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Rapport | Doc. 16239 | 08 septembre 2025

Les mouvements de la jeunesse pour la démocratie

Commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias

Rapporteure : Mme Yevheniia KRAVCHUK, Ukraine, ADLE

Origine - Renvoi en commission: décision du Bureau, Renvoi 4879 du 11 avril 2025. 2025 - Quatrième partie de session

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté par la commission le 4 septembre 2025.

(open)
1. Ces dernières années, les mouvements menés par des jeunes sont devenus des forces vives de la défense et du renouveau des valeurs démocratiques, en particulier face à la montée de l’autoritarisme, à la méfiance institutionnelle, à l’exclusion socio-économique, à la transformation numérique et à la crise environnementale, ainsi qu’à la réduction de l’espace civique qui compromet la capacité des jeunes à participer à la démocratie et à plaider en faveur du changement.
2. Se référant à sa Résolution 2553 (2024) «Renforcer la perspective jeunesse dans les travaux de l’Assemblée parlementaire» et sa Résolution 2610 (2025) «Mobilisation sociale, troubles sociaux et réaction de la police dans les États membres du Conseil de l’Europe: un nouveau contrat social est-il nécessaire?», l’Assemblée parlementaire:
2.1. affirme que les jeunes de toute l’Europe comptent parmi les défenseurs les plus actifs et les bâtisseurs les plus imaginatifs de la démocratie, des droits humains et de l’État de droit, en apportant une vision inclusive de la justice, des droits et de la participation;
2.2. reconnaît la créativité, la résilience et l’innovation civique des organisations et mouvements de jeunes, qui sont à l’avant-garde de nouvelles formes de participation politique, de la budgétisation participative aux laboratoires civiques en données ouvertes, et des cadres de justice environnementale à l’éducation à la démocratie au niveau local, tout en remodelant également la participation politique par des formes non institutionnalisées d’action directe, telles que les manifestations, les pétitions, les boycotts, les occupations et l’activisme en ligne;
2.3. est profondément préoccupée par la répression croissante à laquelle font face les jeunes militant·es et les organisations de jeunesse dans certains États membres, et notamment par les arrestations à caractère politique, la criminalisation des manifestations pacifiques, le harcèlement, la surveillance et la stigmatisation;
2.4. souligne que les gouvernements et les institutions doivent répondre à l’engagement civique des jeunes non par la répression ou l’indifférence, mais par la reconnaissance, la protection, le soutien et des réformes structurelles.
3. L’Assemblée se félicite du travail de longue date accompli par le Conseil de l’Europe pour soutenir la participation des jeunes grâce à son système de cogestion, aux Centres européens de la jeunesse, au Fonds Européen pour la Jeunesse et aux cadres politiques tels que la Charte européenne révisée sur la participation des jeunes à la vie locale et régionale.
4. Compte tenu des récents développements, l’Assemblée exhorte les États membres du Conseil de l’Europe:
4.1. à protéger les droits humains et les libertés fondamentales des jeunes:
4.1.1. en garantissant le droit à la liberté de réunion pacifique et la liberté d’association des jeunes, conformément aux articles 10 et 11 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5), et en éliminant les obstacles administratifs et politiques qui affectent de manière disproportionnée les organisations et mouvements menés par des jeunes;
4.1.2. en abrogeant ou en modifiant les lois qui érigent en infraction pénale ou restreignent injustement les manifestations pacifiques, notamment les dispositions vagues relatives à l’ordre public, à la sécurité nationale ou à l’«extrémisme», souvent utilisées pour faire taire les jeunes dissident·es;
4.1.3. en mettant fin aux arrestations de jeunes militant·es pour des motifs politiques et en veillant à ce que toute privation de liberté soit strictement conforme aux normes juridiques, tout en renforçant l’accès à l’aide juridique et aux voies de recours judiciaires pour les jeunes menacés de poursuites en raison de leur engagement civique;
4.2. à institutionnaliser la participation des jeunes aux processus politiques:
4.2.1. en garantissant une représentation significative des jeunes dans les organes élus, tels que les parlements nationaux et les conseils municipaux, en soutenant des structures et des mécanismes efficaces et inclusifs afin d’intégrer la voix des jeunes dans l’élaboration des politiques et la prise de décisions;
4.2.2. en envisageant d’abaisser l’âge de la majorité électorale à 16 ans dans tous les États membres du Conseil de l’Europe afin d’encourager très tôt la responsabilité et l’inclusion civiques;
4.2.3. en établissant des listes électorales qui rassemblent des personnes de différentes tranches d’âge et des quotas de jeunes dans les partis politiques et les institutions publiques, afin de lutter contre les déséquilibres générationnels et de promouvoir la solidarité intergénérationnelle dans la gouvernance;
4.3. à soutenir les initiatives et les infrastructures civiques menées par les jeunes:
4.3.1. en protégeant les droits humains et les libertés des jeunes, en garantissant le droit à la liberté de réunion pacifique et la liberté d’association;
4.3.2. en allouant des fonds publics dédiés aux infrastructures civiques pour les jeunes, y compris des centres communautaires sûrs et inclusifs, des plateformes en ligne indépendantes, des centres de consultation juridique et des espaces participatifs où les jeunes peuvent s’organiser et collaborer;
4.3.3. en promouvant les médias dirigés par des jeunes et en intégrant l’éducation civique et démocratique dans le programme scolaire, conformément à la Charte sur l’éducation à la citoyenneté démocratique et l’éducation aux droits de l’homme et au Cadre de référence des compétences pour une culture de la démocratie du Conseil de l’Europe, afin de doter les jeunes des valeurs, des attitudes, des compétences et des connaissances nécessaires pour s’engager dans la vie démocratique et résister à la désinformation et à l’extrémisme;
4.3.4. en encourageant la participation active des jeunes et des organisations de jeunesse aux processus de relance et de reconstruction après les conflits, en reconnaissant leur potentiel pour apporter des solutions innovantes, promouvoir une gouvernance inclusive et renforcer la résilience démocratique dans les sociétés sortant d'un conflit ou confrontées à des transitions politiques complexes. Une attention particulière devrait être accordée au soutien des jeunes dans les pays en guerre ou dans des situations politiques fragiles, en veillant à ce que leurs voix et leurs initiatives soient protégées et intégrées dans les stratégies nationales et internationales de relance;
4.4. à s’attaquer aux obstacles structurels qui entravent la participation démocratique des jeunes:
4.4.1. en luttant contre la précarité socio-économique des jeunes au moyen de politiques inclusives en matière de logement, d’emploi et d’éducation, qui reconnaissent le lien entre la marginalisation économique et le désengagement démocratique;
4.4.2. en promouvant l’accès à des médias libres, indépendants et pluralistes, y compris en format numérique, afin de garantir aux jeunes l’accès à diverses sources d’information et la possibilité d’exprimer librement leurs opinions;
4.4.3. en soutenant la coopération et les échanges entre jeunes aux niveaux international et européen, comme moyen de construire des cultures de la démocratie par-delà les frontières, d’encourager la solidarité et de prévenir les conflits.
5. En outre, l’Assemblée appelle à renforcer la coopération internationale pour défendre l’espace civique des jeunes:
5.1. en promouvant le rôle du Conseil de l’Europe en tant que principal moteur paneuropéen du développement des politiques et des normes de jeunesse en Europe, en assurant le suivi des résultats et conclusions de la 10ᵉ Conférence du Conseil de l’Europe des ministres responsables de la jeunesse, prévue les 8 et 9 octobre 2025 à La Valette, Malte;
5.2. en encourageant l’Union européenne à intégrer des critères d’évaluation de l’espace civique dans les processus d’élargissement et les cadres de financement, y compris des indicateurs spécifiques sur les droits et la participation des jeunes;
5.3. en se coordonnant avec les organisations internationales, telles que les Nations Unies et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), afin d’améliorer l’accès des jeunes aux droits humains, le renforcement de capacités, le soutien aux organisations et mouvements de jeunesse, et de compléter les mécanismes existants du Conseil de l’Europe pour faire face à la réduction de l’espace civique;
5.4. en faisant participer les jeunes de la diaspora et les jeunes réfugiés aux stratégies de démocratie participative, en reconnaissant leurs expériences uniques et leur potentiel à contribuer au développement démocratique tant dans leur pays d’origine que dans les sociétés d’accueil.
6. L’Assemblée s’engage:
6.1. à renforcer la participation des jeunes à ses travaux, notamment grâce aux activités des rapporteur·es pour la jeunesse, au dialogue régulier avec les organisations dirigées par des jeunes et aux contributions structurées du Conseil consultatif sur la jeunesse;
6.2. à intégrer la perspective jeunesse dans toutes les commissions et tous les rapports, à placer la question de l’espace civique des jeunes au rang des préoccupations démocratiques permanentes et à surveiller les restrictions des droits des jeunes avec la même urgence que les autres violations des droits humains;
6.3. à veiller à ce que le Bureau et les parties de session de l’Assemblée offrent des plateformes pour les perspectives des jeunes, en particulier celles et ceux qui vivent dans des contextes répressifs;
6.4. à promouvoir les échanges entre parlementaires et jeunes militant·es, organisations et mouvements de jeunesse, notamment en mettant en place des mécanismes durables, inclusifs et efficaces, y compris un financement approprié lorsque nécessaire.
7. L’Assemblée encourage toutes les parties prenantes concernées, y compris les organisations internationales, la société civile, le monde universitaire et le secteur privé, à travailler en partenariat avec les organisation et mouvements de jeunesse pour concevoir ensemble des innovations démocratiques, faire entendre la voix des jeunes dans la prise de décision et investir dans des infrastructures civiques durables.
8. La protection des libertés des jeunes, l’institutionnalisation de la participation et l’élimination des obstacles structurels sont des impératifs démocratiques, et les mouvements de jeunes doivent être reconnus non pas comme des menaces, mais comme des acteurs indispensables au renforcement de la résilience démocratique en Europe.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet de recommandation
adopté par la commission le 4 septembre 2025.

(open)
1. Se référant à sa Résolution … (2025) «Les mouvements de la jeunesse pour la démocratie», qui rappelle que les jeunes en Europe ne sont pas seulement des participants, mais aussi des défenseurs et des innovateurs essentiels de la démocratie, et que leur engagement est crucial pour soutenir la résilience démocratique face à l’autoritarisme, à la méfiance institutionnelle, à l’exclusion socio-économique, à la transformation numérique et à la crise environnementale, l’Assemblée parlementaire:
1.1. souligne la nécessité pour le Conseil de l’Europe et ses États membres de protéger et de promouvoir l’engagement civique des jeunes et le soutien (financier) aux organisations de jeunesse, de sauvegarder leurs droits et d’éliminer les obstacles structurels qui les empêchent de participer pleinement à la vie démocratique;
1.2. se félicite du travail de longue date accompli par le Conseil de l’Europe en matière de promotion de la participation des jeunes, grâce à son système de cogestion, aux Centres européens de la jeunesse, au Fonds européen pour la jeunesse, et à ses travaux normatifs, en particulier la Charte européenne révisée sur la participation des jeunes à la vie locale et régionale et le futur cadre de référence pour une perspective jeunesse.
2. À la lumière de ce qui précède, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
2.1. de veiller à ce que la participation des jeunes, priorité essentielle de l’Organisation sur la base de la Déclaration de Reykjavik et des Principes de Reykjavik pour la démocratie, soit intégrée dans tous les secteurs d’activité du Conseil de l’Europe;
2.2. d’inscrire la question de l’espace civique des jeunes comme point permanent dans le suivi du respect des droits humains et des programmes de coopération du Conseil de l’Europe, y compris dans le cadre des processus d’adhésion, de post-suivi et d’évaluation thématique;
2.3. d’inviter les comités intergouvernementaux compétents, notamment le Comité directeur européen pour la jeunesse (CDEJ) et le Conseil mixte sur la jeunesse (CMJ), à élaborer et à renforcer les normes à l’intention des États membres sur la protection de l’engagement civique des jeunes, conformément aux articles 10 et 11 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5), et à faire régulièrement rapport sur la mise en œuvre;
2.4. d’encourager l’adoption et la promotion de la Charte européenne révisée sur la participation des jeunes à la vie locale et régionale par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, de ses propres recommandations et du Cadre de référence pour une perspective jeunesse, et de soutenir leur diffusion et mise en œuvre aux niveaux national et local;
2.5. de renforcer les ressources du Fonds Européen pour la Jeunesse et des Centres européens de la jeunesse afin de soutenir les initiatives démocratiques menées par des jeunes, notamment dans les contextes où l’espace civique se réduit;
2.6. de favoriser les échanges intergouvernementaux de bonnes pratiques sur l’abaissement de l’âge de la majorité électorale à 16 ans, l’introduction de quotas de jeunes, l’établissement de listes électorales rassemblant des personnes de différentes tranches d’âge, et l’intégration de l’éducation démocratique et civique dans des cadres formels et non formels;
2.7. de renforcer la coopération avec d’autres organisations internationales, y compris l’Union européenne, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et les Nations Unies, afin de coordonner les actions de suivi et de défense des droits humains des jeunes, de soutien aux infrastructures civiques et de maintien de mécanismes d’alerte en cas de menaces pesant sur l’espace civique des jeunes;
2.8. de garantir la participation effective des jeunes de diverses origines, y compris ceux issus de zones rurales, de communautés minoritaires, de la diaspora et de populations réfugiées, aux activités et aux processus politiques du Conseil de l’Europe;
2.9. de tirer pleinement parti du mécanisme de participation des jeunes de l’Assemblée et du rôle des rapporteur·es pour la jeunesse afin de créer des occasions de dialogue régulières et structurées entre le Comité des Ministres, l’Assemblée et les organisations dirigées par des jeunes.

C. Exposé des motifs par Mme Yevheniia Kravchuk, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. Ces dernières années, les mouvements menés par des jeunes sont devenus des forces vives de la défense et du renouveau des valeurs démocratiques, en particulier face à la montée de l’autoritarisme, à la méfiance institutionnelle, à l’exclusion socio-économique, à la transformation numérique et à la crise environnementale.
2. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a reconnu l’urgence de placer les jeunes au cœur de la résilience démocratique. Mon rapport s’appuie sur la Résolution 2553 (2024) «Renforcer la perspective jeunesse dans les travaux de l’Assemblée parlementaire», qui appelle à intégrer systématiquement les jeunes dans les processus décisionnels et à créer des canaux de participation constructifs et structurés.
3. Il complète le travail de Mme Sona Ghazaryan (Arménie, ADLE) sur «Le rôle des jeunes dans la revitalisation de la démocratie» 
			(3) 
			Voir Doc 15756 et Doc 15921., en mettant l’accent sur la façon dont les mouvements de jeunes transforment activement les pratiques démocratiques dans les États membres.
4. La Résolution 2610 (2025) «Mobilisation sociale, troubles sociaux et réaction de la police dans les États membres du Conseil de l’Europe: un nouveau contrat social est-il nécessaire?» de l’Assemblée souligne également la nécessité d’un nouveau contrat social en réponse aux troubles sociaux croissants et à l’érosion de la confiance dans les institutions démocratiques. Elle met en avant l’importance de la démocratie participative et délibérative, en particulier lorsqu’elle implique les jeunes, et appelle à renforcer l’inclusivité des processus d’élaboration des politiques. La Résolution 2610 exhorte les États membres à privilégier le dialogue, la médiation et la désescalade dans la gestion des manifestations, à investir dans la police de proximité, et à lutter contre les pratiques discriminatoires telles que le profilage ethnique. Elle promeut un modèle de service public de la police fondé sur la responsabilité, le respect et l’engagement local, en mettant l’accent sur la formation et les réformes qui défendent les droits humains et les valeurs démocratiques.
5. Mon rapport vise à offrir une analyse ciblée des mouvements de jeunes dans un certain nombre d’États membres du Conseil de l’Europe. Il examine les principaux domaines de mobilisation, tels que la lutte contre la corruption, la responsabilité démocratique, les droits numériques, la justice environnementale et les droits humains, et décrit les tendances émergentes, les défis et les réponses politiques.
6. Il évalue également le rôle institutionnel du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales. Le dernier chapitre contient des recommandations concrètes à l’intention des gouvernements, des parlements et des institutions multilatérales visant à protéger, à autonomiser et à inclure de manière significative les jeunes acteurs et actrices de la démocratie en Europe.
7. Un premier échange de vues a eu lieu le 25 juin 2025, avec la participation de Mme Miriam Teuma, présidente du Comité directeur européen pour la jeunesse (CDEJ), Conseil de l’Europe; Mme Nina Grmuša, présidente du Conseil mixte sur la jeunesse (CMJ) et du Conseil consultatif sur la jeunesse (CCJ), Conseil de l’Europe; M. Francesco Gellel, responsable des communautés de jeunes à Malte; M. Tobias Flessenkemper, chef du Service de la jeunesse, Conseil de l’Europe, ainsi que plusieurs rapporteur·es pour la jeunesse de l’Assemblée. L’accent a été mis sur l’autonomisation des jeunes dans le but qu’ils deviennent des acteurs actifs de la construction d’une gouvernance démocratique en Europe.
8. J’ai également reçu une contribution écrite du Conseil consultatif sur la jeunesse, qui a été présentée par la présidente de la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias lors de la réunion de la commission le 4 septembre 2025. Mon objectif est de présenter ce rapport lors d’un événement jeunesse organisé en marge de la 10e Conférence du Conseil de l’Europe des ministres responsables de la jeunesse intitulée «Les jeunes pour la démocratie: les perspectives des jeunes en action», qui se déroulera les 8 et 9 octobre 2025, à La Valette, Malte.

2. La jeunesse à l’avant-garde du changement démocratique

9. En Europe, les jeunes sont en train de redéfinir le sens et la pratique de la démocratie. Leurs activités militantes n’attendent pas les cycles électoraux ou les points d’entrée politiques traditionnels. Elles découlent plutôt de l’expérience vécue: injustice, corruption, précarité, discrimination, réduction au silence, inaction.
10. Aujourd’hui en Europe, les jeunes militant·es sont intersectionnels, natifs du numérique, transnationaux et attachés à des valeurs communes telles que la liberté, la dignité, la durabilité et la responsabilité.
11. Les mouvements sont horizontaux, fluides et souvent décentralisés. Plutôt que de rechercher le pouvoir au sein des structures existantes, ils s’attaquent directement aux déséquilibres de pouvoir en se réappropriant l’espace public, en produisant des contre-discours et en créant des alternatives locales aux services publics. La légitimité de ces mouvements est souvent ancrée dans l’éthique civique plutôt que dans l’affiliation partisane 
			(4) 
			CIVICUS, <a href='https://www.civicus.org/documents/reports-and-publications/annual-reports/annual-report-2023_en.pdf'>«Youth
civic infrastructure</a>», 2023..
12. Dans tous les contextes, les mouvements de jeunes ne se contentent pas de protester, ils proposent aussi des solutions: des organismes de prévention de la corruption, des budgets participatifs, des outils de justice sociale, des chartes sur l’éducation à la démocratie, des laboratoires civiques en données ouvertes et des cadres politiques inclusifs pour le climat. Les gouvernements devraient reconnaître et soutenir cette forme de militantisme politique, qui contribue à l’innovation démocratique, et non à la «déstabilisation».

3. Exemples récents de mouvements de jeunes dans les États membres du Conseil de l’Europe

3.1. Ukraine: les jeunes, moteur de la résilience et de la relance

13. Malgré les difficultés liées à la guerre, les jeunes Ukrainiens sont devenus des piliers essentiels de la résilience de leur nation. Ils contribuent activement à la vie de leur communauté et à l'effort de guerre dans son ensemble. L'invasion à grande échelle a inspiré le volontariat chez les jeunes: des enquêtes montrent que 22 % des jeunes Ukrainiens se sont engagés dans le volontariat directement à cause de la guerre, assumant des rôles allant de la distribution de l'aide humanitaire au plaidoyer numérique à l'étranger.
14. Les jeunes Ukrainiens ne se concentrent pas uniquement sur la lutte actuelle, mais sont également désireux de participer à la reconstruction de leur pays. Une étude récente a révélé que 72 % des jeunes se disent prêts à participer aux efforts de relance après la guerre 
			(5) 
			<a href='https://www.undp.org/sites/g/files/zskgke326/files/2025-01/undp-impactofwaronyouthinukraineen_v05.pdf'>www.undp.org/sites/g/files/zskgke326/files/2025-01/undp-impactofwaronyouthinukraineen_v05.pdf</a>..
15. Cet engagement civique s'est encore amplifié en 2025, lorsque Lviv a obtenu le titre de Capitale européenne de la jeunesse. La ville a accueilli de nombreux forums internationaux, échanges culturels et débats politiques qui ont réuni de jeunes leaders de toute l'Europe. Ces initiatives ont mis en évidence la manière dont la jeunesse ukrainienne contribue non seulement à la résilience nationale, mais aussi à la communauté démocratique européenne.
16. Les jeunes Ukrainiens participent également activement à la vie politique, notamment en favorisant l'adhésion de l'Ukraine à l'Union européenne et en encourageant les réformes, en particulier celles visant à renforcer l'État de droit et à mettre en place un système efficace de lutte contre la corruption.

3.2. Serbie: soulèvement des jeunes contre la corruption

17. Les manifestations étudiantes qui ont commencé en Serbie en novembre 2024 ont été déclenchées par une défaillance mortelle sur une infrastructure à Novi Sad, mais elles ont rapidement évolué pour accuser plus largement la corruption, l’autoritarisme et la décadence 
			(6) 
			Plus récemment, le
28 juin 2025, un grand rassemblement à Belgrade a donné lieu à des
dizaines d’arrestations et de blessé·es parmi les manifestant·es
et la police, <a href='https://apnews.com/article/serbia-protest-students-elections-vucic-5b3825302a59991c4ad4046c80e7ce45'>«Des
dizaines de manifestant·es arrêté·es lors d’affrontements avec la police
antiémeutes en Serbie»,</a>AP News.. Les manifestant·es, dont beaucoup d’étudiant·es et de jeunes professionnel·les, ont exigé des élections anticipées, des démissions ministérielles et des réformes structurelles visant à lutter contre la corruption.
18. En réponse, le gouvernement a intensifié la répression: arrestations, violences physiques, désinformation médiatique et stigmatisation des manifestant·es. Néanmoins, le mouvement a persisté et innové, en organisant des «écoles de la démocratie», des veillées silencieuses, des assemblées horizontales et des actes de protestation visant à demander des comptes aux institutions. Les manifestations ont rassemblé les générations et les catégories sociales, des retraité·es aux agriculteurs et agricultrices, créant ainsi l’une des plus grandes mobilisations citoyennes dans la région depuis plus d’une décennie 
			(7) 
			<a href='https://monitor.civicus.org/watchlist-march-2025/Serbia/'>«Serbia
Watchlist 2025», </a>Civicus Monitor..
19. En mars et en août 2025, les corapporteur·es de l’Assemblée pour le suivi de la Serbie ont également exprimé leur vive inquiétude face à l’escalade de la répression et ont appelé les autorités serbes à respecter le droit à la liberté de réunion pacifique et la liberté d’expression politique 
			(8) 
			<a href='https://pace.coe.int/fr/news/9806/pace-monitoring-co-rapporteurs-express-concern-about-the-escalation-of-tensions-in-serbia-'>«Des
rapporteurs de suivi de l’APCE expriment leur inquiétude face à
la montée des tensions en Serbie</a>»; «<a href='https://pace.coe.int/fr/news/9983/surge-of-clashes-in-serbia-pace-rapporteur-urges-all-sides-to-refrain-from-further-violence-and-to-engage-in-constructive-dialogue'>Recrudescence
des affrontements en Serbie: une rapporteure de l’APCE exhorte toutes
les parties à s'abstenir de nouvelles violences et à engager un
dialogue constructif».</a>. En avril 2025, quelque 80 étudiants et étudiantes serbes ont parcouru 1 400 km à vélo, de Novi Sad à Strasbourg, un voyage symbolique pour s’entretenir avec des représentant·es du Parlement européen et du Conseil de l’Europe et plaider en faveur de la responsabilité et des valeurs démocratiques. Une belle initiative 
			(9) 
			<a href='https://balkaninsight.com/2025/04/16/serbian-students-bring-protest-cause-to-strasbourg-after-bicycle-marathon/'>«Des
étudiants serbes protestent à Strasbourg après un marathon cycliste», </a>Balkan Insight..

3.3. Türkiye: le courage civique sous pression

20. En Türkiye, les jeunes militant·es continuent de résister au rétrécissement de l’espace démocratique. Les manifestations contre le contrôle des universités par le gouvernement, la suppression des groupes LGBTI+ et la dégradation de l’environnement font l’objet d’intimidations, de poursuites judiciaires et de violences physiques. Selon les organisations de défense des droits humains, les mouvements écologistes menés par des jeunes, les assemblées étudiantes et les campagnes de solidarité en ligne représentent de puissants contrepoids au contrôle exercé par le sommet 
			(10) 
			<a href='https://www.amnesty.org/en/documents/eur44/8876/2024/en/'>«Türkiye:
Stop the crackdown on peaceful dissent», Amnesty International</a>; <a href='https://www.hrw.org/news/2025/01/16/turkiye-regional-influence-shouldnt-eclipse-crackdown'>«Türkiye:
l'influence régionale ne doit pas éclipser la répression»,Human
Rights Watch</a>..
21. Malgré le risque, les jeunes continuent de s’exprimer. Ils organisent des séances de lecture de la Constitution sur les places publiques, établissent des centres de consultation juridique et mènent une résistance culturelle par le biais de l’art, de la musique et de médias indépendants. Tout récemment, le 6 août 2025, le Président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, Marc Cools, a fermement condamné l’arrestation en Türkiye du délégué jeune du Congrès, Enes Hocaoğulları, qui au cours de la session du Congrès en 2025 avait exercé sa liberté d’expression et dénoncé les tortures policières et les fouilles à corps lors des manifestations. M. Cools a demandé sa libération immédiate, soulignant la violation des droits démocratiques et exhortant les autorités turques à abandonner toutes les charges retenues contre lui 
			(11) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/congress/-/council-of-europe-congress-president-calls-for-the-immediate-release-of-the-congress-youth-delegate-arrested-in-t%C3%BCrkiye'>«Le
Président du Congrès du Conseil de l’Europe demande la libération
immédiate du délégué jeune du Congrès arrêté en Türkiye</a>», 6 août 2025..

3.4. Géorgie: rejet de la législation sur les agents étrangers

22. En Géorgie, une proposition de loi qualifiant les ONG et les médias d’«agents étrangers» a déclenché une mobilisation massive de la jeunesse. Les jeunes ont organisé des manifestations à grande échelle, occupé des institutions publiques et construit de solides réseaux numériques. Leur message était clair: la transparence ne peut reposer sur la répression 
			(12) 
			Freedom House, <a href='https://freedomhouse.org/country/georgia/freedom-world/2024'>Georgia
country report</a>, 2024;<a href='https://www.crisisgroup.org/europe-central-asia/caucasus/georgia/georgias-ruling-party-should-call-its-crackdown-dissent'> International
Crisis Group: Georgia’s Ruling Party Should Call Off Its Crackdown
on Dissent</a>.. Bien que la loi ait été adoptée dans une version modifiée, le mouvement a réussi à recadrer le discours civique et à faire de la jeunesse une force démocratique pro-européenne. Certain·es dirigeant·es du mouvement jouent désormais un rôle dans le débat politique au niveau national et international 
			(13) 
			<a href='https://www.opensocietyfoundations.org/explainers/the-troubling-march-of-foreign-agents-laws'>«The
Troubling March of ‘Foreign Agents’ Laws», Open Society Foundations</a>..

3.5. République slovaque: défense d'une démocratie tournée vers l'Europe

23. En décembre 2024, le voyage surprise du Premier ministre slovaque Robert Fico à Moscou pour rencontrer le criminel de guerre et président illégitime russe Vladimir Poutine, alors que la Russie menait une guerre totale contre l'Ukraine, a déclenché des manifestations nationales auxquelles ont participé de nombreux jeunes. Les rassemblements à Bratislava et dans d'autres villes se sont unis sous le slogan «La Slovaquie c’est l’Europe», signalant leur rejet d'un virage pro-Moscou et affirmant leur soutien à l'Union européenne (UE), à l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN) et à l'Ukraine. Les manifestations se sont poursuivies jusqu'en mai 2025 
			(14) 
			<a href='https://www.politico.eu/article/slovakia-protests-robert-fico-vladimir-putin-europe-russia/'>«Les
manifestations slovaques rassemblent 100 000 personnes dénonçant
la tendance pro-Poutine du gouvernement Fico», POLITICO</a>..

3.6. France, Italie, Malte, Royaume-Uni: la politique de la justice et de l’imagination

24. En France et en Italie, le militantisme des jeunes mêle préoccupations environnementales, sociales et démocratiques. En France, les simulacres de tribunaux du climat et les manifestations en faveur de la justice climatique mettent en évidence l’inaction du gouvernement. En Italie, des groupes de jeunes se réapproprient les espaces urbains, soutiennent les communautés précaires et mettent en avant des solutions économiques radicales, allant de la décroissance au revenu universel de base 
			(15) 
			<a href='https://www.fnh.org/?utm_source=google&utm_medium=cpc&utm_campaign=PERI_grants_eng_page-vue_dsa&utm_content=63074301528&utm_term=&gad_source=1&gad_campaignid=1489327120&gclid=Cj0KCQjwqqDFBhDhARIsAIHTlksjstKGzblufyVOb2nlHbcWlbcsij60-C4UFQiKbl7cjkYZzn3rDjYaAkdhEALw_wcB'>Accueil
– Fondation pour la Nature et l'Homme</a>; <a href='https://compass.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/soc4.70058'>«Local
Narratives, Global Connections: Modes of Action and Coordination
Among Italian Youth Activists» – Inguaggiato – 2025 – Sociology
Compass – Wiley Online Library</a>..
25. À Malte, les groupes de jeunes tels que Moviment Graffitti 
			(16) 
			<a href='https://movimentgraffitti.org/'>www.graffitti.mt.</a>, bien qu’intergénérationnels, se caractérisent par une forte participation des jeunes et ont été à l’avant-garde des campagnes contre la planification non durable et le surdéveloppement. Les manifestant·es ont réclamé des études d’impact sur l’environnement transparentes, la protection des terrains publics et une participation significative aux processus décisionnels.
26. Youth Demand, qui a vu le jour au Royaume-Uni, est un mouvement de jeunes militant·es connu pour ses tactiques perturbatrices, mais non violentes. Ancré dans l’action environnementale et politique, et lié au mouvement Just Stop Oil, il a mis en place des barrages routiers, peint des espaces publics à la bombe et organisé des actions spectaculaires pour exiger la fin des licences d’exploitation des combustibles fossiles et des échanges commerciaux avec Israël. En 2025, il a intensifié ses actions avec des manifestations éclatées et décentralisées («open swarming protests»), et a même organisé une «cérémonie de remise de prix» pour célébrer les militant·es arrêtés 
			(17) 
			<a href='https://www.thetimes.com/uk/crime/article/youth-demand-undercover-jrsqqq0rz?utm_'>«Undercover
at Youth Demand’s awards for arrested activists».</a>.
27. Ces mouvements font preuve de créativité et d’engagement politique et représentent non seulement des protestations, mais aussi des laboratoires politiques tournés vers l’avenir.

4. Thèmes et méthodes du militantisme démocratique des jeunes

28. Lutte contre la corruption: dans toute l’Europe, les jeunes dénoncent les systèmes d’impunité et de corruption. Ils utilisent des outils de transparence, le journalisme citoyen et la protestation pour exiger une gouvernance propre.
29. Justice environnementale et climatique: Fridays for Future et les mouvements apparentés ont évolué pour inclure des revendications intersectionnelles, c’est-à-dire portant à la fois sur l’environnement, l’équité et les droits. Les jeunes militant·es établissent un lien entre l’effondrement climatique d’une part, et l’irresponsabilité et l’inaction politiques d’autre part.
30. Justice socio-économique: le logement, l’éducation et l’emploi sont désormais au cœur des préoccupations. Les militant·es associent la précarité économique à l’exclusion démocratique et exigent des réformes structurelles.
31. Droits et libertés: les libertés d’expression, de réunion et d’association sont un enjeu central. L’éducation juridique, les campagnes de sensibilisation aux droits humains et les litiges stratégiques font partie des modes d’organisation de la jeunesse dans toute l’Europe.
32. Politique étrangère et politique mondiale: les jeunes se mobilisent et demandent à leurs gouvernements d’agir face aux crises de politique étrangère et aux crises politiques mondiales, tout récemment en ce qui concerne la situation humanitaire à Gaza.
33. Mobilisation numérique: les jeunes utilisent des messageries cryptées, des outils à code source ouvert et des retransmissions en direct pour coordonner les manifestations, éduquer leurs pairs et éviter la surveillance. Leur maîtrise du numérique est un atout démocratique 
			(18) 
			<a href='https://www.accessnow.org/a-pathway-forward-for-digital-rights/'>«Une
voie à suivre pour les droits numériques», Access Now</a>..
34. Intelligence artificielle (IA) centrée sur l’humain et revenu universel de base: dans toute l’Europe et au-delà, des mouvements menés par des jeunes défendent une technologie éthique et la dignité économique à l’ère du numérique. Des mouvements tels que Algorithmic Justice League et UNICEF’s Generation AI associent les jeunes à l’élaboration de la gouvernance de l’IA, en s’attaquant aux biais algorithmiques, à la surveillance et à l’exclusion. Les jeunes militant·es considèrent le revenu universel de base comme une réponse au creusement des inégalités, à la précarité de l’emploi et à l’automatisation. Ils ont joué un rôle visible dans la Marche pour le revenu de base en 2021 et ont participé aux campagnes menées par UBIE (Unconditional Basic Income Europe) en Europe 
			(19) 
			<a href='https://www.ubilabnetwork.org/ubi-labs'>www.ubilabnetwork.org/ubi-labs</a>;<a href='https://basicincome.org/news/author/youthscholars/'>https://basicincome.org/news/author/youthscholars/</a>; 
			(19) 
			<a href='https://www.teenvogue.com/story/basic-income-march-2021'>www.teenvogue.com/story/basic-income-march-2021</a>; <a href='https://www.ubie.org/news/'>https://www.ubie.org/news/</a>..

5. Tendances émergentes de l’engagement démocratique des jeunes

35. Comme indiqué ci-dessus, les mouvements de jeunes en Europe ne font pas que réagir aux crises immédiates; ils façonnent également de nouvelles formes de pratiques démocratiques. Ces mouvements expérimentent des idées, des outils et des valeurs qui diffèrent sensiblement de l’engagement politique traditionnel. Plusieurs tendances distinctes sont apparues, qui reflètent ce changement générationnel.
36. La solidarité transnationale est également devenue une caractéristique essentielle de la mobilisation des jeunes. En Serbie, par exemple, les mouvements se sont inspirés de la résistance menée par les jeunes en Géorgie. Les manuels de protestation, les supports visuels, les boîtes à outils numériques et les cadres stratégiques sont traduits et adaptés au-delà des frontières. Les réseaux sociaux, les applications de messagerie cryptées et les alliances informelles permettent aux jeunes d’apprendre les uns des autres en temps réel, créant ainsi une culture civique qui transcende les frontières nationales et les contraintes autoritaires.
37. La gouvernance horizontale est une autre caractéristique de ces mouvements. Rejetant les hiérarchies traditionnelles et les structures rigides, de nombreux collectifs de jeunes fonctionnent sur la base du consensus, du leadership partagé et de la responsabilité mutuelle. Ils ont recours à la facilitation tournante, aux assemblées ouvertes et à la répartition des rôles pour garantir l’inclusivité et remettre en question les modèles dominants de prise de décision qui marginalisent souvent les jeunes. Non seulement ces méthodes d’organisation reflètent leurs idéaux démocratiques, mais elles servent aussi d’outils pratiques pour la résilience et l’adaptabilité.
38. La construction d’infrastructures civiques est de plus en plus au cœur du militantisme des jeunes. Ces derniers ne se contentent pas seulement de s’opposer à des systèmes injustes, ils créent aussi activement d’autres solutions. Dans toute l’Europe, nous assistons à la naissance de plateformes médiatiques, de collectifs d’aide juridique, de réseaux de plaidoyer numérique et d’écoles de la démocratie dirigés par des jeunes. Ces espaces offrent une éducation politique, un soutien communautaire et des plateformes d’expression qui ne sont souvent pas disponibles dans les institutions publiques. Ils reflètent la détermination d’une génération à soutenir la culture démocratique à partir de la base.
39. La rupture narrative est également essentielle à la manière dont les jeunes s’engagent en politique. Ils remettent en question les cadres dominants et réinventent le langage du discours public. Des mots comme «résistance», «protestation» et «désordre» sont récupérés et redéfinis: la résistance devient une forme de prise en charge de la société; la protestation devient protection des droits; et ce que les autorités pourraient qualifier de désordre, les mouvements de jeunes l’interprètent comme la responsabilité en action. Par le récit, l’humour, l’art et l’action symbolique, ils façonnent de nouvelles conceptions de la participation à la démocratie 
			(20) 
			Forum européen de la
jeunesse, Youth and Democracy Report (2023);
Tufekci, Z., Twitter and Tear Gas (2017)..
40. Enfin, la résilience et la joie traversent ces mouvements comme des actes de défi et d’espoir. Face à la répression, à la marginalisation ou à l’indifférence, les jeunes imprègnent leur militantisme d’art, de créativité, de musique, d’humour et d’un fort sentiment d’appartenance à la communauté. Il ne s’agit pas de gestes superficiels, mais de véritables stratégies politiques qui soutiennent le moral, attirent une plus grande participation et reflètent un engagement profond en faveur de la dignité humaine. Grâce à la joie collective et à l’expression culturelle, les mouvements de jeunes se réapproprient l’espace public en tant que lieu d’appartenance, de vie en communauté et de transformation 
			(21) 
			Forum européen de la
jeunesse, Youth Civic Engagement Report (2023);
CIVICUS, Youth Civic Infrastructure (2023)..
41. Ensemble, ces tendances révèlent une reconfiguration de l’engagement démocratique. Les jeunes ne demandent pas simplement à être intégrés dans les systèmes existants, ils inventent de nouvelles façons d’imaginer et de pratiquer la démocratie qui méritent reconnaissance, protection et soutien.

6. Obstacles à la participation

42. La participation des jeunes aux mouvements démocratiques et sociaux se heurte souvent à des obstacles importants qui limitent leur capacité à s’engager pleinement et efficacement. Ces obstacles prennent de nombreuses formes, allant des difficultés juridiques et économiques aux contraintes numériques et institutionnelles, en passant par les stéréotypes sociaux omniprésents.
43. Les poursuites judiciaires constituent un obstacle majeur. Dans de nombreux États membres du Conseil de l’Europe, la criminalisation des manifestations est devenue une tactique de plus en plus courante pour réprimer la dissidence, en particulier lorsque des jeunes y participent. Les lois qui définissent ou restreignent de manière générale les rassemblements pacifiques, ainsi que les arrestations ciblées de jeunes militant·es, envoient un message effrayant qui décourage la participation. Les lois punitives, telles que celles imposant de lourdes amendes ou des peines de prison pour l’organisation de manifestations ou la participation à ce type d’événements, dissuadent encore davantage les jeunes d’exercer leurs droits démocratiques. Cette répression légale ne limite pas seulement la participation immédiate, mais peut avoir des conséquences à long terme, notamment des casiers judiciaires qui compromettent les possibilités d’avenir 
			(22) 
			<a href='https://www.hrw.org/fr/news/2025/03/10/lavenir-democratique-de-leurope-depend-des-droits-humains'>«L'avenir
démocratique de l'Europe dépend des droits humains», Human Rights
Watch</a>..
44. L’exclusion économique contribue aussi dans une large mesure à entraver la participation des jeunes. La hausse du coût du logement, le chômage généralisé ou les conditions de travail précaires, ainsi que le poids des frais de scolarité élevés sont autant de défis quotidiens à relever pour survivre, qui empêchent de nombreux jeunes d’avoir suffisamment de temps, d’énergie ou de ressources pour s’engager dans la vie civique. Lorsque les besoins fondamentaux tels qu’un logement stable et la sécurité financière ne sont pas satisfaits, la participation à des mouvements sociaux ou à des processus politiques peut sembler un luxe plutôt qu’une priorité. Les difficultés économiques touchent de manière disproportionnée certains groupes de jeunes, aggravant les inégalités et limitant encore davantage les possibilités de participation 
			(23) 
			Forum
européen de la jeunesse, «Barriers to Youth Participation» (2023)..
45. La répression numérique est un obstacle plus récent, mais de plus en plus répandu, à l’ère du numérique. Si les plateformes en ligne ont ouvert de nouveaux espaces pour la mobilisation et l’expression des jeunes, ces espaces sont en même temps soumis à la surveillance des autorités de l’État, qui contrôlent les activités numériques des militant·es. Les campagnes de désinformation cherchent à jeter le trouble et à saper les mouvements menés par des jeunes, en érodant la confiance et en semant la division. En outre, la censure des plateformes — qu’elle soit le fait d’algorithmes automatisés ou de pressions gouvernementales — peut entraîner le retrait ou la suppression de contenus qui remettent en cause les structures de pouvoir établies. Ces contrôles numériques limitent la capacité des jeunes à s’organiser, à partager des informations et à atteindre un public plus large, ce qui réduit effectivement leur influence.
46. Le verrouillage institutionnel se manifeste sous la forme de mécanismes de participation superficiels ou symboliques. Bien que certaines institutions invitent les jeunes à participer à des consultations ou à assurer la fonction de conseillers, ces possibilités sont souvent dépourvues d’un véritable pouvoir décisionnel. Cette approche qui consiste à «cocher des cases» affaiblit la capacité d’agir des jeunes et engendre la frustration, dans la mesure où leurs contributions sont ignorées ou écartées au profit du maintien du statu quo. Pour participer réellement, il ne suffit pas de pouvoir le faire, il faut aussi avoir les moyens d’agir, afin d’exercer une influence réelle sur les politiques et les pratiques 
			(24) 
			Idem.. C’est pourquoi j’ai demandé une contribution écrite du Comité Consultatif sur la jeunesse (voir paragraphe 8 plus haut) afin que la voix et les recommandations des jeunes figurent dans mon rapport.
47. Enfin, les stéréotypes restent un obstacle social omniprésent. Dans les médias et le discours politique, les jeunes sont souvent présentés comme naïfs, trop radicaux ou facilement manipulables par des forces extérieures. Ces représentations diminuent la légitimité des mouvements de jeunes et dissuadent l’opinion publique de les soutenir plus largement. Ces stéréotypes marginalisent les jeunes militant·es, créant une stigmatisation sociale et réduisant leur crédibilité en tant qu’acteurs sérieux des processus démocratiques. Ils découragent également les jeunes eux-mêmes de participer, car ils s’attendent à être rejetés ou incompris 
			(25) 
			Forum européen de la
jeunesse, «Youth and Democracy Report», 2023..
48. Ensemble, ces obstacles créent un environnement complexe dans lequel la participation des jeunes est limitée à de multiples niveaux. Pour y remédier, il faut déployer des efforts globaux et coordonnés afin de réformer les cadres juridiques, de réduire les disparités économiques, de protéger les libertés numériques, de garantir une véritable inclusion institutionnelle et de lutter contre les stéréotypes préjudiciables. Ce n’est que dans ces conditions que le plein potentiel de la participation des jeunes à la démocratie et à la société pourra être réalisé.

7. Rôle du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales

49. Le Conseil de l’Europe peut s’appuyer sur plus de 50 ans d’expérience et de réalisations dans le secteur de la jeunesse et dans la promotion de la participation des jeunes, ce qui a permis de renforcer le rôle des jeunes dans la défense de la démocratie, des droits humains et de l’État de droit. Grâce à des mécanismes tels que le système de cogestion 
			(26) 
			 Le système de cogestion
est un modèle pionnier de démocratie participative dans lequel les
jeunes et les représentant·es gouvernementaux décident ensemble
des priorités, des programmes et des budgets de la politique de jeunesse
sur un pied d’égalité. Ce système est incarné par le <a href='https://www.coe.int/fr/web/youth/cdej'>Comité
directeur européen pour la jeunesse (CDEJ)</a> et le <a href='https://www.coe.int/fr/web/youth/advisory-council-on-youth'>Conseil
consultatif sur la jeunesse (CCJ)</a>, qui travaillent ensemble au sein du Conseil mixte sur
la jeunesse (CMJ)., les Centres européens de la jeunesse 
			(27) 
			 <a href='https://www.coe.int/fr/web/youth/mission-and-mandate'>Les
Centres européens de la jeunesse</a> à Strasbourg et Budapest sont des espaces créés conjointement
pour la citoyenneté démocratique. Chaque année, plus de 10 000 animateurs
et animatrices de jeunesse participent à plus de 200 activités multilatérales,
qui encouragent le dialogue, développent les compétences et favorisent
la solidarité. et le Fonds Européen pour la Jeunesse 
			(28) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/european-youth-foundation/'>Le
Fonds Européen pour la Jeunesse (FEJ)</a> apporte un soutien financier à des projets internationaux
menés par des jeunes qui promeuvent les droits humains, les valeurs
démocratiques et la participation des jeunes., le Conseil de l’Europe a toujours contribué à une participation significative des jeunes en donnant aux associations de jeunesse les moyens d’agir, en promouvant l’accès aux droits, et en encourageant la participation active des jeunes dans toute l’Europe 
			(29) 
			Publications pertinentes
du Partenariat pour la jeunesse UE-Conseil de l’Europe: 
			(29) 
			<a href='https://pjp-eu.coe.int/documents/42128013/47261953/PREMS+149821+GBR+2600+Study+on+Youth+political+participation+WEB+16x24+%281%29.pdf/d2ecb223-edda-a9d2-30f7-c77692a086bd'>«Meaningful
Youth Political Participation in Europe: Concepts, Patterns, and
Policy Implications»</a>, 2022. 
			(29) 
			<a href='https://pjp-eu.coe.int/documents/42128013/105305579/085521+Insights+into+YPP_web.pdf/2b0876d8-d0fb-158e-7a72-1f5c2430435f'>«Insights
into Meaningful Youth Political Participation in Europe'</a>, 2021 présente des perspectives complémentaires sur
les mouvements menés par des jeunes. 
			(29) 
			<a href='https://pjp-eu.coe.int/documents/42128013/47261800/Gorman-J.-%282021%29-Disobedient-Youth-Lessons-from-the-Climate-Strikes.pdf/b1ec729d-ee2f-1e5d-9de3-a22b68e61bb8?t=1622128495000'>«Disobedient
Youth: Lessons from the Youth Climate Strike Movement»</a>, 2021 et la <a href='https://youtu.be/SNYq6FslpRA?feature=shared'>vidéo d’animation</a> qui l’accompagne explorent le militantisme climatique
en tant que mouvement organisé de manière informelle, axé sur des questions
précises, et largement dirigé par de jeunes femmes. 
			(29) 
			«<a href='https://pjp-eu.coe.int/documents/42128013/47261623/YKB+29_130123_Youth+political+participation_ENG.pdf/457d9888-5c21-87fa-cc45-ee0191edbbba?t=1701791020211'>Youth
Knowledge Book #29 – Youth political participation»</a> comporte plusieurs chapitres sur la participation des jeunes
à la politique et met l’accent sur l’action climatique menée par
les jeunes..
50. Lors du 4e Sommet des chefs d’État et de gouvernement à Reykjavik en mai 2023, les dirigeant·es européens ont réaffirmé l’importance d’inclure les jeunes dans les processus intergouvernementaux. La Déclaration de Reykjavik souligne que la participation des jeunes est une pierre angulaire de sociétés démocratiques inclusives, de politiques publiques efficaces et de la résilience démocratique 
			(30) 
			Recommandations
pertinentes du Comité des Ministres: 
			(30) 
			<a href='https://rm.coe.int/0900001680a5e7f4'>Recommandation CM/Rec(2022)6
du Comité des Ministres aux États membres sur la protection de la
société civile de la jeunesse et des jeunes, et le soutien à leur
participation aux processus démocratiques</a>. 
			(30) 
			<a href='https://rm.coe.int/cmrec-2023-4-roma-youth-participation-english-pdf/1680ae5e0b'>Recommandation
CM/Rec(2023)4 du Comité des Ministres aux États membres sur la participation
de la jeunesse rom</a>. 
			(30) 
			<a href='https://rm.coe.int/cm-rec-2024-6-young-people-and-climate-action/1680b21a0f'>Recommandation CM/Rec(2024)6
du Comité des Ministres aux États membres sur les jeunes et l’action
climatique</a>. 
			(30) 
			<a href='https://rm.coe.int/cm-rec-2025-3-rural-youth-french/1680b607ca'>Recommandation CM/Rec(2025)3
du Comité des Ministres aux États membres sur la participation sociale, économique
et politique des jeunes ruraux</a>.. En juin 2022, à l’occasion de la Semaine d’action de la jeunesse: «Démocratie maintenant!», de jeunes militant·es et des animateurs et animatrices de jeunesse ont défini 50 actions prioritaires 
			(31) 
			<a href='https://rm.coe.int/call-for-action-fr-web/1680a91bb4'>Démocratie
maintenant! Appel à l’action.</a>.
51. La Charte européenne sur la participation des jeunes à la vie locale et régionale, récemment révisée, devrait être adoptée par le Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux en octobre 2025. Elle souligne le rôle vital d’une participation significative des jeunes, et exhorte les collectivités locales et les conseils municipaux à faire entendre la voix des jeunes 
			(32) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/congress/youth'>Participation
des jeunes – Congrès des pouvoirs locaux et régionaux</a>..
52. L’étude élaborée en 2021 par le Partenariat pour la jeunesse UE-Conseil de l’Europe intitulée «Meaningful Youth Political Participation in Europe: Concepts, Patterns, and Policy Implications » (Participation politique significative des jeunes en Europe: concepts, modèles et incidences sur l’élaboration des politiques) appelle à reconnaître et à soutenir les formes conventionnelles et non conventionnelles de participation des jeunes. Elle indique que le soutien de ces mouvements nécessite une action coordonnée de la part de plusieurs parties prenantes, à savoir:
  • les institutions publiques, qui devraient renforcer les structures participatives, soutenir les processus délibératifs au sein des conseils de jeunes et des organes consultatifs, et concevoir des espaces politiques en collaboration avec les jeunes. Le cadre de référence du Conseil de l’Europe pour une perspective jeunesse, qui devrait être adopté en octobre 2025 par les ministres responsables de la jeunesse en Europe, fournira des orientations précieuses à cet égard;
  • les organisations internationales, les ONG, les militant·es plus âgés et les autres parties prenantes, qui peuvent donner des conseils, ou encore apporter une légitimité et des ressources pour soutenir les initiatives menées par des jeunes;
  • les responsables politiques, qui doivent adopter une approche globale, et reconnaître que les jeunes s’engagent dans la politique de manière diverse et évolutive. L’engagement institutionnel doit aller au-delà des modèles parlementaires traditionnels et offrir de multiples points d’entrée qui correspondent aux différentes capacités et expériences d’engagement civique des jeunes.
53. L’étude invite également les pouvoirs publics à défendre et à soutenir activement ces autres voies, en veillant à ce que la protestation, la désobéissance civile et les formes non traditionnelles de militantisme soient respectées et protégées en tant qu’expressions vitales d’une démocratie dynamique.
54. La 10e Conférence des ministres responsables de la jeunesse, qui se tiendra à Malte en octobre 2025, devrait réaffirmer les engagements en faveur de la participation des jeunes et promouvoir l’élaboration de politiques avec, par et pour les jeunes.
55. Pour sa part, l’Assemblée doit veiller à ce que ses mécanismes réagissent rapidement aux violations des droits humains des jeunes, soutiennent les initiatives locales dans les contextes répressifs et défendent l’espace civique dans les processus d’adhésion et de suivi. Le nouveau mécanisme de participation des jeunes de l’Assemblée et la création de rapporteur·es pour la jeunesse, prévus par la Résolution 2553 (2024), constituent une étape cruciale en ce sens.
56. En ce qui concerne l’action complémentaire des principales organisations internationales, il convient de noter que la Commission européenne et le Parlement européen soutiennent l’engagement des jeunes grâce à Erasmus+, à la Stratégie européenne pour la jeunesse et au Fonds pour la société civile. Les mécanismes de conditionnalité devraient intégrer les libertés civiques des jeunes dans les négociations d’adhésion 
			(33) 
			<a href='https://youth.europa.eu/strategy_en'>Stratégie
de l’UE en faveur de la jeunesse | Portail européen de la jeunesse</a>..
57. Jeunesse 2030, la stratégie des Nations Unies pour la jeunesse, fournit un cadre mondial. Cependant, sa mise en œuvre en Europe nécessite un meilleur financement et une plus grande visibilité 
			(34) 
			Nations Unies, <a href='https://www.unyouth2030.com/about'>Youth2030
Strategy.</a>. Les missions électorales du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH) font de plus en plus appel à de jeunes observateurs et observatrices. Cette pratique devrait être étendue et diversifiée 
			(35) 
			OSCE/BIDDH, <a href='https://www.osce.org/fr/youth'>Jeunesse</a>..

8. Conclusions et recommandations

58. Dans toute l’Europe, les jeunes ne sont pas seulement des participants à la démocratie, ils en sont les défenseurs les plus actifs et les bâtisseurs les plus imaginatifs. Face au recul de la démocratie, à la polarisation et à l’inertie institutionnelle, les mouvements de jeunes apportent une vision inclusive de la justice, des droits et de la participation. Leurs actions montrent que la démocratie doit être vécue, contestée et renouvelée par chaque génération.
59. Les gouvernements et les institutions doivent veiller à ce que ce courage suscite la reconnaissance, le soutien et des réformes structurelles, et non la répression ou l’indifférence. Le Conseil de l’Europe et ses États membres devraient apprendre de ces mouvements, les protéger, les financer, et les reconnaître comme des modèles de démocratie dans un environnement de plus en plus fragile.
60. L’Assemblée devrait affirmer que les jeunes sont des acteurs essentiels de la défense et du renouveau de la démocratie, et appeler les États membres, l’Union européenne et les parties prenantes internationales concernées à protéger et à promouvoir l’engagement civique des jeunes en tant que pierre angulaire de la résilience démocratique et, à cette fin:
  • protéger les droits humains et les libertés des jeunes, en garantissant le droit à la liberté de réunion pacifique et la liberté d’association, en éliminant les obstacles disproportionnés aux manifestations organisées par les jeunes, en abrogeant les lois qui restreignent injustement les manifestations pacifiques et en mettant fin aux arrestations de jeunes militant·es pour des motifs politiques, tout en garantissant l’accès à l’aide juridique et aux voies de recours judiciaires;
  • adopter une «perspective jeunesse» stratégique dans l’élaboration des politiques et la prise de décision afin de garantir que les expériences, besoins et intérêts des jeunes soient systématiquement pris en compte, renforçant ainsi l’impact et la légitimité des processus et des politiques;
  • institutionnaliser la participation des jeunes, en garantissant une représentation significative des jeunes dans les organes élus et les structures consultatives, grâce à des mécanismes durables, inclusifs et participatifs destinés aux jeunes, en abaissant l’âge de la majorité électorale à 16 ans dans tous les États membres, en établissant des listes électorales qui rassemblent différentes tranches d’âge et en instaurant des quotas de jeunes afin de promouvoir la solidarité intergénérationnelle;
  • soutenir les initiatives menées par des jeunes et les infrastructures civiques, en allouant des fonds dédiés à des espaces sûrs et inclusifs, à des plateformes en ligne indépendantes et à des centres de consultation juridique, et en promouvant les médias dirigés par des jeunes et l’éducation démocratique et civique, conformément à la Charte sur l’éducation à la citoyenneté démocratique et l’éducation aux droits de l’homme et au Cadre de référence des compétences pour une culture de la démocratie du Conseil de l’Europe;
  • s’attaquer aux obstacles structurels, en luttant contre la précarité socio-économique grâce à des politiques de logement, d’emploi et d’éducation adaptées aux jeunes, en promouvant l’accès à des médias libres et pluralistes, et en soutenant la coopération transfrontalière et la diplomatie entre jeunes;
  • renforcer la coopération internationale, en encourageant l’UE à intégrer des critères d’évaluation de l’espace civique pour les jeunes dans les processus d’élargissement et les cadres de financement, en assurant la coordination avec les Nations Unies, l’OSCE et d’autres organisations afin de suivre et de protéger les droits humains des jeunes, et en associant les jeunes de la diaspora et les jeunes réfugiés aux stratégies de participation à la démocratie.
61. Pour sa part, l’Assemblée devrait montrer l’exemple, en renforçant la participation des jeunes à ses travaux, notamment grâce aux rapporteur·es pour la jeunesse, au dialogue régulier avec les organisations dirigées par des jeunes et aux contributions structurées du Conseil consultatif sur la jeunesse. Elle devrait intégrer les perspectives des jeunes dans toutes les commissions, placer la question de l’espace civique des jeunes au rang des préoccupations démocratiques permanentes et surveiller de toute urgence les restrictions des droits humains des jeunes.
62. En écoutant les jeunes, en les soutenant et en agissant à leurs côtés, l’Assemblée peut contribuer à ce que le renouveau démocratique en Europe soit à la fois possible et inévitable.

Annexe – Avis divergent présenté par Mme Zeynep Yildiz (Türkiye, NI), membre de la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias, conformément à l'article 50.4 du Règlement

(open)

1. La liberté d'expression et l'engagement civique des jeunes sont des piliers fondamentaux de la protection et la promotion de la démocratie, des droits de l'homme et de l'État de droit. Bien que l'accent mis par l'Assemblée sur le courage civique et l'activisme des jeunes soit pleinement reconnu et apprécié, je me sens obligée d'exprimer des réserves concernant la description de la Türkiye dans les paragraphes 20 et 21 du rapport. Le rapport, dans sa version actuelle, ne reflète pas de manière adéquate les politiques, les cadres juridiques et les mécanismes institutionnels de soutien à l'engagement des jeunes en Türkiye. De telles évaluations pourraient donner une impression incomplète et affecter involontairement l'équilibre perçu du travail de la commission et les efforts approfondis du rapporteur.

2. La Türkiye place depuis longtemps les jeunes au cœur de son programme national, reconnaissant les jeunes citoyens comme des partenaires actifs dans la construction de la démocratie et contribuant au développement social, culturel et politique du pays. La Constitution turque garantit les droits à la liberté d'expression, de réunion pacifique et d'association, et ces droits sont respectés au sein d'une société civile dynamique qui comprend des mouvements étudiants actifs, des organisations de jeunesse et des forums publics de débat. Afin de favoriser une participation significative des jeunes, la Türkiye a institutionnalisé des mécanismes tels que les parlements des jeunes au sein de la Grande Assemblée nationale, les conseils locaux de jeunesse dans les municipalités et la Plateforme nationale du volontariat, qui mobilise des milliers de jeunes pour des initiatives civiques, sociales, environnementales et humanitaires. Ces initiatives démontrent que l'activisme et le courage civique des jeunes sont encouragés et reconnus, et non réprimés.

3. Le rapport fait état de cas isolés d'arrestations et de poursuites judiciaires impliquant des jeunes militants, ce qui peut naturellement susciter des questions ou des inquiétudes. Il est toutefois important de replacer ces incidents dans le contexte plus large du cadre juridique et constitutionnel de la Türkiye, qui vise à trouver un équilibre entre la protection des libertés civiles et le maintien de l'ordre public, de la sécurité et de l'État de droit. Tirer des conclusions générales à partir de cas individuels risque de simplifier à l'excès les réalités nuancées de l'engagement des jeunes en Türkiye. Une évaluation prudente et mesurée, fondée sur le dialogue avec les autorités nationales et une compréhension approfondie du contexte juridique et institutionnel, est essentielle pour garantir une représentation juste, équilibrée et précise de l'espace civique en Türkiye et un environnement propice à la participation des jeunes.

4. En conclusion, la Türkiye reste pleinement engagée à renforcer la participation des jeunes à la vie démocratique, à encourager la responsabilité civique et à soutenir les initiatives qui favorisent la cohésion sociale, la sensibilisation à l'environnement et l'engagement social, politique et culturel. Je soumets respectueusement cette opinion dissidente, en exhortant l'Assemblée à prendre en considération ces réalités institutionnelles et ces cadres politiques plus larges dans son évaluation, et à adopter une approche mesurée et contextualisée qui reflète fidèlement l'état de l'engagement civique des jeunes en Türkiye.