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A. Projet de
résolution
(open)
Rapport | Doc. 16197 | 06 juin 2025
Favoriser les négociations politiques en vue de l'échange et de la libération des prisonniers de guerre
Commission des questions politiques et de la démocratie
A. Projet de
résolution 
(open)1. La guerre d’agression illégale,
non provoquée et injustifiée menée à grande échelle par la Fédération de
Russie contre l’Ukraine fait toujours rage, après plus de trois
ans. La Fédération de Russie est responsable de graves violations
du droit international, du droit international des droits humains
et du droit international humanitaire, y compris des obligations
qui lui incombent en vertu des Conventions de Genève et de leurs Protocoles
additionnels. Dans ce contexte, la situation des prisonniers de
guerre ukrainiens est particulièrement alarmante: ils sont victimes
d’exécutions sommaires, de tortures généralisées et systématiques
et de mauvais traitements, qui constituent des crimes de guerre.
Ce constat appelle une intervention urgente de la communauté internationale,
en premier lieu dans le but d’obtenir la libération de tous les
prisonniers de guerre. À cette fin, les négociations politiques
revêtent une importance capitale.
2. Selon les autorités ukrainiennes, des milliers de militaires
ukrainiens sont actuellement en captivité en Fédération de Russie
dans plus de 180 centres de détention, à la fois dans les territoires
ukrainiens temporairement occupés et en Fédération de Russie. Au
6 mai 2025, 4 757 Ukrainiens (prisonniers de guerre et civils) avaient
été libérés de la captivité russe depuis le début de la guerre à
grande échelle, et 64 échanges de prisonniers de guerre avaient
eu lieu.
3. Selon les informations communiquées par les personnes revenues
de captivité, la Fédération de Russie bafoue de façon systématique
la troisième Convention de Genève relative au traitement des prisonniers
de guerre, notamment pour ce qui est du droit des prisonniers de
guerre à un traitement humain (article 13); de leur droit à des
conditions de détention décentes (articles 22, 25 et 29); de leur
droit à une alimentation suffisante (article 26); de leur droit
à un examen médical initial et à des soins médicaux adéquats (articles 15, 20,
30, 31 et 46); de leur droit de faire informer les membres de leur
famille de leur état et de leur captivité, ainsi que de recevoir
des informations (articles 48, 69 et 70); de leur droit à être transférés
ou évacués dans des conditions décentes (articles 20 et 46 à 48)
et de l’interdiction de les contraindre à servir dans les forces armées
d’un État ennemi (article 130); et d'autres encore.
4. La Fédération de Russie a par ailleurs manqué à ses obligations
de créer un Bureau officiel de renseignements sur les prisonniers
de guerre se trouvant en son pouvoir (article 122 de la troisième Convention
de Genève) et de désigner une Commission médicale mixte chargée
d’examiner les prisonniers de guerre malades ou blessés (article 112).
En outre, la Fédération de Russie a jusqu’à présent rejeté les initiatives
engagées par d’autres États pour assumer le rôle de Puissance protectrice,
tel que le prévoient les Conventions de Genève, et elle empêche
le personnel du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et d’autres
mécanismes internationaux de surveillance d’accéder à la plupart
de ses centres de détention.
5. Les responsables politiques et militaires russes au plus haut
niveau ont connaissance des mauvais traitements particulièrement
cruels infligés aux prisonniers de guerre ukrainiens, qui font notamment
l’objet de menaces, de violences verbales et physiques, de violences
sexuelles, d’actes de torture et d’exécutions sommaires. En février 2025,
la Mission de surveillance des droits de l’homme des Nations Unies
en Ukraine (HRMMU) avait confirmé l’exécution de 71 prisonniers
de guerre ukrainiens et recensé au moins 21 prisonniers de guerre
morts en détention. Bien que les chiffres exacts soient inconnus
à l’heure actuelle, ils sont certainement beaucoup plus élevés.
Parmi les prisonniers de guerre ukrainiens libérés qui ont été interrogés
par la HRMMU, 95 % ont fait état de tortures ou de mauvais traitements
à tous les stades de leur captivité. De manière générale, les éléments
de preuve recueillis grâce aux enquêtes menées par des mécanismes
internationaux, des médias indépendants et la société civile laissent
penser que les mauvais traitements infligés aux prisonniers de guerre
ukrainiens ne sont pas limités à des lieux de détention spécifiques,
mais qu’ils sont généralisés et systématiques. Cette situation indique
que non seulement les autorités russes ne prennent aucune mesure
préventive efficace, mais qu’elles sont potentiellement à l’origine de
l’application d’une politique de mauvais traitements à l’égard des
prisonniers de guerre.
6. Les prisonniers de guerre ukrainiens courent le risque d’être
maltraités, torturés ou même exécutés dès le moment où ils sont
faits prisonniers sur le champ de bataille, puis pendant leur transport,
leur transit et leur captivité dans des centres de détention, que
ce soit dans les territoires ukrainiens temporairement occupés ou en
Fédération de Russie. Ils risquent également d’être condamnés sur
la base d’accusations forgées de toutes pièces ou simplement pour
avoir pris part aux hostilités.
7. À l’inverse, la situation des prisonniers de guerre russes
est globalement bien documentée, car le CICR et d’autres organismes
internationaux de surveillance peuvent accéder librement à leurs
lieux de détention. Dans l’ensemble, l’Ukraine respecte ses obligations
au titre du droit international des droits humains et du droit international
humanitaire. Les informations faisant état d’exécutions sommaires,
de tortures ou de mauvais traitements infligés à des prisonniers
de guerre russes doivent néanmoins faire l’objet d’enquêtes en bonne
et due forme et les auteurs de ces actes doivent en répondre devant
la justice.
8. Dans sa Résolution 2562 (2024), l’Assemblée parlementaire faisait état de la nécessité
de traiter d’urgence le problème des prisonniers de guerre ukrainiens
et, dans sa Résolution 2573 (2024), elle a décidé de rester saisie de cette question. L’Assemblée
se félicite des échanges de prisonniers de guerre, qui peuvent être
cruciaux dans le contexte d'un éventuel processus de paix. Elle
réaffirme également qu’il est nécessaire que toutes les négociations
de paix envisageables à l’avenir abordent sans condition la question
de la libération et du rapatriement mutuels de tous les prisonniers
de guerre, selon le principe «tous contre tous», comme elle l’a
déjà indiqué dans sa Résolution 2598 (2025). Néanmoins, l’Assemblée considère également que la situation
des prisonniers de guerre est si urgente qu’elle doit être traitée
immédiatement par toutes les parties concernées, indépendamment
de l’évolution des négociations relatives au cessez-le-feu et aux négociations
de paix.
9. L’Assemblée invite les organisations non gouvernementales
et la société civile européennes à faire connaître la situation
critique des prisonniers de guerre ukrainiens, afin d’accentuer
la pression politique et diplomatique sur la Fédération de Russie.
10. L’Assemblée appelle la communauté internationale à contribuer
sans équivoque aux initiatives visant à obtenir la libération et
le rapatriement mutuels de tous les prisonniers de guerre ainsi
qu’à intensifier ces efforts, afin que les droits et la dignité
de tous les prisonniers de guerre, de leurs familles et de leurs
proches soient pleinement respectés et garantis, sur la base des
obligations découlant de la troisième Convention de Genève. L’Assemblée
soutient pleinement les activités du CICR à cet égard.
11. L’Assemblée salue et approuve par ailleurs les recommandations
déjà formulées par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits
de l’homme (HCDH) dans divers rapports, ainsi que les recommandations
formulées par le Bureau des institutions démocratiques et des droits
de l’homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération
en Europe (BIDDH/OSCE) dans ses rapports intérimaires relatifs aux
signalements d’atteintes au droit international humanitaire et au
droit international des droits humains en Ukraine.
12. Dans ce contexte, et en s’appuyant sur les recommandations
du HCDH et du BIDDH/OSCE, l’Assemblée appelle la Fédération de Russie:
12.1. à se conformer au droit international
des droits humains et au droit international humanitaire et à en
garantir le plein respect, notamment en ce qui concerne le traitement
des prisonniers de guerre;
12.2. à mettre immédiatement fin aux exécutions sommaires, aux
tortures, aux mauvais traitements, aux violences sexuelles et aux
violences verbales et psychologiques dont font l’objet les prisonniers
de guerre;
12.3. à cesser d’engager des poursuites contre des militaires
ukrainiens faits prisonniers au seul motif qu’ils ont participé
directement aux hostilités;
12.4. à mener des enquêtes impartiales et approfondies sur tous
les cas de décès en détention, d’exécution sommaire, de torture,
de mauvais traitement, de violence sexuelle et de violence verbale
et psychologique concernant des prisonniers de guerre, et à veiller
à ce que les auteurs de ces actes en répondent devant la justice;
12.5. à veiller à ce que le CICR et les autres mécanismes internationaux
de surveillance compétents aient librement accès à tous les lieux
de détention où se trouvent des prisonniers de guerre et puissent s’entretenir
confidentiellement avec eux;
12.6. à veiller au plein respect de toutes les conditions de
détention relatives aux prisonniers de guerre qui sont énoncées
dans la troisième Convention de Genève, en créant des camps d’internement spécialement
destinés aux prisonniers de guerre, en leur donnant un accès adéquat
à de la nourriture, à de l’eau, à des soins médicaux et à une assistance
juridique, et en leur permettant d’exercer leur droit de communiquer
avec leur famille et leurs proches;
12.7. à créer une Commission médicale mixte chargée d’examiner
les prisonniers de guerre blessés ou malades et de prendre des décisions
quant à leur rapatriement;
12.8. à créer un Bureau officiel de renseignements sur les prisonniers
de guerre qui se trouvent en son pouvoir.
13. L’Assemblée appelle également l’Ukraine à veiller à continuer
d’agir en pleine conformité avec les Conventions de Genève et à
ce que toute violation du droit international des droits humains
et du droit international humanitaire commise par ses forces armées
ou ses autorités civiles fasse l’objet d’enquêtes rapides et en
bonne et due forme.
14. L’Assemblée reconnaît le rôle crucial joué par les pays qui
contribuent à faciliter les échanges de prisonniers de guerre qui
ont lieu actuellement entre l’Ukraine et la Fédération de Russie,
tels que la Türkiye et les Émirats arabes unis, et exprime sa profonde
gratitude à leurs gouvernements pour leurs efforts.
15. En s’inspirant de l’exemple des pays intervenant dans l’échange
de prisonniers de guerre entre l’Ukraine et la Fédération de Russie,
l’Assemblée appelle tous les États:
15.1. à soutenir les négociations politiques visant à faciliter
et à encourager l’accélération de l’échange de prisonniers de guerre;
15.2. à accorder des ressources supplémentaires au Bureau de
l’Agence centrale de recherches du CICR, afin de renforcer sa capacité
à localiser les prisonniers de guerre ukrainiens disparus et à vérifier leur
situation;
15.3. à améliorer l’échange d’informations et la coordination
entre les parties prenantes, en vue de définir des États médiateurs
qui pourraient assumer le rôle de Puissance protectrice, conformément
aux Conventions de Genève et faciliter l’établissement de voies
de dialogue et de négociation politique;
15.4. à promouvoir la mise en place d’un mécanisme structuré
et permanent, négocié et accepté par toutes les parties intéressées,
et qui soit éventuellement coordonné par le CICR, pour permettre,
de façon rapide, sûre et régulière, l’identification, la recherche,
la libération et l’échange de tous les prisonniers de guerre, en
accordant une attention particulière à ceux qui sont gravement blessés
ou malades;
15.5. à apporter un soutien politique, financier, matériel et
technique à la mise en place de ce mécanisme;
15.6. à envisager de définir un pays neutre dans lequel les
prisonniers de guerre pourraient être accueillis en toute sécurité
et à titre temporaire avant leur libération.
16. L’Assemblée exprime sa solidarité avec les familles des prisonniers
de guerre ukrainiens, qui endurent d’immenses souffrances psychologiques:
dans la plupart des cas, elles ne sont pas autorisées à communiquer avec
leurs proches et ignorent même souvent le sort réservé à ces derniers
et leur lieu de détention. L’Assemblée reconnaît en outre la nécessité
de proposer une assistance médicale, psychologique et administrative
ainsi qu’une formation professionnelle aux prisonniers de guerre
ukrainiens libérés, afin d’assurer leur réadaptation et leur pleine
réintégration dans la société ukrainienne. L’Assemblée invite donc tous
les États à fournir une aide financière et une expertise technique
en faveur des initiatives en cours visant à soutenir les familles
des prisonniers de guerre ukrainiens et les prisonniers de guerre
ukrainiens de retour de captivité, y compris par la création de
centres de réadaptation.
17. L’Assemblée souligne qu’il est important de veiller à ce que
les responsabilités soient établies, en vue de parvenir à une paix
juste et durable pour l’Ukraine. Par conséquent, l’Assemblée:
17.1. appelle tous les États Parties
au Statut de la Cour pénale internationale (CPI) à apporter leur plein
appui aux travaux de la CPI visant à traduire en justice les auteurs
de crimes, les autorités militaires et politiques de la Fédération
de Russie, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, et
demande instamment à tous les États qui ne l’ont pas encore fait
de ratifier le Statut de la CPI ou d’y adhérer sans délai;
17.2. appelle tous les États dont la législation reconnaît la
compétence universelle à poursuivre les responsables de la Fédération
de Russie impliqués dans des crimes de guerre et d’autres crimes,
et encourage les États qui n’ont pas cette possibilité, à intégrer
la compétence universelle dans leur législation.
18. L’Assemblée regrette vivement qu’un État membre du Conseil
de sécurité de l’Organisation des Nations Unies, qui est également
responsable de crimes de guerre, conserve son droit de veto, et
réitère son appel à réexaminer l’utilisation et le champ d’application
du droit de veto des membres permanents du Conseil de sécurité afin
d’éviter tout abus, comme indiqué dans sa Résolution 2581 (2025).
B. Exposé des motifs par Mme Yelyzaveta Yasko, rapporteure
(open)1. Introduction
1. Après plus de trois ans, la
guerre d'agression illégale, non provoquée et injustifiée menée
à grande échelle par la Fédération de Russie contre l'Ukraine continue
d'avoir un impact profond et grave sur la vie du peuple ukrainien,
en raison des graves violations du droit international, notamment
du droit international humanitaire et du droit international des
droits humains, commises par la Russie.
2. Ceci est particulièrement évident pour la situation des prisonniers
de guerre ukrainiens, qui nécessite une intervention internationale
urgente.
3. Les prisonniers de guerre ukrainiens sont victimes d'exécutions
sommaires, de tortures généralisées et systématiques et de mauvais
traitements, qui constituent des crimes de guerre. Cet état de fait
appelle une intervention urgente de la communauté internationale,
avant tout pour obtenir la libération de tous les prisonniers de
guerre. À cette fin, les négociations politiques sont d'une importance
capitale.
4. Selon les autorités ukrainiennes, des milliers de militaires
ukrainiens sont actuellement en captivité en Russie dans 186 centres
de détention, à la fois dans les territoires temporairement occupés
de l'Ukraine et en Fédération de Russie. Au 6 mai 2025, 4 757 Ukrainiens
(prisonniers de guerre et civils) avaient été libérés de la captivité
russe depuis le début de la guerre à grande échelle, et 64 échanges
de prisonniers de guerre avaient eu lieu.
5. Les informations reçues de ceux qui sont revenus de captivité
indiquent que la Fédération de Russie viole systématiquement de
nombreuses obligations en vertu de la troisième Convention de Genève
relative au traitement des prisonniers de guerre.
6. Toutes les parties concernées devraient s'engager dans des
négociations politiques qui donnent la priorité à l'échange et à
la libération des prisonniers de guerre, comme l'a déjà souligné
le président ukrainien Zelensky dans sa formule de paix en 10 points:
en particulier, le point 4 appelle à la libération de tous les prisonniers
et déportés, sur la base du principe «tous contre tous». Entre-temps,
les efforts diplomatiques devraient également être intensifiés pour
garantir que tous les détenus soient traités conformément au droit international
humanitaire et libérés sans délai.
7. L'Assemblée parlementaire peut jouer un rôle en exerçant une
pression politique pour garantir le respect des accords internationaux
et demander des comptes à ceux qui violent le droit international.
2. Travaux antérieurs de l'Assemblée parlementaire
8. L'Assemblée a déjà exprimé
sa préoccupation concernant la situation des prisonniers de guerre ukrainiens.
Ce rapport s'appuiera sur ces travaux antérieurs, à savoir:
- Résolution 2448 (2022) «Conséquences humanitaires et déplacements internes et externes en lien avec l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine»;
- Résolution 2463 (2022) «Nouvelle escalade dans l'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine»;
- Résolution 2482 (2023) «Questions juridiques et violations des droits de l'homme liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine»;
- Résolution 2556 (2024) «Questions juridiques et violations des droits de l'homme liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine».
9. Par sa Résolution
2562 (2024) «Un appel urgent à l’Europe et à ses partenaires: envisager
des solutions politiques immédiates et à long terme en soutien aux
personnes déplacées d’Ukraine», l'Assemblée a déclaré qu'elle devrait
se pencher d'urgence sur la question des prisonniers de guerre ukrainiens
et sur les efforts visant à négocier leur libération, en insistant
particulièrement sur la nécessité de mettre fin aux procès fallacieux organisés
par les forces d'occupation de la Fédération de Russie contre des
prisonniers de guerre ukrainiens. L'Assemblée a également exprimé
son soutien aux mesures prises pour faciliter l'échange de prisonniers
de guerre afin d’empêcher de nouvelles violences.
10. En outre, l'Assemblée, par la Résolution 2573 (2024) et de la Recommandation
2285 (2024) «Personnes disparues, prisonniers de guerre et personnes
civiles en captivité en raison de la guerre d’agression de la Fédération
de Russie contre l’Ukraine», adoptées selon la procédure d'urgence,
a formulé un certain nombre de recommandations et déclaré qu'elle
«restera saisie de la question des prisonniers de guerre et des
civils ukrainiens maintenus en captivité par la Fédération de Russie
jusqu’à ce que la dernière personne concernée soit remise en liberté».
11. Il convient également de noter que les membres de l'Assemblée
ont publié deux déclarations écrites sur la question, à savoir les
déclarations n° 751 (Doc. 15598) «Le statut des prisonniers de guerre au regard du droit
international humanitaire doit être respecté» (30 août 2022), et n° 778 (Doc. 15790) «Appel au Comité international de la Croix-Rouge et à
la communauté internationale à exiger que la Fédération de Russie respecte
pleinement le droit international humanitaire concernant les prisonniers
de guerre ukrainiens» (27 juin 2023).
12. Plus récemment, dans la Résolution
2588 (2025) «Engagement européen en faveur d'une paix juste et durable
en Ukraine», l'Assemblée a appelé à l'imposition de sanctions ciblées
aux personnes «impliquées dans la déportation, le transfert forcé
ou le retard injustifié dans le rapatriement des enfants, civils
et prisonniers de guerre ukrainiens». Dans la Résolution 2598 (2025) «Guerre d'agression russe contre l'Ukraine: la nécessité
d'établir les responsabilités et d'empêcher l'impunité», l'Assemblée
a estimé que «toute négociation de paix doit aborder sans condition
la dimension humaine de la guerre, y compris [...] la libération
et le rapatriement mutuels de tous les prisonniers de guerre, selon
le principe “tous contre tous”».
3. La troisième Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre
13. Les Conventions de Genève et
leurs Protocoles additionnels ont été adoptés afin de réglementer
la conduite des conflits armés. L'article 4 de la troisième Convention
de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre du 12
août 1949
définit les prisonniers de guerre
comme des membres des forces armées, des milices ou des corps de
volontaires faisant partie de ces forces armées, qui sont tombés
au pouvoir de l'ennemi
. Les dispositions
de la troisième Convention de Genève garantissent le traitement
humain des prisonniers de guerre et leur protection en vertu du
droit international humanitaire.


14. La responsabilité du traitement des prisonniers de guerre
incombe aux Puissances détentrices. Les prisonniers de guerre doivent
être traités avec humanité en tout temps et sans exception. La troisième Convention
de Genève les protège contre tous les actes de violence, de torture
et de mauvais traitements, qu'ils soient physiques ou psychologiques,
y compris les actes d'intimidation, les insultes et l'exposition
à la curiosité publique. En outre, elle fournit des indications
sur les conditions de détention minimales acceptables que la Puissance
détentrice doit leur assurer, en termes d'hébergement, de nourriture,
d'habillement, d'hygiène et de soins médicaux.
15. La troisième Convention de Genève stipule que la Convention
sera appliquée avec la coopération et sous le contrôle des Puissances
protectrices, dont le devoir est de sauvegarder les intérêts des
Parties au conflit. L'article 5 du Protocole additionnel I de 1977
aux Conventions de Genève indique en outre que les Parties doivent
désigner une Puissance protectrice sans délai dès le début du conflit,
et autoriseront, «également sans délai et aux mêmes fins, l’activité
d'une Puissance protectrice que la Partie adverse aura désignée
et qu’elle-même aura acceptée comme telle». Si une Puissance protectrice
n'est pas désignée ou acceptée, le Comité international de la Croix-Rouge
(CICR) peut offrir ses bons offices pour désigner une Puissance
protectrice sur laquelle les Parties s'accordent; si cela n'est
pas possible non plus, le CICR peut agir en tant que substitut.
16. Aucune Puissance protectrice n'a encore été désignée dans
le contexte de la guerre d'agression à grande échelle menée par
la Fédération de Russie contre l'Ukraine: la Suisse a proposé ses
bons offices aux deux parties en tant que Puissance protectrice
et a négocié un accord avec l'Ukraine pour représenter les intérêts
ukrainiens en Fédération de Russie, mais ce mandat a été rejeté
par la Russie en août 2022
. Par la suite, la Russie a également
rejeté les initiatives d'autres États visant à assumer le rôle de
Puissance protectrice.

17. L'article 126 de la troisième Convention de Genève prévoit
que les délégués des Puissances protectrices ou du CICR «seront
autorisés à se rendre dans tous les lieux où se trouvent des prisonniers
de guerre, notamment dans les lieux d'internement, de détention
et de travail; ils auront accès à tous les locaux utilisés par les
prisonniers de guerre. Ils seront également autorisés à se rendre
dans les lieux de départ, de passage ou d'arrivée des prisonniers
transférés. Ils pourront s'entretenir sans témoin avec les prisonniers,
et en particulier avec leur homme de confiance, par l’entremise
d’un interprète si cela est nécessaire». L'article 126 indique également
qu'ils doivent avoir toute liberté «quant au choix des endroits
qu'ils désirent visiter; la durée et la fréquence de ces visites
ne seront pas limitées. Elles ne sauraient être interdites qu’en
raison d’impérieuses nécessités militaires et seulement à titre
exceptionnel et temporaire».
18. L'Ukraine et la Fédération de Russie sont toutes deux parties
aux Conventions de Genève. Néanmoins, de nombreux rapports continuent
d'indiquer des violations systématiques de ces Conventions par la Fédération
de Russie, notamment le refus de l’accès aux prisonniers de guerre
par le CICR et d'autres mécanismes de surveillance, et le traitement
inhumain des détenus. De nombreux soldats ukrainiens sont actuellement
détenus par la Fédération de Russie dans des conditions contraires
aux normes internationales. Le lieu où ils se trouvent et le traitement
qui leur est réservé restent largement inconnus, ce qui suscite
de vives inquiétudes quant à leur bien-être et à leurs droits.
19. Les Conventions de Genève ont été universellement ratifiées
et acceptées et constituent donc un outil extrêmement puissant et
unique. Toutefois, le droit international humanitaire ne fonctionne
que lorsqu'il est pleinement respecté. D'autre part, il serait très
compliqué, compte tenu de l'environnement politique international
actuel, de mettre en place un nouvel outil bénéficiant de cette
même reconnaissance universelle.
4. La situation des prisonniers de guerre ukrainiens
20. Le nombre exact de prisonniers
de guerre et de civils ukrainiens détenus par la Fédération de Russie est
actuellement inconnu. Selon les données fournies par les autorités
ukrainiennes, plus de 70 000 personnes, civils et militaires confondus,
figurent dans le registre des personnes disparues dans des circonstances
particulières
. Comme indiqué plus
haut, des milliers de militaires ukrainiens sont actuellement en
captivité en Russie dans 186 centres de détention, à la fois dans
les territoires temporairement occupés de l'Ukraine et dans la Fédération
de Russie. Au 6 mai 2025, 4 757 Ukrainiens (prisonniers de guerre
et civils) avaient été libérés de la captivité russe depuis le début
de la guerre à grande échelle, et 64 échanges de prisonniers de
guerre avaient eu lieu. Il convient de noter que 1 358 Ukrainiens
ont été libérés de la captivité russe en 2024, et qu'en mai 2025,
la Russie détenait encore plus de 16 000 civils ukrainiens.

21. Le CICR, quant à lui, a affirmé en février 2025 avoir enregistré
50 000 personnes disparues au cours de la guerre, indiquant que
90 % d'entre elles étaient des militaires, sans toutefois fournir
une répartition de leurs nationalités
.

4.1. Les violations du droit international humanitaire par la Russie
22. La commission des questions
politiques et de la démocratie a tenu une audition en ligne le 1er
octobre 2024 avec la participation de M. Dmytro Lubinets, médiateur
de l'Ukraine, qui a fait le point sur la situation actuelle des
prisonniers de guerre ukrainiens, décrivant également le travail
de son bureau pour assurer leur libération et leur retour dans leurs
familles. Le médiateur de l’Ukraine est responsable de la mise en
œuvre du point 4 de la formule de paix de l'Ukraine, à savoir la
libération de tous les prisonniers et déportés. En particulier,
son bureau organise des réunions régulières du groupe de travail
concerné, avec la participation active de la Norvège, du Canada
et d'autres partenaires internationaux.
23. La situation décrite par M. Lubinets est sinistre. Citant
la cheffe de la mission de surveillance des droits de l'homme des
Nations unies en Ukraine, il a indiqué que 95 % des prisonniers
de guerre ukrainiens revenus de captivité avaient déclaré avoir
été victimes de torture et de mauvais traitements
.

24. Les autorités russes imposent des conditions de détention
épouvantables aux prisonniers de guerre, recourant systématiquement
à la torture psychologique et physique, ayant entraîné, dans plusieurs
cas, des conséquences à long terme pour la santé, une perte de poids
extrême (un soldat ukrainien a été enregistré comme ayant perdu
77 kilos en seulement cinq mois), et la mort. Les prisonniers de
guerre vivent dans des conditions d'hygiène déplorables, dans des
cellules surpeuplées, privés de sommeil, isolés dans l'obscurité, contraints
de rester debout pendant de longues périodes dans le froid et en
sous-vêtements, ou soumis à des efforts physiques.
25. Dans de nombreux cas, ils sont soumis à des passages à tabac
et à des violences sexuelles, reçoivent des décharges électriques
et se voient refuser des soins médicaux. Le refus de fournir une
assistance médicale à ceux qui en ont besoin est une question récurrente
dans les témoignages d'anciens prisonniers de guerre. La commission
d'enquête internationale indépendante des Nations Unies sur l'Ukraine
a fait état d'une absence générale ou d'un refus de soins médicaux
de la part des autorités russes à l'égard des détenus blessés, malades
ou ayant subi des traumatismes dus à la torture. Cette négligence
a souvent entraîné la mort des détenus.
26. M. Lubinets a déclaré que selon les informations communiquées
par les personnes libérées de captivité, la Fédération de Russie
viole systématiquement la troisième Convention de Genève relative
au traitement des prisonniers de guerre en ce qui concerne leur
droit à un traitement humain (article 13); leur droit à des conditions
de détention décentes (articles 22, 25, 29); leur droit à une alimentation
suffisante (article 26); leur droit à un examen médical initial
et à des soins médicaux adéquats (articles 15, 20, 30, 31, 46);
leur droit de faire informer les membres de leur famille de leur
état et de leur captivité, ainsi que de recevoir des informations (articles
48, 69, 70); leur droit à être transférés ou évacués dans des conditions
décentes (articles 20 et 46 à 48); l'interdiction de les contraindre
à servir dans les forces armées d’un État ennemi (article 130),
et d'autres encore.
27. En outre, la Fédération de Russie n'autorise pas les représentants
d'organisations internationales telles que le CICR ou les Nations
Unies à rendre régulièrement visite aux prisonniers de guerre. Il
s'agit d'une violation flagrante de la troisième Convention de Genève.
Des enquêtes indépendantes
ont identifié au moins 29 centres
de détention clandestins en Russie et dans les territoires ukrainiens
temporairement occupés – dont aucun n'est accessible au CICR – où
la torture, l'électrocution, la privation de nourriture et les simulacres d'exécution
sont monnaie courante.

28. La Russie détient des prisonniers de guerre ukrainiens dans
les territoires temporairement occupés de l'Ukraine, tant en Ukraine
métropolitaine qu'en Crimée, ce qui complique les activités du CICR
et rend impossible le fonctionnement des mécanismes de surveillance
de l'ONU et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération
en Europe (OSCE). Ce type de placement est souvent contraire à la
troisième Convention de Genève, qui interdit de détenir des prisonniers
de guerre près de la ligne de front ou d'autres zones dangereuses.
Des images satellites et des témoignages confirment que les prisonniers
de guerre ukrainiens sont acheminés par le Service fédéral de sécurité
russe (FSB) à travers la Crimée avant d'être emmenés dans la Fédération
de Russie, ce qui constitue également une violation de l'interdiction
de transférer des prisonniers de guerre sans le contrôle du CICR,
prévue par la troisième Convention de Genève.
29. La Russie n'a pas respecté les exigences de la troisième Convention
de Genève exprimées dans l'article 122, qui prévoit que «chacune
des Parties au conflit constituera un Bureau officiel de renseignements
sur les prisonniers de guerre se trouvant en son pouvoir». L'Ukraine,
quant à elle, a créé un Bureau national d'information le 17 mars
2022
. La Russie n'a pas non plus mis
en place une Commission médicale mixte chargée d'examiner les prisonniers
de guerre blessés et malades et de prendre des décisions sur leur rapatriement
(article 112), alors que l'Ukraine l'a créée en août 2023.

30. Les prisonniers de guerre font également l'objet d'exécutions
arbitraires. Le 29 juillet 2022, une explosion s'est produite dans
la colonie pénitentiaire no 120 près
d'Olenivka, dans la région de Donetsk en Ukraine, tuant au moins
50 prisonniers de guerre ukrainiens et en blessant 151 autres. À
ce jour, cette tragédie n'a pas fait l'objet d'une véritable enquête,
la Fédération de Russie n'ayant pas autorisé l'accès à l'ONU ou
à d'autres organismes indépendants. Le Haut-Commissariat des Nations
Unies aux droits de l'homme (HCDH) a toutefois conclu que l'explosion
n'avait pas été provoquée par des roquettes tirées par l'Ukraine
(comme le prétend la Fédération de Russie) et que «la configuration
des dommages structurels semblait correspondre à une munition projetée
ayant suivi une trajectoire d'est en ouest»
.

31. Les témoignages d'anciens prisonniers de guerre présents à
Olenivka rapportent également qu'aucune attention médicale immédiate
n'a été apportée aux blessés et que plusieurs d'entre eux sont morts
sous les yeux des dirigeants de la colonie pénitentiaire, qui n'ont
rien fait pour les en empêcher
. À ce jour, les auteurs du massacre d'Olenivka
n'ont pas été punis.

32. Chaque mois, des prisonniers de guerre ukrainiens sont victimes
d'exécutions sommaires par les forces russes sur le champ de bataille,
après leur capture et une fois qu'ils sont hors de combat, et des
vidéos de ces crimes horribles sont diffusées sur les médias sociaux.
Le médiateur de l’Ukraine a informé Amnesty International que le
bureau du procureur général avait recensé 177 exécutions sommaires,
dont 109 ont eu lieu en 2024
. Par exemple, en octobre
2024, des images de drone auraient montré l'exécution de 16 prisonniers
de guerre ukrainiens
. Le bureau du
médiateur de l'Ukraine a également connaissance de nombreux cas
de décès de prisonniers de guerre en captivité, dus à la torture,
à la maladie et au manque de soins médicaux.


33. Les exécutions sommaires de prisonniers de guerre ukrainiens
par les forces russes sur le champ de bataille sont motivées par
la propagande russe, y compris les discours de haine anti-ukrainiens
et les appels au génocide, en particulier en ce qui concerne les
prisonniers de guerre capturés lors des activités militaires dans
la région de Koursk de la Fédération de Russie. La Russie a déclaré
que les activités militaires dans la région de Koursk étaient des
«opérations antiterroristes» et refuse de fait le statut de prisonnier
de guerre aux militaires ukrainiens qui y ont été capturés, ce qui
est contraire à la troisième Convention de Genève
.

34. De même, la Russie refuse le statut de prisonnier de guerre
à une cinquantaine de citoyens ukrainiens détenus pour leur participation
présumée au «Bataillon des Tatars de Crimée», qui était, de facto et de
jure, une «formation publique pour la protection de l'ordre
public et de la frontière de l'État» («Asker»), en tant que structure
auxiliaire du détachement frontalier de Kherson.
35. Au moins deux personnalités politiques russes de premier plan
ont publiquement appelé à l'exécution des prisonniers de guerre
ukrainiens. En juillet 2024, l'ancien président et vice-président
du Conseil de sécurité, Dmitri Medvedev, a appelé à des «exécutions
totales» sur sa chaîne Telegram. En octobre 2024, le chef de la
République tchétchène, Ramzan Kadyrov, a déclaré publiquement qu'il
avait donné l'ordre de ne pas prendre les soldats ukrainiens vivants
. Bien qu'il ait affirmé par la suite
avoir révoqué cet ordre, il a menacé, en décembre 2024, d'utiliser
des prisonniers de guerre ukrainiens comme boucliers humains contre les
drones ukrainiens
.


36. Les prisonniers de guerre ukrainiens font l'objet d'une discrimination
raciale de la part des forces russes: pendant leur détention, ils
sont sévèrement punis s'ils utilisent la langue ukrainienne, ils
sont endoctrinés pour croire qu'ils sont «russes» et ils sont souvent
forcés de faire des déclarations qui sont ensuite soumises à la curiosité
du public à des fins de propagande, en violation de la troisième
Convention de Genève. En outre, de nombreux anciens prisonniers
de guerre ont témoigné de l'utilisation de la violence sexuelle
et de la nudité forcée comme moyen de «briser» leur identité, en
violation des articles 13 et 17 de la troisième Convention de Genève
interdisant les atteintes à la dignité de la personne.
37. La Fédération de Russie condamne et emprisonne également des
prisonniers de guerre ukrainiens sur la base d'accusations forgées
de toutes pièces. Les autorités russes organisent de soi-disant
«procès» de prisonniers de guerre ukrainiens: au total, le Comité
d'enquête de la Fédération de Russie a engagé plus de 4 000 poursuites
contre près de 900 Ukrainiens. À cet égard, le Bureau des institutions
démocratiques et des droits de l'homme de l'OSCE (BIDDH/OSCE) a
appelé les autorités de la Fédération de Russie à cesser immédiatement
de poursuivre les combattants capturés pour le simple fait d'avoir
participé directement aux hostilités
.

38. Contrairement aux dispositions des Conventions de Genève,
la Fédération de Russie n'a pas établi de camps d'internement spéciaux
pour la détention des prisonniers de guerre ukrainiens, qui sont
principalement détenus dans les établissements pénitentiaires de
la Fédération de Russie. 186 lieux de détention de prisonniers de
guerre ukrainiens et 29 lieux où des prisonniers militaires et civils
sont torturés et maltraités ont été identifiés. En outre, la Fédération
de Russie maintient la grande majorité des prisonniers de guerre ukrainiens
en détention au secret, souvent pendant des années: cela équivaut
à un traitement inhumain et constitue une violation de la troisième
Convention de Genève
.

39. Lors d'une audition conjointe organisée le 30 janvier 2025
par la commission des questions politiques et de la démocratie,
la commission des questions juridiques et des droits de l'homme,
la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées
et la commission de la culture, de la science, de l'éducation et
des médias, les membres de l'Assemblée ont eu l'occasion d'entendre
M. Yulian Pylypei, marin ukrainien et défenseur de Mariupol, qui
a été détenu pendant deux ans et demi en captivité par les Russes.
Il a décrit les conditions inhumaines de détention dans les différents
lieux où il a été emprisonné par la Russie, notamment les cellules
extrêmement surpeuplées, le manque d'articles d'hygiène, la nourriture
avariée et les passages à tabac récurrents, qui ont conduit à l'amputation
de sa jambe, sans outils appropriés ni analgésiques.
4.2. Responsabilité des crimes russes contre les prisonniers de guerre ukrainiens
40. Les informations fournies par
le médiateur de l’Ukraine au cours de l'audition sont conformes
à divers rapports publiés par le BIDDH/OSCE, le HCDH et la Commission
d'enquête internationale indépendante des Nations Unies sur l'Ukraine.
Le HCDH, en particulier, a déclaré qu'il n'avait pas connaissance
de «poursuites ou de condamnations à l'encontre d'auteurs présumés
d'actes de torture ou de mauvais traitements infligés à des prisonniers
de guerre ukrainiens par la Fédération de Russie», ce qui souligne
l'absence totale d'obligation de rendre des comptes pour les responsables
de ces crimes, une fois de plus en violation du droit international humanitaire
.

41. Dans l'ensemble, la Commission d'enquête internationale indépendante
des Nations Unies sur l'Ukraine a indiqué dans son rapport distribué
le 25 octobre 2024 que «les autorités russes ont commis des actes
de torture dans toutes les régions ukrainiennes où des zones sont
passées sous contrôle russe ainsi que dans les lieux de détention
ayant fait l’objet d’une enquête dans la Fédération de Russie. La
confirmation est ainsi apportée de la généralisation de la torture.
La constatation de caractéristiques communes dans la pratique de la
torture atteste du caractère systématique de cette dernière. Ces
caractéristiques concernent les catégories de personnes ciblées,
la similitude des méthodes employées, le but des actes de torture
et la transposition des pratiques violentes courantes dans les lieux
de détention de la Fédération de Russie dans les centres similaires
situés dans les zones sous contrôle russe en Ukraine».
42. La Commission d’enquête internationale a donc conclu que «les
autorités russes ont agi dans le cadre d’une politique encourageant
la torture envers des civils et des prisonniers de guerre et ont
donc commis des actes de torture constitutifs de crimes contre l'humanité»
.

43. Plusieurs questions liées à la réparation des dommages subis
par les prisonniers de guerre ukrainiens libérés et échangés n'ont
toujours pas été résolues. Le Registre des dommages causés par l'agression
de la Fédération de Russie contre l'Ukraine, établi sous les auspices
du Conseil de l'Europe, comprend un certain nombre de catégories
de demandes d'indemnisation pouvant être enregistrées. Celles-ci
couvrent des violations qui concernent également les prisonniers
de guerre ukrainiens. Il s'agit notamment de dommages corporels
graves, de violences sexuelles, de torture ou de peines ou traitements
inhumains ou dégradants, de privation de liberté et de travail forcé.
Ces catégories sont directement applicables aux prisonniers de guerre, y
compris en ce qui concerne la prise en compte de préjudices tels
que les préjudices psychologiques, qui sont spécifiquement inclus
dans le champ d'application de plusieurs catégories. Les disparitions
forcées sont incluses dans la catégorie de la disparition de membres
de la famille proche. Toutes ces catégories sont actuellement ouvertes
au dépôt de demandes d'indemnisation. Le Registre a publié des documents d'orientation,
y compris des réponses aux questions les plus fréquemment posées
concernant ces catégories et le processus du Registre en général.
Dans le même temps, des directives détaillées supplémentaires pourraient
être utiles pour aider les prisonniers de guerre à soumettre leurs
demandes au Registre et à recevoir les autres formes de soutien
nécessaires
. En outre, il conviendrait d'envisager
un financement spécifique ou un soutien procédural pour les demandes
d'indemnisation des prisonniers de guerre, étant donné que de nombreux
prisonniers de guerre revenus de captivité ne bénéficient pas d'une
assistance juridique pour déposer leur dossier.

44. La Fédération de Russie ayant été exclue du Conseil de l'Europe
en mars 2022, elle a cessé, le 16 septembre 2022, d'être Partie
à la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5).
Les procédures internationales sur les violations des droits humains
des prisonniers de guerre ukrainiens commises après cette date sont
devenues extrêmement complexes: les pétitions et requêtes individuelles pertinentes
sur les violations ne peuvent désormais être traitées qu'au niveau
international, par l'intermédiaire de divers organes de traités
et mécanismes de surveillance des Nations Unies. En conséquence,
des familles ont déclaré avoir attendu plus de 18 mois avant de
recevoir une seule communication des Nations Unies, ce qui compromet
gravement la possibilité d'obtenir réparation en temps voulu.
45. Les enquêtes menées par les tribunaux ukrainiens sur les crimes
commis à l'encontre des prisonniers de guerre ukrainiens sont compliquées
par la surcharge de travail des unités chargées de l'application
de la loi, ainsi que par le manque d'accès aux auteurs, aux témoins
et aux lieux où se sont déroulés les incidents.
46. Les enquêtes dans d'autres États membres du Conseil de l'Europe
exerçant une compétence universelle ne sont pas fréquentes, car
les anciens prisonniers de guerre ukrainiens ne résident généralement pas
dans ces États, ce qui limite les possibilités de recueillir des
témoignages et des preuves.
47. La Cour pénale internationale n'a pas fourni d'informations
sur les affaires liées aux prisonniers de guerre dans le cadre de
ses enquêtes sur les crimes russes commis en Ukraine.
5. La situation des prisonniers de guerre russes
48. La situation des prisonniers
de guerre russes peut être documentée par les rapports directs d'organismes
internationaux, tels que le BIDDH/OSCE et l'ONU, car les autorités
ukrainiennes autorisent l'accès aux centres de détention afin d'évaluer
les conditions de détention et le traitement des prisonniers, et de
mener des entretiens avec eux. En outre, les prisonniers de guerre
russes sont autorisés à communiquer avec leurs proches et ont accès
aux soins médicaux.
49. Ces rapports montrent que les prisonniers de guerre russes
sont généralement traités avec humanité et conformément à la troisième
Convention de Genève. Les autorités et les forces armées ukrainiennes
doivent s'assurer qu'elles continuent d'agir dans le plein respect
des Conventions de Genève et que toute violation du droit international
des droits humains et du droit international humanitaire fait l'objet
d'une enquête rapide et en bonne et due forme.
50. Les principaux défis juridiques pour les autorités ukrainiennes
sont liés aux prisonniers de guerre russes originaires des territoires
ukrainiens temporairement occupés, qui ont été enrôlés et mobilisés
par les forces d'occupation de manière illégale, ou qui ont volontairement
rejoint les troupes russes. Par exemple, en avril 2025, «au moins
116 militaires de la Crimée occupée, très probablement des citoyens
ukrainiens, ont été confirmés capturés»
en tant que prisonniers de guerre
russes.

6. Efforts internationaux actuels
51. La libération de prisonniers
de guerre et leur échange entre les parties à un conflit armé peuvent
être considérés comme des mesures visant à désamorcer les tensions.
Les organisations internationales, les Puissances protectrices désignées
et d’autres pays peuvent jouer un rôle important dans la médiation
des négociations entre les parties concernées. Le CICR, en particulier,
a un mandat spécifique à cet égard, comme le prévoit la troisième
Convention de Genève, surtout lorsqu'aucune Puissance protectrice
n'est désignée.
52. Or, selon le médiateur de l’Ukraine, le CICR n'a pas été en
mesure jusqu'à présent d'assurer le respect des règles du droit
international humanitaire en ce qui concerne les prisonniers de
guerre. La responsabilité en incombe aux autorités russes, qui empêchent
largement l'accès aux installations où sont détenus les prisonniers
de guerre ukrainiens. La grande majorité des prisonniers de guerre
ukrainiens qui ont été libérés et renvoyés en Ukraine ont déclaré
n'avoir jamais été visités par le personnel du CICR ou d'autres
organes de surveillance internationaux
.

53. L'Assemblée, dans sa Résolution
2573 (2024) «Personnes disparues, prisonniers de guerre et personnes
civiles en captivité en raison de la guerre d’agression de la Fédération
de Russie contre l’Ukraine», a déjà demandé à la Fédération de Russie
de respecter pleinement le droit d'accès du CICR à tous les lieux de
détention, et a appelé la communauté internationale à soutenir et
à encourager la mise en application de ce mandat.
54. Le travail du CICR est fondé sur la neutralité, qui n'est
pas une position morale mais plutôt une nécessité opérationnelle,
et sur un dialogue confidentiel. Cela lui permet d'établir des relations
avec toutes les parties concernées, de trouver des solutions et,
en fin de compte, de travailler en toute sécurité sur le terrain,
sans compromettre son objectif de fournir de l’aide humanitaire.
Pour ces raisons, il est rare qu'il prononce des condamnations unilatérales
ou des dénonciations publiques
. La Résolution 2573 (2024) demande également au CICR d'envisager de faire une exception
à son approche de confidentialité (si cela ne va pas à l'encontre
des intérêts des prisonniers de guerre actuellement détenus), afin
de fournir des informations sur les problèmes auxquels il est confronté
pour obtenir le plein accès aux prisonniers de guerre ukrainiens.

55. À l'issue de la Conférence ministérielle sur la dimension
humaine de la formule de paix en 10 points de l'Ukraine, organisée
conjointement par le Canada, l'Ukraine et la Norvège à Montréal
les 30 et 31 octobre 2024, les représentants de plus de 70 pays
et organisations internationales ont adopté un communiqué conjoint, soulignant
le rôle des organisations internationales et non gouvernementales
dotées de mandats neutres, impartiaux et indépendants en tant qu'intermédiaires
efficaces, ainsi que le rôle précieux des États engagés dans la
diplomatie et fournissant des services d'assistance et de soutien.
56. Le communiqué conjoint comprend également l'Engagement de
Montréal, dans lequel les participants s'engagent à plaider en faveur
de l'application des Conventions de Genève, à continuer à sensibiliser
la communauté internationale et à soutenir les efforts déployés
pour identifier les États médiateurs auxquels les parties font confiance
pour négocier le retour en toute sécurité des prisonniers de guerre
.

57. Le 11 décembre 2024, la commission des questions politiques
et de la démocratie a organisé une audition avec différents intervenants,
dont des représentants de la Mission de surveillance des droits
de l'homme des Nations Unies en Ukraine. Les membres de la commission
et les invités ont discuté de l'importance de l'obligation de protéger
dans le cadre des opérations de libération et de rapatriement.
58. Depuis le début de la guerre d'agression à grande échelle
contre l'Ukraine, la Mission de surveillance des droits de l'homme
des Nations Unies en Ukraine a interrogé des centaines de prisonniers
de guerre et de détenus civils ukrainiens et a constaté des violations
manifestes du droit international humanitaire et du droit international
des droits humains. La torture est généralisée et systématique.
Dans les centres de détention de la Fédération de Russie, les conditions
de détention sont systématiquement terribles, épouvantables et inhumaines.
Les décès en détention sont régulièrement documentés. Souvent, les
familles ne reçoivent pas de notifications sur le sort et le lieu
où se trouvent les personnes, et les communications régulières sont refusées.
59. Depuis le début de la guerre d'agression de la Fédération
de Russie, d'autres pays ont contribué à divers échanges de prisonniers
de guerre entre l'Ukraine et la Fédération de Russie. Au 6 mai 2025,
64 échanges de prisonniers de guerre avaient eu lieu, certains sous
les auspices d'autres pays, tels que la Türkiye
ou les Émirats
arabes unis
.


60. La Résolution 2573
(2024) fait également référence à ces interventions et se félicite
de ces échanges, tout en encourageant «la mise en place d'un mécanisme
plus permanent pour l'échange ou la libération» des prisonniers
de guerre, avec la participation active du CICR, et en soutenant
l'idée d'un échange «tous contre tous», un échange global dans lequel
les deux parties échangent tous les individus capturés – comme moyen de
renforcer la confiance mutuelle dans ce domaine.
61. Le CICR pourrait soutenir les négociations politiques de plusieurs
autres manières: en tant qu'intermédiaire neutre; en recueillant
et en transmettant des informations sur les prisonniers de guerre,
une activité déjà en cours depuis mars 2022 par l'intermédiaire
de son Bureau de l'Agence centrale de recherches pour le conflit
armé international entre la Fédération de Russie et l'Ukraine
; en soutenant la création de commissions
médicales mixtes (l'Ukraine a créé la sienne en août 2023, mais
sa composition n'a pas été approuvée par la Fédération de Russie);
et en soutenant l'identification d'une Puissance protectrice: plusieurs tentatives
ont été faites par l'Ukraine dans ce sens, mais jusqu'à présent
en vain, en raison du refus de la Fédération de Russie.

62. Une action coordonnée en faveur de l'échange de prisonniers
de guerre pourrait déboucher sur des arrangements concernant leur
hébergement dans des pays neutres. Bien qu'il n'y ait pas beaucoup d'expériences
antérieures de mécanismes d'accueil de prisonniers de guerre par
d'autres États, le CICR pourrait apporter son expertise en matière
de droit et de protection et mettre en place un tel mécanisme en collaboration
avec les parties concernées.
7. Conclusions
63. Ce rapport a pour but de sensibiliser
la communauté internationale à la situation des prisonniers de guerre
ukrainiens détenus par la Fédération de Russie et d'encourager une
action active pour leur assurer un traitement décent et le respect
de leurs droits.
64. L'Assemblée devrait être solidaire de tous les prisonniers
de guerre, de leurs familles et de leurs proches, et appeler la
communauté internationale à œuvrer pour que leurs droits et leur
dignité soient pleinement respectés et garantis.
65. Le rôle des organismes internationaux humanitaires et de surveillance,
tels que le CICR, le HCDH et le BIDDH/OSCE, doit être reconnu et
leurs activités doivent être soutenues. Le CICR, en particulier,
devrait avoir accès à toutes les installations où des prisonniers
de guerre sont détenus et devrait être autorisé à avoir des entretiens
confidentiels avec eux.
66. La communauté internationale doit accroître la pression politique
et diplomatique sur la Fédération de Russie, afin qu'elle respecte
pleinement la troisième Convention de Genève et qu'elle s'engage
de bonne foi dans la libération et l'échange de tous les prisonniers
de guerre ukrainiens.
67. En outre, il convient de soutenir les négociations politiques
entre les parties concernées, afin de faciliter ces échanges et
d'établir éventuellement un mécanisme structuré et permanent, permettant
la libération et l'échange réguliers de tous les prisonniers de
guerre, en accordant une attention particulière à ceux qui sont gravement
blessés et malades.