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Rapport | Doc. 16193 | 05 juin 2025

Questions juridiques et violations des droits de l'homme liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteur : M. Eerik-Niiles KROSS, Estonie, ADLE

Origine - Renvoi en commission: décision du Bureau, Renvoi 4825 du 28 juin 2024. 2025 - Troisième partie de session

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 13 mai 2025.

(open)
1. L'Assemblée parlementaire réaffirme son soutien indéfectible à l'Ukraine et à son peuple et son engagement en faveur de l'indépendance, de la souveraineté, de l'unité et de l'intégrité territoriale de l'Ukraine dans ses frontières internationalement reconnues, y compris la Crimée et tous les autres territoires ukrainiens temporairement occupés par la Fédération de Russie depuis 2014 et au-delà. Elle réitère sa condamnation la plus ferme de la guerre d'agression illégale, non provoquée et injustifiée de la Fédération de Russie contre l'Ukraine et de tout le cortège d'atrocités, de violations des droits humains et du droit international humanitaire commises par les autorités russes, y compris les attaques aveugles continues contre les civils, les zones résidentielles et les infrastructures civiles; les disparitions forcées et les déportations; les détentions illégales et le recours à la torture; les exécutions extrajudiciaires de prisonniers de guerre; les viols et autres formes de violence sexuelle; la déportation et le transfert forcé d'enfants ukrainiens; et la destruction du patrimoine culturel et religieux ukrainien.
2. L'Assemblée note que, sous l'administration du Président Donald Trump, les États-Unis d’Amérique ont sensiblement modifié leur politique étrangère, en particulier dans leurs relations avec l'Ukraine et la Fédération de Russie, y compris leur position sur la qualification juridique et politique de la guerre d'agression russe. Les États-Unis, aux côtés de la Fédération de Russie et des alliés de cette dernière, ont voté contre une résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies du 24 février 2025 condamnant l'agression et appelant à une paix globale, juste et durable, ainsi qu'à la nécessité d’ouvrir des enquêtes et engager des poursuites. L'Assemblée regrette profondément cette position. Elle est également préoccupée par le désengagement croissant de la nouvelle administration américaine vis-à-vis des efforts déployés pour déterminer les responsabilités dans la guerre contre l'Ukraine, comme en témoigne son retrait du Groupe restreint sur la création d'un tribunal spécial pour le crime d'agression contre l'Ukraine et du Centre international pour la poursuite du crime d'agression contre l'Ukraine basé à La Haye. Elle note en outre avec inquiétude que la décision de la nouvelle administration de réduire l’aide étrangère des États-Unis a entraîné la suspension de plusieurs projets d'une importance cruciale liés à l'Ukraine en matière de justice et de responsabilité, y compris ceux concernant la coopération avec les autorités de poursuite ukrainiennes.
3. Ce changement s'est produit dans le contexte des discussions bilatérales que les États-Unis ont menées avec la Fédération de Russie et l'Ukraine, en vue de parvenir à un cessez-le-feu permanent en Ukraine et à l'ouverture de négociations de paix. Si l'Assemblée se félicite de l'engagement des États-Unis dans ce processus pour contribuer à l'échange de prisonniers de guerre, à la libération de détenus civils et au retour des enfants ukrainiens transférés de force, elle note que la proposition de l'Ukraine en faveur d'un cessez-le-feu renouvelable et inconditionnel de 30 jours, soutenue par les États-Unis, n'a pas été acceptée par la Fédération de Russie, qui continue de mener des attaques de missiles, de bombes guidées et de drones contre les zones résidentielles et les infrastructures civiles ukrainiennes presque tous les jours. Pour le seul mois de mars, au moins 164 civils ukrainiens ont été tués et 910 blessés par les attaques russes, soit une augmentation de 50 % par rapport aux chiffres de février.
4. L'Assemblée note avec la plus grande inquiétude que certains représentants des États-Unis ont suggéré que la saisie illégale de territoires ukrainiens par la Fédération de Russie dans le cadre de sa guerre d'agression devrait être acceptée et reconnue de jure dans le cadre d'un futur accord de paix. Dans ce contexte et à la lumière de l'évolution rapide de la situation, l'Assemblée déclare que certains principes fondamentaux du droit international ne doivent pas et ne peuvent pas être écartés ou sapés dans les négociations en cours ou à venir. Elle se réfère à toutes ses résolutions antérieures traitant des conséquences juridiques et politiques de l'agression russe à grande échelle contre l'Ukraine et rappelle que tous les États ont l'obligation de respecter le droit international. L'inviolabilité des frontières et la non-reconnaissance des acquisitions territoriales résultant de l'usage de la force sont des principes fondamentaux du droit international et les bases de l'ordre international fondé sur des règles. Ces principes sont inscrits dans la Charte des Nations Unies, l'Acte final d'Helsinki de 1975, la Déclaration des principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies (Résolution 2625 de l'Assemblée générale des Nations Unies, 1970) et de nombreux autres instruments internationaux. La recherche de la paix doit être et ne peut être fondée que sur la justice et la coopération internationale, conformément au préambule du Statut du Conseil de l'Europe (STE no 1). L'Assemblée réaffirme donc catégoriquement les considérations juridiques et relatives aux droits humains suivants liées à la guerre d'agression russe, qui sont incontestables, et appelle tous les États membres et observateurs, ainsi que les institutions européennes et les partenaires internationaux concernés, à veiller à ce que les pourparlers ou négociations de paix les respectent:
4.1. la guerre de la Fédération de Russie contre l'Ukraine constitue un acte d'agression en violation de l'article 2(4) de la Charte des Nations Unies;
4.2. le Bélarus a permis à la Fédération de Russie d'utiliser son territoire pour perpétrer un acte d'agression contre l'Ukraine, ce qui équivaut en soi à un acte d'agression;
4.3. la Corée du Nord a déployé des troupes pour combattre aux côtés des forces russes contre l'Ukraine, participant ainsi à l'acte d'agression contre l'Ukraine;
4.4. l’Ukraine exerce son droit naturel à la légitime défense conformément à l'article 51 de la Charte des Nations Unies;
4.5. les dirigeants politiques et militaires de la Fédération de Russie, du Bélarus et de la Corée du Nord ont commis et continuent de commettre un crime d'agression contre l'Ukraine, qui entraîne la responsabilité pénale individuelle des dirigeants concernés, quelle que soit leur position officielle, y compris les chefs d'État et de gouvernement;
4.6. l’annexion illégale de la Crimée et d'autres territoires ukrainiens temporairement occupés par la Fédération de Russie à la suite de l'agression depuis 2014 constitue une violation grave des normes du jus cogens et, en tant que telle, ne peut être reconnue. En fait, une telle reconnaissance en elle-même, et toute contrainte exercée sur l'Ukraine pour qu'elle reconnaisse ces annexions, constitueraient une violation du droit international;
4.7. les attaques et atrocités multiples et continues commises par les forces russes, leurs alliés et leurs mandataires contre l'Ukraine et son peuple constituent des crimes de guerre, y compris des violations graves des Conventions de Genève et du droit international humanitaire, ainsi que des crimes contre l'humanité lorsqu'elles sont perpétrées dans le cadre d'une attaque généralisée et systématique contre la population civile, dont les auteurs individuels doivent rendre des comptes;
4.8. la Fédération de Russie commet certains des actes qui constituent un élément du génocide en vertu de la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, et sa rhétorique justifiant la guerre d'agression révèle une intention génocidaire de détruire la nation ukrainienne;
4.9. aucun de ces crimes ne peut faire l'objet d'une quelconque forme d'amnistie ou de prescription en vertu du droit international;
4.10. la Cour pénale internationale (CPI) est pleinement compétente pour enquêter sur les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et le crime de génocide commis sur le territoire ukrainien par les forces russes, leurs alliés et leurs mandataires, et les États parties au Statut de la CPI ont l'obligation inconditionnelle de coopérer avec la CPI dans le cadre de ces procédures, y compris en exécutant tout mandat d'arrêt délivré à l'encontre de suspects russes ou autres;
4.11. la Fédération de Russie a commis des violations multiples et graves de la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5) en Ukraine depuis l'occupation et l'annexion de la Crimée en 2014 et dans le contexte de l'agression à grande échelle jusqu'au 16 septembre 2022, date à laquelle elle a cessé d'être partie à la Convention. La Russie a l'obligation continue et inconditionnelle de mettre en œuvre les arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme constatant ces violations, notamment en adoptant les mesures générales requises et en versant une satisfaction équitable;
4.12. la Fédération de Russie a violé de nombreux autres traités relevant du droit international des droits de l'homme, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant;
4.13. la Fédération de Russie doit assumer les conséquences juridiques de tous les actes internationalement illicites qu'elle a commis en Ukraine et contre l'Ukraine, notamment en réparant tous les dommages causés par ces actes à l'Ukraine et à son peuple, comme le reconnaît la Résolution A/RES/ES-11/5 de l'Assemblée générale des Nations Unies du 14 novembre 2022 et conformément aux principes de la responsabilité de l'État;
4.14. la réaffectation des avoirs gelés de l'État russe dans des États membres et non membres du Conseil de l'Europe constituerait une contre-mesure légale à l'encontre de la Fédération de Russie, car elle aurait pour but d'inciter l'agresseur à mettre fin à son comportement illégal et à s'acquitter de son obligation de réparation;
4.15. selon les normes démocratiques internationales, les élections ne peuvent être organisées sous la loi martiale et le Président Zelensky est le Président légitime de l'Ukraine jusqu'à ce que des élections puissent être organisées légalement.
5. L'Assemblée soutient fermement la position du Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, de faire des droits humains le principe directeur de tous les efforts de paix actuels et futurs. Sa feuille de route en matière de droits humains pour une paix juste, durable et effective en Ukraine comprend, entre autres, l’obligation de répondre de ses actes, y compris la création d'un tribunal spécial pour le crime d'agression contre l'Ukraine, la réparation des dommages et l'indemnisation des victimes, la libération des prisonniers de guerre et des détenus civils, le retour des enfants ukrainiens et la recherche des personnes disparues, la protection des personnes dans les territoires temporairement occupés et la reconstruction.
6. Dans ce contexte, l'Assemblée se réfère à sa Résolution 2598 (2025) «Guerre d'agression russe contre l'Ukraine: la nécessité d'établir les responsabilités et d'empêcher l'impunité» (paragraphes 9 et 10) et se félicite de l'adoption par les participants au Groupe restreint de la déclaration de Lviv du 9 mai 2025, exprimant le soutien politique aux projets de textes juridiques pour la création du tribunal spécial pour le crime d'agression contre l'Ukraine dans le cadre du Conseil de l'Europe. Cette étape ouvrira la voie à l'adoption par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, en temps voulu, des décisions nécessaires à la mise en place du tribunal spécial. Tout en notant qu'un compromis a dû être trouvé sur certaines questions telles que les immunités personnelles, ce qui peut être en deçà des demandes de l'Assemblée et des règles existantes du droit international, l'Assemblée espère que le Statut final permettra au tribunal spécial d'enquêter, de poursuivre et de punir efficacement ceux qui portent la responsabilité du crime d'agression. Le tribunal spécial est un élément essentiel d'un système global d’établissement des responsabilité pour l'Ukraine et pour l'ordre juridique international, qui comblera une lacune existante et dissuadera le même régime ou d'autres régimes agressifs de futures agressions.
7. L'Assemblée souligne que toute négociation de paix future visant à mettre fin à l'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine doit inclure un mécanisme complet et juste de réparations des dommages causés. La réparation des préjudices causés aux victimes est essentielle pour une paix et une réconciliation durables. Dans ce contexte, l'Assemblée souligne le rôle essentiel du Registre des dommages pour l'Ukraine, établi sous les auspices du Conseil de l'Europe, en tant que premier élément opérationnel d'un mécanisme international d'indemnisation. Le Registre représente une étape essentielle pour documenter les dommages, les pertes et les préjudices résultant de l'agression et pour jeter les bases d'un futur processus de demandes d'indemnisation. Conformément à ses résolutions antérieures, le Conseil de l'Europe estime que le Registre des dommages et le mécanisme complet d'indemnisation devraient couvrir les demandes relatives aux dommages causés depuis février 2014 et pas seulement à partir du 24 février 2022.
8. Rappelant sa précédente Résolution 2573 (2024), l'Assemblée est consternée par les nombreuses conclusions de mécanismes internationaux et d’enquêtes de médias indépendants, qui continuent de fournir des preuves du recours systématique à la torture contre les prisonniers de guerre ukrainiens et les civils détenus en Fédération de Russie ou dans les territoires temporairement occupés de l'Ukraine. Elle prend note du rapport de mars 2025 de la Commission d'enquête internationale indépendante des Nations Unies sur l'Ukraine, qui conclut que les disparitions forcées et la torture ont été pratiquées par les autorités russes dans le cadre d'une attaque généralisée et systématique contre la population civile et en application d'une politique d'État coordonnée, ce qui équivaut donc à des crimes contre l'humanité. Le rapport a constaté que les formes de torture les plus brutales étaient utilisées pendant les interrogatoires, notamment les coups violents, les chocs électriques, les brûlures, l'étranglement, la suffocation, la pendaison, le viol et d'autres formes de violence sexuelle. Une enquête récente menée par Forbidden Stories a également mis en lumière le système carcéral mis en place par la Fédération de Russie pour les détenus civils ukrainiens, révélant que la torture et les mauvais traitements sont systématiques dans au moins 26 centres de détention.
9. Selon les chiffres des autorités ukrainiennes, 4 552 personnes ont été libérées de la captivité russe depuis le 24 février 2022, dont 173 civils ukrainiens. 186 lieux de détention de civils et de prisonniers de guerre ukrainiens, tant en Fédération de Russie que dans les territoires occupés, ont été identifiés. Le nombre actuel de personnes disparues, y compris les prisonniers de guerre et les civils, est estimé par le ministère ukrainien de l'Intérieur à 74 000. Dans le même temps, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a documenté environ 50 000 cas de personnes disparues, sans distinction de nationalité. Il a rendu visite à plus de 3 000 prisonniers de guerre en captivité dans les deux camps, mais on ne dispose pas de chiffres précis concernant les visites de détenus civils. Bien qu'il soit difficile de déterminer le nombre exact de civils ukrainiens détenus en captivité par la Fédération de Russie, l'Assemblée considère que la pratique de la détention de civils ukrainiens par la Fédération de Russie sans aucun motif légal est en soi illégale, arbitraire, en violation du droit international humanitaire et constitue des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. Elle demande donc instamment à la Fédération de Russie de libérer immédiatement et sans condition tous les civils ukrainiens illégalement détenus. Dans l'intervalle, le CICR devrait avoir un accès immédiat, sûr et sans entrave à toutes les installations où des civils ukrainiens sont détenus, tant dans les territoires temporairement occupés qu’en Fédération de Russie, conformément à l'article 143 de la quatrième Convention de Genève (CGIV).
10. L'Assemblée a condamné à plusieurs reprises la déportation d'enfants ukrainiens vers la Fédération de Russie et le Bélarus, ainsi que le transfert forcé d'enfants ukrainiens vers les territoires ukrainiens temporairement occupés par la Fédération de Russie. Ces pratiques violent le droit humanitaire international (quatrième Convention de Genève et Protocole additionnel I) et la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, et constituent des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et un élément du crime de génocide. Selon la plateforme «Children of War» gérée par le Gouvernement ukrainien, en mai 2025, 19 546 enfants avaient été déportés ou transférés de force, et seuls 1 293 sont revenus. Un rapport récent du Laboratoire de recherche humanitaire de l'École de santé publique de Yale a montré comment des avions de transport militaire battant pavillon de la Fédération de Russie et contrôlés directement par le bureau de Vladimir Poutine ont transporté des groupes d'enfants depuis les oblasts occupés de Donetsk et de Louhansk et comment les bases de données contrôlées par les Russes ont dissimulé l'identité de ces enfants, y compris leur nationalité, afin de faciliter leur placement et de dissimuler le programme gouvernemental d'adoption forcée et de placement en famille d'accueil. L'opération a été lancée par Vladimir Poutine et ses subordonnés dans l'intention de «russifier» les enfants d'Ukraine. L'Assemblée estime que toute négociation de paix future devrait aborder la situation et définir les conditions du retour et de la réintégration des enfants ukrainiens, conformément au principe de l'intérêt supérieur de l'enfant.
11. L’Assemblée exprime sa profonde préoccupation face au soutien apporté par l’Iran et la Chine à la Fédération de Russie. L’Iran a fourni à la Fédération de Russie des missiles balistiques et des drones, dont beaucoup ont été utilisés dans des attaques aveugles contre des biens civils en Ukraine, ce qui peut être qualifié de complicité dans les violations du droit international commises par la Fédération de Russie. Les autorités ukrainiennes ont confirmé la détention de ressortissants chinois combattant aux côtés des forces russes, prétendument en tant que combattants irréguliers. En outre, des entreprises chinoises auraient aidé la Fédération de Russie à produire des drones militaires en lui donnant accès à des composants soumis à des restrictions et en l’aidant à contourner les sanctions internationales.
12. A la lumière de ces considérations, l'Assemblée:
12.1. exhorte les participants au Groupe restreint et tous les États membres à œuvrer sans délai à la création du tribunal spécial pour le crime d'agression contre l'Ukraine, en adoptant les décisions nécessaires pour finaliser les instruments juridiques relatifs à la création dudit tribunal, indépendamment de l’état d’avancement des négociations de paix;
12.2. appelle les autres États, en particulier les États observateurs et les États dont le parlement bénéficie du statut d'observateur ou de partenaire pour la démocratie auprès de l'Assemblée, à joindre le futur accord partiel élargi et à soutenir le tribunal spécial;
12.3. appelle tous les États membres, les États observateurs et les autres États à soutenir et à contribuer aux travaux du Registre des dommages pour l'Ukraine, ainsi qu'aux travaux en cours visant à établir une Commission des demandes d’indemnisation pour l'Ukraine et un fonds d'indemnisation pour l'Ukraine, et à veiller à ce que les réparations restent une composante essentielle de tout règlement de paix;
12.4. appelle tous les États membres, les institutions européennes et les partenaires internationaux à accroître leur aide au bureau du procureur général de l'Ukraine et aux systèmes internationaux d’établissement des responsabilités existants, ainsi qu'aux projets de la société civile travaillant sur l'Ukraine, afin de compenser l'impact négatif du gel de l'aide des États-Unis;
12.5. invite la CPI et son bureau du procureur à envisager d'ajouter de nouveaux chefs d'accusation, notamment de crimes contre l'humanité et de génocide, en rapport avec la détention illégale, la disparition forcée et la torture de détenus civils ukrainiens, ainsi qu’avec la déportation et le transfert forcé d'enfants ukrainiens, dans le cadre de l'enquête sur la situation en Ukraine;
12.6. appelle les États membres, les États observateurs et les autres États dont la législation prévoit la compétence universelle d’enquêter sur les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le génocide commis dans le contexte de la guerre d’agression en cours, y compris les crimes liés à la disparition forcée et à la torture de détenus civils ukrainiens et à la déportation et au transfert forcé d'enfants ukrainiens, et d’engager des poursuites à l’encontre de leurs auteurs, et encourage les États qui ne prévoient pas la compétence universelle à introduire cette possibilité dans leur législation;
12.7. exhorte la Fédération de Russie à veiller au respect des obligations qui lui incombent en vertu du droit international, y compris le droit international humanitaire, et à cesser immédiatement la pratique des disparitions forcées, la détention illégale de civils ukrainiens, le recours systématique à la torture contre les civils et les prisonniers de guerre, la déportation et le transfert forcé d'enfants ukrainiens, à fournir des informations complètes sur les prisonniers de guerre, les civils ukrainiens et les enfants sous son contrôle, et à garantir l'accès immédiat, sûr et sans entrave du CICR à tous les lieux de détention où sont détenus des prisonniers de guerre et des civils ukrainiens;
12.8. appelle les États membres, les États observateurs, l'Union européenne et les partenaires internationaux à fournir toute l'assistance nécessaire à l'Ukraine dans ses efforts pour localiser et garantir le retour des prisonniers de guerre, des civils ukrainiens illégalement détenus et des enfants ukrainiens, et à accroître la pression sur la Fédération de Russie pour qu'elle se conforme à ses obligations internationales susmentionnées, y compris par le biais de sanctions accrues et dans le cadre de pourparlers ou négociations de paix.

B. Exposé des motifs par M. Eerik-Niiles Kross, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. À la suite de l’adoption par l’Assemblée de la Résolution 2556 (2024) «Questions juridiques et violations des droits de l’homme liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine» le 26 juin 2024, sur la base d’un rapport de M. Davor Ivo Stier (Croatie, PPE/DC) 
			(2) 
			Ce
rapport (Doc. 15998) a été débattu avec deux autres rapports préparés
par d’autres commissions: «Le rôle des sanctions pour contrer la
guerre d’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine»
(Résolution 2557 (2024) et Doc. 16000) et «Lutter contre l’effacement de l’identité
culturelle en temps de guerre et de paix» (Résolution 2558 (2024) et Doc. 16003)., l’Assemblée a décidé de saisir la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme en vue de l’élaboration d’un nouveau rapport sur le même sujet 
			(3) 
			Il s’agira
du troisième rapport préparé pour la commission des questions juridiques
et des droits de l’homme sur ce sujet. Avant le rapport de M. Stier,
la commission avait adopté un premier rapport préparé par Damien Cottier
(Suisse, ADLE) (voir Doc. 15689 et Résolution 2482 (2023)), en janvier 2023.. La commission m’a désigné rapporteur le 2 octobre 2024.
2. Depuis la finalisation du rapport de M. Stier, l’Assemblée a adopté plusieurs résolutions et recommandations sur la guerre d’agression russe contre l’Ukraine, notamment la Résolution 2573 (2024) «Personnes disparues, prisonniers de guerre et personnes civiles en captivité en raison de la guerre d’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine», sur la base d’un rapport préparé pour la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées (rapporteure: Mme Maria Mezentseva-Fedorenko, Ukraine, PPE/DC); la Résolution 2588 (2025) «Engagement européen en faveur d’une paix juste et durable en Ukraine», sur la base d’un rapport préparé pour la commission des questions politiques et de la démocratie (rapporteure: Mme Miapetra Kumpula-Natri, Finlande, SOC); et plus récemment, la Résolution 2598 (2025) «Guerre d’agression russe contre l’Ukraine: la nécessité d’établir les responsabilités et d’empêcher l’impunité», sur la base d’un rapport préparé pour la commission des questions juridiques et des droits de l’homme (rapporteur: M. Iulian Bulai, Roumanie, ADLE).
3. Le Conseil de l’Europe dans son ensemble a continué d’apporter sa contribution aux initiatives menées au niveau mondial et régional en réponse à la guerre d’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, lesquelles visent en particulier à mettre au point un système complet d’établissement des responsabilités pour toutes les violations du droit international commises en Ukraine et contre ce pays, et à le mettre en oeuvre. Les trois grands axes d’intervention étaient la création d’un tribunal spécial pour le crime d’agression contre l’Ukraine dans le cadre du Conseil de l’Europe, par la participation du Conseil de l’Europe au Groupe restreint d’États et d’organisations soutenant la création d’un tel tribunal et l’élaboration des projets d’instruments juridiques 
			(4) 
			En
avril 2022, l'Assemblée a été le premier organe international à
demander la création d'un «tribunal pénal international ad hoc chargé
d'enquêter sur le crime d'agression commis par les dirigeants politiques
et militaires de la Fédération de Russie et d'en poursuivre les
auteurs» (Résolution 2433 (2022)). Voir aussi la Résolution 2436 (2022).; la constitution d’une commission des demandes d’indemnisation pour l’Ukraine, deuxième composante d’un mécanisme d’indemnisation complet (le premier élément étant le Registre des dommages pour l’Ukraine, opérationnel depuis avril 2024), par la participation aux réunions préparatoires et aux négociations formelles sur un traité international; et les travaux sur la situation des enfants d’Ukraine, en particulier ceux qui ont été déportés illégalement en Fédération de Russie ou transférés de force vers les territoires ukrainiens temporairement occupés par la Fédération de Russie en violation de la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide (article II) et le droit international humanitaire.
4. La commission des questions juridiques et des droits de l'homme a pris connaissance des faits nouveaux concernant le tribunal spécial et le mécanisme d’indemnisation lors de sa réunion du 10 septembre 2024 à Paris, à laquelle ont participé M. Jörg Polakiewicz, directeur du Conseil juridique et du Droit international public du Conseil de l’Europe, et M. Markiyan Kliuchkovskyi, directeur exécutif du Registre des dommages pour l’Ukraine. Elle a également entendu Mme Jessica H. Kim, procureure spéciale pour le crime d’agression détachée des États-Unis auprès du Centre international chargé des poursuites pour le crime d’agression contre l’Ukraine basé à La Haye. Lors de la partie de session de janvier 2025, la commission a tenu une audition conjointe avec d’autres commissions sur la situation des prisonniers de guerre, journalistes et autres civils ukrainiens maintenus en captivité par la Fédération de Russie, avec la participation de M. Maksym Butkevych, défenseur des droits humains, officier des forces armées ukrainiennes, ancien prisonnier de guerre et journaliste; Mme Leniie Umerova, otage civile de la communauté des Tatars de Crimée, récemment libérée dans le cadre d’un échange (citoyenne ukrainienne); M. Yulian Pylypei, membre de la marine ukrainienne, défenseur de Marioupol, qui a passé deux ans et demi en captivité en Russie; et Mme Nataliia Yashchuk, gestionnaire des conséquences de la guerre, Centre pour les libertés civiles, Kyiv.
5. J’ai effectué une visite d’information à Kyiv les 2 et 3 avril 2025, au cours de laquelle j’ai pu rencontrer les autorités ukrainiennes (le président et des juges de la Cour suprême; la directrice adjointe du bureau présidentiel, Mme Iryna Mudra; des représentants du ministère des Affaires étrangères, notamment l’ambassadeur Anton Korynevych, du ministère de la Justice, du Service de sécurité de l’Ukraine, du centre de coordination chargé du traitement des prisonniers de guerre et du Bureau du procureur général), des agents du bureau du Conseil de l’Europe et du bureau du Registre des dommages à Kyiv, ainsi que des acteurs de la société civile et des organisations travaillant sur les questions liées à la responsabilité et aux vétérans de guerre (Truth Hounds, ZMINA, Centre pour les libertés civiles, Crimean Human Rights Group, Pryncyp, Ukrainian Veterans’ Fund, Veteran’s Hub) 
			(5) 
			<a href='https://x.com/PACE_News/status/1908147912560779693'>APCE
sur X: «In meetings with authorities of [Ukraine] in Kyiv, the rapporteur
on the legal and human rights aspects of Russia's aggression @EerikNKross
has reiterated PACE's full support for 'the independence, sovereignty
and territorial integrity of Ukraine within its recognised borders'»,
https://t.co/oWKRsm9ZDf</a>; <a href='https://www.president.gov.ua/en/news/dlya-ukrayini-spravedlivist-ne-predmet-torgu-moralna-ta-prav-97041'>For
Ukraine, Justice Is Not a Bargaining Chip but a Moral and Legal
Necessity – Iryna Mudra – Official website of the President of Ukraine</a>; “<a href='https://court.gov.ua/eng/supreme/pres-centr/news/1787046/'>President
of the Supreme Court holds a working meeting with the Rapporteur
of the PACE Committee on Legal Affairs and Human Rights</a>”, Ukrainian Judiciary.. Je tiens à remercier toutes les personnes rencontrées, qui m’ont fourni des informations extrêmement utiles pour l’élaboration de mon rapport final.
6. La Russie poursuit ses attaques militaires contre l’Ukraine, notamment contre des infrastructures civiles et des bâtiments résidentiels, faisant de nombreuses victimes civiles, dont des enfants, dans les villes de Kharkiv, Kryvyi Rih 
			(6) 
			<a href='https://www.ohchr.org/en/press-releases/2025/04/turk-denounces-russian-attack-which-leaves-nine-children-dead-ukraine'>«Volker
Türk dénonce l’attaque russe qui a causé la mort de neuf enfants
en Ukraine», Haut-Commissariat aux droits de l’homme</a>., Sumy 
			(7) 
			«<a href='https://kyivindependent.com/european-leaders-respond-to-russias-palm-sunday-attack-on-sumy-that-left-dozens-dead/'>'A
war crime' – European leaders react to Russia's Palm Sunday attack
on Sumy that killed dozens</a>»., Odessa et Kyiv 
			(8) 
			Le 24 avril 2025, une
attaque aérienne russe par missiles et munitions rôdeuses a fait
12 morts et 87 blessés dans les quartiers résidentiels de Kyiv,
dont des femmes et des enfants. Il s’agit de la frappe la plus meurtrière
dans la capitale depuis l’an dernier.. La plupart de ces attaques constituent des violations flagrantes du droit international humanitaire et viennent s’ajouter à la longue liste des crimes de guerre commis par les forces russes en Ukraine depuis le début de l’agression à grande échelle en février 2022. Certaines, comme celles perpétrées à Kryvyi Rih le 6 avril 2025 et à Sumy le 13 avril 2025 (dimanche des Rameaux), ont été reconnues et justifiées par Vladimir Poutine lui-même 
			(9) 
			<a href='https://www.ukrinform.net/rubric-ato/3984501-putin-admits-russia-targeting-civilian-sites-in-sumy-kryvyi-rih.html'>«Putin
admits Russia targeting civilian sites in Sumy, Kryvyi Rih»</a>., ce qui témoigne d’un manque de respect cynique pour les règles les plus élémentaires du droit international humanitaire. Le 20 avril 2025, le président Zelensky a proposé un cessez-le-feu renouvelable de 30 jours sur les frappes de drones et de missiles longue portée visant les infrastructures civiles, qui n’a pas encore été accepté par la Russie 
			(10) 
			<a href='https://www.reuters.com/world/europe/kremlin-putin-willing-discuss-zelenskiys-call-halt-attacks-civilian-2025-04-22/'>«Kremlin:
Putin willing to discuss Zelenskiy's call for halt to attacks on
civilian infrastructure»</a>, Reuters..
7. Dans le présent rapport, je mettrai l’accent sur les différents éléments d’un système complet d’établissement des responsabilités pour l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine et ses conséquences juridiques et en matière de droits humains, en vue de faire de nouvelles propositions aux États membres, au Conseil de l’Europe dans son ensemble et aux partenaires internationaux. J’examinerai l’avancée des travaux relatifs au tribunal spécial pour le crime d’agression et au mécanisme d’indemnisation, ainsi que les procédures en cours au sein des divers mécanismes existants visant à amener les responsables à répondre de leurs actes (CPI, Cour européenne des droits de l’homme, organes des Nations Unies, enquêtes et poursuites en Ukraine et dans d’autres États membres). Je traiterai également des conséquences possibles des négociations de la nouvelle administration des États-Unis avec la Russie (entamées en mars 2025), et notamment des effets du désengagement croissant des États-Unis des projets et discours sur la détermination des responsabilités. Enfin, j’aborderai également la situation des prisonniers de guerre et des civils ukrainiens détenus illégalement par la Fédération de Russie et la nécessité d’intégrer cet aspect dans tout processus de paix crédible.

2. Le crime d’agression et la nécessité de créer un tribunal spécial pour le crime d’agression contre l’Ukraine

8. Dans sa Résolution 2556 (2024), l’Assemblée a estimé que la création d’un tribunal spécial au moyen d’un accord entre le Conseil de l’Europe et l’Ukraine, soutenu par un accord partiel élargi, serait «la meilleure option possible, en termes de base juridique et de légitimité politique» et «s’inscrirait clairement dans le mandat du Conseil de l’Europe, tel que reflété dans son Statut, et conformément aux priorités définies lors du Sommet de Reykjavík». L’Assemblée a réaffirmé que «le tribunal spécial devrait donc présenter des caractéristiques qui le rendraient aussi international que possible et encourageraient un soutien inter-régional, en tenant compte de la nécessité de maximiser sa légitimité internationale et de minimiser les éventuelles contestations juridiques, notamment en ce qui concerne le recours éventuel à des immunités personnelles de la part des principaux suspects». Elle a considéré que le tribunal spécial devrait présenter un certain nombre de caractéristiques spécifiques, dont la liste inclut les questions de compétence (sa compétence temporelle, en particulier, devrait s’étendre à l’agression ayant débuté en février 2014), la définition du crime d’agression (conforme au Statut de la CPI), la question des immunités personnelles, le droit à un procès équitable, les procès par contumace, les accords de coopération et la complémentarité avec la CPI. La résolution précise que les immunités personnelles ne s’appliqueront pas devant le tribunal spécial et propose que son statut laisse cette question à l’interprétation des juges du tribunal spécial, en tenant compte de la pratique des autres tribunaux pénaux internationaux et des précédents en droit international. Dans ses résolutions précédentes (Résolution 2436 (2022) et Résolution 2482 (2023)), l'Assemblée avait souligné que le tribunal spécial ne devait pas être «restreint par l'immunité de l’État ou des chefs d'État et de gouvernement et autres représentants de l'État», étant donné que le crime d'agression est par définition un crime de direction, et que «les immunités personnelles ne s'appliqueront pas aux représentants de l’État en exercice, conformément à la pratique d'autres tribunaux pénaux internationaux». Le compromis trouvé sur la question des immunités dans la Résolution 2556 (2024) est en partie le résultat de la pression exercée par certaines délégations au sein du Groupe restreint chargé de négocier le statut du tribunal spécial. Les États-Unis et d'autres pays du G7 n'étaient pas du tout favorables à l'inclusion de la «Troïka» (chef d’État, chef de gouvernement et ministre des Affaires étrangères) dans le mandat du tribunal spécial. L'Ukraine, à l'époque, avait accepté le compromis (laissant l'interprétation de la question aux juges).
9. Du 19 au 21 mars 2025, le Groupe restreint d’États réuni à Strasbourg a finalisé les projets de documents juridiques établissant le tribunal spécial, après deux ans de consultations 
			(11) 
			 <a href='https://www.coe.int/fr/web/portal/-/special-tribunal-for-ukraine-secretary-general-welcomes-completion-of-technical-discussions'>www.coe.int/fr/web/portal/-/special-tribunal-for-ukraine-secretary-general-welcomes-completion-of-technical-discussions</a>. Le Groupe restreint se compose de 39 États (dont 5 États
non européens), du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne.. Les textes approuvés incluent un projet d’accord bilatéral entre l’Ukraine et le Conseil de l’Europe, un projet de statut du tribunal spécial et un projet d’accord partiel élargi sur la gestion du tribunal spécial. La réunion a été ouverte par le président de l’Assemblée qui a expliqué le rôle tenu par l’Assemblée, ayant été la première instance internationale à demander la création d’un tribunal spécial dès avril 2022. Les trois documents ont été soumis aux responsables ukrainiens et aux États participant au Groupe restreint en vue d’obtenir leur aval politique. D’après les informations qui m’ont été communiquées lors de ma visite sur le terrain, une réunion devrait avoir lieu à Lviv le 9 mai avec les représentants de tous les participants au Groupe restreint (les ministres des Affaires étrangères et leurs conseillers juridiques), au cours de laquelle le Gouvernement ukrainien demandera officiellement la création du tribunal spécial sur la base des projets d’instruments juridiques. Le Comité des Ministres pourrait alors reconnaître ou soutenir la demande de l’Ukraine (probablement lors de la session ministérielle au Luxembourg les 13 et 14 mai) et préparer les décisions finales (autorisant le Secrétaire Général à conclure l’accord au nom du Conseil de l’Europe et établissant l’accord partiel élargi) 
			(12) 
			Peu
après l'adoption de ce rapport, le 14 mai 2025, le Comité des ministres
s'est félicité de la finalisation, au sein du Groupe restreint,
des projets d'instruments juridiques nécessaires à la création d'un
tribunal spécial chargé de juger les crimes d'agression contre l'Ukraine
dans le cadre du Conseil de l'Europe, et a confirmé avoir reçu une
lettre de l'Ukraine demandant la création de ce tribunal spécial.. L’Assemblée a déjà anticipé ces étapes dans ses récentes Résolution 2598 (2025) et Recommandation 2294 (2025), qui invitent le Comité des Ministres à adopter ces décisions dès qu’un accord politique aura été trouvé.
10. Je crois comprendre qu’il a été donné suite à certaines demandes formulées par l’Assemblée au sujet des caractéristiques du tribunal spécial, notamment en ce qui concerne les immunités de fonctions, la définition du crime d’agression, les procès par contumace, les droits à un procès équitable et la coopération avec la CPI. Je crois également comprendre qu’il n’y aura pas de limite temporelle à sa compétence, ce qui signifie que le tribunal spécial sera à même d’exercer des poursuites pour le crime d’agression ayant débuté le 20 février 2014, et non uniquement pour les actes commis depuis le 24 février 2022 (voir Résolution 2294 (2025) et Résolution 2556 (2024)). Sa compétence ne sera pas limitée aux suspects russes et pourra s’étendre selon le cas aux ressortissants d’autres États ayant participé à la guerre d’agression contre l’Ukraine. Elle pourrait inclure les prétendus dirigeants du Bélarus, voire les dirigeants politiques et militaires de la République populaire démocratique de Corée («Corée du Nord»), conformément aux récentes résolutions de l’Assemblée. Aux termes de la Résolution 3314 de 1974 de l’Assemblée générale des Nations Unies et de l’article 8bis du Statut de la CPI, l’acte consistant à mettre le territoire d’un État à la disposition d’un autre État afin qu’il serve à la commission par ce dernier d’un acte d’agression contre un État tiers, constitue en soi un acte d’agression. L’Assemblée générale des Nations Unies a déploré l’implication du Bélarus dans l’usage illicite de la force contre l’Ukraine 
			(13) 
			<a href='https://docs.un.org/en/A/RES/ES-11/1'>Résolution ES-11/1
de l’Assemblée générale des Nations Unies</a>.. Par ailleurs, il apparaît clairement que l’envoi de troupes de la Corée du Nord (dont les effectifs sont estimés à 14 000 soldats) ou leur participation au combat contre l’Ukraine aux côtés des forces russes (dans la région de Koursk) pourrait également entrer dans la définition d’un acte d’agression 
			(14) 
			<a href='https://www.reuters.com/graphics/UKRAINE-CRISIS/NORTHKOREA-RUSSIA/lgvdxqjwbvo/'>«Inside
North Korea’s vast operation to help Russia’s war on Ukraine</a>»; <a href='https://www.reuters.com/world/europe/ukraine-investigating-north-koreas-support-russia-possible-crime-aggression-2024-10-25/'>«Ukraine
investigating North Korea's support for Russia as possible crime
of aggression», Reuters</a>; <a href='https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-10-2024-0055_FR.html'>Textes
adoptés – «Renforcer le soutien indéfectible de l’UE à l’Ukraine
contre la guerre d’agression menée par la Russie et la coopération
militaire croissante entre la Corée du Nord et la Russie» – 28 novembre 2024</a>; «<a href='https://www.ejiltalk.org/north-koreas-troop-deployment-in-the-russian-war-of-aggression-against-ukraine-the-dprk-as-a-principal-or-as-an-accomplice/'>North
Korea’s Troop Deployment in the Russian War of Aggression against
Ukraine: The DPRK as a Principal or as an Accomplice?» – EJIL: Talk!</a>; <a href='https://lieber.westpoint.edu/north-koreas-entry-international-armed-conflict/'>«Ukraine
Symposium – North Korea’s Entry into International Armed Conflict»,
Lieber Institute West Point</a>. 
			(14) 
			L’article 3(g) de la Résolution 3314
de l’Assemblée Générale des Nations Unies inclut dans la définition
d’un acte d’agression, «l’envoi par un État ou en son nom de bandes
ou de groupes armés, de forces irrégulières ou de mercenaires qui
se livrent à des actes de force armée contre un autre État d’une
gravité telle qu’ils équivalent aux actes énumérés ci-dessus, ou
le fait de s’engager d’une manière substantielle dans une telle
action».. En avril 2025, le dictateur nord-coréen a publiquement admis que ses troupes participaient à la guerre d'agression russe contre l'Ukraine «afin d'anéantir les occupants néonazis ukrainiens» 
			(15) 
			<a href='https://www.aljazeera.com/news/2025/4/28/north-korea-confirms-soldiers-sent-to-fight-with-russia-against-ukraine'>www.aljazeera.com/news/2025/4/28/north-korea-confirms-soldiers-sent-to-fight-with-russia-against-ukraine</a>..
11. L’une des questions les plus difficiles à trancher lors des négociations qui ont eu lieu au sein du Groupe restreint a été celle des immunités personnelles de la «troïka», à distinguer des immunités de fonctions 
			(16) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/dlapil/-/conference-to-mark-the-3rd-anniversary-of-russia-s-full-scale-invasion-of-ukraine'>«Conference
to Mark the 3rd Anniversary of Russia’s Full-scale Invasion of Ukraine
– The Role of the Council of Europe in the Pursuit of Peace, Justice
and Accountability in Ukraine» – Direction du Conseil juridique
et du Droit international public</a>; <a href='https://opiniojuris.org/2025/04/16/the-road-not-yet-taken-a-special-tribunal-for-the-crime-of-aggression-against-ukraine/'>«The
Road Not (Yet) Taken: A Special Tribunal for the Crime of Aggression
against Ukraine» – Opinio Juris</a>.. Je souscris pleinement aux rapports et résolutions antérieurs de l’Assemblée (établis par M. Damien Cottier (Suisse, ADLE) et M. Davor Ivo Stier (Croatie, PPE/CD)) selon lesquels les immunités personnelles ne devraient pas s’appliquer devant un tribunal international ou internationalisé 
			(17) 
			«<a href='https://www.justsecurity.org/96320/council-of-europe-ukraine-tribunal/'>International
Enough? A Council of Europe Special Tribunal for the Crime of Aggression</a>».. Il est regrettable qu’un compromis ait dû être trouvé entre des points de vue politiques et juridiques divergents sur la question et que certains points de vue politiques l’ont emporté. Le compromis semble être que le procureur du TS pourra recueillir des preuves, enquêter sur les crimes et soumettre au tribunal spécial un acte d’accusation contre les membres de la troïka concernés, mais que le TS ne prendra aucune mesure procédurale ni délivrera aucun mandat d’arrêt tant que ces personnes resteront en fonction 
			(18) 
			<a href='https://www.justsecurity.org/110851/holding-leaders-accountable-crime-aggression/'>«Holding
Russian Leaders Accountable for the Crime of Aggression</a>».. Ce résultat n'est pas conforme au Statut de Rome de la CPI, dont l'article 27 stipule: «1. Le présent Statut s'applique à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle... 2. Les immunités ou règles de procédure spéciales qui peuvent s’attacher à la qualité officielle d'une personne, en vertu du droit interne ou du droit international, n'empêchent pas la Cour d'exercer sa compétence à l'égard de cette personne». La Commission du droit international (CDI) et les résolutions des Nations Unies confirment le principe selon lequel la qualité officielle ne constitue pas un moyen de défense dans les poursuites pour crimes internationaux, y compris l'agression. Ce principe a été réaffirmé dans l'affaire Mandat d'arrêt (CIJ, 2002): cette immunité s'applique devant les juridictions nationales étrangères pendant l'exercice des fonctions, mais pas nécessairement devant les tribunaux pénaux internationaux. Ce résultat n'est pas à la hauteur de la norme internationale en matière de responsabilité pour le crime d'agression (alors crime contre la paix) établie par le Tribunal de Nuremberg, dont le Statut (article 7) stipule: «La situation officielle des accusés, soit comme chefs d'État, soit comme haut fonctionnaires, ne sera considérée ni comme une excuse absolutoire...». Ce résultat ne répond manifestement pas à toutes les attentes des autorités et de la société ukrainiennes. Toutefois, ce compromis permet au futur tribunal d’enquêter efficacement et de punir la majorité des personnes qui portent la responsabilité pour le crime d'agression et à enquêter sur les crimes des hauts dirigeants russes qui portent la plus grande responsabilité.
12. Il est regrettable que les États-Unis aient quitté le Groupe restreint depuis mars 2025 après avoir participé aux consultations sur le tribunal spécial dès leur lancement, sous la présidence Biden. Les autorités américaines se sont également retirées du Centre international chargé des poursuites pour le crime d’agression contre l’Ukraine basé à La Haye, qu’elles soutenaient par une contribution financière et le détachement de procureurs 
			(19) 
			<a href='https://www.nytimes.com/2025/03/17/us/politics/trump-ukraine-invasion-accountability.html'>«U.S.
to Withdraw From Group Investigating Responsibility for Ukraine
Invasion»</a>, The New York Times.. Ces évolutions sont à rapprocher des changements intervenus dans la politique étrangère américaine depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, notamment en ce qui concerne les relations avec l’Ukraine et la Russie et la position des États-Unis sur la caractérisation juridique et politique de l’agression 
			(20) 
			Ce revirement de position
a pu être observé lors des votes à l’Assemblée Générale des Nations
Unies du 24 février 2025, où les États-Unis ont voté avec la Russie
contre un texte présenté par l’Ukraine et les États membres de l’Union
européenne évoquant «l’agression contre l’Ukraine», «l’unité et
l’intégrité territoriale de l’Ukraine», «une paix globale, juste
et durable» et «la nécessité d’amener les responsables à répondre
de leurs actes» (<a href='https://docs.un.org/fr/A/RES/ES-11/7'>ES-11/7</a>). Le texte adopté par le Conseil de sécurité des Nations
Unies le même jour (<a href='https://docs.un.org/fr/S/RES/2774(2025)'>Résolution 2774</a>) avec le soutien des États-Unis et de la Russie et l’abstention
des États membres de l’Union européenne ne reprenait aucun de ces
termes et se bornait à demander instamment qu’il soit mis fin au
«conflit» dans les plus brefs délais et à plaider pour «une paix
durable entre l’Ukraine et la Fédération de Russie». Voir: <a href='https://www.ejiltalk.org/unsc-resolution-2774-the-implications-of-equidistance-for-ukraine-and-international-law/'>«UNSC
Resolution 2774: The Implications of Equidistance for Ukraine and International
Law» – EJIL: Talk!</a>..
13. Conformément à la Résolution 2598 (2025), je propose que l’Assemblée appelle une nouvelle fois les États membres, les participants au Groupe restreint et le Comité des Ministres à faire en sorte que le tribunal spécial puisse être établi dans les meilleurs délais, en adoptant les décisions politiques correspondantes et les instruments juridiques finaux. Ce processus devrait être de courte durée car tous les textes juridiques sont prêts et attendent un appui politique. L’Assemblée devrait également recommander de veiller à ce que le tribunal spécial, une fois créé, soit doté de l’ensemble des outils et ressources nécessaires pour devenir opérationnel, par la nomination rapide de juges et d’agents indépendants et hautement qualifiés, et que des accords de coopération soient signés avec tous les États participants ainsi qu’avec la CPI. Par ailleurs les États observateurs et États non européens qui souhaitent préserver l’ordre juridique international devraient être invités à y adhérer, pour assurer une participation inter-régionale la plus large possible.
14. Dans le contexte des pourparlers actuels et futurs entre les États-Unis, l’Ukraine et la Russie au sujet d’un éventuel cessez-le-feu ou de négociations de paix, il convient également de rappeler qu’il ne serait pas possible de proposer une amnistie internationale pour le crime d’agression, même si certains pourraient y voir une solution souhaitable pour parvenir à la paix. Pour qu’il n’y ait plus aucun doute à ce propos, le statut du tribunal spécial devrait comporter une disposition sur l’irrecevabilité des amnisties accordées aux personnes relevant de sa juridiction. L’interdiction de l’agression est une norme impérative du droit international général, reconnue en tant que jus cogens. Tous les États ont le devoir de coopérer pour mettre fin aux violations graves de cette norme 
			(21) 
			Voir
article 41 du Projet d’articles sur la<a href='https://legal.un.org/ilc/texts/instruments/english/draft_articles/9_6_2001.pdf'> responsabilité
de l’État pour fait internationalement illicite</a>. Voir également le premier paragraphe de la Résolution 2598 (2025)
de l’Assemblée. Dans <a href='https://docs.un.org/fr/S/2004/616'>un</a> rapport de 2004, le Secrétaire Général des Nations Unies
a déclaré que «les accords de paix entérinés par l’ONU ne peuvent
en aucun cas promettre l’amnistie pour les actes de génocide, les
crimes de guerre, les crimes contre l’humanitéou les atteintes graves
aux droits de l’homme» (par. 10)., ce qui inclut en toute logique une obligation d’éviter l’impunité et de garantir que les violations en question ne se répètent pas. L’Assemblée devrait rappeler qu’aucun processus ou accord de paix ne saurait aller à l’encontre de l’engagement pris par le Conseil de l’Europe de demander des comptes à la Fédération de Russie et d’établir les responsabilités pour l’ensemble des crimes commis. La paix doit être juste et conforme aux principes du droit international. Elle ne doit pas être obtenue en jouant sur le levier de l’obligation de rendre des comptes. Cette position est partagée par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, qui a souligné qu’une approche fondée sur les droits humains et centrée sur les victimes doit faire partie intégrante de tous pourparlers de paix sur l’Ukraine 
			(22) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/human-rights-should-be-an-integral-part-of-any-peace-talks-on-ukraine'>«Les
droits humains devraient faire partie intégrante de tous pourparlers
de paix sur l’Ukraine», Commissaire aux droits de l’homme</a>..
15. De la même manière, l’annexion illégale des territoires ukrainiens occupés ne devrait jamais être reconnue par aucun Etat ni faire partie d’un accord de paix. En droit international, l’interdiction de toute acquisition de territoire obtenue par la menace ou l’emploi de la force est un corollaire de l’interdiction de la menace ou de l’emploi de la force 
			(23) 
			Cour
internationale de justice (CIJ), «Conséquences juridiques découlant
des politiques et pratiques d’Israël dans le territoire palestinien
occupé, y compris Jérusalem-Est», avis consultatif, 19 juillet 2024,
par. 175.. L’annexion constituant en soi une violation grave de ce principe, les États sont tenus de ne pas reconnaître comme licite la situation créée par cette violation, de ne pas prêter aide ou assistance à son maintien et de prendre des mesures concrètes pour y mettre fin 
			(24) 
			<a href='https://legal.un.org/ilc/texts/instruments/french/draft_articles/9_6_2001.pdf'>La
responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite</a>, article 41.. Cela nécessiterait au minimum de s’opposer à tout accord qui tenterait d’entériner ou de légaliser un quelconque changement territorial résultant de l’agression. Il est préoccupant de constater à cet égard que certains représentants des États-Unis et le Président Trump laissent entendre que des changements territoriaux (notamment concernant la Crimée) pourraient être acceptés de jure dans le cadre d’un accord de paix 
			(25) 
			<a href='https://www.washingtonpost.com/world/2025/04/22/ukraine-russia-rubio-london-crimea-peace-deal/'>«U.S.
to recognize Crimea as Russian in future Ukraine peace deal» – The
Washington Post</a>; <a href='https://time.com/7280114/donald-trump-2025-interview-transcript/'>Read
Trump’s ‘100 Days’ Interview Transcript» | TIME</a>.. L’Assemblée devrait donc réaffirmer sans équivoque et avec fermeté que l’annexion par la Russie de tout territoire ukrainien, qui est un élément fondamental du crime d’agression, est et restera manifestement illégale aux yeux de la communauté internationale.

3. La nécessité de conclure les travaux engagés en vue de la mise en place d’un mécanisme complet international d’indemnisation

16. La Fédération de Russie doit assumer les conséquences juridiques de tous les faits internationalement illicites qu’elle a commis en Ukraine ou contre l’Ukraine, y compris en réparant tout dommage causé par ses actes à toutes les personnes physiques et morales concernées, ainsi qu’à l’État ukrainien, y compris ses autorités régionales et locales, ses entités appartenant à l’État ou contrôlées par lui. Je renvoie ici aux précédentes résolutions de l’Assemblée sur le sujet, notamment la Résolution 2556 (2024) «Questions juridiques et violations des droits de l'homme liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine» et la Résolution 2539 (2024) «Soutien à la reconstruction de l’Ukraine», ainsi qu’à la Résolution A/RES/ES-11/5 de l’Assemblée générale des Nations Unies du 14 novembre 2022 «Agression contre l’Ukraine: recours et réparation», qui reconnaît la nécessité de mettre en place un mécanisme international de réparation.
17. Le Registre des dommages a été établi lors du Sommet de Reykjavik en mai 2023 et constitue la première composante d’un mécanisme complet d’indemnisation pour l’agression commise par la Fédération de Russie et les multiples violations du droit international qui en résultent. Créé par un accord partiel élargi dans le cadre du Conseil de l’Europe, il est devenu opérationnel en avril 2024. Au cours de l’année écoulée, il a ouvert le processus de dépôt des demandes d’indemnisation pour plusieurs catégories de dommages, y compris le déplacement interne involontaire, le décès d’un membre de la famille proche, la disparition d’un membre de la famille proche, les lésions corporelles graves, la violence sexuelle, la torture ou les autres peines ou traitements inhumains ou dégradants, la privation de liberté, le travail ou les services forcés, et dommages ou destruction de biens immobiliers résidentiels. À ce jour, il a reçu plus de 20 000 demandes et le Conseil du Registre poursuit son travail en adoptant des décisions sur l’enregistrement des demandes d’indemnisation. Selon les estimations, six à huit millions de demandes devraient être déposées 
			(26) 
			Le Conseil du Registre
a récemment enregistré un total de 4 461 demandes d’indemnisation
après vérification minutieuse de leur exactitude. Il s’agit notamment
de demandes portant sur la destruction d’habitations dans divers
lieux en Ukraine; 387 demandes concernent le décès de parents proches,
dont des décès de civils et de membres des forces armées et de la
défense territoriale de l’Ukraine: <a href='https://rd4u.coe.int/en/-/board-of-the-register-of-damage-for-ukraine-concludes-a-significant-visit-to-kyiv-expanding-support-for-victims'>https://rd4u.coe.int/en/-/board-of-the-register-of-damage-for-ukraine-concludes-a-significant-visit-to-kyiv-expanding-support-for-victims</a>. Voir également «<a href='https://rd4u.coe.int/en/-/over-10-000-claims-for-damage-or-destruction-to-residential-housing-submitted-to-the-register-of-damage-for-ukraine'>Plus
de 10 000 demandes d’indemnisation pour dommages ou destruction
de logements ont été soumises au Registre des dommages pour l’Ukraine»
– Registre des dommages pour l’Ukraine (en anglais)</a>.. Dans sa Résolution 2598 (2025), l’Assemblée a demandé une nouvelle fois aux membres participants et associés du Registre des dommages de ne pas limiter la période couverte par ce dernier aux demandes portant sur les dommages causés à compter du 24 février 2022, comme le prévoit actuellement son statut, mais de l’étendre aux demandes remontant à 2014. L’Assemblée devrait réitérer cet appel.
18. Du 24 au 26 mars 2025, les négociations officielles sur un traité international visant à établir une commission des demandes d’indemnisation pour l’Ukraine ont été engagées à La Haye avec la participation de plus de 50 États de différents continents, du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne 
			(27) 
			<a href='https://rd4u.coe.int/en/-/formal-negotiations-begin-on-treaty-to-establish-aclaims-commission-for-ukraine'>https://rd4u.coe.int/en/-/formal-negotiations-begin-on-treaty-to-establish-aclaims-commission-for-ukraine</a>.. Cet événement marque une étape importante dans la création du deuxième élément du mécanisme complet d’indemnisation prévu dans le statut du Registre des dommages, que l’Assemblée a appelé de ses vœux à plusieurs reprises dans de précédentes résolutions. Cette instance examinera les demandes d’indemnisation des dommages en cours d’inscription au Registre des dommages pour l’Ukraine et déterminera le montant des indemnisations dues dans chaque cas. Bien que deux options soient possibles concernant le modèle de traité établissant la commission des demandes d’indemnisation, l’Assemblée (dans sa Résolution 2598 (2025)) a déjà exprimé son soutien à une Convention ouverte du Conseil de l’Europe, qui assurerait la participation inter-régionale requise tout en tirant profit de la position de premier plan et de l’expertise de l’Organisation dans ce domaine. Une telle approche serait également plus cohérente avec le fait que le Registre des dommages, destiné à faire partie intégrante du futur mécanisme d’indemnisation, a été mis en place et fonctionne sous les auspices du Conseil de l’Europe. Il est essentiel que la future commission des demandes d’indemnisation ait une compétence temporelle couvrant tous les dommages causés depuis le début de l’agression en 2014 et ne se limite pas à l’agression à grande échelle en cours depuis 2022. Il est également essentiel que les négociations sur le traité instituant la commission des demandes d’indemnisation soient achevées dans les mois à venir, que le traité soit adopté d’ici la fin de l’année et que le processus de ratification soit mené à bien rapidement afin que la commission puisse commencer ses travaux dans le courant de l’année 2026.
19. Sur la question de savoir comment assurer le versement des indemnisations accordées par la future commission des demandes d’indemnisation, je renvoie à la position bien établie de l’Assemblée, exprimée dans ses Résolution 2556 (2024), Résolution 2539 (2024) et Résolution 2598 (2025). L’Assemblée considère que la réaffectation des avoirs de l’État russe actuellement gelés (pour un montant d’environ 300 milliards USD) serait une mesure de rétorsion légale contre la Russie prévue par le droit international, car elle aurait pour but d’inciter l’agresseur à cesser son comportement illégal et à respecter ses obligations, notamment celle de réparer les dommages qu’elle a causés 
			(28) 
			Pour plus de précisions
à ce sujet, voir la Résolution 2539 (2024), le rapport de M. Lulzim Basha (Albanie, PPE/DC), Doc.
15932, ainsi que l’avis de la Commission des questions juridiques
et des droits de l’homme (rapporteur: M. Davor Ivo Stier (Croatie,
PPE/DC)), Doc 15941. Voir également <a href='https://www.iiss.org/globalassets/media-library---content--migration/files/research-papers/2024/05-new/iiss_on-proposed-countermeasures-against-russia-to-compensate-injured-states-for-losses-caused-by-russias-war-of-aggression-aga.pdf'>une
note coordonnée par Philip Zelikow</a>, 20 mai 2024.. Il s’agirait d’une réponse collective justifiée et proportionnée à l’agression en cours, qui constitue une violation des obligations erga omnes et des normes de jus cogens. L’Assemblée a donc demandé instamment aux États membres et à tout autre État détenant ces avoirs d’adopter une législation autorisant de telles mesures, en vue de transférer les actifs à un futur fonds international d’indemnisation 
			(29) 
			Le Parlement européen
et l’Assemblée nationale française ont également appelé à la réaffectation
des actifs gelés de l’État russe à des fins d’indemnisation et de
reconstruction. Voir les résolutions du Parlement européen du 19 septembre 2024,
du 28 novembre 2024 et du 12 mars 2025: <a href='https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-10-2024-0012_FR.html'>www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-10-2024-0012_FR.html</a>; <a href='https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-10-2024-0055_FR.html'>Textes
adoptés – Renforcer le soutien indéfectible de l’UE à l’Ukraine
contre la guerre d’agression menée par la Russie et la coopération
militaire croissante entre la Corée du Nord et la Russie – 28 novembre 2024</a>. <a href='https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-10-2025-0033_FR.html'>Textes adoptés
– Poursuivre le soutien sans faille de l’Union à l’Ukraine, après
trois ans de guerre d’agression russe – 12 mars 2025</a>; Assemblée nationale française: «<a href='https://www.france24.com/fr/europe/20250313-ukraine-les-d%C3%A9put%C3%A9s-adoptent-une-r%C3%A9solution-de-soutien-visant-%C3%A0-saisir-les-avoirs-russes'>Ukraine:
l’Assemblée nationale adopte une résolution de soutien visant à saisir
les avoirs russes»</a>. qui constituera la troisième composante fondamentale du mécanisme d’indemnisation pour l’Ukraine. J’espère que la future Convention sur la Commission des demandes d’indemnisation établira un cadre et un calendrier clairs pour la création de ce fonds dans un avenir proche.
20. Dans l’intervalle, les États devraient transférer immédiatement les actifs gelés vers un fonds fiduciaire international qui en assurerait la gestion de manière à ce qu’ils bénéficient aux victimes de l’agression et à la reconstruction de l’Ukraine 
			(30) 
			Voir <a href='https://verfassungsblog.de/frozen-russian-state-assets/'>«Frozen
Russian State Assets</a>»; <a href='https://www.hoover.org/research/fresh-look-russian-assets-proposal-international-resolution-sanctioned-accounts'>«A
Fresh Look At The Russian Assets: A Proposal For International Resolution Of
Sanctioned Accounts» | Hoover Institution</a>; <a href='https://www.rusi.org/explore-our-research/publications/commentary/impending-collapse-russia-sanctions-cost-inaction'>«The
Impending Collapse of Russia Sanctions: The Cost of Inaction» | Royal
United Services Institute</a>.. Il est important et urgent d’agir maintenant, étant donné le risque que les sanctions européennes et internationales de gel des actifs ne soient pas renouvelées du fait d’un blocage par certains États membres de l’Union européenne ou de l’ouverture d’éventuels pourparlers de paix. Si les actifs venaient à être restitués à la Fédération de Russie, ils pourraient être utilisés pour financer la guerre d’agression en cours et continuer à provoquer des destructions et à faire des victimes, tout en discréditant les efforts européens visant à apporter un soutien significatif à l’Ukraine.

4. Avancées enregistrées dans les différents systèmes nationaux et internationaux visant à amener les responsables à répondre des crimes et violations flagrantes des droits humains commis par la Fédération de Russie

4.1. Cour pénale internationale

21. Depuis l’adoption de la Résolution 2556 (2024) en juin 2024, la CPI n’a pas émis de nouveaux mandats d’arrêt dans le cadre de son enquête sur la situation en Ukraine. Les six mêmes mandats d’arrêt restent en vigueur, contre: Vladimir Poutine et Maria Lvova-Belova, Commissaire aux droits des enfants du Bureau du Président de la Fédération de Russie, pour le crime de guerre de déportation et de transfert illégaux d’enfants ukrainiens; Sergei Ivanovich Kobylash et Viktor Nikolayevich Sokolov pour le crime de guerre consistant à diriger des attaques contre des biens de caractère civil, le crime de guerre consistant à causer incidemment des dommages excessifs à des civils ou à des biens de caractère civil et le crime contre l’humanité d’actes inhumains (en relation avec la campagne de frappes aériennes); ainsi que Sergei Kuzhugetovich Shoigu et Valery Vasilyevich Gerasimov pour les mêmes catégories de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Aucun de ces mandats d’arrêt n’a été exécuté. Celui contre Vladimir Poutine n’a pas été respecté lorsque ce dernier a effectué sa première visite dans un État partie à la CPI en septembre 2024 (Mongolie). Le 24 octobre 2024, la deuxième chambre préliminaire de la CPI a rendu une décision dans laquelle elle conclut que la Mongolie n’a pas exécuté la demande d’arrestation de Vladimir Poutine et a manqué à ses obligations nées du statut de la CPI 
			(31) 
			<a href='https://www.icc-cpi.int/court-record/icc-01/22-90'>«Finding
under article 87(7) of the Rome Statute on the non-compliance by
Mongolia with the request by the Court to cooperate in the arrest
and surrender of Vladimir Vladimirovich Putin and referral to the
Assembly of States Parties» | Cour pénale internationale</a>. La Mongolie a fait appel de cette décision.. Elle y affirme également en des termes clairs que l’immunité personnelle des chefs d’État (y compris d’États tiers) n’est pas opposable dans les procédures devant la Cour et qu’un État partie qui accorde cette immunité dans le cadre d’une demande d’arrestation et de remise agit en violation de ses obligations internationales.
22. Outre le problème de la non-coopération de certains États parties, l’enquête de la CPI sur la situation en Ukraine pourrait rencontrer d’autres difficultés. Les récentes sanctions imposées par l’administration Trump au procureur de la CPI Karim Khan (qui pourraient être étendues à d’autres agents) en représailles aux décisions de la Cour concernant Gaza pourraient entraver sérieusement le travail du bureau du procureur, notamment son enquête en Ukraine et sa coopération avec les différentes parties prenantes 
			(32) 
			<a href='https://www.whitehouse.gov/presidential-actions/2025/02/imposing-sanctions-on-the-international-criminal-court/'>«Imposing
Sanctions on the International Criminal Court» – The White House</a>; <a href='https://www.icc-cpi.int/fr/news/la-cpi-condamne-la-publication-dun-decret-executif-des-etats-unis-visant-imposer-des-sanctions'>«La
CPI condamne la publication d’un décret exécutif des États-Unis
visant à imposer des sanctions à la Cour» | Cour pénale internationale</a>. Voir également Doc. 16124
«Menaces qui pèsent sur la Cour pénale internationale» – proposition
de résolution, renvoyée à la Commission des questions juridiques et
des droits de l’homme pour rapport.. Les États membres qui sont parties au Statut de la CPI devraient condamner ces mesures et accroître leur soutien politique, juridique et matériel à la CPI. Les capacités du bureau du procureur de la CPI à Kyiv devraient être renforcées par des détachements et du personnel supplémentaires.
23. Par ailleurs, il ne devrait y avoir aucune ambiguïté quant au fait que les procédures en cours devant la CPI ne sauraient être remises en cause par un éventuel processus de paix ou toute autre issue pacifique. Certains États ne soutenant pas la CPI risquent d’être tentés d’activer l’article 16 du Statut de la CPI, qui autorise le Conseil de sécurité des Nations Unies à demander la suspension des enquêtes ou poursuites menées par la CPI pour une période d’un an (renouvelable) si une résolution est adoptée en ce sens en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies.

4.2. Cour européenne des droits de l’homme

24. Quatre affaires interétatiques introduites par l’Ukraine contre la Russie sont en instance devant la Cour et concernent toutes des violations commises jusqu’au 16 septembre 2022, date à laquelle la Russie a cessé d’être Partie à la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5). La seule dans laquelle un arrêt a été rendu au principal est l’affaire Ukraine c. Russie (Crimée) (arrêt du 25 juin 2024). La Cour y a constaté des violations multiples et systématiques de la Convention depuis 2014 (entre autres: disparitions forcées, mauvais traitements et détention illégale de soldats ukrainiens, de personnes d’origine ethnique ukrainienne, de Tatars de Crimée et de journalistes, impossibilité de renoncer à la nationalité russe, répression des médias ukrainiens et interdiction de la langue ukrainienne dans les écoles, transfèrements de prisonniers de Crimée vers la Russie, intimidation et harcèlement visant des chefs religieux, expropriations, traitement discriminatoire de la population tatare de Crimée, restrictions à la liberté de circulation entre la Crimée et l’Ukraine continentale, ouverture de poursuites en représailles et détournement du droit pénal contre les «prisonniers politiques ukrainiens»). Elle a précisé par ailleurs que la législation russe ne pouvait être considérée comme étant «la loi» relativement aux mesures prises en Crimée et que la Russie avait étendu de manière injustifiée l’application de son droit à la Crimée après le traité dit «d’intégration» de mars 2014, en violation de la Convention et du droit international humanitaire. Bien que la question de la satisfaction équitable reste en instance devant la Cour, le Comité des Ministres a récemment adopté sa première décision sur la surveillance de l’exécution de cet arrêt, dans laquelle il exhorte la Fédération de Russie à rétablir immédiatement l’application du droit ukrainien en Crimée, à assurer le retour en toute sécurité sous la juridiction des autorités ukrainiennes de tous les prisonniers politiques ukrainiens et de tous les soldats ukrainiens, des personnes d’origine ethnique ukrainienne, des Tatars de Crimée et des journalistes détenus illégalement, et à enquêter sur les violations extrêmement graves qui ont été commises 
			(33) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/execution/-/russia-must-immediately-release-ukrainian-political-prisoners-stop-grave-breaches-of-human-rights-and-ethnic-persecution-in-crimea'>«La
Russie doit immédiatement libérer les prisonniers politiques ukrainiens,
mettre fin aux graves violations des droits humains et aux persécutions
ethniques en Crimée» – Service de l’exécution des arrêts de la Cour
européenne des droits de l’homme</a>..
25. Un arrêt doit encore être rendu au principal dans l’affaire Ukraine et Pays-Bas c. Russie, qui a été déclarée recevable par la Cour et dans laquelle 26 États sont intervenus en qualité de tiers. Cette affaire concerne l’agression russe dans l’est de l’Ukraine depuis le printemps 2014, notamment la destruction de l’avion du vol MH17 de la compagnie Malaysia Airlines, et les opérations militaires russes menées sur le territoire de l’Ukraine depuis le 24 février 2022. J’espère que l’arrêt au principal sera rendu cette année et qu’il clarifiera la question de la «juridiction» s’agissant des attaques militaires sur le territoire de l’Ukraine. Deux autres affaires interétatiques sont en instance, l’une portant sur un incident naval entre les forces armées russes et ukrainiennes survenu en novembre 2018 dans le détroit de Kertch et l’autre sur des opérations d’assassinats ciblés contre des opposants à la Russie (non liées à la guerre).
26. En parallèle, la Cour examine également plus de 9 000 requêtes de personnes affirmant avoir été affectées par divers aspects de la guerre, que ce soit en Crimée, dans l’est de l’Ukraine ou plus généralement depuis l’invasion à grande échelle. La Cour a ainsi communiqué récemment à la Fédération de Russie une affaire déposée au nom de dix enfants ukrainiens portés disparus, qui se trouvaient en structure d’accueil en Crimée en 2014, puis ont été contraints de prendre la nationalité russe avant d’être placés en vue de leur adoption 
			(34) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng-press?i=003-6946900-9342604'>https://hudoc.echr.coe.int/eng-press?i=003-6946900-9342604</a>..
27. La principale difficulté rencontrée dans ces affaires est le manque de coopération de l’État défendeur, la Fédération de Russie, qui a cessé toute communication avec la Cour depuis 2022. Les arrêts au principal et sur la satisfaction équitable seront également très difficiles à mettre en œuvre si la situation ne change pas radicalement. Le Comité des Ministres devrait par conséquent trouver de nouvelles façons d’aborder l’exécution de ces arrêts, notamment en instaurant un dialogue avec d’autres partenaires et mécanismes internationaux d’établissement des responsabilités à répondre de leurs actes et en veillant à ce que les indemnités que la Cour allouera à l’avenir soient couvertes par le mécanisme international d’indemnisation.

4.3. Organes et enquêtes des Nations Unies

28. La Commission d’enquête internationale indépendante sur l’Ukraine des Nations Unies, dont le mandat a été étendu par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies en avril 2025, a publié son dernier rapport en mars 2025. Elle y conclut que les disparitions forcées et les actes de torture commis par les autorités russes constituent des crimes contre l’humanité. Ces actes ont été perpétrés dans le cadre d’une attaque systématique et généralisée contre la population civile, conformément à une politique étatique coordonnée. Dans les zones passées sous leur contrôle, les autorités russes ont placé en détention un grand nombre de civils considérés comme une menace pour leurs objectifs militaires en Ukraine ou comme étant «hostiles» à l’occupation russe. Ces civils ont été transférés vers de multiples centres de détention situés dans les zones occupées de l’Ukraine ou déportés vers la Fédération de Russie, où ils ont subi d’autres violations et crimes. Diverses entités russes refusent catégoriquement de communiquer des informations sur la localisation ou le sort des personnes détenues. Dans les centres de détention des territoires occupés par la Russie en Ukraine et en Fédération de Russie, les autorités russes ont systématiquement recours à la torture contre la plupart des catégories de détenus pour leur extorquer des informations, faire pression sur eux et les intimider. Les formes de torture les plus brutales son utilisées lors des interrogatoires, qui sont souvent menés par le Service fédéral de la sécurité et le Comité d’enquête de la Fédération de Russie. Le rapport conclut par ailleurs que les autorités russes emploient systématiquement la violence sexuelle comme forme de torture contre des détenus hommes et fait état d’autres cas dans lesquels les crimes de guerre de viol et de violences sexuelles ont été perpétrés comme forme de torture contre des détenues femmes.
29. La Commission a également examiné sur les nombreux cas de soldats ukrainiens tués ou blessés par les forces armées russes après leur capture ou alors qu’ils tentaient de se rendre, ce qui constitue un crime de guerre. Elle a constaté une hausse de ce type d’incidents depuis fin 2023. Les témoignages d’anciens soldats russes associés au nombre important d’incidents relevés et leur récurrence indiquent que les forces russes ont obéi à une politique consistant à tuer les soldats capturés ou qui se rendaient. Parmi les recommandations de la Commission à la Fédération de Russie figurent notamment la libération ou le retour de tous les civils ukrainiens déportés et détenus, la restitution aux familles des corps des Ukrainiens décédés et l’arrêt des pratiques consistant à tuer ou à blesser les prisonniers de guerre et le personnel hors de combat 
			(35) 
			<a href='https://www.ohchr.org/en/press-releases/2025/03/ukraine-enforced-disappearances-committed-russian-authorities-amount-crimes'>«Ukraine:
Enforced disappearances committed by Russian authorities amount
to crimes against humanity, says UN Commission of Inquiry» | OHCHR</a>..
30. Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies aura également l’occasion d’évaluer les conséquences juridiques de l’agression russe sous l’angle du droit à la vie garanti par l’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Trois ONG l’ont saisi d’une requête conjointe affirmant que la Russie avait violé le droit à la vie lors de ses frappes de missile à Vinnytsia en 2022, qui avaient fait 18 victimes ukrainiennes 
			(36) 
			<a href='https://reliefweb.int/report/ukraine/ngos-file-landmark-complaint-un-human-rights-committee-russian-aggression-ukraine'>«NGOs
file landmark complaint to UN Human Rights Committee on Russian
aggression in Ukraine», ReliefWeb</a>.. L’argumentation s’appuie sur l’Observation générale no 36 du Comité des droits de l’homme selon laquelle tout homicide commis dans le cadre d’un «acte d’agression» constitue «ipso facto» une privation arbitraire de la vie en vertu de l’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Cela couvre les décès de civils mais également de personnel militaire, que l’attaque militaire soit ou non conforme au droit international humanitaire.

4.4. Mécanisme de Moscou de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe

31. Depuis mars 2022, le mécanisme a été activé six fois: quatre fois pour les violations du droit international commises lors de la guerre d’agression russe contre l’Ukraine et deux fois pour la situation des droits humains en Fédération de Russie et au Bélarus. Le dernier rapport en date établi dans le cadre du mécanisme de Moscou a été présenté le 25 avril 2024 et porte sur la privation arbitraire de liberté des civils ukrainiens par la Fédération de Russie 
			(37) 
			<a href='https://www.osce.org/odihr/567367'>Moscow
Mechanism: «Report on violations and abuses of international humanitarian
and human rights law, war crimes and crimes against humanity, related
to the arbitrary deprivation of liberty of Ukrainian civilians by
the Russian Federation», OSCE</a>.. La mission d’experts a conclu qu’un grand nombre de civils ukrainiens ont été et continuent d’être privés arbitrairement de leurs libertés par la Fédération de Russie 
			(38) 
			D’après la mission
d’experts, le nombre précis de civils ukrainiens détenus par la
Russie reste difficile à déterminer. Elle a toutefois noté qu’en
mars 2024, 35 000 Ukrainiens, dont 16 000 civils – les autres étant
des prisonniers de guerre ou des enfants – figuraient sur la liste
des personnes «portées disparues dans des circonstances particulières»
dans le registre unifié des personnes portées disparues du ministère
ukrainien de l’Intérieur. Les chiffres donnés par diverses agences
et sources concernant les civils détenus illégalement sont présentés
aux pages 18 et 19 du rapport.. Ces civils sont détenus sans motif légal et, dans la grande majorité des cas, en l’absence de toute garantie procédurale 
			(39) 
			Le rapport recense
les motifs qui semblent être invoqués pour justifier ces détentions:
(a) le soutien perçu aux forces armées ukrainiennes et/ou l’appartenance
à ces dernières; (b) le soutien perçu à l’Ukraine et/ou le rejet
de «l’opération militaire spéciale» de la Russie; (c) la participation
ou le soutien perçu au terrorisme international et/ou à l’extrémisme; (d) l’intention
de contraindre à la coopération; et (e) l’intention de faire peur
à la population des territoires temporairement occupés.. La mission a également conclu que les civils ukrainiens arbitrairement privés de liberté subissent diverses pratiques illégales, comme des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées, des actes de torture ou des crimes sexuels. Toutes ces pratiques constituent des violations manifestes du droit international relatif aux droits humains et du droit international humanitaire. D’après la mission, elles sont très probablement constitutives de crimes de guerre, et notamment du crime de «détention illégale» (article 8(2)(a)(vii) du Statut de la CPI) et, du fait de leur ampleur et de leur caractère systématique, de crimes contre l’humanité, notamment du crime «d’emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international» (article 7(1)(e) du Statut de la CPI).
32. Le rapport rappelle également que les personnes arbitrairement privées de liberté ont droit à une libération immédiate et inconditionnelle. Les cas de libération de civils ukrainiens restent rares et isolés et incluent ceux dans lesquels la Russie a accordé aux civils ukrainiens le statut de prisonnier de guerre, d’une manière non conforme au droit international humanitaire. La mission a adressé un ensemble de recommandations à la Russie, lui demandant notamment d’établir, de fournir, et de tenir à jour la liste complète des noms de tous les civils ukrainiens détenus par la Fédération de Russie et leur localisation, de la communiquer au bureau d’information national de l’Ukraine et à l’Agence centrale de recherches du CICR et d’assurer au CICR un accès immédiat, sûr et sans entrave à tous les lieux de détention de civils ukrainiens. La mission a également adressé des recommandations à l’Ukraine, l’invitant notamment à poursuivre les efforts déployés pour obtenir des informations sur l’ensemble des civils ukrainiens détenus par la Fédération de Russie et établir la liste de ces personnes, à renforcer d’urgence les initiatives inter-institutions visant à recueillir des données et à les vérifier soigneusement, ainsi qu’à faire pleinement usage des mécanismes internationaux susceptibles d’accorder une réparation des préjudices causés aux victimes de privation arbitraire de liberté et du mécanisme de règlement des différends prévu à l’article 30 de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

4.5. Enquêtes et procédures ouvertes en Ukraine

33. D’après les statistiques du bureau du procureur général, au 28 avril 2025, les services répressifs avaient enregistré plus de 165 634 affaires de crimes d’agression et crimes de guerre, dont 85 affaires de propagande de guerre (article 436 du Code pénal ukrainien), 114 affaires de planification, de préparation, de lancement ou d’exécution d’une guerre d’agression (article 437 du Code pénal), 160 620 affaires de violation des lois et coutumes applicables aux conflits armés (article 438 du Code pénal) et 4 815 affaires concernant d’autres crimes. Il existe 21 928 affaires enregistrées de crimes contre la sécurité nationale, notamment de sabotage, d’activités de collaboration et d’assistance à l’État agresseur. La principale affaire d’agression visant des dirigeants politiques et militaires de la Fédération de Russie compte 735 suspects, dont des ministres, des députés, des commandants militaires, des propagandistes du Kremlin et des responsables d’organismes chargés de l’application de la loi. La plupart de ces affaires sont instruites par le Service de sécurité de l’Ukraine sous la supervision procédurale des procureurs du bureau du procureur général.
34. La récente réévaluation et réorientation de l'aide étrangère américaine a conduit à la suspension de certains projets financés par les États-Unis dans le domaine de la justice et de la responsabilité des autorités publiques. L'Assemblée devrait donc appeler les États membres et les autres États partageant les mêmes préoccupations à combler le vide laissé par les États-Unis et à accroître leur aide au bureau du procureur général, notamment pour les besoins les plus urgents tels que l'équipement et les logiciels, les experts militaires et le soutien à long terme au Centre international chargé des poursuites pour le crime d’agression contre l’Ukraine (dont les États-Unis se sont également retirés).
35. La majorité des procès pour crimes de guerre (article 438 du Code pénal) sont jugés par contumace car la plupart des personnes poursuivies se trouvent en Russie ou dans les territoires ukrainiens sous occupation temporaire. À la date de janvier 2025, les statistiques relatives aux crimes de guerre indiquaient que 543 actes d’accusation avaient été déposés auprès des tribunaux ukrainiens et avaient donné lieu à 141 verdicts. Cela dit, 19 Russes seulement ont été condamnés en personne, les autres par contumace 
			(40) 
			<a href='https://suspilne.media/972237-court-trials-absentia-ukraine-prosecutes-russian-occupiers-war-crimes/'>«Court
trials in absentia – how Ukraine prosecutes Russian occupiers for
war crimes» – Cуспільне Новини</a>.. Certains Russes en détention provisoire ou condamnés en Ukraine peuvent également être libérés dans le cadre d’un échange de prisonniers de guerre par l’intermédiaire du centre de coordination chargé du traitement des prisonniers de guerre. Des craintes ont été soulevées concernant la conduite des procès par contumace, notamment en ce qui concerne la procédure de notification aux suspects/accusés et le mécanisme de contrôle juridictionnel des jugements ainsi rendus. Il a été proposé d’envisager d’autres méthodes d’information des accusés que la publication d’une assignation dans le journal Uriadovyi Kurier et sur le site web du bureau du procureur général, ainsi que d’améliorer le dispositif de contrôle juridictionnel des jugements par contumace 
			(41) 
			Voir Ukrainian Bar
Association and others, Report on the results of the second phase
of the project “The trial Monitoring in War Crimes Cases”, juin 2024,
p. 31-35.. L’Ukraine doit veiller à ce que tous les procès par contumace soient conformes aux garanties énoncées à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, non seulement pour respecter les droits individuels de l’accusé, mais aussi pour des raisons de réputation, de crédibilité et de préservation de l’image d’impartialité 
			(42) 
			Voir pour un aperçu
des standards européens concernant les procès par contumace: <a href='https://rm.coe.int/criminal-proceedings-in-absentia-comparative-study-of-legislation-and-/1680b2d094'>https://rm.coe.int/criminal-proceedings-in-absentia-comparative-study-of-legislation-and-/1680b2d094</a>..
36. La Cour suprême ukrainienne a pris d’importantes décisions dans des affaires concernant les crimes commis pendant la guerre. Le 28 février 2024, la Grande Chambre de la Cour suprême a défini les critères relatifs aux sujets des crimes visés à l’article 437 du Code pénal (crimes d’agression). Elle a établi que les actes définis à l’article 437 du Code pénal ne peuvent être commis que par des personnes qui, en vertu de leurs pouvoirs officiels ou de leur position sociale avérée, sont effectivement en mesure de contrôler ou de diriger l’action politique ou militaire et/ou d’influer de manière significative sur les processus politiques, militaires, économiques, financiers, informationnels ou autres dans leur propre pays ou à l’étranger, et/ou de diriger certains aspects de l’action politique ou militaire. Bien que l’article 437 n’indique pas expressément qui peut être tenu pour responsable de ces actes, la Cour suprême a admis que seules les personnes exerçant des fonctions d’encadrement peuvent être poursuivies pour crimes d’agression en droit ukrainien, rendant ainsi l’interprétation nationale conforme à l’article 8 bis du Statut de Rome. Après cette clarification, la Cour suprême a annulé les condamnations prononcées à l’encontre de deux citoyens ukrainiens, Ihor Biedulin et Mykola Vynohradov, qui avaient rejoint un groupe armé mis en place par des militaires russes.
37. Dans la même affaire, la Cour suprême s’est prononcée sur la qualification de leurs actes au regard de l’article 438 du Code pénal (violation des lois et coutumes applicables aux conflits armés). Elle a observé que cette disposition du Code pénal établit une responsabilité pénale non pas pour un acte d’agression, mais pour des violations des lois et coutumes applicables aux conflits armés, indépendamment de leur légalité ou de leur illégalité en soi. Ces lois et coutumes imposent des obligations, des interdictions et des restrictions à l’ensemble des combattants, membres des armées régulières ou de toute autre formation armée, quel que soit leur statut juridique et qu’ils exercent ou non une fonction officielle donnée. Dans cette affaire, les condamnés, membres d'un groupe criminel organisé, avaient enlevé six personnes à l'aide d'armes, les avaient illégalement privées de leur liberté et les avaient contraintes à effectuer des travaux militaires, violant ainsi les lois et coutumes de la guerre établies par le droit international. La Cour suprême a donc confirmé les décisions des juridictions inférieures, qui les avaient condamnés en vertu de l'article 438 du Code Civil.
38. Lors de notre réunion avec la Cour suprême à Kyiv, nous avons également eu l’occasion d’évoquer un certain nombre d’affaires récentes dans lesquelles des indemnisations ont été accordées pour les dommages causés par la guerre d’agression. La Cour (Civil Cassation) a déterminé que, dans les affaires relatives à l'indemnisation des dommages causés par l'agression armée de la Fédération de Russie contre l'Ukraine, le principe de l'immunité de l'État ne s'applique pas à la Fédération de Russie. Les actes d'agression armée commis par la Fédération de Russie ne constituent pas un exercice de ses droits souverains protégés par l'immunité de l'État, car aucun État étranger n'a le droit de mener une agression armée contre un autre pays. La Cour a souligné que l'agression militaire et l'occupation des territoires ukrainiens par la Russie constituent non seulement une violation de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'Ukraine, mais aussi une violation des principes et normes fondamentaux du droit international.

4.6. Procédures menées dans des États tiers en vertu du principe de compétence universelle

39. Des enquêtes ont été ouvertes dans d’autres États (plus de 20) en vertu du principe de compétence universelle appliqué aux crimes de droit international commis en Ukraine. La première condamnation en dehors de l’Ukraine pour crimes liés à la guerre a été prononcée par un tribunal finlandais (tribunal d’Helsinki) le 14 mars 2025. Un ressortissant russe a été condamné à la réclusion à perpétuité pour avoir perpétré des crimes de guerre dans l’est de l’Ukraine en 2014. Membre haut placé du groupe de mercenaires russes d’extrême droite Rusich, il était accusé d’avoir participé à une embuscade et une fusillade dans la région de Louhansk, au cours desquelles 22 soldats ukrainiens avaient été tués et quatre autres blessés. Le bureau du procureur général d’Ukraine a qualifié ce jugement de «tournant», ajoutant que les responsables ukrainiens avaient veillé à ce que le tribunal entende les victimes et témoins en Ukraine 
			(43) 
			<a href='https://www.bbc.com/news/articles/cy83g975vyko'>«Russian
mercenary sentenced to life by Finnish court for war crimes in Ukraine»</a>.. Cet exemple est à saluer et devrait être suivi par les autres États dont la législation reconnaît le principe de compétence universelle.
40. Sept États (Ukraine, Lituanie, Pologne, Estonie, Lettonie, République Slovaque et Roumanie) font actuellement partie de l’équipe commune d’enquête établie avec le soutien d’Eurojust pour faciliter l’échange d’informations et de preuves dans les enquêtes et poursuites menées par ces États sur les allégations de crimes internationaux commis en Ukraine (crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide). Le Bureau du procureur de la CPI et Europol y participent également. L’étroite coopération entre les membres de l’équipe a amené le ministère public lituanien à émettre des actes d’accusation par contumace à l’encontre de six suspects, tandis que le bureau du procureur général d’Ukraine a émis un acte d’accusation à l’encontre d’une autre personne pour crimes de guerre. 4 000 témoins ont été interrogés à ce jour par les autorités nationales participantes 
			(44) 
			<a href='https://www.eurojust.europa.eu/news/three-years-full-scale-invasion-ukraine-concrete-steps-supported-eurojust-road-accountability'>«Three
years since the full-scale invasion of Ukraine: Concrete steps supported
by Eurojust on the road to accountability» | Eurojust | European
Union Agency for Criminal Justice Cooperation</a>..

5. Personnes disparues, prisonniers de guerre et personnes civiles relevant de la juridiction de la Fédération de Russie

41. Dans sa Résolution 2573 (2024), adoptée le 2 octobre 2024, l’Assemblée a examiné la question spécifique des personnes disparues, des prisonniers de guerre et des personnes civiles en captivité du fait de la guerre d’agression. Elle a relevé (au 18 septembre 2024) un total de 65 956 militaires et civils enregistrés comme disparus ou capturés; on suppose ce chiffre beaucoup plus élevé dans les faits. Entre le 24 février 2022 et le 17 septembre 2024, 3 672 personnes tombées aux mains des Russes, dont 168 personnes civiles ukrainiennes, ont été libérées. L’Assemblée a demandé que le CICR puisse accéder «immédiatement et sans entrave» à tous les lieux de détention. Elle a également estimé que les traitements infligés aux prisonniers de guerre et aux civils ukrainiens relevaient de la torture et de crimes de guerre. La Fédération de Russie n’ayant toujours pas confirmé l’identité et la localisation des prisonniers de guerre et des civils détenus ou emprisonnés dans le cadre du conflit armé en cours, ces personnes non comptabilisées ne peuvent être considérées que comme des «personnes disparues». À cet égard, l’Assemblée a rappelé que la disparition forcée de personnes viole non seulement le droit relatif aux droits humains et le droit international humanitaire mais peut également constituer un crime contre l’humanité. L’Assemblée a donc instamment demandé à la Fédération de Russie d’accorder au CICR et aux mécanismes pertinents des Nations Unies l’accès à tous les lieux de détention, conformément au droit international humanitaire et au droit international des droits humains. Elle a également invité le CICR à envisager de ménager une exception à sa politique de confidentialité en publiant des informations sur les obstacles qu’elle rencontre dans l’accès aux prisonniers de guerre ukrainiens, dans la mesure où cela ne nuit pas aux intérêts de ces prisonniers. Le CICR pourrait, par exemple, publier dans ses rapports des données ventilées permettant de savoir si les visites qui y sont recensées concernent des prisonniers de guerre russes ou ukrainiens. Enfin, l’Assemblée a déclaré qu’elle resterait saisie de cette question jusqu’à ce que la dernière personne concernée soit remise en liberté.
42. Cette question a également été abordée par certains des mécanismes internationaux mentionnés dans la partie précédente (le mécanisme de Moscou de l’OSCE, la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Ukraine c. Russie (Crimée) et la Commission d’enquête internationale indépendante sur l'Ukraine de l’ONU; voir plus haut les paragraphes 31, 24-27 et 28-29). De récentes enquêtes médiatiques internationales coordonnées par Forbidden Stories ont également mis en lumière le système carcéral mis en place par la Russie pour les prisonniers civils ukrainiens, en dehors de tout cadre légal. Selon cette enquête, il existerait au moins 26 centres de détention où la torture et les mauvais traitements sont systématiques. Le centre de détention n° 2 de Taganrog, une ville russe de la région de Rostov bordée par la mer d'Azov, est connu pour être l'un des pires. Selon ces enquêtes, la journaliste ukrainienne Viktoriia Roshchyna, disparue en août 2023 dans les territoires occupés et dont le corps a été rendu à l'Ukraine en février 2025 avec des organes prélevés et des traces de torture, aurait été détenue à Taganrog 
			(45) 
			<a href='https://forbiddenstories.org/russia-disappears-ukrainian-civilians/'>«Comment
la Russie fait disparaître secrètement des milliers de civils ukrainiens»
– Forbidden Stories</a>..
43. D’après les chiffres du Quartier général ukrainien de coordination pour le traitement des prisonniers de guerre, fournies lors de notre mission d’enquête en avril 2025 et mises à jour ultérieurement, 4 552 personnes maintenues en captivité par la Russie ont été libérées depuis le 24 février 2022, dont 173 civils. Le nombre d’échanges entre prisonniers de guerre et personnes civiles s’élève à 63, et 529 personnes (168 prisonniers et 361 civils) ont été libérées en dehors des procédures d’échange. Les corps de 8 835 Ukrainiens ont été rapatriés, parmi lesquels on dénombre 206 personnes mortes sous la torture ou tuées en captivité. 186 lieux où des civils et des soldats ukrainiens sont détenus, tant en Russie que dans les territoires occupés, ont été identifiés. D’après le ministère ukrainien de l’Intérieur (Commissaire aux personnes disparues), le nombre de personnes disparues (prisonniers de guerre et civils confondus) est actuellement estimé à 74 000 
			(46) 
			Contre
63 000 en février 2025: <a href='https://ukranews.com/en/news/1062383-63-000-ukrainians-considered-missing-interior-ministry'>Ministère
de l’Intérieur – Ukrainian news, «63,000 Ukrainians considered missing</a>»..
44. Le Bureau de l’Agence centrale de recherches du CICR collecte, centralise, conserve et transmet des informations relatives au personnel militaire et aux civils disparus dans le contexte du conflit armé entre la Fédération de Russie et l’Ukraine. En février 2025, il recensait quelque 50 000 cas de personnes disparues, sans fournir d’informations sur leur nationalité. Ces personnes étaient à 90 % des militaires. En 2024, le nombre de personnes disparues recensé par le CICR s’élevait à 23 000, ce qui signifie qu’il a plus que doublé 
			(47) 
			Reuters, <a href='https://www.reuters.com/world/europe/icrc-number-missing-people-ukraine-russia-war-doubled-50000-year-2025-02-13/'>«Red
Cross says missing people in Ukraine and Russia war doubles to 50,000
over past year</a>».. Le CICR a rendu visite à plus de 3 000 prisonniers de guerre des deux camps pendant leur captivité 
			(48) 
			<a href='https://www.icrc.org/fr/communique-de-presse/les-familles-des-personnes-disparues-ou-capturees-lors-du-conflit-arme'>CICR,
«Les familles des personnes disparues ou capturées lors du conflit
armé international entre la Russie et l’Ukraine en visite au siège
du CICR à Genève»</a>.. Concernant spécifiquement les personnes civiles privées de liberté, il ne semble pas y avoir de chiffres disponibles. Le CICR ne cesse d’appeler les parties au conflit à respecter l’ensemble de leurs obligations nées du droit international humanitaire, notamment en lui donnant pleinement un accès régulier et sans entrave à toutes les personnes captives et en l’informant en temps voulu du sort des personnes entre leurs mains et du lieu où elles se trouvent, ou du lieu où se trouve leur corps. Il importe de rappeler qu’en vertu du droit international humanitaire et des conventions de Genève, le CICR doit se voir accorder un accès régulier à toutes les personnes privées de liberté 
			(49) 
			<a href='https://ihl-databases.icrc.org/fr/customary-ihl/v1/rule124'>DIH
coutumier – Règle 124. L’accès du CICR aux personnes privées de
liberté</a>. troisième Convention de Genève (CGIII), article 126;
quatrième Convention de Genève (CGIV), articles 76.6 et 143..
45. Dans le contexte des négociations en cours entre les États-Unis, la Russie et l’Ukraine, la question du retour des prisonniers de guerre, des civils détenus illégalement (ainsi que des enfants ukrainiens déportés ou transférés de force) a été évoquée. Lors des pourparlers bilatéraux entre les États-Unis et l’Ukraine, du 23 au 25 mars 2025 à Riyad, les États-Unis se sont dits prêts à aider à réaliser l’échange de prisonniers de guerre, la libération des détenus civils et le retour des enfants ukrainiens transférés de force 
			(50) 
			<a href='https://www.whitehouse.gov/briefings-statements/2025/03/outcomes-of-the-united-states-and-ukraine-expert-groups-on-the-black-sea/'>The
White House, «Outcomes of the United States and Ukraine Expert Groups
On the Black Sea</a>».. Cela n’a pas été mentionné, cependant, dans les conclusions publiées à l’issue des pourparlers bilatéraux tenus en parallèle entre les États-Unis et la Russie.
46. L’Assemblée devrait souligner à nouveau que toute négociation de paix doit porter inconditionnellement sur les questions suivantes: la libération de tous les prisonniers de guerre (sur la base du principe «tous pour tous», c’est-à-dire l’échange de la totalité des prisonniers des deux camps), la libération des civils illégalement détenus et le retour et la réinsertion en toute sécurité des enfants ukrainiens. Une telle position se situe dans la ligne de celle affirmée par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe dans le cadre en 10 points pour un processus de paix intégrant les droits humains qu’il a présenté au Comité des Ministres le 30 avril 2025.
47. Lors des discussions, dans le cadre d’un processus de paix, sur la libération et le transfert des prisonniers de guerre et des personnes civiles détenues, il importe également de ne pas oublier l’obligation de rendre des comptes. Par exemple, il conviendrait d’aborder à un moment du processus le sort des prisonniers de guerre russes poursuivis pour crimes de guerre en Ukraine, et l’éventualité de leur transfert devant une autre juridiction ou devant un tribunal international compétent. En outre, il faut s’attendre à ce que la question des disparitions forcées et des tortures perpétrées par des officiers russes sur des civils illégalement détenus, qui a été largement documentée par plusieurs mécanismes internationaux et qualifiée de crime contre l’humanité, entraîne de nouvelles procédures devant la CPI. À ce jour, aucun des mandats d’arrêt émis par la CPI ne porte sur des cas de torture ou de disparition forcée de personnes civiles.
48. Enfin, il importe de rappeler que tous les détenus ukrainiens libérés ou de retour après une privation illégale de liberté ou des mauvais traitements de la part de la Fédération de Russie devraient bénéficier d’une réadaptation, par le biais d’un soutien d’ordre médical, psychologique, social et autre. À cet égard, selon les informations fournies par le Quartier général ukrainien de coordination pour le traitement des prisonniers de guerre, il existe un modèle national d’aide aux prisonniers de guerre et aux civils de retour de captivité et que ce modèle porte sur la réadaptation et l’aide médicale, psychologique et sociale. Les États membres et le Conseil de l’Europe devraient encourager de telles initiatives en leur apportant leurs connaissances et un soutien financier, en coopérant notamment avec les organisations de la société civile présentes sur le terrain.

6. Enfants ukrainiens illégalement déportés et transférés de force

49. Parmi les civils disparus dans le contexte de la guerre d'agression, les enfants constituent un groupe particulièrement vulnérable. L'Assemblée a toujours condamné et dénoncé la déportation et le transfert forcé d'enfants ukrainiens vers la Fédération de Russie, le Bélarus et les territoires ukrainiens temporairement occupés. Ces pratiques sont condamnées dans l'annexe II sur les enfants ukrainiens de la Déclaration de Reykjavik (2023), et une résolution de l'Assemblée est exclusivement consacrée à cette question. Dans sa Résolution 2482 (2023) «Questions juridiques et violations des droits de l'homme liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine», l'Assemblée a établi qu'il existait de plus en plus de preuves que ces pratiques pouvaient constituer un génocide, étant donné que «le transfert forcé d'enfants d'un groupe à un autre groupe à des fins de russification, au moyen de l’adoption par des familles russes et/ou du transfert vers des orphelinats sous gestion russe ou des structures d’accueil comme des camps d'été» pouvait relever de l'article II de la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide. Elles peuvent également constituer des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité (Résolution 2529 (2024) «Situation des enfants en Ukraine»). La même conclusion est tirée dans un rapport du Laboratoire de recherche humanitaire de l'École de santé publique de Yale (Yale School of Public Health Humanitarian Research Lab (Yale HRL)) de décembre 2024, basé sur le cas de 314 enfants identifiés qui ont été emmenés des régions de Louhansk et de Donetsk vers la Russie pour y être adoptés et placés de force 
			(51) 
			<a href='https://medicine.yale.edu/news-article/russias-systematic-program-of-coerced-adoption-and-fostering-of-ukraines-children/'>«Intentional,
Systematic, & Widespread: Russia's Program of Coerced Adoption
and Fostering of Ukraine's Children» – Yale School of Public Health
Humanitarian Research Lab</a>; <a href='https://www.justsecurity.org/105372/hrl-report-ukraine-children/'>«New
Report Documents Russia’s Systematic Program of Coerced Adoption
and Fostering of Ukraine’s Children»</a>.. Le rapport montre que des avions de transport militaire battant pavillon de la Fédération de Russie et sous le contrôle direct du bureau de Vladimir Poutine ont transporté des groupes d'enfants depuis l'Ukraine. Il décrit également comment des bases de données contrôlées par la Fédération de Russie ont dissimulé l'identité des enfants ukrainiens, y compris leur nationalité, afin de faciliter leur placement dans des familles russes et de dissimuler le programme gouvernemental d'adoption et de placement forcé. Ces dossiers individuels ont été transmis au bureau du procureur de la CPI.
50. Le 17 mars 2023, la CPI a émis des mandats d'arrêt à l'encontre de Vladimir Poutine et de Maria Alekseyevna Lvova-Belova, Commissaire aux droits des enfants du Bureau du Président de la Fédération de Russie, pour leur responsabilité présumée dans ces déportations illégales, que la CPI qualifie également de crimes de guerre, à savoir la déportation illégale de populations (enfants) et le transfert illégal de populations (enfants) des zones occupées de l'Ukraine vers la Fédération de Russie (voir paragraphe 21 ci-dessus). Sur la base de nouveaux éléments de preuve, notamment les preuves documentées présentées dans le rapport du Yale HRL, le procureur de la CPI pourrait élargir l'affaire, ajouter de nouvelles charges et qualifier ces pratiques de crimes contre l'humanité ou de génocide 
			(52) 
			Tel
que suggéré par Yulia Ioffe,<a href='https://www.europarl.europa.eu/thinktank/en/document/EXPO_STU(2024)754442'> «Forcible
transfer and deportation of Ukrainian children: Responses and accountability
measures</a>», p. 12.. Du point de vue du droit international humanitaire, la quatrième Convention de Genève (CGIV), en particulier ses articles 49 et 147, interdit strictement le transfert forcé et la déportation de civils des territoires occupés, quelles que soient les raisons de ces actions. Cette protection s'étend explicitement aux enfants en tant que partie de la population civile. En outre, le Protocole additionnel I aux Conventions de Genève, en particulier ses articles 78 et 85, prévoit des mesures spéciales pour protéger les enfants contre les effets des conflits armés. Ces mesures n'autorisent l'évacuation temporaire des enfants que dans des circonstances exceptionnelles, sous réserve de conditions strictes et uniquement justifiées par des préoccupations graves pour la santé ou la sécurité des enfants. La CGIV, dans son article 50, interdit également à une puissance occupante de modifier le statut personnel des enfants, quelles que soient les circonstances, y compris leur nationalité 
			(53) 
			Voir: «<a href='https://www.europarl.europa.eu/thinktank/en/document/EXPO_STU(2024)754442'>Forcible
transfer and deportation of Ukrainian children: Responses and accountability
measures</a>», p. 54..
51. Selon le site web ukrainien «Children of War» 
			(54) 
			<a href='https://childrenofwar.gov.ua/en/'>Children of war</a>., en mai 2025, 19 546 enfants avaient été déportés et/ou déplacés de force et seuls 1 293 étaient rentrés chez eux. À cet égard, l'Institute for the Study of War, dans son rapport spécial de mars 2025 
			(55) 
			<a href='https://understandingwar.org/backgrounder/putin-still-stealing-ukrainian-children'>«Putin
is Still Stealing Ukrainian Children» | Institute for the Study
of War</a>., souligne que ce chiffre est probablement plus élevé. Le directeur du Yale HRL estime le nombre d'enfants déportés ou transférés à près de 35 000 en mars 2025 
			(56) 
			<a href='https://www.rferl.org/a/yale-ukraine-war-crimes-investigation/33351956.html'>«Exclusive:
'A Catastrophic Blow' As US Shuts Unit Investigating War Crimes
In Ukraine»</a>.. Pour remédier à cette situation, le Conseil de l'Europe a pris diverses mesures. L'Assemblée, par sa Résolution 2529 (2024) adoptée le 25 janvier 2024, a encouragé la création d'un réseau parlementaire pour traiter la situation des enfants en Ukraine. Si l'un de ses objectifs est de mettre en place un mécanisme efficace pour le retour des enfants et d'améliorer le processus de retour, il n'existe actuellement aucune approche unifiée, chaque cas réussi étant généralement le fruit d'une opération spécialisée. L'ONG «Save Ukraine» et certains pays tiers, tels que l'État du Qatar, ont facilité le retour réussi de nombreux enfants dans les territoires contrôlés par l'Ukraine, mais leur nombre reste limité. La grande majorité des enfants déplacés de force et déportés restent en danger. En février 2025, le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe a nommé Thordis Kolbrun Reykfjord Gylfadottir, Envoyée spéciale sur la situation des enfants en Ukraine 
			(57) 
			Guidée par la Déclaration
de Reykjavík, annexe II sur la situation des enfants d’Ukraine et
les normes pertinentes du Conseil de l’Europe, l’Envoyée spéciale
a pour mission: «- de sensibiliser aux difficultés auxquelles les
enfants d’Ukraine sont confrontés et de promouvoir les normes, les
initiatives et les activités du Conseil de l’Europe destinées à
les aider, tant en interne qu’en externe; - de faciliter la coordination
interne et la coopération avec toutes les structures concernées du
Conseil de l’Europe, notamment avec le Groupe consultatif sur les
enfants d’Ukraine (GCU) et le Registre des dommages; - de favoriser
la coopération internationale, notamment en représentant le Secrétaire
Général lors d’événements internationaux et en assurant la liaison
avec les partenaires internationaux, tels que la Coalition pour
le rapatriement des enfants ukrainiens; - de proposer des moyens
de renforcer les activités du Conseil de l’Europe en faveur des
enfants d’Ukraine». 
			(57) 
			Voir les fonctions et mandat de
l’Envoyée spéciale du Secrétaire Général sur la situation des enfants
en Ukraine: <a href='https://rm.coe.int/tor-envoyee-speciale-enfants-ukraine/1680b4076e'>https://rm.coe.int/tor-envoyee-speciale-enfants-ukraine/1680b4076e</a>.. Elle a effectué sa première mission d'enquête en Ukraine les 19 et 20 mars 2025 
			(58) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/portal/-/council-of-europe-secretary-general-s-special-envoy-on-the-situation-of-children-of-ukraine-carried-out-her-first-visit-to-ukraine'>«L'envoyée
spéciale du Secrétaire Général pour la situation des enfants en
Ukraine a effectué sa première visite en Ukraine»</a>.. Le 11 avril 2025, elle a rencontré le réseau parlementaire susmentionné ainsi que des membres de la délégation ukrainienne à l'Assemblée 
			(59) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/portal/-/special-envoy-s-first-presentation-to-the-parliamentary-network-on-the-situation-of-children-of-ukraine'>«Première
présentation de l’Envoyée spéciale au Réseau parlementaire sur la
situation des enfants d’Ukraine».</a>. Une autre mesure du Conseil de l'Europe a été annoncée le 4 novembre 2024, lors de la conférence internationale «Déportation d'enfants pendant les conflits armés», qui s'est tenue à Strasbourg et a réuni les parties prenantes concernées par cette question. À cette occasion, conformément à la Recommandation 2253 (2023) de l'Assemblée, la création d'un nouveau cours de formation en ligne HELP sur la déportation d'enfants pendant les conflits armés a été annoncée. Elle s'inscrit dans le cadre du Plan d'action du Conseil de l'Europe pour l'Ukraine «Résilience, relance et reconstruction» (2023-2026) 
			(60) 
			«<a href='https://www.coe.int/fr/web/portal/-/conference-launches-new-training-course-on-deportation-of-children-during-armed-conflicts'>Une
nouvelle formation sur la déportation d’enfants pendant les conflits
armés est lancée lors d’une conférence».</a>.
52. Le Yale HRL a vu son financement fédéral réduit par le Département d'État américain en février 2025. Suite à l'inquiétude du public quant à la perte potentielle de données, le département d'État a accordé une prolongation à court terme en avril 2025 afin de permettre au laboratoire de finaliser la conservation de ses preuves et de les transférer à Europol ou à d'autres autorités 
			(61) 
			<a href='https://yaledailynews.com/blog/2025/04/07/yale-humanitarian-research-lab-resumes-work-after-federal-funding-halt/'>«Yale
Humanitarian Research Lab resumes work after federal funding halt»</a>, Yale Daily News..
53. Il a récemment été rapporté que les services de renseignement russes recrutent des enfants et des adolescents ukrainiens pour commettre des attentats à la bombe et des actes de sabotage en Ukraine, transformant certains d'entre eux en kamikazes. Cette tactique rappelle celles utilisées par Daech. Une campagne nationale a été lancée par le Service de sécurité ukrainien dans les écoles afin de mettre en garde les enfants contre les dangers des tactiques russes 
			(62) 
			<a href='https://newlinesmag.com/reportage/russias-new-weapon-child-suicide-bombers/'>«Russia’s
New Weapon: Child 'Suicide Bombers'»</a>, New Lines Magazine..

7. Conclusions

54. L'Assemblée est un des moteurs de l’agenda du Conseil de l'Europe dans l’établissement des responsabilités vis-à-vis de l'Ukraine. Elle a été le premier organisme international à lancer l'idée d'un tribunal spécial pour le crime d'agression commis contre l'Ukraine, quelques mois seulement après le début de l'invasion à grande échelle par la Fédération de Russie en 2022. Elle a également soutenu la création d'un Registre des dommages pour l'Ukraine, première composante d'un mécanisme international d'indemnisation qui devrait comprendre une commission des demandes d’indemnisation et un fonds d'indemnisation.
55. Dans le contexte des négociations en cours visant à obtenir un cessez-le-feu et à lancer un processus de paix, et compte tenu de la situation géopolitique extrêmement instable, l'Assemblée devrait réaffirmer plus que jamais la nécessité de rendre justice à l'Ukraine. L'agresseur doit être désigné comme tel et ne doit pas être récompensé pour les crimes commis. Il est temps de réaffirmer les principes les plus fondamentaux du droit international auxquels on ne peut déroger. Le crime d'agression commis contre l'Ukraine, qui a débuté en 2014, engage la responsabilité pénale individuelle des dirigeants politiques et militaires de la Fédération de Russie et des autres États impliqués dans l'agression. Les auteurs individuels de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et de violations graves des droits humains doivent également être traduits en justice, soit devant la CPI, soit devant les tribunaux ukrainiens, soit devant les tribunaux de pays tiers exerçant leur compétence universelle. Les négociations de paix ne doivent pas compromettre les systèmes existants visant à amener les responsables à répondre des crimes graves relevant du droit international, qui ne peuvent faire l'objet d'amnisties. Ils ne doivent pas non plus compromettre la création d'un tribunal spécial pour le crime d'agression contre l'Ukraine, à laquelle le Conseil de l'Europe et l'Ukraine travaillent sans relâche depuis plus de deux ans. Nous devons être fiers de l'achèvement des projets de textes juridiques relatifs à ce tribunal, mais il est temps de parvenir à un accord politique définitif pour le créer et le doter de tous les outils et ressources nécessaires, quelle que soit l'évolution des négociations de paix. L'Assemblée devrait réitérer son appel à tous les États membres et aux autres États pour qu'ils soutiennent le tribunal spécial et adhèrent à l'accord partiel élargi.
56. La justice pour l'Ukraine et les victimes de l'agression ne se limite pas à la responsabilité individuelle des auteurs des crimes. Elle doit également inclure la réparation de tous les dommages causés à l'État ukrainien et à ses citoyens. L'Assemblée devrait soutenir pleinement la création d'une commission des demandes d’indemnisation pour l'Ukraine dans le cadre du Conseil de l'Europe et réitérer son appel en faveur du transfert et de la réaffectation urgents de tous les avoirs gelés de l'État russe.
57. Les négociations de paix doivent respecter l'un des principes les plus importants du droit international, à savoir le respect de l'intégrité territoriale. L'interdiction de l'acquisition de territoires par le recours à la force est un corollaire de l'interdiction du recours à la force inscrite dans la Charte des Nations unies. L'annexion de territoires à la suite d'une agression constitue une violation des normes jus cogens et, à ce titre, les États ont l'obligation de ne pas la reconnaître et de coopérer pour y mettre fin. Par conséquent, tout accord reconnaissant de jure l'annexion de la Crimée ou d'autres territoires temporairement occupés de l'Ukraine par la Russie serait manifestement illégal et ne saurait être validé par la communauté internationale.
58. Enfin, toute négociation de paix devrait porter sur la libération des prisonniers de guerre et des civils ukrainiens détenus illégalement, ainsi que sur le retour en toute sécurité des enfants illégalement déportés vers la Fédération de Russie et le Bélarus ou transférés de force vers les territoires ukrainiens temporairement occupés par la Fédération de Russie. L'Assemblée devrait formuler certaines recommandations à ce sujet à l'Ukraine, aux États membres et aux autres parties prenantes.