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A. Projet de
résolution
(open)
Rapport | Doc. 16193 | 05 juin 2025
Questions juridiques et violations des droits de l'homme liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine
Commission des questions juridiques et des droits de l'homme
A. Projet de
résolution 
(open)1. L'Assemblée parlementaire réaffirme
son soutien indéfectible à l'Ukraine et à son peuple et son engagement
en faveur de l'indépendance, de la souveraineté, de l'unité et de
l'intégrité territoriale de l'Ukraine dans ses frontières internationalement
reconnues, y compris la Crimée et tous les autres territoires ukrainiens temporairement
occupés par la Fédération de Russie depuis 2014 et au-delà. Elle
réitère sa condamnation la plus ferme de la guerre d'agression illégale,
non provoquée et injustifiée de la Fédération de Russie contre l'Ukraine
et de tout le cortège d'atrocités, de violations des droits humains
et du droit international humanitaire commises par les autorités
russes, y compris les attaques aveugles continues contre les civils,
les zones résidentielles et les infrastructures civiles; les disparitions
forcées et les déportations; les détentions illégales et le recours
à la torture; les exécutions extrajudiciaires de prisonniers de
guerre; les viols et autres formes de violence sexuelle; la déportation
et le transfert forcé d'enfants ukrainiens; et la destruction du
patrimoine culturel et religieux ukrainien.
2. L'Assemblée note que, sous l'administration du Président Donald
Trump, les États-Unis d’Amérique ont sensiblement modifié leur politique
étrangère, en particulier dans leurs relations avec l'Ukraine et
la Fédération de Russie, y compris leur position sur la qualification
juridique et politique de la guerre d'agression russe. Les États-Unis,
aux côtés de la Fédération de Russie et des alliés de cette dernière,
ont voté contre une résolution de l'Assemblée générale des Nations
Unies du 24 février 2025 condamnant l'agression et appelant à une
paix globale, juste et durable, ainsi qu'à la nécessité d’ouvrir
des enquêtes et engager des poursuites. L'Assemblée regrette profondément
cette position. Elle est également préoccupée par le désengagement
croissant de la nouvelle administration américaine vis-à-vis des
efforts déployés pour déterminer les responsabilités dans la guerre
contre l'Ukraine, comme en témoigne son retrait du Groupe restreint
sur la création d'un tribunal spécial pour le crime d'agression
contre l'Ukraine et du Centre international pour la poursuite du
crime d'agression contre l'Ukraine basé à La Haye. Elle note en
outre avec inquiétude que la décision de la nouvelle administration
de réduire l’aide étrangère des États-Unis a entraîné la suspension
de plusieurs projets d'une importance cruciale liés à l'Ukraine
en matière de justice et de responsabilité, y compris ceux concernant
la coopération avec les autorités de poursuite ukrainiennes.
3. Ce changement s'est produit dans le contexte des discussions
bilatérales que les États-Unis ont menées avec la Fédération de
Russie et l'Ukraine, en vue de parvenir à un cessez-le-feu permanent
en Ukraine et à l'ouverture de négociations de paix. Si l'Assemblée
se félicite de l'engagement des États-Unis dans ce processus pour
contribuer à l'échange de prisonniers de guerre, à la libération
de détenus civils et au retour des enfants ukrainiens transférés
de force, elle note que la proposition de l'Ukraine en faveur d'un
cessez-le-feu renouvelable et inconditionnel de 30 jours, soutenue
par les États-Unis, n'a pas été acceptée par la Fédération de Russie,
qui continue de mener des attaques de missiles, de bombes guidées
et de drones contre les zones résidentielles et les infrastructures
civiles ukrainiennes presque tous les jours. Pour le seul mois de mars,
au moins 164 civils ukrainiens ont été tués et 910 blessés par les
attaques russes, soit une augmentation de 50 % par rapport aux chiffres
de février.
4. L'Assemblée note avec la plus grande inquiétude que certains
représentants des États-Unis ont suggéré que la saisie illégale
de territoires ukrainiens par la Fédération de Russie dans le cadre
de sa guerre d'agression devrait être acceptée et reconnue de jure dans le cadre d'un futur
accord de paix. Dans ce contexte et à la lumière de l'évolution
rapide de la situation, l'Assemblée déclare que certains principes
fondamentaux du droit international ne doivent pas et ne peuvent
pas être écartés ou sapés dans les négociations en cours ou à venir.
Elle se réfère à toutes ses résolutions antérieures traitant des
conséquences juridiques et politiques de l'agression russe à grande
échelle contre l'Ukraine et rappelle que tous les États ont l'obligation
de respecter le droit international. L'inviolabilité des frontières
et la non-reconnaissance des acquisitions territoriales résultant
de l'usage de la force sont des principes fondamentaux du droit
international et les bases de l'ordre international fondé sur des
règles. Ces principes sont inscrits dans la Charte des Nations Unies,
l'Acte final d'Helsinki de 1975, la Déclaration des principes du
droit international touchant les relations amicales et la coopération
entre les États conformément à la Charte des Nations Unies (Résolution
2625 de l'Assemblée générale des Nations Unies, 1970) et de nombreux
autres instruments internationaux. La recherche de la paix doit
être et ne peut être fondée que sur la justice et la coopération
internationale, conformément au préambule du Statut du Conseil de
l'Europe (STE no 1). L'Assemblée réaffirme
donc catégoriquement les considérations juridiques et relatives
aux droits humains suivants liées à la guerre d'agression russe,
qui sont incontestables, et appelle tous les États membres et observateurs,
ainsi que les institutions européennes et les partenaires internationaux
concernés, à veiller à ce que les pourparlers ou négociations de
paix les respectent:
4.1. la guerre
de la Fédération de Russie contre l'Ukraine constitue un acte d'agression
en violation de l'article 2(4) de la Charte des Nations Unies;
4.2. le Bélarus a permis à la Fédération de Russie d'utiliser
son territoire pour perpétrer un acte d'agression contre l'Ukraine,
ce qui équivaut en soi à un acte d'agression;
4.3. la Corée du Nord a déployé des troupes pour combattre
aux côtés des forces russes contre l'Ukraine, participant ainsi
à l'acte d'agression contre l'Ukraine;
4.4. l’Ukraine exerce son droit naturel à la légitime défense
conformément à l'article 51 de la Charte des Nations Unies;
4.5. les dirigeants politiques et militaires de la Fédération
de Russie, du Bélarus et de la Corée du Nord ont commis et continuent
de commettre un crime d'agression contre l'Ukraine, qui entraîne
la responsabilité pénale individuelle des dirigeants concernés,
quelle que soit leur position officielle, y compris les chefs d'État
et de gouvernement;
4.6. l’annexion illégale de la Crimée et d'autres territoires
ukrainiens temporairement occupés par la Fédération de Russie à
la suite de l'agression depuis 2014 constitue une violation grave
des normes du jus cogens et,
en tant que telle, ne peut être reconnue. En fait, une telle reconnaissance
en elle-même, et toute contrainte exercée sur l'Ukraine pour qu'elle
reconnaisse ces annexions, constitueraient une violation du droit
international;
4.7. les attaques et atrocités multiples et continues commises
par les forces russes, leurs alliés et leurs mandataires contre
l'Ukraine et son peuple constituent des crimes de guerre, y compris
des violations graves des Conventions de Genève et du droit international
humanitaire, ainsi que des crimes contre l'humanité lorsqu'elles
sont perpétrées dans le cadre d'une attaque généralisée et systématique contre
la population civile, dont les auteurs individuels doivent rendre
des comptes;
4.8. la Fédération de Russie commet certains des actes qui
constituent un élément du génocide en vertu de la Convention de
1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, et
sa rhétorique justifiant la guerre d'agression révèle une intention
génocidaire de détruire la nation ukrainienne;
4.9. aucun de ces crimes ne peut faire l'objet d'une quelconque
forme d'amnistie ou de prescription en vertu du droit international;
4.10. la Cour pénale internationale (CPI) est pleinement compétente
pour enquêter sur les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité
et le crime de génocide commis sur le territoire ukrainien par les forces
russes, leurs alliés et leurs mandataires, et les États parties
au Statut de la CPI ont l'obligation inconditionnelle de coopérer
avec la CPI dans le cadre de ces procédures, y compris en exécutant
tout mandat d'arrêt délivré à l'encontre de suspects russes ou autres;
4.11. la Fédération de Russie a commis des violations multiples
et graves de la Convention européenne des droits de l'homme (STE
no 5) en Ukraine depuis l'occupation
et l'annexion de la Crimée en 2014 et dans le contexte de l'agression
à grande échelle jusqu'au 16 septembre 2022, date à laquelle elle
a cessé d'être partie à la Convention. La Russie a l'obligation
continue et inconditionnelle de mettre en œuvre les arrêts de la
Cour européenne des droits de l'homme constatant ces violations,
notamment en adoptant les mesures générales requises et en versant
une satisfaction équitable;
4.12. la Fédération de Russie a violé de nombreux autres traités
relevant du droit international des droits de l'homme, notamment
le Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et la Convention
des Nations Unies relative aux droits de l'enfant;
4.13. la Fédération de Russie doit assumer les conséquences
juridiques de tous les actes internationalement illicites qu'elle
a commis en Ukraine et contre l'Ukraine, notamment en réparant tous les
dommages causés par ces actes à l'Ukraine et à son peuple, comme
le reconnaît la Résolution A/RES/ES-11/5 de l'Assemblée générale
des Nations Unies du 14 novembre 2022 et conformément aux principes
de la responsabilité de l'État;
4.14. la réaffectation des avoirs gelés de l'État russe dans
des États membres et non membres du Conseil de l'Europe constituerait
une contre-mesure légale à l'encontre de la Fédération de Russie,
car elle aurait pour but d'inciter l'agresseur à mettre fin à son
comportement illégal et à s'acquitter de son obligation de réparation;
4.15. selon les normes démocratiques internationales, les élections
ne peuvent être organisées sous la loi martiale et le Président
Zelensky est le Président légitime de l'Ukraine jusqu'à ce que des
élections puissent être organisées légalement.
5. L'Assemblée soutient fermement la position du Commissaire
aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, de faire des droits
humains le principe directeur de tous les efforts de paix actuels
et futurs. Sa feuille de route en matière de droits humains pour
une paix juste, durable et effective en Ukraine comprend, entre autres,
l’obligation de répondre de ses actes, y compris la création d'un
tribunal spécial pour le crime d'agression contre l'Ukraine, la
réparation des dommages et l'indemnisation des victimes, la libération
des prisonniers de guerre et des détenus civils, le retour des enfants
ukrainiens et la recherche des personnes disparues, la protection
des personnes dans les territoires temporairement occupés et la
reconstruction.
6. Dans ce contexte, l'Assemblée se réfère à sa Résolution 2598 (2025) «Guerre d'agression russe contre l'Ukraine: la nécessité
d'établir les responsabilités et d'empêcher l'impunité» (paragraphes
9 et 10) et se félicite de l'adoption par les participants au Groupe
restreint de la déclaration de Lviv du 9 mai 2025, exprimant le soutien
politique aux projets de textes juridiques pour la création du tribunal
spécial pour le crime d'agression contre l'Ukraine dans le cadre
du Conseil de l'Europe. Cette étape ouvrira la voie à l'adoption
par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, en temps voulu,
des décisions nécessaires à la mise en place du tribunal spécial.
Tout en notant qu'un compromis a dû être trouvé sur certaines questions
telles que les immunités personnelles, ce qui peut être en deçà
des demandes de l'Assemblée et des règles existantes du droit international,
l'Assemblée espère que le Statut final permettra au tribunal spécial
d'enquêter, de poursuivre et de punir efficacement ceux qui portent
la responsabilité du crime d'agression. Le tribunal spécial est
un élément essentiel d'un système global d’établissement des responsabilité
pour l'Ukraine et pour l'ordre juridique international, qui comblera
une lacune existante et dissuadera le même régime ou d'autres régimes agressifs
de futures agressions.
7. L'Assemblée souligne que toute négociation de paix future
visant à mettre fin à l'agression de la Fédération de Russie contre
l'Ukraine doit inclure un mécanisme complet et juste de réparations
des dommages causés. La réparation des préjudices causés aux victimes
est essentielle pour une paix et une réconciliation durables. Dans
ce contexte, l'Assemblée souligne le rôle essentiel du Registre
des dommages pour l'Ukraine, établi sous les auspices du Conseil
de l'Europe, en tant que premier élément opérationnel d'un mécanisme
international d'indemnisation. Le Registre représente une étape
essentielle pour documenter les dommages, les pertes et les préjudices
résultant de l'agression et pour jeter les bases d'un futur processus
de demandes d'indemnisation. Conformément à ses résolutions antérieures,
le Conseil de l'Europe estime que le Registre des dommages et le
mécanisme complet d'indemnisation devraient couvrir les demandes
relatives aux dommages causés depuis février 2014 et pas seulement
à partir du 24 février 2022.
8. Rappelant sa précédente Résolution
2573 (2024), l'Assemblée est consternée par les nombreuses conclusions
de mécanismes internationaux et d’enquêtes de médias indépendants,
qui continuent de fournir des preuves du recours systématique à
la torture contre les prisonniers de guerre ukrainiens et les civils détenus
en Fédération de Russie ou dans les territoires temporairement occupés
de l'Ukraine. Elle prend note du rapport de mars 2025 de la Commission
d'enquête internationale indépendante des Nations Unies sur l'Ukraine,
qui conclut que les disparitions forcées et la torture ont été pratiquées
par les autorités russes dans le cadre d'une attaque généralisée
et systématique contre la population civile et en application d'une
politique d'État coordonnée, ce qui équivaut donc à des crimes contre
l'humanité. Le rapport a constaté que les formes de torture les
plus brutales étaient utilisées pendant les interrogatoires, notamment
les coups violents, les chocs électriques, les brûlures, l'étranglement,
la suffocation, la pendaison, le viol et d'autres formes de violence
sexuelle. Une enquête récente menée par Forbidden Stories a également
mis en lumière le système carcéral mis en place par la Fédération
de Russie pour les détenus civils ukrainiens, révélant que la torture
et les mauvais traitements sont systématiques dans au moins 26 centres
de détention.
9. Selon les chiffres des autorités ukrainiennes, 4 552 personnes
ont été libérées de la captivité russe depuis le 24 février 2022,
dont 173 civils ukrainiens. 186 lieux de détention de civils et
de prisonniers de guerre ukrainiens, tant en Fédération de Russie
que dans les territoires occupés, ont été identifiés. Le nombre
actuel de personnes disparues, y compris les prisonniers de guerre
et les civils, est estimé par le ministère ukrainien de l'Intérieur
à 74 000. Dans le même temps, le Comité international de la Croix-Rouge
(CICR) a documenté environ 50 000 cas de personnes disparues, sans
distinction de nationalité. Il a rendu visite à plus de 3 000 prisonniers
de guerre en captivité dans les deux camps, mais on ne dispose pas
de chiffres précis concernant les visites de détenus civils. Bien
qu'il soit difficile de déterminer le nombre exact de civils ukrainiens
détenus en captivité par la Fédération de Russie, l'Assemblée considère
que la pratique de la détention de civils ukrainiens par la Fédération
de Russie sans aucun motif légal est en soi illégale, arbitraire,
en violation du droit international humanitaire et constitue des
crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. Elle demande donc instamment
à la Fédération de Russie de libérer immédiatement et sans condition
tous les civils ukrainiens illégalement détenus. Dans l'intervalle,
le CICR devrait avoir un accès immédiat, sûr et sans entrave à toutes les
installations où des civils ukrainiens sont détenus, tant dans les
territoires temporairement occupés qu’en Fédération de Russie, conformément
à l'article 143 de la quatrième Convention de Genève (CGIV).
10. L'Assemblée a condamné à plusieurs reprises la déportation
d'enfants ukrainiens vers la Fédération de Russie et le Bélarus,
ainsi que le transfert forcé d'enfants ukrainiens vers les territoires
ukrainiens temporairement occupés par la Fédération de Russie. Ces
pratiques violent le droit humanitaire international (quatrième
Convention de Genève et Protocole additionnel I) et la Convention
des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, et constituent
des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et un élément
du crime de génocide. Selon la plateforme «Children of War» gérée
par le Gouvernement ukrainien, en mai 2025, 19 546 enfants avaient
été déportés ou transférés de force, et seuls 1 293 sont revenus.
Un rapport récent du Laboratoire de recherche humanitaire de l'École
de santé publique de Yale a montré comment des avions de transport
militaire battant pavillon de la Fédération de Russie et contrôlés
directement par le bureau de Vladimir Poutine ont transporté des
groupes d'enfants depuis les oblasts occupés de Donetsk et de Louhansk
et comment les bases de données contrôlées par les Russes ont dissimulé
l'identité de ces enfants, y compris leur nationalité, afin de faciliter
leur placement et de dissimuler le programme gouvernemental d'adoption forcée
et de placement en famille d'accueil. L'opération a été lancée par
Vladimir Poutine et ses subordonnés dans l'intention de «russifier»
les enfants d'Ukraine. L'Assemblée estime que toute négociation
de paix future devrait aborder la situation et définir les conditions
du retour et de la réintégration des enfants ukrainiens, conformément
au principe de l'intérêt supérieur de l'enfant.
11. L’Assemblée exprime sa profonde préoccupation face au soutien
apporté par l’Iran et la Chine à la Fédération de Russie. L’Iran
a fourni à la Fédération de Russie des missiles balistiques et des
drones, dont beaucoup ont été utilisés dans des attaques aveugles
contre des biens civils en Ukraine, ce qui peut être qualifié de
complicité dans les violations du droit international commises par
la Fédération de Russie. Les autorités ukrainiennes ont confirmé
la détention de ressortissants chinois combattant aux côtés des
forces russes, prétendument en tant que combattants irréguliers.
En outre, des entreprises chinoises auraient aidé la Fédération
de Russie à produire des drones militaires en lui donnant accès
à des composants soumis à des restrictions et en l’aidant à contourner
les sanctions internationales.
12. A la lumière de ces considérations, l'Assemblée:
12.1. exhorte les participants au
Groupe restreint et tous les États membres à œuvrer sans délai à
la création du tribunal spécial pour le crime d'agression contre
l'Ukraine, en adoptant les décisions nécessaires pour finaliser
les instruments juridiques relatifs à la création dudit tribunal,
indépendamment de l’état d’avancement des négociations de paix;
12.2. appelle les autres États, en particulier les États observateurs
et les États dont le parlement bénéficie du statut d'observateur
ou de partenaire pour la démocratie auprès de l'Assemblée, à joindre le
futur accord partiel élargi et à soutenir le tribunal spécial;
12.3. appelle tous les États membres, les États observateurs
et les autres États à soutenir et à contribuer aux travaux du Registre
des dommages pour l'Ukraine, ainsi qu'aux travaux en cours visant à
établir une Commission des demandes d’indemnisation pour l'Ukraine
et un fonds d'indemnisation pour l'Ukraine, et à veiller à ce que
les réparations restent une composante essentielle de tout règlement de
paix;
12.4. appelle tous les États membres, les institutions européennes
et les partenaires internationaux à accroître leur aide au bureau
du procureur général de l'Ukraine et aux systèmes internationaux d’établissement
des responsabilités existants, ainsi qu'aux projets de la société
civile travaillant sur l'Ukraine, afin de compenser l'impact négatif
du gel de l'aide des États-Unis;
12.5. invite la CPI et son bureau du procureur à envisager d'ajouter
de nouveaux chefs d'accusation, notamment de crimes contre l'humanité
et de génocide, en rapport avec la détention illégale, la disparition
forcée et la torture de détenus civils ukrainiens, ainsi qu’avec
la déportation et le transfert forcé d'enfants ukrainiens, dans
le cadre de l'enquête sur la situation en Ukraine;
12.6. appelle les États membres, les États observateurs et les
autres États dont la législation prévoit la compétence universelle
d’enquêter sur les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité
et le génocide commis dans le contexte de la guerre d’agression
en cours, y compris les crimes liés à la disparition forcée et à
la torture de détenus civils ukrainiens et à la déportation et au
transfert forcé d'enfants ukrainiens, et d’engager des poursuites
à l’encontre de leurs auteurs, et encourage les États qui ne prévoient
pas la compétence universelle à introduire cette possibilité dans
leur législation;
12.7. exhorte la Fédération de Russie à veiller au respect des
obligations qui lui incombent en vertu du droit international, y
compris le droit international humanitaire, et à cesser immédiatement
la pratique des disparitions forcées, la détention illégale de civils
ukrainiens, le recours systématique à la torture contre les civils
et les prisonniers de guerre, la déportation et le transfert forcé
d'enfants ukrainiens, à fournir des informations complètes sur les
prisonniers de guerre, les civils ukrainiens et les enfants sous son
contrôle, et à garantir l'accès immédiat, sûr et sans entrave du
CICR à tous les lieux de détention où sont détenus des prisonniers
de guerre et des civils ukrainiens;
12.8. appelle les États membres, les États observateurs, l'Union
européenne et les partenaires internationaux à fournir toute l'assistance
nécessaire à l'Ukraine dans ses efforts pour localiser et garantir
le retour des prisonniers de guerre, des civils ukrainiens illégalement
détenus et des enfants ukrainiens, et à accroître la pression sur
la Fédération de Russie pour qu'elle se conforme à ses obligations
internationales susmentionnées, y compris par le biais de sanctions
accrues et dans le cadre de pourparlers ou négociations de paix.
B. Exposé des motifs par M. Eerik-Niiles Kross, rapporteur
(open)1. Introduction
1. À la suite de l’adoption par
l’Assemblée de la Résolution 2556 (2024) «Questions juridiques et violations des droits de l’homme
liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine»
le 26 juin 2024, sur la base d’un rapport de M. Davor Ivo Stier
(Croatie, PPE/DC)
, l’Assemblée a décidé
de saisir la Commission des questions juridiques et des droits de
l’homme en vue de l’élaboration d’un nouveau rapport sur le même
sujet
. La commission
m’a désigné rapporteur le 2 octobre 2024.


2. Depuis la finalisation du rapport de M. Stier, l’Assemblée
a adopté plusieurs résolutions et recommandations sur la guerre
d’agression russe contre l’Ukraine, notamment la Résolution 2573 (2024) «Personnes disparues, prisonniers de guerre et personnes
civiles en captivité en raison de la guerre d’agression de la Fédération
de Russie contre l’Ukraine», sur la base d’un rapport préparé pour
la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées
(rapporteure: Mme Maria Mezentseva-Fedorenko, Ukraine,
PPE/DC); la Résolution 2588 (2025) «Engagement européen en faveur d’une paix juste et durable
en Ukraine», sur la base d’un rapport préparé pour la commission
des questions politiques et de la démocratie (rapporteure: Mme Miapetra Kumpula-Natri,
Finlande, SOC); et plus récemment, la Résolution 2598 (2025) «Guerre d’agression russe contre l’Ukraine: la nécessité
d’établir les responsabilités et d’empêcher l’impunité», sur la
base d’un rapport préparé pour la commission des questions juridiques
et des droits de l’homme (rapporteur: M. Iulian Bulai, Roumanie,
ADLE).
3. Le Conseil de l’Europe dans son ensemble a continué d’apporter
sa contribution aux initiatives menées au niveau mondial et régional
en réponse à la guerre d’agression de la Fédération de Russie contre
l’Ukraine, lesquelles visent en particulier à mettre au point un
système complet d’établissement des responsabilités pour toutes
les violations du droit international commises en Ukraine et contre
ce pays, et à le mettre en oeuvre. Les trois grands axes d’intervention
étaient la création d’un tribunal spécial pour le crime d’agression
contre l’Ukraine dans le cadre du Conseil de l’Europe, par la participation
du Conseil de l’Europe au Groupe restreint d’États et d’organisations
soutenant la création d’un tel tribunal et l’élaboration des projets
d’instruments juridiques
; la constitution d’une commission
des demandes d’indemnisation pour l’Ukraine, deuxième composante
d’un mécanisme d’indemnisation complet (le premier élément étant
le Registre des dommages pour l’Ukraine, opérationnel depuis avril 2024),
par la participation aux réunions préparatoires et aux négociations
formelles sur un traité international; et les travaux sur la situation
des enfants d’Ukraine, en particulier ceux qui ont été déportés
illégalement en Fédération de Russie ou transférés de force vers
les territoires ukrainiens temporairement occupés par la Fédération
de Russie en violation de la Convention sur la prévention et la
répression du crime de génocide (article II) et le droit international
humanitaire.

4. La commission des questions juridiques et des droits de l'homme
a pris connaissance des faits nouveaux concernant le tribunal spécial
et le mécanisme d’indemnisation lors de sa réunion du 10 septembre 2024
à Paris, à laquelle ont participé M. Jörg Polakiewicz, directeur
du Conseil juridique et du Droit international public du Conseil
de l’Europe, et M. Markiyan Kliuchkovskyi, directeur exécutif du
Registre des dommages pour l’Ukraine. Elle a également entendu Mme Jessica H. Kim,
procureure spéciale pour le crime d’agression détachée des États-Unis
auprès du Centre international chargé des poursuites pour le crime d’agression
contre l’Ukraine basé à La Haye. Lors de la partie de session de
janvier 2025, la commission a tenu une audition conjointe avec d’autres
commissions sur la situation des prisonniers de guerre, journalistes et
autres civils ukrainiens maintenus en captivité par la Fédération
de Russie, avec la participation de M. Maksym Butkevych, défenseur
des droits humains, officier des forces armées ukrainiennes, ancien prisonnier
de guerre et journaliste; Mme Leniie Umerova,
otage civile de la communauté des Tatars de Crimée, récemment libérée
dans le cadre d’un échange (citoyenne ukrainienne); M. Yulian Pylypei,
membre de la marine ukrainienne, défenseur de Marioupol, qui a passé
deux ans et demi en captivité en Russie; et Mme Nataliia Yashchuk,
gestionnaire des conséquences de la guerre, Centre pour les libertés
civiles, Kyiv.
5. J’ai effectué une visite d’information à Kyiv les 2 et 3 avril 2025,
au cours de laquelle j’ai pu rencontrer les autorités ukrainiennes
(le président et des juges de la Cour suprême; la directrice adjointe
du bureau présidentiel, Mme Iryna Mudra;
des représentants du ministère des Affaires étrangères, notamment l’ambassadeur Anton Korynevych,
du ministère de la Justice, du Service de sécurité de l’Ukraine,
du centre de coordination chargé du traitement des prisonniers de
guerre et du Bureau du procureur général), des agents du bureau
du Conseil de l’Europe et du bureau du Registre des dommages à Kyiv,
ainsi que des acteurs de la société civile et des organisations
travaillant sur les questions liées à la responsabilité et aux vétérans
de guerre (Truth Hounds, ZMINA, Centre pour les libertés civiles,
Crimean Human Rights Group, Pryncyp, Ukrainian Veterans’ Fund, Veteran’s
Hub)
. Je tiens
à remercier toutes les personnes rencontrées, qui m’ont fourni des
informations extrêmement utiles pour l’élaboration de mon rapport
final.
![(5)
<a href='https://x.com/PACE_News/status/1908147912560779693'>APCE
sur X: «In meetings with authorities of [Ukraine] in Kyiv, the rapporteur
on the legal and human rights aspects of Russia's aggression @EerikNKross
has reiterated PACE's full support for 'the independence, sovereignty
and territorial integrity of Ukraine within its recognised borders'»,
https://t.co/oWKRsm9ZDf</a>; <a href='https://www.president.gov.ua/en/news/dlya-ukrayini-spravedlivist-ne-predmet-torgu-moralna-ta-prav-97041'>For
Ukraine, Justice Is Not a Bargaining Chip but a Moral and Legal
Necessity – Iryna Mudra – Official website of the President of Ukraine</a>; “<a href='https://court.gov.ua/eng/supreme/pres-centr/news/1787046/'>President
of the Supreme Court holds a working meeting with the Rapporteur
of the PACE Committee on Legal Affairs and Human Rights</a>”, Ukrainian Judiciary.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
6. La Russie poursuit ses attaques militaires contre l’Ukraine,
notamment contre des infrastructures civiles et des bâtiments résidentiels,
faisant de nombreuses victimes civiles, dont des enfants, dans les
villes de Kharkiv, Kryvyi Rih
, Sumy
, Odessa et Kyiv
. La plupart
de ces attaques constituent des violations flagrantes du droit international
humanitaire et viennent s’ajouter à la longue liste des crimes de
guerre commis par les forces russes en Ukraine depuis le début de
l’agression à grande échelle en février 2022. Certaines, comme celles
perpétrées à Kryvyi Rih le 6 avril 2025 et à Sumy le 13 avril 2025
(dimanche des Rameaux), ont été reconnues et justifiées par Vladimir
Poutine lui-même
, ce qui témoigne d’un manque de
respect cynique pour les règles les plus élémentaires du droit international
humanitaire. Le 20 avril 2025, le président Zelensky a proposé un
cessez-le-feu renouvelable de 30 jours sur les frappes de drones
et de missiles longue portée visant les infrastructures civiles,
qui n’a pas encore été accepté par la Russie
.





7. Dans le présent rapport, je mettrai l’accent sur les différents
éléments d’un système complet d’établissement des responsabilités
pour l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine et
ses conséquences juridiques et en matière de droits humains, en
vue de faire de nouvelles propositions aux États membres, au Conseil
de l’Europe dans son ensemble et aux partenaires internationaux.
J’examinerai l’avancée des travaux relatifs au tribunal spécial
pour le crime d’agression et au mécanisme d’indemnisation, ainsi
que les procédures en cours au sein des divers mécanismes existants
visant à amener les responsables à répondre de leurs actes (CPI,
Cour européenne des droits de l’homme, organes des Nations Unies,
enquêtes et poursuites en Ukraine et dans d’autres États membres).
Je traiterai également des conséquences possibles des négociations
de la nouvelle administration des États-Unis avec la Russie (entamées
en mars 2025), et notamment des effets du désengagement croissant
des États-Unis des projets et discours sur la détermination des
responsabilités. Enfin, j’aborderai également la situation des prisonniers
de guerre et des civils ukrainiens détenus illégalement par la Fédération
de Russie et la nécessité d’intégrer cet aspect dans tout processus
de paix crédible.
2. Le crime d’agression et la nécessité de créer un tribunal spécial pour le crime d’agression contre l’Ukraine
8. Dans sa Résolution 2556 (2024), l’Assemblée a estimé que la création d’un tribunal
spécial au moyen d’un accord entre le Conseil de l’Europe et l’Ukraine,
soutenu par un accord partiel élargi, serait «la meilleure option
possible, en termes de base juridique et de légitimité politique»
et «s’inscrirait clairement dans le mandat du Conseil de l’Europe,
tel que reflété dans son Statut, et conformément aux priorités définies
lors du Sommet de Reykjavík». L’Assemblée a réaffirmé que «le tribunal
spécial devrait donc présenter des caractéristiques qui le rendraient
aussi international que possible et encourageraient un soutien inter-régional,
en tenant compte de la nécessité de maximiser sa légitimité internationale
et de minimiser les éventuelles contestations juridiques, notamment
en ce qui concerne le recours éventuel à des immunités personnelles
de la part des principaux suspects». Elle a considéré que le tribunal
spécial devrait présenter un certain nombre de caractéristiques
spécifiques, dont la liste inclut les questions de compétence (sa
compétence temporelle, en particulier, devrait s’étendre à l’agression
ayant débuté en février 2014), la définition du crime d’agression (conforme
au Statut de la CPI), la question des immunités personnelles, le
droit à un procès équitable, les procès par contumace, les accords
de coopération et la complémentarité avec la CPI. La résolution
précise que les immunités personnelles ne s’appliqueront pas devant
le tribunal spécial et propose que son statut laisse cette question
à l’interprétation des juges du tribunal spécial, en tenant compte
de la pratique des autres tribunaux pénaux internationaux et des
précédents en droit international. Dans ses résolutions précédentes (Résolution 2436 (2022) et Résolution
2482 (2023)), l'Assemblée avait souligné que le tribunal spécial
ne devait pas être «restreint par l'immunité de l’État ou des chefs
d'État et de gouvernement et autres représentants de l'État», étant
donné que le crime d'agression est par définition un crime de direction,
et que «les immunités personnelles ne s'appliqueront pas aux représentants
de l’État en exercice, conformément à la pratique d'autres tribunaux
pénaux internationaux». Le compromis trouvé sur la question des
immunités dans la Résolution
2556 (2024) est en partie le résultat de la pression exercée par
certaines délégations au sein du Groupe restreint chargé de négocier
le statut du tribunal spécial. Les États-Unis et d'autres pays du G7 n'étaient
pas du tout favorables à l'inclusion de la «Troïka» (chef d’État,
chef de gouvernement et ministre des Affaires étrangères) dans le
mandat du tribunal spécial. L'Ukraine, à l'époque, avait accepté
le compromis (laissant l'interprétation de la question aux juges).
9. Du 19 au 21 mars 2025, le Groupe restreint d’États réuni à
Strasbourg a finalisé les projets de documents juridiques établissant
le tribunal spécial, après deux ans de consultations
.
Les textes approuvés incluent un projet d’accord bilatéral entre
l’Ukraine et le Conseil de l’Europe, un projet de statut du tribunal spécial
et un projet d’accord partiel élargi sur la gestion du tribunal
spécial. La réunion a été ouverte par le président de l’Assemblée
qui a expliqué le rôle tenu par l’Assemblée, ayant été la première
instance internationale à demander la création d’un tribunal spécial
dès avril 2022. Les trois documents ont été soumis aux responsables
ukrainiens et aux États participant au Groupe restreint en vue d’obtenir
leur aval politique. D’après les informations qui m’ont été communiquées
lors de ma visite sur le terrain, une réunion devrait avoir lieu
à Lviv le 9 mai avec les représentants de tous les participants
au Groupe restreint (les ministres des Affaires étrangères et leurs
conseillers juridiques), au cours de laquelle le Gouvernement ukrainien
demandera officiellement la création du tribunal spécial sur la
base des projets d’instruments juridiques. Le Comité des Ministres
pourrait alors reconnaître ou soutenir la demande de l’Ukraine (probablement
lors de la session ministérielle au Luxembourg les 13 et 14 mai)
et préparer les décisions finales (autorisant le Secrétaire Général à
conclure l’accord au nom du Conseil de l’Europe et établissant l’accord
partiel élargi)
.
L’Assemblée a déjà anticipé ces étapes dans ses récentes Résolution 2598 (2025) et Recommandation 2294 (2025), qui invitent le Comité des Ministres à adopter ces
décisions dès qu’un accord politique aura été trouvé.


10. Je crois comprendre qu’il a été donné suite à certaines demandes
formulées par l’Assemblée au sujet des caractéristiques du tribunal
spécial, notamment en ce qui concerne les immunités de fonctions,
la définition du crime d’agression, les procès par contumace, les
droits à un procès équitable et la coopération avec la CPI. Je crois
également comprendre qu’il n’y aura pas de limite temporelle à sa
compétence, ce qui signifie que le tribunal spécial sera à même
d’exercer des poursuites pour le crime d’agression ayant débuté
le 20 février 2014, et non uniquement pour les actes commis depuis
le 24 février 2022 (voir Résolution 2294 (2025) et Résolution
2556 (2024)). Sa compétence ne sera pas limitée aux suspects russes et
pourra s’étendre selon le cas aux ressortissants d’autres États
ayant participé à la guerre d’agression contre l’Ukraine. Elle pourrait
inclure les prétendus dirigeants du Bélarus, voire les dirigeants
politiques et militaires de la République populaire démocratique
de Corée («Corée du Nord»), conformément aux récentes résolutions
de l’Assemblée. Aux termes de la Résolution 3314 de 1974 de l’Assemblée
générale des Nations Unies et de l’article 8bis du Statut de la
CPI, l’acte consistant à mettre le territoire d’un État à la disposition
d’un autre État afin qu’il serve à la commission par ce dernier
d’un acte d’agression contre un État tiers, constitue en soi un
acte d’agression. L’Assemblée générale des Nations Unies a déploré
l’implication du Bélarus dans l’usage illicite de la force contre
l’Ukraine
. Par ailleurs, il apparaît clairement
que l’envoi de troupes de la Corée du Nord (dont les effectifs sont
estimés à 14 000 soldats) ou leur participation au combat contre l’Ukraine
aux côtés des forces russes (dans la région de Koursk) pourrait
également entrer dans la définition d’un acte d’agression
. En avril 2025, le dictateur nord-coréen
a publiquement admis que ses troupes participaient à la guerre d'agression
russe contre l'Ukraine «afin d'anéantir les occupants néonazis ukrainiens»
.




11. L’une des questions les plus difficiles à trancher lors des
négociations qui ont eu lieu au sein du Groupe restreint a été celle
des immunités personnelles de la «troïka», à distinguer des immunités
de fonctions
. Je souscris pleinement aux rapports
et résolutions antérieurs de l’Assemblée (établis par M. Damien
Cottier (Suisse, ADLE) et M. Davor Ivo Stier (Croatie, PPE/CD))
selon lesquels les immunités personnelles ne devraient pas s’appliquer
devant un tribunal international ou internationalisé
. Il est regrettable qu’un compromis
ait dû être trouvé entre des points de vue politiques et juridiques
divergents sur la question et que certains points de vue politiques
l’ont emporté. Le compromis semble être que le procureur du TS pourra recueillir
des preuves, enquêter sur les crimes et soumettre au tribunal spécial
un acte d’accusation contre les membres de la troïka concernés,
mais que le TS ne prendra aucune mesure procédurale ni délivrera
aucun mandat d’arrêt tant que ces personnes resteront en fonction
. Ce résultat n'est pas conforme
au Statut de Rome de la CPI, dont l'article 27 stipule: «1. Le présent
Statut s'applique à tous de manière égale, sans aucune distinction
fondée sur la qualité officielle... 2. Les immunités ou règles de
procédure spéciales qui peuvent s’attacher à la qualité officielle
d'une personne, en vertu du droit interne ou du droit international,
n'empêchent pas la Cour d'exercer sa compétence à l'égard de cette
personne». La Commission du droit international (CDI) et les résolutions
des Nations Unies confirment le principe selon lequel la qualité
officielle ne constitue pas un moyen de défense dans les poursuites
pour crimes internationaux, y compris l'agression. Ce principe a
été réaffirmé dans l'affaire Mandat d'arrêt (CIJ, 2002):
cette immunité s'applique devant les juridictions nationales étrangères
pendant l'exercice des fonctions, mais pas nécessairement devant
les tribunaux pénaux internationaux. Ce résultat n'est pas à la
hauteur de la norme internationale en matière de responsabilité
pour le crime d'agression (alors crime contre la paix) établie par
le Tribunal de Nuremberg, dont le Statut (article 7) stipule: «La
situation officielle des accusés, soit comme chefs d'État, soit
comme haut fonctionnaires, ne sera considérée ni comme une excuse
absolutoire...». Ce résultat ne répond manifestement pas à toutes
les attentes des autorités et de la société ukrainiennes. Toutefois,
ce compromis permet au futur tribunal d’enquêter efficacement et
de punir la majorité des personnes qui portent la responsabilité
pour le crime d'agression et à enquêter sur les crimes des hauts
dirigeants russes qui portent la plus grande responsabilité.



12. Il est regrettable que les États-Unis aient quitté le Groupe
restreint depuis mars 2025 après avoir participé aux consultations
sur le tribunal spécial dès leur lancement, sous la présidence Biden.
Les autorités américaines se sont également retirées du Centre international
chargé des poursuites pour le crime d’agression contre l’Ukraine
basé à La Haye, qu’elles soutenaient par une contribution financière
et le détachement de procureurs
.
Ces évolutions sont à rapprocher des changements intervenus dans
la politique étrangère américaine depuis l’arrivée au pouvoir de
Donald Trump, notamment en ce qui concerne les relations avec l’Ukraine
et la Russie et la position des États-Unis sur la caractérisation
juridique et politique de l’agression
.


13. Conformément à la Résolution 2598 (2025), je propose que l’Assemblée appelle une nouvelle fois
les États membres, les participants au Groupe restreint et le Comité
des Ministres à faire en sorte que le tribunal spécial puisse être
établi dans les meilleurs délais, en adoptant les décisions politiques
correspondantes et les instruments juridiques finaux. Ce processus
devrait être de courte durée car tous les textes juridiques sont prêts
et attendent un appui politique. L’Assemblée devrait également recommander
de veiller à ce que le tribunal spécial, une fois créé, soit doté
de l’ensemble des outils et ressources nécessaires pour devenir opérationnel,
par la nomination rapide de juges et d’agents indépendants et hautement
qualifiés, et que des accords de coopération soient signés avec
tous les États participants ainsi qu’avec la CPI. Par ailleurs les
États observateurs et États non européens qui souhaitent préserver
l’ordre juridique international devraient être invités à y adhérer,
pour assurer une participation inter-régionale la plus large possible.
14. Dans le contexte des pourparlers actuels et futurs entre les
États-Unis, l’Ukraine et la Russie au sujet d’un éventuel cessez-le-feu
ou de négociations de paix, il convient également de rappeler qu’il
ne serait pas possible de proposer une amnistie internationale pour
le crime d’agression, même si certains pourraient y voir une solution
souhaitable pour parvenir à la paix. Pour qu’il n’y ait plus aucun
doute à ce propos, le statut du tribunal spécial devrait comporter
une disposition sur l’irrecevabilité des amnisties accordées aux
personnes relevant de sa juridiction. L’interdiction de l’agression
est une norme impérative du droit international général, reconnue
en tant que jus cogens. Tous
les États ont le devoir de coopérer pour mettre fin aux violations
graves de cette norme
, ce qui inclut
en toute logique une obligation d’éviter l’impunité et de garantir
que les violations en question ne se répètent pas. L’Assemblée devrait
rappeler qu’aucun processus ou accord de paix ne saurait aller à
l’encontre de l’engagement pris par le Conseil de l’Europe de demander
des comptes à la Fédération de Russie et d’établir les responsabilités
pour l’ensemble des crimes commis. La paix doit être juste et conforme
aux principes du droit international. Elle ne doit pas être obtenue
en jouant sur le levier de l’obligation de rendre des comptes. Cette
position est partagée par le Commissaire aux droits de l’homme du
Conseil de l’Europe, qui a souligné qu’une approche fondée sur les
droits humains et centrée sur les victimes doit faire partie intégrante
de tous pourparlers de paix sur l’Ukraine
.


15. De la même manière, l’annexion illégale des territoires ukrainiens
occupés ne devrait jamais être reconnue par aucun Etat ni faire
partie d’un accord de paix. En droit international, l’interdiction
de toute acquisition de territoire obtenue par la menace ou l’emploi
de la force est un corollaire de l’interdiction de la menace ou
de l’emploi de la force
. L’annexion constituant en soi une
violation grave de ce principe, les États sont tenus de ne pas reconnaître
comme licite la situation créée par cette violation, de ne pas prêter
aide ou assistance à son maintien et de prendre des mesures concrètes
pour y mettre fin
. Cela nécessiterait
au minimum de s’opposer à tout accord qui tenterait d’entériner
ou de légaliser un quelconque changement territorial résultant de
l’agression. Il est préoccupant de constater à cet égard que certains
représentants des États-Unis et le Président Trump laissent entendre
que des changements territoriaux (notamment concernant la Crimée)
pourraient être acceptés de jure dans
le cadre d’un accord de paix
. L’Assemblée devrait donc réaffirmer
sans équivoque et avec fermeté que l’annexion par la Russie de tout
territoire ukrainien, qui est un élément fondamental du crime d’agression,
est et restera manifestement illégale aux yeux de la communauté internationale.



3. La nécessité de conclure les travaux engagés en vue de la mise en place d’un mécanisme complet international d’indemnisation
16. La Fédération de Russie doit
assumer les conséquences juridiques de tous les faits internationalement illicites
qu’elle a commis en Ukraine ou contre l’Ukraine, y compris en réparant
tout dommage causé par ses actes à toutes les personnes physiques
et morales concernées, ainsi qu’à l’État ukrainien, y compris ses autorités
régionales et locales, ses entités appartenant à l’État ou contrôlées
par lui. Je renvoie ici aux précédentes résolutions de l’Assemblée
sur le sujet, notamment la Résolution 2556 (2024) «Questions juridiques et violations des droits de l'homme
liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine» et
la Résolution 2539 (2024) «Soutien à la reconstruction de l’Ukraine», ainsi qu’à
la Résolution A/RES/ES-11/5 de l’Assemblée générale des Nations
Unies du 14 novembre 2022 «Agression contre l’Ukraine: recours et réparation»,
qui reconnaît la nécessité de mettre en place un mécanisme international
de réparation.
17. Le Registre des dommages a été établi lors du Sommet de Reykjavik
en mai 2023 et constitue la première composante d’un mécanisme complet
d’indemnisation pour l’agression commise par la Fédération de Russie
et les multiples violations du droit international qui en résultent.
Créé par un accord partiel élargi dans le cadre du Conseil de l’Europe,
il est devenu opérationnel en avril 2024. Au cours de l’année écoulée,
il a ouvert le processus de dépôt des demandes d’indemnisation pour
plusieurs catégories de dommages, y compris le déplacement interne
involontaire, le décès d’un membre de la famille proche, la disparition
d’un membre de la famille proche, les lésions corporelles graves,
la violence sexuelle, la torture ou les autres peines ou traitements
inhumains ou dégradants, la privation de liberté, le travail ou
les services forcés, et dommages ou destruction de biens immobiliers
résidentiels. À ce jour, il a reçu plus de 20 000 demandes et le
Conseil du Registre poursuit son travail en adoptant des décisions
sur l’enregistrement des demandes d’indemnisation. Selon les estimations,
six à huit millions de demandes devraient être déposées
. Dans sa Résolution 2598 (2025), l’Assemblée a demandé une nouvelle fois aux membres
participants et associés du Registre des dommages de ne pas limiter
la période couverte par ce dernier aux demandes portant sur les dommages
causés à compter du 24 février 2022, comme le prévoit actuellement
son statut, mais de l’étendre aux demandes remontant à 2014. L’Assemblée
devrait réitérer cet appel.

18. Du 24 au 26 mars 2025, les négociations officielles sur un
traité international visant à établir une commission des demandes
d’indemnisation pour l’Ukraine ont été engagées à La Haye avec la
participation de plus de 50 États de différents continents, du Conseil
de l’Europe et de l’Union européenne
. Cet événement marque une étape
importante dans la création du deuxième élément du mécanisme complet d’indemnisation
prévu dans le statut du Registre des dommages, que l’Assemblée a
appelé de ses vœux à plusieurs reprises dans de précédentes résolutions.
Cette instance examinera les demandes d’indemnisation des dommages
en cours d’inscription au Registre des dommages pour l’Ukraine et
déterminera le montant des indemnisations dues dans chaque cas.
Bien que deux options soient possibles concernant le modèle de traité établissant
la commission des demandes d’indemnisation, l’Assemblée (dans sa Résolution 2598 (2025)) a déjà exprimé son soutien à une Convention ouverte
du Conseil de l’Europe, qui assurerait la participation inter-régionale
requise tout en tirant profit de la position de premier plan et
de l’expertise de l’Organisation dans ce domaine. Une telle approche
serait également plus cohérente avec le fait que le Registre des
dommages, destiné à faire partie intégrante du futur mécanisme d’indemnisation,
a été mis en place et fonctionne sous les auspices du Conseil de
l’Europe. Il est essentiel que la future commission des demandes
d’indemnisation ait une compétence temporelle couvrant tous les
dommages causés depuis le début de l’agression en 2014 et ne se
limite pas à l’agression à grande échelle en cours depuis 2022.
Il est également essentiel que les négociations sur le traité instituant
la commission des demandes d’indemnisation soient achevées dans
les mois à venir, que le traité soit adopté d’ici la fin de l’année
et que le processus de ratification soit mené à bien rapidement
afin que la commission puisse commencer ses travaux dans le courant
de l’année 2026.

19. Sur la question de savoir comment assurer le versement des
indemnisations accordées par la future commission des demandes d’indemnisation,
je renvoie à la position bien établie de l’Assemblée, exprimée dans
ses Résolution 2556 (2024), Résolution 2539 (2024) et Résolution
2598 (2025). L’Assemblée considère que la réaffectation des avoirs
de l’État russe actuellement gelés (pour un montant d’environ 300 milliards USD)
serait une mesure de rétorsion légale contre la Russie prévue par
le droit international, car elle aurait pour but d’inciter l’agresseur
à cesser son comportement illégal et à respecter ses obligations, notamment
celle de réparer les dommages qu’elle a causés
. Il s’agirait d’une
réponse collective justifiée et proportionnée à l’agression en cours,
qui constitue une violation des obligations erga
omnes et des normes de jus
cogens. L’Assemblée a donc demandé instamment aux États
membres et à tout autre État détenant ces avoirs d’adopter une législation
autorisant de telles mesures, en vue de transférer les actifs à
un futur fonds international d’indemnisation
qui constituera la troisième composante
fondamentale du mécanisme d’indemnisation pour l’Ukraine. J’espère
que la future Convention sur la Commission des demandes d’indemnisation
établira un cadre et un calendrier clairs pour la création de ce
fonds dans un avenir proche.


20. Dans l’intervalle, les États devraient transférer immédiatement
les actifs gelés vers un fonds fiduciaire international qui en assurerait
la gestion de manière à ce qu’ils bénéficient aux victimes de l’agression
et à la reconstruction de l’Ukraine
. Il est important et urgent d’agir
maintenant, étant donné le risque que les sanctions européennes
et internationales de gel des actifs ne soient pas renouvelées du
fait d’un blocage par certains États membres de l’Union européenne
ou de l’ouverture d’éventuels pourparlers de paix. Si les actifs venaient
à être restitués à la Fédération de Russie, ils pourraient être
utilisés pour financer la guerre d’agression en cours et continuer
à provoquer des destructions et à faire des victimes, tout en discréditant
les efforts européens visant à apporter un soutien significatif
à l’Ukraine.

4. Avancées enregistrées dans les différents systèmes nationaux et internationaux visant à amener les responsables à répondre des crimes et violations flagrantes des droits humains commis par la Fédération de Russie
4.1. Cour pénale internationale
21. Depuis l’adoption de la Résolution 2556 (2024) en juin 2024, la CPI n’a pas émis de nouveaux mandats d’arrêt
dans le cadre de son enquête sur la situation en Ukraine. Les six
mêmes mandats d’arrêt restent en vigueur, contre: Vladimir Poutine
et Maria Lvova-Belova, Commissaire aux droits des enfants du Bureau
du Président de la Fédération de Russie, pour le crime de guerre
de déportation et de transfert illégaux d’enfants ukrainiens; Sergei
Ivanovich Kobylash et Viktor Nikolayevich Sokolov pour le crime
de guerre consistant à diriger des attaques contre des biens de
caractère civil, le crime de guerre consistant à causer incidemment des
dommages excessifs à des civils ou à des biens de caractère civil
et le crime contre l’humanité d’actes inhumains (en relation avec
la campagne de frappes aériennes); ainsi que Sergei Kuzhugetovich Shoigu
et Valery Vasilyevich Gerasimov pour les mêmes catégories de crimes
de guerre et de crimes contre l’humanité. Aucun de ces mandats d’arrêt
n’a été exécuté. Celui contre Vladimir Poutine n’a pas été respecté
lorsque ce dernier a effectué sa première visite dans un État partie
à la CPI en septembre 2024 (Mongolie). Le 24 octobre 2024, la deuxième
chambre préliminaire de la CPI a rendu une décision dans laquelle
elle conclut que la Mongolie n’a pas exécuté la demande d’arrestation
de Vladimir Poutine et a manqué à ses obligations nées du statut
de la CPI
.
Elle y affirme également en des termes clairs que l’immunité personnelle
des chefs d’État (y compris d’États tiers) n’est pas opposable dans
les procédures devant la Cour et qu’un État partie qui accorde cette
immunité dans le cadre d’une demande d’arrestation et de remise
agit en violation de ses obligations internationales.

22. Outre le problème de la non-coopération de certains États
parties, l’enquête de la CPI sur la situation en Ukraine pourrait
rencontrer d’autres difficultés. Les récentes sanctions imposées
par l’administration Trump au procureur de la CPI Karim Khan (qui
pourraient être étendues à d’autres agents) en représailles aux décisions
de la Cour concernant Gaza pourraient entraver sérieusement le travail
du bureau du procureur, notamment son enquête en Ukraine et sa coopération
avec les différentes parties prenantes
. Les États membres
qui sont parties au Statut de la CPI devraient condamner ces mesures
et accroître leur soutien politique, juridique et matériel à la
CPI. Les capacités du bureau du procureur de la CPI à Kyiv devraient
être renforcées par des détachements et du personnel supplémentaires.

23. Par ailleurs, il ne devrait y avoir aucune ambiguïté quant
au fait que les procédures en cours devant la CPI ne sauraient être
remises en cause par un éventuel processus de paix ou toute autre
issue pacifique. Certains États ne soutenant pas la CPI risquent
d’être tentés d’activer l’article 16 du Statut de la CPI, qui autorise
le Conseil de sécurité des Nations Unies à demander la suspension
des enquêtes ou poursuites menées par la CPI pour une période d’un
an (renouvelable) si une résolution est adoptée en ce sens en vertu du
chapitre VII de la Charte des Nations Unies.
4.2. Cour européenne des droits de l’homme
24. Quatre affaires interétatiques
introduites par l’Ukraine contre la Russie sont en instance devant
la Cour et concernent toutes des violations commises jusqu’au 16 septembre 2022,
date à laquelle la Russie a cessé d’être Partie à la Convention
européenne des droits de l’homme (STE no 5).
La seule dans laquelle un arrêt a été rendu au principal est l’affaire Ukraine c. Russie (Crimée) (arrêt
du 25 juin 2024). La Cour y a constaté des violations multiples
et systématiques de la Convention depuis 2014 (entre autres: disparitions
forcées, mauvais traitements et détention illégale de soldats ukrainiens,
de personnes d’origine ethnique ukrainienne, de Tatars de Crimée
et de journalistes, impossibilité de renoncer à la nationalité russe,
répression des médias ukrainiens et interdiction de la langue ukrainienne
dans les écoles, transfèrements de prisonniers de Crimée vers la
Russie, intimidation et harcèlement visant des chefs religieux,
expropriations, traitement discriminatoire de la population tatare
de Crimée, restrictions à la liberté de circulation entre la Crimée
et l’Ukraine continentale, ouverture de poursuites en représailles
et détournement du droit pénal contre les «prisonniers politiques
ukrainiens»). Elle a précisé par ailleurs que la législation russe
ne pouvait être considérée comme étant «la loi» relativement aux
mesures prises en Crimée et que la Russie avait étendu de manière
injustifiée l’application de son droit à la Crimée après le traité
dit «d’intégration» de mars 2014, en violation de la Convention
et du droit international humanitaire. Bien que la question de la
satisfaction équitable reste en instance devant la Cour, le Comité
des Ministres a récemment adopté sa première décision sur la surveillance de
l’exécution de cet arrêt, dans laquelle il exhorte la Fédération
de Russie à rétablir immédiatement l’application du droit ukrainien
en Crimée, à assurer le retour en toute sécurité sous la juridiction
des autorités ukrainiennes de tous les prisonniers politiques ukrainiens
et de tous les soldats ukrainiens, des personnes d’origine ethnique
ukrainienne, des Tatars de Crimée et des journalistes détenus illégalement,
et à enquêter sur les violations extrêmement graves qui ont été
commises
.

25. Un arrêt doit encore être rendu au principal dans l’affaire Ukraine et Pays-Bas c. Russie, qui
a été déclarée recevable par la Cour et dans laquelle 26 États sont
intervenus en qualité de tiers. Cette affaire concerne l’agression
russe dans l’est de l’Ukraine depuis le printemps 2014, notamment
la destruction de l’avion du vol MH17 de la compagnie Malaysia Airlines,
et les opérations militaires russes menées sur le territoire de
l’Ukraine depuis le 24 février 2022. J’espère que l’arrêt au principal
sera rendu cette année et qu’il clarifiera la question de la «juridiction»
s’agissant des attaques militaires sur le territoire de l’Ukraine.
Deux autres affaires interétatiques sont en instance, l’une portant
sur un incident naval entre les forces armées russes et ukrainiennes
survenu en novembre 2018 dans le détroit de Kertch et l’autre sur
des opérations d’assassinats ciblés contre des opposants à la Russie
(non liées à la guerre).
26. En parallèle, la Cour examine également plus de 9 000 requêtes
de personnes affirmant avoir été affectées par divers aspects de
la guerre, que ce soit en Crimée, dans l’est de l’Ukraine ou plus
généralement depuis l’invasion à grande échelle. La Cour a ainsi
communiqué récemment à la Fédération de Russie une affaire déposée
au nom de dix enfants ukrainiens portés disparus, qui se trouvaient
en structure d’accueil en Crimée en 2014, puis ont été contraints
de prendre la nationalité russe avant d’être placés en vue de leur adoption
.

27. La principale difficulté rencontrée dans ces affaires est
le manque de coopération de l’État défendeur, la Fédération de Russie,
qui a cessé toute communication avec la Cour depuis 2022. Les arrêts
au principal et sur la satisfaction équitable seront également très
difficiles à mettre en œuvre si la situation ne change pas radicalement.
Le Comité des Ministres devrait par conséquent trouver de nouvelles
façons d’aborder l’exécution de ces arrêts, notamment en instaurant
un dialogue avec d’autres partenaires et mécanismes internationaux
d’établissement des responsabilités à répondre de leurs actes et
en veillant à ce que les indemnités que la Cour allouera à l’avenir
soient couvertes par le mécanisme international d’indemnisation.
4.3. Organes et enquêtes des Nations Unies
28. La Commission d’enquête internationale
indépendante sur l’Ukraine des Nations Unies, dont le mandat a été
étendu par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies en
avril 2025, a publié son dernier rapport en mars 2025. Elle y conclut
que les disparitions forcées et les actes de torture commis par
les autorités russes constituent des crimes contre l’humanité. Ces
actes ont été perpétrés dans le cadre d’une attaque systématique
et généralisée contre la population civile, conformément à une politique
étatique coordonnée. Dans les zones passées sous leur contrôle,
les autorités russes ont placé en détention un grand nombre de civils
considérés comme une menace pour leurs objectifs militaires en Ukraine
ou comme étant «hostiles» à l’occupation russe. Ces civils ont été
transférés vers de multiples centres de détention situés dans les
zones occupées de l’Ukraine ou déportés vers la Fédération de Russie,
où ils ont subi d’autres violations et crimes. Diverses entités
russes refusent catégoriquement de communiquer des informations
sur la localisation ou le sort des personnes détenues. Dans les
centres de détention des territoires occupés par la Russie en Ukraine et
en Fédération de Russie, les autorités russes ont systématiquement
recours à la torture contre la plupart des catégories de détenus
pour leur extorquer des informations, faire pression sur eux et
les intimider. Les formes de torture les plus brutales son utilisées
lors des interrogatoires, qui sont souvent menés par le Service fédéral
de la sécurité et le Comité d’enquête de la Fédération de Russie.
Le rapport conclut par ailleurs que les autorités russes emploient
systématiquement la violence sexuelle comme forme de torture contre
des détenus hommes et fait état d’autres cas dans lesquels les crimes
de guerre de viol et de violences sexuelles ont été perpétrés comme
forme de torture contre des détenues femmes.
29. La Commission a également examiné sur les nombreux cas de
soldats ukrainiens tués ou blessés par les forces armées russes
après leur capture ou alors qu’ils tentaient de se rendre, ce qui
constitue un crime de guerre. Elle a constaté une hausse de ce type
d’incidents depuis fin 2023. Les témoignages d’anciens soldats russes
associés au nombre important d’incidents relevés et leur récurrence
indiquent que les forces russes ont obéi à une politique consistant
à tuer les soldats capturés ou qui se rendaient. Parmi les recommandations
de la Commission à la Fédération de Russie figurent notamment la
libération ou le retour de tous les civils ukrainiens déportés et
détenus, la restitution aux familles des corps des Ukrainiens décédés
et l’arrêt des pratiques consistant à tuer ou à blesser les prisonniers
de guerre et le personnel hors de combat
.

30. Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies aura également
l’occasion d’évaluer les conséquences juridiques de l’agression
russe sous l’angle du droit à la vie garanti par l’article 6 du
Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Trois
ONG l’ont saisi d’une requête conjointe affirmant que la Russie
avait violé le droit à la vie lors de ses frappes de missile à Vinnytsia
en 2022, qui avaient fait 18 victimes ukrainiennes
. L’argumentation s’appuie sur l’Observation
générale no 36 du Comité des droits de
l’homme selon laquelle tout homicide commis dans le cadre d’un «acte
d’agression» constitue «ipso facto»
une privation arbitraire de la vie en vertu de l’article 6 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques. Cela couvre les
décès de civils mais également de personnel militaire, que l’attaque
militaire soit ou non conforme au droit international humanitaire.

4.4. Mécanisme de Moscou de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe
31. Depuis mars 2022, le mécanisme
a été activé six fois: quatre fois pour les violations du droit
international commises lors de la guerre d’agression russe contre
l’Ukraine et deux fois pour la situation des droits humains en Fédération
de Russie et au Bélarus. Le dernier rapport en date établi dans
le cadre du mécanisme de Moscou a été présenté le 25 avril 2024
et porte sur la privation arbitraire de liberté des civils ukrainiens
par la Fédération de Russie
. La mission d’experts a conclu qu’un
grand nombre de civils ukrainiens ont été et continuent d’être privés
arbitrairement de leurs libertés par la Fédération de Russie
. Ces civils sont
détenus sans motif légal et, dans la grande majorité des cas, en
l’absence de toute garantie procédurale
.
La mission a également conclu que les civils ukrainiens arbitrairement
privés de liberté subissent diverses pratiques illégales, comme
des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées, des actes
de torture ou des crimes sexuels. Toutes ces pratiques constituent
des violations manifestes du droit international relatif aux droits humains
et du droit international humanitaire. D’après la mission, elles
sont très probablement constitutives de crimes de guerre, et notamment
du crime de «détention illégale» (article 8(2)(a)(vii) du Statut
de la CPI) et, du fait de leur ampleur et de leur caractère systématique,
de crimes contre l’humanité, notamment du crime «d’emprisonnement
ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation
des dispositions fondamentales du droit international» (article 7(1)(e)
du Statut de la CPI).



32. Le rapport rappelle également que les personnes arbitrairement
privées de liberté ont droit à une libération immédiate et inconditionnelle.
Les cas de libération de civils ukrainiens restent rares et isolés
et incluent ceux dans lesquels la Russie a accordé aux civils ukrainiens
le statut de prisonnier de guerre, d’une manière non conforme au
droit international humanitaire. La mission a adressé un ensemble
de recommandations à la Russie, lui demandant notamment d’établir,
de fournir, et de tenir à jour la liste complète des noms de tous
les civils ukrainiens détenus par la Fédération de Russie et leur
localisation, de la communiquer au bureau d’information national
de l’Ukraine et à l’Agence centrale de recherches du CICR et d’assurer
au CICR un accès immédiat, sûr et sans entrave à tous les lieux
de détention de civils ukrainiens. La mission a également adressé
des recommandations à l’Ukraine, l’invitant notamment à poursuivre
les efforts déployés pour obtenir des informations sur l’ensemble
des civils ukrainiens détenus par la Fédération de Russie et établir
la liste de ces personnes, à renforcer d’urgence les initiatives
inter-institutions visant à recueillir des données et à les vérifier
soigneusement, ainsi qu’à faire pleinement usage des mécanismes internationaux
susceptibles d’accorder une réparation des préjudices causés aux
victimes de privation arbitraire de liberté et du mécanisme de règlement
des différends prévu à l’article 30 de la Convention des Nations
Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants.
4.5. Enquêtes et procédures ouvertes en Ukraine
33. D’après les statistiques du
bureau du procureur général, au 28 avril 2025, les services répressifs
avaient enregistré plus de 165 634 affaires de crimes d’agression
et crimes de guerre, dont 85 affaires de propagande de guerre (article 436
du Code pénal ukrainien), 114 affaires de planification, de préparation,
de lancement ou d’exécution d’une guerre d’agression (article 437
du Code pénal), 160 620 affaires de violation des lois et coutumes
applicables aux conflits armés (article 438 du Code pénal) et 4 815 affaires
concernant d’autres crimes. Il existe 21 928 affaires enregistrées
de crimes contre la sécurité nationale, notamment de sabotage, d’activités
de collaboration et d’assistance à l’État agresseur. La principale
affaire d’agression visant des dirigeants politiques et militaires
de la Fédération de Russie compte 735 suspects, dont des ministres,
des députés, des commandants militaires, des propagandistes du Kremlin
et des responsables d’organismes chargés de l’application de la
loi. La plupart de ces affaires sont instruites par le Service de
sécurité de l’Ukraine sous la supervision procédurale des procureurs
du bureau du procureur général.
34. La récente réévaluation et réorientation de l'aide étrangère
américaine a conduit à la suspension de certains projets financés
par les États-Unis dans le domaine de la justice et de la responsabilité
des autorités publiques. L'Assemblée devrait donc appeler les États
membres et les autres États partageant les mêmes préoccupations
à combler le vide laissé par les États-Unis et à accroître leur
aide au bureau du procureur général, notamment pour les besoins
les plus urgents tels que l'équipement et les logiciels, les experts militaires
et le soutien à long terme au Centre international chargé des poursuites
pour le crime d’agression contre l’Ukraine (dont les États-Unis
se sont également retirés).
35. La majorité des procès pour crimes de guerre (article 438
du Code pénal) sont jugés par contumace car la plupart des personnes
poursuivies se trouvent en Russie ou dans les territoires ukrainiens
sous occupation temporaire. À la date de janvier 2025, les statistiques
relatives aux crimes de guerre indiquaient que 543 actes d’accusation
avaient été déposés auprès des tribunaux ukrainiens et avaient donné
lieu à 141 verdicts. Cela dit, 19 Russes seulement ont été condamnés
en personne, les autres par contumace
. Certains Russes en détention provisoire
ou condamnés en Ukraine peuvent également être libérés dans le cadre
d’un échange de prisonniers de guerre par l’intermédiaire du centre
de coordination chargé du traitement des prisonniers de guerre.
Des craintes ont été soulevées concernant la conduite des procès
par contumace, notamment en ce qui concerne la procédure de notification
aux suspects/accusés et le mécanisme de contrôle juridictionnel
des jugements ainsi rendus. Il a été proposé d’envisager d’autres
méthodes d’information des accusés que la publication d’une assignation
dans le journal Uriadovyi Kurier et sur le site web du bureau du
procureur général, ainsi que d’améliorer le dispositif de contrôle
juridictionnel des jugements par contumace
. L’Ukraine doit veiller à ce que tous
les procès par contumace soient conformes aux garanties énoncées
à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme,
non seulement pour respecter les droits individuels de l’accusé,
mais aussi pour des raisons de réputation, de crédibilité et de
préservation de l’image d’impartialité
.



36. La Cour suprême ukrainienne a pris d’importantes décisions
dans des affaires concernant les crimes commis pendant la guerre.
Le 28 février 2024, la Grande Chambre de la Cour suprême a défini
les critères relatifs aux sujets des crimes visés à l’article 437
du Code pénal (crimes d’agression). Elle a établi que les actes
définis à l’article 437 du Code pénal ne peuvent être commis que
par des personnes qui, en vertu de leurs pouvoirs officiels ou de
leur position sociale avérée, sont effectivement en mesure de contrôler
ou de diriger l’action politique ou militaire et/ou d’influer de
manière significative sur les processus politiques, militaires,
économiques, financiers, informationnels ou autres dans leur propre
pays ou à l’étranger, et/ou de diriger certains aspects de l’action
politique ou militaire. Bien que l’article 437 n’indique pas expressément
qui peut être tenu pour responsable de ces actes, la Cour suprême
a admis que seules les personnes exerçant des fonctions d’encadrement
peuvent être poursuivies pour crimes d’agression en droit ukrainien,
rendant ainsi l’interprétation nationale conforme à l’article 8 bis
du Statut de Rome. Après cette clarification, la Cour suprême a
annulé les condamnations prononcées à l’encontre de deux citoyens
ukrainiens, Ihor Biedulin et Mykola Vynohradov, qui avaient rejoint
un groupe armé mis en place par des militaires russes.
37. Dans la même affaire, la Cour suprême s’est prononcée sur
la qualification de leurs actes au regard de l’article 438 du Code
pénal (violation des lois et coutumes applicables aux conflits armés).
Elle a observé que cette disposition du Code pénal établit une responsabilité
pénale non pas pour un acte d’agression, mais pour des violations
des lois et coutumes applicables aux conflits armés, indépendamment
de leur légalité ou de leur illégalité en soi. Ces lois et coutumes
imposent des obligations, des interdictions et des restrictions
à l’ensemble des combattants, membres des armées régulières ou de
toute autre formation armée, quel que soit leur statut juridique
et qu’ils exercent ou non une fonction officielle donnée. Dans cette
affaire, les condamnés, membres d'un groupe criminel organisé, avaient
enlevé six personnes à l'aide d'armes, les avaient illégalement privées
de leur liberté et les avaient contraintes à effectuer des travaux
militaires, violant ainsi les lois et coutumes de la guerre établies
par le droit international. La Cour suprême a donc confirmé les
décisions des juridictions inférieures, qui les avaient condamnés
en vertu de l'article 438 du Code Civil.
38. Lors de notre réunion avec la Cour suprême à Kyiv, nous avons
également eu l’occasion d’évoquer un certain nombre d’affaires récentes
dans lesquelles des indemnisations ont été accordées pour les dommages causés
par la guerre d’agression. La Cour (Civil Cassation) a déterminé
que, dans les affaires relatives à l'indemnisation des dommages
causés par l'agression armée de la Fédération de Russie contre l'Ukraine,
le principe de l'immunité de l'État ne s'applique pas à la Fédération
de Russie. Les actes d'agression armée commis par la Fédération
de Russie ne constituent pas un exercice de ses droits souverains
protégés par l'immunité de l'État, car aucun État étranger n'a le
droit de mener une agression armée contre un autre pays. La Cour
a souligné que l'agression militaire et l'occupation des territoires
ukrainiens par la Russie constituent non seulement une violation
de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'Ukraine,
mais aussi une violation des principes et normes fondamentaux du
droit international.
4.6. Procédures menées dans des États tiers en vertu du principe de compétence universelle
39. Des enquêtes ont été ouvertes
dans d’autres États (plus de 20) en vertu du principe de compétence universelle
appliqué aux crimes de droit international commis en Ukraine. La
première condamnation en dehors de l’Ukraine pour crimes liés à
la guerre a été prononcée par un tribunal finlandais (tribunal d’Helsinki) le
14 mars 2025. Un ressortissant russe a été condamné à la réclusion
à perpétuité pour avoir perpétré des crimes de guerre dans l’est
de l’Ukraine en 2014. Membre haut placé du groupe de mercenaires
russes d’extrême droite Rusich, il était accusé d’avoir participé
à une embuscade et une fusillade dans la région de Louhansk, au
cours desquelles 22 soldats ukrainiens avaient été tués et quatre
autres blessés. Le bureau du procureur général d’Ukraine a qualifié
ce jugement de «tournant», ajoutant que les responsables ukrainiens avaient
veillé à ce que le tribunal entende les victimes et témoins en Ukraine
. Cet exemple est à saluer et devrait
être suivi par les autres États dont la législation reconnaît le
principe de compétence universelle.

40. Sept États (Ukraine, Lituanie, Pologne, Estonie, Lettonie,
République Slovaque et Roumanie) font actuellement partie de l’équipe
commune d’enquête établie avec le soutien d’Eurojust pour faciliter
l’échange d’informations et de preuves dans les enquêtes et poursuites
menées par ces États sur les allégations de crimes internationaux
commis en Ukraine (crimes de guerre, crimes contre l’humanité et
génocide). Le Bureau du procureur de la CPI et Europol y participent
également. L’étroite coopération entre les membres de l’équipe a
amené le ministère public lituanien à émettre des actes d’accusation
par contumace à l’encontre de six suspects, tandis que le bureau
du procureur général d’Ukraine a émis un acte d’accusation à l’encontre
d’une autre personne pour crimes de guerre. 4 000 témoins ont été
interrogés à ce jour par les autorités nationales participantes
.

5. Personnes disparues, prisonniers de guerre et personnes civiles relevant de la juridiction de la Fédération de Russie
41. Dans sa Résolution 2573 (2024), adoptée le 2 octobre 2024, l’Assemblée a examiné la
question spécifique des personnes disparues, des prisonniers de
guerre et des personnes civiles en captivité du fait de la guerre
d’agression. Elle a relevé (au 18 septembre 2024) un total de 65 956 militaires
et civils enregistrés comme disparus ou capturés; on suppose ce
chiffre beaucoup plus élevé dans les faits. Entre le 24 février 2022
et le 17 septembre 2024, 3 672 personnes tombées aux mains des Russes,
dont 168 personnes civiles ukrainiennes, ont été libérées. L’Assemblée
a demandé que le CICR puisse accéder «immédiatement et sans entrave»
à tous les lieux de détention. Elle a également estimé que les traitements infligés
aux prisonniers de guerre et aux civils ukrainiens relevaient de
la torture et de crimes de guerre. La Fédération de Russie n’ayant
toujours pas confirmé l’identité et la localisation des prisonniers
de guerre et des civils détenus ou emprisonnés dans le cadre du
conflit armé en cours, ces personnes non comptabilisées ne peuvent
être considérées que comme des «personnes disparues». À cet égard,
l’Assemblée a rappelé que la disparition forcée de personnes viole
non seulement le droit relatif aux droits humains et le droit international humanitaire
mais peut également constituer un crime contre l’humanité. L’Assemblée
a donc instamment demandé à la Fédération de Russie d’accorder au
CICR et aux mécanismes pertinents des Nations Unies l’accès à tous
les lieux de détention, conformément au droit international humanitaire
et au droit international des droits humains. Elle a également invité
le CICR à envisager de ménager une exception à sa politique de confidentialité
en publiant des informations sur les obstacles qu’elle rencontre
dans l’accès aux prisonniers de guerre ukrainiens, dans la mesure
où cela ne nuit pas aux intérêts de ces prisonniers. Le CICR pourrait,
par exemple, publier dans ses rapports des données ventilées permettant
de savoir si les visites qui y sont recensées concernent des prisonniers
de guerre russes ou ukrainiens. Enfin, l’Assemblée a déclaré qu’elle resterait
saisie de cette question jusqu’à ce que la dernière personne concernée
soit remise en liberté.
42. Cette question a également été abordée par certains des mécanismes
internationaux mentionnés dans la partie précédente (le mécanisme
de Moscou de l’OSCE, la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire
Ukraine c. Russie (Crimée) et la Commission d’enquête internationale
indépendante sur l'Ukraine de l’ONU; voir plus haut les paragraphes 31,
24-27 et 28-29). De récentes enquêtes médiatiques internationales coordonnées
par Forbidden Stories ont également mis en lumière le système carcéral
mis en place par la Russie pour les prisonniers civils ukrainiens,
en dehors de tout cadre légal. Selon cette enquête, il existerait au
moins 26 centres de détention où la torture et les mauvais traitements
sont systématiques. Le centre de détention n° 2 de Taganrog, une
ville russe de la région de Rostov bordée par la mer d'Azov, est
connu pour être l'un des pires. Selon ces enquêtes, la journaliste
ukrainienne Viktoriia Roshchyna, disparue en août 2023 dans les
territoires occupés et dont le corps a été rendu à l'Ukraine en
février 2025 avec des organes prélevés et des traces de torture,
aurait été détenue à Taganrog
.

43. D’après les chiffres du Quartier général ukrainien de coordination
pour le traitement des prisonniers de guerre, fournies lors de notre
mission d’enquête en avril 2025 et mises à jour ultérieurement,
4 552 personnes maintenues en captivité par la Russie ont été libérées
depuis le 24 février 2022, dont 173 civils. Le nombre d’échanges
entre prisonniers de guerre et personnes civiles s’élève à 63, et
529 personnes (168 prisonniers et 361 civils) ont été libérées en
dehors des procédures d’échange. Les corps de 8 835 Ukrainiens ont
été rapatriés, parmi lesquels on dénombre 206 personnes mortes sous
la torture ou tuées en captivité. 186 lieux où des civils et des
soldats ukrainiens sont détenus, tant en Russie que dans les territoires
occupés, ont été identifiés. D’après le ministère ukrainien de l’Intérieur
(Commissaire aux personnes disparues), le nombre de personnes disparues
(prisonniers de guerre et civils confondus) est actuellement estimé
à 74 000
.

44. Le Bureau de l’Agence centrale de recherches du CICR collecte,
centralise, conserve et transmet des informations relatives au personnel
militaire et aux civils disparus dans le contexte du conflit armé
entre la Fédération de Russie et l’Ukraine. En février 2025, il
recensait quelque 50 000 cas de personnes disparues, sans fournir
d’informations sur leur nationalité. Ces personnes étaient à 90 %
des militaires. En 2024, le nombre de personnes disparues recensé
par le CICR s’élevait à 23 000, ce qui signifie qu’il a plus que doublé
. Le CICR a rendu visite à plus
de 3 000 prisonniers de guerre des deux camps pendant leur captivité
. Concernant spécifiquement les personnes
civiles privées de liberté, il ne semble pas y avoir de chiffres
disponibles. Le CICR ne cesse d’appeler les parties au conflit à
respecter l’ensemble de leurs obligations nées du droit international
humanitaire, notamment en lui donnant pleinement un accès régulier
et sans entrave à toutes les personnes captives et en l’informant
en temps voulu du sort des personnes entre leurs mains et du lieu
où elles se trouvent, ou du lieu où se trouve leur corps. Il importe
de rappeler qu’en vertu du droit international humanitaire et des
conventions de Genève, le CICR doit se voir accorder un accès régulier
à toutes les personnes privées de liberté
.



45. Dans le contexte des négociations en cours entre les États-Unis,
la Russie et l’Ukraine, la question du retour des prisonniers de
guerre, des civils détenus illégalement (ainsi que des enfants ukrainiens
déportés ou transférés de force) a été évoquée. Lors des pourparlers
bilatéraux entre les États-Unis et l’Ukraine, du 23 au 25 mars 2025
à Riyad, les États-Unis se sont dits prêts à aider à réaliser l’échange
de prisonniers de guerre, la libération des détenus civils et le
retour des enfants ukrainiens transférés de force
. Cela n’a pas été mentionné, cependant,
dans les conclusions publiées à l’issue des pourparlers bilatéraux
tenus en parallèle entre les États-Unis et la Russie.

46. L’Assemblée devrait souligner à nouveau que toute négociation
de paix doit porter inconditionnellement sur les questions suivantes:
la libération de tous les prisonniers de guerre (sur la base du
principe «tous pour tous», c’est-à-dire l’échange de la totalité
des prisonniers des deux camps), la libération des civils illégalement détenus
et le retour et la réinsertion en toute sécurité des enfants ukrainiens.
Une telle position se situe dans la ligne de celle affirmée par
le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe dans
le cadre en 10 points pour un processus de paix intégrant les droits
humains qu’il a présenté au Comité des Ministres le 30 avril 2025.
47. Lors des discussions, dans le cadre d’un processus de paix,
sur la libération et le transfert des prisonniers de guerre et des
personnes civiles détenues, il importe également de ne pas oublier
l’obligation de rendre des comptes. Par exemple, il conviendrait
d’aborder à un moment du processus le sort des prisonniers de guerre
russes poursuivis pour crimes de guerre en Ukraine, et l’éventualité
de leur transfert devant une autre juridiction ou devant un tribunal
international compétent. En outre, il faut s’attendre à ce que la
question des disparitions forcées et des tortures perpétrées par
des officiers russes sur des civils illégalement détenus, qui a
été largement documentée par plusieurs mécanismes internationaux
et qualifiée de crime contre l’humanité, entraîne de nouvelles procédures
devant la CPI. À ce jour, aucun des mandats d’arrêt émis par la CPI
ne porte sur des cas de torture ou de disparition forcée de personnes
civiles.
48. Enfin, il importe de rappeler que tous les détenus ukrainiens
libérés ou de retour après une privation illégale de liberté ou
des mauvais traitements de la part de la Fédération de Russie devraient
bénéficier d’une réadaptation, par le biais d’un soutien d’ordre
médical, psychologique, social et autre. À cet égard, selon les informations
fournies par le Quartier général ukrainien de coordination pour
le traitement des prisonniers de guerre, il existe un modèle national
d’aide aux prisonniers de guerre et aux civils de retour de captivité
et que ce modèle porte sur la réadaptation et l’aide médicale, psychologique
et sociale. Les États membres et le Conseil de l’Europe devraient
encourager de telles initiatives en leur apportant leurs connaissances
et un soutien financier, en coopérant notamment avec les organisations
de la société civile présentes sur le terrain.
6. Enfants ukrainiens illégalement déportés et transférés de force
49. Parmi les civils disparus dans
le contexte de la guerre d'agression, les enfants constituent un
groupe particulièrement vulnérable. L'Assemblée a toujours condamné
et dénoncé la déportation et le transfert forcé d'enfants ukrainiens
vers la Fédération de Russie, le Bélarus et les territoires ukrainiens
temporairement occupés. Ces pratiques sont condamnées dans l'annexe
II sur les enfants ukrainiens de la Déclaration de Reykjavik (2023),
et une résolution de l'Assemblée est exclusivement consacrée à cette
question. Dans sa Résolution 2482 (2023) «Questions juridiques et violations des droits de l'homme
liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine»,
l'Assemblée a établi qu'il existait de plus en plus de preuves que
ces pratiques pouvaient constituer un génocide, étant donné que
«le transfert forcé d'enfants d'un groupe à un autre groupe à des
fins de russification, au moyen de l’adoption par des familles russes
et/ou du transfert vers des orphelinats sous gestion russe ou des
structures d’accueil comme des camps d'été» pouvait relever de l'article II
de la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du
crime de génocide. Elles peuvent également constituer des crimes
de guerre et des crimes contre l'humanité (Résolution 2529 (2024) «Situation des enfants en Ukraine»). La même conclusion
est tirée dans un rapport du Laboratoire de recherche humanitaire
de l'École de santé publique de Yale (Yale School of Public Health
Humanitarian Research Lab (Yale HRL)) de décembre 2024, basé sur
le cas de 314 enfants identifiés qui ont été emmenés des régions
de Louhansk et de Donetsk vers la Russie pour y être adoptés et
placés de force
. Le rapport montre que des avions
de transport militaire battant pavillon de la Fédération de Russie
et sous le contrôle direct du bureau de Vladimir Poutine ont transporté
des groupes d'enfants depuis l'Ukraine. Il décrit également comment
des bases de données contrôlées par la Fédération de Russie ont
dissimulé l'identité des enfants ukrainiens, y compris leur nationalité,
afin de faciliter leur placement dans des familles russes et de
dissimuler le programme gouvernemental d'adoption et de placement
forcé. Ces dossiers individuels ont été transmis au bureau du procureur
de la CPI.

50. Le 17 mars 2023, la CPI a émis des mandats d'arrêt à l'encontre
de Vladimir Poutine et de Maria Alekseyevna Lvova-Belova, Commissaire
aux droits des enfants du Bureau du Président de la Fédération de Russie,
pour leur responsabilité présumée dans ces déportations illégales,
que la CPI qualifie également de crimes de guerre, à savoir la déportation
illégale de populations (enfants) et le transfert illégal de populations (enfants)
des zones occupées de l'Ukraine vers la Fédération de Russie (voir
paragraphe 21 ci-dessus). Sur la base de nouveaux éléments de preuve,
notamment les preuves documentées présentées dans le rapport du
Yale HRL, le procureur de la CPI pourrait élargir l'affaire, ajouter
de nouvelles charges et qualifier ces pratiques de crimes contre
l'humanité ou de génocide
. Du point de vue du droit
international humanitaire, la quatrième Convention de Genève (CGIV),
en particulier ses articles 49 et 147, interdit strictement le transfert forcé
et la déportation de civils des territoires occupés, quelles que
soient les raisons de ces actions. Cette protection s'étend explicitement
aux enfants en tant que partie de la population civile. En outre,
le Protocole additionnel I aux Conventions de Genève, en particulier
ses articles 78 et 85, prévoit des mesures spéciales pour protéger
les enfants contre les effets des conflits armés. Ces mesures n'autorisent
l'évacuation temporaire des enfants que dans des circonstances exceptionnelles,
sous réserve de conditions strictes et uniquement justifiées par
des préoccupations graves pour la santé ou la sécurité des enfants.
La CGIV, dans son article 50, interdit également à une puissance
occupante de modifier le statut personnel des enfants, quelles que
soient les circonstances, y compris leur nationalité
.


51. Selon le site web ukrainien «Children of War»
,
en mai 2025, 19 546 enfants avaient été déportés et/ou déplacés
de force et seuls 1 293 étaient rentrés chez eux. À cet égard, l'Institute
for the Study of War, dans son rapport spécial de mars 2025
,
souligne que ce chiffre est probablement plus élevé. Le directeur
du Yale HRL estime le nombre d'enfants déportés ou transférés à
près de 35 000 en mars 2025
. Pour remédier à cette situation,
le Conseil de l'Europe a pris diverses mesures. L'Assemblée, par
sa Résolution 2529 (2024) adoptée le 25 janvier 2024, a encouragé la création
d'un réseau parlementaire pour traiter la situation des enfants
en Ukraine. Si l'un de ses objectifs est de mettre en place un mécanisme
efficace pour le retour des enfants et d'améliorer le processus
de retour, il n'existe actuellement aucune approche unifiée, chaque
cas réussi étant généralement le fruit d'une opération spécialisée.
L'ONG «Save Ukraine» et certains pays tiers, tels que l'État du
Qatar, ont facilité le retour réussi de nombreux enfants dans les
territoires contrôlés par l'Ukraine, mais leur nombre reste limité.
La grande majorité des enfants déplacés de force et déportés restent en
danger. En février 2025, le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe
a nommé Thordis Kolbrun Reykfjord Gylfadottir, Envoyée spéciale
sur la situation des enfants en Ukraine
. Elle a effectué sa première mission
d'enquête en Ukraine les 19 et 20 mars 2025
. Le 11 avril 2025, elle a rencontré
le réseau parlementaire susmentionné ainsi que des membres de la
délégation ukrainienne à l'Assemblée
. Une autre mesure du Conseil de l'Europe
a été annoncée le 4 novembre 2024, lors de la conférence internationale «Déportation
d'enfants pendant les conflits armés», qui s'est tenue à Strasbourg
et a réuni les parties prenantes concernées par cette question.
À cette occasion, conformément à la Recommandation 2253 (2023) de
l'Assemblée, la création d'un nouveau cours de formation en ligne
HELP sur la déportation d'enfants pendant les conflits armés a été
annoncée. Elle s'inscrit dans le cadre du Plan d'action du Conseil
de l'Europe pour l'Ukraine «Résilience, relance et reconstruction»
(2023-2026)
.








52. Le Yale HRL a vu son financement fédéral réduit par le Département
d'État américain en février 2025. Suite à l'inquiétude du public
quant à la perte potentielle de données, le département d'État a
accordé une prolongation à court terme en avril 2025 afin de permettre
au laboratoire de finaliser la conservation de ses preuves et de
les transférer à Europol ou à d'autres autorités
.

53. Il a récemment été rapporté que les services de renseignement
russes recrutent des enfants et des adolescents ukrainiens pour
commettre des attentats à la bombe et des actes de sabotage en Ukraine, transformant
certains d'entre eux en kamikazes. Cette tactique rappelle celles
utilisées par Daech. Une campagne nationale a été lancée par le
Service de sécurité ukrainien dans les écoles afin de mettre en
garde les enfants contre les dangers des tactiques russes
.

7. Conclusions
54. L'Assemblée est un des moteurs
de l’agenda du Conseil de l'Europe dans l’établissement des responsabilités
vis-à-vis de l'Ukraine. Elle a été le premier organisme international
à lancer l'idée d'un tribunal spécial pour le crime d'agression
commis contre l'Ukraine, quelques mois seulement après le début
de l'invasion à grande échelle par la Fédération de Russie en 2022.
Elle a également soutenu la création d'un Registre des dommages
pour l'Ukraine, première composante d'un mécanisme international
d'indemnisation qui devrait comprendre une commission des demandes
d’indemnisation et un fonds d'indemnisation.
55. Dans le contexte des négociations en cours visant à obtenir
un cessez-le-feu et à lancer un processus de paix, et compte tenu
de la situation géopolitique extrêmement instable, l'Assemblée devrait
réaffirmer plus que jamais la nécessité de rendre justice à l'Ukraine.
L'agresseur doit être désigné comme tel et ne doit pas être récompensé
pour les crimes commis. Il est temps de réaffirmer les principes
les plus fondamentaux du droit international auxquels on ne peut
déroger. Le crime d'agression commis contre l'Ukraine, qui a débuté en 2014,
engage la responsabilité pénale individuelle des dirigeants politiques
et militaires de la Fédération de Russie et des autres États impliqués
dans l'agression. Les auteurs individuels de crimes de guerre, de
crimes contre l'humanité et de violations graves des droits humains
doivent également être traduits en justice, soit devant la CPI,
soit devant les tribunaux ukrainiens, soit devant les tribunaux
de pays tiers exerçant leur compétence universelle. Les négociations
de paix ne doivent pas compromettre les systèmes existants visant à
amener les responsables à répondre des crimes graves relevant du
droit international, qui ne peuvent faire l'objet d'amnisties. Ils
ne doivent pas non plus compromettre la création d'un tribunal spécial
pour le crime d'agression contre l'Ukraine, à laquelle le Conseil
de l'Europe et l'Ukraine travaillent sans relâche depuis plus de
deux ans. Nous devons être fiers de l'achèvement des projets de
textes juridiques relatifs à ce tribunal, mais il est temps de parvenir
à un accord politique définitif pour le créer et le doter de tous
les outils et ressources nécessaires, quelle que soit l'évolution
des négociations de paix. L'Assemblée devrait réitérer son appel
à tous les États membres et aux autres États pour qu'ils soutiennent
le tribunal spécial et adhèrent à l'accord partiel élargi.
56. La justice pour l'Ukraine et les victimes de l'agression ne
se limite pas à la responsabilité individuelle des auteurs des crimes.
Elle doit également inclure la réparation de tous les dommages causés
à l'État ukrainien et à ses citoyens. L'Assemblée devrait soutenir
pleinement la création d'une commission des demandes d’indemnisation
pour l'Ukraine dans le cadre du Conseil de l'Europe et réitérer
son appel en faveur du transfert et de la réaffectation urgents
de tous les avoirs gelés de l'État russe.
57. Les négociations de paix doivent respecter l'un des principes
les plus importants du droit international, à savoir le respect
de l'intégrité territoriale. L'interdiction de l'acquisition de
territoires par le recours à la force est un corollaire de l'interdiction
du recours à la force inscrite dans la Charte des Nations unies.
L'annexion de territoires à la suite d'une agression constitue une
violation des normes jus cogens et,
à ce titre, les États ont l'obligation de ne pas la reconnaître
et de coopérer pour y mettre fin. Par conséquent, tout accord reconnaissant de jure l'annexion de la Crimée
ou d'autres territoires temporairement occupés de l'Ukraine par la
Russie serait manifestement illégal et ne saurait être validé par
la communauté internationale.
58. Enfin, toute négociation de paix devrait porter sur la libération
des prisonniers de guerre et des civils ukrainiens détenus illégalement,
ainsi que sur le retour en toute sécurité des enfants illégalement
déportés vers la Fédération de Russie et le Bélarus ou transférés
de force vers les territoires ukrainiens temporairement occupés
par la Fédération de Russie. L'Assemblée devrait formuler certaines
recommandations à ce sujet à l'Ukraine, aux États membres et aux
autres parties prenantes.