accéder à un logement de qualité, qui est un droit humain fondamental,
comme le souligne le rapport actuellement en préparation de notre
collègue Aurora Floridia (Italie, SOC)
.
Organiser les investissements nécessaires pour réduire les coûts
de chauffage et de climatisation d’un logement est financièrement
irréalisable en soi pour la plupart des ménages à revenu faible
ou moyen.


17. Un aspect majeur de l’utilisation de l’énergie dans les logements
touche à la pauvreté énergétique, qui désigne une situation dans
laquelle les ménages ont du mal à payer des services énergétiques
adéquats, tels que le chauffage, la climatisation, l’éclairage et
l’électricité. Elle est généralement due à la combinaison de faibles
revenus, de coûts énergétiques élevés et d’une mauvaise efficacité
énergétique des bâtiments. En Europe, des millions de personnes
sont confrontées à la pauvreté énergétique, en particulier dans
les pays d’Europe centrale et orientale, mais aussi en Europe du
Sud, où les conditions climatiques extrêmes exacerbent le problème.
Selon Eurostat, environ 7 % de la population de l’UE n’a pas les
moyens de chauffer convenablement leur logement. Toutefois, ce chiffre
varie considérablement d’un pays à l’autre, avec des taux dépassant
les 20 % dans certaines régions
.

18. La pauvreté énergétique peut entraîner de graves conséquences,
notamment des problèmes de santé (dus à des conditions de vie froides
et humides), l’exclusion sociale et un stress financier accru. Les
groupes vulnérables, tels que les personnes âgées, les familles
à faible revenu, les jeunes adultes en transition vers une vie en
autonomie et les personnes vivant dans les zones rurales, sont particulièrement
touchés. Dans les pays où une grande partie de la population vit
dans des logements loués, les locataires n’ont souvent qu’un contrôle
limité sur l’amélioration de leur logement, ce qui ne fait qu’exacerber
le problème.
19. Le Comité européen des droits sociaux (CEDS) a récemment examiné
un cas spécifique de coupures d’électricité pour environ 4 500 habitants
(dont environ 1 800 enfants) d’un bidonville de Madrid dans le cadre de
la procédure de réclamations collectives (plainte n° 206/2022).
Dans sa décision, le CEDS met l’accent sur le lien entre les droits humains
et l’accès à l’énergie, tout en soulignant que les populations ont
besoin d’un «accès stable, cohérent et sûr à une énergie adéquate»
afin de pouvoir jouir de leurs droits au logement, à la santé et
à l’éducation tels qu’inscrits dans la Charte sociale européenne
(STE no 35). Le CEDS précise notamment
que lorsque les États choisissent d’assurer l’approvisionnement
en électricité par l’intermédiaire d’entreprises privées, ils ne
peuvent pas se soustraire à leur devoir de protéger les droits humains
et doivent garantir les droits énoncés dans la Charte qui relèvent
de la responsabilité de l’État. La situation de pauvreté énergétique
va à l’encontre du droit des personnes à la protection contre la
pauvreté et l’exclusion sociale garanti par l’article 30 de la Charte
.

20. La crise énergétique européenne, exacerbée par les tensions
géopolitiques et l’abandon progressif des combustibles fossiles,
a entraîné une flambée sans précédent des prix de l’énergie. Selon
Eurofound (Fondation européenne pour l’amélioration des conditions
de vie et de travail), les coûts de l’énergie ont augmenté de près
de 42 % dans les pays de l’UE au premier semestre 2022 par rapport
à l’année précédente, avant de diminuer légèrement en 2023 et de
se stabiliser à un niveau élevé en 2024. En raison de la volatilité des
prix du gaz et de l’électricité, les ménages à faibles revenus ont
plus de mal à payer leurs factures d’énergie: environ 9,5 millions
de personnes ayant un emploi avaient du mal à payer leurs factures
d’énergie en 2022, et 41 millions avaient des difficultés à se chauffer
correctement chez elles
.
Malgré les interventions des pouvoirs publics, telles que les subventions
et le plafonnement des prix, de nombreuses familles ont encore du
mal à satisfaire leurs besoins énergétiques de base.

21. L’AIE estime que près de 20 % du parc immobilier existant
en Europe doit être rénové pour réduire de manière significative
les émissions de carbone d’ici 2030, étant donné qu’au moins 40 %
des bâtiments dans les économies développées ont été construits
avant 1980, date à laquelle les premières réglementations thermiques
ont été adoptées. Cet objectif de rénovation est ambitieux mais
réaliste si des orientations politiques et des partenariats d’investissement
public-privé peuvent soutenir ces efforts.
22. Au niveau de l’UE, la pauvreté énergétique est reconnue comme
un défi majeur et a conduit à des propositions de cadres politiques
tels que le Pacte vert pour l’Europe et REPowerEU, qui visent à
réduire la dépendance aux combustibles fossiles et à accélérer l’adoption
des énergies renouvelables. La directive sur l’efficacité énergétique
et la stratégie de programme de rénovation fixent des objectifs
ambitieux pour l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments,
en ciblant les ménages à faibles revenus pour l’obtention d’un soutien
financier. Le Fonds social pour le climat, doté de plus de 86,7
milliards d’euros pour la période 2026-2032 et dont le lancement
est prévu en 2026, est conçu pour soutenir les ménages vulnérables, les
micro-entreprises et les usagers des transports qui sont touchés
de manière disproportionnée par la hausse des coûts de l’énergie.
Le fonds permettra, entre autres, de fournir une aide directe au
revenu, de financer des rénovations des résidences principales et
d’encourager l’utilisation d’appareils à haut rendement énergétique, contribuant
ainsi à alléger le fardeau des prix élevés de l’énergie.
23. Il existe également de bons exemples d’actions au niveau national.
La France, par exemple, a gelé les tarifs (du gaz et de l’électricité)
et mis en place un système de «chèques énergie», dans le cadre duquel
les ménages à faibles revenus reçoivent une aide financière directe
pour payer leurs factures d’électricité et de gaz ou pour investir
dans des travaux d’amélioration visant à économiser l’énergie. Cette
approche ciblée garantit que l’aide financière parvient à ceux qui
en ont le plus besoin, réduisant ainsi le risque qu’on leur coupe l’approvisionnement
en électricité. L’Espagne propose un Bono
Social (tarif social), qui offre des tarifs d’électricité
réduits aux consommateurs vulnérables. Le Gouvernement espagnol
a également introduit des mesures d’urgence pour limiter les augmentations
de prix et a investi massivement dans la rénovation des logements
à faible revenu avec des solutions d’efficacité énergétique. En
Allemagne, l’accent a été mis sur des programmes de rénovation à
grande échelle dans le cadre du programme d’efficacité énergétique
de la KfW, qui fournit des prêts à faible taux d’intérêt et des
subventions d’État aux propriétaires et aux bailleurs pour qu’ils améliorent
leurs bâtiments. Cette approche permet non seulement de réduire
la pauvreté énergétique, mais aussi de contribuer à l’atteinte des
objectifs climatiques plus larges du pays. L’Autriche dispose d’un
système de Klimabonus («bonus
climatique»).
24. La lutte contre la pauvreté énergétique nécessite une approche
à multiples facettes qui associe des politiques de protection sociale
à des stratégies ambitieuses de transition énergétique. Les gouvernements doivent
veiller à ce que les subventions, les réglementations sur les prix
de l’énergie et les rénovations de bâtiments ciblent spécifiquement
les ménages vulnérables. Parallèlement, les investissements dans
les sources d’énergie renouvelables et la production d’énergie décentralisée
(comme les projets solaires communautaires) peuvent contribuer à
réduire les coûts de l’énergie à plus long terme. En coordonnant
les efforts au niveau régional et national, l’Europe peut évoluer
vers un système énergétique plus durable et socialement plus juste.
2.2. Les défis de la mobilité durable en Europe
25. La mobilité durable en Europe
est confrontée à de multiples défis, notamment les émissions élevées
de gaz à effet de serre provenant des transports, la congestion
urbaine, la dépendance aux combustibles fossiles et l’insuffisance
des infrastructures de transport public dans certaines régions.
Le secteur des transports représente environ 29 % des émissions
de gaz à effet de serre en Europe et près de 25 % des émissions totales
de l’UE, le transport routier étant le principal responsable de
ces émissions qui, au lieu de diminuer, n’ont cessé d’augmenter
ces dernières années. La transition vers une mobilité durable nécessite
de réduire la dépendance à l’égard de la voiture, d’encourager la
marche et le cyclisme, d’améliorer les transports publics et d’accélérer
le passage à la mobilité partagée et des alternatives énergétiques
propres.
26. De nombreuses villes européennes souffrent de niveaux élevés
d’embouteillages et de pollution de l’air en raison de l’utilisation
excessive de la voiture. L’Organisation mondiale de la santé (OMS)
estime que la pollution de l’air est à l’origine de plus de 300
000 décès prématurés par an en Europe, les transports y contribuant
largement. La réduction de l’utilisation de la voiture au profit
de la marche, du vélo et des transports publics est essentielle
pour améliorer la qualité de l’air et la santé publique. Lorsque
l’utilisation de la voiture est inévitable, les véhicules électriques
et hybrides (partagés) représentent une bonne solution de compromis, mais
ils doivent être encouragés par des incitations publiques adéquates
en termes de politiques, de subventions financières ciblées et de
réglementations.
27. Le Pacte vert pour l’Europe vise à réduire les émissions des
transports de 90 % d’ici à 2050. La stratégie pour une mobilité
durable et intelligente définit dix domaines d’action clés, dont
le développement de l’utilisation de l’infrastructure des véhicules
électriques, l’amélioration de l’efficacité du transport ferroviaire
et la promotion du cyclisme et de la mobilité partagée. L’UE investit
également dans des solutions numériques pour améliorer l’efficacité
des transports et réduire les émissions. Dans le cadre du paquet Fit for 55 («Ajustement à l’objectif
55»), l’UE a fixé des normes
d’émission de CO2 plus strictes pour les
nouveaux véhicules, et prévoit d’éliminer progressivement les ventes
de voitures à moteur à combustion interne d’ici à 2035. Le règlement
sur l’infrastructure pour carburants alternatifs (AFIR) vise à garantir
que les stations de recharge pour véhicules électriques et les stations
de ravitaillement en hydrogène soient largement disponibles dans
toute l’Europe
. Il est impressionnant de constater
que la possession et l’utilisation d’une voiture électrique reviennent
aujourd’hui moins chères que celles d’une voiture à carburant fossile
dans 19 des 22 pays européens
.


28. En termes de solutions et de bonnes pratiques au niveau national,
on peut citer l’exemple de la France qui a mis en place des zones
à faibles émissions (ZFE) dans les grandes villes, limitant l’utilisation
de véhicules polluants. Paris est allé plus loin en interdisant
les véhicules diesel à partir de 2024 et les véhicules à essence à
partir de 2030. La ville a également lancé «Paris Respire», qui
prévoit des dimanches sans voiture dans plusieurs quartiers. L’Allemagne,
après le succès de son billet temporaire à 9 euros en 2022, a introduit
le «Deutschlandticket» à 49 euros en 2023 (qui est devenu 58 euros
par mois en 2025), permettant des voyages illimités dans les transports
publics locaux et régionaux à un prix abordable. Cette initiative
vise à encourager l’utilisation des transports publics, à réduire
la dépendance à l’égard de la voiture et à diminuer les émissions. L’Espagne
possède l’un des réseaux ferroviaires à grande vitesse les plus
étendus au monde, qui constitue une alternative rapide et durable
aux vols intérieurs. Le Gouvernement espagnol a également mis en
place des billets de train gratuits pour les trajets de courte et
moyenne distance, afin d’encourager l’utilisation des transports
publics plutôt que la voiture.
29. Les Pays-Bas sont un leader mondial en matière de cyclisme,
avec plus de 35 % des déplacements dans des villes comme Amsterdam
effectués à vélo. Le Gouvernement néerlandais a beaucoup investi
dans les pistes cyclables, les parkings pour vélos et les aménagements
urbains favorables aux cyclistes. Les employeurs offrent également
des incitations financières pour les déplacements à vélo. Avec une
indemnité kilométrique pour les cyclistes, versée par les entreprises
à leurs employés, des systèmes de partage de vélos (souvent combinés
avec les transports en commun pour le premier et le dernier kilomètre)
et des investissements massifs dans des infrastructures cyclables
sûres et adaptées aux enfants, le vélo est un mode de transport
urbain à part entière.
30. Les villes scandinaves comme Oslo, Stockholm et Copenhague
sont de bons exemples de mobilité durable, car elles sont à la pointe
de l’électrification du parc automobile et du développement des
transports publics. Oslo, par exemple, a le taux d’adoption de véhicules
électriques le plus élevé au monde, grâce à d’importantes subventions
publiques, à des exemptions de péage et à une vaste infrastructure
de recharge. De son côté, Copenhague s’est fixé comme objectif la
neutralité carbone pour ses transports publics d’ici fin 2025 et
promeut le vélo grâce à de nombreuses pistes cyclables et à des
signaux de priorité.
31. La réalisation de la mobilité durable en Europe nécessite
un effort coordonné à la fois au niveau européen et au niveau national.
Les politiques devraient se concentrer sur la réduction de la dépendance
à l’égard des voitures à essence, l’amélioration de l’accessibilité
financière des transports publics, le développement des infrastructures
cyclables et l’électrification des transports. Les investissements
dans les solutions numériques, les villes intelligentes et les sources
d’énergie propres accéléreront davantage la transition. En partageant
les meilleures pratiques et en soutenant des politiques ambitieuses,
l’Europe peut montrer la voie en matière de création d’un système
de mobilité durable, efficace et inclusif pour l’avenir.
32. Tout comme dans le domaine du logement, la transition vers
un système de transport propre peut rendre vulnérables les personnes
à faible revenu en raison de coûts ou d’obstacles supplémentaires.
Les personnes qui utilisent les transports publics ont par exemple
moins accès à l’emploi que celles qui utilisent la voiture. Grâce
au faible prix au kilomètre, les personnes qui conduisent des voitures
électriques ont un meilleur accès aux emplois que les personnes
qui conduisent une petite voiture à carburant fossile. Il est donc
très important que l’égalité et l’accessibilité fassent explicitement
partie de la prise de décision lorsque des choix politiques sont
faits.
3. Garantir la sécurité énergétique pour toutes et tous
33. La sécurité énergétique est
devenue une préoccupation stratégique majeure pour l’Europe. Elle
est cruciale pour la stabilité socio-économique et l’indépendance
politique de l’Europe car elle soutend la fourniture continue d’une
énergie abordable aux industries, aux ménages et aux services essentiels.
La récente crise énergétique déclenchée par la guerre d’agression
de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, les goulets d’étranglement
entre l’offre et la demande d’énergie et la volatilité des prix
ont mis en évidence les vulnérabilités associées aux faiblesses
structurelles (telles qu’une capacité de stockage insuffisante)
et à la dépendance excessive de certains pays européens à l’égard
d’un seul fournisseur, soulignant la nécessité d’une solidarité
et d’une coopération régionales accrues entre les pays.
34. Les États membres du Conseil de l’Europe s’efforcent de réduire
leur dépendance à l’égard des importations de combustibles fossiles,
en particulier de la Fédération de Russie qui utilise les approvisionnements
en pétrole et en gaz comme outil de pression politique
.
Les solutions d’énergie propre et décentralisée présentent également
l’avantage d’être difficiles à déconnecter dans un contexte de guerre hybride.
Cependant, le gaz naturel reste important pour la production d’électricité,
le chauffage et la production industrielle en Europe. Avec le déclin
de l’approvisionnement en gaz par gazoduc en provenance de Fédération
de Russie, les pays européens se sont tournés vers les importations
de gaz naturel liquéfié. Des pays comme l’Allemagne, les Pays-Bas
et l’Italie ont construit de nouveaux terminaux de gaz naturel liquéfié, mais
cela soulève des inquiétudes quant à la dépendance à long terme
vis-à-vis des combustibles fossiles et à la volatilité des prix
sur les marchés mondiaux du gaz naturel liquéfié.

35. En 2022, l’énergie éolienne et solaire a dépassé pour la première
fois les combustibles fossiles comme principale source de production
d’électricité dans les pays de l’UE, marquant ainsi une étape importante
dans la transition vers l’énergie propre
. L’amélioration
des infrastructures énergétiques et de l’interconnexion entre les
pays européens reste un défi permanent. L’UE s’est fixé pour objectif
d’atteindre une capacité d’interconnexion électrique d’au moins
15 % pour ses États membres d’ici 2030, notamment afin d’améliorer les
interconnexions transfrontalières et de renforcer la stabilité du
système énergétique avec une part croissante d’énergies renouvelables
remplaçant les combustibles fossiles importés
.


36. Les sources d’énergies renouvelables étant de plus en plus
considérées comme un pilier essentiel de la sécurité énergétique,
de nombreux pays européens ont considérablement augmenté leur capacité
de production d’énergie renouvelable. Les pays de l’UE ont pour
objectif de produire au moins 42,5 % et idéalement 45 % de leur
énergie à partir de sources renouvelables d’ici 2030, l’éolien et
le solaire jouant un rôle central. Le Danemark, l’Allemagne et l’Espagne
ont pris la tête de cette transition. En dehors de l’UE, l’Islande
est sans conteste le pays leader: près de 100 % de son électricité
provient déjà de sources renouvelables telles que l’hydroélectricité
et les ressources géothermiques. L’expansion des sources d’énergies
renouvelables en Europe nécessite des investissements supplémentaires
dans les capacités de production et de stockage, l’intégration des
réseaux et la gestion de l’intermittence. Grâce aux économies d’échelle,
il est désormais moins coûteux d’investir dans des projets solaires
et éoliens dans l’Union européenne que de continuer à investir dans
le charbon et le gaz.
37. Pour certains pays, l’énergie nucléaire constitue une source
d’électricité stable et à faible teneur en carbone. Alors que certains
pays comme la France, la Finlande et la Hongrie investissent dans
de nouvelles centrales nucléaires, d’autres, comme l’Allemagne,
abandonnent progressivement l’énergie nucléaire pour des raisons
de sécurité. Les petits réacteurs modulaires apparaissent comme
une solution potentielle intéressante pour concilier sécurité énergétique
et durabilité. En outre, les investissements dans la production
d’hydrogène vert pourraient favoriser la décarbonisation de l’industrie
et offrir une alternative aux combustibles fossiles dans le secteur
des transports. De plus, la poursuite des investissements dans les
mesures d’efficacité énergétique contribuerait à réduire le gaspillage
et la demande d’énergie.
38. La crise énergétique de 2022 a entraîné une hausse record
des prix de l’électricité et du gaz, obligeant les gouvernements
à intervenir au moyen de subventions, de plafonds de prix et de
politiques énergétiques d’urgence. Toutefois, la stabilité des prix
à long terme reste incertaine, à moins que tous les pays européens ne
réduisent leur dépendance à l’égard des combustibles fossiles importés
et des perturbations des chaînes d’approvisionnement mondiales.
Parallèlement, le passage aux sources d’énergies renouvelables accroît
la dépendance à l’égard de matières premières essentielles telles
que le lithium, le cobalt et les terres rares, qui proviennent principalement
de Chine, de la République démocratique du Congo et du Chili. Il
est essentiel de diversifier les chaînes d’approvisionnement et
d’intensifier les efforts de recyclage pour récupérer les minéraux rares
afin d’assurer la transition énergétique propre de l’Europe.
39. Alors que les décideurs politiques prônent une transition
verte, certaines industries, ainsi que certains syndicats et groupes
politiques s’opposent à des changements rapides en raison de préoccupations concernant
les pertes d’emplois, les coûts élevés et la fiabilité de l’approvisionnement
en énergie. Les protestations des agriculteurs français et la résistance
aux parcs éoliens dans les zones rurales allemandes soulignent la
nécessité d’élaborer des politiques de transition énergétique soigneusement
conçues et inclusives. La sécurité énergétique de l’Europe est clairement
à un tournant, façonnée par les changements géopolitiques, les politiques
climatiques et les avancées technologiques. Si le continent a progressé
dans la diversification des approvisionnements énergétiques, l’investissement
dans les énergies renouvelables et l’amélioration de l’efficacité,
assurer un équilibre entre la sécurité, la durabilité et l’accessibilité
financière nécessitera une nouvelle impulsion en matière de réformes
politiques, d’investissements dans les infrastructures et de coopération
étroite.
4. Le rôle des États en tant que catalyseurs du changement
40. La transition vers une énergie
durable et socialement équitable place nos États en pôle position.
Les gouvernements, en tant que régulateurs et décideurs politiques,
jouent un rôle central dans la définition de politiques claires,
l’application des réglementations, la mise en place d’une fiscalité
verte et l’incitation aux investissements qui favorisent la transition
vers les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et un
accès équitable à l’énergie pour l’ensemble de la population. Sans
une intervention forte de l’État, les seules forces du marché risquent
de ne pas apporter la rapidité et l’équité nécessaires à une transition
énergétique juste.
41. Avant tout, les États doivent guider les investisseurs, les
industries et les consommateurs et leur offrir une sécurité juridique
à long terme en fixant des objectifs clairs en matière de climat,
de développement durable et d’énergie. Pour les pays de l’UE, le
Pacte vert pour l’Europe et le paquet Fit
for 55 constituent des références importantes à cet égard.
Ces documents stratégiques établissent des objectifs généraux pour
la transition verte visant à réduire les émissions et à augmenter
l’utilisation des sources d’énergies renouvelables, mais les gouvernements
nationaux sont chargés de traduire ces objectifs en politiques nationales
et de les mettre en œuvre par le biais de plans nationaux pour l’énergie
et le climat (y compris des feuilles de route précises) afin d’assurer
la conformité dans tous les secteurs économiques et la participation
pleine et entière de la population. Les pays non membres de l’UE
pourraient s’inspirer des objectifs du Pacte vert pour l’Europe et
les adapter à leur situation nationale, en fixant des priorités
claires et visibles. Je pense que les gouvernements devraient chercher
à utiliser plus la «carotte» que le «bâton» pour accompagner le changement
et obtenir l’adhésion volontaire la plus large possible à leurs
politiques. L’Allemagne, avec son Energiewende,
est un bon exemple de mesures incitatives qui donnent des résultats:
les investissements incitatifs réalisés par le pays dans l’énergie
solaire et éolienne au cours des deux dernières décennies en ont fait
un leader européen en matière de capacité d’énergie renouvelable
. Dans le même temps, il reste extrêmement
important que les États organisent des conditions de concurrence
équitables et prévisibles sur le marché de l’énergie en fixant des
priorités claires.

42. Un marché de l’énergie modernisé au niveau national est essentiel
pour intégrer les énergies éolienne, solaire, géothermique, hydroélectrique
et d’autres énergies renouvelables dans le réseau. À cette fin,
les gouvernements doivent s’efforcer de supprimer progressivement
les subventions aux combustibles fossiles afin de créer des conditions
de concurrence équitables, d’encourager les contrats d’achat d’électricité
à long terme pour les énergies renouvelables et de promouvoir la
production d’énergie décentralisée (tels que les projets solaires,
thermiques et éoliens communautaires avec des prosommateurs (producteurs-consommateurs)
locaux). Grâce à ces réformes, les États veillent à ce que les énergies
propres concurrencent équitablement les sources d’énergie traditionnelles
tout en démontrant leurs avantages concurrentiels et leurs bénéfices
pour un changement durable. Le Gouvernement danois, par exemple,
a supprimé les subventions aux combustibles fossiles tout en subventionnant
l’énergie éolienne (qui fournit aujourd’hui plus de 50 % de l’électricité
du Danemark) et en garantissant un soutien réglementaire stable
au secteur; des partenariats public-privé ont été utilisés pour
développer l’éolien en mer (ce qui a également rendu l’énergie éolienne
plus efficace et plus rentable), le gouvernement cofinançant les
projets. La Pologne, traditionnellement dépendante de ses ressources
locales en charbon, investit 30 milliards d’euros dans des parcs
éoliens en mer et supprime progressivement les subventions au secteur
du charbon; son industrie éolienne en mer devrait générer des dizaines
de milliers d’emplois verts pour les travailleurs qui quittent le
secteur du charbon.
43. Il convient de redoubler d’efforts pour améliorer l’efficacité
énergétique des appareils électriques en Europe. Il est également
nécessaire de réduire la consommation passive d’électricité des
biens non essentiels. Des mesures d’efficacité énergétique telles
que des coupures automatiques d’électricité et des normes progressives
d’utilisation de l’électricité pour les équipements électriques
peuvent contribuer à garantir que la consommation d’énergie diminue
tout en gardant le même niveau de confort.
44. Bien que des efforts soient faits pour découpler la croissance
économique et démographique de la consommation d’énergie, il est
toujours nécessaire d’investir dans les infrastructures énergétiques.
Les États doivent faciliter la modernisation des réseaux, l’interconnexion
et la capacité de stockage de l’électricité afin de garantir un
approvisionnement stable et résilient en énergies renouvelables.
Il est essentiel d’accroître les investissements, y compris par
la participation du public, pour les réseaux intelligents afin d’optimiser
la distribution de l’énergie; pour les gestionnaires d’interconnexions
transfrontalières afin d’assurer un partage régional harmonieux
de l’énergie et d’éviter les pannes d’électricité; pour les solutions
de stockage de l’énergie (batteries, hydrogène et hydroélectricité
pompée) afin d’absorber l’électricité excédentaire pendant les pics
de production et de la récupérer lorsqu’elle est nécessaire pendant
les pics de consommation. Je pense que les gouvernements devraient
envisager de fixer des plafonds tarifaires afin d’éviter les mouvements
spéculatifs sur le marché de l’énergie et de protéger tous les utilisateurs.
45. Les gouvernements jouent un rôle clé dans la définition des
incitations économiques par le biais de la tarification de la pollution
et de la fiscalité verte. Par exemple, le système européen d’échange
de quotas d’émission fixe un prix pour les émissions de CO2,
encourageant les industries à décarboniser. Les incitations fiscales
en faveur des énergies renouvelables, des véhicules électriques,
des mesures d’efficacité énergétique et les subventions ciblées
pour soutenir l’adoption des énergies propres par tous les utilisateurs
accélèrent la transition. En transférant la charge financière des
solutions vertes vers les activités polluantes, les États favorisent
un changement systémique vers la durabilité. Ces mesures améliorent
également l’efficacité et la fiabilité, faisant des énergies renouvelables
l’épine dorsale du système énergétique européen. La Suède a ainsi
introduit la taxe carbone la plus élevée d’Europe (120 euros par
tonne de CO2), incitant les industries
à se tourner vers les énergies propres et favorisant le passage
à la mobilité verte avec les véhicules électriques (plus de 60 %
des nouvelles voitures vendues en Suède en 2023 étaient électriques
ou hybrides).
46. Une transition réussie vers l’énergie propre doit être socialement
inclusive, en veillant à ce qu’aucun groupe d’utilisateurs d’énergie
ne soit laissé pour compte. Les gouvernements devraient protéger
efficacement les populations vulnérables de la pauvreté énergétique
grâce à des subventions ciblées et à des tarifs sociaux, en ne laissant
les coupures de courant et l’exclusion de l’approvisionnement en
électricité qu’aux cas d’abus manifestes du système. Les autorités
pourraient soutenir les travailleurs des industries des combustibles fossiles
par des programmes de reconversion afin qu’ils acquièrent de nouvelles
compétences très demandées pour le déploiement et l’entretien des
technologies propres. La promotion de projets énergétiques communautaires
permettrait aux citoyens de bénéficier pleinement de la transition
tout en garantissant que tous les points de vue et les besoins soient
dûment pris en compte. Un fonds pour une transition juste a été créé
au niveau de l’UE pour soutenir les régions et les secteurs économiques
touchés; il pourrait être mieux utilisé par les pays de l’UE et
leurs partenaires hors de l’UE pour accélérer l’écologisation des
économies nationales grâce à l’axe de l’énergie propre. En outre,
les États membres de la Banque de développement du Conseil de l'Europe
peuvent bénéficier de prêts avantageux pour des projets faisant
progresser la transition vers une énergie plus durable et socialement
équitable.
47. Dans ce contexte, l’accélération de l’innovation et du développement
des technologies vertes est un autre domaine majeur d’intervention
de l’État, en veillant à ce que l’Europe reste un leader mondial
en matière d’innovation dans le domaine des technologies vertes.
Les États doivent favoriser la recherche, le développement et le
déploiement de nouvelles technologies énergétiques propres en finançant
des projets pilotes dans les domaines de l’éolien en mer, de l’hydrogène
et du stockage avancé dans des batteries; en soutenant les partenariats
public-privé pour développer les solutions émergentes; en rationalisant
les processus de délivrance des permis pour faciliter le déploiement
des capacités de production d’énergie propre. La Finlande a choisi
d’avancer avec une nouvelle génération de biocarburants et une économie
circulaire avec des réglementations strictes pour soutenir les programmes
de valorisation énergétique des déchets, par lesquels les biodéchets
sont utilisés pour produire de l’énergie propre. Le succès est tel
qu’elle est devenue un leader mondial de la bioénergie durable,
avec de grandes entreprises nationales exportant des biocarburants
dits avancés dans le monde entier, et le pays a réduit ses émissions
dans le secteur des transports de 40 % en seulement dix ans. En
combinant une stratégie de l’hydrogène avec un surplus d’énergie
solaire, le Maroc et le Portugal sont les fers de lance de la production
et de l’exportation d’hydrogène vert à grande échelle. La France
développe également la production d’hydrogène vert à partir de l’énergie nucléaire
abondante au niveau national dans le cadre du plan d’investissement
2030.
48. La sécurité et la durabilité énergétiques en Europe nécessitent
une intensification de la coopération transfrontalière. Les gouvernements
devraient poursuivre la diversification des chaînes d’approvisionnement en
énergie afin de réduire la dépendance à l’égard des importations
de combustibles fossiles instables, développer les partenariats
en matière d’énergie propre entre les pays de l’UE et les pays tiers
(par exemple, en important de l’hydrogène vert depuis les pays d’Afrique
du Nord), harmoniser les réglementations dans toute l’Europe afin
de faciliter un marché de l’énergie harmonieux et intégré basé sur
la part croissante des énergies renouvelables, et renforcer la coordination
locale et internationale dans l’intérêt d’une plus grande sécurité
énergétique et d’une meilleure résilience au changement climatique.
En Italie, des lois soutiennent les communautés énergétiques infranationales,
permettant aux groupes locaux, aux municipalités et aux entreprises
de produire et de partager de l’énergie renouvelable. Cela a aidé
les communautés rurales et à faibles revenus à bénéficier de la
transition énergétique.
49. Enfin, les États doivent veiller à ce que les entreprises
énergétiques, les industries et les collectivités locales respectent
les objectifs de durabilité en imposant des réglementations plus
strictes en matière d’émissions aux industries très polluantes,
en réalisant des audits énergétiques réguliers et indépendants pour suivre
les progrès, en appliquant des sanctions en cas de non-respect tout
en récompensant les leaders en matière de durabilité et en prévoyant
des mécanismes transparents de suivi et d’établissement de rapports pour
garantir la responsabilité dans la transition vers l’énergie propre.
5. La voie à suivre
50. L’Europe doit agir avec détermination
pour construire un avenir énergétique résilient et à faible émission de
carbone, tout en veillant à ce que la transition soit socialement
équitable et économiquement viable. Les années à venir seront cruciales
pour déterminer si le continent peut atteindre l’indépendance énergétique
à long terme et la neutralité climatique. Dans leur transition vers
une énergie propre, fiable et durable, nos États membres sont confrontés
à des défis complexes et multiformes en matière de sécurité énergétique,
qui nécessitent une approche globale conciliant les besoins immédiats
en matière de sécurité et les objectifs de durabilité à long terme.
51. Bien que des progrès significatifs aient été réalisés dans
la diversification des sources d’énergie et l’accélération de la
transition vers une énergie propre, des efforts réglementaires et
des investissements continus seront nécessaires pour assurer un
avenir énergétique sûr, abordable et durable pour l’Europe, fondé sur
des ressources énergétiques renouvelables. Les États, en tant que
régulateurs suprêmes, devraient utiliser pleinement leurs prérogatives
pour aider tous les producteurs et utilisateurs d’énergie à embrasser
cet avenir énergétique propre par une approche progressive, des
calendriers clairs et un effort collectif.
52. À mesure que l’Europe avance, le succès de sa stratégie pour
la durabilité et la sécurité énergétiques dépendra de la mise en
œuvre efficace des politiques, de l’optimisation de la réglementation
et du renforcement des investissements, notamment dans l’innovation
technologique, ainsi que de la poursuite de la coopération entre
les États européens, les institutions et les partenaires internationaux.
En relevant ces défis de front, l’Europe peut construire un système
énergétique plus résilient et plus durable qui soutienne sa croissance
économique, son développement social et ses objectifs environnementaux.